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international - Page 1188

  • La folle stratégie de la paupérisation

    Au moment précis où le pouvoir d’achat enregistre un effondrement historique et où le chômage atteint des sommets, le gouvernement fait le choix de concocter un budget pour 2014 qui accable les ménages de prélèvements injustes. Au bout de cette stratégie détestable, un paysage social dévasté, avec 10 millions de pauvres.

    Dans l’univers doctrinal des socialistes, le terme de « paupérisation » n’a jamais eu très bonne presse. Qui ne se souvient par exemple des vives critiques de Jean Jaurès contre ce concept qu’il jugeait ambigu ? Dans un texte célèbre intitulé Questions de méthode 3, qu’il adresse à son « cher Péguy » le 17 novembre 1901 pour y être publié dans Les Cahiers de la quinzaine, il raille le catastrophisme de Marx et plus encore celui de Engels et leurs jeux sémantiques autour de la « paupérisation relative » et de la « paupérisation absolue ».

    En clair, ce vocable de « paupérisation » a longtemps constitué l’une des lignes de démarcation à gauche, entre un courant révolutionnaire persuadé que le capitalisme courait à sa propre perte, et un courant réformiste pensant qu’il pouvait être aménagé et partisan d’une politique audacieuse de réforme. À gauche, le mot de « paupérisation » a donc longtemps fonctionné comme un chiffon rouge.

    Et pourtant, oubliant ces querelles anciennes, comment aujourd’hui ne pas l’utiliser de nouveau ? C’est assurément celui qui résume le mieux les tendances à l’œuvre actuellement dans la société française, en même temps que les effets induits par la politique économique et sociale conduite par François Hollande. Car c’est le paradoxe de la politique socialiste : loin de limiter les effets de la crise sur la situation des catégories sociales les plus modestes, et notamment sur leur pouvoir d’achat, elle va contribuer à les renforcer sensiblement.

    Pour tout dire, François Hollande a choisi une politique de l’offre qui avantage les entreprises et qui risque d’accentuer les tendances à la paupérisation. Pour en trouver la confirmation, il suffit de se référer aux statistiques publiques les plus récentes, celles publiées ce mercredi soir par l’Insee dans son dernier « Point de conjoncture » ou encore celles qui figurent dans plusieurs documents publiés en annexe du projet de loi de finance pour 2014 et qui n’ont pas profité jusqu’à présent de la publicité qu’ils méritaient.

    « L’éclaircie se confirme » : dès son titre, la note de l’Insee suggère que la conjoncture s’améliore lentement. Soulignant que l’activité se redresse dans la plupart des économies avancées, dopant d’autant la demande étrangère adressée à la France, et relevant que « le climat des affaires, qui avait commencé de se redresser dans l’industrie au printemps, s’améliore désormais dans tous les secteurs », les statisticiens laissent à penser que le pire de la crise est peut-être derrière nous.

    Mais ce moindre pessimisme, il faut tout de suite le tempérer pour plusieurs raisons. D’abord, cette amélioration est singulièrement ténue. La croissance (du produit intérieur brut) resterait nulle (0 %) au troisième trimestre de 2013 avant de progresser légèrement au quatrième (+ 0,4 %). Au total, la France continuerait donc de barboter depuis deux ans dans une croissance toute proche de zéro, avec une activité nulle en 2012 (0 %) et en hausse infime en 2013 (+ 0,2 %).

    Ce mercredi soir, le ministre des finances Pierre Moscovici se rengorge de ce + 0,2 % de croissance attendu pour 2013 et souligne que c’est bien au-dessus du… + 0,1 % escompté par le gouvernement. Mais tout cela est dérisoire ! La vérité, c’est qu’après une longue période de croissance zéro, la France entre très lentement dans… une croissance molle !

    Ces prévisions ont pour horizon la fin de l’année et n’évoquent pas les tendances probables de l’économie pour l’année 2014. Mais elles permettent de mieux comprendre pourquoi le gouvernement a construit son projet de loi de finances pour 2014 sur des hypothèses économiques qui ne sont pas franchement optimistes, puisque la croissance resterait très modeste, à + 0,9 % sur l’ensemble de l’année.

    Pas d’inversion de la courbe du chômage !

    Ce moindre pessimisme, il faut aussi le relativiser pour une autre raison : ce regain de croissance est si faible qu’il est, à l’évidence, insuffisant pour redresser une conjoncture sociale qui, elle, reste gravement détériorée. C’est vrai d’abord sur le front du marché du travail. L’Insee passe d’abord en revue l’emploi et ses constats ne sont guère rassurants : « Du fait de la faiblesse passée de l’activité, l’emploi dans les secteurs marchands non agricoles a de nouveau nettement reculé au deuxième trimestre (- 35.000). Sous l’effet du retour de la croissance, la baisse de l’emploi marchand s’atténuerait progressivement au second semestre (- 24.000 puis – 7.000).

    Avec notamment la montée en charge des emplois d’avenir (21.500 ont été signés au premier semestre, pour une cible de 100.000 en 2013), le nombre de bénéficiaires d’emplois aidés augmenterait nettement dans le secteur non marchand au second semestre. Au total, après quatre trimestres de recul, l’emploi total progresserait aux troisième et quatrième trimestres, avec 10 000 puis 28 000 créations nettes d’emplois. »

    Ces niveaux seraient donc tout à fait insuffisants pour faire refluer le chômage. C’est ce qu’établit ensuite l’Insee : « Le taux de chômage s’est établi à 10,9 % de la population active en moyenne au deuxième trimestre 2013 (10,5 % en France métropolitaine), en hausse de 0,1 point par rapport au trimestre précédent. En moyenne trimestrielle, le chômage poursuivrait sa hausse au troisième trimestre, à 11,0 %, avant de se stabiliser au quatrième trimestre. »

    Autrement dit, le chômage va rester en France à un niveau historiquement élevé. Et le chef de l’État, qui avait promis une inversion de la courbe du chômage d’ici la fin de l’année, va devoir avouer qu’il n’y est pas parvenu – ou qu’il n’a pas pris les mesures adéquates à cette fin. Car l’Insee ne laisse rien présager en ce sens.

    Plus grave, cette stabilité du chômage à un niveau historique se cumulerait à une situation très dégradée du pouvoir d’achat. Voici en effet ce qu’en dit l’Insee : « Le pouvoir d’achat des ménages reculerait légèrement au second semestre 2013 (- 0,1% puis – 0,2 % aux troisième et quatrième trimestres).

    Ce repli tiendrait en grande partie au regain d’inflation et à la vigueur des impôts sur le revenu et le patrimoine. Les mesures votées pour 2013 induisent en effet des hausses de prélèvements de l’ordre de 1,1 point de revenu des ménages sur l’année dont environ la moitié, notamment celles relatives aux impôts sur le revenu et sur la fortune, affecterait le revenu des ménages au second semestre.

    Sur l’ensemble de l’année 2013, les prélèvements effectifs ralentiraient nettement, ce qui, conjugué à la baisse de l’inflation, permettrait au pouvoir d’achat des ménages de progresser à nouveau (+ 0,5 % après – 0,9 % en 2012). »

    Mais cette évaluation du pouvoir d’achat des ménages est trompeuse, car elle est calculée en proportion de ce que les économistes appellent le revenu disponible brut des ménages. Or, les évolutions démographiques contribuant à une hausse du nombre des ménages, le revenu disponible brut peut augmenter sans que pour autant le pouvoir d’achat réel des ménages suive le même mouvement. Pour corriger cet écart entre ce que disent les statistiques et ce que peuvent ressentir les ménages, les statisticiens ont donc inventé d’autres modes du calcul du pouvoir d’achat, qui rendent mieux compte du ressenti des ménages: le pouvoir d’achat par unité de consommation (en clair, hors effet démographique), ou le pouvoir d’achat du revenu arbitrable par unité de consommation. Ce dernier indicateur (en voici la définition exacte 3) est le bon car il donne la véritable évolution du pouvoir d’achat des ménages, hors des dépenses inéluctables de long terme comme le logement.

    Or les évolutions réelles du pouvoir d’achat ont ces derniers mois été bien plus catastrophiques que ne l’ont souvent laissé transparaître les statistiques sur le revenu disponible brut des ménages. On peut en prendre la mesure dans un tableau très éclairant inséré dans le tome 2, celui consacré aux annexes statistiques, du traditionnel Rapport économique et financier, qui est chaque année publié en même temps que le projet de loi de finances.

    Effondrement historique du pouvoir d’achat

    Le grand intérêt de ce document, c’est qu’il montre donc que 2012 a été, sur une longue période, l’une des années les plus catastrophiques que les Français aient jamais vécues, avec une chute de 0,9 % du pouvoir d’achat du revenu disponible brut, ce qui est sans précédent dans la période contemporaine, sauf en 1984 (- 1,1 %), l’année où le pouvoir d’achat des Français s’est effondré du fait du plan d’austérité pris l’année précédente, lors du célèbre tournant de la « rigueur ».

    Mais cette baisse de – 0,9 % est donc elle-même trompeuse, car la situation réelle des ménages a été plus dégradée. Le tableau fait en effet apparaître que ce même pouvoir d’achat par unité de consommation a baissé de – 1,5 % en 2012, ce qui est encore sans précédent depuis 1984 (- 1,9 %) ; et dans le cas du pouvoir d’achat du revenu arbitrable par unité de consommation, l’effondrement a même atteint – 2,7 %, ce qui est toujours sans précédent depuis 1984 (- 3,1 %).

    Du même coup, on comprend mieux la fragilité des indications dont on dispose pour 2013. Si l’Insee évoque une hausse possible de + 0,5 % du pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages sur l’ensemble de l’année, cela suggère que le pouvoir d’achat par unité de consommation a vraisemblablement encore baissé, et même beaucoup dans le cas du pouvoir d’achat arbitrable.

    Et pour 2014, la tendance ne s’annonce guère plus favorable. Dans des hypothèses qui, par construction, sont toujours optimistes, le gouvernement escompte une hausse du pouvoir d’achat du revenu disponible brut de seulement 0,8 %. Autrement dit, le pouvoir d’achat réel, quel que soit l’indicateur de mesure choisi, devrait accuser au mieux une stagnation, au pire une régression.

    En clair, même si les effets économiques de la crise s’estompent, le pouvoir d’achat des ménages aura passé trois années détestables, en 2012, 2013 et sans doute 2014. Et l’alternance n’y aura pas changé grand-chose. On peut même dire les choses de manière plus brutale: la politique économique socialiste aura grandement contribué à déprimer le pouvoir d’achat, au lieu de le relancer.

    Les premiers signes en sont venus sitôt l’élection présidentielle passée. Choisissant de conduire une politique salariale restrictive, aussi bien dans le privé (avec le Smic qui n’a pas bénéficié de coup de pouce) que dans le public (avec un gel de la revalorisation du point d’indice), dans la droite ligne de ce que Nicolas Sarkozy avait fait auparavant, le gouvernement socialiste a, de surcroît, multiplié les cadeaux aux entreprises, en les faisant financer par les ménages. Et c’est cette immense politique de transferts de charges sociales ou fiscales des entreprises vers les ménages qui s’accélère avec le projet de loi de finances pour 2014.

    C’est sans doute l’aspect le plus choquant de ce projet de budget que le gouvernement vient de présenter : pour financer ses immenses cadeaux aux entreprises, à commencer par les 20 milliards d’euros de crédit d’impôt, offerts sans la moindre contrepartie, c’est-à-dire avec le risque de susciter seulement des effets d’aubaine, le gouvernement a fait le choix de ponctionner les ménages au moment précis où leur pouvoir d’achat a accusé une dépression continue pendant trois années consécutives dans des proportions quasi inégalées depuis presque un demi-siècle.

    Il serait donc imprécis de dire qu’avec François Hollande, les socialistes ont définitivement abandonné la « politique de la demande » pour se rallier à une « politique de l’offre », d’inspiration néolibérale. Pour dire plus précisément les choses, ils privilégient l’offre… en piétinant la demande ! Ils multiplient les cadeaux aux entreprises, au risque d’une paupérisation accrue des ménages les plus fragiles.

    Lors de la présentation la semaine passée du projet de loi de finances pour 2014 (lire Radiographie d’un budget de droite), sans doute avait-on eu du mal à prendre la mesure exacte de tous les transferts engagés par le gouvernement des entreprises vers les ménages. Car, dans un bel exercice de langue de bois, Bercy avait communiqué sur le projet de budget, et notamment sur les mesures fiscales envisagées, mais sans présenter de tableau d’ensemble permettant de chiffrer le total des efforts demandés aux ménages.

