Dire que les élections municipales de 2020 sonnent le glas de la démocratie peut paraître peu démocratique. Pour qu’il y ait une démocratie, il faut qu’il y ait un démos, un peuple avec une volonté générale qui l’anime et qui se traduit par les mouvements d’amplitude différente et d’orientations opposées qui marquent les scrutins. Certes les élections municipales sont des élections locales, mais on sait très bien que, de plus en plus, les électeurs sont déterminés par des considérations nationales qui justifient de grands basculements à leur occasion, et cela en proportion de la taille de la ville. Les vagues nationales sont imperceptibles dans les petites communes et peuvent être des raz-de-marée dans les très grandes. C’est ainsi que les Républicains avaient conquis un certain nombre de villes sur la gauche en 2014 en raison du rejet de Hollande. Le Rassemblement National avait aussi réussi à s’implanter dans quelques communes. Toutefois, les luttes internes de la « droite » et l’implosion socialiste avaient provoqué un éloignement de la politique chez beaucoup de Français : l’abstention avait atteint 36,5% en 2014, contre 33,5% en 2008. En 1983, elle n’était que de 21,6%. Ce scrutin de proximité connaissait habituellement des records de participation. L’effritement de celle-ci est un signe du délitement de la nation française, de notre démos en voie d’archipelisation. 2020 a accéléré le processus dans le contexte du COVID-19 et de la crainte d’être infecté. 56 % des électeurs au premier tour, 60% au second ont déserté les bureaux de vote. A Moissac, ville du Tarn-et-Garonne de 13 000 habitants où le RN l’emporte, 42,21 % d’abstentions, 55,10% à Paris Ve, 67,48 % à Saint-Denis, et 77,25 % à Roubaix. L’enjeu politique d’une part, la composition sociologique de la commune, d’autre part, avec ses tranches d’âge, sa proportion d’immigrés peu intégrés, expliquent ces différences qui dessinent une France éclatée. Dans l’ensemble, beaucoup de maires ont été reconduits après une campagne altérée par le confinement et dans l’indifférence d’un grand nombre d’administrés. Quelques pertes ici compensées par quelques victoires là, Metz à droite, et Nancy à gauche : rien d’inhabituel. En revanche, les événements les plus significatifs se situent dans les plus grandes villes avec le grossissement médiatique que cela entraîne alors que le petit nombre de votants, et la déformation du corps électoral que cela induit, devraient relativiser cette impression.
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