Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 76

  • Charcot, le dernier explorateur

    Le Figaro Magazine - 14/02/2013

    Marin et médecin, explorateur et savant, découvreur de l’Antarctique, Jean-Baptiste Charcot, disparu en mer en 1936, fut une authentique légende vivante.
          C’était au début de l’autre siècle. À l’issue des grandes explorations, la Terre ne recelait plus aucune contrée inconnue, à part l’Amazonie et les régions polaires. S’il appartiendra au Norvégien Amundsen, coiffant sur le poteau l’Anglais Scott, en 1911, de vaincre le pôle Sud, un Français attachera son nom à la découverte de cet univers voué au froid, à la glace et au blizzard : Jean-Baptiste Charcot.
         L’homme n’était pas un ingrat. Il devait beaucoup à son père, le Dr Jean-Martin Charcot, célèbre médecin aliéniste. Il devait également beaucoup à son pays, la France ayant soutenu sa vocation scientifique, et aux donateurs étrangers qui l’avaient aidé. En 1906, rédigeant le récit de la première expédition française au pôle Sud, Charcot soulignait ceci : « Si la liste n’en était trop longue, je voudrais pouvoir remercier ici nominalement tous ceux qui, tant en France qu’à l’étranger (…), ont permis à un “fils à papa” de se rendre utile et de faire son devoir. À ceux qui liront ces lignes, je puis assurer que la reconnaissance est un sentiment qui ne m’effraie pas. »
         La réédition des textes où Charcot relatait ses campagnes dans l’Antarctique * est l’occasion de rendre hommage à cette figure admirable, grand marin et grand savant, patriote et homme d’honneur.
         Né à Neuilly-sur-Seine en 1867, Jean-Baptiste Charcot est élève à l’Ecole alsacienne. Très tôt, il se signale par son goût pour le sport : boxe, rugby (il sera champion de France en 1896), escrime et déjà la voile qu’il pratique l’été à Ouistreham. Très jeune également, il manifeste sa fascination pour l’exotisme en publiant dans un illustré les aventures d’un trois-mâts en Patagonie. Il voudrait être marin mais, répondant au vœu de ses parents, entreprend des études de médecine. Il voyage avec son père en Europe du Nord et en Scandinavie, ainsi qu’en Espagne et au Maroc, mais il conservera la phobie des pays chauds. En 1888, c’est en qualité de médecin auxiliaire qu’il effectue son service militaire dans les chasseurs alpins. Interne des hôpitaux en 1891, il entre à la Salpêtrière puis, en 1895, docteur en médecine, à l’hôpital Saint-Antoine.
         En 1892, il achète son premier bateau, un sloop de 8 mètres. L’année suivante, alors que son père vient de mourir, il se fait construire un cotre de 20 mètres et le baptise Pourquoi Pas ? Ce sera le nom de quatre navires successifs de Jean-Baptiste Charcot.

    Médaillé aux Jeux olympiques de 1900

         En 1896, il épouse Jeanne Hugo, la petite-fille de l’écrivain, divorcée de Léon Daudet, son camarade de l’Ecole de médecine. Charcot revend le Pourquoi Pas ?, en fait construire un deuxième, puis un troisième avec lequel, en 1897, il remonte le Nil en compagnie du milliardaire américain Vanderbilt. En 1900, aux Jeux olympiques de Paris, il est double médaillé d’argent dans l’épreuve de voile. Ayant encore changé de navire, il effectue une série de croisières scientifiques dans les Shetland, aux Hébrides, aux îles Féroé, et franchit pour la première fois le cercle polaire arctique en 1902.
         Entre 1903 et 1910, sur ses deux nouveaux bâtiments, Le Français , un trois-mâts goélette de 32 mètres, et le Pourquoi pas ? IV, un bateau d’exploration polaire de 40 mètres gréé en trois-mâts et équipé d’une machine auxiliaire à vapeur, il effectue plusieurs missions dans l’Antarctique. Il en revient avec une moisson impressionnante, ayant reconnu des milliers de kilomètres de côtes, établi des cartes et effectué des relevés dans des domaines scientifiques multiples : météorologie, magnétisme, glaciologie, zoologie, etc.
         Après avoir divorcé de Jeanne Hugo, Charcot se remarie, en 1907, avec Marguerite Cléry, un peintre qui l’accompagnera dorénavant dans ses voyages. Depuis 1902, il est médecin de réserve de la Marine. Lorsque éclate la Grande Guerre, il est mobilisé et affecté à l’hôpital maritime de Cherbourg. En 1915, l’Amirauté britannique lui confie toutefois le commandement d’un baleinier armé par un équipage franco-anglais et chargé de surveiller les îles Féroé, que l’on soupçonne de servir de bases aux sous-marins ennemis. De 1916 à 1918, il croise le long des côtes bretonnes et normandes, au service de la Marine française, cette fois, sur des cargos banalisés, eux aussi chargés de la chasse aux sous-marins allemands. Charcot termine le conflit avec une décoration britannique, la croix de guerre française et une citation à l’ordre de la Marine.
        La paix revenue, le Pourquoi Pas ? est définitivement transformé en navire de recherche scientifique, et affecté à des missions en Atlantique Nord, dans la Manche et en Méditerranée. Charcot est nommé capitaine de frégate en 1923 mais, deux ans plus tard, atteint par la limite d’âge, il perd son commandement. Il reste néanmoins à bord en tant que chef de mission.

    Des obsèques nationales à Notre-Dame de Paris

          Membre de l’Académie des sciences, de l’Académie de marine et de l’Académie de médecine, le « commandant Charcot », alors au sommet de sa gloire, est une sorte de légende vivante qui fait la liaison entre les milieux scientifiques et le monde de la mer, dans lequel l’élément militaire reste prédominant à l’époque.
         Le 16 septembre 1936, de retour du Groenland où il est allé livrer du matériel au jeune Paul-Emile Victor, le Pourquoi pas ? est pris dans une effroyable tempête au large de l’Islande. Charcot, qui navigue depuis plus de cinquante ans, comprend que cette fois sera la dernière : son navire se fracasse sur les récifs d’Alftanes, laissant 23 morts, 17 disparus et un survivant. Le 12 octobre suivant, les dépouilles retrouvées ont droit à d’émouvantes funérailles nationales à Notre-Dame de Paris. À l’issue de la cérémonie, Jean-Baptiste Charcot est enterré au cimetière Montmartre. C’est là, sur les hauteurs de la capitale, que repose le dernier explorateur français. ¡
    Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com
    *   Le Français au pôle Sud & Le Pourquoi Pas ? dans l’Antarctique , de Jean-Baptiste Charcot, Arthaud.

  • Obama contre le lobby pro-Israël

    Avec la nomination de Chuck Hagel au poste de secrétaire à la Défense, le Président se risque à une épreuve de force dont ses prédécesseurs s’étaient bien gardés. Cela pourrait-il être le signal d’un changement stratégique de politique étrangère ?

    Pour la première fois depuis 40 ans, le chef du Pentagone est à nouveau un homme disposant d’une expérience militaire forgée au combat. En 1967, Chuck Hagel s’est porté volontaire pour le Vietnam où il a été blessé – son corps en porte encore les stigmates – et deux fois décoré. Il aurait pu pourtant effectuer son service militaire dans la paisible Allemagne de l’Ouest, cependant il choisit plutôt dans s’engager sur le théâtre de guerre, en Indochine. Contrairement à ses prédécesseurs, et sur la base de sa propre expérience, Hagel sait donc parfaitement ce que signifie envoyer des jeunes gens sur le front. Cela n’a pas fait de lui un pacifiste pour autant, mais plutôt un réaliste. Et c’est précisément pour cette raison que cet homme de 66 ans constitue pour certains un élément de perturbation.