    Mais avec le recul, on y voit un petit plus clair. Dans le tome 1 de ce même Rapport économique et financier, on trouve ainsi un tableau très éclairant, qui présente enfin une vision d’ensemble des mesures fiscales.

    La pauvreté explose

    Dans ce tableau, on découvre ainsi que les ménages auront des rafales d’impôts nouveaux à payer en 2014. En particulier, près de 5,9 milliards d’euros seront à leur charge au titre de ce que Bercy, sans doute par goût de la provocation, a classé dans une rubrique dénommée « Pérenniser notre modèle social ».

    Il est en effet prévisible que toutes les charges qui y figurent seront à la charge des ménages, y compris la hausse des cotisations de retraite employeurs, puisque l’on sait que les entreprises bénéficieront d’une compensation intégrale de cette ponction, par le biais d’une réforme du financement de la branche famille qui sera à la charge… des ménages !

    Pour éclairant qu’il soit, ce tableau ne donne toutefois qu’une idée encore approximative des transferts qui seront engagés au profit des entreprises et au détriment des ménages. Car il se borne à ne présenter que sur une ligne agrégée les premiers crédits d’impôts consentis aux entreprises dans le cadre du « choc de compétitivité » et les hausses de TVA qui ont été décidées pour financer partiellement le dispositif. Résultat, on découvre que l’effet net du Crédit d’impôt compétitivité (CICE) et de la TVA équivaudra à un allègement net de 3,8 milliards d’euros.

    Présenté de cette manière, le mouvement de bascule qui va avoir lieu est proprement incompréhensible. Car on sait ce que sera le véritable transfert: à terme, les entreprises vont pouvoir bénéficier de crédit d’impôt de 20 milliards d’euros, et ce cadeau sera financé par un relèvement au 1er janvier de 19,6 % à 20 % du taux normal de TVA et de 7 % à 10 % du taux intermédiaire, le taux réduit devant, lui, baisser de 5,5 % à 5 %. Soit, au total, une hausse de la TVA qui pèsera sur les ménages à hauteur 5,2 milliards d’euros en 2014 – somme qui viendra donc s’ajouter aux 5,9 milliards d’euros déjà évoqués.

    En somme, le gouvernement va imposer aux ménages une année 2014 très difficile, alors même qu’ils ont déjà vu leur pouvoir d’achat s’effondrer en 2012 et dans une mesure moindre en 2013. Et soit dit en passant, le débat budgétaire s’annonce sous de sombres auspices puisque le gouvernement a laissé dès à présent entendre qu’il ne ferait aucune concession importante. À l’aile gauche du parti socialiste, qui préconise par exemple d’introduire un peu de progressivité dans la Contribution sociale généralisée (CSG), il a été ainsi répondu qu’il n’en était pas question. Résultat : le débat risque de donner lieu seulement à de dérisoires petits tours de passe-passe.

    On sait que le Parti socialiste est à la recherche d’une mesure sociale forte, pour tenter de rééquilibre ce projet de budget très ancré à droite. Mais on sait aussi comment cette mesure forte pourrait être financée : par l’annulation de la baisse de 5,5 % à 5 % du taux réduit de TVA, ce qui générerait une économie de 750 millions d’euros. En clair, le geste symbolique au profit des ménages modestes pourrait être financé par… les ménages modestes eux-mêmes, qui seraient les premiers frappés par cette mesure de gel du taux minoré de TVA.

    On comprend donc qu’il n’y a nul excès à pointer un risque de paupérisation accrue en France. Car, déjà, les dernières statistiques disponibles étaient très préoccupantes : selon une étude récente de l’Insee, elles faisaient apparaître que le nombre de pauvres avait atteint 8,7 millions de personnes en France en 2011.

    Compte tenu de l’envolée historique du chômage tout au long des années 2012 puis 2013, et de l’effondrement du pouvoir d’achat, il n’est donc pas besoin d’être grand clerc pour deviner que l’on est malheureusement en route pour franchir la barre des 10 millions de pauvres. Par la faute de la crise. Par la faute, tout autant, de la politique économique choisie par les socialistes, qui ne se différencie guère de celle suivie par Nicolas Sarkozy.

    Qu’importent donc les vieilles polémiques d’antan et les mises en garde de Jean Jaurès contre le catastrophisme d’Engels. Car en vérité, les socialistes d’aujourd’hui ont perdu le fil de cette longue histoire et ont déserté le camp de la réforme. Les voilà qui font même la politique du camp d’en face.

    Jean Jaurès, réveille-toi…

    Mediapart

      http://fortune.fdesouche.com/327881-la-folle-strategie-de-la-pauperisation#more-327881

  • Le lobby israélien aux États-Unis- Deuxième partie

    Le Lobby ne veut pas de débat public, naturellement, parce que cela pourrait mener les Américains à remettre en cause le niveau de soutien qu’ils fournissent. En conséquence, les organisations pro-israéliennes travaillent dur pour influencer les institutions, qui font tout ce qu’elles peuvent pour façonner l’opinion populaire.

    La perspective du Lobby règne dans les médias traditionnels : « Le débat parmi les experts du Moyen-Orient, écrit le journaliste Eric Alterman, est dominé par des gens qui ne peuvent pas imaginer critiquer Israël. » Il énumère soixante et un « chroniqueurs et commentateurs sur lesquels on peut compter pour soutenir Israël par réflexe et sans qualification ». En revanche, il a trouvé seulement cinq experts qui critiquent uniformément les actions israéliennes ou approuvent les positions arabes. Les journaux publient de temps en temps des articles d’invités critiquant la politique israélienne, mais l’équilibre de l’opinion favorise clairement l’autre côté. Il est difficile d’imaginer un média traditionnel aux États-Unis publier un article comme celui-ci.

    « Shamir, Sharon, Bibi – tout ce que veulent ces types me semble très bien », a un jour remarqué Robert Bartley. Il n’est pas étonnant que, son journal, le Wall Street Journal, ainsi que d’autres journaux importants comme le Chicago Sun-Times et le Washington Times, publient régulièrement des éditoriaux qui soutiennent fortement Israël. Des magazines comme le Commentary, le New Republic et le Weekly Standard défendent Israël à chaque fois.

    On trouve également des éditoriaux partiaux dans des journaux comme le New York Times, qui critique de temps en temps la politique israélienne et concède parfois que les Palestiniens ont des revendications légitimes, sans pour autant être équitable. Dans ses mémoires, l’ancien directeur de la rédaction du journal, Max Frankel, reconnaît l’impact que sa propre attitude a eu sur ses décisions éditoriales :

    « J’ai été bien plus profondément dévoué à Israël que je n’ai osé l’affirmer.. Enrichi par ma connaissance d’Israël et de mes amitiés là-bas, j’ai moi-même écrit la plupart de nos commentaires sur le Moyen-Orient. Comme l’ont reconnu plus de lecteurs arabes que de juifs, je les ai écrits d’une perspective pro-israélienne. »

    Les nouveaux reportages sont plus équitables, en partie parce que les journalistes tâchent d’être objectifs, mais également parce qu’il est difficile de couvrir des événements dans les territoires occupés sans reconnaître les actions d’Israël sur le terrain. Pour décourager les reportages défavorables, le Lobby organise des campagnes d’écriture de lettres, des manifestations et des boycotts des nouvelles publications dont le contenu est considéré comme anti-israélien. Un directeur de CNN a dit qu’il reçoit parfois 6 000 courriels en une seule journée pour se plaindre d’une histoire. En mai 2003, le pro-israélien Committee for Accurate Middle East Reporting in America (CAMERA) a organisé des manifestations à l’extérieur des stations de National Public Radio dans trente-trois villes ; il a également essayé de persuader les donateurs de suspendre le soutien au NPR jusqu’à ce que sa couverture moyen-orientale devienne plus sympathique à Israël. La station du NPR de Boston, WBUR, aurait perdu plus d’un million de dollars de contributions suite à ces efforts. D’autres pressions sur la NPR sont venues des amis d’Israël au Congrès, qui ont demandé un audit interne de sa couverture moyen-orientale ainsi que plus de surveillance.

    Le côté israélien domine également les think tanks qui jouent un rôle important dans le façonnage du débat public ainsi que dans la politique actuelle. Le Lobby a créé son propre think tank en 1985, quand Martin Indyk a aidé à créer le WINEP. Bien que le WINEP garde secret ses liens avec Israël, en affirmant qu’il fournit une perspective « équilibrée et réaliste » sur les questions du Moyen-Orient, il est financé et dirigé par des individus profondément engagés dans la progression de l’agenda d’Israël.

    Cependant, l’influence du Lobby se prolonge bien au delà du WINEP. Au cours des 25 dernières années, les forces pro-israéliennes ont installé une présence dominante à l’American Enterprise Institute, au Brookings Institution, au Center for Security Policy, au Foreign Policy Research Institute, à l’Heritage Foundation, à l’Hudson Institute, à l’Institute for Foreign Policy Analysis et au Jewish Institute for National Security Affairs (JINSA). Ces think tanks formulent peu de critiques du soutien américain à Israël, voire aucune.

    Prenons le Brookings Institution. Pendant de nombreuses années, son principal expert sur le Moyen-Orient était William Quandt, un ancien fonctionnaire du NSC avec une réputation bien méritée d’impartialité. Aujourd’hui, la couverture de Brookings est menée par le Saban Center for Middle East Studies, qui est financé par Haim Saban, un homme d’affaires israélo-américain et sioniste ardent. Le directeur du centre est l’omniprésent Martin Indyk. Ce qui était par le passé un institut de politique indépendant fait maintenant partie du chœur pro-israélien.

    Là où le Lobby a eu la plus grosse difficulté, c’est dans l’étouffement du débat sur les campus d’université. Dans les années 90, quand le processus de paix d’Oslo était en cours, il y avait seulement une légère critique d’Israël, mais elle s’est développée avec l’effondrement d’Oslo et l’accès au pouvoir de Sharon, devenant tonitruante quand Tsahal a réoccupé la Cisjordanie au printemps 2002 et qu’elle a utilisé une force énorme pour maitriser le Deuxième Intifada.

    Le Lobby a agi immédiatement pour « reprendre les campus ». Des nouveaux groupes ont pris naissance, comme la Caravan for Democracy, qui a fait venir des intervenants israéliens dans les universités américaines. Des groupes établis comme le Jewish Council for Public Affairs et Hillel s’y sont joints, et un nouveau groupe, l’Israël on Campus Coalition, a été constitué pour coordonner les nombreux organismes qui cherchent maintenant à aborder le cas d’Israël. Enfin, l’AIPAC a plus que triplé ses dépenses dans des programmes pour surveiller les actions dans les universités et pour former de jeunes avocats, dans le but « d’augmenter énormément le nombre d’étudiants impliqués sur les campus... dans le cadre de l’effort national pro-israélien ».

    Le Lobby surveille également ce que les professeurs écrivent et enseignent. En septembre 2002, Martin Kramer et Daniel Pipes, deux néo-conservateurs passionnément pro-israéliens, ont créé un site internet (Campus Watch) qui affiche des dossiers sur des universitaires suspects et encourage les étudiants à relater les remarques ou les comportements qui pourraient être considérés comme hostiles à Israël. Cette tentative transparente de mettre sur une liste noire et d’intimider les professeurs a provoqué une sévère réaction et Pipes et Kramer ont plus tard enlevé les dossiers, mais le site Internet invite toujours les étudiants à rapporter toute activité « anti-israélienne ».

    Des groupes du Lobby ont fait pression sur des universitaires et des universités particuliers. Columbia a été une cible fréquente, sans aucun doute en raison de la présence du défunt Edward Said dans son corps enseignant. « On pouvait être sûr que toute déclaration publique en soutien aux Palestiniens faite par l’éminent critique littéraire Edward Said récolterait des centaines d’e-mails, de lettres et de compte-rendus journalistiques nous invitant à dénoncer Said et soit à le sanctionner soit à le renvoyer », rapportait Jonathan Cole, son ancien principal. Quand Columbia a recruté l’historien Rashid Khalidi de Chicago, la même chose s’est produite. Ce fut un problème que Princeton a également affronté quelques années plus tard quand il a envisagé de courtiser Khalidi pour qu’il parte de Columbia.

    Une illustration classique de l’effort pour maintenir l’ordre dans le milieu universitaire s’est produite vers la fin 2004, quand le Projet David a produit un film alléguant que les membres du corps enseignant du programme d’études moyen-orientales de Columbia étaient antisémites et intimidaient les étudiants juifs qui se positionnaient pour Israël. Columbia a été sur des charbons ardents, mais un comité du corps enseignant qui a été assigné pour enquêter sur les accusations n’a trouvé aucune preuve d’antisémitisme et le seul incident éventuellement notable était qu’un professeur avait « répondu âprement » à la question d’un étudiant. Le comité a également découvert que les universitaires en question avaient été eux-mêmes la cible d’une campagne manifeste d’intimidation.

