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France et politique française - Page 3592

  • Pierre-Antoine Cousteau, fasciste jusqu’à son dernier souffle

    Le livre, Hugothérapie, de Antoine Cousteau, que tout le monde surnommait PAC, vient d'être réédité aux éditions Via Romana. PAC est né le 18 mars 1906, à Saint-André-de-Cubzac et mort d'un cancer le 17 décembre 1958. Il est le frère du célèbre commandant Couteau (qui avait, lui, rejoint Londres) qui témoigna, et c'est tout à son honneur, à son procès et lui évita peut-être que la peine capitale, qui fut prononcée, fût exécutée. Issu de « l'extrême gauche de l'extrême gauche » (c'est lui qui le raconte), le « plus voltairien de nous tous » (dixit Rebatet), évoluera vers le fascisme intégral et collaborera à Je Suis Partout, en compagnie de Brasillach et de Rebatet, avant de prendre la direction du journal. Sa conviction était que l'Allemagne représentait à l'époque, « malgré tous ses crimes, la dernière chance de l'homme blanc ». Doté d'un solide humour et aimant pratiquer le canular, il avait fait croire qu'Edouard Herriot, en visite en URSS dans les années 1930, avait été élevé au grade fantaisiste de « colonel de l'Armée rouge ». Il fit preuve du même humour durant son procès, où il jouait pourtant sa tête. Un des journalistes présents écrira dans le Parisien Libéré « Il parvient à provoquer le rire ce qui, pour un accusé en si fâcheuse posture - et dont l’avenir paraît si singulièrement limité - est une véritable gageure ». Même le futur écrivain communiste Jacques Yonnet exprima son estime pour cet « ultra de la collaboration » et témoigna à décharge, écrivant « C'était un ennemi loyal ». Cousteau rejoignit, à sa libération, en 1953, un an après celle de Rebatet, l'équipe de RIVAROL. Quand il décéda en 1958, Le Monde rendra ainsi compte de sa disparition « Fidèle à son passé, à ses idées et à ses amis, Pierre-Antoine Cousteau n'avait rien perdu de son talent de polémiste. »

    LA PRÉFACE DE JACQUES PERRET

    Mais revenons au livre de PAC, dont le titre complet est Hugothérapie ou comment l’esprit vient aux mal-pensants. Dans une note au lecteur, Jean-Pierre Cousteau, le fils de PAC, cite son père, qui avait longtemps fréquenté les prisonniers de droit commun dans les geôles de la république « On se déshabitue plus facilement de percer les coffres-forts que de mal penser » Le livre, qui fut préfacé par le grand écrivain Jacques Perret, assassine « le père Hugo qui est un grand homme ou un grand sot ». Perret rappelle que Hugo s'était fait pensionner par Louis XVIII pour ses premiers poèmes à la gloire du trône et de l'autel, avant d'être décoré par Charles X puis d'être cajolé par Louis-Philippe. Il prit ensuite « congé acrobatiquement de ses hôtes en 1848 pour opérer une conversion foudroyante et géniale comme nous n'en verrons plus qu'en 1945 ». Guernesey, où Hugo s'était exilé de son propre chef sous l'Empire de Napoléon III ? « C'est, écrit Perret, radio Guernesey et Cousteau nous compose le parallèle avec une piété ingénieuse et d'édifiantes références où nous découvrons même un appel du 18 juin 1860 : si le général De Gaulle avait su ça, il aurait pu se prévaloir d'une incarnation jumelée de Jeanne d'Arc et Victor Hugo » ! Perret et Cousteau rappellent tous deux cette phrase de Hugo, que bien sûr ils approuvent : « Oui, vous avez raison je suis un imbécile » ! En conclusion de l'article de Jacques Perret, paru le 27 août 1954 dans Aspects de la France, nous lisons cette phrase gourmande « Je suis tout content de voir que mon vieux confrère de la presse pourrie, qui a frôlé le poteau et goûté le bagne sans cesser d'être beau joueur, n'a rien perdu de sa verve diabolique. C'est un affreux fasciste, mais j'ai un faible pour les incorrigibles de son espèce. »

    PAC, INSOLENT ET REBELLE ENDIABLE...

    PAC (Paul-Antoine Cousteau) n'évoque pas seulement Victor Hugo, pour l'étriller avec humour et brio, il parle aussi de lui-même, de ses idées, sur un ton insolent, très loin d'être politiquement correct. Exemple « Je n'étais donc (après la commutation de sa peine) plus condamné qu'à la bagatelle des travaux forcés à perpétuité. Je m'en étais tiré à bon compte. J'avais eu de la chance. D'autant plus que si j'avais expié, conformément au programme initial, par un petit matin blême du printemps 47, j'eusse trépassé dans de consternantes dispositions d'esprit. Nullement pénétré de l’énormité de ma forfaiture. Sans dire merci. Sans crier "Vive la France" ! La bouche tordue d'une vilaine rancune. La mort du pécheur endurci, quoi ! avec tout ce que cela comporte d'affligeant pour les âmes délicates ». Cousteau poursuit « J'étais un sujet particulièrement ingrat. L'abus du fascisme hitléro-nippon m'avait ôté jusqu'à la notion du bien et du mal. Je fredonnais "Monica" en me faisant la barbe. Je brocardais la majesté des parlements, je croyais qu'en 39 la paix eût mieux valu que la guerre. Si l'on évoquait devant moi la Conscience universelle, j'éclatais d'un rire bête ». Mais PAC ne s'arrête pas en si bon chemin. Il tient des propos horribles. Exemple « Enfin, qu'on me pardonne cet odieux blasphème, mais une confession n'est valable que si elle est totale, il m'arrivait de dire que Dresde et Hiroshima étaient des bourgades légèrement plus peuplées qu'Oradour, et de mettre dans le même sac les crématoires et l'area bombing. » Bref, son cas paraissait parfaitement désespéré. Il se mit, raconte-t-il (ironiquement bien entendu) à la recherche d'une direction spirituelle. Il est censé l'avoir cherchée chez Rousseau, chez Sartre, chez Duhamel (« qu'un rideau d'ennui protège contre la curiosité du lecteur ») et chez Mauriac, connu pour être un parangon d'hypocrisie.

    Ce dernier a droit à cette humaniste considération « Faisant violence à mes préjugés bourgeois, je l'ai suivi patiemment dans ses copulations circonstanciées de catholiques pratiquants (tant plus ils pratiquent, les personnages de cet auteur édifiant, tant plus ils copulent ) sans parvenir néanmoins à entrevoir, à travers les relents bénis des entrecuisses gasconnes, la justification idéologique du personnalisme (le personnalisme de Mounier dont Mauriac prétendait s'inspirer) ». Et puis, PAC est censé avoir découvert Victor Hugo, supposé devenir son guide spirituel. Pour rire, bien sûr…

    VICTOR HUGO ET LA "CRAPULE CATHOLICO-SOCIALISTE"

    PAC va lire toute l'œuvre de Victor Hugo (ainsi que les œuvres complètes de nombre d'écrivains. Il a le temps en prison), histoire de pouvoir l'assassiner méthodiquement sous couvert d'un pseudo-exercice d'admiration. Vicieux, ce cher PAC. Faisant semblant de s'en indigner, il se fait une joie perverse pour nous livrer ce commentaire de Gustave Flaubert au sujet du fameux livre de Hugo, Les Misérables « Ce livre est fait pour la crapule catholico-socialiste, pour toute la vermine philosophico-évangélique. » Il ne manque pas, dans le même (mauvais) esprit, de citer le "Boche" Nietzsche, qui écrivait dans Par-delà le Bien et le Mal « Ce qui est au premier plan, c'est une France abêtie et devenue grossière, cette France qui tout récemment aux obsèques de Victor Hugo s'est livrée à une véritable orgie de mauvais goût et de contentement de soi. » Ce sournois de PAC fait semblant de s'en indigner, écrivant dignement « De tels propos, tenus par un ennemi garanti héréditaire sur facture, ne peuvent que rehausser la gloire du gigantesque poète français ».