    À peine l’éventualité d’une nomination de Hagel fut-elle envisagée en décembre 2012, qu’une campagne hostile et nauséabonde s’engageait dans les médias américains et israéliens. Selon le Jerusalem Post, ce dernier aurait un « problème juif » alors que, selon l’influent Sénateur Lindsay Graham, il se situerait « en dehors du courant dominant » puisqu’il deviendrait alors « le secrétaire à la Défense le plus hostile à Israël de l’histoire de notre nation ». Selon le Wall Street Journal, il exhalerait de lui comme « une odeur » d’antisémitisme. Le Weekly Standard, l’organe maison des néoconservateurs – Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense de Bush, en faisait distribuer systématiquement quelques centaines d’exemplaires au Pentagone – accusa Hagel de faire preuve d’une « hostilité récurrente » envers Israël. Ainsi, le journal rapporta les propos suivant d’un employé républicain du Sénat : « Qu’on nous impose Hagel et nous allons faire en sorte que chaque Américain sache qu’il est un antisémite.  » Quand Obama donna confirmation de son choix début janvier, le journal Hayom, proche du gouvernement israélien, fit savoir que l’entourage de Benjamin Netanyahou considérait la nomination de Hagel comme « un très mauvais choix ». Entre-temps, en Allemagne, la presse Springer avait également dégainé. [1]

    Ainsi, dans le journal Die Welt, il fut qualifié de « stupide », tandis que le Bild-Zeitung estima que la décision du Président « avait soulevé une vague d’indignation » dans un article ayant pour titre « Le nouveau ministre d’Obama : Un ennemi d’Israël ? »

    La violence de ces attaques est également à rechercher dans le fait qu’avec Hagel, le Président issu du camp démocrate a choisi d’envoyer un républicain au Pentagone, comme ce fut déjà le cas en 2009 avec Robert Gates. Cela suscite de la rage au sein du parti d’opposition, avant tout parmi les néoconservateurs, qui voient en Hagel le type même du conservateur traditionnel qui, s’il devait faire bonne figure aux yeux de la base conservatrice, à son poste ministériel, pourrait constituer une dangereuse épine dans leur pied. Hagel s’affiche ostensiblement comme catholique et opposant à l’avortement. De plus, en 1998, il s’est ouvertement opposé à la nomination au poste d’ambassadeur des États-Unis d’un candidat qualifié par lui d’« homosexuel agressif » [2].

    Voilà qui plaît aux fermiers du Middle West et qui devrait pousser son parti à mettre en avant un vieux briscard de ce calibre. Pourtant, de façon malveillante, il est décrit comme étant « à la gauche d’Obama », ce qui a à peu près aussi pertinent que de situer Peter Gauweiler, le poil à gratter de la CSU, à la gauche de Steinbrück [3].

    Le fait que les néoconservateurs s’opposent ainsi à Hagel repose sur quatre raisons principales qui ont toutes à voir avec le Proche-Orient. Tout d’abord, il n’a soutenu la guerre en Irak qu’à ses tout débuts, en 2003, avant de s’y opposer par la suite, arguant que Bush « jouait au ping-pong avec la vie d’Américains ». Par ailleurs, il a défendu le point de vue suivant : « Israël est notre ami et notre allié et nous devons assurer nos devoirs à son égard mais en aucun cas au détriment du peuple palestinien. » Troisièmement, il a voté plusieurs fois contre une aggravation des sanctions à l’égard de l’Iran et, dans la continuité de sa position, il s’est toujours opposé à toute intervention militaire. Concernant la question d’une hypothétique arme nucléaire iranienne, il ne partage ni l’obsession panique des néoconservateurs, ni l’opposition mesurée tout autant que ferme d’Obama à ce sujet. Le « génie des armes nucléaires est déjà sorti de sa bouteille, quoi que fasse l’Iran », a-t-il écrit de façon lapidaire, en 2008. Et enfin, et ce n’est pas le moindre, en 2006, dans le cadre du Congrès des États-Unis il a exprimé le constat suivant : « Au sein de cette assemblée beaucoup de gens sont sous l’intimidation du lobby juif. » C’est ainsi que lorsque la puissante organisation lobbyiste American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) présente un projet de résolution, elle recueille la signature de 80 à 90 sénateurs en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Si lui-même n’a encore désigné personne nommément, il a fait savoir qu’il tient une telle attitude pour « stupide ». Pour conclure avec ses propres mots, il n’est en aucun cas « un sénateur israélien mais un sénateur des États-Unis ».

    L’utilisation de l’expression « lobby juif » par Hagel est particulièrement significative. À ce propos, il convient de rappeler qu’en Israël même – cf. l’article que le Jerusalem Post a consacré à Hagel le 26 décembre 2012 – l’AIPAC est décrite comme « ha lobby hayehudi », à savoir sous les termes de « lobby juif ».

    En dénonçant comme il le fait les pressions exercées par cette organisation sur les politiciens, Hagel exprime ce que beaucoup pensent tout bas. En l’occurrence, le mécanisme d’intimidation ne repose pas sur des manifestations de violence pure mais sous une autre forme. Par exemple, quand un politicien prend des positions conformes aux intérêts du lobby, alors l’AIPAC intervient pour le mettre en contact avec des sponsors. Au contraire, s’il ne le fait pas, il voit une campagne dans les médias ou sur Internet immédiatement diligentée contre lui. En février 2007, l’ancien président Jimmy Carter a résumé les choses de la façon suivante : « Pour un membre du Congrès qui souhaite être réélu, ce serait presque un suicide politique que de soutenir une position contraire à celle du gouvernement conservateur israélien. »

    Un autre ancien président, à savoir Bill Clinton, a évoqué quant à lui le « lobby le plus efficace de Washington ». Qu’on en juge : chaque année, l’AIPAC peut compter sur un budget de 47 millions de dollars, sur 100 000 membres à l’échelle du pays et sur un siège national situé à Washington comptant plus de cent lobbyistes, spin doctors [4], publicitaires et autres éminences grises classés parmi les plus illustres sur la liste publiée par le National Journal en 2005, ce qui fait de cette organisation le deuxième lobby en importance après celui des armes représenté par la fameuse National Rifle Association. À l’occasion de l’assemblée générale annuelle de l’organisation, l’énonciation de la liste de tous ses sympathisants dans le monde politique dure pratiquement une demi-heure. Depuis des années, indépendamment de l’appartenance politique des présidents successifs, la majorité des membres du Sénat, un quart des membres de la Chambre des représentants, plus de 50 ambassadeurs ainsi que des douzaines de hauts fonctionnaires gouvernementaux figurent sur cette liste.

    Qu’Obama ait réussi à imposer son secrétaire à la Défense dans ce contexte de vents contraires et à se sortir de l’impasse dans laquelle il risquait de s’enfermer, ne fut rendu possible qu’en raison du soutien d’une grande partie des généraux les plus et les mieux décorés, ainsi que de celui des experts en stratégie les plus renommés. Pour aller plus loin, on pourrait d’ailleurs avancer que ce sont précisément les accusations du lobby pro-Israël et des néoconservateurs contre Hagel qui, par leur côté excessif et perfide, ont suscité une contre-réaction au sein de l’establishment, pour la première fois depuis bien longtemps, et encouragé l’école dite réaliste à oser sortir de la clandestinité.

