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Libye: la version de Sarkozy remise en cause par des mails de Clinton
Dévoilés dans le cadre d'une enquête sur un attentat anti-américain en Libye, les emails de l'ex-secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton apportent un autre éclairage sur la position de la France au printemps 2011.Les emails de l'ancienne secrétaire d'Etat rendus publics par le département d'Etat dans le cadre de l'enquête sur l'attentat anti-américain de 2012 en Libye contre le consulat de Benghazi réservent des surprises. A en croire le conseiller d'Hillary Clinton qui les a envoyés, les services secrets français auraient organisé et financé la rébellion contre Mouammar Kadhafi.Plusieurs milliers de courriers électroniques envoyés ou reçus par Hillary Clinton, lorsqu'elle dirigeait la diplomatie américaine, ont été rendus publics sur internet, par le département d'Etat, sous le coup d'une ordonnance judiciaire.Parmi ces documents, une série de mémos transmis à la chef de la diplomatie par un ami et homme d'affaires, Sidney Blumenthal, conseiller informel sur la Libye, qui se targuait de disposer de "sources" au sein du régime de Tripoli de l'époque. Ces missives auraient été écrites, selon le site Al Monitor qui couvre l'actualité du monde arabe et du Moyen-Orient, par une tierce personne, un ancien agent de la CIA, Tyler Drumheller. Ces documents mettent en cause le récit fait par la France du déroulement des événements en Libye en 2011.Rencontres secrètes dès février 2011La version officielle de la France est que Paris a choisi d'intervenir à l'appel d'opposants libyens pour éviter un bain de sang causé par la répression du dictateur libyen contre les mouvements contestataires lancés à la fin de l'hiver 2011. Al Monitor, basé à Washington, rappelle que Bernard-Henri Levy, aurait, selon la version officielle, rencontré le chef du Conseil national de transition Moustapha Abdel Jalil, le 4 mars 2011, appelé aussitôt Nicolas Sarkozy qui aurait invité l'opposant à l'Elysée, et reconnu le CNT le 10 mars.Mais selon un mail daté du 22 mars, des agents de la DGSE ont entamé des rencontres secrètes avec Jalil et le général Abdelfattah Younès -qui venaient de quitter le gouvernement de Kadhafi- dès la fin février à Benghazi. Paris aurait fourni argent et conseils pour la formation du CNT. "En échange de ce soutien, indique la note, la France attendait que les nouvelles autorités favorisent les entreprises françaises, en particulier dans le secteur pétrolier." La France a été le premier pays à reconnaitre le CNT.Des cadres de Total, de Vinci, et de l'EADS à bord de vols humanitairesAl-Monitor souligne l'existence d' un autre mémo, daté du 5 mai, qui évoque des vols humanitaires organisés mi-avril de la même année, qui auraient compté parmi les passagers des cadres de Total, de Vinci, et de l'EADS. Le site a également consulté un mémo datant du mois de septembre selon lequel la France demanderait que 35% des contrats pétroliers soient attribués à des entreprises françaises.Dans un autre email, au début de l'année 2012, selon Mediapart, Blumenthal évoque la potentielle partition de la Libye, dans laquelle il voit la main de la France. "Une source extrêmement sensible indique que la DGSE et le SIS (les services secrets britanniques) entendent organiser le mouvement vers un État semi-autonome dans un système fédéral." Mais, précise, Mediapart, Hillary Clinton qui, en transmettant ce message à ses équipes, ajoute un mot: "Cela me paraît difficilement crédible d'après ce que je sais".L'auteur des mails, Sidney Blumenthal, souligne Le Temps, n'est pas précisément neutre. Il avait des intérêts en Libye où "il conseillait la société américaine Constallations Group avec deux associés dont Tyler Drumheller, l'agent de la CIA et présumé auteur des notes envoyées à Hillary Clinton". -
Réflexions sur la géopolitique et l’histoire du bassin oriental de la Méditerranée
Dérives multiples en marge de la crise grecque
La crise grecque est majoritairement perçue comme une crise économique et monétaire, détachée de tout contexte historique et géopolitique. Les technocrates et les économistes, généralement des bricoleurs sans vision ni jugeote, englués dans un présentisme infécond, n’ont nullement réfléchi à la nécessité, pour l’Europe, de se maintenir solidement dans cet espace est-méditerranéen, dont la maîtrise lui assure la paix. Sans présence forte dans cet espace, l’Europe est déforcée. Ce raisonnement historique est pourtant établi : les croisades, l’intervention aragonaise en Grèce au 14ème siècle (avec la caste guerrière des Almogavares), etc. montrent clairement que ce fut toujours une nécessité vitale d’ancrer une présence européenne dans cet archipel hellénique, menacé par les faits turc et musulman. L’absence de mémoire historique,entretenue par les tenants de nos technocraties banquières et économistes, a fait oublier cette vérité incontournable de notre histoire : la gestion désastreuse de la crise grecque le montre à l’envi.
Erdogan, Toynbee et la dynamique turque
La puissance régionale majeure dans cet espace est aujourd’hui la Turquie d’Erdogan, même si toute puissance véritable, de nos jours, est tributaire, là-bas, de la volonté américaine, dont l’instrument est la flotte qui croise dans les eaux de la Grande Bleue. Trop peu nombreux sont les décideurs européens qui comprennent les ressorts anciens de la dynamique turque dans cette région, qui donne accès à la Mer Noire, aux terres noires d’Ukraine, au Danube, au Caucase, au Nil (et donc au cœur de l’Afrique orientale), à la Mer Rouge et au commerce avec les Indes. Comprendre la géopolitique à l’œuvre depuis toujours, dans ce point névralgique du globe, même avant toute présence turque, est un impératif de lucidité politique. Nous avons derrière nous sept siècles de confrontation avec le fait turc-ottoman mais c’est plutôt dans l’histoire antique qu’il convient de découvrir comment, dans la région, le territoire en lui-même confère un pouvoir, réel ou potentiel, à qui l’occupe. C’est le byzantinologue Arnold J. Toynbee, directeur et fondateur du « Royal Institute of International Affairs » (RIIA), et par là même inspirateur de bon nombre de stratégies britanniques (puis américaines), qui a explicité de la manière la plus claire cette dynamique que pas un responsable européen à haut niveau ne devrait perdre de vue : la domination de l’antique Bithynie, petit territoire situé juste au-delà du Bosphore en terre anatolienne, permet, s’il y a impulsion adéquate, s’il y a « response » correcte au « challenge » de la territorialité bithynienne (pour reprendre le vocabulaire de Toynbee), la double maîtrise de l’Egée et de la Mer Noire. Rome devient maîtresse de ces deux espaces maritimes après s’être assurée du contrôle de la Bithynie (au prix des vertus de César, insinuaient les méchantes langues romaines…). Plus tard, cette Bithynie deviendra le territoire initial du clan d’Osman (ou Othman) qui nous lèguera le terme d’« ottoman ».