    L’aspect peut-être le plus inquiétant dans tout cela, ce sont les efforts faits par les groupes juifs pour pousser le Congrès à établir des mécanismes pour surveiller ce que disent les professeurs. S’ils parviennent à le faire voter, des universités considérées comme ayant une tendance anti-israélienne pourraient se voir refuser un financement fédéral. Leurs efforts n’ont pas encore abouti, mais cela indique l’importance placée sur le contrôle du débat.

    Un certain nombre de philanthropes juifs ont récemment créé des programmes d’études d’Israël (en plus des quelque 130 programmes d’études juifs existant déjà) afin d’augmenter le nombre d’élèves amis d’Israël sur les campus. En mai 2003, l’université de New York (NYU) a annoncé la création du Taub Center for Israël Studies ; des programmes semblables ont été créés à Berkeley, Brandeis et Emory. Les administrateurs universitaires soulignent leur valeur pédagogique, mais la vérité est qu’ils ont en grande partie pour objectif de favoriser l’image d’Israël. Fred Laffer, directeur de la Taub Foundation, indique clairement que sa fondation a financé le centre de NYU pour aider à contrer « le point de vue [sic] arabe » qu’il pense être répandu dans les programmes moyen-orientaux de NYU.

    Aucune discussion sur le Lobby ne serait complète sans examen d’une de ses armes plus puissantes : l’accusation d’antisémitisme. Toute personne qui critique les actions d’Israel ou argue du fait que les groupes pro-Israéliens ont une influence significative sur la politique moyen-orientale des États-Unis – un hommage à l’influence de l’AIPAC – a une forte chance d’être traitée d’antisémite. En effet, toute personne qui affirme simplement qu’il y a un lobby israélien court le risque d’être accusée d’antisémitisme, bien que les médias israéliens fassent référence au « lobby juif » en Amérique. En d’autres termes, le Lobby se vante d’abord de son influence et attaque ensuite toute personne qui attire l’attention sur lui. C’est une stratégie très efficace : l’antisémitisme est quelque chose dont personne ne veut être accusé.

    Les Européens ont été plus disposés que les Américains à critiquer la politique israélienne, ce que certains attribuent à une réapparition de l’antisémitisme en Europe. « Nous arrivons à un point, déclarait l’ambassadeur américain auprès de l’Union Européenne début 2004, qui est aussi abominable que ce qui se passait dans les années 30. » Mesurer l’antisémitisme est une chose compliquée, mais le poids des preuves montrent la direction opposée. Au printemps 2004, quand les accusations d’antisémitisme européen se sont répandues en Amérique, différents sondages d’opinion publique européenne menés par l’Anti-Defamation League basée aux États-Unis et le Pew Research Center for the People and the Press ont constaté qu’en fait il diminuait. Dans les années 30, en revanche, l’antisémitisme était non seulement répandu parmi les Européens de toutes classes, mais était considéré comme tout à fait acceptable.

    Le Lobby et ses amis dépeignent souvent la France comme le pays le plus antisémite d’Europe. Mais en 2003, le chef de la communauté juive française a déclaré que « la France n’était pas plus antisémite que l’Amérique ». Selon un article récent paru dans Ha’aretz, la police française a rapporté que les incidents antisémites avaient diminué de près de 50 % en 2005 ; et cela bien que la France ait la plus grande population musulmane d’Europe. Enfin, quand un juif français a été assassiné à Paris le mois dernier par un gang musulman, des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues pour condamner l’antisémitisme. Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont tous les deux assisté à l’office commémoratif de la victime pour montrer leur solidarité.

    Personne ne nierait qu’il y a de l’antisémitisme parmi les musulmans européens, en partie provoquée par la conduite d’Israël envers les Palestiniens et une partie parce qu’il y a tout simplement du racisme. Mais c’est une question distincte de celle consistant à savoir si oui ou non l’Europe est aujourd’hui comme l’Europe des années 30. Personne ne nierait qu’il reste quelques antisémites autochtones virulents en Europe (comme il y en a aux États-Unis) mais ils ne sont pas nombreux et leurs opinions sont rejetées par la grande majorité des Européens.

    Quand ils sont pressés d’aller au delà de la seule affirmation, les avocats d’Israël prétendent qu’il y a un « nouvel antisémitisme », qui équivaut à une critique d’Israël. En d’autres termes, critiquez la politique israélienne et vous êtes par définition un antisémite. Quand le synode de l’Église anglicane a récemment voté pour désinvestir de Caterpillar Inc. parce qu’il fabrique des bulldozers utilisés par les Israéliens pour démolir les maisons palestiniennes, le Grand Rabbin s’est plaint que cela « aurait des répercussions les plus défavorables sur... les relations entre les Juifs et les Chrétiens en Grande-Bretagne », tandis que le rabbin Tony Bayfield,à la tête du Mouvement de Réforme, disait : « Il y a un net problème d’attitudes antisionistes – à la limite de l’antisémitisme – émergeant de la base et même des catégories au centre de l’Église ». Mais l’Église était simplement coupable de protestation contre la politique du gouvernement israélien.

    Des critiques sont également accusés de mésestimer Israël à un niveau injustifié ou de remettre en cause son droit à exister. Mais ce sont de fausses accusations aussi. Les critiques occidentaux d’Israël ne remettent presque jamais en cause son droit à exister : ils remettent en cause son comportement envers les Palestiniens, tout comme les Israéliens eux-mêmes. Israël n’est pas non plus jugé injustement. Le traitement des Palestiniens par les Israéliens attire la critique parce qu’il est contraire aux notions largement admises des droits de l’homme, au droit international et au principe de l’autodétermination nationale. Et c’est difficilement le seul État à avoir affronté de vives critiques pour ces raisons.

    En automne 2001, et particulièrement au printemps 2002, l’administration Bush a tenté de réduire le sentiment anti-américain dans le monde arabe et de saper le soutien aux groupes terroristes comme Al-Qaida en stoppant la politique expansionniste d’Israël dans les territoires occupés et en préconisant la création d’un État palestinien. Bush avait à sa disposition des moyens de persuasion très significatifs. Il aurait pu menacer de réduire le soutien économique et diplomatique à Israël, et les Américains l’auraient presque certainement soutenu. Un sondage de mai 2003 indiquait que plus de 60 % des Américains étaient disposés à retenir l’aide si Israël résistait à la pression des États-Unis pour régler le conflit, et que le nombre atteignait 70 % parmi « les politiquement actifs ». En effet, 73 % ont dit que les États-Unis ne devraient pas favoriser l’une ou l’autre partie.

    Pourtant, l’Administration n’a pas changé la politique israélienne, et Washington a fini par la soutenir. Avec le temps, l’Administration a également adopté les propres justifications d’Israël sur sa position, de sorte que la rhétorique des États-Unis a commencé à imiter la rhétorique israélienne. En février 2003, un titre du Washington Post résumait la situation : « Bush et Sharon presque identiques sur la politique du Moyen-Orient. » La raison principale de ce changement était le Lobby.

    L’histoire commence en septembre 2001, quand Bush a commencé à inviter Sharon pour qu’il montre de la retenue dans les territoires occupés. Il l’a également pressé de permettre au ministre des Affaires étrangères israélien, Shimon Peres, de rencontrer Yasser Arafat, quoiqu’il (Bush) ait fortement critiqué le leadership d’Arafat. Bush a même dit publiquement qu’il soutenait la création d’un État palestinien. Alarmé, Sharon l’a accusé de tenter « d’apaiser les Arabes à nos frais », en avertissant qu’Israël « ne sera pas la Tchécoslovaquie ».

    Bush était soi-disant furieux d’avoir été comparé à Chamberlain, et le secrétaire de presse de la Maison Blanche a qualifié les remarques de Sharon d’« inacceptables ». Sharon a présenté des excuses, mais il a rapidement réuni ses forces à celles du Lobby pour persuader l’Administration et les Américains que les États-Unis et Israël affrontaient une menace terroriste commune. Des responsables israéliens et des représentants du Lobby ont insisté sur le fait qu’il n’y avait aucune véritable différence entre Arafat et Oussama Ben Laden : les États-Unis et Israël, ont-ils dit, devraient isoler le chef élu des Palestiniens et ne rien avoir à faire avec lui.

    Le Lobby est également allé travailler au Congrès. Le 16 novembre, 89 sénateurs ont envoyé une lettre à Bush en le félicitant d’avoir refusé de rencontrer Arafat, mais en demandant également que les États-Unis ne retiennent pas Israël de représailles contre les Palestiniens ; l’administration, écrivaient-ils, doit déclarer publiquement qu’elle se tient derrière Israël. Selon le New York Times, la lettre « provenait » d’une réunion qui s’était déroulée deux semaines auparavant entre les « responsables de la communauté juive américaine et les principaux sénateurs », en ajoutant que l’AIPAC avait été « particulièrement actif en fournissant des conseils au sujet de la lettre ».

    Fin novembre, les relations entre Tel Aviv et Washington s’étaient considérablement améliorées. C’était grâce en partie aux efforts du Lobby, mais également grâce à la victoire initiale de l’Amérique en Afghanistan, qui a réduit le besoin détecté d’un soutien arabe dans l’affrontement avec Al-Qaida. Sharon s’est rendu à la Maison Blanche début décembre et a eu une réunion amicale avec Bush.

    En avril 2002, des problèmes ont encore éclaté, après que Tsahal a lancé l’opération Bouclier Défensif et qu’il ait repris le contrôle de pratiquement tous les principaux secteurs palestiniens de Cisjordanie. Bush savait que les actions d’Israël endommageraient l’image de l’Amérique dans le monde islamique et mineraient la guerre contre le terrorisme, donc il a exigé que Sharon « cesse les incursions et commence le retrait ». Il a souligné ce message deux jours plus tard, en disant qu’il voulait qu’Israël « se retire sans tarder ». Le 7 avril, Condoleezza Rice, conseiller à la Sécurité nationale de Bush à l’époque, a déclaré aux journalistes : « “Sans tarder” signifie sans tarder. Cela signifie maintenant. » Le même jour, Colin Powell partait pour le Moyen-Orient afin de persuader toutes les parties de cesser de combattre et de commencer à négocier.

    Israël et le Lobby sont entrés en action. Les membres pro-israéliens du bureau du vice-président et du Pentagone, ainsi que des experts néo-conservateurs tels que Robert Kagan et William Kristol, ont mis la pression sur Powell. Ils l’ont même accusé d’avoir « pratiquement effacé la distinction entre des terroristes et ceux qui combattent les terroriste ». Bush lui-même était pressé par des leaders juifs et des évangélistes chrétiens. Tom DeLay et Dick Armey étaient particulièrement francs sur la nécessité de soutenir Israël, et DeLay et le chef de la minorité au Sénat, Trent Lott, se sont rendus à la Maison Blanche pour avertir Bush de ne pas insister.

    Le premier signe que Bush cédait est survenu le 11 avril – une semaine après qu’il ait dit à Sharon de retirer ses forces – quand le secrétaire de presse de la Maison Blanche a dit que le président pensait que Sharon était « un homme de paix ». Bush a répété cette déclaration publiquement au retour de Powell de sa mission ratée, et a indiqué aux journalistes que Sharon avait répondu d’une manière satisfaisante à son appel pour un retrait total et immédiat. Sharon n’avait jamais fait une telle chose, mais Bush ne voulait plus en faire un problème.

    Pendant ce temps, le Congrès se préparait également à soutenir Sharon. Le 2 mai, il a passé outre les objections de l’Administration et a voté deux résolutions réaffirmant un soutien à Israël. (Le vote du Sénat était de 94 contre 2 ; la version de la Chambre des Représentants a été votée par 352 contre 21.) Les deux résolutions affirmaient que les États-Unis « se positionnent comme solidaires d’Israël » et que les deux pays étaient, pour citer la résolution de la Chambre, « maintenant engagés dans une lutte commune contre le terrorisme ». La version de la Chambre condamnait également « le soutien continu et la coordination du terrorisme par Yasser Arafat », qui a été dépeint comme une partie centrale du problème du terrorisme. Les deux résolutions ont été élaborées avec l’aide du Lobby. Quelques jours plus tard, la délégation bipartite du Congrès d’une mission exploratoire sur Israël a déclaré que Sharon devrait résister à la pression américaine pour négocier avec Arafat. Le 9 mai, un sous-comité de dotation de la Chambre s’est réuni pour envisager de donner à Israël 200 millions de dollars supplémentaires pour combattre le terrorisme. Powell s’y est opposé mais le Lobby a soutenu le sous-comité et Powell a perdu.