    À cet égard, ceux qui ont toujours pensé que la politique extérieure US était conduite en sous-main par un centre de pouvoir collectif à trois têtes, à savoir Henry Kissinger, Georges Soros et Zbigniew Brzezinski, sont désormais dans l’obligation de reconnaître, devant les marques d’hostilité qui s’expriment au grand jour, qu’un tel centre de pouvoir homogène n’existe pas. C’est ainsi que Zbigniew Brzezinski s’est ouvertement exprimé, aux côtés d’autres conseillers de présidents précédents (James L. Jones, Brent Scowcroft, Frank Carlucci) et cela avant même que le président Obama ait fait connaître son choix en faveur de Hagel, pour faire savoir qu’à ses yeux, le sénateur serait « un homme d’une intégrité et d’une sagesse inébranlables qui, dans la guerre comme dans la paix, avait servi son pays de la manière la plus noble ». De même, dans une prise de position commune, onze responsables militaires parmi les plus haut gradés se sont prononcés de manière élogieuse en faveur de Hagel, voyant en lui un « solide dirigeant du Pentagone » ainsi qu’ « une voix modérée et équilibrée dans une époque troublée et déséquilibrée ». Parmi d’autres signataires, on compte par exemple l’amiral William J. Fallon et le général Anthony Zinni, , deux des plus récents responsables de l’US Central Command (CENTCOM) qui est la structure de commandement des opérations de guerre au Proche-Orient (Zinni en fut le responsable de 1997 à 2000 et Fallon de 2007 à 2008).

    Tout comme son mentor John Kerry, le nouveau ministre des Affaires étrangères Hagel est un tenant de la doctrine Powell, doctrine qui fut mise en œuvre lors de la première guerre d’Irak, en 1991, alors que Colin Powell était commandant suprême des forces armées US. À cette époque, il était convenu que les États-Unis ne rentraient en guerre que quand les conditions suivantes étaient réunies : lorsque la Nation était face à une menace, lorsque l’on disposait d’une supériorité militaire importante, lorsque l’on disposait du soutien de l’opinion publique et enfin lorsqu’il existait une claire stratégie de sortie de guerre.

    Lors de la deuxième guerre d’Irak menée sous la présidence de Georges W. Bush, c’est au contraire principalement la doctrine Rumsfeld qui prévalut, celle-ci étant fondée sur les principes suivants : il serait autorisé et parfaitement légitime d’intervenir militairement pour exporter la démocratie ; il ne serait nullement nécessaire pour cela de disposer d’une supériorité militaire avérée puisque les opprimés accueilleraient de toute façon les soldats US comme des libérateurs ; enfin, l’existence d’une stratégie de sortie de la guerre ne constituerait qu’un luxe supplémentaire.

    Le général Petraeus, chef des forces armées américaines en Afghanistan de 2010 à 2011 puis chef de la CIA sous le premier mandat Obama, ne fit que mettre en œuvre cette doctrine dans une version modifiée. En lieu et place des strictes conditions nécessaires au déclenchement d’un « large » conflit avancées par Powell, il substitua l’idée de conflits « limités » et de guerre antiterroriste généralisée. C’est dans cette perspective que Petraeus révisa le manuel officiel de contre-insurrection (Field Manual on Counterinsurgency). Ce qu’il avance dans cette nouvelle mouture pourrait paraître parfaitement inoffensif à première lecture. Ainsi, dans cette version, c’est la protection des populations civiles qui est mise en avant plutôt que l’élimination physique de l’adversaire. Dès lors, cela implique que la victoire militaire ne constitue plus forcément l’objectif recherché mais que c’est plutôt l’équilibre fragile d’une situation qu’on essaie de préserver. C’est exactement ainsi que les choses se sont déroulées en Afghanistan : sans critères pour juger d’une victoire, il n’existe plus aucun repère pour savoir s’il faut rester ou quitter le pays. Dans ces conditions, on peut laisser des troupes éternellement sur les bords de l’Hindu Kush puisqu’il y a toujours des populations civiles à « protéger ». Le fait que cette entreprise de « protection » suscite de nombreuses pertes parmi la population civile par effet collatéral n’entre pas évidemment pas dans les calculs.

    Certes, la nomination de Hagel au poste de secrétaire à la Défense renforce l’espoir que les USA accélèreront leur départ de l’Hindu Kush et qu’au Proche-Orient ils prendront leurs distances avec les va-t-en-guerre de Tel-Aviv et d’ailleurs également. Quoi qu’il en soit, on ne devrait pas se faire trop d’illusions en la matière. Ce n’est pas Hagel qui fait la politique des États-Unis mais bel et bien le Président. En matière de Sécurité nationale, plus que tout autre avant lui, ce dernier a concentré les capacités décisionnaires à la Maison Blanche, ce que le Pentagone et le Département d’État n’ont d’autre choix que d’accepter. Et malheureusement, Obama en a fait la preuve lors de son premier mandat : il est tout à fait capable de décisions négatives.

    Notes

    [1] Les commentaires, analyses et réactions diverses suite à la nomination de Hagel ont pris beaucoup plus d’importance dans la presse allemande que dans la presse française. Cela confirme à la fois le niveau supérieur de l’information dans ce pays sur les questions de géopolitique ainsi que l’allégeance d’une partie importante de ses élites au grand frère américain, ce qui ne surprendra pas les visiteurs du site E&R familiarisés avec les conférences de François Asselineau – NdT.

    [2] En 1998, en tant que sénateur, Hagel s’est opposé à la nomination au poste d’ambassadeur US au Luxembourg de James Hormel au motif que ce dernier serait « ostensiblement et agressivement homosexuel ». Lors des auditions préalables à sa nomination au poste de secrétaire d’État US, en décembre 2012, il a dit regretter ses propos de l’époque – NdT.

    [3] En Allemagne où certaines valeurs issues des traditions catholiques, protestantes ou prussiennes influencent encore certaines franges du corps social, ce type de comparaison apparaît comme pertinente, ce qui est beaucoup moins le cas en France. Pour rappel, Peer Steinbruck sera le candidat-chancelier du SPD aux prochaines élections de 2013 – NdT.

    [4] Conseillers en communication et en marketing politiques.

    http://www.egaliteetreconciliation.fr

  • Vers un grand mouvement eurosceptique au Parlement européen ?

    Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique, fustige violemment les mouvements populistes, suite au vote italien, avant de prévoir une vague aux élections européennes de 2014 :

    "Les populistes sont des hackers : ils "plantent" le système [alors que le système se plante très bien tout seul, NDMJ]. On sait bien qu’ils n’ont aucune solution, ils ne savent pas quoi faire de leurs élus, mais ils canalisent les mécontentements et les frustrations sur le terrain des lâchetés et des incohérences des élites. Ce qui est frappant, c’est la puissance de cette tendance.[...]

    Nous sommes partis pour un cycle de crise politique majeure. Je pense qu’on le verra aux élections européennes de 2014. On va peut-être avoir un grand mouvement populiste au Parlement européen. Cela risque d’être un point de rupture. Ce qui se passe en Italie, c’est un moment de bascule historique. On assiste à un délitement des systèmes politiques. Après la crise financière, la crise économique, nous sommes dans la crise politique. [...]"

