Depuis l’attentat contre Charlie Hebdo, on ne cesse de nous le répéter : la France est en guerre. Après le carnage de Nice, c’est même un leitmotiv commun aux trois grandes formations politiques du pays. Eh bien, oui, n’en déplaise à tous ceux qui refusent de l’admettre pour ne pas avoir à en tirer les conséquences qui s’imposent – repenser l’immigration -, la France est en guerre. Une situation totalement inimaginable il y a dix ans, qui mérite au minimum qu’on s’interroge. Comment en sommes-nous arrivés là ?
On ne prend conscience de la guerre que lorsqu’elle frappe à notre porte, mais la vérité, c’est que la France n’est pas en guerre depuis le 7 janvier 2015, mais depuis le 19 mars 2011, depuis l’intervention en Libye, une intervention qui, du point de vue de l’adversaire (et aussi de beaucoup d’observateurs neutres), a été perçue comme une agression unilatérale et illégitime.
Cette intervention il faut le souligner, fut le fait de Nicolas Sarkozy et de personne d’autre. Preuve que cette guerre, il la voulait à tout prix, bien qu’il ne fût pas suivi au sommet de Bruxelles du 11 mars 2011 sur une demande d’instauration d’une zone d’exclusion aérienne, et bien qu’il se retrouvât isolé lors du sommet du G8 à Paris, il ne se découragea pas. C’est au Conseil de sécurité, suite au forcing du Qatar et de l’Arabie saoudite, que notre Président emportera l’adhésion de ses alliés, usant d’un stratagème déjà testé dans cette même enceinte en 2003 : la menace d’un génocide sur la ville de Benghazi, une fable inventée de toutes pièces par les insurgés et colportée complaisamment par l’inénarrable Bernard-Henri Lévy. Nicolas Sarkozy voulait singer son mentor George W. Bush et la Libye lui en fournissait le prétexte ; tout le reste n’est que littérature.
Exit Sarkozy, voilà que l’insignifiant François Hollande, afin de se donner un semblant de stature de chef d’État (il était tombé à 36 % d’opinions favorables six mois à peine après son élection, record absolu), se crut obligé de faire dans la surenchère. Encouragé par un ministre des Affaires étrangères irresponsable et irréfléchi (« Al-Nosra fait du bon boulot »), celui que les Français allaient vite caricaturer comme l’homme au pédalo se prit de donner à la France, et devant les caméras du monde entier, des allures de grand propagateur des valeurs « démocratiques », pour comble au moment précis où les USA, forts des leçons du bourbier irakien, semblaient y renoncer.
En 2003, la France s’était courageusement opposée à l’intervention en Irak. Depuis, comme pour faire amende honorable, elle a pris la tête du camp des jusqu’au-boutistes, sans en avoir ni les moyens ni la crédibilité. Pour Daech et les autres composantes du djihadisme, elle est perçue comme un adversaire particulièrement vulnérable, le maillon faible de la coalition. Et pour cause : l’accès par voie terrestre y est aisé, le gouvernement central y est faible, une cinquième colonne est déjà en place et, surtout, son armée est incapable de soutenir à la fois des opérations extérieures et la défense du territoire.
Frapper la France au cœur jusqu’à ce que son gouvernement soit contraint de rapatrier toutes les forces engagées en Afrique et au Proche-Orient est une stratégie tellement évidente qu’un novice en l’art de la guerre ne pourrait la manquer. Tant que nous n’aurons pas un chef d’État capable d’admettre à la fois que l’armée française n’a strictement rien à faire hors des frontières de l’Europe et que, de toute façon, elle n’a aucune leçon de démocratie à donner à qui que ce soit, le sang de nos concitoyens coulera.