    PAC, modeste en diable, explique « Je ne me permettrai pas, moi chétif incivique, d'analyser le génie littéraire de cet homme colossal ». Il le fait cependant... PAC se moque du "sérieux" de l'écrivain barbu et républicain, qui ne pratique guère l'humour. Il écrit « On est tout de suite mis en confiance par son sérieux. J'aime les gens sérieux. Ils me reposent de cet éternel persiflage par quoi les Français s'efforcent de démontrer à l'univers qu'ils sont spirituels. Hugo, lui, est sérieux. Il prend tout au sérieux, à commencer par lui-même. Il a horreur de l'ironie, il réprouve l'odieuse frivolité du XVIIIe siècle de ce siècle léger il ne goûte que les grands coups de gueule et les grands coups de couperet des années 90 qui mirent un terme si heureux à de répugnantes polissonneries ». Cousteau se fait ensuite grand analyste animalier, notant que « notre plus grand animalier, ce n'est ni Buffon, ni La Fontaine, c'est Hugo ». II relève, avec une feinte admiration, que les procureurs bolcheviks qui usaient d'accusations telles que « rats pesteux » ou « vipères lubriques », avaient pris leurs leçons auprès de Victor Hugo, qui usait et abusait de métaphores animalières. La chauve-souris est l'athéisme, le vautour, le paganisme, le griffon, le christianisme, etc. Cousteau a relevé, rien que dans L'Homme qui rit, 71 espèces distinctes (qu'il cite), allant de l'infusoire à l'hippopotame. A chaque homme, la bestiole qui traduit son physique et sa personnalité. Les femmes sont un peu mieux loties elles sont toujours des anges. Bon, parfois elles se transforment en volatiles mésanges, fauvettes, rossignols, ce qui, reconnaissons-le, n'est pas un mince compliment. PAC, toujours dans l'admiration feinte, note « Plus Hugo pense juste et plus il écrit fort. Plus il pénètre au cœur de la démocratie, plus la ménagerie de ses métaphores s'enrichit. » Il poursuit « On chercherait en vain dans toute l'Histoire de France un homme plus intelligent que Hugo. Si grand qu'il soit par son art, il est encore plus grand par ses idées. Il a tout pénétré et tout compris. » La preuve, relève notre pamphlétaire, « il le savait si bien que, malgré son humilité, il ne cesse de nous avertir qu'il est Le Penseur, n'oubliant ni la majuscule de l'article, ni la majuscule du substantif ». Et contrit en dévotions feintes, PAC ajoute « Devant cette pensée-là, on se sent aussi petit que M. Perruchon face à la mer de Glace ». Fermez le ban.

    "LA CONNERIE ET LA CORNICHONNERIE DU PONTIFE BARBU"

    Ce sont dans des lettres à son épouse que Cousteau, qui lui relate ses motivations et l'avancement de son travail d'écriture, use de ces qualificatifs (connerie, cornichonnerie), pas évidemment dans son livre, Hugothérapie, supposé ironiquement être hagiographique. Où en est Hugo avec Dieu ? Lisons ce qu'en dit PAC « Tout d'abord, Hugo croit en Dieu, en un Dieu aux contours un peu flous, mais bien intentionné et plutôt sympathique avec qui il condescend parfois à dialoguer. Sur certaines photos où son attitude apparaît comme particulièrement inspirée, le poète a écrit de sa main "Victor Hugo causant avec Dieu" ». Ce Dieu n'a évidemment rien à voir avec le Dieu des religions traditionnelles que Hugo exècre. Il est « pour la religion (celle qu'il a inventée) contre les religions ». Les prêtres sont, bien sûr pour Hugo, des fumistes et les dogmes des impostures. Mais Victor Hugo croit au délire que sont les tables tournantes et des esprits frappeurs. Cousteau s'en amuse voici Moïse qui pastiche La Légende des Siècles, Mahomet qui flétrit les despotes (commentaire de PAC « Et il s'y connaissait, ce démocrate »), Shakespeare qui manie sans problème l’alexandrin français, Molière, bien sûr, puis Aristophane qui lui aussi maîtrise parfaitement notre langue, et puis, la Dame Blanche, la mort, qui terrifie les naïfs participants aux soirées hugoliennes de Guernesey. N'oublions cependant pas le Christ, avec lequel Hugo semble avoir établi une relation de confiance puisque celui-ci lui confie « L'enfer n'est pas. Le Paradis est l'état normal du ciel , les ténèbres sont les apparences... Le firmament, ô vivants, est un pardon infranchissable. »

    Cousteau raconte qu'à la suite de ces propos hautement fantaisistes, un des convives, Jules Allix, devint fou furieux, suscitant le scandale dans la petite assemblée... Mais comment, pour changer de sujet, Hugo explique-t-il qu'il y ait tant de gâchis dans un monde où tous les hommes sont bons, et les femmes exceptionnelles ? Facile de répondre à cette question: la société est mal faite. Comme le dit PAC « Il fallait y penser. Hugo y a pensé ». Depuis, d'autres y ont pensé. La criminalité, explique Hugo, est une conséquence de la mauvaise organisation sociale. Les hommes volent et tuent parce qu'ils sont pauvres et ignorants. Commentaire des plus perfides de PAC « Apprenez-leur la règle de trois, la liste des sous-préfectures, les propriétés du triangle rectangle et les os du squelette, et aussitôt ils cesseront de braver le Code Pénal. » Lisons ce passage qui donne une idée de l'humour cynique de Cousteau, et qui donnera certainement envie au lecteur de RIVAROL de lire ce formidable livre « Si Al Capone n'avait pas été poussé par la faim, jamais l’idée ne lui fût venue d'attaquer à la mitrailleuse des banques que l’inanition lui faisait prendre pour des boulangeries. Et, muni de son certificat d'études, Stavisky ne se fût pas embrouillé dans ses comptes. » Hugo condamne avec véhémence l'échafaud et le bagne. Badinter n'avait pas manqué de le rappeler lors du débat sur l'abolition de la peine de mort. Mais pour Hugo, il y a des cas où la société doit se défendre. Napoléon III est voué « au poteau », ni plus, ni moins, ses collaborateurs, au "fouet", à la "chaîne" et aux « sabots sonnant sur le pavé du bagne ». Il est vrai qu'il s'agit, dans leur cas, d'adversaires politiques, pas de vulgaires criminels qui, eux, méritent la compassion.

    CONCLUSION

    Citons une importante pensée du prophète barbu, plus que jamais d'actualité « La république a le devoir de se défendre, même contre le peuple ». Conclusion ironique de Pierre-Antoine Cousteau « Si ce petit recueil contribue, si peu que ce soit, à consolider en France la République et la Démocratie, je n'aurai pas perdu mon temps ». Allez, une dernière avant de nous quitter. Victor Hugo, en évoquant le gouvernement tel qu'il l'imagine : « Moi non plus, je ne veux pas être gouverné par une femme, ni même par un homme ». Par un transsexuel sans doute ? Alors bienvenue dans le parti de Marine Le Pen !

    R.S.

     

    Hugothérapie, 285 pages, Paul-Antoine Cousteau, 12 euros plus 2 de frais de port à l'ordre de Via Romana, 5, rue du Maréchal Joffre, 78000 Versailles.

  • Entretien avec Pierre de Brague Le Cercle Proudhon : Le sursaut de l’esprit français

    Jeune historien et membre d’Egalité et réconciliation, Pierre de Brague oeuvre à la redécouverte d'une expérience politique très originale au XXe siècle le Cercle Proudhon.

    RIVAROL : Quelles sont les origines idéologiques du Cercle Proudhon ?

    Pierre de BRAGUE : Le Cercle Proudhon est à mon sens l'incarnation française la plus aboutie qui soit (au niveau de la formulation intellectuelle), de la conjonction des deux non-dits de la matrice bourgeoise issue de 1789, à savoir cette escroquerie philosophique (les Lumières), politique (la démocratie) et économique (l'exploitation capitaliste) qui constitue notre actuelle mythologie officielle. Face à ce "système", certains ont plébiscité l'appui sur le « monde d'avant », l'Histoire et la Tradition, devenant alors d'affreux réactionnaires pour le libéralisme (dont la définition pourrait être la dictature du présent), et d'autres ont voulu bâtir le « monde d'après », arc-boutant leurs aspirations révolutionnaires sur la défense des intérêts du prolétariat, devenant alors l'alibi progressiste de toutes les compromissions socialistes...

    Lorsqu'elles furent intègres, radicales et authentiques, les mouvances monarchistes et syndicalistes ont représenté, chacune à leur manière, la quintessence des alternatives à cette "civilisation" bourgeoise. Ainsi de l'Action Française et du syndicalisme révolutionnaire. Le Cercle Proudhon est la réunion de certains militants — à mes yeux les meilleurs éléments de ces organisations , la crème de la crème de la radicalité patriote une sorte d'union sacrée anti-démocratique, anti-capitaliste, anti-bourgeoise et anti-Lumières qui nous apparaît impensable au premier abord, mais qui se révèle conforme à ce que le véritable « esprit politique français » a produit (et doit produire) de manière plus ou moins explicite au fil des époques.

    R. : Pourquoi reprendre Proudhon comme figure tutélaire ?

    P. de B. : A première vue, rien de plus éloigné des monarchistes catholiques de l'AF et des syndicalistes révolutionnaires que le supposé anarchiste libertaire se revendiquant de 1789 que serait Pierre-Joseph Proudhon. Mais c'est se borner aux délimitations malhonnêtes du conditionnement intellectuel de ne pas faire l'exégèse profonde de l'homme et de son œuvre. Le Cercle ne tombe évidemment pas dans cet écueil et s'il peut arborer légitimement le sulfureux patronage du penseur franc-comtois c'est par une fidélité quasiment métapolitique à « l'esprit proudhonien », cet esprit parfaitement français, à la fois traditionnel et révolutionnaire, qui, par une vive et libre opposition des antagonismes, se transcende et trouve l'équilibre, cette notion fondamentale à la richesse insoupçonnée (et pour le coup quasiment métaphysique).