    En bref, Sharon et le Lobby s’en sont pris au président des États-Unis et ont triomphé. Hemi Shalev, un journaliste du journal israélien Ma’ariv, a rapporté que les collaborateurs de Sharon « ne pouvaient pas cacher leur satisfaction en raison de l’échec de Powell. Sharon a regardé le Président Bush dans le blanc des yeux, se sont-ils vantés, et le président a baissé les yeux le premier. » Mais c’étaient les champions d’Israël aux États-Unis, non Sharon ou Israël, qui ont joué un rôle clé dans la défaite de Bush.

    [Fin de la deuxième partie]  [Lire la première partie]

    Source originale en anglais : lrb.co.uk

    Traduction : ism-france.org

    John Mearsheimer est professeur émérite de sciences politiques à l’université de Chicago et est l’auteur de The Tragedy of Great Power Politics.
    Stephen Walt est professeur émérite des relations internationales à la Kennedy School of Government d’Harvard et est l’auteur du livre intitulé
    Taming American Power : The Global Response to US Primacy.

    http://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-lobby-israelien-aux-Etats-Unis-20685.html

  • Le lobby israélien aux États-Unis

    Depuis ces dernières décennies, et en particulier depuis la guerre des Six Jours en 1967, la pièce maîtresse de la politique moyen-orientale des États-Unis a été sa relation avec Israël. La combinaison du soutien constant à Israël et de l’effort lié pour répandre la « démocratie » dans toute la région a enflammé l’opinion arabe et islamique et a compromis non seulement la sécurité des États-Unis mais aussi celle d’une grande partie du reste du monde.

    Cette situation n’a pas d’égal dans l’histoire politique américaine. Pourquoi les États-Unis ont-ils été prêts à mettre de côté leur propre sécurité et celle de plusieurs de leurs alliés pour soutenir les intérêts d’un autre État ? On pourrait supposer que la relation entre les deux pays était basée sur des intérêts stratégiques communs ou des impératifs moraux irrésistibles, mais aucune de ces interprétations ne peut expliquer le niveau remarquable du soutien matériel et diplomatique que fournissent les États-Unis.

    Au lieu de cela, l’impulsion de la politique des États-Unis dans la région dérive presque entièrement de la politique domestique, et en particulier des activités du « lobby israélien ». D’autres groupes avec des intérêts particuliers sont parvenus à biaiser la politique étrangère, mais aucun lobby n’est parvenu à la détourner aussi loin de ce que l’intérêt national pourrait suggérer, tout en convainquant simultanément les Américains que les intérêts des États-Unis et ceux de l’autre pays – dans ce cas-ci, Israël – sont essentiellement identiques.

    Depuis la guerre d’octobre 1973 [guerre du Kippour, ndlr], Washington a fourni à Israël un soutien en diminuant celui qui était donné aux autres États. Israël a été le plus grand bénéficiaire de l’aide économique directe et de l’assistance militaire annuelles depuis 1976, et est au total le plus grand bénéficiaire depuis la Seconde Guerre mondiale, pour un montant de plus de 140 milliards de dollars (en 2004). Israël reçoit environ 3 milliards de dollars par an en aide directe, soit environ un cinquième du budget de l’aide étrangère, et une somme d’environ 500 dollars par an par Israélien. Cette largesse heurte particulièrement depuis qu’Israël est maintenant un État industriel riche avec un revenu par personne à peu près égal à celui de la Corée du Sud ou de l’Espagne.

    D’autres bénéficiaires obtiennent leur argent par des acomptes trimestriels, mais Israël reçoit la totalité de sa dotation au début de chaque exercice budgétaire et peut donc empocher dessus des intérêts. La plupart des bénéficiaires de l’aide attribuée à des fins militaires doivent la dépenser en totalité aux États-Unis, mais Israël est autorisé à utiliser environ 25 % de son attribution pour subventionner sa propre industrie de la défense. C’est le seul bénéficiaire qui n’a pas à expliquer comment l’aide est dépensée, ce qui rend pratiquement impossible d’empêcher l’argent d’être utilisé pour des besoins auxquels les États-Unis s’opposent, comme la construction de colonies en Cisjordanie. D’ailleurs, les États-Unis ont fourni à Israël presque 3 milliards de dollars pour développer des systèmes d’armements, et lui ont donné l’accès des armements top niveau comme les hélicoptères Black Hawk et les jets F-16. Enfin, les États-Unis donnent à Israël l’accès aux renseignements qu’ils refusent à ses alliés de l’OTAN et ferment les yeux sur l’acquisition par Israël d’armes nucléaires.

    Washington fournit également à Israël un soutien diplomatique constant. Depuis 1982, les États-Unis ont mis leur veto à 32 résolutions du Conseil de sécurité critiquant Israël, soit plus que l’ensemble des vetos formulés par tous les autres membres du Conseil de sécurité. Il bloque les efforts des États arabes pour mettre l’arsenal nucléaire israélien sur l’agenda de l’AIEA. Les États-Unis viennent à la rescousse en temps de guerre et prennent le parti d’Israël dans les négociations de paix. L’administration Nixon l’a protégé contre la menace d’une intervention soviétique et l’a réapprovisionné pendant la guerre du Kippour. Washington s’est profondément impliqué dans les négociations qui ont mis fin à cette guerre, comme pendant toute la durée du processus « étape par étape » qui a suivi, tout comme il a joué un rôle clé dans les négociations qui ont précédé et suivi les accords d’Oslo de 1993. Dans chaque cas, il y avait des frictions occasionnelles entre les responsables américains et israéliens, mais les États-Unis ont uniformément soutenu la position israélienne. Un participant américain à Camp David en 2000 a dit ensuite : « Beaucoup trop souvent, nous agissions... en tant qu’avocat d’Israël. » Enfin, l’ambition de l’administration Bush de transformer le Moyen-Orient a au moins en partie pour but l’amélioration de la situation stratégique d’Israël.

    Cette générosité extraordinaire pourrait être compréhensible si Israël possédait des atouts stratégiques vitaux ou s’il y avait une raison morale irrésistible pour un soutien américain. Mais aucune de ces explications ne convainc. On pourrait arguer du fait qu’Israël était un atout pendant la Guerre froide. En servant de représentant de l’Amérique après 1967, il a aidé à contenir l’expansion soviétique dans la région et a infligé des défaites humiliantes aux clients de l’Union soviétique comme l’Égypte et la Syrie. Il a de temps en temps aidé à protéger d’autres alliés des États-Unis (comme le roi Hussein de Jordanie) et ses prouesses militaires ont forcé Moscou à dépenser plus pour soutenir ses propres États-clients. Il a également fourni des renseignements utiles sur les capacités soviétiques.

    Le soutien à Israël ne fut pas bon marché, cependant, il a compliqué les relations de l’Amérique avec le monde Arabe. Par exemple, la décision de donner 2,2 milliards de dollars en aide militaire d’urgence pendant la Guerre d’Octobre a déclenché un embargo sur le pétrole de l’OPEP qui a infligé des dégâts considérables sur les économies occidentales. Pour tout cela, les forces armées israéliennes n’étaient pas en mesure de protéger les intérêts américains dans la région. Les États-Unis n’ont pas pu, par exemple, compter sur Israël quand la révolution iranienne en 1979 soulevait des inquiétudes au sujet de la sécurité des approvisionnements en pétrole, et ils ont dû créer leur propre force de déploiement rapide.

    La première guerre du Golfe a montré à quel point Israël devenait un fardeau stratégique. Les États-Unis ne pouvaient pas utiliser des bases israéliennes sans rompre la coalition anti-irakienne, et ont dû détourner des ressources (par exemple des batteries de missiles Patriot) pour empêcher que Tel Aviv fasse quoi que ce soit qui pourrait nuire à l’alliance contre Saddam Hussein. L’histoire s’est répétée en 2003 : bien qu’Israël fût pressé d’une attaque de l’Irak par les États-Unis, Bush ne pouvait pas lui demander de l’aide sans déclencher une opposition arabe. Ainsi Israël est encore resté sur la ligne de touche.

    Au début des années 90, et encore plus après le 11 Septembre, le soutien des États-Unis a été justifié par l’affirmation que les deux États étaient menacés par des groupes terroristes originaires du monde arabe et musulman, et par des « États voyous » qui soutiennent ces groupes et qui sont à la recherche d’armes de destruction massive. Cela signifiait que non seulement Washington devait laisser les mains libres à Israël face aux Palestiniens et de ne pas insister pour qu’il fasse des concessions jusqu’à ce que tous les terroristes palestiniens soient emprisonnés ou morts, mais aussi que les États-Unis devaient s’en prendre à des pays comme l’Iran et la Syrie. Israël est donc vu comme un allié crucial dans la guerre contre le terrorisme, parce que ses ennemis sont les ennemis de l’Amérique. En fait, Israël est un handicap dans la guerre contre le terrorisme et dans l’effort plus large de s’occuper des États voyous.

    Le « terrorisme » n’est pas un seul adversaire, mais une stratégie utilisée par un grand nombre de groupes politiques. Les organisations terroristes qui menacent Israël ne menacent pas les États-Unis, sauf quand ils interviennent contre eux (comme au Liban en 1982). D’ailleurs, le terrorisme palestinien n’est pas une violence dirigée par hasard contre Israël ou « l’Occident » ; c’est en grande partie une réponse à la campagne prolongée d’Israël pour coloniser la Cisjordanie et la bande de Gaza.

    Plus important, dire qu’Israël et les États-Unis sont unis par une menace terroriste commune a derrière un lien de cause à effet : les États-Unis ont un problème de terrorisme en grande partie parce qu’ils sont de si proches alliés d’Israël, et non le sens inverse. Le soutien à Israël n’est pas la seule source du terrorisme anti-américain, mais il est important, et cela rend la guerre contre le terrorisme plus difficile à gagner. On ne doute pas que de nombreux chefs d’Al-Qaida, y compris Oussama Ben Laden, sont motivés par la présence d’Israël à Jérusalem et par la situation difficile des Palestiniens. Le soutien inconditionnel à Israël aide les extrémistes à rallier un soutien populaire et à attirer des recrues.

    Quant aux prétendus États voyous du Moyen-Orient, ils ne sont pas une grande menace pour les intérêts vitaux des États-Unis, sauf dans la mesure où ils sont une menace pour Israël. Même si ces États acquerraient des armes nucléaires – ce qui est évidemment indésirable – ni l’Amérique ni l’Israël ne pourrait faire l’objet d’un chantage, parce que le maître-chanteur ne pourrait pas mettre la menace à exécution sans souffrir de représailles terribles. Le danger d’un approvisionnement en nucléaire aux terroristes est également écarté, parce qu’un État voyou ne pourrait pas être sûr que le transfert ne serait pas détecté ou qu’il ne serait pas blâmé et puni ensuite. La relation avec Israël rend réellement aux États-Unis la tache plus difficile pour s’occuper de ces États. L’arsenal nucléaire d’Israël est l’une des raisons pour lesquelles une partie de ses voisins désire des armes nucléaires, et les menacer d’un changement de régime ne peut qu’augmenter ce désir.

    Une dernière raison pour remettre en cause la valeur stratégique d’Israël, c’est qu’il ne se comporte pas comme un allié fidèle. Les responsables israéliens ignorent fréquemment les demandes américaines et renoncent à leurs promesses (y compris les engagements à cesser la construction de colonies et à s’abstenir d’« assassinats ciblés » de responsables palestiniens). Israël a fourni une technologie militaire sensible à des rivaux potentiels comme la Chine, dans ce que l’inspecteur-général du département d’État a appelé « un modèle systématique et croissant des transferts non-autorisés ». Selon le General Accounting Office, Israël a également « mené des opérations d’espionnage plus agressives contre les Etats-Unis que n’importe quel allié ». En plus de l’affaire Jonathan Pollard, qui a donné à Israël de grandes quantités de matériel secret au début des années 80 (qu’il aurait transmis à l’Union soviétique en échange de visas de sortie supplémentaires pour les juifs soviétiques), une nouvelle polémique a éclaté en 2004 quand il a été révélé qu’un haut responsable du Pentagone appelé Larry Franklin avait passé des informations secrètes à un diplomate israélien. Israël n’est pas le seul pays qui espionne les États-Unis, mais sa bonne volonté à espionner ses principaux protecteurs font plus que douter de sa valeur stratégique.