    Vu dans le Salon Beige

    Quand les laudateurs de la démocrates ont peur de la démocratie.

    http://www.actionfrancaise.net

  • Leur « changement de civilisation » n’est pas une menace en l’air

    Lors du débat à l’assemblée et dans les médias sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, le ministre de la Justice, Christiane Taubira, avait affirmé aux Français,  comme une sourde  menace, que la gauche prônait un « changement de civilisation ». Lequel sera rendu possible par la dérive orwellienne que subissent beaucoup de nos nations en Europe, et la France en particulier, où le champ d’expression des dissidents à la pensée unique, au Big Brother immigrationniste et mondialiste,  se réduit comme peau de chagrin.

     Une preuve, une nouvelle preuve, une parmi tant d’autres,  en a été apportée  hier par  le verdict rendu par le  tribunal correctionnel de Nîmes à  l’encontre du très dynamique conseiller régional FN du Gard, Julien Sanchez, que les internautes connaissent aussi en tant qu’animateur du blog de Jean-Marie Le Pen et qui assure au sein du FN la fonction de  Secrétaire National à la communication numérique.

     4.000 euros d’amende, dont 1.000 euros avec sursis ont été requis contre lui -Julien Sanchez a interjeté appel.   Il lui est reproché  d’avoir laissé passer sur son mur Facebook, en accès libre, les commentaires en octobre 2011  de deux internautes, MM. Roux  et Baudet.

     C’est en tant que directeur de publication que l’élu frontiste était poursuivi et a été condamné. Il a pourtant expliqué, ce que tous les possesseurs d’une page facebook très fréquentée comprennent, qu’il n’avait pas le temps matériel de vérifier tous les commentaires, manque de temps qui s’expliquait alors par le fait qu’il était en campagne électorale

     La justice a  jugé  à  connotation raciste  les deux  commentaires en question, jugez-en vous-même : « Des bars à chicha et des voilées. Voilà ce qu’est Nîmes ville romaine. (….). Prout (diminutif donné ici à l’UMP Franck Proust premier adjoint  au maire de Nîmes, NDLR ), c’est l’élu au développement économique hallal, rue de la République islamique », avait écrit un d’eux. L’autre avait poursuivi : « Ce Grand Homme a transformé Nîmes en Alger. Dans chaque rue des kebabs et des mosquées. Les dealers et les prostituées règnent en maître. Pas étonnant qu’il ait choisi Bruxelles, capitale du nouvel ordre mondial et de la charia. Merci Franck et kiss à Leïla. »

    Se sentant visée, Leïla Tella, la compagne de Franck Proust,   avait porté plainte. Ces deux internautes ont été condamnés à verser 4.000 euros de dommages et intérêts à cette dame,  partie civile dans ce dossier, dont 3.000 euros avec sursis.

    Lors de l’audience, le 18 janvier, le procureur de la République avait réclamé trois ans d’inéligibilité et 8.000 euros d’amendes à l’encontre de Julien Sanchez et 5.000 euros pour les deux autres prévenus !!!  Une demande à comparer avec le laxisme d’une certaine justice quand il s’agit de sanctionner la racaille délinquante multirécidiviste.

    Julien Sanchez a d’ailleurs été obligé d’écrire au ministre de la justice pour demander que le vice-procureur soit sanctionné. Celui-ci  avait  dit à l’audience en s’adressant à lui : « vous êtes à la démocratie ce que l’éjaculation précoce est à la sensualité ». Une «saillie» qui avait peut être sa place sur le plateau d’une émission  d’Arthur ou de Cyril Hanouna, mais dans un prétoire…

    Bruno Gollnisch apporte bien  sûr tout son soutien à Julien et aux internautes victimes de  cette vindicte. Le jeune conseiller régional FN, épaulé pour l’occasion par plus de 150 militants qui avaient fait le déplacement, et qui ont bruyamment exprimé leur indignation quand le verdict a été rendu, a bien évidemment relevé la nature politique du procès qui lui est fait.

    Leïlla Tella est en effet, nous l’avons vu, la concubine de M Proust, lequel fut  l’ adversaire du conseiller régional FN  aux dernières cantonales. Et il n’est pas anodin non plus que  cette dernière ait choisi de se faire assister à ce procès  par Maître Michèle El Baz, conseillère municipale PS de Nïmes,  éliminée aux cantonales par…Julien Sanchez.

    Jean-Marie Le Pen, a réagi sur TV Sud à ce  verdict  en jugeant que les commentaires qui ont entraîné le déclenchement de cette répression judiciaire n’étaient pas faux : « Je suis député européen depuis trente ans. Je m’aperçois que Bruxelles est une ville qui devient une ville musulmane. Je ne suis pas sûr qu’elle ne devienne pas un jour majoritairement musulmane 

    Avocat de Julien Sanchez, Wallerand de Saint-Just a posé la question de fond : « combien de temps encore, des peines pénales très sévères seront-elles réclamées contre des élus du FN qui ne font qu’user de leur liberté d’expression ou permettent à des citoyens d’en user ?En tout état de cause, ce procès est une tentative d’empêcher la progression fulgurante du FN dans le Gard et d’intimider son responsable local »

    Mais si le peuple  Français vote mal et reste arc-bouté su son désir de préserver son identité et se souveraineté, la tentation de changer le peuple reste plus que jamais une idée qui poursuit son chemin au sein de nos élites mondialisées.

    En atteste  le rapport  sur l’intégration des immigrés, commandé par Jean-Marc Ayrault à Thierry Tuot, conseiller d’Etat, qui a été publié la semaine dernière. Il ne manque pas d’inquiéter alors que le Premier ministre a précisé que  « les préconisations» de celui-ci  « seront mises à l’étude dans le cadre de la réflexion interministérielle visant à proposer une profonde refondation de notre politique d’intégration ».

    M. Tuot  part  du principe que la lutte contre l’immigration clandestine menée avec le laxisme que l’on sait par l’UMPS depuis quarante ans,   n’empêche pas des dizaines, des centaines de milliers de clandestins de s’installer en France chaque année. Aussi, préconise-t-il l’extension  de la doctrine du laisser faire laisser passer qui sert de philosophie existentielle à la caste  libérale-socialiste.

     Il   révèle par là que  la politique de régularisation au « cas par cas » que le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, avait annoncé vouloir mettre en œuvre n’était qu’un propos d’estrade, une promesse n’engageant à rien.

    Le conseiller d’Etat indique ainsi  que comme « de nombreux étrangers sans papiers ne sont pas expulsés »,  puisque, « de toute façon, dans cinq ans, on va finir par leur donner un titre (aux clandestins, NDLR), eh bien commençons tout de suite » avec des « titres de tolérance » ouvrant droit à  une régularisation progressive sur cinq ans. Bref accélérons le processus !  Une annonce qui sera reçue comme on l’imagine par les populations concernées.

     Le seul critère retenu ici est l’obligation de l’apprentissage du français…que maîtrise déjà, rappelle Bruno Gollnisch,  les dizaines de millions de candidats potentiels au départ vers la France qui vivent au Maghreb ou en Afrique noire.