    Si l’on s'en tient aux théories, Proudhon, par son fédéralisme, son mutualisme, sa critique acide de la démocratie et de la propriété capitaliste, ainsi que son caractère de farouche pourfendeur de la culture bourgeoise, a su permettre — malgré les tentatives de récupération des socialistes républicains- « à des Français, qui se croyaient ennemis jurés, de s'unir pour travailler de concert à l'organisation du pays français ». Nous touchons là un point essentiel Proudhon était un homme d'ordre et non cet anti-étatiste anti-théiste et anti-propriétaire primaire que l’on veut nous faire accroire... C'est en tant que prophète de « l'ordre social français » que les membres du Cercle célèbrent ce « grand réaliste », ce « Maître de la contre-révolution », ce « Proudhon constructeur » à l'esprit et à la foi révolutionnaire. J'arrête ici, c'est certainement déjà trop de dialectique pour les quelques placides intellectuels de "gôche" qui prétendent s'accaparer la figure de ce rude fils de paysan, viril et guerrier, inaltérable et hardi défenseur du Travail de la la Famille et de la Terre (qui a dit Patrie ?), je ne voudrais pas être désigné responsable de l'ataraxie mentale dont ils souffrent, si peu nombreux soient-ils.

    R. : Cette alliance de royalistes et de syndicalistes révolutionnaires a-t-elle reçu le soutien de leurs "maîtres" Charles Maurras et Georges Sorel ? Quelles furent les principaux animateurs du cercle ?

    P. de B. : Allons immédiatement, si vous le voulez bien, au fond du sujet : Proudhon, Maurras et Sorel, incarnent pleinement et précisément, chacun à leur manière, avec des variations et des idiosyncrasies propres que nous n'ôterons pour rien au monde à l'histoire et à la fortune de l'humanité — cet « esprit politique français » si précieux à mes yeux. Ils le personnifient par leurs "êtres", par leurs pensées, par leurs authenticités mêmes. Ils sont, ensemble et chacun de leur côté, cet esprit révolutionnaire conservateur français qui configure certainement le pire affrontement possible pour la pseudo-"civilisation" ploutocratique actuellement bourgeoise et soi-disant démocratique et libérale dans laquelle nous baignons depuis bien trop longtemps.

    Pour être concret tout en restant succinct que Ton songe aux conjonctions profondes qui animent cette si belle triade. Que ce soit sur l'Action, sur l'Intelligence, sur l'Organisation ou même sur l'État, les concordances, les filiations, les accords, les rapprochements et les frottements sont finalement pregnants ! Et ce jusqu'à constituer une philosophie politique véritablement française, foncière et radicale, qui se définirait par la recherche de l'organisation sociale qui rendra le plus justice à la dignité des travailleurs français et à la défense de leurs libertés et de leurs intérêts spirituels et matériels. J'invite le lecteur à reprendre un par un les mots de cette dernière phrase et à y déceler une quelconque résonance avec notre contemporanéité…

    Il n’y avait donc aucun problème de fond à ce que Maurras et Sorel soutinssent initiative de leurs meilleurs (ou atypiques selon l'angle de vue) disciples, surtout lorsqu'elle se fit sous ce glorieux patronyme de Proudhon. Cessons ici tout essentialisme pour revenir aux réalités et aux contextes il n'était pas question pour les "maîtres" de fusionner leurs mouvements ou de participer activement et personnellement à ce genre d'"expériences" conférant pratiquement à l'aventure. Les maîtres respectifs sont restés à l'écart, en retrait, accompagnant d'abord avec entrain et bienveillance, mais également avec méfiance, la "tentative" du Cercle Proudhon. Notons néanmoins que c'est Sorel qui a fait le premier pas "officiel" dès 1908 dans une revue syndicaliste italienne en dressant l'éloge pragmatique de l’AF, considérée alors comme une vraie force vivante pour l'avenir de la France. Remarquons aussi que Maurras prononça une allocution à la première réunion du Cercle, qui fut tenue à l'Institut d'Action Française, donc dans ses locaux, le 17 décembre 1911 Dans la pure lignée de cet « esprit proudhonien », à l'instar, et peut-être plus encore que leurs aînés, Georges Valois et Edouard Berth furent les principaux protagonistes du Cercle, lui donnant une vie et une aura rares, représentant et formulant magnifiquement la Combativité et la Vitalité française, comme, ai-je l'impression, la France savait — malgré tout — encore en produire il y a quelques décennies... Citons les autres fondateurs et participants rédacteurs aux Cahiers du Cercle Henri Lagrange, Gilbert Maire, René de Marans, Marius Riquier, André Pascalon et Albert Vincent.

    R. : Le rejet de la Démocratie est-il commun aux deux mouvances ?

    P. de B. : Et comment ! Qualifiée de « plus grande erreur au siècle passé », de « maladie mortelle » et de « plus sotte des rêveries », la démocratie est mise en cause par ces deux écoles pour des raisons propres qui sont finalement similaires. À droite, on rejette la république démocratique car c'est le régime et le système politique de l'avènement de la classe bourgeoise, soit ce gouvernement des intérêts étrangers et anti-traditionnels, et à gauche parce que c'est l'alibi majeur de l'exploitation capitaliste. Le Cercle va directement à l'essentiel en attestant de la consubstantialité des institutions démocratiques, des "valeurs" bourgeoises et de la domination socio-économique.

    La démocratie libérale bourgeoise est explicitement vomie en tant que "totalité" pour des raisons politiques et économiques, et en dernière instance parce qu'elle n'est que le symbole d'une vision du monde hypocrite et mortifère. Si l'on accepte de l'utiliser comme un terme générique, cette Démocratie (qui est encore la nôtre aujourd'hui) n'est qu'une fable avilissante, abrutissante, précaire, anti-Production et anti-Culture. « Ramenée parmi nous pour instaurer le règne de la vertu, elle tolère et encourage toutes les licences. Elle est théoriquement un régime de liberté ; pratiquement elle a horreur des libertés concrètes, réelles et elle nous a livrés à quelques grandes compagnies de pillards, politiciens associés à des financiers ou dominés par eux, qui vivent de l'exploitation des producteurs. » Voilà comment le Cercle Proudhon définissait la démocratie dans sa première Déclaration !

    R. : Les animateurs du cercle insistaient sur les vertus viriles, vitalistes et héroïques. L'aspect guerrier était-il au coeur de la démarche de ce groupe ?

    P. de B. : Proudhon restera l'immortel auteur de La Guerre et la Paix, ouvrage majeur par lequel il établit que toute construction humaine — et toute humanité — tient son origine dans la guerre. Il s'agit ici d'exalter le sentiment guerrier, mobilisateur, générateur « du sublime, de la gloire, de l'héroïsme, de l'idéal et de la poésie » et non de vanter la barbarie ou les va-t-en-guerre. Cet esprit combattant se retrouve transposé chez Sorel via ses Réflexions sur la Violence et le mythe de la « grève générale » où l'ouvrier devient le nouveau héros ; quant à Maurras et son Si le Coup de Force est possible, les vertus aristocratiques qu'il défend ne pouvaient que tomber en accord avec cet aspect. Tout ceci évidemment en opposition dialectique avec les pseudo-"valeurs" bourgeoises bien-pensantes hypocrites et maniérées que seraient le pacifisme, l'humanitarisme et l'intellectualisme.

    R. : L'équipe de rédaction n'hésitait pas à attaquer la finance anonyme et vagabonde. En quoi l'anti-capitalisme était-il un élément fondamental de la démarche du cercle ?

    P. de B. : Anonyme, anonyme. Pas tant anonyme que ça si l'on en croit certains textes ! L'anti-capitalisme est effectivement un élément fondamental de la démarche du Cercle, au même titre que l'anti-démocratisme, et pour cause ils sont indissociables, et ce constat n'a pas échappé aux militants du Cercle, bien au contraire. Admettant l'alliance des démocrates et des financiers, comme aujourd'hui celle des socialistes bobos et des néo-libéraux bling-bling, le Cercle y oppose une alliance des royalistes et des syndicalistes révolutionnaires, et ce sans forcer sa cohésion car la mise à bas du « régime de l'Or » (par opposition au "Sang") est une thématique forte chez les partisans de Maurras. Georges Valois lui-même, le principal initiateur du Cercle, la « recrue prolétarienne » de l’AF, fut toute sa vie durant l'homme d'un combat, celui de l'Humain contre l'Argent, et ce quoi que l'on en dise.

    Citons encore une fois la si concise prose du Cercle « La démocratie enfin a permis, dans l’économie et dans la politique, le rétablissement du régime capitaliste qui détruit dans la cité ce que les idées démocratiques dissolvent dans l’esprit, c'est-à-dire la nation, la famille, les mœurs, en substituant la loi de l’or aux lois du sang. La démocratie vit de l'or et d'une perversion de l’intelligence. » Nous retrouvons ici le véritable moteur métapolitique du Cercle c'est le combat de la Vie et de la Civilisation contre son placebo fantoche aliénant et destructeur.

    R. : L'accusation d'antisémitisme lancée contre le Cercle Proudhon est-elle valable ? Plus largement, comment analysez-vous l’antijudaisme présent dans le mouvement ouvrier de la fin du XIXe siècle ?