Une Grèce antique pontique et méditerranéenne
On parle souvent de manière figée de la civilisation grecque antique, en faisant du classicisme non dynamique à la manière des cuistres, en imaginant une Grèce limitée tantôt à l’aréopage d’Athènes tantôt au gymnase de Sparte, tantôt aux syllogismes de ses philosophes ou à la géométrie de ses mathématiciens, une Grèce comme un îlot isolé de son environnement méditerranéen et pontique. Le point névralgique de cette civilisation, bien plus complexe et bien plus riche que les petits professeurs classicistes ne l’imaginaient, était le Bosphore, clef de l’ensemble maritime Egée/Pont Euxin. Le Bosphore liait la Grèce égéenne à la Mer Noire, la Crimée et l’Ukraine, d’où lui venait son blé et, pour une bonne part, son bois et ses gardes scythes, qui assuraient la police à Athènes. La civilisation hellénique est donc un ensemble méditerranéen et pontique, mêlant divers peuples, de souches européennes et non européennes, en une synthèse vivante, où les arrière-pays balkaniques, les Thraces et les Scythes, branchés sur l’Europe du Nord finno-ougrienne via les fleuves russes, ne sont nullement absents. L’espace hellénique, la future Romania d’Orient hellénophone, l’univers byzantin possèdent donc une dimension pontique et l’archipel proprement hellénique est la pointe avancée de ce complexe balkano-pontique, situé au sud du cours du Danube. En ce sens, l’espace grec d’aujourd’hui, où s’étaient concentrées la plupart des Cités-Etats de la Grèce classique, est le prolongement de l’Europe danubienne et balkanique en direction du Levant, de l’Egypte et de l’Afrique. S’il n’est pas ce prolongement, si cet espace est coupé de son « hinterland » européen, il devient ipso facto le tremplin du Levant et, éventuellement, de l’Egypte, si d’aventure elle redevenait une puissance qui compte, comme au temps de Mehmet Ali, en direction du cœur danubien de l’Europe.Toynbee, avec sa thèse bithynienne, a démontré, lui, que si l’hellénité (romaine ou byzantine) perd la Bithynie proche du Bosphore et disposant d’une façade pontique, la puissance qui s’en empareraitpourrait aiséments’étendre dans toutes les directions : vers les Balkans et le Danube, vers la Crimée, la Mer Noire et le cours des grands fleuves russes, vers le Caucase (la Colchide), tremplin vers l’Orient perse, vers l’Egypte en longeant les côtes syrienne, libanaise, palestinienne et sinaïque, vers le Nil, artère menant droit au cœur de l’Afrique orientale, vers la Mer Rouge qui donne accès au commerce avec l’Inde et la Chine, vers la Mésopotamie et le Golfe Persique. L’aventure ottomane, depuis la base initiale des territoires bithynien et péri-bithynien d’Osman, prouve largement la pertinence de cette thèse. L’expansion ottomane a créé un verrou d’enclavement contre lequel l’Europe a buté pendant de longs siècles. La Turquie kémaliste, en rejetant l’héritage ottoman, a toutefois conservé un pouvoir régional réel et un pouvoir global potentiel en maintenant le territoire bithynien sous sa souveraineté. Même si elle n’a plus les moyens techniques, donc militaires, de reprendre l’expansion ottomane, la Turquie actuelle, post-kémaliste, garde des atouts précieux, simplement par sa position géographique qui fait d’elle, même affaiblie, une puissance régionale incontournable.
Une Turquie ethniquement et religieusement fragmentée derrière un unanimisme apparent
Le fait turc consiste en un nationalisme particulier greffé sur une population, certes majoritairement turque et musulmane-sunnite, mais hétérogène si l’on tient compte du fait que ces citoyens turcs ne sont pas nécessairement les descendants d’immigrants guerriers venus d’Asie centrale, berceau des peuples turcophones : beaucoup sont des Grecs ou des Arméniens convertis en surface, professant un islam édulcoré ou un laïcisme antireligieux ; d’autres sont des Kurdes indo-européens sunnites ou des Arabes sémitiques également sunnites ; d’autres encore descendent d’immigrants balkaniques islamisés ou de peuples venus de la rive septentrionale de la Mer Noire ; à ces fractures ethniques, il convient d’ajouter les clivages religieux: combien de zoroastriens en apparence sunnites ou alévites, combien de derviches à la religiosité riche et séduisante, combien de Bosniaquesslaves dont les ancêtres professaient le manichéisme bogomile, combien de chiites masqués chez les Kurdes ou les Kurdes turcisés, toutes options religieuses anciennes et bien ancrées que l’Européen moyen et les pitres politiciens, qu’il élit, sont incapables de comprendre ?
Le nationalisme turc de facture kémaliste voulait camper sur une base géographique anatolienne qu’il espérait homogénéiser et surtout laïciser, au nom d’un tropisme européen. Le nationalisme nouveau, porté par Erdogan, l’homme qui a inauguré l’ère post-kémaliste, conjugue une option géopolitique particulière, celle qui combine l’ancienne dynamique ottomane avec l’idéal du califat sunnite. Les Kurdes, jadis ennemis emblématiques du pouvoir kémaliste et militaire, sont devenus parfois, dans le discours d’Erdogan, des alliés potentiels dans la lutte planétaire amorcée par les sunnites contre le chiisme ou ses dérivés. Mais tous les Kurdes, face à l’acteur récent qu’est l’Etat islamique en Irak et en Syrie, ne se sentent pas proches de ce fondamentalisme virulent et ne souhaitent pas, face à un sunnisme militant et violent, céder des éléments d’émancipation traditionnels, légués par leurs traditions gentilices indo-européennes, par un zoroastrisme diffus se profilant derrière un sunnisme de façade et de convention, etc.
Echec du néo-ottomanisme
L’Europe, si elle avait été souveraine et non pas gouvernée par des canules et des ignorants, aurait parfaitement pu admettre la géopolitique de Davoutoglu, comme une sorte d’interface entre le bloc européen (de préférence libéré de l’anachronisme « otanien ») et le puzzle complexe et explosif du Levant et du Moyen-Orient, que le néo-ottomanisme déclaré aurait pu apaiser et, par la même, il aurait annihilé certains projets américains de balkaniser durablement cette région en y attisant la lutte de tous contre tous, selon la théorie de Donald M. Snow (l’intensification maximale du désordre par les uncivilwars).
