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  • 2003-2013 : les dures leçons de la guerre d’Irak

     

    Par Jean-Dominique Merchet pour RIA Novosti

     L’Irak d’aujourd’hui ressemble-t-il à l’Allemagne de 1955 ? Dix ans après la guerre américaine contre l’Irak, déclenchée le 20 mars 2003, cette question semble insensée. Et pourtant ! C’était bien là le projet officiellement affiché par les cercles néoconservateurs de Washington.

    Comme après la seconde guerre mondiale, ils voulaient imposer la démocratie, la paix et le développement par la force, une sorte de « wilsonisme botté », en référence au président Woodrow Wilson (1913-21).

    Leur projet a sombré corps et âmes, au royaume tragique des plans démiurgiques. Comparons avec l’Allemagne : dix ans après l’invasion alliée en 1945, la République fédérale était un Etat démocratique et libéral, dont l’économie était entrée dans une longue phase d’expansion et qui, se réconciliant avec ses voisins, posait les bases d’une union avec eux. Un immense succès – que l’on vit se reproduire au Japon.

    Le contraste avec l’Irak d’après Saddam Hussein est terrible. Force est de constater que ce qu’on appela le « camp de la paix » (France, Allemagne et Russie), l’axe Chirac-Schroeder-Poutine, avait alors raison de crier casse-cou !

    L’armée américaine a quitté l’Irak en 2011 : elle y a perdu 4486 des siens (plus 318 morts d’autres nationalités, essentiellement britanniques), sans compter les milliers de blessés, physiquement ou psychologiquement. 4.486 morts américains, des dizaines de milliers de vies brisées, pour quoi ?

    Cette guerre a couté au minimum 770 milliards de dollars, selon les chiffres du Pentagone. Des économistes avancent des chiffres encore plus considérables. Tant d’argent dépenser pour quel résultat ?

  • USA-Russie, de pire en pire, – et “démocratiquement”…

    Ex: http://www.dedefensa.org/

    Le 4 juillet 2009, nous citions longuement le professeur Stephen F. Cohen, de l’université de New York, sans aucun doute l’un des meilleurs spécialistes aux USA des relations entre son pays et la Russie. A cette époque (dans le texte cité), Cohen était très nettement pessimiste à propos de ces relations, mettant tous ses espoirs dans le comportement d’un Obama, selon la fameuse hypothèse de ce président devenant une sorte d’“American Gorbatchev”… («Cohen situe la seule chance d’un déblocage des relations USA-Russie dans le seul Obama, en l'appréciant comme un éventuel “hérétique” du système et en le comparant, bien entendu, à Gorbatchev. D’une façon très significative, et délibérée certes, il en appelle à une “nouvelle pensée” à Washington vis-à-vis de la Russie, en une référence évidente à l’expression employée par Gorbatchev durant la période des réformes en URSS.») Quatre plus tard ou presque, l’orientation des choses n’a certes pas changé et les choses ont très certainement empiré ; notamment, et bien qu’on l’ait longtemps attendu et espéré comme pour Godot, l’“American Gorbatchev” n’est pas venu.

    Cohen estime que les relations entre les deux pays sont au plus bas depuis la fin de l’URSS, notamment après l’échange entre les deux parlements du vote de deux lois dirigées contre des citoyens des deux autres pays respectifs, selon des circonstances particulières. («The reality is that the partnership we need between Washington and Moscow to make the world safer for all of us has not existed since the Soviet Union ended. And we may be farther from it today as a result partially of this orphan act than we have been in 20 years.»)

    (Les déclarations de Cohen sont recueillies par Russia Today, le 29 décembre 2012. La station de TV russe fait des efforts considérables au niveau du travail d’investigation de toutes les facettes de la crise du Système (crise américaniste), comme on peut le voir avec cette interview suivant celle d’ Oliver Stone et de Peter Kuznik, du 29 décembre 2012.)

    En plus de situer l’actuel niveau des relations USA-Russie au plus bas, Cohen n’hésite pas à faire porter l’essentiel de la responsabilité de cette situation au côté US. C’est un point important, qui prolonge son analyse déjà citée, et qu’il avance même avec une certaine brutalité pour caractériser la période où l’on assista à une tentative de “relance”, ou reset, des relations. («When Obama and then President Medvedev entered into the reset, Moscow wanted certain things from Washington and Washington wanted certain things from Moscow. Without going into the detail Washington got everything from Moscow it wanted and Moscow got nothing.») Il s’ensuit sans véritable surprise que les relations sont effectivement, et jugées d’un point de vue objectif et sans mettre en cause la bonne volonté des deux présidents, absolument exécrables.

