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géopolitique - Page 830

  • Le triangle Iran Argentine Israël

    Les élections iraniennes viennent de se dérouler, et de témoigner de la calme détermination des Iraniens à rester maîtres chez eux. Ni turbulences symptomatiques de nervosité au sommet de l'État, ni abstentionnisme massif signifiant la perte de légitimité du système, ni votes hystériques: juste une alternance bien élevée, comme cela se pratique en Occident. La qualité de ce vote ressort particulièrement sur le fond que constitue la volonté bien réelle d'Israël de déstabiliser et de dévitaliser durablement l'Iran.

    M Fabius veut faire payer les Français, en morts et en sacrifices matériels, pour s'offrir le plaisir d'envahir et de démembrer la Syrie, avant d'en faire autant en Iran; il y a deux semaines, il a essayé de faire classer la branche militaire du Hezbollah dans les organisations terroristes, en dépit de l'avis de plusieurs diplomaties européennes.

    En fait, c'est depuis la victoire de la révolution khomeyniste, qu'Israël se démène pour faire accuser l'Iran de terrorisme d'État, sans parvenir à dépasser le stade de l'imprécation médiatisée. Nouvel épisode ficelé par les services français de propagande israélienne, le 29 mai dernier, plusieurs jours avant que l'info soit reprise par d'autres, RFI avait annoncé que le procureur argentin Alberto Nissman avait découvert un réseau monté par le Hezbollah pour commettre des attentats et couvrant toute l'Amérique latine. Bien entendu, Cuba s'en est trouvée aussitôt accusée de complicité de terrorisme.(1) Il s'agissait simplement d'amplifier la presse israélienne (2) et argentine(3) , qui prennent la chose très au sérieux, quoique cette accusation contre le Hezbollah soit éculée, et soit reprise régulièrement depuis plus de dix ans dans les mêmes media. Un nouveau coup de couteau dans l'eau, pour Israël et pour la bande à Fabius?

    L'exception argentine

    En fait, les media argentins qui ont prêté un grand sérieux à la déclaration creuse du procureur Nissman livrent une bataille sur tous les fronts contre la présidente argentine Cristina Fernandez, laquelle tente de mener à bien des réformes sociales, économiques, et de limiter la nuisance de ces mêmes media hégémoniques, tout en pratiquant une ouverture diplomatique sans précédent en direction de l'Amérique latine. Ce faisant, elle emprunte de façon décidée la voie ouverte par le président Chavez, et elle est au coude à coude avec le président Correa, avec un projet d'envergure, ce qui lui vaut un acharnement médiatique tout à fait comparable à celui qu'a subi Chavez. La reprise en main des richesses nationales, l'alliance sur ces bases-là avec les autres pays d'Amérique latine, le renforcement de l'axe du BRIC contre celui de l'OTAN, voilà les enjeux réels. Il s'agira ici d'évoquer le rôle de pivot de l'Argentine, dans la grande confrontation Israël Iran, où chaque autre pays a un rôle par procuration.

    La campagne d'intoxication contre le Hezbollah, avec extension au continent latinoaméricain, relancée par Israël ces jours-ci est bien sûr une réponse à l'offensive du Hezbollah en Syrie, et à celle du président Bachar el Assad. Mais elle se heurte à plusieurs obstacles en Argentine.

    Cristina Fernandez a pour ministre des Affaires étrangères Hector Timmerman, fils du célèbre Jacobo Timmerman connu pour avoir été sauvé par une campagne internationale des geôles du général Videla, expulsé en Israël, devenu ensuite extrêmement critique du terrorisme israélien, et frère de Daniel Timmerman, israélien et néanmoins objecteur de conscience. Et le Timmerman actuellement ministre de Cristina Fernandez a déjà déclaré publiquement que Tel Aviv n'a pas à donner d'ordres au gouvernement argentin (4) .
    L'Argentine et l'Iran ont bouclé au mois de mai un accord historique de coopération. Il s'agit de reprendre l'enquête embourbée depuis bientôt vingt ans sur l'attentat de 1994, contre le centre mutualiste AMIA (5), qu'Israël impute à l'Iran. Voilà ce qui fait enrager toute la zionolande. En toute logique sioniste, le gouvernement argentin -Timmerman Jr. inclus - est donc accusé de complicité avec l'Iran, cet "État terroriste qui nie la Shoah". C'est l'anathème censé clouer le bec à chacun.

    Parmi les coups de bluff successifs d'Israël concernant cet attentat, il faut rappeler le déclenchement de poursuites internationales - par proxy argentin - contre 8 Iraniens, dont l'ancien président Rafjansdani, Mm. Mohsen Rezai et Ali Akbar Velayati , tous deux candidats à la présidence pour les élections du 17 juin 2013, l'ancien ambassadeur d'Iran et son conseiller culturel, Mm Baharvand Rabbani, et M. Soleimanpour, autre ancien ambassadeur en Argentine. Ce dernier fut effectivement arrêté par Interpol à Londres en 2006, mais la justice britannique le relâcha, parce que le dossier d'accusation transmis par le procureur argentin était ... vide. Pour cet ordre de détention arbitraire, l'Argentine dut verser une indemnisation colossale, et payer tous les frais.

    Ce que même les Argentins ignorent généralement, c'est que l'Argentine a toujours été le principal partenaire commercial de l'Iran en Amérique latine, et de loin. Depuis l'époque du shah, et ce, avec les encouragements des USA et d'Israël au départ. L'Argentine a fourni à l'Iran technologie, matière premières et conseillers dans le domaine nucléaire, outre du blé, de la viande et des armes.

    De l'usage israélien du terrorisme

    L'attentat de 2012 en Bulgarie, contre un autobus de touristes israéliens, a été immédiatement imputé au Hezbollah par Israël. Mais en quelques semaines, il s'est avéré que c'était impossible. Le gouvernement bulgare a refusé de se prêter à l'opération de propagande israélienne, une réaction rapide, saine, et rare (6). Cet attentat s'inscrit probablement dans la liste des attentats sous faux-drapeau dont Israël est spécialiste. Or c'est à Buenos Aires qu'avait eu lieu le premier du genre : un attentat contre l'ambassade d'Israël, faisant une vingtaine de morts, en 1992. Après cela, le président Menem, en fonction à l'époque, qui, malgré ses origines et sa famille syriennes, avait choisi de faire son premier voyage officiel à Tel Aviv, ne modifia en rien ses relations avec l'Iran, au grand dam d'Israël, qui avait accusé aussitôt l'Iran de cet attentat "antisémite". Bizarrement, lorsqu'il s'avéra que les enquêteurs israéliens mentaient comme des arracheurs de dents sur le terrain, Israël renonça à toute exigence ou poursuite, et il n'y eut plus de suite judiciaire du tout au sujet de cet attentat trop étrange (voiture piégée inexistante, explosifs placés à l'intérieur de l'ambassade, multiples tentatives israéliennes pour introduire de fausses preuves sur les lieux, etc) !

    En 1994, rebelote, le deuxième attentat "antisémite" secouait Buenos Aires; AMIA est une institution culturelle et mutualiste argentine, fleuron de l'intégration juive en Argentine. Comme dans le cas précédent, les victimes (80 au moins) en furent des employés modestes et de nombreux non juifs, mais aucun dirigeant juif. Comme dans le cas précédent, la commission d'enquête israélienne fit effectivement répandre par les media la certitude qu'il y avait eu une camionnette piégée conduite par un militant suicidaire du Hezbollah. Mais le juge qui suivit aveuglément cette piste fut quelques années plus tard destitué, parce qu'il payait (sur ordre, avec des sommes provenant d'Israël) un voleur de voitures inculpé dont on espérait qu'il validerait la thèse de la camionnette piégée. Un autre inculpé, syrien d'origine, s'avéra aussi innocent que le premier, et la piste syrienne ne fut jamais sérieusement envisagée. L'expertise de Renault confirma qu'il n'y avait pas eu de camionnette piégée, et le kamikaze supposé fut ... abattu par les Israéliens au Liban l'année suivante.

    Le procureur Nissman, qui prend régulièrement et de façon officielle ses ordres auprès du Jewish Committee de Washington (7), base depuis des années ses accusations contre les dirigeants iraniens sur les dires d'un Iranien opposant au gouvernement, membre des Moudjahiddine du peuple, organisation reconnue comme terroriste même par les USA, et dont les déclarations sont aussi infondées qu'absurdes : il aurait reçu les aveux de certains des inculpés, hauts dignitaires du régime iranien !

    En tout état de cause, on voit mal selon quelle logique l'Iran organiserait des attentats dans le pays avec qui il a les échanges commerciaux les plus dynamiques, depuis les années 1960. Le président Menem, qui n'avait jusque là guère écouté les vociférations israéliennes, avait capitulé, et, à la suite de l'attentat de 1994, il avait mis fin au partenariat dans le domaine du nucléaire. Depuis, l'enquête avait continué de s'enliser, de scandales en irrégularités diverses.

    Le virage diplomatique argentin

    Brusquement, donc, et contrairement à tout pronostic, le gouvernement argentin a provoqué la fureur d'Israël en proposant au gouvernement iranien de créer une commission d'enquête mixte, à laquelle participeraient 5 autres États agréés par les deux parties. C'était en février 2013. Le projet a été validé par le Congrès argentin, malgré le courroux du représentant argentin des intérêts israéliens, qui menaça publiquement la présidente d'un "troisième attentat", à quoi Cristina répondit: "Ah bon, et comment le savez-vous?"(8). Puis le projet de commission a également été validé par le gouvernement iranien. Quelques mois plus tard, de nombreux journalistes juifs argentins prennent ouvertement position contre les ingérences israéliennes dans la politique argentine, et critiquent férocement le procureur Nissman(9).

    En quoi consistent les intérêts israéliens en Argentine? Les terres de la Patagonie, fertile et vide, sont depuis longtemps convoitées et méthodiquement achetées par des citoyens israéliens, qui y plantent fièrement le drapeau israélien à l'occasion, et les hôteliers font dans ces contrées leur réclame en hébreu, tout simplement. Banques, organes politiques, culturels et media, comme partout, sont on ne peut plus liés aux intérêts israéliens, d'autant plus que ce pays tempéré, naturellement riche, et insuffisamment peuplé peut constituer une zone de repli massif en cas de nécessité. Le dernier scandale est celui de la concession à la société israélienne Mekorot de la distribution de l'eau dans la capitale, par le gouverneur de la province de Buenos Aires, ennemi juré de la présidente. Les antisionistes s'en sont émus, tous les traités signés par l'Argentine stipulant qu'on ne signe pas avec les pays qui bafouent les droits de l'homme, qui pratiquent la torture, etc.(10) L'extrême sud, avec ses glaciers, constitue la grande réserve naturelle d'eau que les Israéliens entendent bien contrôler.

    Traditionnellement, l'Argentine considère la Grande Bretagne comme le pays impérialiste qui la menace directement. Cristina Fernandez a relancé les discussions afin de faire reconnaître la souveraineté argentine sur les îles Malouines (Falkland), dans le sillage de la guerre de 1982.(11) L'enjeu est énorme: ce sont les immenses réserves en matières premières diverses dans les eaux territoriales argentines que l'OTAN veut garder sous son contrôle. Tous les gouvernements latino-américains soucieux de multipolarité, ainsi que leurs alliés, pays du BRIC et autres, suivent attentivement le dossier, qui ne concerne pas seulement les extrême gauches locales, ni les nationalistes utopiques habituellement appelés néo-nazis. Il s'agit de rouvrir un nouveau front dans la guerre anti-impérialiste(12).