    P. de B. : l’antijudaïsme du mouvement ouvrier, comme celui du Cercle Proudhon, de Proudhon lui-même ou de beaucoup d'autres, fut rarement racial ou théologique. La question juive s'y présente comme un problème essentiellement économique et social, perçu sous l'angle de la lutte des classes. Concernant le Cercle, si attester de la place prééminente de la bourgeoisie juive dans la société française suite à sa prise de pouvoir au sein même de cette classe bourgeoise (par l'instauration de la république démocratique) est un fait suffisant pour être taxé d'antisémitisme, alors oui le Cercle est antisémite !

    R. : Pour vous, en quoi consiste le mélange de Réaction et de Révolution qui incarne l'esprit français ?

    P. de B. : Il convient de manier les termes avec exactitude, comme dirait un certain Professeur. II est question de Tradition et non de Réaction. Comme explicité plus haut, toute la vérité de cet « esprit français » résulte de la libre opposition des antagonismes, que ce soit au point de vue politique ou individuel. Ce qui, à mon avis, définit le mieux l'esprit français tient en un mot l'équilibre, auquel nous devons impérativement accoler une qualité chérie par Proudhon lui-même, je veux parler de l'ironie. Définition simple mais subtile, et qui se décline à une multiplicité de niveaux. En dehors de ses théorisations politiques, Proudhon devient ici le symbole de la France éternelle, celui qui mêle « esprit classique et christianisme fondamental », ce révolutionnaire patriote, ce gaulois frondeur et spirituel, ce mélange unique et réussi entre la rudesse et la légèreté. Un « miracle français » reconnu dans le monde entier et qui engendrait, il y a encore peu de temps, une vision du monde, une identité et une mentalité propres que les agressions répétées du libéralisme mondialisé anti-humain ont mis à mal, illustrant cette « mutation anthropologique » que Pasolini constatait dans son pays dès les années 1970. Faire revivre l'esprit de la France, voilà ce qui importe !

    Propos recueillis par Monika BERCHVOK. Rivarol 30 avril 2015

    A lire

    Les Cahiers du Cercle Proudhon, préface de Pierre De Brague, Editions Kontre Kulture (http://www.contrekulture.com/), 2014, 496 pages — 18 euros.

     

    Le numéro 68 de la revue Rébellion avec un important dossier sur Sorel, le syndicalisme révolutionnaire français et le Cercle Proudhon (5 euros - Rébellion c/o RSE BP 62124 31020 Toulouse cedex 02).

  • Laurent Garnier : « Subversion générale des programmes et fin du latin »

    Laurent Garnier est professeur de latin dans un grand lycée parisien. Concerné au premier chef par les réformes de l'enseignement, il donne cet entretien à Monde et Vie en toute liberté, en n'hésitant pas à remettre dans un contexte plus large et encore plus inquiétant la dernière attaque contre le latin à l'Ecole.

    Claire Thomas : Est-il exact qu'avec la nouvelle réforme, le latin et le grec ne seront plus enseignés dans les collèges ?

    Laurent Garnier : Si vous écoutez les médias, le Ministère avait d'abord supprimé cet enseignement, mais il l'aurait ensuite rétabli face au tollé suscité par cette mesure. Madame Belkacem, de son côté, assure qu'il n'a jamais été supprimé : c'est une simple « rumeur », et on « baigne dans la désinformation la plus complète » (chez Jean-Jacques Bourdin, le 13 avril dernier). Pour tirer cette affaire au clair, il faut se reporter aux textes officiels. Première constatation le projet de réforme a fait l'objet de plusieurs versions successives, et dans l'une au moins de ces versions, l'enseignement des langues anciennes avait en effet disparu. Ce n'est pas une "rumeur", c'est un fait.

    CT : Mais maintenant ? Cet enseignement est-il rétabli ?

    LG : Les mots « langues et cultures de l'antiquité » et « latin » (mais non « grec ») figurent bel et bien dans la version actuelle, ce qui semble donner raison à Najat Vallaud-Belkacem. Mais c'est une illusion, car ces mots n'ont aucun contenu réel. La supercherie consiste en effet à intégrer le latin aux EPI.

    CT : Qu'entendez-vous par "EPI" ?

    LG : C'est une des principales innovations de la réforme : les EPI sont des « Enseignements Pratiques interdisciplinaires », réunissant les professeurs de plusieurs disciplines, pour faire travailler les élèves en équipes sur des applications « pratiques ». Il y a huit EPI en tout, parmi lesquels : « développement durable », « monde économique et professionnel », « corps, santé et sécurité », « information, communication et citoyenneté ». Sur l'utilité pédagogique de ces nouvelles EPI, voici des exemples fournis par le Ministère : dans un EPI physique/SVT, les élèves réaliseront des maquettes d'éoliennes et produiront un reportage vidéo qui sera diffusé sur le blog du collège. Autre exemple, déjà expérimenté celui-là dans un collège de Bordeaux. les professeurs d'espagnol et de géographie demandent à leurs élèves de rédiger en espagnol un tract destiné aux floriculteurs du Kenya. Je n'invente rien : c'est un reportage de France 2, disponible sur Internet.

    CT : Soit, mais quel est le problème, à partir du moment où le latin continue à être enseigné ?

    LG : Mais comment pourrait-il l'être ? Ce qu'il faut savoir, c'est que ces EPI ne bénéficient pas d'horaires spécifiques les heures qui leur sont consacrées sont empruntées aux disciplines concernées (aux heures d'espagnol et d'histoire-géographie, dans le dernier exemple cité). Or - et c'est le point capital - d'après les documents officiels eux-mêmes, aucune heure d'enseignement n'est prévue pour le latin (ou le grec), je dis bien aucune. Cela veut dire que, dans le cas d'un EPI « langues et cultures de l'antiquité », il faudrait prendre des heures à d'autres disciplines. Lesquelles les mathématiques ? la physique ? l'EPS ? Absurde. Le français ? Mais il ne dispose que de 4 heures ou 4 h 30 selon les niveaux. Et il en faut 3 pour enseigner le latin dans les conditions actuelles. Le Ministère prétend que ces heures seront maintenues, mais il ne nous explique pas de quel chapeau on les sortira. Autre mystère : si vous consultez les nouveaux programmes, vous ne trouvez rien sur les langues anciennes. Etrange enseignement, qui n'a d'existence ni dans les horaires, ni dans les programmes officiels ! En réalité, tout se passe comme si l'on avait voulu court-circuiter toute opposition en ajoutant aux EPI déjà existants un intitulé bidon, qui n'a manifestement rien à voir avec eux... Vous avez dit désinformation ?

    CT : Quelle est donc la logique d'ensemble de cette réforme ?

    LG : Celle du sabotage : on réduit de 20% les horaires des cours traditionnels (au profit des EPI et autres), on ne cesse de restreindre la part des « savoirs fondamentaux » tout en prétendant les renforcer (le français perd encore une heure d'enseignement au collège, alors que, selon certains calculs, un élève en a déjà perdu 300 au cours de sa scolarité !), on supprime tout ce qui pourrait viser à l'excellence (cours de langues anciennes, classes européennes, et, pour une grande part, classes « bilangues »), on amuse la galerie avec des gadgets (EPI, etc.), on masque l'effondrement du niveau en supprimant les redoublements, les notes chiffrées, les objectifs annuels, et on augmente le bourrage de crâne idéologique par le biais des enseignements « transdisciplinaires », dont c'est la fonction explicite, selon Vincent Peillon lui-même. L'Ecole devient une gigantesque garderie, doublée d'une invraisemblable usine à gaz. Sommé de travailler toujours plus « en équipe », l'individu doit se dissoudre dans la masse. Le professeur, pris dans toutes sortes de contraintes, perd sa liberté, et l'élève se voit privé des moyens de devenir un sujet autonome, capable de réflexion et d'esprit critique.

    CT : C'est donc l'aboutissement d'un Mai 68 pédagogique comme on ne l'avait jamais cauchemardé ?

    LG : Un Mai 68, oui, mais qui a la particularité d'être imposé d'en haut, et de se poursuivre depuis des décennies, selon un plan de toute évidence conçu de longue date (déjà formulé en 1947 avec Langevin-Wallon).

    CT : Un plan conçu dans quel but ?

    LG : A qui profite le crime, sinon au système, qui entend disposer ainsi d'une masse d'abrutis qu'il pourra manipuler à sa guise ?

     

    Propos recueillis par Claire Thomas, monde&vie avril 2015

  • Disparition de Robert Chardon : Francis Gruzelle saisit la justice

     

    Toujours sans nouvelles du maire de Venelles, notre confrère Francis Gruzelle, éditorialiste sur ripostelaique.com, a déposé un avis de signalement de disparition de personne.

    Injoignable à sa mairie ou son domicile, introuvable dans les hôpitaux de la région, comptes Facebook et Twitter fermés, Robert Chardon semble avoir été « rayé de la carte » depuis ses déclarations-choc sur la nécessite d’interdire le culte musulman en France. Aux dernières nouvelles, il avait été interné en hôpital psychiatrique après ses déclarations, mais nul ne sait dans quel établissement le maire a été placé.