    Russia Today: «After the US Senate passed the controversial [Magnitsky] bill, Russia accused Washington of engaging in ‘Cold War tactics’. Now that Moscow has retaliated, how would you describe the two countries' relations?»

    Stephen Cohen: «Increasingly we are plunging into a new Cold War. But it’s not a surprise. The story of the orphans doesn’t begin with the Magnitsky Bill. Number of us in the United States have been warning since the 1990s – nearly 20 years – that unless Washington changed its policy, its kind of winner-take-all policy after the Cold War policy toward Moscow, that we would drift toward Cold War, not toward the partnership we all hoped for 20 years ago. […]

    »A real honest, analytical approach by an American patriot – as I am – is that Washington bears a large part of responsibly because of the policies it pursued toward Moscow. And what we saw in the Russian Duma and in the Russian Higher House – the Federal Assembly – when virtually every deputy voted in favor of the ban on American adoption, which was just signed by Putin, is an outburst of pent-up of anti-American feeling in Moscow which has been caused not only, but in large measure by American policy.»

    Il est intéressant d’apprendre que les spécialistes US de la Russie, y compris Cohen, ne s’attendaient pas à cette riposte (la loi sur les orphelins russes) de la Russie, après la loi votée par le Congrès. Ils s’attendaient à des mesures plus politiques et plus actives, prises par l’exécutif. Il s’agit là, on le remarquera, d’un réflexe de la Guerre froide (dont même Cohen est victime), où, face à la “démocratique” Amérique, l’URSS disposait d’un régime strict, où les assemblées n’avaient aucun rôle et ne représentaient rien, simples chambres d’enregistrement (quand on les consultait, ce qui était extrêmement rare), ce qui laissait toutes les décisions politiques (surtout politique extérieur) à la seule direction politique. On doit sans aucun doute désigner ce phénomène comme le point essentiel du tournant actuellement pris par les relations entre les USA et la Russie, et un tournant qui devrait satisfaire ceux qui réclament la “démocratisation” de la Russie, – qu'ils obtiendront, c'est absolument assuré, au prix d'un durcissement anti-bloc BAO de la Russie … Bien entendu, et avec juste raison, Cohen ne croit pas du tout au caractère accessoire, par rapport à d'éventuelles mesures plus politiques, de la mesure prise par les Russes à l'initiative de la seule Douma, et se trouve plutôt inquiet à cet égard ; il juge justement qu’il s’agit d’un enchaînement extrêmement inquiétant, entre deux Parlements qui seront évidemment très difficiles à convaincre et à regrouper, et qui auront absolument tendance à la surenchère et au patriotisme sans concession.

    Russia Today: «How much is this dispute actually just political saber-rattling and how will it actually impact the children?»

    Stephen Cohen: «There is an old Russian saying – “Words are also deeds.” A lot of people in Moscow and in Washington- when they passed the Magnitsky Act and now the ban on adoption in Moscow – may have though that they were just talking, showing off, playing grandstanding. But these words have consequences. They have backed, they have fueled this new Cold War atmosphere which is enveloping the relationship between our two countries. Each going to affect American relations with Russia regarding Afghanistan, regarding missile defense, regarding Syria, regarding Iran – these are very serious matters. The angrier people get, the more resentment people have on both sides, the worse is the situation.»

    »For example, anti-Putin feeling in America is irrational, completely irrational. There has been a kind of demonization of Putin in America. Some of us tried to counter it by beginning a rational discourse about Putin as a leader. We are not pro-Putin, we just see him as a national leader who needs to be understood. But these events – the Magnitsky and the orphan act are going to make it impossible to have a discourse in America about Putin’s leadership in a way that would lead to any cooperation between Obama and Putin.»

    Russia Today: «With the US and Russia exchanging tit-for-tat actions, what possible further moves can we expect?»

    Stephen Cohen: «There was some surprise in America because our legislature does not think about the consequences of what it does. Many people thought that the Russian reaction to the Magnitsky Bill would be for Moscow to start selling its dollars, for example, and try to harm the American economy or perhaps that Moscow would reduce its cooperation with the United States in supplying NATO troops fighting in Afghanistan. So many people were surprised that the orphan issue became the retaliation.

    »But there are two issues here that are interesting: In the beginning President Putin did not seem to favor the ban on American adoptions, but he signed the bill after it turned out that almost every member of this parliament favored it. It is also said that President Obama did not favor the Magnitsky Bill, but he signed it when it turned out that almost every member of Congress favored it. So it may be that we are exaggerating the power both of Putin and Obama.»