    Israël, avec M. Fabius, renforce ses opérations de propagande sur fond d'élections: présidentielles à Caracas en mai, à Téhéran en juin, législatives à Buenos Aires en octobre, présidentielles à Damas en 2014. Les campagnes mensongères autour de l'élection du président Maduro au Venezuela ont donné le ton : il n'y a plus de limites à l'outrance. Il faut souhaiter que l'extrême gauche française, qui a bien soutenu le président Chavez, et qui lui doit également beaucoup, sache échapper aux chantages israéliens, et reconnaître que la diplomatie argentine d'ouverture à l'Iran est un facteur d'équilibre indispensable pour contrer les visées impérialistes Otanosionistes. Ce n'est pas le moment de donner un coup de poignard dans le dos à la dynamique bolivarienne(13). Le changement d'équipe gouvernementale à Téhéran permettra aux forcenés de la laïcité de ne pas perdre la face, et de faire efficacement front au lobby pro-israélien français.

    Maria Poumier http://www.voxnr.com

    Notes :

    1 http://www.clarin.com/politica/Timerman-Interpol-volvio-defender-Iran_0_929307118.html Cet article résume bien l'affaire; on notera le dernier paragraphe: " Nisman entre tanto, recibió total apoyo de la DAIA, y la AMIA. Ayer, del Comité Judío Americano, de la representante estadounidense Ileana Ros-Lehtinen (republicana), y en la Argentina, de los diputados opositores Eduardo Amadeo y Gustavo Ferrari." : Le procureur Nissman a reçu un appui total de la Délégation d'Associations Israélites en Argentine etc... de Ileana Ros-Lehtinen, ...etc.
    2 http://www.haaretz.com/news/world/iran-set-up-terrorist-networks-in-latin-america-argentine-prosecutor-says-1.526822
    3 La grande presse argentine (Clarîn, et son rival La Naciôn) se borne généralement à développer les points de vue israéliens officiels, voir : http://www.daia.org.ar/Site2009/nota.php?id=4697
    4 http://www.youtube.com/watch?v=MZUQ8LfwYb0 ; http://mounadil.wordpress.com/2013/03/09/argentine-le-chef-de-la-diplomatie-hector-timerman-dit-ses-quatre-verites-a-lentite-sioniste/
    5 Voir "L'Argentine se retourne contre le Mossad, le destin de l'Occident pourrait basculer" http://www.plumenclume.net/articles.php?pg=art1446
    6 http://www.egaliteetreconciliation.fr/Attentat-contre-des-touristes-israeliens-en-Bulgarie-Aucune-preuve-formelle-impliquant-le-Hezbollah-18519.html
    7 http://www.youtube.com/watch?v=unAZMzDXz1A
    8 http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=Lf7e-lgWuYA
    9 Causa AMIA, se abre el juego, por Daniel Schnitman, La Voz y la Opinion, periodismo judeo argentino independiente, junio-julio 2013. Raul Kollman dans le quotidien Página 12, etc.
    10 http://www.noticiaspia.com.ar/protesta-en-argentina-contra-empresa-de-agua-israeli/#sthash.ImMs23or.dpuf
    11 http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/03/13/malouines-l-argentine-denonce-une-parodie-de-referendum_1846970_3222.html
    12 Voir le dossier: La guerre des Malouines aura-t-elle lieu? http://www.plumenclume.net/articles.php?pg=art1333
    13 "Riposte laïque" définit à sa façon des deux camps en présence; l'enjeu est bien la main mise d'Israël sur chaque mouvance, dans chaque pays: http://ripostelaique.com/je-ne-pleure-pas-la-mort-de-lantisemite-chavez-ami-de-melenchon-et-du-hezbollah.html

  • La Syrie et la guerre de l’information : le syndrome irakien

    La Syrie et la guerre de l’information : le syndrome irakien « Il est inacceptable que le scénario libyen soit réédité en Syrie. »[1]

    Vladimir Poutine, 27/02/2012

    La Syrie est au cœur d’une guerre d’influence héritée de la transition post-communiste du nouvel ordre international et médiatisée par des rapports de puissance. Cette guerre « tiède »[2], forme actualisée et désidéologisée de la Guerre froide, opposant l’axe arabo-occidental à l’axe eurasien prend, désormais, une tournure décisive.
    Un point de non retour a été atteint, suite à l’islamisation croissante de l’opposition armée, plus ou moins prévisible et dénoncée par Moscou depuis le début du conflit. Pour V. Poutine, cette montée de l’Islam radical est allègrement alimentée par l’ingérence de puissances étrangères, n’hésitant pas à violer les règles westphaliennes de souveraineté nationale et voyant dans la crise syrienne un prétexte de revenir « dans le jeu ». La construction du point critique par la coalition arabo-occidentale, dans le but de déstabiliser le régime syrien, a été jusque là méticuleusement poursuivie – via la formation, l’armement et le soutien des « rebelles » depuis l’étranger, parfois dans le cadre de « camps » installés à proximité de la frontière syrienne. Moscou redoute, désormais, une extension du « printemps islamique » jusqu’à sa périphérie sud.
    Dans cette optique, instrumentalisée par les parties en conflit, l’information a un rôle politique clé.

    Rôle politique de l’information, via son formatage de l’opinion publique

    L’appel à l’aide de Damas à la Russie pour une couverture plus « objective » de l’actualité syrienne semble, de ce point de vue, logique. Il s’agit, notamment, d’élargir le pluralisme des sources de l’information, unilatéralement orientée jusqu’à présent contre « celui qui massacre son peuple » – selon le slogan médiatique, repris en Occident. Car, comme tout Etat témoin du « scénario » irakien de 2003 (puis libyen de 2011), la Syrie sait parfaitement qu’une stratégie de désinformation patiemment construite peut justifier une intervention militaire au nom d’une vision de la démocratie à géométrie variable et, surtout, au profit d’objectifs de puissances globales ou régionales ambitieuses, donc prédatrices.
    Le mardi 23 avril 2013, le ministre syrien de l’Information, Omrane al-Zohbi, en visite à Moscou, a ainsi déclaré devant les députés à la Douma (chambre basse du parlement russe) : « Vous n’ignorez pas que des dizaines d’agences d’information et de chaînes de télévision participent à une véritable guerre de l’information contre nous. Dans le même temps, les chaînes de télévision syriennes n’ont pratiquement pas accès aux satellites »[3]. Selon les dirigeants syriens, la désinformation médiatique internationale sur l’évolution de la crise s’insère, désormais, dans une stratégie plus globale de délégitimation puis de renversement du régime – au risque d’une régionalisation du conflit, tant redoutée par Moscou.
    En fait, l’information quotidiennement diffusée sur la « révolution » syrienne est, à l’origine, « produite » par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH[4]), étrange ONG basée à Londres et dirigée par un farouche opposant au président Assad, proche des fameux « frères musulmans ». Cette curieuse situation, politiquement très orientée, nous amène à nous interroger sur la fiabilité de cette « information » structurellement anti-Assad et régulièrement reprise par les médias occidentaux, sans aucun contrôle. Depuis le début de cette crise, la Russie a fort justement contesté la légitimité de cette douteuse ONG, comme source quasi-exclusive de l’information sur la Syrie.
    Au final, cette évolution a fini par conditionner l’opinion publique occidentale contre le méchant « dictateur syrien », pour reprendre l’expression relayée par nos médias. Et une conséquence programmée de cette stratégie informationnelle a été de justifier les divers soutiens extérieurs à l’opposition « rebelle », comme étape préalable à une ingérence politico-militaire de plus en plus forte donc, à terme, potentiellement décisive. Au nom du « droit au bonheur » des peuples souverains, justifiant une guerre de « libération ». ». Pourtant, comme le reconnaît le président de la commission d’enquête de l’Onu sur la Syrie, Paulo Pinheiro : « La majorité des rebelles est très loin de penser à la démocratie. Ils ont d’autres inspirations »[5]. Fin d’un rêve…
    La manipulation de l’information permet, notamment, de répandre des rumeurs nuisant à l’image du président Assad, dont celle récurrente depuis plus de 2 ans et déjà couronnée de succès en Irak, de « l’utilisation d’armes chimiques » par le régime. Pour l’Amérique d’Obama, c’est « une ligne rouge » à ne pas franchir et pour l’opposition anti-Assad, une réelle « opportunité » politique. Cet avertissement d’Obama peut, en effet, inciter l’opposition syrienne à mettre en œuvre une stratégie manipulatoire, destinée à persuader l’opinion publique mondiale du franchissement effectif de cette ligne interdite, qui précipitera l’intervention américaine. Et, a priori, ce scénario est en train de se réaliser.
    Par la voix du secrétaire du Conseil de sécurité russe Nikolaï Patrouchev, qui reconnaît, à ce jour (le 6/05/2013), l’absence de preuves irréfutables sur l’éventuel emploi de gaz interdits, la Russie pose la bonne question : « Vu la situation actuelle des dirigeants syriens, ont-ils ou non intérêt à utiliser cette arme? Je pense qu’il s’agit d’une voie suicidaire, et les autorités de Damas n’ont aucun intérêt à l’emprunter »[6]. Un mois plus tard, le mardi 4 juin 2013, la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’Homme en Syrie souligne la culpabilité partagée des deux parties au conflit dans l’emploi des armes chimiques[7].
    Alors, qui manipule qui ? Retour, obligé, vers le passé…