Cependant l’Europe, entre la parution des premiers écrits géopolitiques et néo-ottomanistes de Davoutoglu et les succès de l’Etat islamique en Syrie et en Irak, a connu un ressac supplémentaire, qui se traduit par une forme nouvelle d’enclavement : elle n’a plus aucune entrée au Levant, au Moyen-Orient ou même en Afrique du Nord, suite à l’implosion de la Libye. La disparition du contrôle des flux migratoires par l’Etat libyen fait que l’Europe se trouve assiégée comme avant le 16ème siècle : elle devient le réceptacle d’un trop-plein de population (essentiellement subsaharienne) et cesse d’être la base de départ d’un trop-plein de population vers les Nouveaux Mondes des Amériques et de l’Océanie. Elle n’est plus une civilisation qui rayonne, mais une civilisation que l’on hait et que l’on méprise (aussi parce que les représentants officiels de cette civilisation prônent les dérives du festivisme post-soixante-huitard qui révulsent Turcs, Africains et Arabo-Musulmans).
Dimensions adriatiques
Si cette civilisation battue en brèche perd tous ses atouts en Méditerranée orientale et si la Grèce devient un maillon faible dans le dispositif européen, ce déclin irrémédiable ne pourra plus prendre fin. Raison majeure, pour tous les esprits qui résistent aux dévoiements imposés, de relire l’histoire européenne à la lumière des événements qui ont jalonné l’histoire du bassin oriental de la Méditerranée, de l’Adriatique et de la République de Venise (et des autres Cités-Etats commerçantes et thalassocratiques de la péninsule italienne). L’Adriatique est la portion de la Méditerranée qui s’enfonce le plus profondément vers l’intérieur des terres et, notamment, vers les terres, non littorales, où l’allemand est parlé, langue la plus spécifiquement européenne, exprimant le plus profondément l’esprit européen. La Styrie et la Carinthie sont des provinces autrichiennes germanophones en prise sur les réalités adriatiques et donc méditerranéennes, liées territorialement à la Vénétie. L’Istrie, aujourd’hui croate, était la base navale de la marine austro-hongroise jusqu’au Traité de Versailles. L’Adriatique donne accès au bassin oriental de la Méditerranée et c’est la maîtrise ininterrompue de ses eaux qui a fait la puissance de Venise, adversaire tenace de l’Empire ottoman. Venise était présente en Méditerranée orientale, Gênes en Crimée, presqu’île branchée sur les routes de la soie, laissées ouvertes par les Tatars avant qu’ils ne se soumettent à la Sublime Porte. Cette géopolitique vénitienne, trop peu arcboutée sur une masse territoriale assez vaste et substantielle, n’est peut-être plus articulable telle quelle aujourd’hui : aucun micro-Etat, de dimension urbaine ou ne disposant pas d’une masse de plusieurs dizaines de millions d’habitants, ne pourrait fonctionner aujourd’hui de manière optimale ni restituer une géopolitique et une thalassopolitique de grande ampleur, suffisante pour sortir justement toute la civilisation européenne de l’impasse et de l’enclavement dans lesquels elle chavire de nos jours.
Double atout d’une géostratégie néo-vénitienne
Le concert européen pourrait déployer une nouvelle géopolitique vénitienne, qui serait une perspective parmi bien d’autres tout aussi fécondes et potentielles, pour sortir de l’impasse actuelle ; cette géopolitique vénitienne devrait dès lors être articulée par un ensemble cohérent, animé par une vision nécessairement convergente et non plus conflictuelle. Cette vision pourrait s’avérer très utile pour une projection européenne efficace vers le bassin oriental de la Méditerranée et vers l’espace pontique. Venise, et Gênes, se projetaient vers le bassin oriental de la Méditerranée et vers la Mer Noire, au-delà du Bosphore tant que Byzance demeurait indépendante. Cette double projection donnait accès aux routes de la soie, au départ de la Crimée vers la Chine et aussi, mais plus difficilement au fil des vicissitudes qui ont affecté l’histoire du Levant, au départ d’Antioche et des ports syriens et libanais vers les routes terrestres qui passaient par la Mésopotamie et la Perse pour amener les caravanes vers l’Inde ou le Cathay.
La présence des villes marchandes italiennes à Alexandrie d’Egypte donnait aussi accès au Nil, à cette artère nilotique qui plongeait, au-delà des cataractes vers les mystères de l’Afrique subsaharienne et vers le royaume chrétien d’Ethiopie. Les constats que nous induisent à poser une observation des faits géopolitiques et géostratégiques de l’histoire vénitienne et génoise devraient tout naturellement amener un concert européen sérieux, mener par des leaders lucides, à refuser tout conflit inutile sur le territoire de l’Ukraine actuelle car ce territoire donne accès aux nouvelles routes qui mènent de l’Europe occidentale à la Chine, que celles-ci soient ferroviaires (les projets allemands, russes et chinois de développement des trains à grande vitesse et à grande capacité) ou offre le transit à un réseau d’oléoducs et de gazoducs. Aucune coupure ne devrait entraver le développement de ces voies et réseaux. De même, les territoires libanais, syriens et irakiens actuels, dans l’intérêt d’un concert européen bien conçu, devraient ne connaître que paix et harmonie, afin de restaurer dans leur plénitude les voies d’accès aux ex-empires persans, indiens et chinois. Le regard vénitien ou génois que l’on pourrait jeter sur les espaces méditerranéen oriental et pontique permettrait de générer des stratégies de désenclavement.
L’Europe est ré-enclavée !
Aujourd’hui, nous vivons une période peu glorieuse de l’histoire européenne, celle qui est marquée par son ré-enclavement, ce qui implique que l’Europe a perdu tous les atouts qu’elle avait rudement acquis depuis la reconquista ibérique, la lutte pluriséculaire contre le fait ottoman, etc. Ce ré-enclavement est le résultat de la politique du nouvel hegemon occidental, les Etats-Unis d’Amérique. Ceux-ci étaient les débiteurs de l’Europe avant 1914. Après le désastre de la première guerre mondiale, ils en deviennent les créanciers. Pour eux, il s’agit avant tout de maintenir le vieux continent en état de faiblesse perpétuelle afin qu’il ne reprenne jamais plus du poil de la bête, ne redevienne jamais leur créancier. Pour y parvenir, il faut ré-enclaver cette Europe pour que, plus jamais, elle ne puisse rayonner comme elle l’a fait depuis la découverte de l’Amérique et depuis les explorations portugaises et espagnoles du 16ème siècle. Cette stratégie qui consiste à travailler à ré-enclaver l’Europe est la principale de toutes les stratégies déployées par le nouvel hegemon d’après 1918.