    On retiendra deux champs généraux de remarques des déclarations de Cohen. Cela permet de mieux situer les éléments fondamentaux du débat, et d’envisager l’orientation que ce débat, que cet affrontement peut prendre.

    • Cohen confirme le caractère irrationnel, complètement hors de tout contrôle de la raison, de l’attitude anti-russe, et surtout anti-Poutine du Congrès. C’est une de ces attitudes du Congrès (comme, par exemple, celles qui concernent Israël) qui est absolument incontrôlable et qui conduit à des législations catastrophiques par leurs effets. Ces effets ne sont aucunement envisagés par les législateurs, qui ne répondent dans ce cas, pour l’essentiel, qu’à leurs pulsions. (En effet, nous rejetons la thèse du rôle majeur sinon exclusif des lobbies. Les lobbies ont bien sûr leur rôle rationnel de pourvoyeur d’argent et de pression, mais ce rôle n’est nullement exclusif de comportements psychologiques personnels ou collectifs des parlementaires relevant de la pulsion en général paranoïaques et paroxystiques, que les lobbies justement alimentent indirectement et sans le chercher précisément (ils ne travaillent pas, eux, dans la finesse psychologique). Il s’agit alors, pour les parlementaires, pour dissimuler à leurs propres yeux le rôle vénal des lobbies ou au moins de le réduire, de donner à leur propre comportement une apparence d’engagement personnel répondant à une situation politique donnée. Bien entendu, ces “situations politiques données” étant en général du type paranoïaque et hystérique, la psychologie est à mesure ; du point de vue des relations avec la Russie, ex-URSS, les législateurs US ont été gâtés pour cette sorte de manœuvres et d’attitudes depuis les débuts de la guerre froide, avec les diverses campagnes paroxystiques, le Maccarthysme, la terreur d’une attaque nucléaire unilatérale soviétique, la subversion communiste, etc.) Bien entendu, l’intérêt de la remarque de Cohen est dans ceci qu’il admet implicitement que la Douma elle-même, réagissant face au Congrès, pourrait à son tour, et cette fois sans l’aide de lobbies mais simplement très fortement aiguillonnée par le comportement du Congrès et par son propre sentiment patriotique, adopter le même comportement que ce Congrès.

    • Cohen confirme l’importance du Congrès (par rapport à Obama) mais aussi nous fait découvrir, ou confirmer, celle de la Douma par rapport à Poutine. Ce dernier point n’a en effet sans doute pas assez été mis en évidence, notamment parce qu’on a l’habitude de céder aux clichés sur un “régime dictatorial” au Kremlin . Ce n’est pas le cas. La Douma a un poids de plus en plus important et un poids qu’elle entend manifester de façon autonome, comme cela se fait dans les grandes démocraties majeures où le système législatif a une place de choix. A cet égard, elle fonctionne effectivement comme le Congrès et les deux systèmes tendant à se rejoindre, d’une façon étonnamment paradoxale pour ceux qui opposent les USA et la Russie comme on oppose l’archétype de la démocratie à celui de la dictature. (Ajoutons, comme cerise sur le gâteau qu'au niveau des pratiques électorales, on sait que les USA sont beaucoup plus suspects et beaucoup plus corrompus que la Russie.)

    Ces divers points ont un probable effet politique. (Cet effet politique n’est pas nécessairement général mais concerne certainement les relations USA-Russie, domaine où la Douma s’est effectivement impliquée fortement et où le Congrès a l’attitude qu’on voit). Nous allons vers de plus en plus d’intransigeance de deux côtés, notamment parce que les matières impliquées sont extraordinairement émotionnelles (des Pussy Riot aux OGN russes subventionnées par les USA, nous sommes à l’heure du triomphe du système de la communication) ; notamment parce que le pouvoir est fragmenté et que les Parlements jouent un rôle grandissant (cas russe, surtout, comme nouveauté) ; notamment parce que le système de la communication qui est si puissant aujourd’hui joue un rôle fondamental dans ces occurrences-là de fonctionnement et d’affirmation de pouvoir. La situation des rapports des deux puissances risque donc de devenir encore plus délicate, encore plus fragile et vulnérable qu’elle n’était au temps de la Guerre froide. C’est bien entendu notre analyse.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Pierre-Joseph Proudhon Un socialiste politiquement très incorrect...