    La construction médiatique du « seuil critique » d’intervention

    Dés septembre 2011, le site de Bernard-Henri Lévy affirmait, sans aucune preuve rappelle l’Agence France-Presse, que « des tueurs d’Assad [ont] lancé dans la région d’Al Rastan, non loin de la ville rebelle de Homs, des opérations aériennes avec utilisation de gaz toxiques »[8]. Le 12 mars 2012, la menace se précise, selon le rapport annuel présenté au Sénat américain par le directeur du renseignement national, James Clapper. Ainsi, il y est indiqué que « La Syrie développe avec succès un programme de recherche sur les armes chimiques, elle augmente ses stocks de gaz moutarde, de sarin et de gaz neuroplégique VX. Nous estimons que Damas possède également des bombes, des missiles et des obus d’artillerie pouvant servir de vecteurs d’armes chimiques ». Et Klapper de confirmer, à nouveau comme il y a un an, que « Les Etats-Unis et leurs alliés surveillent les stocks d’armes chimiques »[9] redoutant, sans doute, la perte de contrôle par Damas des armes chimiques, au profit des « terroristes ». Certains experts craignent également un possible emploi des armes chimiques, « en dernière extrémité » par Damas. Dans tous les cas, il semble évident que l’arme chimique sera le signal déclencheur privilégié d’éventuelles frappes américaines ciblées sur le territoire syrien. En Syrie, insiste un peu plus tard le Figaro, le 22 juillet 2012, « les armes chimiques sont sous surveillance »[10]. On redoute alors le pire. Soit, mais pour qui ?
    En décembre 2012, le fameux OSDH accuse le régime syrien d’utiliser des armes chimiques à Homs et, en mars 2013, dans les environs d’Alep et de Damas[11]. Bien que très vague, l’information est rapidement diffusée, sans aucune vérification et la moindre suspicion. Plus surprenant, les israéliens s’y mettent à leur tour, le 15 mars 2013. Le chef du renseignement militaire israélien, le commandant Aviv Kochavi, tire alors la sonnette d’alarme. Avec d’étranges certitudes et une certaine « impatience », Kochavi assure que les troupes gouvernementales syriennes s’apprêtent à employer des armes chimiques contre les insurgés : « Assad n’a pas encore donné l’ordre approprié, mais il s’y prépare déjà »[12]. Le 23 avril 2013, le renseignement militaire israélien dénonce un « passage à l’acte » du régime syrien. Ainsi, selon un responsable de ce service, le général de brigade Itai Brun, cité par le quotidien Haaretz : « D’après ce que nous avons compris, le régime [syrien] a eu recours à des armes chimiques meurtrières dans un certain nombre d’incidents, il s’agit probablement du gaz sarin »[13]. On remarquera que le discours israélien – à l’instar des autres discours accusateurs – s’appuie sur de pures hypothèses, mais sur aucune preuve concrète. Etonnant, tout de même, pour une structure de sécurité mondialement réputée…
    Le 26 avril 2013, les Etats-Unis affirment (enfin !) avoir des preuves de l’usage d’armes chimiques en Syrie, selon le Washington Post se référant à une lettre de la Maison Blanche lue par le chef du Pentagone Chuck Hagel à Abu Dhabi (Emirats arabes unis). Ainsi, selon la missive, « Les Etats-Unis ont la preuve que des armes chimiques, dont le gaz sarin, ont été utilisées en Syrie à une faible dose ». Par précaution, la missive rappelle que ces informations doivent être vérifiées avant d’en tirer les conséquences politiques (jg : on devine lesquelles), selon Hagel: « Nous ne sommes pas en mesure de confirmer l’origine de ces armes, mais nous supposons que tout recours aux armes chimiques en Syrie provient du régime d’Assad (jg : c’est une présomption de culpabilité). Nous devons disposer de l’ensemble des faits et des informations. Certaines incertitudes concernant le lieu, la nature des armes et les auteurs persistent »[14].Troublant aveu.
    Le 10 mai 2013, après d’autres rumeurs, la Turquie entre enfin dans la ronde, par l’intermédiaire de son premier ministre Recep Tayyip Erdogan, avouant détenir (encore !) la preuve de l’utilisation de gaz de combat par Damas. Dans une interview à la chaîne de télévision américaine NBC, Erdogan, omettant (volontairement ?) de citer les détails concernant le lieu et la date d’emploi de ces armes, affirme : « Des blessés, victimes d’armes chimiques, figurent parmi les personnes placées dans nos hôpitaux. Il ne fait aucun doute que le régime [de Bachar el-Assad] utilise des missiles et des gaz de combat ». Surtout, il affirme – surprenante révélation ! – que « la ligne rouge » autorisant les Etats-Unis à intervenir pour renverser le président Assad « avait été franchie depuis longtemps »[15]. Tout devient clair.
    Enfin, pour couronner le tout – et cela n’est pas surprenant, même plutôt « logique » – la Grande Bretagne, par l’intermédiaire de son chef de la diplomatie, William Hague, a alimenté le 20 mai cette diatribe anti-Assad : « On voit apparaître de plus en plus de témoignages convaincants sur le fait que le régime syrien a utilisé et continue d’utiliser des armes chimiques. Nous avons des échantillons physiologiques provenant de Syrie, confirmant l’utilisation de Sarin, même s’ils ne disent rien de l’ampleur de cet emploi ». Selon le diplomate, « notre supposition est que selon toute vraisemblance ces armes sont utilisées par le régime syrien » – « suppositions » régulièrement reprises par les diplomaties occidentales, dont américaine et française. Hague a, pour conclure, ajouté qu’il « n’existait aucune preuve du fait que l’opposition en utilise »[16]. Voilà qui est dit. Pourtant, à ce jour, il n’y a toujours pas de preuve concrète et irréfutable incriminant Assad mais seulement, des suppositions. Comme une réactivation du « syndrome » irakien, subordonné à un objectif politique latent – très inquiétant.
    Face à la multiplication des accusations, O. al-Zohbi dénonce un « mensonge éhonté », destiné à faire pression sur le régime syrien. Pour lui, il s’agit aussi d’une question morale et humanitaire : « la Syrie n’utilisera jamais (d’armes chimiques), pas seulement parce qu’elle respecte la législation internationale et les règles d’une guerre, mais en raison de problèmes humanitaires et moraux »[17]. La position syrienne a, au moins, le mérite d’être claire et, en définitive, d’intégrer un engagement moral.
    Redoutant une instrumentalisation politique, Moscou a averti que ces multiples rumeurs incontrôlables ne devaient pas servir « d’alibi » pour une intervention militaire en Syrie. Pour l’émissaire du président russe au Moyen-Orient, Mikhaïl Bogdanov, cette stratégie de désinformation doit cesser : « s’il y a des preuves sérieuses sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, il faut les montrer immédiatement et ne pas les dissimuler »[18]. Moscou redoute une tentative de répéter le « modèle libyen ». Cela explique – en association avec la Chine – son opposition systématique aux résolutions proposées à l’ONU par la coalition arabo-occidentale. Une raison majeure est que ces résolutions sont potentiellement manipulables, donc suspectées de préparer une intervention et, dans une première étape, de chercher à créer une zone d’exclusion aérienne – prétexte à un « couloir humanitaire ».
    Comme une étrange impression de « déjà vu ».

    La « bombe » politique de C. Ponte, (trop) vite neutralisée…

    Dans ce contexte très tendu, le 6 mai 2013 a été un véritable choc. Les rumeurs redondantes sur l’emploi « prouvé » d’armes chimiques par le « sanguinaire » Assad sont alors en effet brutalement remises en cause, par Carla Del Ponte[19], membre de la commission d’enquête indépendante de l’Onu sur les violences en Syrie. Avec un certain courage et contre le consensus médiatique, C. Ponte a même retourné l’accusation contre les vertueux « rebelles » : « Il existe des suspicions fortes et concrètes, mais pas encore de preuve incontestable, de l’emploi de gaz sarin, sur la base de la manière dont les victimes ont été soignées ». Puis, la magistrate suisse précise que « Le gaz aurait été utilisé par les rebelles et non par les forces gouvernementales »[20]. Un discours, cohérent, précis et nuancé – très loin des certitudes de la pensée unique – et surtout, une information plus « équilibrée ». Enfin…
    Très (trop ?) vite, les conclusions de C. Ponte ont été à leur tour démenties quelques heures plus tard par la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie. Cette Commission précise, en effet, que son enquête « n’a pas atteint des résultats permettant de conclure que des armes chimiques ont été utilisées par les parties au conflit »[21]. Avec une certaine légitimité, on peut se demander pourquoi l’enquête n’a pas été poursuivie ? Retour à la case départ.
    En fait, on a l’impression d’un traitement à deux vitesses des rumeurs sur l’emploi des armes chimiques, selon qu’elles incriminent ou pas le régime syrien. Les nombreuses rumeurs anti-Assad sur cette question n’ont presque jamais été remises en cause, alors qu’elles étaient le plus souvent assises sur de simples « impressions », dans une optique évidente de manipulation – en vue d’accélérer le seuil critique d’intervention. Dans le même temps, la demande de Damas (très précise, donc facilement vérifiable) adressée à l’ONU d’enquêter sur l’éventuel emploi d’armes chimiques par l’opposition, le 19 mars 2013 dans la région d’Alep, a été longtemps occultée. Cela a conduit Moscou à dénoncer un « frein » à la poursuite d’une enquête politiquement gênante. Ainsi, selon Vitali Tchourkine, délégué permanent de la Russie auprès de l’Onu : « Nous exhortons [l'Onu] à renoncer à toute tentative de faire traîner sous différents prétextes la demande formulée par les autorités syriennes d’enquêter sur une utilisation éventuelle d’une arme chimique dans une banlieue d’Alep (nord de la Syrie) ». En outre, le diplomate russe a souligné que le secrétariat des Nations unies n’avait pas fait preuve « de suivi, ni de transparence » lors de l’examen de cette demande[22].
    De manière étrange – curieuse coïncidence – les rumeurs chimiques anti-Assad ont repris de plus belle à l’approche de la future Conférence internationale sur la Syrie (prévue courant juillet) et à la veille de la réunion des chefs de diplomatie de l’UE sur l’avenir de l’embargo (28/05/2013). Ainsi, par l’intermédiaire de deux de ses journalistes, le Monde du 27 mai 2013 rapporte que les forces syriennes utilisent des « gaz toxiques » aux alentours de Damas et que ces derniers en auraient, eux-mêmes, constaté les effets[23]. Au final, on peut penser que cette « information » a été politiquement décisive, dans la mesure où d’une part, l’Europe a décidé de lever prochainement l’embargo sur les armes et que d’autre part, la conférence sur la Syrie, « Genève 2 », – porteuse d’une solution négociée, donc consensuelle – semble fragilisée, tant dans sa portée que dans sa légitimité : on ne négocie pas avec un « dictateur » qui « gaze » son peuple.
    Pour cette raison, toute décision issue de cette conférence pourra être définie comme illégitime par l’opposition anti-Assad. Une véritable aubaine…

    Une ligne rouge « incontestablement » franchie ?

    Comme si, en dernière instance, au nom d’une présomption de culpabilité relayée par une opinion publique conditionnée et parce que de puissants intérêts sont en jeu, l’information (politiquement correcte) devait être consciemment orientée contre le « dictateur » Assad – créant, par ce biais, une redoutable asymétrie. L’objectif implicite est d’accélérer son élimination et d’éviter ainsi une solution négociée, gênante pour les éléments les plus « radicaux » de l’opposition, dont la seule chance d’accéder au pouvoir passe par une victoire militaire, c’est à dire par l’écrasement dans le sang du régime syrien – quel qu’en soit le coût. Cette hypothèse est reprise par le chef de la diplomatie russe, Serguei Lavrov : « On a l’impression que la Coalition nationale, et notamment ses sponsors régionaux, mettent tout en œuvre pour empêcher le lancement d’un processus politique et provoquer une intervention militaire en Syrie »[24].
    Au regard de leur statut et à l’instar du Kosovo, les conclusions de C. Ponte sur la Syrie dépassent le stade de la simple rumeur et mériteraient d’être approfondies – d’autant plus qu’elles apportent une dose pluraliste à l’information. Le 2 juin 2013, la saisie d’un « lot de gaz toxique sarin » par l’armée syrienne lors d’une opération contre les « rebelles » dans la ville de Hama est venue renforcée les conclusions de l’experte de l’ONU[25]. Alors, pourquoi chercher, à tout prix, à les étouffer ?
    Le mercredi 5 juin, le chef de la diplomatie française, L. Fabius, porte le « coup de grâce ». Sur la base d’échantillons analysés en laboratoire, il accuse le régime syrien d’avoir utilisé à plusieurs reprises du « gaz sarin » : « Nous n’avons aucun doute sur le fait que les gaz ont été utilisés (…). La conclusion du laboratoire est claire: il y a du gaz sarin ». Selon le responsable français, il s’agit d’une « ligne qui est franchie incontestablement ». Et la sentence, au regard des affirmations précédentes, était prévisible : « Nous discutons avec nos partenaires de ce qu’il va falloir faire et toutes les options sont sur la table »[26]. Dont, probablement, l’option militaire…
    Le « syndrome » irakien, au cœur d’une terrible guerre de l’information – levier d’un nouveau « soft power ».