Même s’ils ne signent pas le Traité de Versailles, les Etats-Unis tenteront, dès la moitié des années 20, de mettre l’Europe (et tout particulièrement l’Allemagne) sous tutelle via une politique de crédits. Parallèlement à cette politique financière, les Etats-Unis imposent dans les années 20 des principes wilsoniens de droit international, faussement pacifistes, visant à priver les Etats du droit à faire la guerre, surtout les Etats européens, leurs principaux rivaux, et le Japon, dont ils veulent s’emparer des nouvelles conquêtes dans le Pacifique. On peut évidemment considérer, à première vue mais à première vue seulement, que cette volonté de pacifier le monde est positive, portée par un beau projet philanthropique. L’objectif réel n’est pourtant pas de pacifier le monde, comme on le perçoit parfaitement aujourd’hui au Levant et en Mésopotamie, où les Etats-Unis, via leur golem qu’est Daech, favorisent «l’intensification maximale du désordre ». L’objectif réel est de dépouiller tout Etat, quel qu’il soit, quelle que soient ses traditions ou les idéologies qu’il prône, de sa souveraineté. Aucun Etat, fût-il assiégé et étouffé par ses voisins, fût-il placé par ses antécédents historiques dans une situation d’in-viabilité à long terme à cause d’une précédente mutilation de son territoire national, n’a plus le droit de rectifier des situations dramatiques qui condamnent sa population à la misère, à l’émigration ou au ressac démographique. Or la souveraineté, c’était, remarquait Carl Schmitt face au déploiement de ce wilsonisme pernicieux, la capacité de décider de faire la guerre ou de ne pas la faire, pour se soustraire à des situations injustes ou ingérables.
Notamment, faire la guerre pour rompre un encerclement fatidique ou un enclavement qui barrait la route à la mer et au commerce maritime, était considéré comme légitime. Le meilleur exemple, à ce titre, est celui de la Bolivie enclavée au centre du continent sud-américain, suite à une guerre du 19ème siècle, où le Pérou et le Chili lui avaient coupé l’accès au Pacifique : le problème n’est toujours pas résolu malgré l’ONU. De même, l’Autriche, vaincue par Napoléon, est privée de son accès à l’Adriatique par l’instauration des « départements illyriens » ; en 1919, Clémenceau lui applique la même politique : la naissance du royaume de Yougoslavie lui ôte ses bases navales d’Istrie (Pola), enlevant par là le dernier accès des puissances centrales germaniques à la Méditerranée. L’Autriche implose, plonge dans la misère et accepte finalement l’Anschluss en 1938, dont la paternité réelle revient à Clémenceau.
Versailles et le wilsonisme bétonnent le morcellement intra-européen
Ensuite, pour l’hegemon, il faut conserver autant que possible le morcellement territorial de l’Europe. Déjà, les restrictions au droit souverain de faire la guerre gèle le tracé des frontières, souvent aberrant en Europe, devenu complètement absurde après les traités de la banlieue parisienne de 1919-1920, lesquels rendaient impossible tout regroupement impérial et, plus précisément, toute reconstitution, même pacifique, de l’ensemble danubien austro-hongrois, création toute naturelle de la raison vitale et historique. Ces traités signés dans la banlieue parisienne morcellent le territoire européen entre un bloc allemand aux nouvelles frontières militairement indéfendables, « démembrées » pour reprendre le vocabulaire de Richelieu et de Haushofer, et une Russie soviétique qui a perdu les glacis de l’Empire tsariste (Pays Baltes, Finlande, Bessarabie, Volhynie, etc.). Le double système de Versailles (de Trianon, Sèvres, Saint-Germain, etc.) et des principes wilsoniens, soi-disant pacifistes, entend bétonner définitivement le morcellement de la « Zwischeneuropa » entre l’Allemagne vaincue et l’URSS affaiblie par une guerre civile atroce.
La situation actuelle en découle : les créations des traités iniques de la banlieue parisienne, encore davantage morcelées depuis l’éclatement de l’ex-Yougoslavie et de l’ex-Tchécoslovaquie, sans oublier le démantèlement des franges ouest de la défunte Union Soviétique, permet aujourd’hui aux Etats-Unis de soutenir les revendications centrifuges tantôt de l’une petite puissance résiduaire tantôt de l’autre, flattées de recevoir, de toute la clique néoconservatrice et belliciste américaine, le titre louangeur de « Nouvelle Europe » audacieuse face à une « Vieille Europe » froussarde (centrée autour du binôme gaullien/adenauerien de la Françallemagne ou de l’Europe carolingienne), exactement comme l’Angleterre jouait certaines de ces petites puissances contre l’Allemagne et la Russie, selon les dispositifs diplomatiques de Lord Curzon, ou comme la France qui fabriquait des alliances abracadabrantes pour « prendre l’Allemagne en tenaille », obligeant le contribuable français à financer des budgets militaires pharaoniques, notamment en Pologne, principale puissance de la « Zwischeneuropa », censée remplacer, dans la stratégie française ce qu’était l’Empire ottoman contre l’Autriche des Habsbourg ou ce qu’était la Russie lors de la politique de revanche de la Troisième République, soit un « rouleau compresseur, allié de revers », selon la funeste habitude léguée par François I au 16ème siècle. La Pologne était donc ce « nouvel allié de revers », moins lourd que l’Empire ottoman ou que la Russie de Nicolas II mais suffisamment armé pour rendre plus difficile une guerre sur deux fronts.
Depuis les années 90, l’OTAN a réduit les effectifs de la Bundeswehr allemande, les a mis à égalité avec ceux de l’armée polonaise qui joue le jeu antirusse que l’Allemagne ne souhaitait plus faire depuis le début des années 80. La « Zwischeneuropa » est mobilisée pour une stratégie contraire aux intérêts généraux de l’Europe.
Des séparatismes qui arrangent l’hegemon
Dans la partie occidentale de l’Europe, des mouvements séparatistes sont médiatiquement entretenus, comme en Catalogne, par exemple, pour promouvoir des idéologies néo-libérales (face à d’anciens Etats jugés trop protectionnistes ou trop « rigides ») ou des gauchismes inconsistants, correspondant parfaitement aux stratégies déconstructivistes du festivisme ambiant, stratégies favorisées par l’hegemon, car elles permettent de consolider les effets du wilsonisme. Ce festivisme est pleinement favorisé car il se révèle l’instrument idéal pour couler les polities traditionnelles, pourtant déjà solidement battues en brèche par soixante ou septante ans de matraquage médiatique abrutissant, mais jugées encore trop « politiques » pour plaire à l’hegemon, qui, sans discontinuer, fabrique à la carte des cocktails affaiblissants, chaque fois adaptés à la dimension vernaculaire où pointent des dissensus exploitables. Cette adaptation du discours fait croire, dans une fraction importante des masses, à l’existence d’une « identité » solide et inébranlable, ce qui permet alors de diffuser un discours sournois où la population imagine qu’elle défend cette identité, parce qu’on lui fabrique toutes sortes de gadgets à coloration vernaculaire ; en réalité, derrière ce théâtre de marionnettes qui capte toutes les attentions des frivoles, on branche des provinces importantes des anciens Etats non pas sur une Europe des ethnies charnelles, ainsi que l’imaginent les naïfs, mais sur les réseaux mondiaux de dépolitisation générale que sont les dispositifs néo-libéraux et/ou festivistes, afin qu’in fine tous communient, affublé d’un T-shirt et d’un chapeau de paille catalan ou basque, flamand ou wallon, etc. dans la grande messe néo-libérale ou festiviste, sans jamais critiquer sérieusement l’inféodation à l’OTAN.