    Que serait une pensée politique rivée aux seuls échos d'une actualité tonitruante ? Il faut chercher plus loin et voir plus haut que les brutales assertions des manipulateurs de la pensée unique. A l'heure où la démocratie humanitaire se prétend la seule référence morale, unanimement valable pour le monde entier, il n'est certes pas mauvais de mettre son nez dans les ouvrages de quelques penseurs, dont on saura apprécier la différence. Proudhon ne fut pas seulement un militant et un écrivain, ce fut aussi, à sa manière, une sorte de prophète. La chute de l'Union soviétique ne nous à certes pas débarrassé du marxisme, auquel croient encore tant d'intellectuels occidentaux, alors que le rêve confus des Russes devient de mélanger socialisme, nationalisme et panslavisme. Plus que jamais, il importe de connaître celui qui fut le grand rival de Karl Marx et dont la vision n'est pas aussi démodée que voudraient le faire croire ses adversaires libéraux et communistes depuis plus d'un siècle. Dans un monde dominé par un étatisme d'autant plus centralisé et redoutable qu'il devient universel, les idées de Proudhon peuvent surprendre, mais on ne peut ignorer le sens à la fois révolutionnaire et conservateur qu'il donne à un "fédéralisme" qui n'est certes pas une utopie, mais peut-être une véritable vision à la mesure des défis gigantesques que nous connaissons aujourd'hui.
    Si le terme même d'enracinement recouvre de solides réalités, le cas de Jean-Joseph Proudhon, reste exemplaire. Il le précisera lui-même : « Je suis né à Besançon, le 15 janvier 1809, de Claude-François Proudhon, tonnelier, brasseur, natif de Chasnans, près de Pontarlier, département du Doubs, et de Catherine Simonin, de Cordiron, paroisse et Burgille-les-Marnay, même département. Mes ancêtres de père et de mère furent tous laboureurs francs, exempts de corvées et de main-mortes, depuis un temps immémorial ».
    D'une famille trop pauvre pour poursuivre des études, cet enfant particulièrement doué renonce à l'Université pour devenir ouvrier typographe. De retour de son "Tour de France" traditionnel, il fonde une imprimerie avec deux de ses compagnons.
    Après avoir publié des brochures jugées révolutionnaires, il sera élu député en 1848.
    Sous le Second Empire, il connaît la prison et l'exil, mais ne renonce jamais à des idées qui lui vaudront une tenace pauvreté et une grande solitude.
    Ce n'est certes pas lui qui sera un profiteur de n'importe quel système politique et son socialisme ne sera jamais alimentaire :
    « Créer de la richesse, faire de l'argent, s'enrichir, s'entourer de luxe, est devenu partout une maxime de morale et de gouvernement. On est allé jusqu'à prétendre que le moyen de rendre les hommes vertueux, de faire cesser le vice et le crime, était de répandre partout le confort, de créer une richesse triple ou quadruple : à qui spécule sur le papier, les millions ne coûtent rien ».
    Aussi son jugement sur la société de son temps - lui qui a connu la monarchie, la république et l'empire - est impitoyable : « On a remarqué que les plus fougueux démocrates sont d'ordinaire les plus prompts à s'accommoder du despotisme, et réciproquement que les courtisans du pouvoir absolu deviennent dans le même cas les plus enragés démagogues ».
    Son action n'est pas tant celle d'un conspirateur, comme Blanqui, mais d'un doctrinaire. Certes, ses idées ne sont pas exemptes de contradictions, mais n'en sont que plus vivantes et plus libres.