    Jean Geronimo  http://www.voxnr.com

    Notes :

    [1] http://fr.rian.ru/world/20120227/193510504.html : « Printemps arabe : éviter une répétition du scénario libyen », Moscou, 27/02/2012 – RIA Novosti.
    [2] Ce concept est développé dans le post-scriptum « Les Révolutions arabes, et après ? – A la recherche d’un Printemps russe » de la seconde édition enrichie de mon livre « La pensée stratégique russe », 2012, Sigest.
    [3] http://fr.rian.ru/world/20130423/198152213.html: « Guerre de l’information : Damas compte sur l’aide de Moscou », Moscou, 23/05/2013 – RIA Novosti.
    [4] OSDH : Organisation basée à Londres et représentée par un seul homme (Rami Abdelrahman), opposant politique au régime syrien. Il opère dans un studio londonien sous haute protection des services de sécurité britanniques. Ses informations, nourries par de mystérieux coups de fils, sont reprises sans aucun contrôle par AFP, CNN, CBS, BBC… De manière systématique, il incrimine le régime syrien et glorifie l’Armée Libre Syrienne (ALS).
    [5] http://fr.rian.ru/world/20130530/198426810.html : « Syrie: la majorité des rebelles ne veulent pas une démocratie », P. Pinheiro, Moscou, 30/05/2013 – RIA Novosti.
    [6] http://fr.rian.ru/world/20130506/198236249.html : « Armes chimiques en Syrie : aucune preuve incontestable », Moscou, 6/05/2013 – RIA Novosti.
    [7] http://fr.rian.ru/world/20130604/198467453.html : « Syrie: les deux parties ont utilisé des armes chimiques », Moscou, 4/06/2013 – RIA Novosti.
    [8] Rapporté par : http://www.monde-diplomatique.fr/2012/09/AMADO/48102 : « Syrie, champ de bataille médiatique », A. Amado et M. de Miramon, sept. 2012 – Le Monde Diplomatique.
    [9] http://fr.rian.ru/world/20130312/197776088.html : « La Syrie possède des armes chimiques et biologiques, selon les USA », Washington, 12/03/2012 – RIA Novosti.
    [10] http://www.lefigaro.fr/international/2012/07/20/01003-20120720ARTFIG00518-syrie-les-armes-chimiques-sous-surveillance.php?print=true : « Les armes chimiques sont sous surveillance », G. Malbrunot, 20/07/2012 – LeFigaro.fr.
    [11] http://www.mondialisation.ca/gaz-sarin-en-mains-rebelles/5334115 : « Gaz sarin en mains « rebelles », S. Cattori, 6/05/2013 – Mondialisation.ca.
    [12] http://fr.rian.ru/world/20130315/197804511.html : « Syrie : l’opposition contrôle les deux tiers du pays », A. Kochavi, 15/03/2013 – RIA Novosti.
    [13] http://fr.rian.ru/world/20130423/198151299.html : « Syrie : Damas aurait utilisé des armes chimiques », I. Brun, 23/04/2012 – RIA Novosti.
    [14] http://fr.rian.ru/world/20130426/198175316.html : « Syrie – armes chimiques : les USA affirment disposer de preuves », 26/04/2013 – RIA Novosti.
    [15] http://fr.rian.ru/world/20130510/198264823.html : « Erdogan affirme avoir des preuves de l’usage d’armes chimiques par Damas », Ankara, 10/05/2013 – RIA Novosti.
    [16] http://fr.rian.ru/world/20130520/198347400.html : « Syrie : Londres dit avoir des preuves de l’usage d’armes chimiques par Assad », Londres, 20/05/2013 – RIA Novosti.
    [17] http://www.liberation.fr/monde/2013/04/27/armes-chimiques-en-syrie-damas-accuse-londres-et-washington-de-mentir_899519 : « Syrie : le régime rejette les accusations sur l’utilisation d’armes chimiques », dépêche AFP, 27/04/2013 – Libération.fr.
    [18] http://www.liberation.fr/monde/2013/04/29/armes-chimiques-en-syrie-obama-dit-son-inquietude-a-poutine_899918 : « Armes chimiques en Syrie : Obama dit son « inquiétude» à Poutine », dépêche AFP, 29/04/2013 – Libération.fr.
    [19] C. Ponte est l’ancienne Procureuse générale du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). En 2008, dans ses mémoires, elle a dénoncé le trafic d’organes dont auraient été (principalement) victimes des prisonniers serbes de l’Armée de libération du Kosovo (UCK). En 2010, et en dépit de pressions visant à étouffer « l’affaire », cette hypothèse de Ponte a été confirmée par le rapport Marty, impliquant dans ce « trafic » des dirigeants du Kosovo, dont l’actuel premier ministre, Hashim Thaçi.

    Sources : http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2011-01-04-Kosovo : « Trafic d’organes au Kosovo : un rapport accablant », J.A. Dérens, 4/01/2011 – Le Monde diplomatique.
    [20] http://fr.rian.ru/world/20130506/198233177.html : « Armes chimiques en Syrie : les rebelles dans le collimateur de l’Onu », Genève, 6/05/2013 – RIA Novosti.
    [21] http://fr.rian.ru/world/20130506/198237683.html : « Armes chimiques en Syrie : l’ONU ne dispose pas de preuves formelles », Moscou, 6/05/2013 – RIA Novosti.
    [22] http://fr.rian.ru/world/20130425/198165598.html : « Syrie/armes chimiques : Moscou prie l’Onu de ne pas tergiverser », New York, 25/04/2013 – RIA Novosti.
    [23] http://www.rfi.fr/print/965255?print=now : « Deux journalistes du « Monde » témoignent de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie », 27/05/2013 – RFI.
    [24] http://fr.rian.ru/world/20130530/198428356.html : « La coalition de l’opposition veut provoquer une ingérence étrangère », S. Lavrov, Moscou, 30/05/2013 – RIA Novosti.
    [25] http://fr.rian.ru/world/20130602/198452666.html : « Syrie : l’armée saisit un lot de gaz sarin dans la ville de Hama », Moscou, 2/06/2013 – RIA Novosti.
    [26] http://fr.rian.ru/world/20130605/198474455.html : « Syrie: Paris accuse Damas d’avoir employé des armes chimiques », Moscou, 5/06/2013 – RIA Novosti.

  • Les Etats-Unis admettent qu’Israël arme et entraine un groupe terroriste contre l’Iran

  • israël, les états sionistes et la bataille de Syrie…

    Israël est en train de perdre la guerre de Syrie

    Gilad Atzmon, 8 Juin 2013

    url de l’article original;

    http://www.gilad.co.uk/writings/syria-israel-is-losing-the-battle.html

    ~ Traduit de l’anglais par Résistsance 71 ~

    Cette dernière semaine, nous avons suivi les tentatives désespérées des britanniques et des français pour pousser à une intervention militaire en Syrie. C’est un secret de polichinelle que de savoir que les gouvernements britannique et français sont dominés par le lobby juif. En Grande-Bretagne, il s’agit de l’ultra sioniste Conservative Friends of Israel (CFI), qui rassemble apparemment 80% des parlementaires conservateurs britanniques comme membres de ce lobby pro-Israël. En France la situaton est même encore plus grave tant le système politique dans son intégralité a été détourné par le poussif CRIF.

    Juste au cas où quelqu’un ne comprenne pas pourquoi le lobby juif pousse pour une intervention immédiate en Syrie, Debka File, un site internet israélien nous donne la réponse. Apparamment, l’armée arabe syrienne gagne sur tous les fronts. Les calculs militaires et géopolitiques israéliens ont été prouvés faux.

    D’après Debka, “la bataille pour Damas est finie”. L’armée syrienne a virtuellement regagnée le contrôle de la ville “dans une victoire épique”. Les rebelles, en très grande partie des mercenaires, ont perdu la bataille et ne “peuvent plus faire grand chose si ce n’est tirer sporadiquement. Ils ne peuvent plus lancer de raids ou poser une menace pour le centre de la ville, l’aéroport ou la grande base aérienne syrienne près de là. Les transports russes et iraniens amènent constamment des matériels afin de maintenir l’armée syrienne opérationnelle, ces transports peuvent maintenant attérir de nouveau à Damas après des mois de siège rebelle.”

    Mais ce n’est pas juste la capitale. Debka rapporte que “Les unités de l’armée syrienne et du Hezbollah ont resserré leur siège des poches rebelles dans le nord de la ville d’Al Qusseir, d’autres unités de l’armée syrienne ont repris la campagne autour de la ville de Hama et une troisième force combinée armée syrienne/Hezbollah a pris position autour de la ville d’Alep.”

    Debka affirme que des officiers importants de la force de défense israélienne ont critiqué le ministre de la défense Moshe Ya’alon qui “a fourvoyé” la Knesset il y a quelques jours en estimant que “Bachar Al-Assad ne contrôlait qu’environ 40% du territoite syrien.” Debka suggère que le ministre de la défense a tiré ses plans sur “une fausse évaluation du renseignement et était concerné que les forces armées agissaient sur la base de données de renseignement erronées.” Debka insiste sur le fait que “des évaluations erronées… doivent mener à de mauvaises prises de décision.”

    Debka est clairement sufisamment courageux pour admettre que les mauvais calculs de l’armée israélienne ont sûrement mené à des conséquences désastreuses. Il rapporte “Le bombardement massif israélien d’armes iraniennes stockées près de Damas à destination du Hezbollah a prouvé un mois plus tard avoir fait bien plus de mal que de bien. Cela a donné à Bachar Al-Assad un coup de pouce plutôt que d’affaiblir sa détermination.”

    Debka est évidemment correct. Il ne faut par être un génie pour prédire qu’une attaque israélienne sur une terre arabe ne peut pas être acceptée par la rue arabe, même pas par les opposants les plus féroces d’Assad.

    Debka maintient que “le renseignement se focalisant sur les mouvements militaires en Syrie, spécifiquement autour de Damas pour être certain que des systèmes de missiles et d’armement avancé ne parviennent pas au Hezbollah, a mené à un échec quant à la détection de mouvements majeurs des unités des milices du Hezbollah vers la frontière syro-israélienne.”

    Israël doit maintenant faire face à une nouvelle réalité. Il fait face à un renforcememnt du Hezbollah provenant du Liban vers les plateaux du Golan et sa frontière avec la Syrie.

    Debka conclut qu’Israël va bientôt se retrouver “face à face pour la première fois avec des unités du Hezbollah equippées d’armement lourd et de missiles se déplaçant le long de la frontière syro-israélienne et postant des miliciens en opposition aux avants-postes israéliens du Golan et des villages.”

    Debka a raison de suggérer qu’au lieu “de s’affaiblir, le proxy libanais de l’Iran est en phase d’ouvrir un autre front et de forcer la force de défense israélienne de s’adapter à un nouveau défi militaire venant du Golan syrien.”

    Plutôt que les quotidiens Guardian de Londres ou Le Monde, c’est en fait la source israélienne Debka File qui aide à faire comprendre pourquoi les Britanniques et les Français sont si pressés d’intervenir. Une fois de plus, ils s’empressent de vouloir combattre une guerre sioniste.

    Malheureusement, ce ne sont pas le Guardian ou le New York Times qui sont là pour révéler les derniers développements sur la Syrie et exposer les mauvais calculs léthaux d’Israël. C’est en fait une officine patriotique sioniste israélienne qui  nous donne la bonne analyse. Je pense en fait que cette forme de sévère auto-critique qui est intriquée dans la culture israélienne, est le moyen qui permet de maintenir l’hégémonie régionale israélienne. Cette faculté d’examiner de manière critique et de désapprouver votre propre commandement est quelque chose que je ne vois pas dans les médias occidentaux. Il transparaît que les médias en Israël soient bien plus tolérant envers la critique que ne le sont les médias dominés par les sionistes en occident.

    Gilad Atzmon’s latest book is: The Wandering Who? A Study of Jewish Identity Politics

    http://resistance71.wordpress.com

  • La diplomatie française, otage des pétromonarchies...

    Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com/

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Ardavan Amir-Aslani, cueilli sur Atlantico et consacré aux errements de la diplomatie française dans l'affaire syrienne. D'origine iranienne, Ardavan Amir-Aslani est avocat au barreau de Paris et est aussi l'auteur de plusieurs essais, dont Iran, le retour de la Perse (Picollec, 2009).

    La diplomatie française, otage des pétromonarchies

    Auto-disqualifiée par son excès de zèle dans le conflit en Syrie, la France a décidé de jouer le tout pour le tout. C’est-à-dire l’armement des « rebelles », au risque d’un embrasement généralisé qui emporterait le Liban et la Jordanie et dont l’onde de choc provoquera immanquablement la rupture de cet « équilibre de la terreur » qui existe entre l’Iran et Israël. Ce jusqu’au-boutisme français est remarquable dans le sens mathématique du terme. Rien ne peut le justifier ou l’expliquer si ce n’est l’aliénation politique et diplomatique. C’est à se demander si la perception parisienne du conflit syrien n’a pas été totalement phagocytée par le wahhabisme !  

    Alors que les Américains et les Russes – les premiers par pragmatisme politique, les seconds par atavisme idéologique - veulent sérieusement trouver une sortie politique au drame syrien, le gouvernement socialiste joue à la surenchère et au pourrissement de la situation. D’abord en ralliant à sa cause belliqueuse les pays européens qui, à l’exception du Royaume-Uni, étaient plutôt défavorables à l’armement des « rebelles » en Syrie, et non point syriens, car l’on sait maintenant que des milliers de djihadistes sont des arabes non syriens et même des européens, qui combattent l’armée syrienne beaucoup plus par fanatisme religieux que par passion démocratique. Ensuite, en affichant son véto contre la participation de l’Iran aux prochaines négociations à Genève, sous le prétexte que ce pays joue un rôle dans la crise syrienne. Si cela est vrai, raison de plus de l’inclure ou alors il faudrait exclure également la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar, trois pays dont l’implication directe dans ce conflit n’est plus un secret pour personne.

    Le but du prochain sommet de Genève 2, initiative russe que Washington n’a pas pu rejeter, est de réunir précisément tous les protagonistes de cette guerre : les représentants du régime syrien comme l’opposition hétéroclite, les puissances régionales comme les membres du Conseil de sécurité au sein de l’ONU. Le gouvernement syrien a déjà donné son accord pour y participer, mais pas encore l’opposition dite « démocratique » dominée par les frères musulmans, qui refuse de s’asseoir à la table de négociation, préférant les actions terroristes au compromis politique !

    Cela est visible aussi dans la décision européenne de lever le blocus sur l’armement des « rebelles », une décision obtenue grâce aux pressions franco-britanniques, ainsi que dans les récentes accusations portées contre l’Etat syrien, selon lesquelles les militaires utiliseraient des armes chimiques contre les « rebelles », voire même contre les populations civiles. Avant de quitter Bruxelles, Laurent Fabius a en effet déclaré qu’il y avait « des présomptions de plus en plus fortes, de plus en plus étayées, d’usage localisé d’armes chimiques en Syrie ». Ce qu’un haut diplomate ne peut pas affirmer au risque de subir le syndrome Colin Powell ( !), un grand quotidien parisien peut s’en charger en publiant un reportage accablant pour le régime syrien. Les affirmations et les « preuves » se substituent alors aux « présomptions », et les propos d’un Grand reporter, si honnête soit-il, deviennent plus crédibles que ceux tenus, le 5 mai dernier, par Carla Del ponte : « Selon les témoignages que nous avons recueillis, les rebelles ont utilisé des armes chimiques, faisant usage de gaz sarin… Selon ce que nous avons pu établir jusqu’à présent, pour le moment ce sont les opposants au régime qui ont utilisé le gaz sarin ». La magistrate suisse, ancienne procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, s’exprimait au nom de la Commission d’enquête indépendante de l’ONU et quoique l’on ait pu dire par la suite, Carla Del Ponte n’a jamais démenti sa première déclaration.

    Plus compétents et mieux renseignés que les technocrates du Quai d’Orsay, les services de renseignement français savent que plusieurs groupes armés en Syrie, dont le plus important, le Jebhat Al-Nusrat, appartiennent à l’internationale islamo-terroriste, y compris Al-Qaïda. Est-ce ce radicalisme islamiste que les héritiers de Jean Jaurès cherchent à conforter ? Peut-on soutenir en Syrie ce que l’on combat au Mali et au Niger ? Vouloir exclure l’Iran de ce sommet qui le concerne autant qu’il l’implique dévoile ces grands paradoxes de la politique française dans le traitement du péril islamiste et dénote les limites de la stratégie française ainsi que l’ignorance des véritables enjeux géopolitiques dont certains technocrates du Quai d’Orsay font preuve.

    Il est peut-être grand temps pour la diplomatie française de retrouver son autonomie. Les intérêts de la France et ceux du Royaume-Uni sont historiquement antagoniques, et pas seulement au Moyen-Orient. A plus forte raison les ambitions du pays de de Gaulle et celles du wahhabisme mondial.

    Ardavan Amir-Aslani (Atlantico, 2 juin 2013) http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • L'Afrique Réelle N°42 - Juin 2013

     SOMMAIRE :

    Dossier : Côte d’Ivoire, tous les problèmes demeurent

    - Une situation politique complexe
    - Les forces du désordre

    Dossier : Le Sahelistan du Nigeria

    - Une situation explosive amplifiée par l’inversion des rapports de force Nord-Sud

    - La question du saillant de Jos

    - Boko Haram et la tentative de création d'un Etat théocratique

    - Radicalisation islamique et charia

     Editorial de Bernard Lugan :

    Au Mali, durant une vingtaine de jours de combats dans la région des Iforas, dont presque une semaine d’accrochages continus, les forces françaises se sont heurtées à la farouche résistance de petits groupes de combattants organisés en deux lignes de défense, sans possibilité de recul, et qui laissèrent plus de 150 des leurs sur le terrain.
    Cette manœuvre de retardement permit à l’essentiel des combattants islamistes qui occupaient le nord du Mali de se réfugier en Libye. Là se trouve aujourd’hui leur base d’action d’où ils peuvent, à tout moment, lancer des opérations dans l’ensemble de la zone sahélienne.
    Le président nigérien Mahamadou Issoufou fut le premier à rompre le mur du silence, déclarant que les auteurs de l’attentat meurtrier du 23 mai qui a frappé son pays venaient de Libye. Toutes les forces de déstabilisation se sont en effet regroupées dans le sud de ce pays où elles disposent d’un véritable sanctuaire puisque l’Etat libyen n’existe plus.
    Comme je le disais dans un précédent communiqué, ceux qui ont lancé la France dans la guerre civile libyenne portent toute la responsabilité de la situation actuelle.
    Celle du président Sarkozy est double car, après avoir renversé le colonel Kadhafi, il est demeuré passif quand, au mois de janvier 2012, au Mali, il était impératif de fixer et de traiter l’abcès islamiste afin d’éviter sa dissémination. Au lieu de cela, dans la plus totale indécision doublée d’un manque absolu de vision géostratégique, la France a camouflé sa démission derrière l’argument d’une « action » militaire de la CEDEAO.
    Avec une grande continuité dans l’incompétence, le président Hollande laissa ensuite les islamistes liquider militairement les Touareg tout en affirmant que la France n’interviendrait en aucun cas, ce qui fut un encouragement donné aux jihadistes. Cependant, et heureusement, à la différence de son prédécesseur, François Hollande a fini par écouter les militaires et a ordonné l’opération Serval. Mais cette nécessaire intervention était trop tardive car la dissémination terroriste s’était produite.
    Aujourd’hui, le Niger, le Tchad et le Cameroun sont menacés, mais c’est au Nigeria que la situation est la plus explosive. Dans cet Etat mastodonte et fragmenté où les antagonismes nord-sud peuvent à n’importe quel moment déboucher sur un conflit de grande envergure, les islamistes disposent en effet d’un terreau favorable ; à telle enseigne que c’est une véritable guerre que l’armée fédérale mène actuellement contre les fondamentalistes de Boko Haram qui contrôlent une partie du nord du pays.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Géopolitique arctique