Christophe Servan
Boulevard Voltaire
France et politique française - Page 3121
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La France est en guerre ? Elle l’a cherché
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Gabriele Adinolfi sera présent à la Xe Journée de Synthèse nationale, dimanche 2 octobre à Rungis (94)
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Marsault et la purification éthique
Facebook vient de supprimer la page du dessinateur Marsault. Pourquoi ? Parce que les dessins de ce nouveau Gotlib n’ont pas l’heur de plaire à tout le monde. « Misogyne », « raciste », « homophobe », « fasciste » : l’artiste a été qualifié, en moins de vingt-quatre heures, de tous les noms.Les « antiracistes » d’opérette sont de sortieIl s’est même trouvé, sur le web, des « antiracistes » d’opérette(1) pour se livrer à de scandaleuses affabulations : ainsi prétendent-ils que le dessinateur serait un proche d’Alain Soral et qu’il s’apprête à publier son premier album chez Ring, jeune maison d’édition « qui accueille Laurent Obertone, auteur d’une ode à Breivik […] et les délires racistes de Renaud Camus ».C’est Laurent Obertone qui va être content qu’on le confonde avec Richard Millet, auteur d’un Éloge littéraire d’Anders Breivik, et c’est Renaud Camus qui va se réjouir d’avoir trouvé un nouvel éditeur… Obertone a écrit Utøya, qui est tout sauf une ode au terroriste norvégien. Quant à Renaud Camus, il est toujours publié « chez l’auteur ».Un seul s’attristera vraiment de toute cette affaire, c’est le directeur littéraire des éditions Ring : Raphaël Sorin. Son nom compte dans l’édition française et en faire le parrain d’une maison « d’extrême droite » n’est pas seulement une insulte. C’est d’un ridicule achevé pour qui connaît sa nature, son tempérament et ses engagements(2).Certes, la « fascisation » de l’adversaire est une technique éprouvée par une certaine gauche(3). Mais calomnier pour calomnier, mentir pour mentir, pourquoi nos antiracistes d’opérette n’ont-ils pas eu l’audace de pousser le bouchon un peu plus loin encore ? Il ne fallait pas se gêner ! Pourquoi n’ont-ils pas fait du dessinateur Marsault, ce grand garçon tatoué de près, la fille cachée d’Adolf Hitler, née dans un Bunker en 1945, exfiltrée par le Vatican en Amérique du Sud et revenue récemment en Europe dans les cales d’un cargo de contrebande pour porter un coup fatal aux plus démocratiques de nos valeurs ? Pourquoi reprocher à Marsault d’être seulement fasciste, alors qu’il était si simple d’en faire un nazi ?Marsault et les ligues d’indignésBien décidés à en découdre avec Marsault, nos meilleurs antiracistes, nos plus beaux antifascistes et nos féministes les plus zélés ont lancé auprès de Facebook une campagne de « signalements ». On n’arrête pas le progrès : même plus besoin de retrouver le numéro exact de la rue Lauriston, ni d’affranchir sa lettre au tarif en vigueur en 1942. Un clic désormais suffit. Cela a marché : la page de Marsault a été rapidement supprimée du célèbre réseau social.C’est la nouvelle règle : quand on n’est pas d’accord avec quelqu’un, on ne cherche pas à débattre, à s’opposer à lui, voire à l’ignorer. On exige sa pure et simple suppression. On lui dénie le droit d’exister et de mener sa vie propre. Ce n’est ici rien d’autre que la jurisprudence Kouachi appliquée, dans la joie et la bonne humeur, aux réseaux sociaux. On a les armes automatiques qu’on peut.Il faut, quand même, être sacrement dérangé pour vouloir priver un dessinateur d’un de ses moyens d’expression, quand on peut simplement l’ignorer. Je ne goûte pas, par exemple, les dessins de Jean Plantu. Mais cela ne me traverserait pas un instant l’esprit de réclamer à Facebook son bannissement. Je me contente, tout bonnement, de ne pas suivre ses publications – et je ne m’en porte pas plus mal.Dans une société où les idées et les opinions sont réputées être libres, l’indifférence est la plus grande sagesse qui soit. C’est même une planche de salut, si l’on ne veut pas perdre la raison et épuiser ses nerfs face aux stupidités qu’un cerveau humain est capable de produire en une seule journée. Imaginez un monde où il faudrait s’indigner, tour à tour, du prêche farfelu d’un imam, des arrière-pensées d’un cardinal, des déclarations stupéfiantes d’un ministre ou des dessins d’un artiste ? Ce ne serait pas un monde vivable. C’est l’indifférence – c’est-à-dire la capacité à se moquer des opinions des autres comme de colin-tampon – qui rend la vie possible.Or, les réseaux sociaux ne fonctionnent justement pas à l’indifférence. C’est l’indignation qui souvent les alimente, dans un mouvement perpétuel, quasi-brownien. L’important est de trouver chaque matin un sujet pour s’indigner. Il faut nourrir la bête. Seulement, on n’a jamais rien fait dans le monde en s’indignant : ni une œuvre d’art, ni un empire, ni une civilisation. L’indignation n’a jamais servi, dans l’histoire, qu’à une seule chose : fournir une raison sociale aux ligues de vertu.Comment voulez-vous qu’une ligue de vertu comprenne quelque chose à un dessin ? Une ligue de vertu, Monsieur, ça ne dessine pas. Ça s’indigne. C’est son métier.Marsault : le nouveau GotlibPrenons un dessin de Marsault. C’est le nouveau Gotlib. Son encrage, qui atteint une forme de perfection, le rapproche du grand maître. Comme Gotlib, c’est un autodidacte. L’un et l’autre ne sont pas nés avec une cuiller en argent dans la bouche. L’un et l’autre savent ce que gagner son pain à la sueur de son front signifie. Ils savent aussi qu’ils sont, même s’ils s’en défendent, des enfants de la « Ligne claire », c’est-à-dire d’un style graphique limité à sa plus simple expression. Mais un style qu’ils ont singulièrement renforcé par un concours accentué de noir. L’encrage n’est pas chez un dessinateur un simple accessoire. L’encrage est le dessinateur.Sur sa page Facebook, Marsault publiait régulièrement des dessins où le protagoniste principal, Eugène, se montrait toujours d’une violence extrême avec quiconque. C’est devenu un gimmick connu de tous les amateurs de Marsault : un type tient un propos convenu, Eugène arrive en char d’assaut et le détruit. Ce n’est pas toujours drôle, mais ça l’est très souvent.Dans le dessin que nous publions ci-contre (cliquer sur l’image pour l’agrandir), un protagoniste lambda déclare, bave aux lèvres : « Les filles qui s’habillent de manière provocante, c’est quand même un peu normal qu’elles se fassent violer… Hhhrrr salopes. » Nous avons droit dans la case suivante à un gros « Breum ». Puis, sur deux cases, à la conclusion d’Eugène : « Les connards dans ton genre, c’est un peu normal qu’ils se fassent éclater. » Ce dessin est évidemment violent. Mais la violence n’est pas là où on le croit. Elle ne se situe pas dans le tir d’artillerie d’Eugène, mais bien dans les propos de celui qu’il vient de disperser façon puzzle. Le « Breum » marsaultien est un contrepoint cathartique, qui montre crûment la véritable violence qui opère dans la banalité des propos ordinaires. Si l’on n’a pas compris que la justification du viol par « l’impudeur vestimentaire » de la victime est la forme la plus veule, la plus lâche, la plus dégueulasse de violence, c’est qu’on n’a rien compris à rien. Si l’on n’a pas compris qu’un dessin reste un dessin et que l’image n’est jamais la réalité, c’est qu’on a touché le fond et qu’on est définitivement un imbécile.Surveiller et punirLa génération d’hier – celle qui a cru faire la « révolution », alors qu’elle ne faisait que se rouler des patins et des joints – voulait qu’il fût « interdit d’interdire ». Le shit devait être frelaté, car elle a accouché d’enfants maléfiques – moitié Chucky, moitié O’Brien – et ces semi-monstres n’ont plus qu’un mot d’ordre à la bouche : « Il faut interdire ! Tout interdire. » Ils veulent surveiller et punir, contrôler et sévir, juger et censurer.Leur vie est simple. Anastasie avait besoin de ciseaux pour caviarder la presse. Napoléon III avait besoin de Pinard(4) pour proscrire Les Fleurs du Mal et Madame Bovary. McCarthy avait besoin de l’appareil d’État américain pour traquer communistes et homosexuels. Un clic désormais suffit à nos vertueux censeurs pour exercer leur molle dictature sur le monde et se livrer, impunis, à leur jeu favori : la purification éthique. -
Rire ou sourire un peu ... même s'il n'y a vraiment pas de quoi
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Emmanuelle Cosse veut que les Français hébergent chez eux les immigrés ! Et elle, elle en a pris combien ?
C’est la dernière folie du gouvernement : Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l’Habitat durable, demande aux Français de participer à « l’hébergement citoyen » des nouveaux immigrés.
L’État, dans sa grande générosité, soutiendra financièrement (jusqu’à 1 500 euros par personne et par an) les associations qui organiseront un accompagnement individuel des « réfugiés » chez des particuliers qui les hébergeront.