Rendre tous les Etats « a-démiques »
Ainsi, quelques pans entiers du vieil et tenace ennemi des réseaux calvinistes/puritains anglo-américains sont encore davantage balkanisés : l’ancien Empire de Charles-Quint se disloque encore pour rendre tous ses lambeaux totalement «invertébrés » (Ortega y Gasset !). Les Bretons et les Occitans, eux, ne méritent aucun appui, contrairement aux autres : s’ils réclament autonomie ou indépendance, ils commettent un péché impardonnable car ils visent la dislocation d’un Etat occidentiste, dont le fondamentalisme intrinsèque, pure fiction manipulatrice, ne se réclame pas d’un Dieu biblique comme en Amérique mais d’un athéisme éradicateur. Les Bretons ne revendiquent pas la dissolution d’une ancienne terre impériale et européenne mais d’un Etat déjà « adémique », de « a-demos », de « sans peuple » (« a » privatif + démos, peuple en grec, ce néologisme ayant été forgé par le philosophe italien Giorgio Agamben). Il faut donc les combattre et les traiter de ploucs voire de pire encore. La stratégie du morcellement permanent du territoire vise, de fait, à empêcher toute reconstitution d’une réalité impériale en Europe, héritière de l’Empire de Charles-Quint ou de la « Grande Alliance », mise en exergue par l’historien wallon Luc Hommel, spécialiste de l’histoire du fait bourguignon. La différence entre les indépendantismes anti-impériaux, néfastes, et les indépendantismes positifs parce qu’hostiles aux Etats rénégats, qui, par veulerie intrinsèque, ont apostasié l’idéal d’une civilisation européenne unifiée et combattive, ne doit pas empêcher la nécessaire valorisation de la variété européenne, selon les principes mis en exergue par le théoricien breton Yann Fouéré qui nous parlait de « lois de la variété requise ».
Des tissus de contradictions
En Flandre, il faut combattre toutes les forces, y compris celles qui se disent « identitaires », qui ne revendiquent pas un rejet absolu de l’OTAN et des alliances nous liant aux puissances anglo-saxonnes qui articulent contre l’Europe le réseau ECHELON. Ces forces pseudo-identitaires sont prêtes à tomber, par stupidité crasse, dans tous les pièges du néo-libéralisme. En Wallonie, on doit rejeter la tutelle socialiste qui, elle, a été la première à noyer la Belgique dans le magma de l’OTAN, que les adversaires de cette politique atlantiste nommaient le « Spaakistan », rappelle le Professeur Coolsaet (RUG).
En Wallonie, les forces dites « régionales » ou « régionalistes » sont en faveur d’un développement endogène et d’un projet social non libéral mais sans redéfinir clairement la position de la Wallonie dans la grande région entre Rhin et Seine. La littérature wallonne, en la personne du regretté Gaston Compère, elle, resitue ces régions romanophones de l’ancien Saint-Empire dans le cadre bourguignon et les fait participer à un projet impérial et culturel, celui de Charles le Téméraire, tout en critiquant les forces urbaines (et donc non traditionnelles de Flandre et d’Alsace) pour avoir torpillé ce projet avec la complicité de l’« Universelle Aragne », Louis XI, créateur de l’Etat coercitif moderne qui viendra à bout de la belle France des Riches Heures du Duc de Berry, de Villon, Rutebeuf et Rabelais.
Compère inverse la vulgate colportée sur les divisions de la Belgique : il fait des villes flamandes les complices de la veulerie française et des campagnes wallonnes les protagonistes d’un projet glorieux, ambitieux et prestigieux, celui du Duc de Bourgogne, mort à Nancy en 1477. Certes Compère formule là, avec un magnifique brio, une utopie que la Wallonie actuelle, plongée dans les eaux glauques de la crapulerie politique de ses dirigeants indignes, est aujourd’hui incapable d’assumer, alors que la Flandre oublie sa propre histoire au profit d’une mythologie pseudo-nationaliste reposant sur un éventail de mythes contradictoires où se télescopent surtout une revendication catholique (le peuple pieux) contre les importations jacobines de la révolution française et une identification au protestantisme du 16ème siècle, dont les iconoclastes étaient l’équivalent de l’Etat islamiste d’aujourd’hui et qui ont ruiné la statuaire médiévale flamande, saccagée lors de l’été 1566 : il est dès lors plaisant de voir quelques têtes creuses se réclamer de ces iconoclastes, au nom d’un pannéerlandisme qui n’a existé que sous d’autres signes, plus traditionnels et toujours au sein de l’ensemble impérial, tout en rabâchant inlassablement une hostilité (juste) contre les dérives de Daech, toutefois erronément assimilées à toutes les formes culturelles nées en terres islamisées : si l’on se revendique des iconoclastes calvinistes d’hier, il n’y a nulle raison de ne pas applaudir aux faits et gestes des iconoclastes musulmans d’aujourd’hui, armés et soutenus par les héritiers puritains des vandales de 1566 ; si l’on n’applaudit pas, cela signifie que l’on est bête et surtout incohérent.
Les mythes de l’Etat belge sont eux aussi contradictoires car ils mêlent idée impériale, idée de Croisade (la figure de Godefroy de Bouillon et les visions traditionnelles de Marcel Lobet, etc.), pro- et anti-hollandisme confondus dans une formidable bouillabaisse, nationalisme étroit et étriqué, étranger à l’histoire réelle des régions aujourd’hui demeurées « belges ».