     Décidément oui, ce changement de civilisation annoncé  par Mme Taubira n’était pas une parole en l’air…

    http://www.gollnisch.com

  • Cameron : un « référendum » en forme de promesse électorale

    Parce que David Cameron a promis à la fraction la plus conservatrice de ses concitoyens d'envisager la possibilité d'un référendum d'ici la fin de l'année 2017 sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne, ses partenaires européens poussent des cris d'orfraie. Pourtant, où est la surprise ?
    Les déclarations du Premier ministre britannique du 23 janvier, concernant l'éventuelle organisation d'un référendum sur les liens qui doivent unir ou séparer le Royaume-Uni de l'Union européenne, aurait d'autant moins dû surprendre ses « partenaires européens » que ce discours était prévu - et reporté régulièrement - depuis plus de six mois. Sa teneur, confirmée notamment par ces reports successifs, était un secret de Polichinelle.
    Dernier report en date, le 18 janvier. Alors que David Cameron devait s'exprimer, à Amsterdam, devant un parterre d'hommes d'affaires et de diplomates européens, son déplacement est annulé au dernier moment en raison de la prise d'otages qui se déroule en Algérie. Manifestement, c'est là une opportunité pour le Premier ministre britannique. Son entourage annonce en effet un report sine die, précisant que les date et lieu de la prochaine occasion seront annoncés « au moment opportun. »
    Or, cinq jours plus tard, David Cameron prend de court ses partenaires européens en prononçant finalement son discours depuis le centre de la City. D'un exposé sur la scène européenne, le Premier ministre a fait un programme national ; ce qui constitue, pour lesdits partenaires, un véritable pied de nez !
    A mieux y regarder, pourtant, David Cameron, au-delà du projet de référendum, s'est en réalité pleinement déclaré en faveur de l'Europe, dont il souhaite qu'elle soit un « succès », et a dénoncé la velléité d'« isolationnisme » que d'aucuns croient pouvoir lui prêter. À rebours des inquiétudes qui se font jour ici et là, la Commission européenne a d'ailleurs bien compris le message, et applaudit « la déclaration sans équivoque du Premier ministre indiquant qu'il veut maintenir la Grande Bretagne dans l'Union européenne ».
    Pour quelles raisons David Cameron envi-sage-t-il, dès lors, de proposer un référendum?
    Tout d'abord, sous la pression eurosceptique qui, depuis des mois, gagne l'opinion publique chez nos voisins britanniques.
    Sous la pression des eurosceptiques
    Ensuite, et surtout, parce que Cameron dénonce, avec des accents qui ne sont pourtant que de pâles échos de ceux de Margaret Thatcher, le fossé qui se creuse toujours davantage entre l'Europe et ses « citoyens ». C'est là, bien sûr, que réside le principal écueil du système européen, qui ne conçoit la démocratie que comme un totalitarisme. Mais on ne va quand même pas l'admettre devant le peuple !
    Sitôt posée la délicate question de ce référendum, le Premier ministre britannique s'ingénie d'ailleurs à en supprimer tous les risques éventuels. Tout d'abord, en le reportant, sinon aux calendes grecques, du moins à la fin de l'année 2017.
    Cette date a une raison électorale. D'ici là, aura eu lieu le référendum sur l'indépendance de l'Ecosse, dont le résultat pourrait bien affaiblir la politique du Royaume-Uni. Mais aussi, en 2015 prochaines élections, aux termes desquelles David Cameron espère bien conserver Downing Srteet. En promettant la lune à sa droite eurosceptique, il espère élargir ainsi sa base électorale. Non qu’elle soit si naïve... Mais il est le seul, aujourd’hui, à envisager un référendum...
    Entre-temps, le Premier ministre réussira bien quelque tour de passe-passe qui, en rendant l’Europe plus acceptable, supprimera tout risque référendaire. Passe-passe, parce qu'il est impossible d'obtenir les « rapatriements de compétences » qu'il promet. Tout au plus peut-il envisager d’obtenir de nouvelles exceptions britanniques, lesquelles, depuis l'origine, Londres a construit sa politique européenne - qui se réduit au marché unique. Comme cela a été fait début janvier, par exemple, lorsque son Parlement a rejeté, au nom du principe de subsidiarité, le projet de directive européenne sur les quotas de femmes dans les conseils d'administration.
    Après cela, David Cameron n'a plus qu’aller se faire applaudir à Davos, en déclarant : « Il ne s'agit pas de tourner le dos à l’Europe bien au contraire. »
    Olivier Figueras monde & vie 5 février 2013

  • Stéphane Hessel, le faux grand homme - par Pierre-André Taguieff

     

    Le temps n’est pas encore venu pour prononcer un jugement d’ensemble nuancé sur ce personnage surestimé à tous égards, et que je tiens pour un faux grand homme.

     

     

    Mais l’enquête requise sur chaque moment de sa vie, reconstruite comme un conte merveilleux, reste à faire. La vraie question est la suivante : comment un individu dont la contribution à la vie intellectuelle et politique de la France est à peu près inexistante a-t-il pu, par son charme, les légendes qu’il a tissées autour de lui et un immense réseau de relations mondaines, devenir une icône de la République ?
    Ce statut symbolique prestigieux qu’on lui accorde permet de mesurer la naïveté et la crédulité de nos contemporains. Dans une société où l’on méprise les vieillards, perçus comme des charges intolérables, le système médiatique sélectionne de temps à autre un honorable vieillard, voué à l’adoration publique.
    Il va de soi qu’il ne peut être que « de gauche », comme toute figure réputée « morale ». C’est ainsi qu’une gérontocratie « spirituelle » s’est installée en France. Les médias sont friands de la parole plus ou moins prophétique de ces « vieux sages » osant parler de tout, donnant des leçons de morale, indiquant la route aux générations futures.¢

    © Pierre-André Taguieff http://www.francepresseinfos.com/

  • Le monstre communiste toujours impuni

     

    130228

    Le vote ce 27 février de la proposition de loi du Front de gauche, au Sénat, tendant à amnistier les exactions révolutionnaires commises au nom du syndicalisme et des "associations" est intervenu à une très courte majorité. Et, il a quand même engendré quelques réactions.

    Or, plus grave encore qu'une indulgence présidentielle envers quelques syndicalistes, en l'occurrence des activistes patentés, il faut bien comprendre le contexte dans lequel s'inscrivent les manœuvres du parti de Mélenchon.

    L'Humanité du 23 février titrait ainsi : "Le Front de gauche au Sénat mercredi pour l'amnistie sociale". Et l'ex "organe central" du parti communiste, dont le rôle se veut aujourd'hui plus subtil, plus unitaire, de poursuivre : "Toutes les organisations du Front de gauche manifesteront mercredi devant le Sénat où doit passer la proposition de loi du groupe CRC sur 'l'amnistie des syndicalistes et des militants associatifs condamnés' en justice."

    On remarquera que, dans cette affaire une telle manifestation tend à renouveler l'esprit de ces assemblées de l'époque révolutionnaire où les troupes des Sans-culotte venaient faire pression sur les conventionnels terrorisés. Certes Mélenchon et Billard ne sont apparentés à l'horrible et démentiel marquis de Saint-Huruge, au bourreau Sanson ou à Jourdan Coupe-Tête que de manière symbolique. Mais c'est à leur singerie que l'on donne raison.

    On pourrait évoquer, par exemple, la manière dont les militants syndicaux de l'artisanat et du travail indépendant en lutte contre les monopoles sociaux avaient été dans le passé exclus par le parti chiraquien de l'amnistie présidentielle, etc...