Le communiqué ministériel stipule :
« Cet appel à projets concerne des personnes majeures, volontaires, ayant obtenu le statut de réfugié. Elles seront logées à titre gratuit, sur tout le territoire national et dans des logements comportant au moins une chambre privative. Une convention devra être signée entre le réfugié, le ménage d’accueil et l’association qui les accompagne. Les futurs hôtes s’engagent pour une durée minimum de trois mois et jusqu’à un an. »
« De leur côté, les associations sélectionnées vont identifier les réfugiés susceptibles de participer à ce dispositif, recenser les propositions d’accueil, procéder à la mise en relation et assurer le suivi social des personnes hébergées. Pour que ce dispositif soit une pleine réussite, les associations seront particulièrement vigilantes sur les conditions matérielles de l’hébergement. Elles auront également la charge de bien informer les hôtes et les réfugiés ainsi que de préparer la rencontre (sensibilisation à la médiation interculturelle, échanges…) »
Les associations devront s’engager à accompagner au moins 50 réfugiés.
« L’hébergement chez les particuliers est une opportunité pour les réfugiés qui ne peuvent ou ne souhaitent pas tout de suite avoir accès à un logement pérenne. (…) Cette expérience et ce temps d’échange particulier sont riches dans la démarche d’intégration des réfugiés », ajoute encore le ministère.
Le communiqué ministériel ne donne par contre aucune indication de l’application par les membres du gouvernement de cette nouvelle idée. Combien d’immigrés vont-ils être logés à l’Elysée ? Et à Matignon ? Combien chez Emmanuelle Cosse ?
Le communiqué ministériel ne dit rien non plus de ce qu’a prévu Emmanuelle Cosse et le gouvernement pour les Français de souche sans logement. La préférence étrangère est bien de mise chez ceux qui nous gouvernent.
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« Le Traité transatlantique et autres menaces », d’Alain de Benoist [rediffusion]
Fiche de lecture de Bernard Mazin, essayiste ♦ « Mais ce qui frappe le plus les observateurs, c’est l’extraordinaire opacité dans laquelle se sont déroulées jusqu’à présent les discussions. Ni l’opinion publique ni ses représentants n’ont eu accès au mandat de négociation. La classe politique, dans son ensemble, s’est réfugiée dans un silence qui laisse pantois.
Les traités confiant à la Commission européenne une compétence exclusive en matière commerciale, le Parlement européen n’a même pas été saisi. […] Les citoyens n’ont en rien été informés, sinon par quelques informations qui ont « fuité » – ce qui n’est pas le cas, en revanche, des « décideurs » appartenant aux grands groupes privés, aux multinationales et aux divers groupes de pression, qui sont au contraire régulièrement associés aux discussions. » (Alain de Benoist – extrait du livre)
Le Traité transatlantique et autres menaces. P.G. de Roux éditeur
« On n’en parle guère, alors que l’on est en présence d’un des plus grands événements de ce début du XXIe siècle, et d’une des plus grandes menaces. De quoi s’agit-il ? D’un projet de « grand marché transatlantique », et même du plus important accord commercial bilatéral jamais réalisé, puisqu’il s’agit de mettre en place, en procédant à une déréglementation généralisée, […] la plus grande zone de libre-échange du monde grâce à l’union économique et commerciale de l’Europe et des États-Unis ». Ainsi commence le dernier ouvrage d’Alain de Benoist, Le Traité transatlantique et autres menaces.
Alain de Benoist nous a habitués à apparaître souvent là où on ne l’attend pas. Mais il ne prétend pas jouer pour autant les experts en économie. Son propos est dans le prolongement direct des réflexions qu’il mène, avec d’autres auteurs de plus en plus nombreux, sur la dérive du libéralisme depuis les années 1970, d’Hervé Juvin à Jean-Claude Michéa et de Wolfgang Streeck à Yves-Marie Laulan. On trouvera dans les notes qui suivant chacun des chapitres de nombreuses autres références en la matière.
Le « TAFTA », illustration de la diplomatie secrète
Du Traité transatlantique – TAFTA : Transatlantic Free Trade Agreement – il sera en fait assez peu question, car « beaucoup n’hésitent pas à parler de “négociations commerciales secrètes” pour qualifier ces tractations qui se déroulent à huis clos ».
C’est dire que l’information disponible est en quantité limitée. Pas au point cependant de ne pas être en mesure d’apprécier la dangerosité du projet : intégration au sein d’une véritable « OTAN économique » sous tutelle américaine. « Il s’agit bien, pour les Etats-Unis, de tenter de maintenir leur hégémonie mondiale en enlevant aux autres nations la maîtrise de leurs échanges commerciaux au bénéfice de multinationales largement contrôlées par leurs élites financières. » (p. 21) ; mise en place à terme d’une « nouvelle gouvernance » commune aux deux continents ; alignement sur les normes les plus « libérales », en pratique les plus « dérégulatrices », en l’occurrence celles des États-Unis ; etc. Dans ce système, des entreprises multinationales seraient en mesure de porter plainte contre des Etats pour entrave à la libéralisation des marchés!