    Contre le totalitarisme, contre la centralisation, contre l'impérialisme, il recherche un équilibre dynamique entre le spiritualisme et le matérialisme, entre la liberté et l'autorité, entre le rêve et l'action, entre le droit et la justice, entre la révolution et la tradition.
    Il n'y a pas finalement de "doctrine" proudhonienne, mais une manière proudhonienne d'aborder la vie des hommes et des peuples.
    Toute sa trop courte existence - il mourra à Paris le 19 janvier 1865, à cinquante-six ans, après une vie militante et familiale exemplaire - il s'affirme à contre-courant de toutes les idéologies et de toutes les illusions dominantes. Un de ses disciples du XXe siècle, le trop méconnu Alexandre Marc, dira de lui qu'il fut grand frondeur devant l'Eternel scissionnaire opiniâtre, "non-conformiste" farouche.
    Aussi est-il difficile, à plus d'un siècle de distance ; de le situer facilement par rapport à une "gauche" et à une "droite", qu'il avait tendance à récuser, mais aussi parfois à con joindre, Libre-penseur dans tous les sens du terme, il s'est voulu finalement une sorte d'aventurier de la pensée, un défricheur et un éveilleur.
    Celui qui devait si bien le comprendre et le poursuivre, le grand Péguy, allait, mieux que tout autre, définir le rôle de tels "prophètes" : « Une grande philosophie n'est pas celle qui prononce des jugements définitifs, qui installe une vérité définitive. C'est celle qui introduit une inquiétude qui ouvre un ébranlement ».
    Ainsi l'œuvre de Proudhon est, plus qu'un jugement sur la société de son temps, une incitation à agir. En ce sens, ce doctrinaire du travaillisme français est le maître du vieux Sorel et des socialistes prolétariens, qui devaient tant se heurter aux socialistes parlementaires au début de notre siècle. Il a parfaitement précisé le sens de son "enseignement" : « Faire penser son lecteur, voilà, selon moi, ce qui dénote l'écrivain consciencieux ».
    La démarche politique et morale de toute sa vie va le conduire de l'anarchie, qu'il professait vers 1840, à l'idée de "fédération", qui sera son grand apport à une nouvelle vision de monde.
    Partisan résolu de toutes les diversités - on dirait aujourd'hui : de toutes les identités - il refuse l'uniformité, le nivellement, l'indifférencié. Les familles, les communes, les provinces, les Etats, doivent s'unir ; se "fédérer", mais non disparaître. Il l'affirme sans ambages : « Le système fédératif est à l'opposé de la hiérarchie ou centralisation administrative et gouvernementale par laquelle le distinguent, ex aequo, les démocraties impériales, les monarchies constitutionnelles et les Républiques unitaires ».
    On imagine aujourd'hui quel type d'Europe il aurait souhaité et quelle caricature il en aurait refusée.
    Certains de ses propos tomberaient sans doute de nos jours sous le coup de la loi. Ceux-ci par exemple : « Qu'importe aux étrangers le despotisme gouvernemental. Ils ne sont pas du pays ; il n 'y entrent que pour l'exploiter, aussi le gouvernement a intérêt à favoriser les étrangers dont la race chasse insensiblement la nôtre. » Ou encore : « La gloire d'un peuple, c'est de faire de grandes choses, en conservant la pureté de son sang, de son individualité, de sa tradition, de son génie ».
    Comme le disait admirablement le résistant Alexandre Marc, au lendemain de la dernière guerre : « Notre monde a besoin de Proudhon... comme on a besoin de lumière, d'air pur, d'eau fraîche, de pain franc, de camaraderie, d'amitié virile, d'espérance ».
    Jean MABIRE National Hebdo du 15 au 21 avril 1999