    On se bornera à souligner, d'abord, le contexte actuel dans lequel nous nous situons. Depuis l'arrivée de Hollande à la présidence, d'Ayrault au gouvernement, les violences de la CGT s'exercent à l'encontre de l'intérêt du pays et particulièrement des perspectives d'investissement et d'emploi. De la sorte, le groupe sénatorial socialiste, a envoyé un message fort explicite : celui d'une alliance maintenue avec les communistes qui, pourtant, sabotent l'action du pouvoir et ne perdent jamais une occasion de la dénigrer.

    Ce signal se trouvera gravement confirmé si le texte passe à l'Assemblée Nationale. Il correspond hélas à toutes les postures provocatrices et démagogiques adoptées par le ministre Montebourg. Successeur lointain du stalinien Marcel Paul, ministre de la Production industrielle en 1945, quand Thorez disposait pour sa part du portefeuille de la Fonction publique, l'ex compagnon d'Audrey Pulvar cherche à "tomber à gauche" afin de ménager son avenir au sein du parti, en tant que chouchou des gens qui naguère soutenaient Martine Aubry. Le "redressement productif", – qui en douterait ? – il s'en moque éperdument.

    Il me semble cependant que l'on doit inscrire aussi cette démarche dans un cadre plus général. Les soutiens du pouvoir se permettent sans rire de dire, d'écrire et d’imprimer, dans le même article du quotidien Le Monde  (1)⇓, à la fois : que "Bernard Thibault, s'est efforcé, en 2001, de couper définitivement le cordon ombilical entre le PCF et la CGT" ; et, en même temps, on y note que le camarade Thibault appartient, comme ses prédécesseurs à la direction de ce parti, et qu'il en ira de même pour son successeur Thierry Le Paon. Celui-ci a été désigné en novembre par une commission exécutive interne, pour être "élu" dans le courant du mois de mars, à la tête de la centrale.

    Il se révèle donc indispensable de souligner, les mêmes causes engendrant à l'ordinaire des effets comparables, que l'entreprise communiste, expression par laquelle Jules Monnerot  (2)⇓. désigne l'appareillage mis en place par Lénine, n'a changé que d'aspect extérieur. Il demeure droit dans ses bottes, sur le fond.

    Il convient dès lors de saluer le 20e anniversaire de la revue "Histoire et Liberté", irremplaçable observatoire des actes concrets commis par le communisme comme des errements intellectuels du marxisme, pratiquement impunis à ce jour.  (3)⇓.

    Car il importe aussi de rappeler un autre caractère de l'Utopie meurtrière : sa récurrence. Nul ne l'a mieux démontré, on osera dire : par avance, qu'un Raymond Sudre publiant, l'année même où Marx écrivait son "Manifeste" son "Histoire du communisme" avec pour sous-tire, à l'époque, de "réfutation des erreurs socialistes."  (4)⇓. Il nous montre en effet que, de l'Antiquité jusqu'à nos jours, en passant par les sectes millénaristes du Moyen Âge ou de la Réforme, le programme et les méthodes varient très peu. Après chacun de ses affreux échecs baignant dans le sang toujours renouvelé de ses victimes, le Monstre renaît de ses cendres.

    Ainsi, depuis des mois, après des années de procédure stérile, le procès des communistes cambodgiens que l'on appelle "Khmers rouges" se noie-t-il à Phnom-Penh dans les méandres d'un procès bien pensant, bien ligoté, bien trafiqué, dans le silence assourdissant des grandes consciences mondiales.

    Ainsi à Berlin le dernier représentant des apparatchiks staliniens de l'Allemagne de l'Est, et malgré ses liens d'hier avec Staatsicherheit, la Stasi d'affreuse mémoire, le camarade Gregor Gysi pose-t-il en chef de Die Linke, la gauche allemande.

    Ainsi prétend-on encenser officiellement la mémoire du non moins compagnon de route Hessel.

    Ainsi Pierre Laurent, fils pomponné de l'apparatchik Paul Laurent, en toute démocratie a été choisi avec 100 % des voix... difficile de faire plus stalinien... même en Corée du nord ou à Cuba ; cette brillante réélection se passe le 10 février : elle est saluée le jour même par Harlem Désir, au nom du parti socialiste ; et donc ce personnage si bien élevé avance tranquillement à la tête d'un parti communiste, au nom inchangé, fédérateur des syndicats ultra-violents, et des associations gestionnaires du conformisme "politiquement correct", subventionnées par le contribuable, manipulant la marionnette Mélenchon... puisque, depuis la chute du mur de Berlin nous avons gagné à la réconciliation des trotskistes avec ceux qui, autrefois, allaient jusqu'au Mexique pour les assassiner.

    Grande avancée de l'Histoire, les piolets sont au vestiaire : décidément, on n'arrête jamais le Progrès.

    JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

    Apostilles

    1. du 11 février 2013.
    2. cf. sa "Sociologie du communisme"
    3. La revue trimestrielle "Histoire et Liberté" fait suite aux "Cahiers d'Histoire sociale" (1993-2006). Publiée par L'Institut d'Histoire sociale 4, avenue Benoit-Frachon 92023 Nanterre, elle est dirigée par Pierre Pierre Rigoulot et sa rédactrice en chef est Florence Grandsenne cedex Tél.: +(33) 1 46 14 09 29.
    4. sur Europe 1.
    5. il a été réédité sous le titre "Histoire du communisme avant Marx".
  • « Les partis politiques, quels qu’ils soient, sont par nature allergiques aux idées »

    « Les partis politiques, quels qu’ils soient, sont par nature allergiques aux idées » Après la publication de son dernier livre, Mémoire vive, le journaliste et philosophe répond à nos questions. Alain de Benoist occupe une place à part dans le paysage intellectuel français. Prolifique (90 livres, des milliers d’articles et détenteur de la plus grande bibliothèque privée de France – 200 000 livres -), il n’a cessé de renouveler une pensée qui reste encore « suspecte » dans certains milieux. Quand elle n’est pas « diabolisée » par quelques uns qui, bien souvent, confessent en privé ne pas avoir lu ses livres. Inclassable, touche à tout, le directeur de la revue Eléments revient sur quelques mois d’actualité et décrypte les enjeux.

    A quoi attribuez-vous la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2012 ?

    Je pense qu’on l’avait tout simplement trop vu. La vulgarité du personnage, sa façon de vouloir tout faire, d’être partout, d’intervenir sur tout, avaient suscité dans l’opinion une sorte d’overdose. D’où la chute de popularité sans précédent qu’il a connue dans la seconde partie de son quinquennat. Cela dit, il y a aussi des raisons plus sérieuses, sinon plus ponctuelles. Sarkozy a déçu son électorat de droite sans parvenir à séduire la gauche. Il avait proposé de « travailler plus pour gagner plus », mais ceux qui ont travaillé plus ont finalement gagné moins. Insécurité grandissante, baisse du pouvoir d’achat, précarisation de l’emploi, multiplication des délocalisations : les gens ont constaté que rien ne s’est amélioré dans leur vie quotidienne. Ils ont réagi en conséquence. C’est ce qui a donné à leur vote l’allure d’un plébiscite pro ou anti-Sarkozy.