    Devant l’impossibilité de joindre le maire de Venelles ou même de trouver trace de lui, Francis Gruzelle a déposé un signalement de disparition de personne à Madame le Procureur de la République Dominique Moyal près le Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence.
    Espérons que cette démarche officielle sera suivie d’effet.

    http://fr.novopress.info/

  • Prostitution de mineures : trois vedettes du taekwondo à la barre. Ou « l’intégration par le sport »…

    Le sport est souvent présenté par les politiciens comme un bon moyen de canaliser, d’intégrer et de civiliser les jeunes étrangers (à papiers français ou non) : les associations sportives de banlieue sont ainsi largement financées par les contribuables.

    Est-ce vraiment une bonne idée de donner des cours de sport de combat aux jeunes immigrés ?

    En tout cas, on n’entend pas tellement parler des cas de figure, pourtant pas rares, où l’« intégration » par le sport au plus haut niveau a échoué, c’est le moins qu’on puisse dire.

    En scrutant un peu, on apprend par exemple récemment que trois anciens membres de l’équipe de France de taekwondo (sport de combat coréen) comparaissent ces jours-ci devant la cour d’assises de l’Isère, « pour avoir obligé des mineures en rupture familiale à se prostituer via des annonces sur internet ».

    L’affaire éclate en avril 2012 quand la mère d’une des jeunes filles, âgées de 14 à 17 ans, porte plainte à la gendarmerie. Sa fille fugueuse et placée en famille d’accueil a non seulement été contrainte de se prostituer mais elle dit aussi avoir été violée par Amine Manai, champion de France (-68 kg) et champion d’Europe (-21 ans) de taekwondo.

    Ce dernier passait des annonces sur le site Vivastreet et incitait la jeune fille à fumer du cannabis pour qu’elle devienne insensible aux rapports sexuels.

    Au fil de l’enquête, les gendarmes découvrent que certaines annonces sont passées depuis les locaux parisiens de l’Insep (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance) et que plusieurs autres taekwondoïstes sont impliqués : Adam Manai, frère d’Amine, et Moussa Cissé, vice-champion d’Europe des moins de 58 kg.

     

    Les jeunes filles étaient «recrutées» dans un foyer éducatif de Saint-Egrève, près de Grenoble, puis devaient se prostituer dans des hôtels, principalement dans le sud-est de la France.

    Ce réseau de proxénétisme était dirigé par Amine Manai, aujourd’hui âgé de 25 ans, et par Sofiane Cherifi, 24 ans, déjà condamné pour des faits similaires et qui continuait à officier depuis sa cellule.

    L’entreprise était particulièrement lucrative, chaque victime pouvant rapporter 1.200 euros par jour à ses proxénètes. Sur une écoute téléphonique, Sofiane Cherifi se vante ainsi de s’être «fait presque 8.000 euros en deux jours avec Amine».

    Source

    http://www.contre-info.com/prostitution-de-mineures-trois-vedettes-du-taekwondo-a-la-barre-ou-lintegration-par-le-sport#more-38038

  • Les nouveaux espaces de liberté : les TAZ ou zones autonomes temporaires

    Il s’agit de se demander comment envisager la liberté politique alors que le cadre étatique n’apparaît plus approprié. Le philosophe Jacques Derrida nous indique une première piste nous autorisant d’esquisser une première débauche. Dans son approche déconstructiviste, il met en évidence le décalage, voire le malentendu existant de nos jours entre l’État et la démocratie, la seconde n’étant plus nécessairement le reflet du premier. Son point de départ à cet égard est le concept d’Etat-voyou apparu récemment dans les relations internationales, c’est-à-dire l’État qui confisque la souveraineté de manière despotique. Et c’est dans cette optique qu’il parle de l’avenir de la démocratie comme celui d’une société secrète : « Il sera difficile d’exclure tout rêve de démocratie à venir comme société secrète, société du secret. Partagé, bien sûr, mais comme tout secret en somme... ». En avançant le terme de « société secrète », le philosophe se réfère à l’idée de conjuration, de confrérie et met en exergue leur pouvoir et leur force face à la montée actuelle des contre-souverainetés et des contre-Etats (ce qu’il appelle la « voyoucratie »). Derrida expose en effet son concept de « démocratie comme société secrète » par analogie avec le contrepouvoir d’une confrérie clandestine mais populaire, c’est-à-dire une force organisée s’opposant à l’Etat-voyou bafouant le droit. Quelle que soit la difficulté de l’approche déconstructiviste déployée par l’auteur, on remarque néanmoins immédiatement toute la pertinence de cette observation dans le cadre de l’État pénal-carcéral et de l’affaiblissement de la citoyenneté ainsi que les perspectives qu’elle ouvre pour notre réflexion. Le propos de Derrida trouve son écho dans la pensée chinoise avec le proverbe, « les mandarins tirent leur pouvoir de la loi ; le peuple tire le sien des sociétés secrètes ». 

    En conséquence, lorsque le philosophe voit dans la démocratie une sorte de conjuration (au sens étymologique), il se rattache en quelque sorte au schéma des contre-sociétés tel que par exemple le mouvement communal au Moyen Âge, c’est-à-dire des groupes d’individus qui, en raison de leurs intérêts communs, décident de s’associer pour gérer leurs propres affaires et faire valoir leur point de vue vis-à-vis du cadre hiérarchique de l’époque (le féodalisme). La commune médiévale apparaît ainsi comme un lieu de décision collective autonome et une organisation d’auto-défense (interface armée/cité). Ceci fait d’ailleurs dire à l’historien William Mc Neill que le régiment moderne s’est substitué à la commune paysanne afin de redonner leur cohérence aux sociétés européennes quittant le Moyen Âge pour entrer dans les Temps modernes. 

    Si l’on transpose maintenant cette idée de contre-société ainsi que le modèle de la commune médiévale à la réalité actuelle, on s’approche alors de la notion d’autonomie. Cette dernière recouvre cependant plusieurs significations allant de l’autarcie économique à l’indépendance politique en passant par les projets autogestionnaires et les utopies anarchistes. Par autonomie ici, nous entendons une conception proche de celle élaborée par le philosophe Cornelius Castoriadis, à savoir la maîtrise de ses propres processus. Ainsi comprise, l’autonomie implique, autant que faire se peut, de ne pas dépendre de facteurs que nous ne contrôlons pas ou, autrement dit, de conserver l’emprise sur son environnement immédiat. De manière similaire, dans sa prospective sur les conditions de vie et les mœurs aux époques de déliquescence institutionnelle, Thierry Gaudin dégage une attitude de ce type en relevant que si un comportement humain est utile à la survie de l’espèce, il se maintiendra : « L’être autonome, individué, a une maîtrise suffisante de lui-même et de son environnement pour faire face aux difficultés. Le qualificatif ‘autonome’ signifie qu’il n’est pas dépendant de facteurs qui lui échappent ». 

    Une des leçons retenues au Japon lors de la catastrophe nucléaire de Fukushima va précisément dans cette direction. Face aux problèmes rencontrés à ce moment-là, face aux graves déficiences des pouvoirs publics et à leur difficulté à gérer la situation, voici la recommandation que l’écrivain Kenji Maruyama adresse à ses compatriotes : « Ce qu’il faut recommander aux Japonais, c’est d’être autonomes. Pour cela, il faut penser en tant qu’individu, ce qui nécessite d’avoir du courage et de ne compter que sur soi. Il faut essayer, autant que possible, de ne se fier qu’à son propre jugement et qu’à ses propres forces. Il faut étayer à partir de ce que l’on a vu de ses yeux et entendu de ses propres oreilles, et, quand d’autres forces que la sienne entrent en ligne de compte, il faut d’abord s’en méfier... » C’est toutefois la pensée anarcho-punk qui nous livre le concept le plus expressif en la matière – la TAZ (zone autonome temporaire). Celle-ci synthétise en effet assez largement les considérations précédentes tout en reflétant relativement bien le Zeitgeist de notre époque (fin des révolutions et des idéologies) : « La TAZ est comme une insurrection sans engagement direct contre l’État, une opération de guérilla qui libère une zone (de terrain, de temps, d’imagination) puis se dissout, avant que l’État ne l’écrase, pour se reformer ailleurs dans le temps ou l’espace. » Le père de ce concept s’est délibérément interdit de le définir : « Je crois qu’en extrapolant à partir ‘d’îles en réseau’, futures et passées, nous pourrions mettre en évidence le fait qu’un certain type ‘d’enclave libre’ est non seulement possible à notre époque, mais qu’il existe déjà. Toutes mes recherches et mes spéculations se sont cristallisées autour du concept de ‘zone autonome temporaire’ (en abrégé TAZ) »*. La TAZ est cependant souvent comparée aux utopies pirates, voire aux communautés cosaques traditionnellement égalitaires et démocratiques. De leur côté, les adeptes des TAZ se réclament de l’esprit de révolte de la flibuste et des flibustiers. En outre, dans le cadre de la société de l’information, le web en est aussi une composante importante : « Si la TAZ est un campement nomade, alors le Web est le pourvoyeur de chants épiques, des généalogies et des légendes de la tribu ; il a en mémoire les routes secrètes des caravanes et les chemins d’embuscade qui assurent la fluidité de l’économie tribale ; il contient même certaines des routes à suivre et certains rêves qui seront vécus comme autant de signes et d’augures. » D’ailleurs n’oublions pas que dans cette recherche des nouveaux espaces de liberté, il impose également de prendre en compte l’avènement de la société de l’information. Celle-ci vient apporter sa dimension à cette évolution en favorisant les petites structures, les formes d’organisation plates et « sans-tête ». 