  • 1124 : Naissance du sentiment national

    Cette année-là, la seizième de son règne, Louis VI le Gros, quarante-trois ans, avait déjà bien nettoyé le royaume des turbulences féodales. Nous l'avons vu à l'oeuvre tandis qu'ayant rétabli la sûreté dans les campagnes et les villes, il favorisait l'éclosion de ces remparts des libertés françaises qu'allaient être pour toujours les communes. Retrouvons-le aujourd'hui en 1124 dans son rôle tout aussi éminemment capétien de défenseur de l'intégrité française.
    Les Capétiens commençaient à peine d'affermir leur souveraineté quand en 1066, au temps d'Henri Ier, Guillaume de Normandie avait conquis l'Angleterre. Toujours vassal du roi de France, celui-ci ne s'était quand même guère gêné pour donner les pires soucis au roi Philippe Ier, lequel avait tout entrepris pour affaiblir la Normandie et la pousser à se détacher de l'Angleterre. On eût pu croire la chose faite quand à la mort de Guillaume le Conquérant (1087), la Normandie revint à l'aîné, le flasque Robert Courte-Heuse (court de cuisses) et l'Angleterre au cadet Guillaume le Roux. Sur ces entrefaites les deux frères s'étaient plus ou moins réconciliés pour partir ensemble à la première Croisade, laissant respirer Philippe Ier. Mais pas pour longtemps ! Guillaume le Roux mourant en 1100 avait alors laissé le champ libre à son autre frère Henri Beauclerc qui s'était proclamé roi d'Angleterre et n'avait fait en 1106 qu'une bouchée de la Normandie si mal tenue par Robert Courte-Heuse.
    En 1124, il y avait déjà dix ans que Louis VI le Gros s'acharnait sans succès à couper en deux le monstre anglo-normand. En 1113, au traité de Gisors, il avait dû reconnaître la souveraineté d'Henri Ier Beauclerc même sur la Bretagne. En 1119, nouvelle déroute, et le roi français avait dû de ne pas perdre la face au seul fait que le roi anglais, se souvenant qu'il était duc de Normandie, donc vassal du roi de France, n'avait pas trop poussé son avantage. En 1120, Henri Beauclerc avait perdu ses deux fils dans un naufrage. Il ne lui restait plus qu'une fille, Mathilde, laquelle avait épousé l'empereur germanique Henri V. L'alliance entre gendre et beaupère prenait ainsi la France comme dans une tenaille... Louis VI allaitil se laisser impressionner ?
    Les premières provocations
    vinrent de l'Empereur en 1124, mais dans cette "doulce France" où le sentiment national perçait déjà autour du Capétien, et où l'on savourait des écrits éveillant l'idée de patrie, comme la Chanson de Roland, il se produisit l'extraordinaire : la mobilisation spontanée de toutes les forces vives ! Louis VI se rendit à Saint-Denis pour y prendre l'oriflamme rouge et or, tandis que l'abbé Suger s'émerveillait de « cette armée pareille à une nuée de sauterelles ». Les troupes de chevaliers, le comte de Blois, le duc de Bourgogne, le comte de Nevers, le comte de Vermandois et les bourgeois de Saint-Quentin, de Pontoise, d'Amiens, de Beauvais et d'ailleurs arrivaient en effet de toutes parts.
    Devant un peuple aussi décidé, l'Empereur n'osa même pas dépasser Metz et rebroussa chemin sous prétexte d'aller réprimer une insurrection à Worms (où il trouva la mort). Quant au roi d'Angleterre il n'avait même pas eu le temps de bouger, tandis que Louis VI revenait à Paris sous les acclamations ; il avait, dit Suger, « fait briller l'éclat qui appartient à la puissance du royaume lorsque tous ses membres sont réunis ». Ce fut la première grande manifestation de cette cohésion populaire qui, devant un grand danger, allait désormais permettre plus d'une fois le "miracle capétien". On devine que de tels sursauts allaient être souvent nécessaires quand on sait qu'en mourant onze ans plus tard (1135), Henri Beauclerc donnait tout espoir de devenir roi d'Angleterre à son gendre, Geoffroy Plantagenêt, dont la lignée allait faire longtemps parler d'elle...
    Une autre leçon de l'événement de 1124 a été tirée par Jacques Bainville : « Allemagne, Angleterre : entre ces deux forces, il faudra nous défendre, trouver notre indépendance et notre équilibre. C'est encore la loi de notre vie nationale. » Les Capétiens allaient avoir la sagesse de toujours s'en souvenir.
    MICHEL FROMENTOUX L’Action Française 2000 du 19 juin au 2 juillet 2008