En Catalogne, la revue Nihil Obstat (n°22, I/2014), publiée près de Tarragone, rappelle fort opportunément que tout catalanisme n’a pas été anti-impérial : au contraire, il a revendiqué une identité aragonaise en l’assortissant d’un discours « charnel » que l’indépendantisme festiviste qui occupe l’avant-scène aujourd’hui ne revendique certainement pas car il préfère se vautrer dans la gadoue des modes panmixistes dictées par les officines d’Outre-Atlantique ou communier dans un gauchisme démagogique qui n’apportera évidemment aucune solution à aucun des maux qui affectent la société catalane actuelle, tout comme les dérives de la NVA flamande dans le gendérisme (made in USA avec la bénédiction d’Hillary Clinton) et même dans le panmixisme si prisé dans le Paris hollandouillé ne résoudront aucun des maux qui guettent la société flamande. Cette longue digression sur les forces centrifuges, positives et négatives, qui secouent les paysages politiques européens, nous conduit à conclure que l’hegemon appuie, de toutes les façons possibles et imaginables, ce qui disloque les polities, grandes et petites, d’Europe, d’Amérique latine et d’Asie et les forces centrifuges qui importent les éléments de dissolution néolibéraux, festivistes et panmixistes qui permettent les stratégies d’ahurissement visant à transformer les peuples en « populations », à métamorphoser tous les Etats-Nations classiques, riches d’une Realpolitik potentiellement féconde, en machines cafouillantes, marquées par ce que le très pertinent philosophe italien Giorgio Agamben appelait des polities « a-démiques », soit des polities qui ont évacué le peuple qu’elles sont pourtant censées représenter et défendre.
L’attaque monétaire contre la Grèce, qui a fragilisé la devise qu’est l’euro, afin qu’elle ne puisse plus être utilisée pour remplacer le dollar hégémonique, a ébranlé la volonté d’unité continentale : on voit réapparaître tous les souverainismes anti-civilisationnels, toutes les illusions d’isolation splendide, surtout en France et en Grande-Bretagne, tous les petits nationalismes de la « Zwischeneuropa », toutes les formes de germanophobie qui dressent les périphéries contre le centre géographique du continent et nient, par effet de suite, toute unité continentale et civilisationnelle. A cette dérive centrifuge générale, s’ajoutent évidemment les néo-wilsonismes, qui ne perçoivent pas le cynisme réel qui se profile derrière cet angélisme apparent, que percevait parfaitement un Carl Schmitt : on lutte parait-il, pour la « démocratie » en Ukraine ou en Syrie, pour le compte de forces sur le terrain qui s’avèrent très peu démocratiques. Les festivismes continuent d’oblitérer les volontés et ruinent à l’avance toute reprise d’une conscience politique. Les séparatismes utiles à l’hegemon gagnent en influence. Les séparatismes qui pourrait œuvrer à ruiner les machines étatiques devenues « a-démiques » sont, eux, freiner dans leurs élans. L’Europe est un continent devenu « invertébré » comme l’Espagne que décrivait Ortega y Gasset. L’affaire grecque est le signal premier d’une phase de dissolution de grande ampleur : la Grèce fragilisée, les flots de faux réfugiés, l’implosion de l’Allemagne, centre du continent, l’absence de jugement politique et géopolitique (notamment sur le bassin oriental de la Méditerranée, sur la Mer Noire et le Levant) en sont les suites logiques.
Robert Steuckers.
Madrid, Alicante, Hendaye, Forest-Flotzenberg, août-novembre 2015.pour voir les cartes liées à cet article => http://robertsteuckers.blogspot.fr/2015/11/reflexions-sur-la-geopolitique-et.html
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Les progrès de la démocratie russe
Ivan Blot, homme politique, écrivain, essayiste. Membre du conseil des experts de « Rethinking Russia ».
Docteur de l’Institut d’études politiques de Paris.♦ Le couple Russie et démocratie ne semble pas très naturel et rien, apparemment aujourd’hui, n’incite le public occidental à reconnaître chez les Russes une propension à l’usage du vote libre, une acceptation d’une opposition politique ou, plus simplement, un rapprochement entre l’Etat et le peuple ; et pourtant… Ivan Blot livre ici une sorte d’inventaire au terme duquel on devrait créditer à la présidence Poutine une volonté d’ouverture dans ce sens. Voyons.
Polémia
De 2011 à 2016, sous la présidence de Vladimir Poutine, la démocratie russe a beaucoup progressé avec d’importantes réformes pour rapprocher le peuple et la classe politique. Le think tank « Rethinking Russia » vient de publier un bilan significatif.
1/ Le nombre de partis politiques autorisés à participer aux élections est passé de 7 à 74. Il suffit maintenant d’avoir 500 membres contre 40.000 auparavant pour être enregistré et admis à présenter des candidats.
2/ Les élections législatives étaient à la proportionnelle intégrale entre les listes, ce qui donne un pouvoir considérable aux états-majors partisans. Désormais, la moitié des députés sont élus sur liste et l’autre moitié au scrutin uninominal de circonscription, un peu comme en Allemagne.
3/ Le seuil à atteindre pour avoir des députés au Parlement (Douma) est passé de 7 à 5%.
4/ Le nombre de partis à présenter des candidats aux élections régionales et locales est passé de 7 à 55.
5/ Selon les 85 régions, 4 ou 5 partis se présentaient. Aujourd’hui le chiffre est de 5 à 18 partis, avec les chiffres les plus élevés au Daghestan, à Moscou et dans la région de Sverdlovsk (Oural).
6/ Pour ce qui concerne les signatures requises pour présenter des listes ou des candidats de circonscription : il fallait 2% du corps électoral pour une liste et 0,5% à présent. Pour les candidats, il faut 5% ; pour les élections à l’exécutif local, aucune signature n’est nécessaire.
7/ La participation électorale fut de 50,9% des voix au niveau régional il y a 5 ans et de 41,8% à présent. La présidence voudrait inverser cette tendance due à la fermeture des partis dans le passé (phénomène bien connu en France).
8/ Le parti du président Russie Unie est passé en 5 ans de 48,97% des voix à 55,09%.
9/ Afin de rapprocher les électeurs des élus, il faut désormais 5 ans de résidence pour être candidat au conseil de la Fédération (Sénat). C’est une disposition antiparachutage.
10/ Une réforme très populaire en Russie : les gouverneurs (préfets) étaient ratifiés par le conseil local et présentés par le président. Aujourd’hui, ils sont directement élus par les citoyens sur 75 régions. Dans dix autres, ils sont élus par les conseils locaux à partir d’une liste de trois candidats présentée par le président. 48% des gouverneurs avaient été élus à un moment ou à un autre dans leur carrière. Désormais, c’est 79%.
11/ Cinq sortes de collectivités locales existaient ; 7 types différents existent désormais.
12/ L’exécutif local pouvait être élu, ou bien se composer d’un élu et d’un fonctionnaire nommé ou bien d’un élu et d’un fonctionnaire tous deux nommés. Aujourd’hui, il y a 5 systèmes différents allant de l’élection pure à la nomination pure en passant par des directions à deux têtes, une élue et une nommée.
