Au soir de ce premier mai, commençons par une bonne nouvelle. L'apocalypse, promise par les uns, redoutée par les autres, ne s'est pas réalisée. Paris n'a pas été transformé en capitale de l'émeute. Progrès de la technique policière : le rassemblement de groupes destructeurs de 300 à 400 activistes, objectif et instrument central de la tactique insurrectionnelle appelée black bloc[1], ont été rendus très difficiles sinon impossibles.
Qu'on pardonne au rédacteur de cette chronique : il ne partage en rien la haine antiflic. Celle-ci ne concerne, d'ailleurs, qu'une minorité de Français. Ce courant anti-répressif, hélas bien réel, se retrouve majoritaire, en revanche, dans les commentaires biaisés des médias et dans les préciosités de la magistrature syndiquée, comme de tous ceux qui s'emploient à censurer, d'une manière ou d'une autre, le droit de la société à son autodéfense.
Très en verve dans sa campagne électorale, la présidente du RN met en cause le chef de l'État. Son discours, d'une évidente démagogie, joue, certes, sur du velours. Concédons-lui, en effet, ce que suggèrent les images de désordre montrées par les gros médias. Elles interpellent les citoyens et les contribuables, aux yeux desquels le maintien de l'ordre public, l'intégrité des personnes et des biens, demeure la mission régalienne prioritaire.
On doit à cet égard regretter que le conseil constitutionnel soit venu le 4 avril au secours de la voyoucratie en censurant l'article 3 de la loi faussement appelée anticasseurs[2].
Ce texte, venant du Sénat, avait été adopté à l'Assemblée nationale par 387 voix pour et 92 contre. Mais le petit aréopage des privilégiés de la république, surnommés très abusivement Sages, s'est érigé, au fil des ans, censeur incontrôlé des lois, allant ainsi à l'encontre de ce que rappelait le fondateur de la Cinquième : en France, la cour suprême s'appelle le peuple.
Certes, dans tous les bons coups, on retrouve immanquablement un Éric Coquerel, cette haute figure de la France insoumise. "C’est une vraie satisfaction, a-t-il commenté, d’avoir fait sauter, grâce à notre recours, le pire article de la loi anti-manifestation."
Les méthodes des forces de l'ordre n'échapperont donc jamais à la critique vigilante des bons esprits.
Certains se demanderont peut-être pourquoi on protège, comme un sacro-saint droit, le fait de défiler dans les rues, confondu abusivement avec le droit de manifester ses opinions, par la parole ou par l'écrit ? En réalité, il s'agit de permettre à la gauche, et aux autres forces jugées politiquement correctes, dont la "manif" reste une sorte de fonds de commerce héréditaire, d'exercer un monopole des menaces de pression physique en dernier recours.
Tant que la droite s'inclinera devant ce genre de diktats elle se placera elle-même en position de faiblesse. Toute ma vie j'ai pu observer cette lâcheté.
Le camarade Martinez chef de la CGT ne manque pas d'air, quant à lui. Il prétend avoir organisé, sur tout l'Hexagone, 225 défilés. Ce vieil apparatchik monte en épingle un reliquat qui ne lui appartient même plus. On retiendra la présence de plus de 160 000 manifestants, chiffrage officiel, estimé pour Paris 28 000 – contre 40 000 évalués par le cabinet Occurrence, probablement plus crédible.
Martinez s'insurge, verbalement bien sûr, contre les policiers. Il leur reproche d'avoir profané sa manif à lui, en osant charger ses valeureux compagnons cégétistes. Lui-même avait refusé que son propre service d'ordre joue son rôle dans la nécessaire discrimination entre manifestants pacifiques et émeutiers violents.
Faut-il rappeler que ces derniers, non seulement se situent sur le terrain de la délinquance ; mais bien plus, qu'ils soient comptabilisés désormais, comme black blocs ou doctement comme "ultrajaunes", ils discréditent totalement les mouvements qu'ils parasitent.
Cette perte du moindre sens de leur responsabilité, par des syndicalistes, qu'ils soient eux-mêmes affiliés à la CGT, à SUD ou à la FSU ne remonte pas à ce printemps 2019. Elle entraîne arithmétiquement, depuis des années, la chute régulière de leur audience dans les élections aux comités d'entreprise.
Le glissement remonte peut-être à 1997, année où il se mesura aussi dans les urnes politiques. À cette époque, datant de bientôt un quart de siècle, des élections législatives calamiteuses avaient été provoquées par le désastreux Juppé conseillé par le prétentieux Villepin[3]. Or, pour la première fois, les études sociologiques sorties des urnes démontrèrent un déphasage complet entre la composition de l'électorat et la doxa marxiste. La gauche avait cessé de pouvoir accaparer le droit de parler au nom de la majorité du monde ouvrier et de la jeunesse française, qui la rejettent.
Le nom originel de la fête printanière du Premier mai remonte à un ancien dirigeant, vigoureusement anticommuniste, de la CGT. René Belin, bras droit de Léon Jouhaux, dirigeait la vieille centrale à ses côtés avant-guerre, quand les communistes s'en étaient séparés. Ministre du Travail, il en avait fait une fête légale et nationale, chômée et payée, en l'honneur du Travail et de la Concorde sociale. Un beau programme, je trouve. On peut regretter qu'il remonte à 1941, mais pas fâché de le voir renaître, avec les brins de muguet.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] Rappelons ici que cette appellation est détournée de sa réalité par ceux qui croient possible de dissoudre ce qui n'est pas une organisation mais un modus operandi.
[2] Professeure de droit, Roseline Letteron soulignait en février, dans une tribune publiée par Le Monde, que ce surnom de "loi anticasseurs", faisant référence à un texte de 1970 aujourd'hui abrogé, tend à la discréditer.
[3] En souvenir de l'incendie de Rome, Bernadette Chirac surnommait "Néron" ce personnage aussi vaniteux que stupide.
https://www.insolent.fr/