    *Hakim Bey, TAZ : zone autonome temporaire 

    Bernard Wicht, Europe Mad Max demain ?

    http://www.oragesdacier.info/2015/05/les-nouveaux-espaces-de-liberte-les-taz.html

  • Quatre nuances du dernier Houellebecq par Georges FELTIN-TRACOL

    La parution du nouveau roman de Michel Houellebecq, Soumission, a suscité de vifs débats, preuve que son auteur a visé juste et fort. En écrivant cette fiction politique, il pressentait que « ce roman suscitera peut-être des polémiques chez ceux qui gagnent leur vie en polémiquant, mais sera perçu par le public comme un livre d’anticipation, sans rapport réel avec la vie (1) ».

    La majeure partie des controverses concerne la victoire des islamistes à la présidentielle de 2022. Si certains s’indignent de cette hypothèse qui fracasse leur bel enthousiasme républicain, d’autres s’en réjouissent en espérant que cette éventualité réveillera dès à présent les Français de racines européennes, ces « Français de souche » qui n’existeraient pas d’après l’incroyable sentence d’un tribunal pour qui cette qualification ne couvre « aucune réalité légale, historique, biologique ou sociologique (2) ».

    La violence des réactions confirme que « ses livres relèvent de la santé publique (3) » parce que « Houellebecq utilise la cendre du marché pour nous entraîner dans des romans éblouissants (4) ». Pourvu d’un style moins terne, moins austère, que dans Les Particules élémentaires (5), Soumission comporte quatre niveaux de compréhension. La plus lisible se concentre sur le héros, François. Ce quadragénaire, expert de l’œuvre de Joris-Karl Huysmans, enseigne à La Sorbonne et traîne en permanence la victimisationsurmoderne du libéralisme, cette « idéologie des individus libres luttant tous contre tous (6) ». Vivant dans une morne existence casanière, François dépense son temps entre ses cours de littérature, des loisirs marchands aliénants et ses amours éphémères avec quelques-unes de ses étudiantes. Il symbolise surtout une dépolitisation accomplie, conséquence inéluctable de l’ignorance de l’histoire : « Je ne connaissais au fond pas bien l’histoire, au lycée j’étais un élève inattentif et par la suite je n’avais jamais réussi à lire un livre d’histoire, jamais jusqu’au bout (p. 104). » François agit en véritable monade solitaire, en indéniableatome social. Tant envers Myriam, sa jeune amante juive qui va bientôt s’installer en Israël, qu’envers les prostituées sollicitées (Nadia, Babeth, Rachida et Luisa), voire à l’égard de Sylvie, la dernière compagne de son père défunt ou au moment de la brusque disparition de sa mère à Nevers, le héros exprime undétachement constant qui le ballote d’événement en événement. En Occidental atteint d’épuisement existentiel propre à la logique libérale, François se trouve par conséquent « incapable de fournir un sens, une voie à la réconciliation de l’individu avec son semblable dans une communauté que l’on pourrait qualifier d’humaine (7) ». Après un séjour ennuyeux dans un monastère au cours duquel à rebours du parcours de Huysmans, il perd les ultimes bribes d’une foi chrétien déclinante, il semble finalement éprouver dans l’islam un confort global qui ne le ferait « rien à regretter (p. 300) ».

    La deuxième approche du roman est politique. Réélu en 2017 face à Marine Le Pen, François Hollande poursuit son impéritie gouvernementale si bien que cinq ans plus tard, son candidat, Manuel Valls, et celui de l’U.M.P., Jean-François Copé, revenu d’entre les morts, sont évincés du second tour au profit d’une Le Pen qui culmine à 34,1 % et de Mohammed Ben Abbes, le candidat de la Fraternité musulmane (22,3 %). 

    Fondée en 2017, « la Fraternité musulmane avait veillé à conserver un positionnement modéré, ne soutenait la cause palestinienne qu’avec modération, et maintenait des relations cordiales avec les autorités religieuses juives. Sur le modèle des partis musulmans à l’œuvre dans les pays arabes, modèle d’ailleurs antérieurement utilisé en France par le Parti communiste, l’action politique proprement dite était relayée par un réseau dense de mouvements de jeunesse, d’établissements culturels et d’associations caritatives (pp. 51 – 52) ».

    Pendant l’entre-deux-tours, Ben Abbes bénéficie du soutien officiel du P.S., de l’U.D.I. et de l’U.M.P. au nom d’un front républicain élargi qui l’emporte de peu. En contrepartie, il nomme François Bayrou à Matignon. Si le nouveau président concède aux vieux partis décatis les ministères économiques et financiers, son mouvement se réserve l’enseignement qui s’islamise ainsi très vite. Largement financée par les pétromonarchies du Golfe, La Sorbonne n’accepte plus qu’un personnel musulman d’origine ou bien converti. Les autres sont mis d’office en retraite avec une forte pension. Nouveau président de La Sorbonne et futur ministre, le Français d’origine belge Robert Rediger, devenu une décennie plus tôt musulman, est un ancien identitaire, auteur d’une thèse sur Guénon lecteur de Nietzsche, ce qui est incongru quand on connaît l’antinomie des deux personnages, met en parallèle la soumission de l’homme à Allah avec la soumission volontaire de la femme envers l’homme développée dans Histoire d’O de Pauline Réage alias Dominique Aury. En adoptant l’islam, Rediger prend surtout acte de l’agonie d’une certaine civilisation européenne.

    Michel Houellebecq se montre vipérin pour François Bayrou et Jean-Marie Le Pen qui sont loin d’être de ses crétins très nombreux à grouiller dans le microcosme politicien. D’ailleurs, si le ralliement des partis du Système à un candidat islamiste contre le F.N. est plausible, la personne adéquate pour personnifier cette collusion ne serait pas l’actuel maire centriste de Pau, mais bien plutôt un autre centriste, l’actuel maire de Drancy, Jean-Christophe Lagarde, par ailleurs président de l’U.D.I., qui s’acoquine déjà avec des minorités ethno-religieuses pour mieux contrôler son territoire. 

    Le troisième sens se veut économique. Conservateur illibéral, Houellebecq imagine que la situation économique de la France s’améliore rapidement sous la présidence de Ben Abbes. Les courbes parallèles de la délinquance et du chômage s’effondrent parce que son gouvernement revalorise l’artisanat et le travail manuel, abaisse l’obligation scolaire à douze ans, augmente massivement les allocations familiales et réduit largement le budget de l’Éducation nationale sinistrée. Conservateur, ce programme s’apparente à bien des égards à celui du F.N. en 2002 quand il proposait le salaire familial afin de permettre « la sortie massive des femmes du marché du travail (p. 199) ». Mohammed Ben Abbes correspondrait à un islamiste de marché (8). Cependant, avec un étonnement certain et probablement conseillé par son ami, l’économiste Bernard Maris, on apprend que le nouveau président islamiste français est aussi « influencé par le distributivisme (p. 201) ». Houellebecq définit cette théorie comme « une philosophie économique apparue en Angleterre au début du XXe siècle sous l’impulsion des penseurs Gilbert Keith Chesterton et Hilaire Belloc. Elle se voulait une “ troisième voie ”, s’écartant aussi bien du capitalisme que du communisme – assimilé à un capitalisme d’État. Son idée de base était la suppression de la séparation entre le capital et le travail. La forme normale de l’économie y était l’entreprise familiale; lorsqu’il devenait nécessaire, pour certaines productions, de se réunir dans des entités plus vastes, tout devait être fait pour que les travailleurs soient actionnaires de leur entreprise, et coresponsables de sa gestion (p. 202) ». Or le distributivisme n’est pas qu’anglais; il doit aussi beaucoup à Jacques Duboin (9). Houellebecq le pense. Sortir du paradigme libéral ne sera que bénéfique.

    La dernière approche procède de la vision géopolitique présidentielle qui entend relancer la « grande politique arabe de la France (p. 158) ». Nullement hostile à l’Union européenne, elle cherche seulement (et ontologiquement) à la réorienter en direction du Sud et du bassin méditerranéen en favorisant l’adhésion du Maroc, de la Turquie, puis des autres États du pourtour. « Son modèle ultime, au fond, c’est l’empereur Auguste; ce n’est pas un modèle médiocre (p. 160). » Ben Abbes estime que « la reconstruction de l’Empire romain était en marche (p. 198) ». Il réaliserait ainsi le vieux dessein des sultans ottomans : prendre Rome après Constantinople ! 

    Par delà les tempêtes médiatiques, Soumission est un roman riche en sens. Michel Houellebecq conçoit avec sérénité l’islamisation de la société hexagonale. Pour lui, « c’est un processus spirituel, un changement de paradigme, un retour du religieux. Donc, je ne crois pas à cette thèse du “ Grand Remplacement ”. Ce n’est pas la composition sociale de la population qui est en question, c’est son système de valeurs et de croyances (10) ». Il observe qu’« un courant d’idée né avec le protestantisme, qui a connu son apogée au siècle des Lumières, et produit la Révolution, est en train de mourir. Tout cela n’aura été qu’une parenthèse dans l’histoire humaine. Aujourd’hui l’athéisme est mort, la laïcité est morte, la République est morte (11) ». Mieux, Houellebecq pense qu’« un compromis est possible entre le catholicisme renaissant et l’islam. Mais pour cela il faut que quelque chose casse. Ce sera la République (12) ».