    La course aux ressources énergétiques et minières pousse les entreprises et les États à prospecter des régions qui l'ont été encore bien peu. Le Grand Nord, à savoir le monde arctique, fait partie de celles-ci. Semblant se préciser, la fonte de la banquise attise les convoitises et ouvre un nouveau chapitre géopolitique dans la mesure où elle laisse prévoir l'ouverture de nouvelles routes maritimes. Il importe donc de s'intéresser à cette région.
    UNE HISTOIRE RÉCENTE
    La zone arctique recouvre 14 millions de km² constitués de l'Océan arctique - qui n'est autre que le nord de l'Océan atlantique - du Groenland (avec 2 170 000 km²), des littoraux septentrionaux des continents eurasiatique et américain et des archipels qui en dépendent. Peuplée de quelques milliers d'Esquimaux, dont les plus connus sont les Inuits, elle est longtemps restée hors de l'histoire. Elle demeurait le théâtre des exploits d'explorateurs dont certains ont laissé leur patronyme à la topographie comme Barents en 1595, Hudson en 1607. Puis s'illustrèrent Nansen en 1895 et Peary qui atteignit le pôle nord en 1909 avant un Nobile ou un Paul-Emile Victor.
    Cependant, depuis le XVIIIe siècle, elle fut progressivement occupée et acquise par plusieurs États qui, aujourd'hui, se partagent la souveraineté du monde arctique : le Danemark, la Norvège, la Russie, le Canada et les États-Unis.
    Vers 1721, le royaume dano-norvégien installait des stations de commerce et de mission sur la côte occidentale du Groenland. Puis furent occupées d'autres iles, tel le Spitzberg - ou Svalbard - devenu Norvégien lorsque la Norvège redevint indépendante en 1905. Elle annexa en outre l'ilot inoccupé de Jan Mayen en 1929.
    La Russie commença sous Pierre le Grand à explorer les 10500 kilomètres de côtes arctiques qui séparent les actuelles villes de Mourmansk et de Providonia. Elle établit plusieurs stations sur le littoral arctique avec quelques villes au débouché des fleuves, telles Arkhangelsk sur la Dvina du Nord, Norilsk sur l'Ienissei et Tiksi sur le delta de la Lena.
    Le Canada, à l'exception de la ruée sur l'or du Klondyke, décrite par Jack London, ne commença à s'intéresser à ses rivages arctiques qu'à l'époque de la Guerre froide et avec le développement de l'aviation.
    Les États-Unis se retrouvèrent puissance arctique en 1867 lorsque le secrétaire d'État Seward acheta les 1 777 000 km² de l'Alaska à la Russie. La Guerre froide et la découverte du pétrole de Prudoe Bay en 1968 suscitèrent l'intérêt du pouvoir fédéral pour cette vaste contrée.
    DES LIMITES TERRITORIALES IMPRÉCISES
    La prise de possession récente du monde arctique fait qu'il n'est pas internationalement stabilisé. Les différends sont nombreux et concernent avant tout le domaine maritime. Nous allons illustrer cela à travers les trois fonctions de la mer : source de richesses, voie de communication, domaine de puissance.
    Contrairement à l'Antarctique, considéré comme « Patrimoine commun de l'humanité » depuis la Convention de Madrid de 1999, l'Arctique n'est pas encore réparti entre les États riverains. Il est régi par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982. Il n'est propriété de personne mais les États "possessionnés", à savoir Canada, États-Unis, Danemark, Norvège, Russie, peuvent exercer leur souveraineté sous la forme d'une « zone économique exclusive » sur une bande côtière de 200 milles et au-delà s'ils prouvent que les fonds marins qu'ils revendiquent sont le prolongement de leur plateau continental.
    La délimitation du plateau continental est donc devenue un enjeu majeur : chaque État polaire s'efforce de disposer de la surface la plus étendue. C'est ainsi que le 2 août 2007, la Russie, avec l'expédition « Arctique 2007 », faisait plonger à partir du vaisseau Akademik Fedorov à l'aplomb du pôle nord, par plus de 4200 m de fond, deux bathyscaphes chargés, l'un d'y planter le drapeau russe et l'autre de ramener des échantillons de roche devant montrer que les dorsales sous-marines de Lomonosov et de Mendeleïev, situées sous 4 à 5000 m de fond, sont la continuité géologique du plateau continental russe.
    Dès le 3 août, le gouvernement canadien répliquait en lançant un exercice militaire d'envergure, l'opération Nanook 07, près de la Baie d'Hudson. Le 10 août, c'étaient les États-Unis qui lançaient dans l'Arctique une expédition militaire destinée officiellement à effectuer des relevés topographiques arctiques. Quant aux Danois, ils ont organisé une expédition destinée à montrer que la dorsale de Lomonosov se rattache au Groenland et que la zone revendiquée par les Russes est en réalité danoise. La Norvège, pour sa part, a décidé de transféré son centre militaire opérationnel à Bodo, face au Svalbard.
    En octobre 2010, le brise-glace à propulsion nucléaire Rossiïa a installé au Pôle Nord la station scientifique dérivante SP-38 (Pôle Nord-38). Si la science reste l'objectif officiel, la mission est chargée de réunir des données pour déterminer à qui appartient le plateau continental arctique. Huit echo-sondeurs permettront de dresser une coupe sédimentaire du plateau continental afin d'apporter des preuves de la souveraineté russe sur certaines portions de l'Océan arctique et en particulier sur la dorsale Lomonossov, les cartes bathymétriques étant encore assez imprécises avec des incertitudes de 500 mètres.
    Le Canada et les États-Unis s'opposent fortement sur des limites frontalières, tel le détroit de Dixon, porte du Grand Nord sur la côte pacifique revendiqué par les deux États, la délimitation du territoire du Yukon en Alaska sur la mer de Beaufort mais plus sûrement encore sur la délimitation du plateau continental arctique. Cette question multiplie les contentieux entre tous les États : États-Unis, Russie, Canada mais aussi entre la Norvège et le Danemark à propos de l'ilot de Jan Mayen situé à mi-chemin entre la Norvège et le Groenland.
    L'ENJEU DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES ET MINÉRALES
    De telles tensions sont suscitées par d'importants enjeux économiques à savoir, outre les ressources halieutiques, la prospection et l'exploitation des gisements de pétrole et de gaz extrêmement prometteurs. La convention signée le 10 décembre 1982 à Montego Bay en Jamaïque sur le droit de la mer, destinée à régler l'attribution de l'exploitation des ressources maritimes, laisse pendants plusieurs contentieux arctiques : la Russie et la Norvège entretiennent des relations conflictuelles à propos de l'archipel norvégien des Svalbard autour duquel les Russes refusent aux Norvégiens le droit d'y installer une zone économique.
    Les enjeux énergétiques sont d'autant plus importants que, selon l'Agence gouvernementale américaine des ressources naturelles (USGS), l'Arctique recèlerait près du quart des ressources énergétiques non découvertes mais techniquement exploitables de la planète. Il s'agirait, non seulement d'hydrocarbures mais aussi de gisements de nickel, de manganèse, d'or, de plomb.
    Le nord-Canada et l'Alaska disposent d'immenses gisements de gaz naturel qui commencent à être exploités mais aussi du diamant qui fait d'ores et déjà du Canada le troisième producteur mondial de diamant en attendant d'être le premier. La Russie disposerait de 30 % des réserves mondiales de gaz et de pétrole, 60 % des réserves mondiales de charbon, de nombreux gisements de métaux rares, comme le nickel, le cobalt.
    Les réserves de pétrole de la mer de Beaufort, de l'ordre de 15 milliards de barils, sont une richesse que ni Ottawa, ni Washington ne veulent abandonner. De même le détroit de Dixon a pour enjeu les zones de pêche et d'exploitation de fonds marins estimées receler des richesses.
    Le différend entre la Norvège et la Russie en mer de Barents s'explique certes par l'enjeu stratégique qu'il représente pour Moscou mais aussi parce que d'importants gisements pétroliers et gaziers y ont été découverts dans les années 1980.
    De même les contentieux liés à la pêche sont multiples entre les Canadiens et les Danois en Mer de Baffin, autour de l'île de Hans, à mi-chemin entre le Groenland et l'île canadienne d'Elesmere, îlot revendiqué à la fois par Ottawa et Copenhague.
    Le Canada a entrepris de veiller jalousement sur ses prérogatives d'État souverain en Arctique en commandant des frégates militaires et a mis au point le projet « polar Epsilon » comprenant l'usage d'un satellite pour assurer la sécurité maritime et continentale des régions arctiques du Canada. Les premiers ministres Paul Martin et Stephen Harper en sont les promoteurs. Des manœuvres militaires d'importance sont régulièrement organisées dans le Grand Nord canadien. En 2007 a été mis en chantier le premier port militaire arctique en eaux profondes sur l'île de Baffin à Nanisivik. Néanmoins, le Canada manque de moyens pour assurer lui-même la totalité de sa défense et a été conduit à renouveler en mai 2006 l'accord NORAD (North American Aerospace Defence Command) ou « Accord nord-américain de défense aérospatiale » qui le lie aux États-Unis.
    L'ENJEU DES ROUTES MARITIMES
    L'actuelle fonte de la banquise fait que l'Arctique et ses huit mers - Barents, Kara, Laptev, Sibérie orientale, Tchouktches, Beaufort, Wrangel, Lincoln - s'ouvrent au monde.
    Les routes maritimes de l'Arctique présentent l'avantage de réduire les distances. Si la banquise continue de fondre, de nouvelles routes maritimes vont s'ouvrir et les convoitises redoubler. Américains mais aussi Chinois, Européens veulent avoir voix au chapitre. Les Américains, épaulés en cela par l'U.E., le Japon et la Chine, revendiquent la liberté des mers, soutenant qu'une route commerciale reliant deux océans doit relever du statut juridique des eaux internationales. Contrôlant la majeure partie du passage du Nord-Ouest, le Canada ne l'entend pas ainsi, le passage concerné se trouvant à l'intérieur de la zone des 200 milles des eaux territoriales et veille jalousement sur cette prérogative souveraine.
    Les termes de la question sont identiques en ce qui concerne l'autre passage arctique, à savoir le « passage du Nord-Est », le "Sevmorpout" qui longe la côte sibérienne. Ouvert toute l'année de Mourmansk à Doudinka, il est ouvert l'été entre Dikson et Vladivostok.
    La fonte partielle de la banquise permettrait, au moins l'été, d'ouvrir des routes maritimes raccourcissant de 11200 à 6500 milles nautiques la distance entre l'Asie du Nord et l'Europe, soit 40 %. Toutefois, le passage du Nord-ouest souffre de l'étroitesse des chenaux - 900 m et à faible tirant d'eau : 12 mètres -, des fortes marées et des tempêtes fréquentes. Son aménagement est coûteux, car il nécessite de disposer d'hélicoptères de surveillance, de navires à coque renforcée, de systèmes de navigation sophistiqués. Le passage du Nord-Est bénéficie du savoir-faire des Russes qui disposent de 15 brise-glace dont 5 à propulsion nucléaire, de nombreux ports en eaux profondes tout au long du trajet. Le passage du Nord-Ouest réduirait du quart le trajet de Seattle à l'Europe par rapport à la voie passant par le canal de Panama. La différence serait beaucoup plus grande encore pour les très gros navires qui ne peuvent emprunter les canaux et doivent passer par le Cap Horn ou le Cap de Bonne Espérance. Toutefois a cause de vents et de courants dominants qui font dériver les glaces, cette voie restera moins facilement navigable et sera en permanence fermée durant l'hiver.
    LA MILITARISATION GLOBALE
    Le progrès des techniques militaires (missiles, ravitaillement en vol) a fait perdre - à l'exception de celle de Thulé au Groenland, élément central du bouclier anti-missile américain avec ses radars - aux bases militaires de l'Alaska, du Danemark et de la Norvège, de l'Arctique canadien, d'Islande l'importance qu'elle avaient voilà encore quelques lustres La base américaine de Keflavik, en Islande, a été fermée - mais les Russes s'y intéressent ; les bombardiers stratégiques sont basés plus au sud, tandis que les sous-marins nucléaires de nouvelle génération plongent plusieurs mois durant sous la banquise et assurent la surveillance voulue. Un moment réduit, l'envoi de sous-marins dans l'Arctique a repris à partir des années 2000, les États-Unis et la Russie en étant les deux principaux protagonistes.
    L'ouverture de nouvelles routes maritimes, la protection de nouvelles zones de prospection pétrolières et minières, des zones de pêche, expliquent, on le devine, cette nouvelle militarisation du Pôle Nord, tout autant que l'expansionnisme américain que la Russie s'efforce de contrer. Vladimir Poutine, par son discours prononcé à Munich le 10 février 2007, lors de la réunion annuelle de la Wehrkunde (Table ronde de la défense), passé   quasiment inaperçu en France, a dénoncé l'offensive impérialiste des États-Unis en la qualifiant d'« unilatéralisme américain » et annoncé que la Russie entendait se consacrer au renforcement de ses moyens de défense, notamment pour assurer la maîtrise de sa façade arctique par ses propres moyens. Cela doit se traduire par la modernisation des ports militaires arctiques, notamment Mourmansk et Petropavlovsk, et de deux flottes, celle du Nord basée à Severodvinsk près de Mourmansk et celle du Pacifique basée à Vladivostok, la construction de nouveaux brise-glace nucléaires.
    La Norvège a lancé un programme de renforcement de sa défense, essentiellement pour la zone arctique, avec la mise en service de frégates comme le Fridjof Nansen F310 doté des dernières nouveautés techniques tel le système Aegis de défense antiaérienne, avec l'achat de six sous-marins engagés en mer de Barents.
    La base de Thulé, construite en 1953 par les Américains, fait l'objet d'un accord tripartite signé en 2004 entre les Etats-Unis, le Danemark et les Groenlandais. Il intègre de fait le Groenland dans le dispositif militaire américain, le Danemark étant par ailleurs considéré comme « framework partner », à savoir un « partenaire privilégié des Etats-Unis ». Tout cela s'inscrit dans le dispositif de bouclier anti-missile que les États-Unis sont en train de déployer en Europe contre la Russie, toujours aussi encerclée depuis les vues géopolitiques de Mackinder, vieilles d'un siècle.
    Dans le domaine civil - mais le militaire n'est jamais loin -, des États qui ne sont pas riverains de l'Arctique ont compris l'importance qu'il y a à être présent d'une manière ou d'une autre. L'Allemagne a ainsi pris la tête d'un consortium international chargé de la construction d'un brise glace, l'Aurora Borealis, capable de forer les sédiments océaniques sous 5000 m d'eau tout en résistant à la dérive de la banquise. Quant à la Russie, Norilsk-nickel vient d'acquérir un quatrième brise-glace et Gazprom envisage de construire des tankers capables de traverser les glaces.
    LA QUESTION DU GROENLAND
    Ce panorama de la question arctique doit être complété par la question du Groenland. Bien que terre sous souveraineté danoise, donc rattachée à l'Europe, le Groenland appartient au plateau continental américain et les États-Unis n'ont eu de cesse d'établir de fait leur domination sur ces terres glacées. Colonie danoise jusqu'en 1953, puis département danois, il a obtenu un statut d'autonomie en 1979 et le référendum du 25 novembre 2008 a renforcé son autonomie en lui accordant la maîtrise des ressources minérales et pétrolières de l'île. Ce nouveau statut prévoit la possibilité de l'indépendance à terme. En fait, comme pour nombre d'indépendances, celle-ci sera plutôt nominale. Ce territoire, qui compte 57000 habitants, à 90 % d'origine inuit et à 10 % danoise, ne survit qu'avec les aides versées par l'UE à hauteur de 25 millions d'euros et par le Danemark pour 480 millions d'euros.
    De grandes manœuvres économiques sont en cours entre le groupe américain Alcoa et le groupe norvégien Norsk-hydro pour construire une raffinerie d'aluminium d'une capacité de 300 000 tonnes. Dans cette affaire, les États-Unis veillent de près à contrôler le Groenland en soutenant les indépendantistes tout en ménageant la susceptibilité danoise en les laissant, pour l'instant, assurer la défense locale.
La volonté de domination américaine de l'Arctique n'est un secret pour personne. Elle prend certes des aspects militaires mais aussi et surtout le recours à l'influence économique, au discours pacifiste et écologique sur la préservation des paysages et de la diversité biologique, sur le développement durable, la nécessité démocratique.
    L'Artique est devenu une nouvelle frontière de la mondialisation. Les enjeux tant stratégiques qu'économiques sont grands. Les États qui négligent cette donnée perdront un élément important d'action et verront automatiquement leur puissance internationale obérée. Certes, les États d'Europe occidentale n'ont pas d'intérêts directs dans la région et surtout aucune possession. Pourtant, il leur importe d'y être présent. La France ne doit pas négliger l'Arctique. Nommer un Michel Rocard Ambassadeur de France pour les questions touchant à l'Arctique et à l'Antarctique ne peut tenir lieu de politique polaire. L'État français doit agir en encourageant notamment l'action de ses sociétés nationales, notamment avec Total au Groenland, mais aussi rechercher des accords de coopération technique et scientifique avec les États arctiques dans l'intérêt mutuel de tous les partenaires.
    André GANDILLON, Président des Amis de RIVAROL. RIVAROL 25 FÉVRIER 2011