Le Traité transatlantique est un avatar paroxystique d’un mouvement plus général qui a commencé à la fin des Trente Glorieuses, et qui a pris une intensité particulière depuis la crise des « subprimes » de 2008 et les convulsions à répétition qui l’ont suivie. C’est aux différents volets de cette évolution, ces « autres menaces », que notre auteur consacre les autres chapitres de son ouvrage, avec sa lucidité habituelle et son habileté à déceler les convergences et les « transversalités » entre phénomènes à première vue hétérogènes.
Il revisite ainsi le piège du « mécanisme européen de stabilité », la mondialisation, l’idéologie de la « gouvernance planétaire », et la question des institutions européennes. Sur chacun de ces volets, un constat s’impose : tous les mécanismes à l’œuvre concourent à l’éviction de la démocratie et à la confiscation du pouvoir de décision politique par une oligarchie économique et financière dépourvue de légitimité, une technocratie d’experts autoproclamés. Cette endogamie de l’hyperclasse est désormais bien connue, mais on n’insistera jamais assez sur le fait qu’il s’agit là de la plus grave menace civilisationnelle à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés.
Parmi les points évoqués par l’auteur, je m’arrêterai un instant sur deux sujets qui font l’objet de considérations particulièrement intéressantes, car au-delà d’un état des lieux qui fera l’unanimité auprès des lecteurs qui refusent la pensée dominante, elles ouvrent la voie, même parmi ceux-ci, à la disputatio.
Faut-il tuer l’Etat-providence ?
Le premier sujet est abordé dans le chapitre consacré à la gouvernance. Il s’agit de la question de ce que devient le rôle de l’Etat dans le monde globalisé. Pour Alain de Benoist,
« L’Etat-providence est aujourd’hui ravalé au rôle d’acteur engagé dans des problèmes dont il n’est plus la source, ce qui signifie qu’il n’est plus l’auteur d’une quelconque norme susceptible de fonder son autorité. L’action de l’Etat est purement et simplement assujettie à la demande sociale [ndlr : à savoir l’assistanat généralisé découlant notamment du « traitement social » du chômage et de l’immigration résultant de la mondialisation] au moment même où il n’est plus producteur de socialité. […] En même temps qu’il décline dans ses fonctions politiques classiques « régaliennes », l’Etat se renforce par sa capacité de surveillance et de contrôle social généralisé. […] Il se fait à la fois veilleur dans le domaine économique et gendarme dans l’ordre social […] Il devient un « Etat thérapeutique », « qui cherche à soumettre les faits sociaux à une surveillance organisée de l’intimité par le biais de tout un appareil d’experts, de conseillers, de psychologues et de médecins, grâce auxquels l’autorité patriarcale discréditée est remplacée par une autorité sociale d’apparence non coercitive, mais plus manipulatrice encore, car en plaçant la société tout entière au régime des soins intensifs, elle la soumet du même coup au pouvoir du Bien […] C’est le régime de la servitude volontaire ».
Celui du Brave New World d’Aldous Huxley, celui où Winston attendra la mort en aimant Big Brother dans le 1984 de George Orwell.
Dans son ouvrage de 2013 consacré au nouvel ordre moral et à l’idéologie du genre, Alain de Benoist nous a mis en garde contre les « Démons du Bien », et pour ma part, je souscris très largement à sa pénétrante analyse sur ce sujet. Ses propos sur l’Etat bousculent un peu plus nos idées reçues, car il est de bon ton dans notre mouvance de pensée de vouer aux gémonies l’Etat-providence. L’auteur adopte une position nuancée, en montrant que le rôle « social » de l’Etat, et donc dans une certaine mesure la notion d’Etat-providence, sont légitimes et pertinents tant qu’il s’agit de contribuer à la « cohésion sociale » entendue comme la préservation d’un lien communautaire et identitaire, et non pas, comme c’est le cas dans la novlangue actuelle, comme l’aide à toutes les populations marginales et de préférence non autochtones.