    Faut-il tenir Patrick Buisson – l’ancien conseiller spécial du président sortant – pour responsable du fiasco ? La stratégie de droitisation. Orientation fortement remise en cause par des caciques de l’UMP.

    Je ne le crois pas un instant, tout au contraire. Si Sarkozy a pu passer de 27 % des voix au premier tour à plus de 48 % au second, ce qui représente une progression considérable, c’est bien parce qu’il a verbalement infléchi son discours à droite entre les deux tours. S’il ne l’avait pas fait, il n’aurait pas dépassé 35 %. Les caciques de l’UMP qui se refusent à le reconnaître sont des gens qui s’imaginent qu’on peut séduire la droite en lui tenant un discours centriste, ou qu’un discours plus recentré aurait permis à Sarkozy d’obtenir un plus grand nombre de voix d’électeurs de gauche. Cela aurait pu être vrai s’il avait eu à affronter Mélenchon au second tour, pas François Hollande que personne ne pouvait considérer comme un extrémiste (comme en témoigne le ralliement de François Bayrou).

    Qu’est-ce que le sarkozysme ? Une idéologie ? Un style de présidence ? Une façon de voir le monde ?

    Rien de tout cela, pour la bonne raison que le « sarkozysme » n’existe pas. Il y a simplement eu un moment Sarkozy dans l’histoire de la Ve République. Ce moment s’est caractérisé par la mise en œuvre d’une sorte de libéralisme autoritaire, par une désacralisation accélérée de la fonction de chef de l’Etat, par une pratique sociale au service des plus riches, par un alignement de fait sur la politique des Etats-Unis d’Amérique, par le règne du paraître et le pouvoir des mots.

    Quel bilan faites-vous du mandat de l’ancien chef d’Etat ? Et y a-t-il des choses positives ? Jean d’Ormesson dans une interview accordé au Figaro Magazine (1) pense que dans quelques années, on se rendra compte qu’il était un grand président. Qu’on l’a mal jugé !

    Aucun régime n’est jamais totalement bon ni totalement mauvais. Mais c’est le bilan général qui compte. Je le trouve pour ma part détestable. Avec Sarkozy, nous avons assisté à la liquidation d’un certain nombre d’acquis sociaux hérités de plus d’un siècle de luttes sociales, à une désindustrialisation grandissante, à une perte d’indépendance dont la piteuse réintégration du commandement intégré de l’Otan a été le point d’orgue, à un engagement militaire dans des guerres qui ne nous concernent en rien (Afghanistan) ou des opérations militaires totalement dépourvues de sens (Lybie). Face à la crise financière mondiale, Sarkozy a déplacé beaucoup d’air, mais n’a rien réglé sur le fond. Le sentiment de Jean d’Ormesson, qui s’y entend en politique à peu près comme moi en mathématiques supérieures, a le mérite du pittoresque, mais je crois qu’il rêve debout. Sarkozy me semble plutôt appelé à connaître le sort de ces présentateurs de télévision qu’on voit tous les soirs, mais auxquels personne ne pense plus dès qu’ils ont définitivement quitté l’écran. Il a abandonné le pouvoir il y a trois mois à peine, mais j’ai l’impression qu’on l’a déjà oublié.

    Nicolas Sarkozy était-il de droite ou à droite ?

    Pour répondre à cette question, il faudrait déjà savoir quel sens on donne au mot « droite », et si ce sens n’est pas aujourd’hui devenu obsolète.

    Quels thèmes auriez-vous souhaité que les politiques abordent pendant cette campagne ?

    J’aurais aimé les entendre parler de géopolitique mondiale, des causes profondes de la crise financière actuelle, de la guerre menée par les marchés financiers contre les Etats, de la mise en place d’un nouveau « Nomos de la Terre », s’interroger sur les finalités de la construction européenne ou sur les fondements de la logique du profit et de l’axiomatique de l’intérêt, discuter de la question des alliances et des rapports de force, évoquer l’Asie centrale et la crise du Proche-Orient, l’épuisement des ressources naturelles, etc.

    Pourquoi cette hémiplégie ?

    D’abord, parce que ce ne sont pas là des sujets qui passionnent les électeurs (ils ne réalisent pas en quoi cela les concerne). Ensuite, parce qu’on ne peut pas en traiter sans se référer à idées, et que les idées, c’est bien connu, divisent l’opinion alors que dans une élection présidentielle on cherche avant tout à rassembler. Enfin et surtout parce qu’aucun des candidats ne se situait dans une perspective de franche rupture par rapport à l’idéologie dominante. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’abstention progresse assez régulièrement : les gens comprennent bien que les élections permettent une alternance, mais ne fournissent pas d’alternative.

    La droite française est-elle en pleine crise idéologique, en « décomposition » comme le disent les politologues ? Ou bien s’agit-il d’une mauvaise passe ?

    Toutes les familles politiques, « de droite » comme « de gauche », sont aujourd’hui plongées dans une profonde crise d’identité dont les causes sont nombreuses. L’une de ces causes est le « recentrage » des discours et des programmes, qui donne l’impression (confirmée dans les sondages) qu’il n’y a plus de véritables différences entre la droite et la gauche. Les divers partis apparaissent de plus en plus comme interchangeables, ce qui explique la volatilité électorale : les gens votent pour un parti après l’autre de la même façon qu’ils « zappent » entre des chaînes de télévision. Comme le résultat est toujours plus ou moins le même, ils sont toujours plus déçus. Une autre cause est que le paysage politique actuel continue d’être structuré, surtout dans sa dimension parlementaire, par des références obsolètes. La preuve en est que tous les grands événements de ces quinze dernières années ont créé des clivages nouveaux, qui traversent en diagonale les familles existantes. Le clivage droite/gauche est né avec la modernité, il tend à disparaître avec elle. Quant à la « décomposition » des partis, elle va de pair avec une décomposition plus générale : disparition des repères, incapacité à transmettre, instauration d’un climat sub-chaotique, dé-liaison sociale généralisée.

    Vous avez beaucoup travaillé sur la droite, entre autres. Qu’est-ce qui la différencie aujourd’hui de ce qu’elle était, il y a dix ans, sous l’ère Chirac ?

    Je ne vois guère de différences. La droite se partage toujours entre une composante populaire plus ou moins nostalgique du gaullisme, une petite-bourgeoisie (les classes moyennes inférieures) qui louche vers le Front national, et une grosse bourgeoisie acquise au libéralisme et à la mondialisation. Tout ce que l’on peut dire, c’est que le libéralisme n’a cessé de monter en puissance à l’intérieur de la droite, fût-ce en se conjuguant avec une rhétorique populiste xénophobe qui n’appartient pourtant pas à son héritage historique.

    Le score de Marine Le Pen à la présidentielle, la montée en puissance de ses idées, augurent-t-il des jours sombres pour l’UMP ?

    En théorie, oui. Mais l’UMP reste une machine de guerre dotée de moyens matériels infiniment supérieurs à ceux du FN, qui souffre de surcroît d’un sérieux manque de cadres. La logique des choses voudrait que l’on assiste d’abord à une décomposition politique de la droite suivie d’une décomposition sociale de la gauche, ce qui aurait au moins le mérite de déblayer le paysage. Mais la logique est une chose, la réalité historique en est une autre. Beaucoup de choses dépendent en outre des circonstances extérieures, qui sont aujourd’hui plus incertaines que jamais. L’histoire des hommes est par définition imprévisible, et donc toujours ouverte.