13/ Une seule région avait un gouverneur d’opposition (communiste). A présent, il y a des gouverneurs communistes mais aussi de Russie juste et du parti libéral démocratique, soit 4 gouverneurs d’opposition au total (rappelons qu’en France, tous les préfets sont nommés par le gouvernement, donc il n’y a pas de préfets appartenant à l’opposition).
14/ L’opposition présidait 6 des 32 commissions ; aujourd’hui, l’opposition préside 15 commissions sur 30.
15/ Il n’y avait aucun sénateur d’opposition autrefois ; aujourd’hui, les trois partis d’opposition de la Douma sont représentés.
16/ Les partis non enregistrés sont autorisés à présenter des candidats et à faire des manifestations.
17/ Une nouveauté est le Front national pan-russe (ONF) qui est un regroupement d’organisations (dont 20 partis politiques) et de membres de toute la société civile chargés de contrôler si la politique du président est bien appliquée sur le terrain (mécanisme antitechnocratique).
18/ Au sein du parti « Russie Unie », on est passé des primaires fermées aux primaires ouvertes (à tous les citoyens) pour désigner les candidats aux élections.
19/ Le président est désormais au-dessus des partis tout en présidant Russie Unie. Le premier ministre dirige effectivement le parti Russie Unie.
20/ La chambre civique nommée par le président comporte des représentants des régions et des professions. Désormais les régions sont obligatoirement représentées dans cette sorte de conseil économique et social.
21/ Le site d’initiatives publiques russes enregistre et sélectionne en fonction de leur succès à la base les initiatives populaires que doivent prendre en compte les autorités.
22/ Un poste de ministre pour les affaires gouvernementales ouvert à tous est créé. Des ombudsmenspécialisés sont créés (pour les enfants, pour les entreprises).
23/ Le conseil fédéral des droits de l’homme était nommé ; il est désormais nommé en fonction du résultat d’élections faites sur Internet et passe de 40 à 63 membres.
Conclusion : toutes les grandes tendances de l’opinion, communistes, sociaux-démocrates, libéraux et nationaux-patriotes sont représentés soit au Parlement soit dans d’autres organismes ou collectivités locales.
On a voulu ouvrir le système politique à des personnes et des talents nouveaux. Pour cela, il a fallu casser le monopole des grands partis en permettant des élections par circonscription, en libéralisant la création des partis politiques, en permettant un contrôle au quotidien des administrations (Front national pan-russe) et en permettant aux citoyens de présenter des initiatives sur Internet. Il s’agit progressivement de se rapprocher d’une démocratie directe (dixit Rethinking Russia) afin d’augmenter la motivation électorale des citoyens. 44% des citoyens ont une bonne opinion des partis contre 30% il y a deux ans. En France, 20% à peine des citoyens font confiance aux partis politiques.
Sur certains points, comme l’élection des préfets, ou bien l’existence du Front national pan-russe pour contrôler l’administration à la base (dispositif antitechnocratique), la Russie est très en avance démocratiquement par rapport à un pays comme la France. La présidence russe s’intéresse de près aux institutions de démocratie directe alors qu’en France les principaux leaders politiques montrent une certaine méfiance.
Le fort soutien du peuple au président (plus de 80%) montre que la politique présidentielle est bien conçue « pour le peuple » comme il doit être de mise dans une vraie démocratie et non en faveur des groupes de pression les plus puissants (oligarchie).
Ivan Blot, 8/01/2016
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Occident, Orient : craintes et espoirs – Conférence de Bruno Gollnisch à Reims Le 21 janvier 2016
Bruno Gollnisch, membre du bureau politique du Front national, a très volontiers accepté de donner une conférence privée à Reims à l’invitation d’E&R-Champagne Ardenne.
La date, jeudi 21 janvier 2016 à 18h45, est aussi exceptionnelle que l’événement. Elle correspond à son retour vers Paris après la session parlementaire de Strasbourg.
Jean-Marie Le Pen ayant été écarté du groupe parlementaire Europe des Nations et des Libertés (ENL) créé autour de Marine Le Pen en juin 2015, Bruno Gollnisch siège avec l’ancien leader du FN comme non-inscrit à Bruxelles et Strasbourg.
Dans cette période troublée où les peuples européens sont agressés de toutes parts, il est clair que les problèmes des Français ne peuvent être résolus sans prendre un peu de hauteur. Qui de mieux placé qu’un député européen, patriote et très au fait du droit international comme Bruno Gollnisch, peut nous éclairer sur les problèmes réels et les solutions possibles ?Le titre de sa conférence « Occident, Orient – Craintes, espoirs », nous laisse entrevoir la position de la France dans le chaos mondialisé. En plus du constat que chacun peut faire pour son cas personnel, la structuration des difficultés que doit affronter notre pays sera présentée avant quelques solutions réalistes pour nous donner espoir et organiser la lutte.
Vous êtes chaleureusement invités à cette soirée privée, formule consacrée et qui sera rigoureusement respectée à cause de l’état d’urgence que connaît notre pays, à Reims en un lieu qui ne sera connu que des invités.
Réservation obligatoire :
en remplissant le formulaire d’inscription
OU
par mail en indiquant le nom et le prénom de chaque inscrit : ER51.conf@gmail.com
Pièce d’identité obligatoire et correspondante au nom d’une inscription.
L’entrée sera refusée si nous ne pouvons vérifier l’identité.Le lieu de conférence sera communiqué à l’adresse mail utilisée pour votre inscription, 48h avant la conférence.
Entrée : 7 euros, à payer sur place.
Ouverture des portes à 18h30. Conférence de 18h45 à 21h.
Étant donné l’heure tardive de la conférence, une buvette/sandwicherie sera présente sur place. Prix d’un sandwich : 3€.
Présentation de livres Kontre Kulture sur place.
La bande-annonce de l’événement :
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JT du Mardi 12 Janvier 2016 - Service civique : l’extension inutile
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COP 21 : un succès qui nous coûtera cher
La COP21 s’achève à Paris avec l’adoption d’un accord présenté comme une victoire majeure dans la lutte contre le « réchauffement climatique ». Une réussite française attribuée à François Hollande, Laurent Fabius et Ségolène Royal…
Commençons par le commencement. Y a-t-il un changement climatique, et l'homme en est-il responsable ? À la première question, il faut évidemment répondre par l'affirmative, étant donné que le temps à toujours connu des fluctuations. Il y eu une période particulièrement chaude aux temps médiévaux, où la vigne était répandue en Grande-Bretagne... Il y a une quarantaine d'années, des scientifiques prédisaient une catastrophique chute des températures sur un ton aussi alarmiste que les annonces actuelles du réchauffement « anthropogénique ». La réalité, c'est que depuis 18 ans et 9 mois exactement, alors même que les émissions de C02 continuent de progresser sur le plan global, la température mondiale stagne.