  • Empire colonial et capitalisme français : Histoire d’un divorce

    La campagne actuelle contre le « colonialisme » repose, en partie, sur l’idée que les pays européens, et la France en particulier, auraient colonisé des territoires, spécialement en Afrique, pour s’enrichir. Rien n’est plus faux. Comme le faisait observer le professeur Lugan, si tel avait été le cas, en 1974, à la veille de l’indépendance du Mozambique et de l'Angola, le Portugal aurait dû être le plus riche et le plus prospère d’Europe puisque c’est celui qui avait conservé le plus longtemps ses colonies. Or, c’était l’inverse. Le Portugal ne s’est enrichi que depuis qu’il a abandonné ces deux fardeaux. Le procès contre le « colonialisme » est donc faux. Jacques Marseille en fait la démonstration pour la France dans sa thèse de doctorat.
    Avantages apparents
    On oublie trop souvent de rappeler que ce sont les missionnaires, rappelons-nous le cardinal Lavigerie, et des hommes de cœur qui ont poussé à la colonisation de l’Afrique afin d’éradiquer l’esclavage. Par la suite, une poignée de politiciens, radicaux pour la plupart, ont voulu compenser la perte de prestige subie par la France en 1870 par la conquête d’un empire auquel la majorité des gens ne croyaient pas. Ils furent appuyés par certains industriels avides de profits faciles. L’Algérie mise à part, les premières conquêtes africaines et asiatiques datent du moment où les républicains s’emparèrent de tous les pouvoirs.
    En agissant ainsi la gauche s’attira les bonnes grâces du monde des affaires qui, à l’époque, manquait de débouchés. Comme disait clairement Jules Ferry : « La consommation européenne est saturée ; il faut donc faire surgir des autres parties du globe de nouvelles couches de consommateurs sous peine de mettre la société moderne en faillite [...] Les colonies devaient offrir des marchés sûrs et protégés donc très rentables. Les capitaux investis avaient des taux de profits alléchants allant de 25 à 30 % et même plus dans le cas des mines »
    Mais il faut bien voir que ces rendements élevés ne furent possibles que parce que l’investissement public servait de « béquille » à l’investissement privé.
    L’inversion des images
    À partir des années trente, la majorité des Français, jusqu’alors indifférents au fait colonial, lui devint favorable. Les cérémonies marquant le centenaire de notre présence en Algérie et surtout l’exposition coloniale de 1931, visitée par 34 millions de personnes, y contribuèrent puissamment. Or, en raison de la crise, une minorité de patrons et de grands commis de l’État commençaient à douter de l’utilité de l’empire.
    Certes le système colonial protégeait les indigènes en cas de crise. Ceux-ci pouvaient continuer à acheter des cotonnades et des produits alimentaires dont les cours s’effondraient en métropole alors que les prix des produits coloniaux se maintenaient en général grâce au soutien apporté par la métropole à travers le système autarcique mis en place depuis les années 1880. De cela, le grand public n’était guère conscient mais on eût pu croire que le Front populaire, confronté à de graves problèmes monétaires, entamerait des réformes. Il n’en fut rien. Là, comme ailleurs, il fallut attendre le régime de Vichy pour avoir une politique novatrice.
    Le plan élaboré de 1942 à 1952 dénonçait le protectionnisme malthusien qui avait inspiré tous les gouvernements jusqu’alors. Il fallait placer la France et son empire dans le contexte international. Pour cela l’amiral Platon, secrétaire d’État aux Colonies, demandait qu’on favorise leur industrialisation.
    N’était-il pas paradoxal, comme l’écrivait l’un de ses collaborateurs, qu’on importe des cotonnades dans des colonies qui fournissaient cette fibre ? L’industrialisation éviterait aussi la monoculture et serait une voie de promotion pour les indigènes.
    Les hauts fonctionnaires de Vichy s’opposaient aussi au travail forcé. Decoux, en Indochine, aligna le salaire des fonctionnaires vietnamiens sur celui des métropolitains et il leur ouvrit la haute fonction publique. Cette politique intelligente et novatrice qui aurait permis des évolutions en douceur fut contrecarrée par De Gaulle. À la conférence de Brazzaville, la commission de l’économie impériale se révéla très divisée sur l’industrialisation des colonies alors que le commissariat aux colonies exigeait que le travail forcé fût maintenu. Quel progrès !
    Capitalisme et décolonisation
    Avec l’établissement d’une comptabilité publique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les hauts fonctionnaires, comme Claude Gruson, comprirent « pour la première fois que l’empire colonial, loin d’être une richesse était une charge très lourde ».
    Désormais, la haute fonction publique proposa au monde politique deux options : soit mettre la France en symbiose avec le monde développé, c’est-à-dire abandonner l’empire qui nous coûtait cher, soit vivre en autarcie avec lui. On devine où allaient leurs préférences.
    Ces idées nouvelles pénétrèrent jusqu’à l’intérieur du Comité central de la France d’Outre-Mer où les représentants de la haute finance défendirent l’idée qu’il valait mieux rompre les « liens politiques avec l’empire pour sauver l’essentiel, c’est-à-dire les liens monétaires et financiers ». En face, certains industriels exigeaient le maintien de liens politiques mais leur position était faible dans la mesure où ils représentaient souvent des secteurs en perte de vitesse comme le textile. Le comité fut bientôt paralysé par la lutte entre ces deux tendances. Progressivement, les premiers, partisans d’une rupture avec les colonies, Algérie comprise, « qui forçaient la puissance publique à gaspiller dans l’empire des capitaux considérables sans aucun bénéfice », l’emportèrent, y compris dans le monde politique.
    « En 1954, Pierre Mendès- France avait été le premier à dire qu’entre l’Indochine et le redressement économique de la France, il fallait choisir ». De son côté, Alfred Sauvy faisait savoir que le coût de l’Algérie serait bientôt de 400 milliards, chiffre qui inquiéta Paul Reynaud, président de la commission des Finances. Bientôt, avec le retour au pouvoir de De Gaulle s’imposa l’idée « que la France ne pouvait appartenir en même temps à deux marchés communs, l’un avec l’Europe, l’autre avec l’Outre-Mer ».
    Après avoir donné leur indépendance aux colonies d’Afrique noire, De Gaulle déclarait le 11 avril 1961 : « L’Algérie nous coûte cher - c’est le moins qu’on puisse dire - plus cher qu’elle ne nous rapporte... C’est un fait, la décolonisation est notre intérêt et, par conséquent, notre politique ».
    Ainsi, loin d’avoir exploité leurs colonies, comme la gauche colonialiste d’hier veut nous le faire croire, les pays européens ont été exploités par elles. L’exemple français étudié par Jacques Marseille (1) le prouve, comme celui de l’Angleterre, de la Hollande et du Portugal.
    Yves LENORMAND L’’Action Française 2000– du 5 au 18 janvier 2006
    (1) Jacques Marseille : Empire colonial et capitalisme français - Histoire d’un divorce. Éd. Albin Michel, 2005, 640 p., 21,50 euros.

  • La faillite des services de renseignement américains

    La faillite des services de renseignement américains

    Ci-dessus : Surveillance informatique des pays par la National Security Agency américaine. Vert pour les pays les moins surveillés, puis jaune, orange et rouge de plus en plus surveillés. Surveillance de mars 2013. Document top secret révélé par une fuite début juin 2013, voir ci-dessous.

    WASHINGTON (NOVOpress via Bulletin de réinformation) – Depuis quelques jours, la polémique est vive autour des révélations sur la surveillance des sites Internet du monde entier par les services secrets américains. A ces opérations auraient, d’ailleurs contribué, les géants de l’Internet tels que l’entreprise Facebook de Monsieur Zuckerberg.

    Pourtant, les renseignements américains ont surtout montré des faiblesse

    Déjà, la semaine passée, les systèmes informatiques de l’armée américaine ont été victimes d’une cyber‑attaque depuis la Chine. Des secrets militaires et stratégiques ont ainsi été dérobés et observés par Pékin. Il s’agit notamment des plans du dernier avion de chasse Raptor qui représente près de quinze années de travail pour Washington.

    Par ailleurs, les fuites concernant l’espionnage à l’échelle mondiale par les Etats‑Unis proviennent d’un ancien employé de la CIA et travaillant aujourd’hui pour une société privée … sous-traitée par les services de renseignement !

    Qu’en est‑il de ce recours au secteur privé ?

    Il est assez important. En 2010, un peu moins de 2000 entreprises privées travaillaient pour les agences de renseignement américaines. La lutte contre le terrorisme et les nouvelles orientations stratégiques des Etats-Unis expliquent ce besoin grandissant de prestations commerciales. Ce recours à des entreprises privées par le gouvernement américain dans le domaine de la Défense n’est cependant pas nouveau. Parmi les soldats présents en Irak depuis 2003, plus de la moitié des troupes est composée d’armées privées.

    Qu’impliquent ces révélations d’espionnage et de faiblesses ?