    La valeur stratégique d’Israël n’est pas le seul problème. Ses supporters arguent également du fait qu’il mérite un soutien total parce qu’il est faible et entouré d’ennemis ; c’est une démocratie ; les Juifs ont souffert des crimes du passé et méritent donc un traitement spécial ; et la conduite d’Israël a été moralement supérieure à celle de ses adversaires. À y regarder de près, aucun de ces arguments n’est persuasif. Il y a une forte raison morale pour soutenir l’existence d’Israël, mais elle n’est pas en péril. D’un point de vue objectif, sa conduite passée et présente n’offre aucune base morale pour le privilégier face aux Palestiniens.

    Israël est souvent dépeint comme David confronté à Goliath, mais l’inverse est plus proche de la vérité. Contrairement à la croyance populaire, les sionistes avaient des forces plus grandes, mieux équipées et mieux dirigées pendant la guerre d’Indépendance de 1947-49, et les forces de défense israéliennes ont gagné des victoires rapides et faciles contre l’Égypte en 1956 et contre l’Égypte, la Jordanie et la Syrie en 1967 – tout cela avant que l’immense aide américaine commence à affluer. Aujourd’hui, Israël est la force militaire la plus puissante du Moyen-Orient. Ses forces conventionnelles sont de loin supérieures à celles de ses voisins et c’est le seul État dans la région qui possède des armes nucléaires. L’Égypte et la Jordanie ont signé des traités de paix avec lui, et l’Arabie Saoudite a offert de le faire. La Syrie a perdu son protecteur soviétique, l’Irak a été dévasté par trois guerres désastreuses et l’Iran est à des milliers de kilomètres. Les Palestiniens ont à peine une force de police efficace, encore moins une armée qui pourrait constituer une menace pour Israël. Selon une estimation du Centre Jaffee pour les études stratégiques de l’université de Tel Aviv en 2005, « l’équilibre stratégique favorise décidément Israël, qui continue à élargir le fossé qualitatif entre ses propres capacités militaires et son pouvoir de dissuasion et celles de ses voisins ». Si soutenir l’opprimé était un motif irrésistible, les États-Unis soutiendrait les adversaires d’Israël.

    Qu’Israël soit une démocratie amie entourée par des dictatures hostiles ne peut pas expliquer le niveau actuel de l’aide : il y a beaucoup de démocraties dans le monde, mais aucune ne reçoit un soutien aussi somptueux. Les États-Unis ont par le passé renversé des gouvernements démocratiques et soutenu des dictateurs quand cela pouvait faire avancer ses intérêts – ils ont de bonnes relations avec un certain nombre de dictatures aujourd’hui.

    Quelques aspects de la démocratie israélienne sont en désaccord avec les valeurs de base des Américains. À la différence des États-Unis, où les gens sont censés avoir une égalité des droits indépendamment de leur race, leur religion ou leur appartenance ethnique, Israël a été explicitement fondé en tant qu’État juif et la citoyenneté est basée sur le principe de la parenté de sang. Étant donné ceci, il n’est pas étonnant que ses 1,3 millions d’Arabes soient traités comme des citoyens de seconde zone, ou qu’une récente commission du gouvernement israélien ait constaté qu’Israël se comporte d’une façon « négligeante et discriminatoire » envers eux. Son statut démocratique est également miné par son refus d’accorder aux Palestiniens leur propre État viable ou l’intégralité de leurs droits politiques.

    Une troisième justification est l’histoire de la souffrance des juifs dans l’Occident chrétien, en particulier pendant l’Holocauste. Puisque les Juifs ont été persécutés pendant des siècles et qu’ils ne peuvent se sentir en sécurité que dans une patrie juive, beaucoup de gens pensent maintenant qu’Israël mérite un traitement spécial de la part des États-Unis. La création du pays était assurément une réponse appropriée au long registre des crimes contre les juifs, mais cela a également provoqué de nouveaux crimes contre un tiers en grande partie innocent : les Palestiniens.

    Cela avait été bien compris par les premiers responsables d’Israël. David Ben-Gourion avait indiqué à Nahum Goldmann, le président du Congrès juif mondial :

    « Si j’étais un leader arabe je ne signerais jamais un accord avec Israël. C’est normal : nous avons pris leur pays... Nous venons d’Israël, mais il y a deux mille ans, et qu’est-ce que c’est pour eux ? Il y a eu l’antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz, mais quelle est leur faute ? Ils voient seulement une chose : nous sommes venus ici et nous avons volé leur pays. Pourquoi devraient-ils accepter cela ? »

    Depuis lors, les responsables israéliens ont à plusieurs reprises cherché à nier les « ambitions nationales » des Palestiniens. Quand elle était Premier ministre, Golda Meir a fait cette fameuse remarque :

    « Il n’y a jamais eu ce qu’on appelle les Palestiniens. »

    La pression de la violence extrémiste et la croissance de la population palestinienne ont forcé les responsables israéliens au désengagement de la bande de Gaza et à envisager d’autres compromis territoriaux, mais même Yitzhak Rabin ne voulait pas offrir aux Palestiniens un État viable. La soi-disant « offre généreuse d’Ehud Barak » à Camp David leur aurait donné seulement un ensemble de Bantustans désarmés sous contrôle israélien. L’histoire tragique des Juifs n’oblige pas les États-Unis à aider Israël aujourd’hui quoi qu’il fasse.

    Les supporters d’Israël le dépeignent également comme un pays qui a cherché la paix dès qu’il pouvait et qui a montré beaucoup de retenue même lorsqu’il était provoqué. On dit que les Arabes, en revanche, agissent avec une grande méchanceté. Pourtant, sur le terrain, les actes d’Israël ne se distinguent pas de ceux de ses adversaires. Ben-Gourion a reconnu que les premiers sionistes étaient loin d’être bienveillants envers les Arabes palestiniens, qui ont résisté à leurs usurpations – ce qui est à peine étonnant, étant donné que les sionistes essayaient de créer leur propre État sur la terre arabe. De la même manière, la création d’Israël en 1947-48 a impliqué des actes de nettoyage ethnique, y compris des exécutions, des massacres et des viols par les juifs, et la conduite ultérieure d’Israël a souvent été brutale, démentant tout supériorité morale. Entre 1949 et 1956, par exemple, les forces de sécurité israéliennes ont tué entre 2 700 et 5 000 Arabes qui revenaient en s’infiltrant ; la grande majorité d’entre eux n’étaient pas armés. Elles ont assassiné des centaines de prisonniers de guerre égyptiens dans les guerres de 1956 et 1967, alors qu’en 1967, elles expulsaient entre 100 000 et 260 000 Palestiniens de la Cisjordanie nouvellement conquise, et ont conduit 80 000 Syriens hors des hauteurs du Golan.

    Pendant la Première Intifada, Tsahal distribuait à ses troupes des matraques et les encourageait à briser les os des protestataires palestiniens. La section suédoise de Save the Children a estimé qu’entre « 23 600 et 29 900 enfants ont eu besoin de soins médicaux pour leurs blessures suite aux tabassages lors des deux premières années de l’Intifada ». Presque d’un tiers d’entre eux étaient âgés de 10 ans ou moins. La réponse à la Seconde Intifada a été bien plus violente, menant Ha’aretz à déclarer que « Tsahal se transforme en machine à tuer dont l’efficacité inspire la crainte, et choque pourtant. » L’Armée de défense d’Israël a tiré un million de balles pendant les premiers jours du soulèvement. Depuis lors, pour chaque Israélien perdu, Israël a tué 3,4 Palestiniens, dont la majorité étaient des spectateurs innocents ; la proportion entre les enfants Palestiniens et les enfants Israéliens tués est encore plus élevée (5,7 pour 1). Il est également intéressant de garder à l’esprit que les sionistes utilisaient des bombes terroristes pour faire partir les Anglais de la Palestine, et que Yitzhak Shamir, au début, terroriste et ensuite Premier ministre, avait avoué que « ni l’éthique juive ni la tradition juive ne peut éliminer le terrorisme comme moyens de combat ».

    Le recours des Palestiniens au terrorisme est mauvais mais n’est pas étonnant. Les Palestiniens pensent qu’ils n’ont aucune autre moyen de forcer les Israéliens à faire des concessions. Comme Ehud Barak l’a un jour admis, s’il était né Palestinien, il « aurait rejoint une organisation terroriste ».

    Donc, si ni les arguments stratégiques ni les arguments moraux ne peuvent justifier le soutien de l’Amérique à Israël, comment l’expliquer ?

    L’explication est le pouvoir inégalé du lobby israélien. Nous utilisons « le Lobby » comme raccourci pour la coalition floue [loose coalition] d’individus et d’organisations qui travaille activement pour orienter la politique étrangère des États-Unis dans une direction pro-israélienne. Ceci n’est pas censé suggérer que « le Lobby » est un mouvement uni avec une direction générale, ou que les individus qui en font partie ne sont pas en désaccord sur certaines questions. Tous les Américains juifs ne font pas partie du Lobby, parce que Israël n’est pas un sujet proéminent pour bon nombre d’entre eux. Dans une enquête de 2004, par exemple, environ 36 % des juifs américains ont déclaré qu’ils étaient « pas vraiment » ou « pas du tout » émotionnellement attachés à Israël.

    Les Américains juifs se différencient également sur des politiques israéliennes spécifiques. Plusieurs des principales organisations du Lobby, telles que le Comité aux affaires publiques américano-israéliennes (AIPAC) et la Conférence des présidents des principales organisations juives, sont dirigées par des intransigeants qui soutiennent généralement la politique expansionniste du parti du Likoud, y compris son hostilité au processus de paix d’Oslo. La majeure partie des juifs américains est par contre plus encline à faire des concessions aux Palestiniens, et quelques groupes – tels que Jewish Voice for Peace – préconisent fortement de telles initiatives. En dépit de ces différences, les modérés et les intransigeants sont tous en faveur d’un soutien absolu à Israël.

    Sans surprise, les leaders juifs américains consultent souvent les responsables israéliens, pour s’assurer que leurs actions font avancer les objectifs israéliens. Comme l’a écrit un activiste d’une importante organisation juive, « Nous disons souvent : “C’est notre politique sur une certaine question, mais nous devons vérifier ce que pensent les Israéliens.” Nous, en tant que communauté, le faisons tout le temps. » Il y a un gros préjudice à critiquer la politique israélienne, et faire pression sur Israël est considéré comme hors de question. Edgar Bronfman Sr, Président du Congrès juif mondial, a été accusé de « perfidie » quand il a écrit une lettre au président Bush mi-2003 l’invitant à persuader Israël de limiter la construction de sa « barrière de sécurité » controversée. Ses critiques ont dit qu’il « est toujours obscène que le président du Congrès juif mondial incite le président des États-Unis à résister à la politique promue par le gouvernement israélien ».

    De même, quand le président du forum politique d’Israël, Seymour Reich, a conseillé à Condoleezza Rice en novembre 2005 de demander à Israël de rouvrir un passage des frontières critique dans la bande de Gaza, son action a été dénoncée comme « irresponsable » : « Il n’y a, ont dit ses critiques, absolument aucune place dans le principal courant juif pour une prospection active contre la politique liée à la sécurité... d’Israël. » Reculant devant ces attaques, Reich a annoncé que « le mot “pression” n’est pas dans mon vocabulaire quand il s’agit d’Israël ».

    Les Américains juifs ont créé un nombre impressionnant d’organisations pour influencer la politique étrangère américaine, dont l’AIPAC, la plus puissante et la mieux connue. En 1997, le magazine Fortune a demandé à des membres du Congrès et à leurs équipes d’énumérer les lobbies les plus puissants à Washington. L’AIPAC a été placée en seconde place derrière l’Association américaine des retraités (AARP), mais devant l’AFL-CIO et la National Rifle Association (NRA). Une enquête du National Journal en mars 2005 a tiré la même conclusion, en plaçant l’AIPAC en seconde place (à égalité avec l’AARP) dans le « classement des muscles » à Washington.

    Le Lobby comprend également des chrétiens évangélistes bien connus comme Gary Bauer, Jerry Falwell, Ralph Reed et Pat Robertson, tout comme Dick Armey et Tom Delay, d’anciens chefs de la majorité à la Chambre des Représentants, qui tous croient que la renaissance d’Israël est l’accomplissement d’une prophétie biblique et soutiennent son agenda expansionniste ; agir autrement, pensent-ils, serait contraire à la volonté de Dieu. Des gentils (non-juifs) néo-conservateurs tels que John Bolton ; Robert Bartley, l’ancien rédacteur de journal Wall Street ; William Bennett, l’ancien secrétaire de l’Éducation ; Jeane Kirkpatrick, ancien ambassadeur de l’ONU ; et l’influent chroniqueur George Will en sont également des fermes défenseurs.