    Dans l’interrègne en cours fleurissent des valeurs concurrentes. C’est stimulant à la condition expresse que les Européens conscients de cette transition redécouvrent les plus vieilles racines de leur mémoire et retrouvent l’horizon réenchanteur du tragique.

    Georges Feltin-Tracol

    Notes

    1 : Michel Houellebecq, « La République est morte », entretien dans L’Obs, le 8 janvier 2015.

    2 : Décision de la 17e chambre correctionnelle de Paris du 19 mars 2015.

    3 : Bernard Maris, Houellebecq économiste, Flammarion, 2014, p. 23. 

    4 : Idem, p. 49.

    5 : Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires, Flammarion, 1998.

    6 : Bernard Maris, op. cit., p. 49.

    7 : Bernard Maris, « Dernier rempart contre le libéralisme », dans Le Sens du combat, Flammarion, 1996, p. 52.

    8 : cf. Patrick Haenni, L’islam de marché. L’autre révolution conservatrice, Le Seuil, coll. « La République des idées », 2005.

    9 : cf. Jean-Paul Lambert (sous la direction de), Le socialisme distributiste. Jacques Duboin 1878 – 1976, L’Harmattan, 1998.

    10 : Michel Houellebecq, « La République est morte », art. cit.

    11 : Idem. 

    12 : Id.

    • Michel Houellebecq, Soumission, Flammarion, 2015, 300 p., 21 €.

    http://www.europemaxima.com/

  • A Argenteuil, le maire PS finance la construction d'une nouvelle mosquée

    ...en ne faisant pas payer le loyer, d'un montant estimé à 82 000€ à ce jour, du local de substitution prêté par la mairie pendant les travaux de construction d'un nouvelle mosquée. Il y a pourtant déjà plus de 10 mosquées à Argentueil :

    "À Argenteuil, le maire PS sortant Philippe Doucet fait partie de ces élus qui ont une double lecture de la loi de 1905, notamment lorsqu’il s’agit du culte musulman (...) Il existe aussi de nombreux lieux de culte protestants, une synagogue, ainsi que la plus grande mosquée d’Europe, dans le quartier Val d’Argent Nord. Inaugurée le 29 juin 2010 par l’ancien Premier ministre François Fillon, la mosquée Al-Ihsan compte 3 000 m2 aménagés dans un ancien garage Renault. Onze ans de travaux ont été nécessaires à ce bâtiment orné d'une façade mauresque typique coiffée d’un dôme et d’un petit minaret, comme dans les pays arabes (...)

    En tout, plus de dix lieux de culte musulmans ont été référencés sur la ville. À Argenteuil, on estime que près d’un tiers de la population est musulmane [Mais comment le savent-ils ?]. De quoi pousser l’ancien maire PS à lancer le chantier d’une nouvelle mosquée en 2013. Afin de satisfaire les fidèles, il a signé, le 3 octobre 2013, un contrat de location avec le responsable de la future mosquée pour mise à disposition d’un local appartenant à la mairie. Le loyer annuel est de 60 000 euros. Pourtant, à ce jour, pas un centime n’a été perçu par la mairie d’Argenteuil.

    En caméra discrète, Séverine Lebrun a interrogé le futur gérant de la mosquée, dans les locaux gracieusement prêtés par l’ancien maire PS.Celui-ci, un peu pris de court, s’explique sur les 82 000 euros de loyers impayés : "Ce n’est pas une question de loyer. On avait un accord entre nous et eux [la mairie d’Argenteuil, ndlr]. Ils nous prêtent le local jusqu’à la construction de la mosquée." Mais qu’en est-il alors de la convention signée par les deux parties portant sur le montant d’un loyer mensuel ? "On a signé une convention, mais après j’ai dit non, je ne paye rien. Donc il [ndlr, Philippe Doucet] nous a dit : "vous restez jusqu’à nouvel ordre", a affirmé le futur responsable de la mosquée As Salam."

    Philippe Carhon

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Secret des affaires : les lobbies économiques poussent l’Union européenne à la régression

    Au début de l’année, les députés français tentaient vainement, au nom du « secret des affaires », d’étendre la mainmise des entreprises sur toute information les concernant, au détriment des salariés, des journalistes et des lanceurs d’alerte. Le sujet refait aujourd’hui surface au niveau des institutions européennes, à travers un projet de directive concocté en concertation étroite avec le petit monde des lobbies bruxellois, et dont le principe est identique : que le secret soit la règle, et l’accès à l’information l’exception. Au risque de remettre en cause les fondements même de l’Union.

    En début de l’année, la majorité parlementaire socialiste a souhaité consacrer dans le droit français un principe de protection quasi absolue du « secret des affaires ». Ce projet, qui allait jusqu’à prévoir des peines de prison ferme et des centaines de milliers d’euros d’amende pour les contrevenants, a suscité une forte opposition, notamment parmi les journalistes (lire notre article). Selon les critiques, les dispositions envisagées par les députés faisaient en effet peser des risques énormes sur la liberté d’information en matière économique, la protection des sources et des lanceurs d’alerte et les droits des salariés – le tout pour des bénéfices douteux puisque l’arsenal judiciaire existant pour lutter contre la concurrence déloyale ou l’espionnage industriel est déjà bien fourni.

    Devant une telle levée de boucliers, le gouvernement français a fini par reculer. C’était la troisième fois qu’un projet de loi sur le « secret des affaires » était mis à l’ordre du jour du Parlement en France en quelques années, toujours avec aussi peu de succès.

     

    Mais le sujet tient manifestement à cœur à de puissants intérêts économiques. Aujourd’hui, il refait surface au niveau des institutions européennes, à travers un projet de directive sur le secret des affaires présenté par la Commission et examiné en ce moment par le Parlement. La démarche est certes moins ouvertement répressive que ce n’était le cas dans le projet des socialistes français (il n’est plus question de peines de prison…), mais elle est tout aussi dangereuse dans ses implications ultimes. Il s’agit de consacrer l’idée que le secret des affaires doit être la règle, et l’accès à l’information sur la vie des entreprises, de quelque type qu’elle soit, l’exception – une exception chèrement acquise et toujours susceptible d’être remise en cause. Avec pour conséquence de fragiliser tout l’édifice (pourtant imparfait) de normes et de régulations sur lequel s’est construit l’Union européenne, et dont elle tire ce qui lui reste encore de légitimité parmi les citoyens du continent.

    Comment les lobbies font la loi en Europe

    Une enquête conjointe menée par le Corporate Europe Observatory, une ONG basée à Bruxelles, le collectif britannique Bureau of Investigative Journalism et Mediapart [1] lève le voile sur le processus d’élaboration du projet de directive sur le secret des affaires.

    Cette enquête s’appuie sur l’analyse d’une masse considérable de documents et de courriels obtenus – est-ce que cela sera encore possible demain ? – suite à une demande officielle de divulgation auprès de la Commission européenne.

    Elle illustre de manière exemplaire et quasi caricaturale le travail d’influence des lobbies économiques et la manière dont ils parviennent à peser sur la législation européenne. Les protagonistes de cette histoire appartiennent à un petit monde de cabinets d’avocats, d’associations professionnelles et de firmes de relations publiques. Ils ont réussi à créer artificiellement en quelques années le « besoin » de légiférer sur le secret des affaires et à se retrouver étroitement associés à l’élaboration de la directive par la Commission, sans que la société civile soit jamais consultée avant les étapes ultimes.

    Une facilité qui contraste avec les difficultés sans nombre que doivent affronter les eurodéputés ou les associations qui cherchent à faire aboutir à Bruxelles de modestes propositions de réforme ou de régulation des acteurs économiques.

    Bien entendu, derrière ce petit monde, il y a aussi et surtout les intérêts de puissantes multinationales. L’une des forces motrices de cette campagne de lobbying est une organisation très discrète (elle n’a pas même de site internet) appelée Trade Secrets and Innovation Coalition(« Coalition pour le secret des affaires et l’innovation »). Grâce aux documents divulgués par la Commission, on sait que ses membres incluent un petit groupe de multinationales parmi lesquelles Alstom, Michelin, Solvay, Safran, Nestlé, DuPont, GE et Intel. « Tout apparaît essentiellement être en fait une affaire franco-américaine, remarque Martine Orange dans ses articles pour Mediapart. Tous les autres pays paraissent beaucoup plus en retrait. » Autre acteur clé : le Conseil européen des industries chimiques (Cefic), le plus important lobby bruxellois, dont le président n’est autre que le Français Jean-Pierre Clamadieu, PDG de Solvay (groupe franco-belge qui a absorbé Rhodia), et qui compte dans son conseil d’administration des représentants de Total et d’Arkema ainsi que des grands groupes chimiques allemands et américains.