  • L'affaire Frijide Barjot : une régression civilisationnelle

    L'affaire Frijide Barjot : une régression civilisationnelle
    Le Diable réside dans les détails. Plusieurs révèlent à quel point notre société dégénère intellectuellement et culturellement, sinon politiquement, rabattant tout problème au niveau qu'on appellera libido-moraliste.
    Oublions les Pussy Riot, qui constituent pourtant un emblème en ce sens.
    Le cas Frijide Barjot, l'égérie du combat contre le mariage pour tous, est tout aussi symbolique.
    On a pensé peut-être la mettre dans l'embarras parce qu'elle semble se contredire. N'a-t-elle pas, le 13 juillet 2007, célébré, au club de l'Etoile, un mariage virtuel entre Jean-Luc Romero et son compagnon. N'a-t-elle pas milité pour le Pacs en 1999 ?
    De Civitas, pour qui il en faut moins pour finir au bûcher, jusqu'aux médias alignés sur le dogme politiquement correct du mariage gay, voilà qui devrait suffire à discréditer sa lutte. Elle renierait un engagement qui devait être définitif, et trébuche sur ses contradictions.
    Ces accusations sont bien caractéristiques d'un temps qui n'a ni l'imagination, ni l'intelligence de concevoir la complexité de l'homme et du monde.
    Pourquoi d'abord, dans l'absolu, priver tout être d'un droit à la contradiction, laquelle, entre autre, présente l'inestimable avantage de l'éloigner de la condition robotique ? Sans revenir au tao, au zen ou au scepticisme antique, on conviendra qu'il n'est pas de vie, fût-elle intellectuelle, sans elle, qui est le prix de l'engagement et de la complexité de l'existence.
    Dans le même ordre d'idée, toujours dans le but d'interdire toute véritable recherche, comme un point Godwin, un débat avec un bobo s'achève immanquablement par l'argument qui tue : ceux qui s'opposent sont "intolérants". Tarte à la crème du lobotomisé contemporain, tractopelle de la non pensée, conclusion sans rémission de l'intolérant moderne au sourire de Mickey.
    On remarquera, en outre, que cette apparente palinodie enregistre l'évolution d'un personnage soumis aux projecteurs rasants des médias. Sans entrer dans la vie intime de Fride Barjot, Virginie Tellenne dans le civil, il semblerait que les cinq années qui nous séparent de 2007 aient connu, de sa part, une conversion. Le passé doit-il juger le présent ? Possède-t-on le droit de changer ? Des prises de position anciennes doivent-elle essentialiser une personne, et la fixer, comme le cadavre d'un papillon sur un panneau taxinomique, dans une catégorie éternelle ?
    Beaucoup plus grave : la « pensée » contemporaine semble considérer que l'on ne puisse percevoir le monde que sur un seul plan. Un choix doit tout niveler sur cette option, qui aspire tout l'être. Nous en revenons à cette incapacité, dénoncée tout à l'heure, à accepter la contradiction. Mais il ne s 'agit pas tout à fait de cela ici. Il est question du fait de mélanger tous les niveaux d'être. Ainsi, la condition d'homosexuelle entraînerait ipso facto l'adhésion au mariage gay, ce qui n'est nullement le cas dans le milieu. Cette injonction ressemble fort à une forme de terrorisme moral.
    On voit aussi que les enjeux dérivent de plus en plus de choix de vies, et, particulièrement, de préférence sexuelle. Certaines puissances idéologiques tendent à faire porter, mêlant freudisme vulgaire et permissivité néolibérale, tout le poids de la société sur la « libération » libidinale. La dimension de l'homme est réduite à cette aune. La relation physique est devenue le paradigme à partir duquel on juge de la morale et des vertus civiques.
    Un autre détail a retenu aussi l'attention, bien qu'une telle banalité maintenant rende la chose invisible, parce que banale.
    Le « club de l'Etoile » doit être, indubitablement, une boîte sélecte, vu le nom. Je ne m'engagerais pas sur ce terrain, n'ayant jamais fréquenté les discothèques, sauf une fois, pour voir et entendre.
    J'y ai découvert pas mal de grotesque, de vulgarité, et beaucoup de bruit, un vacarme assourdissant (nonobstant la souffrance que peut éprouver, en l'occurrence, un mélomane). Il y est rigoureusement impossible de parler, de dialoguer au-delà de quelques éructions vocales.
    Or, il semblerait que ce fût dans ces endroits extravagants que des relations se nouent entre politiques, « artistes », journalistes, hommes et femmes d'influence (je ne parle pas des comités et clubs occultes, qui sont plus regardants au choix des happy few).
    De Henri IV à la troisième république, les salons ont été des lieux idoines pour permettre à des personnages dotés de savoir, de talent, de pouvoir ou d'esprit, de commercer entre eux. Ces cercles élitistes étaient souvent dirigés par des femmes, des aristocrates ou des bourgeoises, qui, par leur grâce, leur finesse, leur culture et leur civilité, produisaient ce miracle de mettre en présence des personnages que, parfois, tout opposait. On y approfondissait des thèmes, des problèmes, sans forcément les résoudre, on brillait par le génie ou l'intelligence, les imbéciles étaient bannis, il fallait faire ses preuves, savoir parler avec clarté, perspicacité, et tolérance. Ces salons ont fait plus pour la vie culturelle et politique que l'Académie, les journaux et la Chambre des députés.
    Puis vinrent les partis, avec leur encartage, leur foin idéologique et leur enrégimentement policier.
    Les partis ont l'air de s'être étiolés, comme évanouis dans la société marchande, indifférente et apolitique. Demeurent ces lieux imbéciles que sont les discothèques, qui incarnent une société en mal de civilisation.
    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com

  • Journée de la fierté parisienne – samedi 12 janvier 2013 – Place Monge

    Paris-fierté

  • Justice : Laxisme à tous les étages

    par Aristide Leucate *

    Une (mauvaise) nouvelle passée inaperçue en cette fin d’année (bien que relayée par Le Figaro et Le Salon beige) est celle de l’augmentation des chiffres des violences aux personnes et aux biens.