    La forme du gouvernement américain offre aux activistes de nombreuses façons d’influencer le processus politique. Les groupes d’intérêt peuvent inciter les représentants élus et les membres du bureau exécutif, apportent des contributions de campagne, votent aux élections, tentent de façonner l’opinion publique, etc. Ils se réjouissent de leur influence disproportionnée quand ils s’engagent sur une question à laquelle la majeure partie de la population est indifférente. Les politiciens auront tendance à satisfaire ceux qui s’intéressent au sujet, même si leurs nombres sont petits, persuadés que le reste de la population ne les pénalisera pas pour avoir agi ainsi.

    Dans son fonctionnement de base, le lobby israélien n’est pas différent du lobby des fermiers, de celui des syndicats de l’acier ou du textile, ou d’autres lobbies ethniques. Il n’y a rien d’abusif concernant le fait que les juifs américains et leurs alliés chrétiens essayent d’influencer la politique américaine : les activités du Lobby ne sont pas une conspiration telle qu’elle est représentée dans des appareils comme les Protocoles des sages de Sion. Pour la plupart, les individus et les groupes qui en font partie font seulement ce que d’autres groupes d’intérêt font, mais le font beaucoup mieux. En revanche, les groupes d’intérêt pro-Arabes, pour autant qu’ils existent, sont faibles, ce qui rend la tâche encore plus facile au lobby israélien.

    Le Lobby poursuit deux grandes stratégies. D’abord, il utilise son influence significative à Washington, en faisant pression sur le Congrès et le bureau exécutif. Quelle que soit l’opinion d’un législateur ou d’un politicien, le Lobby tente de faire que le soutien à Israël soit le « bon » choix. En second lieu, il tâche de s’assurer que le discours public dépeigne Israël sous un jour positif, en répétant des mythes au sujet de sa création et en défendant son point de vue dans des débats politiques. Le but est d’empêcher que des commentaires critiques puissent obtenir une audience équitable dans l’arène politique. Le contrôle de la discussion est essentiel pour garantir le soutien américain, parce qu’une discussion sincère sur les relations américano-israéliennes pourrait mener les Américains à favoriser une politique différente.

    Un pilier clé de l’efficacité du Lobby est son influence au Congrès, où Israël est pratiquement immunisé contre les critiques. C’est en soi remarquable, parce que le Congrès évite rarement les sujet de controverse. Quand Israël est concerné, cependant, les critiques potentielles disparaissent. Une des raisons est que certains des membres principaux sont des sionistes chrétiens, comme Dick Armey, qui a dit en septembre 2002 : « Ma priorité numéro 1 dans la politique étrangère est de protéger Israël. » On pourrait penser que la priorité numéro 1 de tout membre du Congrès devrait être de protéger l’Amérique. Il y a également des sénateurs et des membres du Congrès juifs qui travaillent pour s’assurer que la politique étrangère des États-Unis soutienne les intérêts d’Israël.

    Une autre source du pouvoir du Lobby est son utilisation du personnel pro-israélien du Congrès. Comme l’a admis un jour Morris Amitay, un ancien chef de l’AIPAC :

    « Il y a beaucoup de types à des postes de cadres ici – sur Capitol Hill – qui s’avèrent justement être juifs, qui sont disposés... à voir certains sujets en termes de leur appartenance à la communauté juive... Ce sont tous des types qui sont en mesure de prendre une décision dans ces domaines pour ces sénateurs... On peut vous mener une vie affreuse juste au niveau de l’équipe. »

    Cependant, l’AIPAC lui-même forme le cœur de l’influence du Lobby au Congrès. Son succès est dû à sa capacité de récompenser les législateurs et les candidats au Congrès qui soutiennent son ordre du jour, et de punir ceux qui le défient. L’argent est critique dans les élections américaines (comme nous le rappelle le scandale sur les affaires douteuses du lobbyiste Jack Abramoff), et l’AIPAC s’assure que ses amis obtiennent une forte aide financière des nombreux comités d’action politique pro-israéliens. Toute personne qui est vue comme hostile à Israël peut être sûre que l’AIPAC orientera des contributions de campagne à ses adversaires politiques. L’AIPAC organise également des campagnes d’écriture de lettres et encourage les rédacteurs de journaux à approuver les candidats pro-israéliens.

    Il n’y a aucun doute sur l’efficacité de ces stratégies. Voici un exemple : aux élections de 1984, l’AIPAC a aidé à battre le sénateur Charles Percy de l’Illinois, qui, selon un haut responsable du Lobby, avait montré « de l’insensibilité et même de l’hostilité envers nos intérêts ». Thomas Dine, le chef de l’AIPAC à l’époque, a expliqué ce qui s’est produit :

    « Tous les Juifs en Amérique, d’une côte à l’autre, se sont réunis pour évincer Percy. Et les politiciens américains – ceux qui occupent des positions publiques maintenant, et ceux qui y aspirent – ont reçu le message. »

    L’influence de l’AIPAC sur la colline du Capitole va même encore plus loin. Selon Douglas Bloomfield, un ancien membre de la direction de l’AIPAC, « il est commun pour les membres du Congrès et leurs équipes de se tourner d’abord vers l’AIPAC quand ils ont besoin d’information, avant d’appeler la Bibliothèque du Congrès, le service de recherches du Congrès, le personnel du comité ou des experts en matière d’administration ». Plus important, il note que l’AIPAC « est souvent invité à rédiger des discours, à travailler sur la législation, à conseiller sur des stratégies, à effectuer des recherches, à rassembler des co-sponsors et des votes de marshal ».

    Le résultat est que l’AIPAC, agent d’un gouvernement étranger, a la mainmise sur le Congrès, avec comme conséquence : la politique américaine envers Israël n’y est pas discutée, bien que cette politique ait des conséquences importantes pour le monde entier. En d’autres termes, une des trois principales branches du gouvernement est fermement investie dans le soutien à Israël. Comme le remarquait un ancien sénateur Démocrate, Ernest Hollings, en quittant le bureau : « Vous ne pouvez pas avoir une politique israélienne autre que celle que l’AIPAC vous donne ici. » Ou comme ce qu’a dit un jour Ariel Sharon à un public américain : « Quand les gens me demandent comment ils peuvent aider Israël, je leur dis : “Aidez l’AIPAC.” »

    Grâce en partie à l’influence qu’ont les électeurs juifs sur les élections présidentielles, le lobby a également un pouvoir significatif sur l’exécutif. Bien qu’ils constituent moins de 3 % de la population, ils font de grosses donations de campagne aux candidats des deux partis. Le Washington Post a par le passé estimé que les candidats démocrates à l’élection présidentielle « dépendent des partisans juifs, qui fournissent au moins de 60 % de l’argent ».

    Et parce que les électeurs juifs ont des taux élevés de participation aux élections et sont concentrés dans les États clés comme la Californie, la Floride, l’Illinois, New York et la Pennsylvanie, les candidats à la présidence vont loin pour ne pas les contrarier. Les principales organisations du Lobby travaillent à s’assurer que les critiques d’Israël n’obtiennent pas de postes importants en politique étrangère. Jimmy Carter voulait que George Ball soit son premier secrétaire d’État, mais il savait que Ball était connu comme un critique d’Israël et que le Lobby s’opposerait à sa nomination. De cette façon, tout aspirant politicien est encouragé à devenir un défenseur d’Israël manifeste, c’est pourquoi les critiques publics de la politique israélienne sont devenus des espèces en danger dans l’establishment de la politique étrangère.

    Quand Howard Dean a appelé les États-Unis à prendre un rôle « plus équitable » dans le conflit arabo-israélien, le sénateur Joseph Lieberman l’a accusé de vendre Israël et a dit que sa déclaration était « irresponsable ». Pratiquement tous les principaux démocrates à la Chambre des Représentants ont signé une lettre critiquant les remarques de Dean, et le Chicago Jewish Star a rapporté que : « Des activistes anonymes... encombrent les boites mails des responsables juifs du pays, pour prévenir – sans beaucoup de preuve – que Dean serait plutôt mauvais pour Israël. »

    Cette inquiétude était absurde ; Dean est, en fait, tout à fait pro-Israélien : son co-responsable de campagne était un ancien président de l’AIPAC, et Dean a déclaré que ses propres opinions sur le Moyen-Orient étaient plus proches de celles de l’AIPAC que celles des plus modérés que sont Americans for Peace Now. Il avait simplement suggéré que « en réunisant les deux parties », Washington agirait en tant qu’intermédiaire honnête. C’est une idée difficilement perceptible comme radicale, mais le Lobby ne tolère pas l’impartialité.

    Pendant l’administration Clinton, la politique moyen-orientale était en grande partie façonnée par des responsables ayant des liens étroits avec Israël ou d’importantes organisations pro-israéliennes ; parmi eux, Martin Indyk, l’ancien directeur adjoint de la recherche à l’AIPAC et le co-fondateur du pro-israélien Washington Institute for Near East Policy (WINEP) ; Dennis Ross, qui a rejoint le WINEP après avoir quitté le gouvernement en 2001 ; et Aaron Miller, qui a habité en Israël et visite souvent le pays. Ces hommes étaient parmi les conseillers les plus proches de Clinton au sommet de Camp David en juillet 2000. Tous les trois soutenaient le processus de paix d’Oslo et privilégiaient la création d’un État palestinien ; mais ils l’ont fait seulement dans les limites de ce qui semblerait acceptable pour Israël. La délégation américaine a pris ses consignes auprès d’Ehud Barak, a coordonné à l’avance avec Israël ses positions de négociation, et n’a pas offert de propositions indépendantes. Sans surprise, les négociateurs palestiniens se sont plaints qu’ils « étaient en pourparlers avec deux équipes israéliennes – l’une affichant un drapeau israélien, et l’autre un drapeau américain ».

    La situation [était] bien plus prononcée dans l’administration Bush, dont les rangs comprenaient des avocats aussi fervents de la cause israélienne comme Elliot Abrams, John Bolton, Douglas Feith, I. Lewis (« Scooter ») Libby, Richard Perle, Paul Wolfowitz et David Wurmser. Comme nous le verrons, ces responsables ont uniformément poussé pour des politiques privilégiées par Israël et soutenues par des organisations du Lobby.

    [Fin de la première partie]

    http://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-lobby-israelien-aux-Etats-Unis-20632.html

    Source originale en anglais : lrb.co.uk

    Traduction : ism-france.org

    John Mearsheimer est professeur émérite de sciences politiques à l’université de Chicago et est l’auteur de The Tragedy of Great Power Politics.
    Stephen Walt est professeur émérite des relations internationales à la Kennedy School of Government d’Harvard et est l’auteur du livre intitulé
    Taming American Power : The Global

  • Espagne: 160 000 anti-indépendantistes manifestent à Barcelone

    Brandissant une bannière géante de 100 mètres unissant drapeaux espagnol et catalan, des dizaines de milliers de personnes sont venues manifester en famille samedi à Barcelone pour l’unité de l’Espagne, en réponse à l’immense chaîne humaine indépendantiste du 11 septembre.

    Dans une ambiance festive, les manifestants, dont certains portaient un tee-shirt bleu ciel qui reprenait le slogan « Nous sommes 47 millions » d’Espagnols, ont inondé la place Catalogne aux couleurs jaune et rouge des drapeaux espagnols et catalans.

    « Tenemos un solo corazon » (nous n’avons qu’un cœur) proclamaient aussi certaines pancartes affichant un cœur, moitié drapeau catalan, moitié espagnol.

    Ils étaient entre 30.000, selon la mairie de Barcelone et 160.000 participants, selon l’organisation « Som Catalunya, Somos España » (Nous sommes la Catalogne, nous sommes l’Espagne), soutenue par le Parti populaire, (PP, droite au pouvoir).

    « La majorité silencieuse a rompu le silence. La chaîne humaine indépendantiste n’est pas l’unique image de la Catalogne », a lancé la présidente du PP de Catalogne, Alicia Sanchez-Camacho, qui portait des lunettes aux couleurs catalanes.

    « Nous vivons un moment de crise et aujourd’hui plus que jamais nous devons faire équipe, tous ensemble nous nous en sortirons », ont clamé les organisateurs dans un manifeste lu à la foule par des athlètes espagnols.

    Les organisateurs entendaient répondre aux indépendantistes qui ont formé symboliquement le 11 septembre, pour le Jour de la Catalogne, une immense chaîne humaine de plusieurs centaines de milliers de personnes du nord au sud de cette importante région du nord-est de l’Espagne.

    Dans la foule, nombre de manifestants s’inquiétaient de la radicalisation et de l’indépendantisme, craignant une Catalogne indépendante qui sortirait de l’Union européenne.

    « Moi, je suis espagnole et catalane, les deux choses à la fois. Elles sont très présentes en moi. La seule chose que je demande aux responsables politiques c’est que ce ne soit pas eux qui nous divisent », a dit à l’AFP Maria Luisa Arrota, une retraitée de 67 ans.

