Non seulement la réforme des indemnités chômage est bien prévue par le gouvernement, mais celui-ci a déjà chiffré le montant d’économies à venir ! Finalement, il ne reste qu’une inconnue : quand ?
Il nous en réserve des surprises notre Premier ministre. Comme celle d’aller à Londres le 6 octobre pour évoquer une modification des règles d’indemnisation du chômage : « Nous, en France, avons fait le choix d’un chômage très important et très bien indemnisé. C’est dans le dialogue avec ceux qui recherchent un emploi que l’on peut améliorer la situation. Cela s’appelle réformer le marché du travail. » Comme si le climat anglais était plus propice à ce genre de réflexion que celui de Paris, Manuel Valls a ensuite insisté lors d’un déjeuner « off » avec nos confrères de la presse britannique. Oui, leur a-t-il dit, la question mérite d’être « reposée ».
Le lendemain, les ministres semblaient un peu perplexes. A l’image de Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à la simplification, très hollandais, venu « spontanément » expliquer aux journalistes présents à l’Assemblée nationale que « jamais, jamais, ce débat n’avait eu lieu de manière collective dans le gouvernement, ni lors d’un conseil des ministres, ni lors des réunions des ministres le jeudi à Matignon ». Jean-Christophe Cambadélis déclare, lui, que « ce n’est ni à l’ordre du jour du gouvernement, ni à celui de l’Assemblée, ni dans la réflexion du ministre concerné ». Mais le plus vallsien de ses collègues, Jean-Marie Le Guen, embrayait au quart de tour pour se mettre dans la roue de son patron et approuver l’ouverture du chantier car, selon lui, « par certains aspects », le système actuel serait un frein à la reprise du travail : « On le sait, des gens qui ont un certain niveau de rémunération de substitution pour lequel ils peuvent se dire légitimement : “Dans le système actuel, je peux attendre six mois, un an, avant de rechercher un travail” ».
En fait, la réforme de l’assurance-chômage est tellement prévue par le gouvernement que ses effets sur les comptes publics en 2017 sont déjà déjà comptabilisés ! Le document de présentation du projet loi de finances 2015, dont l’examen vient juste de commencer à l’Assemblée, décrit « les efforts nécessaires au redressement de la situation financière des régimes paritaires » : « Les économies réalisées par l’Unedic dans la convention de 2014 seront complétés à partir de 2016 pour atteindre un effort total de 2 milliards d’euros. »
Compte tenu du fait que la précédente convention a réalisé un effort de 450 millions d’euros par an, en moyenne sur trois ans, voici qui donne un ordre de grandeur de l’effort qui sera demandé aux chômeurs, sauf à espérer qu’une décrue brutale du nombre de demandeurs d’emplois permette à l’Unedic de faire des économies…Un tour devis supplémentaire pour les chômeurs est donc bel et bien dans les tuyaux. Pour 2016 et après, dit le texte. Un tempo en phase avec le calendrier social : les partenaires sociaux venant en effet tout juste de conclure une convention valable deux ans, pas besoin de s’affoler avant le début de 2016.
Mais c’est là qu’intervient à nouveau Jean-Marie Le Guen, ministre des Relations avec le Parlement selon qui « ça sera dans le débat, y compris dans le débat social dans les mois qui viennent, puisqu'il y aura une renégociation dans les mois qui viennent de l'assurance-chômage. » Message reçu cinq sur cinq au Medef où l’on indique être prêt « à sauter à pieds joints sur toute occasion » de reprendre le chantier de l’assurance-chômage jugée dans ses rangs « imparfaite ». Pour le patronat, toute modification de l’indemnisation (conditions, durée…) constituerait évidemment un levier essentiel pour parvenir à la « réforme du marché du travail » dont il rêve depuis toujours…
En fait, la renégociation en question, a précisé Manuel Valls devant l’Assemblée nationale, concerne la convention tripartie Etat-Pôle emploi-Unedic, qui fixe les moyens et les objectifs des trois acteurs dans l’accompagnement des chômeurs, mais pas leurs indemnités. Ce sera néanmoins « l’occasion d’avancer » sur « les devoirs des chômeurs associés à leurs droits, l’accompagnement de Pôle emploi, l’incitation à la reprise la plus rapide possible d’un emploi » explique Manuel Valls. Conclusion : cela va se faire, mais lentement...
Hervé Nathan
source : marianne.net