    Il s’agit malheureusement d’un marronnier dont on se passerait bien, tant le climat d’insécurité ambiant ne cesse quotidiennement de s’assombrir.

    Culture de l’excuse

    Des chiffres pour commencer. Entre octobre 2011 et octobre 2012, les violences contre les personnes ont crû de 9%, les atteintes aux biens progressant de 8%, tandis que les infractions économiques et financières bondissent de 18%. Le Figaro note « un phénomène d’accélération dans la dégradation des indicateurs des faits constatés (…) particulièrement perceptible depuis trois mois, concernant les violences, notamment contre les forces de l’ordre, avec 2570 agents victimes de plus pour le seul mois d’octobre [environ 38 membres des forces de l’ordre sont blessés chaque jour en France, selon le quotidien] ». Est-ce à dire que sous la « droite » anciennement au pouvoir, le ciel de la délinquance était radieux et les nuages de la criminalité inexistants ? Nenni. La culture de l’excuse et de l’indulgence a toujours inspiré les magistrats (soutenus par les cohortes fanatiques des intellocrates, sociologues bobos de la rive gauche et autres éducateurs de rue) qui, dans l’application de la loi, ont davantage tendance à prendre exagérément en compte la personnalité du délinquant que la lettre du Code pénal. Nonobstant une bonne volonté de façade du ministre de l’Intérieur de l’époque, associée à l’exaspération des policiers fatigués de devoir relâcher ceux qu’ils ont appréhendés la veille et qu’ils rattraperont à nouveau le lendemain, la culture de l’excuse transparait constamment en filigrane dans les politiques publiques répressives depuis une trentaine d’année. La gauche irénique (pléonasme) aux manettes depuis mai 2012 n’a aucune difficulté à s’inscrire dans le sillage de ses prédécesseurs, son idéologie relativiste et libertaire étant parfaitement compatible avec la doctrine de la défense sociale nouvelle initiée par Marc Ancel (magistrat de son état) dans les années 1970 et véhiculée par tous les gouvernements depuis lors. Cette doctrine vise à faire du délinquant (ou du criminel) une personne d’abord à réinsérer et à punir éventuellement. Un tel renversement de perspective a servi de fondement à l’irréaliste et mortifère culture de l’excuse, définie par le criminologue, Xavier Raufer, comme l’« idéologie pour laquelle la misère sociale engendre le crime, les bandits n’étant que d’innocentes victimes de l’exclusion et du racisme ».

    Laxisme d’Etat [...] http://www.actionfrancaise.net

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    * Aristide Leucate est rédacteur à L’Action Française, spécialiste des questions de société.

  • La République des copains et des coquins

    L’honneur perdu d’un préfet et d’un sénateur...

    Le président du conseil général de l’Aube, flashé en excès de vitesse, repart libre après l’intervention du préfet.

    Flashé à 140 km/h par les gendarmes sur une portion de route limitée à 90 km/h, Philippe Adnot, sénateur et président du conseil général de l’Aube repart avec son véhicule après l’intervention du préfet du département Christophe Bay. On ne se mange pas entre gens du même monde…

    NPI

  • Excellente tribune de Christian Vanneste : La gauche liberticide

    En « tançant » l’enseignement catholique, Peillon révèle la nature de la gauche qui sévit dans notre pays. Héritière des Jacobins et de la Terreur, du laïcisme haineux et sectaire de la IIIe République jusqu’à la guerre de 1914-1918, la gauche n’est pas seulement un boulet économique, qui, au nom de la revanche sociale et de la guerre aux riches, tue la croissance et l’emploi, c’est aussi une force qui divise les Français et menace leurs libertés.

    Au nom d’une conception du progrès qui consiste à renverser les traditions et les principes, y compris ceux du bon sens, sur lesquels s’appuie notre société, la gauche a entrepris d’instituer un « mariage » entre personnes du même sexe. Non contente d’imposer une absurde révolution anthropologique à une partie importante des Français qui n’en veut pas, et de refuser un référendum à la majorité qui le souhaite, la gauche entend passer en force en faisant taire les opposants. La stratégie est simple : il s’agit d’ôter toute légitimité à la parole du contradicteur pour que la pensée unique soit effectivement la seule, de gré ou de force. Ce terrorisme intellectuel consiste donc à disqualifier tout adversaire. Ainsi lorsque le Secrétaire général de l’Enseignement catholique demande que le débat sur le « mariage » homosexuel soit suscité dans les établissements de son ressort, le ministre se fait censeur et prétend le lui interdire. Cette attitude est triplement scandaleuse.[...]

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