    L’information devenue propriété exclusive

    Initialement, il ne s’agissait que d’harmoniser les législations européennes existantes. La plupart des pays – dont la France – disposent en effet déjà de moyens juridiques pour lutter contre l’espionnage industriel, dans le cadre du droit relatif à la concurrence déloyale. Ce qui a l’avantage de restreindre d’emblée les poursuites au cercle des concurrents commerciaux d’une entreprise. Le coup de force des lobbies est d’avoir réussi à convaincre la Commission du besoin de faire passer la protection du secret des affaires sous un régime juridique comparable à celui de la propriété intellectuelle [2]. De sorte que n’importe qui – salarié, syndicaliste, militant associatif, chercheur, journaliste, lanceur d’alerte… – pourrait désormais être mis en cause dès lors qu’il aura révélé ou pris connaissance d’une information que l’entreprise concernée jugera détenir une valeur commerciale.

    L’aspect à bien des égards le plus inquiétant du projet de directive européenne actuellement discuté au Parlement est justement qu’il ne comprend pas de véritable définition du secret des affaires. C’est ce qui lui permet de couvrir d’emblée toute information, de quelque nature qu’elle soit et sans limitation a priori. « Le secret des affaires apparaît comme l’outil parfait pour la protection de la propriété intellectuelle parce qu’il n’existe pas de limitation générale pour les sujets concernés », résume l’un des avocats chargé d’accompagner le travail de la Commission. Une liste suggérée par le Cefic illustre l’étendue des informations potentiellement concernées : « les plans et les stratégies de recherche et développement ; les rapports et analyses, les comptes rendus de recherche ; les pilotes et les plans commerciaux ; les données opérationnelles, les concepts et les projets des nouveaux produits, le design d’un produit ou d’un procédé, la formulation ou la composition d’un produit ; les méthodes de production et l’application des savoir-faire ; les dessins de production et de procédés ; les analyses méthodologiques ; les méthodes d’analyses pour les impuretés, l’outil industriel, le degré de pureté et l’identité des impuretés et des additifs, les plans stratégiques, les plans d’affaires, les outils informatiques, les logiciels, les données sur les vendeurs, les distributeurs, les clients, les informations sur les ventes ».

    Les premières victimes de cette volonté d’accaparement sont les salariés eux-mêmes, dont le travail, l’expérience, les réseaux et le savoir-faire sont réduits au statut de « supports » d’informations commerciales exclusives appartenant à leur employeur.

    La réglementation européenne attaquée dans son fondement

    Le projet de directive ne discute pas non plus explicitement les limites à apporter au secret des affaires et la manière d’arbitrer entre ses exigences et les libertés fondamentales des citoyens européens, le droit à la mobilité des salariés, ou les besoins de transparence et de régulation. Ce sont dès lors des pans entiers de la législation européenne, dans des domaines comme la santé, la sécurité alimentaire, l’environnement et la protection des consommateurs, qui se trouvent menacés. Même les contrats de marchés publics – qui touchent pourtant à l’argent des contribuables – seraient eux aussi couverts [3] ! Tout serait décidé au cas par cas, au sein des institutions européennes ou devant les tribunaux. Dans les documents soumis à la Commission, le Cefic ne cache pas son désir de voir ainsi réduits au maximum ses obligations de divulgations lors du dépôt de demandes d’autorisation auprès des agences de l’Union.

    Demain, les informations relatives aux impacts environnementaux ou sanitaires d’un médicament, d’un aliment ou d’une substance chimiques commercialisés par une multinationale pourraient-ils se retrouver soustraits au regard du public, des chercheurs et de la société civile, en raison de leur valeur commerciale ?

    Le droit à l’information économique et la protection des lanceurs d’alerte sont déjà précaires, particulièrement en France ; ils pourraient se trouver encore considérablement affaiblis. L’ampleur des conséquences potentielles du projet de directive explique que celui-ci ait fini par susciter, en réponse, une mobilisation inédite associant syndicats, écologistes, défenseurs de la liberté d’expression et des lanceurs d’alerte, militants de la santé, de l’alimentation et de la consommation. Un appel conjoint circule depuis décembre, désormais assorti d’une pétition en ligne à l’adresse stoptradesecrets.eu.

    Cette mobilisation commence à porter ses fruits puisque, malgré le lobbying ininterrompu des entreprises, les eurodéputés ont introduit en commission plusieurs amendements qui restreignent fortement la portée de la directive. La transparence des informations sanitaires et environnementales pourrait en sortir sauvegardée, la protection des lanceurs d’alerte préservée, et les possibilités de poursuites judiciaires fortement limitées. Ces amendements doivent cependant encore être formellement adoptés (le vote final du Parlement devrait intervenir cet automne), et de nombreux observateurs se demandent si ce projet de directive est véritablement « réformable » et si ce n’est pas son principe même – l’affirmation du secret des affaires comme catégorie passe-partout opposable à toute obligation de transparence – qui doit être refusé, sauf à s’exposer à de graves menaces futures.

    Retournement historique

    La présence des intérêts américains au cœur du processus d’élaboration de la directive montre en effet que l’affaire va en réalité bien au-delà de la défense de la « compétitivité » et de l’« innovation » européenne face à l’espionnage industriel. Elle est indissociable des négociations en cours en vue d’un accord de commerce et d’investissement entre Europe et États-Unis (connu par les acronymes TAFTA ou TTIP) [4].

    L’objectif explicite des industriels est que le secret des affaires, s’il est adopté en Europe, soit intégré au TAFTA, et ainsi encore renforcé grâce à la possibilité de recourir à des tribunaux d’arbitrage privés pour protéger leurs intérêts.

    À rebours de l’image d’Épinal qui voit dans le « grand marché transatlantique » une invasion de l’Europe par les multinationales américaines, ce à quoi on assiste est plutôt une offensive concertée des grands groupes européens et américains pour remettre en cause les principes même sur lesquels se sont construits plusieurs décennies de régulations sociales, environnementales ou sanitaires. En s’alignant sur les intérêts des grands groupes, la Commission et les gouvernements du continent prennent le risque de laisser s’éroder les valeurs fondamentales de la construction européenne, à savoir la primauté des droits fondamentaux, les normes de transparence et la régulation environnementale et sanitaire.

    Un « retournement historique » auquel contribue aussi, par exemple, le programme d’« optimisation » des régulations européennes que doit bientôt annoncer la Commission. Selon des fuites récentes, celui-ci pourrait inclure la mise en place d’un comité de six membres, dont trois « extérieurs aux institutions européennes » (comprendre : issus des milieux économiques), chargé de vérifier que les nouvelles régulations ne représentent pas une charge démesurée pour les entreprises, et doté d’un droit de veto [5]…

    Dans tous ces cas, l’objectif ultime paraît aller bien au-delà de la remise en cause de telle ou telle régulation. L’enjeu est plus fondamental : il s’agit de donner aux intérêts économiques une légitimité juridique équivalente ou supérieure à celles des droits fondamentaux et des pouvoirs publics. Quant à la reconnaissance du travail, elle a totalement disparu de l’horizon.

    À travers le secret des affaires, les tribunaux d’arbitrage privés ou encore l’obtention d’un droit de regard sur toute nouvelle régulation, les multinationales cherchent somme toute à se doter d’une quasi souveraineté. Si l’on pousse à bout cette logique, cela s’appelle un coup d’État. On ne peut que s’affliger de voir la Commission européenne, comme avant elle les socialistes français, y prêter aussi allégrement la main.

    Notes :

    [1] Lire ici et  les articles de Mediapart (abonnement), ici le rapport du Corporate Europe Observatory et  l’article du Bureau of Investigative Journalism (tous deux en anglais).

    [2] Ce qu’ils ont réussi à faire en s’appuyant sur un nombre extrêmement réduit d’exemples, comme cela avait été le cas pour le projet de loi français au début de l’année, ainsi que le note encore Martine Orange :« Plus surprenant encore : alors que la violation du secret des affaires est censée être une menace grandissante pour les entreprises, que les méfaits se multiplieraient de façon exponentielle, ce sont les mêmes cas – quatre au total – qui sont cités de colloques en réunions, de documents préparatoires en communiqués officiels, entre 2011 et 2014. Des cas qui sont d’ailleurs déjà couverts par les législations existantes sur le vol, l’espionnage industriel ou la protection de la propriété intellectuelle. (…) Ainsi, la directive européenne sur le secret des affaires s’est construite à partir de cinq noms de groupes : DuPont de Nemours, Alstom, Michelin, Air Liquide, Intel, et d’une entreprise innovante AMSC. » De manière similaire, le Bureau of Investigative Journalism indique avoir demandé au Cefic de lui citer un seul exemple de vol d’informations commerciales sensibles dans le cadre d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché d’un produit, ce que le Cefic n’a pas été en mesure de faire.

    [3] On rappellera au demeurant que c’est déjà le cas en France en ce qui concerne les contrats dits de « partenariats public-privé » (PPP). L’État français a par exemple accepté de verser presque une milliard d’euros de compensation au consortium Ecomouv suite à l’abandon de l’écotaxe, sans que le contrat ait jamais été rendu public…

    [4] Un effort similaire de lobbying en vue du renforcement du secret des affaires est d’ailleurs en cours aux États-Unis, avec pour parties les mêmes acteurs.