Il ne faut jamais perdre de vue que ce sont la mondialisation et la libéralisation économique déchaînée qui sont la cause de l’hypertrophie et du « déviationnisme » de l’Etat-providence. Il ne faut donc pas se tromper de cible : si l’on veut soigner les effets, il faut d’abord s’attaquer aux causes. A titre d’exemple, ne faut-il pas s’interroger sur l’appétence que nous avons souvent pour plus de « flexibilité », pour une remise en cause du Code du travail et pour une déréglementation du marché de l’emploi ? Cette position, marquée par l’époque du débat entre « libéralisme » et « collectivisme », et par la méfiance envers des syndicats encore puissants et très politisés, ne fait-elle pas le jeu des partisans du « tout-marché », que nous pouvons considérer désormais comme un ennemi de premier rang ? Alain de Benoist ne cherche pas à nous imposer un point de vue, mais pose les données du débat et nous interpelle : à nous de faire notre « auto-maïeutique ».
L’Europe des patries a-t-elle un avenir ?
Le second sujet important sur lequel nous sommes invités à réfléchir est celui de l’avenir de l’Europe. Là encore, nous ne pouvons qu’être d’accord sur le constat, qui rejoint celui de nombreux autres penseurs : les institutions de l’Union européenne ne marchent pas, en particulier parce que l’Union européenne repose sur une reductio ad economicum, parce que cette prédominance de la vision marchande conduit à une extension indéfinie du nombre des membres, et parce que l’édifice se caractérise par une éviction de la démocratie à tous les niveaux, ce qui le rend fondamentalement illégitime.
La réflexion se fait plus corrosive lorsqu’il s’agit d’esquisser les moyens de sortir de l’impasse. On ne discutera pas les différentes hypothèses envisagées, qui vont de l’Europe à plusieurs vitesses à l’idée d’un empire européen de type carolingien. Chacune d’entre elles comporte sa part de pertinence, mais Alain de Benoist est le premier à reconnaître qu’elles ont peu de chances de voir le jour dans le contexte présent.
Un point cependant pourra heurter les lecteurs abreuvés à la source du souverainisme : pour l’auteur, compte tenu de l’état d’avancement, d’une part, des transferts de souveraineté des Etats-nations vers les centres de décision européens, d’autre part, de la mondialisation, il est vain de rechercher l’avenir de l’Europe dans un retour à une « Europe des nations » ou une « Europe des patries ». Il remarque au passage que l’attachement à l’Etat-nation est inscrit dans les gènes des Français du fait de l’historicité de cette forme de gouvernement dans notre pays, mais que c’est beaucoup moins vrai chez bien d’autres membres de l’Union européenne.
Cette critique des positions des mouvements souverainistes fera grincer des dents, mais force est de constater qu’elle fait mouche, car elle est étayée par des arguments de bon sens. Au demeurant, elle ne consiste pas à dire que les Etats-nations doivent disparaître. Elle préconise l’abandon de la verticalité technocratique et uniformisante des institutions actuelles, au profit d’une Europe à géométrie variable, ou à plusieurs cercles, qui préserverait l’identité culturelle des nations et des régions. En définitive, le souci d’Alain de Benoist, à l’instar d’auteurs comme Gérard Dussouy, est de se donner les moyens d’ériger l’Europe au rang de grande puissance politique, alors qu’elle n’est aujourd’hui qu’une puissance économique vassale des Etats-Unis.
L’ouvrage d’Alain de Benoist ouvre donc le débat sur des sujets d’une importance capitale pour notre avenir. En guise de postface figure le texte d’une conférence prononcée en 2002 sur « la rébellion », qui n’a pas pris une ride. L’auteur y expose les ravages de « l’idéologie de la Mêmeté », dont la mondialisation est une parfaite illustration, et qui n’a fait que s’amplifier depuis plus de dix ans. Face à cette offensive de la pensée unique, il préconise de garder le « cœur rebelle », « cette pensée qui observe et dessine des clivages inédits, esquisse une topographie nouvelle, préfigure un autre monde. »
C’est dans cet esprit qu’il a analysé le Traité transtlantique et les autres menaces. C’est dans le même esprit et sans a priori que le lecteur doit aborder le livre, et il en tirera de grandes satisfactions.