    La Catalogne est en proie à une forte poussée indépendantiste depuis plus d’un an, exacerbée par la crise économique.

    Le président nationaliste de Catalogne Artur Mas est en conflit ouvert avec le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy depuis qu’il a rejeté en septembre 2012 un « pacte fiscal » octroyant plus d’autonomie financière à cette région qui compte pour environ un cinquième de la richesse du pays mais qui est lourdement endettée.

    Depuis, Artur Mas, au départ modéré, a durci le ton, poussé par la gauche indépendantiste devenue deuxième force du parlement régional après les élections de novembre, et s’est engagé à organiser un référendum d’autodétermination en 2014. Madrid y est farouchement opposé.

    En marge de ce grand rassemblement, quelques centaines de manifestants d’extrême droite ont défilé, sous haute surveillance policière, dans le centre de Barcelone. Ils se sont rassemblés à l’appel de l’organisation « L’Espagne en marche » qui regroupe des petits partis de La Phalange, l’Alliance nationale ou encore le mouvement catholique espagnol. De nombreux policiers avaient été déployés pour éviter tout incident avec une contre-manifestation de groupes anti-fascistes qui ont défilé sans incident.

    AFP via Libération

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Espagne-160-000-anti

  • Pacte franco-saoudien: le député Laurent LOUIS accuse Hollande de crimes contre l'humanité

  • Alexandre Latsa : « la Russie connait un renouveau religieux sans précédent »

    Alexandre Latsa est un Français qui travaille en Russie et réside à Moscou depuis 2008. Il est blogueur et analyste politique et géopolitique pour les agences russes RIA-Novosti et Voix de la Russie. Il tient aussi un site d’information intitulé la Dissonance: un autre regard sur la Russie. Nous lui avons posé des questions sur la France et la Russie, le dossier syrien…

    1) Comment qualifierez-vous les relations entre nos deux pays qui défendent des valeurs totalement différentes (loi Taubira et loi interdisant la propagande homosexuel)?

    Du point de vue économique elles sont encore plutôt bonnes puisque les indicateurs économiques sont positifs et les échanges entre les deux pays sont croissants. On constate depuis 2009 une hausse des investissements français en Russie et surtout plus récemment une hausse des investissements russes en France. On a d’ailleurs récemment parlé de diplomatie économique pour qualifier la relation de la Russie avec nombre de pays européens, dont la France.

     Sur le plan politique, la relation semble s’essouffler, ce qui était assez prévisible avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en France. La France affirme son statut de terre d’asile pour de nombreux agitateurs politiques, qu’ils s’agissent d’opposants libéraux soupçonnés de corruption ou d’agents provocateurs comme les Femen qui bénéficient des grâces de la république.

    L’affaire Syrienne a en outre porté un coup très dur aux relations entre les deux pays car la Russie et la France ont clairement sur ce dossier des approches différentes et surtout des objectifs opposés.

    Sur le plan des mœurs enfin une rupture Russie/Europe de l’ouest semble clairement s’établir. Cette rupture semble due aux choix des modèles de société diamétralement opposés que l’Europe de l’Ouest (donc la France) et la Russie développent. Et sur ce plan la nous sommes clairement face à un nouveau rideau de fer moral et sociétal. Il y a aussi le facteur religieux qui est important, la Russie connaît en effet un renouveau religieux sans précédent et dont on ne peut que difficilement mesurer l’ampleur vu de France. A contrario la France semble être entrée dans une période d’athéisme totalitaire qui vise en premier lieu la religion catholique.

    2) Poutine a porté un sérieux coup à la diplomatie française sur le dossier syrien mais Fabius a déclaré que la position française avait obligé les Russes à négocier. Êtes-vous d’accord avec lui ?

    Malheureusement il semble que la diplomatie Française se soit un peu trop rapidement avancée dans cette affaire. La France a joué les Va-t-en guerre de façon irrationnelle et injustifiée et au final l’accord Russo-américain qui émerge de la crise nous laisse totalement à l’écart du centre de prises de décision et nous affaiblit considérablement sur la scène internationale.

    Le président Assad, qui est visiblement pour l’instant du moins en train de gagner sur tous les fronts (militaire, politique et médiatique) s’est même permis de rappeler que : « l’Europe n’avait pas mot à jouer dans le règlement de la crise ». Ce faisant on peut penser qu’il visait clairement l’Angleterre et la France.

    Laurent Fabius a été ridiculisé et au passage a fait ridiculiser la France, ce qui est plus grave. Il est bien évident que les affirmations que vous citez sont une bien piètre tentative de tenter de sauver le peu qui reste à sauver. Personne ne peut sérieusement croire que la France a dans cette affaire influé la position russe d’une quelconque façon. Au contraire, on peut plutôt penser que les diplomates français ont dans cette affaire pris une bonne leçon de la part de la diplomatie russe. N’est pas joueur d’échec qui veut.

    3) Certains parlent de l’émergence d’un monde bipolaire ou d’une nouvelle guerre froide entre les USA et la Russie, est-ce exact ?

    La guerre froide n’a jamais cessé. Elle s’était atténuée car à la chute de l’URSS les élites russes se sont retrouvées désorientées, à la tête d’un Etat à la dérive et aux mains de lobbies et groupes mafieux qui ont totalement parasitée tant le fonctionnement intérieur qu’extérieur du pays. Certains stratèges américains ont alors pensé qu’il suffisait d’accompagner l’effondrement inévitable de la Russie.

    Mais en 2000 à la surprise générale, un nouveau visage est apparu dans la politique russe. Un homme dont le projet politique, le redressement de la Russie, est en train de se réaliser. Ce redressement entre en conflit total avec les projets américains pour l’Europe et le monde, qui passait notamment par une prise de contrôle politique et militaire maximale sur la région Eurasie et la prise de contrôle des réserves énergétiques et des voix énergétiques d’Eurasie.

    Plus la Russie se relève et reprend sa position de puissance régionale et désormais (on vient d’en avoir la preuve avec la Syrie) de puissance mondiale, plus la tension entre Amérique et Russie va s’accroitre mais l’Amérique a de moins en moins les moyens de nuire à la Russie. On l’a bien vu historiquement du reste, le département d’Etat américain a d’abord mené la guerre contre la Russie sur son territoire (guerres dans le Caucase russe en 1994 et 1999), puis dans l’étranger proche russe (guerre de Géorgie en 2008) et désormais encore plus loin à l’extérieur des frontières russes (guerre en Syrie de 2011) car il s’agit d’une guerre directement dirigée contre la Russie comme je l’ai expliqué ici.

    4) En général, comment les Russes perçoivent la politique française et le mandat de Hollande plus particulièrement?

    Avec un relatif désintéressement mais une certaine incompréhension.

    Le peuple russe a clairement compris la nécessite d’un homme fort à la tête de l’état. Ils savent que la France traverse des moments troubles et donc ils se demandent pourquoi voter pour un socialiste qu’ils assimilent à raison du reste, à plus d’immigration et de laxisme.

    Par conséquent, les russes estimant qu’ils faillent moins d’immigrés et plus d’ordre, et ce de façon générale et permanente, chez eux comme chez nous, on peut comprendre leur relative incompréhension face au choix du peuple français de voter pour un candidat socialiste.

    5) Pour finir, Poutine est l’homme fort de la Russie, qui pourrait lui succéder dans un avenir plus ou moins lointain?

    Il y a une science qui est celle de la Kremlinologie et qui consiste à tenter de prévoir ce qui se passera au Kremlin. Je peux vous certifier qu’il s’agit de la science la plus incertaine et la plus improbable qui soit!

    Il y a de nombreux personnages clefs autour de Vladimir Poutine mais de la à prévoir qui sera le successeur de Vladimir Poutine c’est chose impossible croyez moi. On ne sait toujours pas du reste si Vladimir Poutine se présentera de nouveau en 2018 ce qui repousserait le nécessaire choix d’un successeur à 2024.

    D’ici la, beaucoup de choses auront inévitablement changé, en Russie comme ailleurs. Il est plausible que de nouveaux visages apparaissent et peut être de façon aussi surprenante ou inattendue que n’est apparu Vladimir Poutine en 1999.

    L’histoire russe est ouverte, contrairement à la situation actuelle dans nombre de nations ouest-européennes, et ce pour une raison principale: les élites russes ont réellement le pouvoir, elles sont souveraines et surtout elles ont un projet colossal pour le futur.

    http://medias-presse.info/?p=1022

  • Esclavage moderne au Qatar : l’émirat n’aime pas les curieux…

    DOHA (NOVOpress) – Deux semaines après la parution d’une enquête du Guardian sur les conditions de travail au Qatar, qualifiées par le quotidien anglais d’« esclavage moderne », une délégation syndicale internationale a été refoulée d’un chantier de l’entreprise QDVC, une joint-venture entre Qatari Diar, la division BTP du fonds souverain qatari, et la société française Vinci Construction.

    Au Qatar, les travailleurs immigrés (99 % de la main-d’œuvre dans le secteur du bâtiment) n’ont le droit ni de faire grève ni de former des syndicats. Salaires de misère (environ 150 euros par mois en moyenne), logements exigus et insalubres, passeports confisqués par l’employeur, accidents du travail ignorés, primes non versées… ils doivent travailler comme des forçats pour organiser sur place la très controversée Coupe du monde de football 2022.

    http://fr.novopress.info/142094/esclavage-moderne-au-qatar-lemirat-naime-pas-les-curieux/

  • A New York, la Fed en plein conflit d’intérêts avec Goldman Sachs

    Pendant deux ans, une inspectrice de la branche new-yorkaise de la Réserve fédérale (Fed) s’est inquiétée de ce que Goldman Sachs n’a pas les procédures adéquates pour se prémunir contre les conflits d’intérêts et a alerté son institution pour qu’elle prenne des mesures et vote la baisse d’une note confidentielle que la Fed attribue à la banque d’affaires américaine.

     

    Carmen Segarra devant la Réserve fédérale de New York, le 10 octobre 2013

     

    La dégradation de la note qu’attribue la Fed à un établissement financier entraîne en général des mesures coûteuses pour mettre en place les recommandations du régulateur et d’autres sanctions réglementaires, tout aussi onéreuses.

     

    Sauf que personne ne sait, en l’occurence, si le vote a de fait conduit à un changement de notation : l’inspectrice chargée du dossier, Carmen Segarra, a en effet été licenciée après avoir refusé de modifier ses éléments d’enquête, comme le lui demandaient ses supérieurs.

    Elle a porté plainte jeudi 10 octobre et accuse la Fed d’être elle-même en plein conflit d’intérêts : “Il y a un historique des employés qui sont venus de Goldman à la Fed et vice-versa. La direction travaillait chez Goldman“, pointe Mme Segarra, dénonçant à mots à peine couverts les liens étroits que le gouvernement américain, le Trésor et la Fed entretiennent avec l’établissement new-yorkais. Mme Segarra affirme en outre que son renvoi viole une loi fédérale qui protège les inspecteurs pointant des irrégularités dans le cadre de leur travail.

    APPLIQUER LE “DODD-FRANK ACT”

     

    Ancienne des universités Harvard et Columbia, passée par la Société Générale, Citigroup et Bank of America, Carmen Segarra n’est pas exactement une débutante à Wall Street. Spécialisée dans le droit des affaires, elle a été embauchée, aux côtés de plusieurs autres anciens de la finance en 2011, pour appliquer la loi Dodd-Frank sur la réforme et la réglementation du secteur financier.

     

    Dès son arrivée à la Fed, des enquêtes sur trois potentiels conflits d’intérêts concernant Goldman Sachs lui ont été confiées. Conformément aux directives de la Fed de New York, les banques sont tenues d’avoir “des processus pour gérer le risque de conformité dans toute l’entreprise, à la fois entre les activités de trading, de support, les départements juridiques et administratifs“.

     

    Un porte-parole de Goldman, Michael DuVally, a réagi en déclarant que son entreprise n’avait pas connaissance de discussions internes à la Fed de New York et a réaffirmé que la firme avait “une approche globale de la gestion des conflits à travers des politiques et des infrastructures au niveau du groupe et au niveau des divisions“.

     

    Sauf que Mme Segarra affirme exactement le contraire : “J’irai même jusqu’à dire qu’ils n’ont jamais eu une politique de prévention des conflits d’intérêts”, a-t-elle écrit à Michael Silva, un haut dirigeant de la Fed de New York, chargé des relations avec Goldman Sachs.