    Cela signifie tout d’abord que la guerre se déroule désormais sur un terrain virtuel. Dans ces conflits, les principes diplomatiques s’effacent et la lutte est acharnée. Plus grave encore, des compétences pourtant régaliennes sont désormais confiées à des acteurs privés, preuve du vacillement des Etats, notamment occidentaux qui tentent de se rattraper en espionnant les populations : la bête est blessée.

    Crédit iùmage : U.S. National Security Agency (NSA), via Wikipédia, domaine public depuis qu’elle est révélée.

    http://fr.novopress.info

  • Le Qatar, un ami qui nous veut du mal

    La France, un paradis fiscal pour un géant financier : Camille Galic a lu les deux dernières monographies du Qatar.
    Peuplé de 1.903.447 habitants dont les deux tiers d’étrangers répartis sur  11.586 km2 seulement, soit un peu moins que la région Ile-de-France, le Qatar intrigue, le Qatar inquiète. Il est vrai que son avidité capitalistique et ses ambitions géopolitiques sont inversement proportionnelles à sa population et à sa superficie. Sur les cinq livres qui viennent de lui être consacrés, nous en avons retenu deux : Qatar/ Les secrets du coffre-fort et Le Vilain Petit Qatar. Le premier, plus informatif, le second, plus polémique. C.G.

    Bons spécialistes du Moyen-Orient, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, qui furent enlevés le 20 août 2004 par l’Armée islamique en Irak qui ne les relâcha que quatre mois plus tard en échange, selon The Times, d’une rançon de 11,8 millions d’euros en partie réglée, dit-on, par… le Qatar, disent avoir enquêté un an sur « ce confetti qui rêve d’être un empire ». Ils énumèrent ses atouts, en particulier ses fabuleuses réserves de gaz naturel et son « trio magique » constitué par le cheik Hamal al-Hani, « un émir despote mais éclairé » (après avoir pris soin de débarquer son père et de neutraliser une kyrielle de frères), son ambitieuse et élégante épouse la cheika Moza et son premier ministre et cousin Hamad bin Jassem Bin Jabor, dit HBJ, wahhabite conservateur très proche des Etats-Unis et « grand manitou du rapprochement avec la France de Nicolas Sarkozy ».

    La France paradis fiscal… pour les Qataris
    En fait, le rapprochement avait initialement eu lieu sous De Gaulle, qui avait tenté de faire la pige aux Anglo-Saxons dans le Golfe, et s’était accentué sous Chirac, mais l’idylle menée tambour battant par Sarkozy favorisa de la part des Qataris un véritable prurit d’acquisitions et d’investissements. Palaces, hôtels particuliers, immeubles de rapport et de bureaux, entreprises du luxe, participations dans les firmes du CAC 40, terres arables, œuvres d’art (c’est le Qatar qui imposa la grotesque exposition Murakami au château de Versailles), sport avec le rachat du PSG, rien n’échappe à leur fringale.
    Cette relation « quasi fusionnelle entre Sarko et HBJ » aboutira, écrivent de leur côté Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget, à la signature, le 14 janvier 2008, d’une convention fiscale extraordinairement favorable au « Vilain Petit Qatar », fanatique du « Monopoly planétaire » : « L’article 8 allège considérablement l’impôt sur la fortune des Qataris propriétaires en France. L’article 12 de cette même convention prévoit l’exonération de tout impôt sur les plus-values immobilières. »
    Inutile de préciser que cette convention transformant notre pays en paradis fiscal sélectif fut votée avec enthousiasme à l’Assemblée nationale… et qu’elle n’a pas été abrogée par François Hollande, l’homme qui « n’aime pas les riches ». Au contraire : lorsque le (faux) couple présidentiel se rendit aux Etats-Unis, Valérie Trierweiler offrit à Michelle Obama un sac « le Tanneur », entreprise acquise par le Qatar. Un geste très apprécié à Doha.
    De même, lors des violentes émeutes raciales ayant ravagé, le 13 mai, le quartier du Trocadéro sous prétexte de fêter la victoire du PSG en championnat de France, la responsabilité du Qatar ne fut jamais évoquée par le gouvernement Ayrault, alors que c’est le Qatar qui avait exigé le Trocadéro, avec la Tour Eiffel en toile de fond, pour passer en boucle, sur sa chaîne de télévision Al Jezirah, cette réjouissance d’abord prévue au Parc des Princes.

    De Sarkozy en Hollande, un personnel politique aux ordres
    Mais on ne mord pas la main qui vous nourrit. Les deux tandems de journalistes se montrent très sévères, dans leurs ouvrages respectifs, pour le personnel politique français se précipitant à Doha pour s’y prélasser gratis dans les palaces et quémander prébendes et faveurs : des ministres Rachida Dati et Claude Guéant, parmi les plus assidus, aux « épouses d’ambassadeurs » faisant la manche « sans pudeur », en passant par les députés multipliant les salamalecs devant les potentats du gaz, tout le monde y passe, y compris le président Sarkozy et son épouse Carla, qui a fait le très juteux voyage de Doha. Et rien n’a changé pour le couple après la défaite de 2012. « Selon nos informations, l’ancien président de la République, devenu avocat d’affaires, travaille à l’acquisition par Doha de la filiale marocaine de Vivendi », affirment les auteurs des Secrets du coffre-fort. Mais, plus prudent que les Français, « Mohamed VI est réticent, craignant les liens entre le Qatar et les islamistes ».
    La situation est-elle plus saine depuis l’avènement de François Hollande ? Rien ne permet de l’espérer. Au contraire. L’un des intermédiaires les plus actifs dans le business entre Paris et Doha n’est-il pas le socialiste (ex-trotskiste) Eric Ghebali, l’un des cofondateurs de SOS-Racisme dont un ancien président, Harlem Désir, est aujourd’hui premier secrétaire du PS ? Et, dans un communiqué du 6 juin, Qatar Airways se vantait d’avoir été nommée « Meilleure Compagnie du Moyen-Orient » pour la sixième année consécutive… après avoir bénéficié d’autorisations de desserte internationale au détriment d’Air France !

    En Syrie comme dans les banlieues, la loi de Doha
    Plus grave : le Qatar a été le plus gros fournisseur d’armes des rebelles libyens, puis syriens, car l’émir veut la peau du président syrien. « C’est aujourd’hui un combat personnel. Hamad contre Assad, l’un d’eux partira. Et l’émir sait que si Bachar survit, il le lui fera payer. C’est pourquoi il met toute cette énergie pour le faire tomber », assure l’un de ses cousins, cité par Chesnot et Malbrunot. Dans les deux cas, Paris a servilement suivi le mouvement, mettant sa diplomatie et ses conseillers militaires au service de l’émir.
    Sur notre territoire même, on ferme les yeux sur « l’OPA sur l’islam de France » lancé par le Vilain Petit Qatar qui arrose généreusement les responsables d’organisations musulmanes – vilainen particulier Mohamed Bechiri, patron de la FNMF et proche de Martine Aubry, maire de Lille, où il a installé son Centre d’enseignement islamique – afin de créer un « Conseil représentatif des institutions musulmanes, un CRIM, qui serait, version islam, ce qu’est le CRIF pour la religion juive » et, par ce biais, de séduire les « communautés musulmanes de France, formidable porte d’entrée vers les pays du Maghreb où l’émir entend prendre la main ».
    « A la manœuvre, [on trouve] une jeune et charmante sous-préfète, Malika Benlarbi, ancienne du cabinet de Brice Hortefeux » (ministre de l’Intérieur de 2009 à 2011 sous Nicolas Sarkozy) mais aussi Kamal Hamza, conseiller municipal de La Courneuve et président de l’ANELD, Association nationale des élus de la diversité, à l’origine du Fonds pour les banlieues que devait financer le Qatar. Très critiqué, le plan a été modifié pour faire place à un « fonds franco-qatarien de 300 millions d’euros géré par la Caisse des dépôts et consignations »… et destiné non plus aux cités, trop connotées, mais aux « territoires déshérités », ce qui revient au même.
    Tout comme Beau et Bourget, Chesnot et Malbrunot donnent dans leur livre maints exemples de cet activisme, qui avait commencé avec la création d’Al Jezirah… et la distribution de paraboles pour la capter dans les banlieues.

    Protecteur des Frères musulmans et fidèle allié d’Israël
    Mais qui proteste, alors que, pratiqué par l’Iran par exemple, cet activisme susciterait un véritable tollé ? Il est vrai que le Qatar peut bien être classé par The Economist en queue des pays démocratiques, derrière la Biélorussie d’Alexandre Loukachenko, il a su prendre ses précautions dans un domaine essentiel : celui des relations avec l’Etat hébreu.
    Le premier ministre HBJ a ainsi choisi comme homme de confiance l’Arménien Najarian qui, pendant la guerre du Liban, participa au massacre, demandé par Ariel Sharon, des Palestiniens dans les camps de Sabra et de Chatila, ce qui conduisit à son exfiltration en Israël. HBJ lui-même, écrivent Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget, « entretient des relations avec une bonne partie des élus israéliens. Depuis qu’il a inauguré à Doha la représentation diplomatique de son pays, Shimon Peres continue à fréquenter cette capitale. Quant à Tzipi Livni, désormais chef du parti de droite Kadima, elle vient ici faire du shopping dans les “malls” climatisés et rendre visite au palais », où elle est, bien sûr, royalement reçue.
    Plus signifiant encore : quand, preuve de la « mondialisation financière vertigineuse » où est engagé le Qatar, est créé avec le concours du Fonds de l’émirat, le QIA, un « fonds spécial doté d’un milliard de dollars destinés aux pays émergents », ce fonds est « placé sous la supervision et le pilotage de Nochi Dankner, président du conglomérat IDB, le plus grand groupe d’affaires israélien ».
    Jusqu’à quand le « confetti » qui, via sa télévision, a tant célébré les révolutions arabes quand il ne les a pas attisées par des reportages truqués et des livraisons d’armes, et donc tant favorisé l’arrivée au pouvoir de fanatiques musulmans, pourra-t-il continuer à pratiquer un double langage et à jouer les équilibristes entre l’islam le plus radical et l’Etat hébreu ?

    Un géant (financier) aux pieds d’argile
    Seule consolation pour nous : les jours du Qatar sont peut-être comptés. Non seulement, dans le contexte tribal de l’émirat, le renversement du cheik al-Thani n’est pas à exclure, mais la principauté elle-même est d’une grande fragilité : trop riche, trop gâtée, sa jeunesse a tout oublié des rudes vertus bédouines et, même passée par les plus prestigieuses universités, semble n’avoir aucun sens des responsabilités ni aucun esprit d’entreprise dans la construction d’un pays viable. D’où, à mesure que le Qatar se modernise, l’appel de plus en plus pressant à la main-d’œuvre étrangère, du haut en bas de l’échelle. Les Arabes ne constituent plus ainsi que 40% de la population, pourcentage incluant en outre les Maghrébins, les Egyptiens et les Moyen-Orientaux travaillant et résidant dans l’émirat, qui les naturalise à tour de bras.
    Une situation explosive. Mais, en attendant qu’elle dégénère, le Qatar et surtout les politiques qui, par bêtise ou affairisme, ont choisi de faire de lui un partenaire privilégié et bientôt incontournable, auront durablement nui aux intérêts français.
     Camille Galic http://www.polemia.com
    11/06/2013
     Christian Chesnot et Georges Malbrunot : Qatar/ Les secrets du coffre-fort, Ed. Michel Lafon 2013, 334 pages (sans index).
    Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget : Le Vilain Petit Qatar/ Cet ami qui nous veut du mal, Ed. Fayard 2013, 292 pages (sans index).