Gaz indispensable à la vie, le C02 est un fertilisant des végétaux, et il compose notamment l'air que l'homme expire. Ce n'est pas un poison ; il représente une fraction de « l’effet de serre » principalement causé par la vapeur d'eau. Le C02 d'origine humaine représente quelque 3,5 % de la totalité du C02 naturellement émis dans l'atmosphère et moins de 1 % des gaz à effet de serre - nécessaires à la vie de l'homme sur terre ! La quantité de dioxyde de carbone mesurée à la dernière grande ère glacière était largement plus importante que celle relevée aujourd'hui...
Tourner le dos à 86 % de l'énergie actuellement utilisée
Mais parce qu'un groupe d'études sous l'égide de l'ONU - le GIEC - a décidé que l'homme faisait chauffer la terre avec « l’énergie fossile », près de 200 pays ont dit l'urgence d'opérer une véritable révolution. Aujourd'hui plus de 86 % de l'énergie qui permet à l'homme de faire tourner l'économie - c'est-à-dire de se nourrir, de se vêtir, de construire son habitat, de se chauffer ou de se rafraîchir - provient des dites énergies fossiles, abondantes, fiables et bon marché. Il s'agit de la remplacer par des énergies « renouvelables » : chères, incertaines lorsqu'il s'agit de profiter de l'ensoleillement ou du vent, destructrices des paysages comme les éoliennes, et nécessairement accompagnées de solutions de rechange telles des usines à charbon...
Les négociateurs de Paris se sont donc mis d'accord pour lutter contre un fléau dont on n'est pas sûr qu'il existe, par des moyens dont nul ne sait s'ils vont réellement jouer un rôle sur la température du globe.
Ce que l'on sait, en revanche, c'est que cette « grande peur des années 2000 » permet des décisions internationales très politiques et aux conséquences considérables pour les pays développés. Ces derniers se sont engagés à réduire progressivement leurs émissions de C02 en vue de maintenir la croissance de la température de la terre bien en deçà des 2°C par rapport à l'ère préindustrielle, sur la foi de calculs scientifiques appuyés sur des modélisations informatiques que la réalité ne vient pas actuellement vérifier.
100 milliards par an pour les pays en développement
Les « pays en développement », eux, « devraient » concourir à la baisse des émissions, mais avec davantage de latitude eu égard à leur industrialisation insuffisante. Ils recevront en outre à partir de 2020 une somme de 100 milliards de dollars annuels, et davantage si les objectifs sont révisés à la hausse, pour faire leur transition énergétique.
Ou pour dire les choses plus exactement : les contribuables des pays riches, de plus en plus matraqués par le coût exorbitant des « renouvelables », en situation de concurrence encore plus défavorisée par rapport aux pays émergents aux bas salaires et aux systèmes de sécurité sociale hypothétiques, vont devoir payer. Qui exactement ? L'accord ne le dit pas. C'est une somme globale dont la répartition sera suivie comme le lait sur le feu par une multitude de mécanismes, d'organismes et d'autres « champions » travaillant sous l'égide de l'ONU. Y gagneront, naturellement, les fabricants de "renouvelables".
Notez que la Chine et la Russie sont des pays en développement au sens du FMI. Elles ont toutes deux participé aux négociations et imposé leur point de vue, la première en annonçant qu'elle continuera d'émettre davantage de C02 en construisant de nouvelles usines à charbon, la seconde en annonçant une baisse de ses émissions... directement liée à sa désindustrialisation post-communiste. Toutes deux ont évidemment intérêt à voir les pays développés pieds et poings liés. Au fait, la Chine émet près de 30 % du C02 mondial par an, deux fois plus que les États-Unis.
L'accord de la COP21, un leurre ? Sur le plan de la protection de la nature, certainement. Sa réussite est ailleurs, elle est politique et idéologique : dans sa promesse aujourd'hui partagée d'abandonner le « modèle de développement économique » que le monde a connu depuis la révolution industrielle - avec ses côtés négatifs, mais aussi l'amélioration de la santé, de la longévité, du niveau de vie. C'est Christiana Figueres, principale organisatrice de la Conférence des parties, qui l’a dit...
Jeanne Smits monde&vie 14 décembre 2015
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POLITIQUE ET ÉCO N°73 - YVAN BLOT : LA RUSSIE DE POUTINE
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Guerre civile en Turquie: vers une libanisation ? (Corneille et Sirapian)
Jean-Maxime Corneille reçoit aujourd’hui Jean Sirapian, éditeur et directeur de la revueEurope Orient, au sujet la situation très inquiétante en Turquie: les conflits en Irak et Syrie font tache d’huile vers la Turquie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan. La Turquie risque-t-elle d’être dépecée comme on prévoit de le faire avec l’Irak et la Syrie ?
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Béatrice Bourges à Saint Petersbourg
Béatrice Bourges au Forum féminin eurasiatique le 24 septembre 2015 à Saint Petersbourg.
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Syrie, Les Russes ont déployé des missiles BUK, panique dans la coalition !
Tout le monde a encore à l’esprit, la lâche agression de la Turquie, détruisant un Sukhoï SU-24. Aucune justification ne pouvait être acceptée, puisque l’attitude turque aurait dû être neutre.
Aujourd’hui, nous savons que c’est de rage que les Turcs ont abattu cet appareil, parce que les Russes avaient découvert le trafic de pétrole entre daesh et la Turquie.
Vladimir Poutine avait été d’un sang-froid admirable. Mais, il avait déclaré que la Turquie paierait cher cette traîtrise.
Il avait donné ordre à son armée d’abattre tout avion turc avion ou tout charroi turc entrant ou sortant de Syrie.C’est ce qui passé avec des milliers de camions-citernes qui ont déjà été pulvérisés. Les images de convois en feu, ont abondamment circulé.
Afin de ne pas rater les avions turcs, la Russie a achevé de déployer en Syrie, ses redoutables missiles sol-air BUK. Cette famille de missile à longue portée est muni d’un système radar d’acquisition de la cible qui est d’une très grande fiabilité. Certains ont une portée de 30 km à mach 3.
Du coup, c’est la panique parmi l’aviation de la coalition. Ne cherchez pas cette information, dans les médias main Stream. La censure ne permet pas la diffusion de ce genre de renseignement. Vous citoyens, vous n’avez pas le droit de savoir, cela fausserait la propagande que l’on vous assène.
Désormais, l’aviation britannique ose à peine s’aventurer au-dessus de la Syrie. L’engagement des Britanniques se résume jusqu’à présent à trois missions. Des Tornados ont au total, lâché 19 bombes sur le champ pétrolifère d’Omar, entre la date de permission d’attaque, donnée par le parlement britannique et le 16 décembre 2015.