     

    RELATIONS OPAQUES PUBLIC-PRIVÉ

     

    Le procès, s’il a lieu, donnerait un aperçu des relations souvent opaques entre le public, en particulier les organismes de réglementation, et le privé, via le système de “revolving door“, c’est-à-dire d’allers et retours entre la banque et la haute administration. Pour ne citer qu’un exemple, Henry Paulson a été le président de Goldman de 1999 à 2006, avant d’être nommé secrétaire au Trésor par George W. Bush. Et l’actuel directeur de la Fed de New York est un ancien de Goldman, William Dudley.

     

    La banque n’a certes pas été reconnue coupable de délit d’initié dans la vente des produits pourris Abacus, taillés sur mesure pour des investisseurs pariant à la hausse sur le marché immobilier : Goldman Sachs a payé 550 millions de dollars pour solder les poursuites sans reconnaissance de culpabilité, mais ses méthodes douteuses ont été exposées au grand jour.

     

    Lire : Les “conflits d’intérêts” d’Abacus

     

    Selon le blog financier du New York Times, DealBook, des bruits courent dans la banque centrale régionale sur l’employée licenciée et son goût supposé pour les théories du complot. Pourtant, selon des documents internes consultés par le journal, lors d’une réunion en mars 2012, une vingtaine de personnes de la Fed de New York ont conclu à un manquement de Goldman dans ses procédures de prévention des conflits d’intérêts et donné leur accord de principe pour baisser la note de Goldman.

     

    Au final, des échanges de courriels entre Carmen Segarra et son supérieur prennent une autre tournure et témoignent d’une remise en cause du travail de l’inspectrice : le site Internet de Goldman Sachs mentionne effectivement une politique concernant les conflits d’intérêts, et cela est, pour Michael Silva, suffisant.

     

    Le Monde

    http://fortune.fdesouche.com/327727-a-new-york-la-fed-en-plein-conflit-dinteret-avec-goldman-sachs#more-327727

  • Les conséquences de la résolution 2118

    Bien que le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, se soit bruyamment félicité du vote de la résolution 2118 sur les armes chimiques en Syrie, ce texte marque à la fois la victoire de la Russie et celle du président Bachar el-Assad. Il porte en lui-même deux conséquences qui ruinent définitivement les prétentions franco-britanniques sur le pays.

    Une fois passé l’étonnement face au tête-à-queue US en Syrie, une nouvelle situation politique se fait jour correspondant point par point aux plans élaborés conjointement par la Russie et la Syrie en juin 2012, c’est-à-dire avant la conférence de Genève 1. À l’époque, le Kremlin envisageait de négocier un accord avec Washington à la fois pour régler la crise syrienne et pour permettre au président Obama de sortir de son tête-à-tête étouffant avec Israël. Cependant ce plan, qui allait devenir un projet de partage de la gouvernance au Proche-Orient, supposait la présence de troupes russes en Syrie. Le général Hassan Tourekmani avait alors proposé que des troupes d’interposition mandatées par les Nations Unies soient déployées par l’Organisation du Traité de sécurité collective (« l’Otan russe »), comme il existe déjà sur le sol syrien une Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement au Golan.

     

    L’idée de ce déploiement a fait son chemin. L’OTSC a signé un Protocole avec le département des Opérations de maintien de la paix de l’Onu en septembre 2012 qui lui permet, comme l’Otan, de sous-traiter des actions du Conseil de sécurité. Depuis un an, l’OTSC a préparé 50 000 hommes qui peuvent être projetés en moins de deux semaines. Mais Moscou craignait de tomber dans un piège : c’était pour détruire l’Armée rouge que la CIA avait créé, en 1979 avec l’Arabie saoudite, le mouvement jihadiste international aujourd’hui appelé Al-Qaëda. La Syrie serait-elle le nouvel Afghanistan de l’armée russe ?

     

    Compte tenu des hésitations et contradictions US, le projet fut interrompu, mais pas abandonné. Or, la solution de la crise des armes chimiques ouvre de nouvelles possibilités.

     

    En premier lieu, la résolution 2118 ne se contente pas de soutenir le plan russe de destruction des restes du programme chimique syrien des années 80, elle implique implicitement le maintien du président Bachar el-Assad au pouvoir pour au moins un an afin qu’il supervise cette destruction. Du coup, non seulement les grandes puissances occidentales ne réclament plus son départ, mais seraient favorables à un allongement de son mandat et à un report de la prochaine élection présidentielle.

     

    En second lieu, la transmission par la Syrie de la liste de ses stocks d’armes chimiques à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) les rend vulnérables, puisque cette liste ne manquera pas de parvenir à « l’opposition armée ». Malgré ses efforts, l’Armée arabe syrienne ne pourra pas à la fois combattre les jihadistes internationaux sur l’ensemble du territoire et défendre ses arsenaux. Prévoyant cette situation, les chefs d’État de l’OTSC, réunis autour de Vladimir Poutine le 23 septembre à Sotchi (c’est-à-dire quatre jours avant le vote de la résolution 2118 du Conseil de sécurité), ont donné ordre de se tenir prêts à sécuriser la destruction des armes chimiques, si le Conseil de sécurité en faisait la demande. Les troupes arméniennes, biélorusses, kazakhs, kirghizes, russes et tadjiks ne seraient plus déployées pour s’interposer entre les deux camps comme cela était envisagé il y a un an et demi, mais pour défendre les arsenaux de l’État. Leur mission serait donc beaucoup plus simple et efficace.

     

    Dans cette perspective, les 2 500 hommes de l’OTSC qui doivent participer à des manœuvres au Kazakhstan, du 7 au 11 octobre, procéderont à une simulation.

     

  • « Qui instrumentalise l’Eglise ? » de Martin Peltier

    « Comment certains lobbies tentent d’asservir Rome au politiquement correct »
    Le livre « Qui instrumentalise l’Eglise ? » n’a pas eu beaucoup d’écho dans la grande distribution. Pourtant, paru au printemps 2012, c’est-à-dire avant l’élection de Hollande, avant la loi Taubira sur le mariage des homosexuels, avant le retrait de Benoît XVI et les nouveautés du pape François, il paraît aujourd’hui rétrospectivement presque prophétique. Parce qu’il s’est posé des questions qui restent actuelles : Qui se sert de l’Eglise catholique ? Comment ? Pourquoi ? A quoi tendent les controverses dont elle est l’objet ? Que valent les reproches qu’on lui fait ? Qui sont ses ennemis, à l’intérieur et à l’extérieur ? Que veulent-ils ? Accessoirement, comment « lire » les actes et les paroles d’un pape ? Il s’agit là d’un vaste programme, que ce livre remarquablement documenté, et argumenté pied à pied, résume dans un sous-titre exprimant son hypothèse de travail : « Comment certains lobbies tentent d’asservir Rome au politiquement correct. »
    Peltier examine les groupes de pression à la manœuvre, certains avec des données nombreuses et probantes, groupes homosexuels, juifs ou chrétiens modernistes, d’autres un peu brièvement (francs-maçons, protestants anglo-saxons). La méthode retenue par tout ce beau monde est l’intimidation. Par le biais de controverses explicites, voire tonitruantes, et par une propagande diffuse, omniprésente dans les médias, ces lobbies tendent à faire honte à l’Eglise de son passé et de son enseignement pour la terroriser par l’image qu’ils en donnent.
    Quant aux buts visés par ladite manœuvre, trois sont principalement recensés :
    –      le premier, le plus évident, qui n’a pas besoin d’autre développement, est l’affaiblissement de l’enseignement traditionnel de l’Eglise sur les questions de mœurs et de foi – on en a vu maint exemple dans l’affaire du mariage gay ;
    –      le deuxième est l’asservissement de l’Église à l’idéologie des droits de l’homme et son enrôlement au profit du mondialisme politiquement correct ;
    –      le troisième, d’ordre théologique, est la mise sous tutelle de Rome, accompagnée d’un changement radical de sa doctrine et même de ses textes fondateurs, de sorte qu’elle ne soit plus que la servante d’un nouveau superpouvoir moral.
    L’ancien chroniqueur religieux du Monde Henri Tincq, l’un des gourous du catholicisme progressiste en France, tombait d’accord avec l’historien René Rémond pour « observer que l’opinion tolère mieux les prescriptions de l’Eglise dans le champ de la morale collective – justice sociale, droits de l’homme, paix et solidarité – que dans celui de la morale personnelle et sexuelle ». Autrement dit, que le pape s’occupe de ses affaires, ou plutôt qu’il ne s’occupe pas de celles des autres, mais qu’il fasse des déclarations socialistoïdes, qu’il promeuve l’immigration/invasion, et, là, on l’écoutera. La stratégie a été payante : en France comme en Italie, on a vu l’épiscopat en pointe dans la diabolisation des partis nationaux, FN ou Ligue du Nord, pour la défense des roms, des clandestins, etc. L’étude est parfaitement convaincante.
    Peltier ajoute que les prélats politiques d’aujourd’hui peuvent faire semblant de se fonder sur un texte de Pie XII, la constitution apostolique Exsul Familia Nazarethana d’août 1952, pour justifier leurs extravagances : la doctrine chrétienne, évidemment non raciste, comporte un droit à l’émigration, assortie de circonstances et de conditions et il suffit d’oublier les circonstances et les conditions pour faire de bon nombre d’églises européennes les complices revendiqués de l’invasion en cours. Le constat va plus loin : certains papes dits « conservateurs », sur le plan de la morale sexuelle, ou du dogme, ou de la liturgie, tels Jean Paul II ou Benoît XVI, peuvent être plus utiles en matière d’invasion que de plus modernistes, parce qu’ils rassurent les catholiques conservateurs, lesquels seront plus enclins à les écouter sur le plan de la « morale collective ».
    Le troisième but, sans doute le but ultime, des lobbies qui instrumentalisent l’Eglise, i.e. sa mise sous tutelle doctrinale et scripturale au profit d’un nouveau magistère moral, demandait une analyse plus fine et aussi plus longue et plus détaillée :
    - Une grande première partie est consacrée à l’examen des principales attaques dont l’Eglise a été la cible depuis les années quatre-vingt. Pourquoi ? Parce que, parmi les reproches qui lui sont ordinairement faits, certains (pédophilie, refus de la capote pour lutter contre le Sida, béatifications diverses, Pie XII, Isabelle la Catholique, célibat des prêtres, ordination des femmes, carmel d’Auschwitz, affaire Williamson, etc.), certains semblent faits de bonne foi. Bien des braves gens se disent, ma foi oui, on a beau ne pas être anticatholique, l’Eglise ferait bien de faire son mea culpa et de la mettre un peu en veilleuse. Il fallait donc étudier ces controverses en détail pour établir en quoi elles sont faibles, comment, par qui et pour quoi elles ont été agitées.
    Peltier démonte les erreurs de la vulgate anti-romaine, les intentions et les trucs de ses promoteurs, officines gaies, juives et modernistes souvent liées. Les chapitres sur la déclaration de Mgr de Berranger à Drancy, le prétendu silence de Pie XII durant la seconde guerre mondiale, la canonisation d’Edith Stein et le carmel d’Auschwitz sont véritablement sans réplique.
    On découvre à leur suite une entreprise, qui n’est pas cachée, et qui trouve des complices, tel Christian Terras, directeur de la revue « catholique » Golias, pour changer de fond en comble les textes chrétiens, leur exégèse, et en particulier la christologie, afin que le judaïsme conquière le primat intellectuel et moral parmi les religions. Après le prétendu « enseignement du mépris » viendrait l’enseignement de la prosternation : la Shoah devant remplacer la Croix, Auschwitz le Golgotha. Benoît XVI était judéophile et plutôt immigrationniste, mais il a préparé pour Jean Paul II la déclaration Dominus Jesus ; il n’était donc pas du tout malléable ni même compatible de ce côté-là. Son retrait a sûrement fait plaisir.
    Le livre se termine sur des questions, dont la principale est : Comment se défend l’Eglise, ou : Se défend-elle ? Ou encore : Comment lire le pape, sa politique et sa doctrine ? A l’époque, c’était Benoît XVI, ce n’était déjà pas facile ; aujourd’hui, avec François, ça ne s’est pas simplifié. L’ouvrage montre là son ambiguïté : l’auteur a deux regards, celui d’un observateur laïc et celui d’un croyant. L’observateur convainc, le croyant est parfois pathétique. Les catholiques le comprendront, les autres retiendront une œuvre riche, dépaysante, très utile dans de nombreuses controverses, et qui, sans révisionnisme proclamé, fait litière d’un nombre impressionnant de mythes et d’arguments faux.
     Marcelle Puttemans, 7/10/2013
     Martin Peltier, Qui instrumentalise l’Eglise ?, éditions Godefroy de Bouillon (www.godefroydebouillon.fr), 315 p.
    http://www.polemia.com/qui-instrumentalise-leglise-de-martin-peltier/