Bernard Mazin, 11/02/2015
Alain de Benoist, Le Traité transatlantique et autres menaces, Ed. Pierre-Guillaume de Roux, janvier 2015, 232 pages.
http://www.polemia.com/le-traite-transatlantique-et-autres-menaces-dalain-de-benoist-rediffusion/
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Robert Ménard ne se laisse pas faire par Le Midi Libre
Le maire de Béziers a lancé une campagne de communication pour réinformer ses administrés :
Robert Ménard a déclaré qu'il considérait «Midi Libre comme un journal d'opposition». Le moment choisi par la ville de Béziers pour diffuser cette publicité n'est pas anodin. Depuis jeudi, Béziers est en fête avec la feria. À Libération, le maire de Béziers confiait récemment à propos de Midi Libre :
«Je ne me laisse pas faire. Ils me font la guerre, je leur fais la guerre. Traditionnellement, la ville vend de l'espace publicitaire àMidi Libre lors de la feria, en août. Cette année, pour la première fois, ce sera non.»
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Claude Bartolone a peur des Donald Trump français. Mais où sont-ils ?
Le président de l'Assemblée nationale s'inquiète de la liberté d'expression que retrouve la droite française à l'approche des élections :
"Pour un homme politique de gauche qui a commencé sa carrière sous la droite giscardienne au pouvoir, l’évolution de la droite occidentale laisse songeur. La droite était souvent brutale et appliquait une politique de rigidité sociale, mais elle acceptait le jeu républicain de la représentation parlementaire en jouant le jeu du débat et de l’expression. Quand on lit et écoute les déclarations des candidats à la primaire de droite actuelle en France, on se rend compte que la dérive berlusconienne, triomphante aujourd’hui aux Etats-Unis, n’a pas épargné la France. Certains hommes politiques de droite évoquent explicitement Donald Trump, sinon comme modèle, du moins comme référence. C’est aujourd’hui le visage sans fard d’une droite occidentale contemporaine.
Nos Donald Trump fourbissent leurs armes. Face à eux, la gauche ne peut se permettre d’incarner un système trop timoré, trop prudent, pas assez actif sur le plan social. L’Etat de droit et les principes républicains résisteront en France si la gauche parvient, à long terme, à incarner l’espoir et l’amélioration des conditions de vie. Nous pouvons, nous devons le faire. Le peuple français n’a rien à voir avec les nouvelles vulgarités des nouveaux milliardaires et de leurs amis."
Les nouveaux milliardaires... comme Pierre Bergé ? Cette gauche moraliste n'a aucun complexe dans sa censure. La liberté d'expression, la lepénisation des esprits, la trumpisation de la droite ou encore l'influence de Patrick Buisson dans les discours, c'est une chose, que l'on constate généralement à chaque élection. Avoir ensuite des personnalités de droite qui font ce qu'ils disent en est une autre...
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Abolition de la distinction entre immigration régulière et immigration illégale
Selon Alexis Théas, universitaire et juriste, dans Le Figaro :
"Le 1er août 2016, les ministres de l'Intérieur et du Logement ont publié un communiqué passé totalement inaperçu dans la torpeur de l'été mais d'une importance capitale sur le plan de l'évolution des mentalités et de l'idéologie politique française. Ce texte marque une inflexion profonde de la conception française de l'immigration. Jusqu'alors, celle-ci était fondée sur la distinction entre l'immigration régulière et l'immigration illégale. La première, conforme à la loi, était destinée par exemple à accueillir des travailleurs dont la France peut avoir besoin, à former des étudiants dans l'intérêt de la France ou du pays d'origine, ou bien à assurer le principe d'unité familiale. Elle était évaluée à environ 200 000 personnes par an - ce qui est considérable dans un pays dévasté par le chômage. En revanche, les migrants en situation irrégulière, entrés ou séjournant en infraction avec la loi, devaient impérativement repartir dans leur pays, volontairement ou par la contrainte. Tel était le principe. Cette différence, pour la première fois depuis que l'immigration est devenue un sujet politique au début des années 1980, est désormais officiellement condamnée par l'Etat. Le migrant en situation irrégulière n'a plus vocation à être reconduit dans son pays, mais à être accueilli en France et pris en charge par la puissance publique, au même titre qu'un étranger en situation régulière ou qu'un citoyen français en difficulté.
Communiqué du 1er août 2016:
«Créé le 25 février dernier à l'initiative de Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, et d'Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l'Habitat durable, le comité de suivi du plan de mise à l'abri des migrants sans-abri s'est à nouveau réuni mardi 26 juillet 2016. Présidée par Emmanuelle Cosse, en présence de représentants du Ministère de l'Intérieur, du Ministère de la Famille, de l'Enfance et des Droits des Femmes et de la Préfecture du Pas- de-Calais, cette séance a rassemblé une trentaine d'associations engagées dans l'accompagnement des migrants. Les pouvoirs publics ont tenu à saluer leur travail et leur mobilisation pour faire face à cette crise migratoire sans précédent. A cette occasion, le ministère de l'Intérieur et le ministère du Logement et de l'Habitat durable ont présenté aux associations la Charte de fonctionnement des Centres d'Accueil et d'Orientation (CAO). Répondant à un souhait partagé de l'Etat et des acteurs associatifs, et rédigée au terme de plusieurs semaines de dialogue avec les opérateurs des CAO, cette charte édicte des règles claires de fonctionnement et décrit les principales prestations délivrées aux migrants sans-abri qui y sont accueillis: conditions d'accueil et de localisation, taux d'encadrement, restauration, évaluation - juridique, sociale et médicale - de la situation des personnes accueillies et accompagnement adapté, sécurité, etc. La prise en charge en CAO doit ainsi permettre aux personnes migrantes sans-abri de bénéficier d'un temps de répit et d'engager, si elles le souhaitent, une démarche de demande d'asile. Elle leur permet également d'avoir accès à une offre de soins adaptée et d'être orientées rapidement vers des structures qui correspondent à leur situation (CADA pour les demandeurs d'asile, etc.). Depuis le 27 octobre dernier, 148 Centres d'accueil et d'orientation ont été ouverts sur l'ensemble du territoire national pour un total de près de 2000 places qui ont permis de mettre l'abri plus de 4700 personnes dans des délais très resserrés.»
Ce communiqué enterre donc toute notion d'immigration irrégulière. Il abolit le clivage entre légalité et illégalité en matière d'immigration. Il va dans le sens de la loi du 6 mars 2016, dont les dispositions reviennent à rendre très difficiles l'application des mesures d'éloignement. Il proclame que la France a le devoir d'accueillir et de prendre en charge tout étranger sur son territoire, qu'il soit autorisé à entrer et à séjourner ou qu'il ne le soit pas. De facto, le principe ainsi proclamé abroge l'idée de frontière ou de respect du droit de l'entrée et de séjour. Les associations humanitaires, les idéologues, les partisans de la liberté totale d'immigrer en rêvaient depuis au moins quarante ans. M. Cazeneuve et Mme Cosse l'ont fait. La question est de savoir quel sera l'ampleur de l'appel d'air que cette transformation profonde de tous les fondements de la politique d'immigration française est susceptible provoquer à terme. Le communiqué annonce une France ouverte, qui n'éloigne plus ses migrants illégaux mais au contraire les accueille. Le potentiel d'émigration est infini: des centaines de millions de personnes déshéritées et désœuvrées, dans ce monde en ébullition, ne songent qu'à trouver un point d'accueil. Le gouvernement, par ce communiqué officiel, leur ouvre les portes de la maison. Reste à savoir si la France, qui compte cinq millions de chômeurs, de gigantesques problèmes de logement, des centaines de milliers de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, un millier de cités sensibles dévastées par la violence, l'exclusion, le communautarisme, l'islamisme radical, si cette France a les moyens de ce grand appel généreux. Mais pour M. Cazeneuve et Mme Cosse, c'est une autre affaire. Et ce n'est visiblement pas la leur."
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Calais (encore !) au bord de l’explosion ?
Calais, ça ressemble à une expérience en laboratoire qu’un savant déjanté mènerait à son point culminant.
Calais, Hollande n’y a jamais mis les pieds. Et pour cause : 4.500 migrants dans la jungle, au mois de juin, selon le recensement de l’État. Plus de 9.000, soit une augmentation de 2.000 personnes par mois depuis cette date, selon L’Auberge des migrants et Help Refugees.Des commerces illégaux que la justice refuse de fermer, des immondices amoncelés amenant les rats, des agressions, des vols, la prostitution, des rixes entre ethnies allant jusqu’à la mort, des No Borders qui mettent le bazar : dans la jungle de Calais, c’est l’enfer. Un enfer qui se poursuit au-dehors, sur l’autoroute A16, où des migrants, prêts à tout pour rejoindre l’Angleterre, prennent d’assaut les camions, avec une violence allant crescendo. C’est un enfer, aussi, pour les habitants, tout proches, de plus en plus en colère. Mais ils sont impuissants. Car le démantèlement de la jungle sud n’a strictement rien changé à une situation déjà cauchemardesque. Entre la concentration, augmentée par principe de vase communicant, de la zone nord et les arrivées quotidiennes de migrants venant d’Italie, Calais est de nouveau au bord de l’explosion.
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