    Vous venez de publier Mémoire vive (2). Une autobiographie dans laquelle vous parlez à cœur ouvert. Pourquoi cet ouvrage maintenant ? Un désir de faire le point sur votre vie et de mieux faire partager votre pensée à un public qui a beaucoup entendu parler de vous mais qui vous connaît peu, finalement !

    Je crois qu’à partir d’un certain âge, on devient toujours un peu chroniqueur de soi-même. On éprouve aussi le besoin de faire au moins un bilan d’étape. Mémoire vive est en fait un livre double. C’est d’un côté un livre strictement autobiographique, où je raconte des choses très personnelles dont je n’avais jamais eu auparavant l’occasion ni le désir de parler. De l’autre, c’est une tentative de reconstruction d’un itinéraire intellectuel, d’un « chemin de pensée » poursuivi depuis déjà un demi-siècle. Chemin faisant, j’évoque les événements et surtout les personnalités que j’ai eu l’occasion de connaître. Il ne s’agit nullement de « mieux faire partager ma pensée », mais seulement de donner à ceux qui me lisent la posibilité de mieux me connaître et à ceux qui ne m’ont pas lu une occasion, peut-être, de rompre avec quelques idées reçues.

    Que reste-il de La Nouvelle Droite en 2012 ? Et d’après vous, quelles sont les idées dans ce courant de pensée que l’UMP a intégrées ?

    Ce que les médias ont appelé à partir de 1979 « Nouvelle Droite » – étiquette dans laquelle je ne me suis jamais pleinement reconnu – a été une grande, belle et durable aventure de la pensée. Cette aventure s’est toujours tenue à l’écart des engagements politiques partisans, pour s’en tenir à un travail engagé dans le domaine des idées, de la culture, de la connaissance et du savoir. Elle se poursuit toujours, non seulement au travers de mon œuvre, mais par l’intermédiaire des revues (Eléments, Nouvelle Ecole, Krisis) dans lesquelles s’exprime cette école de pensée. Quelles sont les idées que l’UMP a intégrées ? Aucune, bien entendu. Je l’ai déjà dit : les partis politiques, quels qu’ils soient, sont par nature allergiques aux idées (ils préfèrent évoquer les « valeurs » dont ils se réclament, sans jamais dire desquelles il s’agit). C’est la raison pour laquelle on ne peut à la fois faire de la politique et prétendre être un intellectuel digne de ce nom. J’ajoute qu’il serait pour le moins paradoxal de voir un parti comme l’UMP mettre en cause la société de marché, dénoncer l’exploitation du travail vivant et la colonisation de l’imaginaire symbolique par les valeurs marchandes, l’arraisonnement généralisé de la planète par l’idéologie de la croissance et la logique du Capital, bref se réclamer d’une pensée critique qui contredit à angle droit ses intérêts de classe !

    Dans votre livre, vous dites que vous êtes « de droite et de gauche ». Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire et comment peut-on être des deux à la fois ?

    C’est d’abord une formule qui signifie que je suis indifférent aux étiquettes. Les étiquettes, c’est le paraître, le contenant, alors que seuls les contenus m’intéressent. Cela veut dire aussi qu’en tant qu’historien des idées, ce qui me paraît le plus nécessaire n’est pas tant d’identifier des « idées de droite » ou des « idées de gauche » que de distinguer les idées fausses des idées justes. Au cours des deux derniers siècles, de nombreuses thématiques sont d’ailleurs passées de droite à gauche, ou vice versa. C’est la raison pour laquelle mes auteurs de référence, que j’évoque longuement dans Mémoire vive, appartiennent à des familles politiques ou idéologiques extrêmement variées. Disons que c’est ma façon de voir le monde qui organise ces différentes influences dans un ensemble structuré que je crois cohérent.

    Quelles sont les idées qui à droite sont passées à gauche et vice-versa ?

    Le nationalisme, souvent classé à droite, est né à gauche à l’époque de la Révolution française, qui fut la première à considérer la nation comme une entité politique souveraine. Au XIXe siècle, l’idéologie coloniale fut essentiellement propagée par des hommes de gauche, comme Jules Ferry, tandis que la droite y était en général hostile ; au siècle suivant, ce fut le contraire. Le régionalisme et l’autonomisme se situaient plutôt à droite dans les années 1930, à gauche dans les années 1960. L’idéologie du progrès, associée à la philosophie des Lumières, a d’abord été combattue par la droite contre-révolutionnaire. Elle est aujourd’hui critiquée par la gauche écologiste, qui récuse le productivisme et les diktats de la techno-science. On pourrait donner bien d’autres exemples.

    Vous dites, page 49, qu’il y a « un conformisme de l’anticonformisme. » Pouvez-vous nous donner des exemples ?

    Le style « bobo » en est l’incarnation même. Le libéralisme sociétal (la « liberté des mœurs ») se donne volontiers pour anticonformiste, mais s’intègre pleinement dans un système économique dominant qui tire profit de la tendance des individus et des groupes à vouloir faire reconnaître n’importe quel désir comme une « norme ». La « libération sexuelle » des années 1960-1970 a surtout permis de créer un profitable marché du sexe. D’autres croient « violer des tabous » en s’en prenant à la famille, à la religion ou à l’armée, sans s’apercevoir qu’ils tirent sur des ambulances. Il y a longtemps que ce ne sont plus là des tabous ! Les mêmes prennent d’ailleurs bien soin de ne violer aucune des règles du politiquement correct actuel. Une autre manière de tomber dans le conformisme de l’anticonformisme est de s’engager contre le fascisme à une époque où le fascisme a disparu, ou contre le communisme à une époque où celui-ci s’est effondré. C’est à la fois rentable et sans aucun risque. Ces gens-là n’ont pas la moindre idée du moment historique où ils vivent. Ils cheminent dans l’existence en regardant dans leur rétroviseur, ils croient pouvoir livrer des guerres qui sont déjà terminées. Ils n’ont pas compris que l’époque postmoderne, qui est celle du capitalisme absolu, est à la fois post-fasciste et post-communisme, post-bourgeoise et post-prolétarienne.

    Vous avez déclaré à plusieurs reprises que les valeurs du capitalisme sont plus un danger pour la civilisation occidentale que l’islamisme radical. Que l’impérialisme fait plus de dégâts que l’extrémisme musulman. Pourriez-vous développer ce point qui va à l’encontre des idées reçues ? Quels sont vos critères dans cette analyse ?

    Je viens de le dire, nous vivons à l’époque du capitalisme absolu, qui est bien différent de l’ancien capitalisme marchand ou industriel. Le vieux capitalisme avait encore un ancrage territorial, tandis que le capitalisme actuel est entièrement déterritorialisé. C’est la raison pour laquelle son alliance avec les classes moyennes a pris fin. L’essence du capitalisme réside dans son illimitation (le Gestell dont parle Heidegger), dans cette forme d’hybris qui le porte à la suraccumulation du capital et qui explique son déploiement planétaire dans un monde qu’il rêve de transformer de part en part en marché homogène. Comme Marx l’avait bien vu, tout ce qui risque d’entraver cette perpétuelle fuite en avant (cultures différenciées, valeurs partagées, etc.) devient un obstacle à supprimer. Toutes les valeurs sont rabattues sur la valeur d’échange, ce qui revient à dire que rien n’a plus de valeur, mais que tout a un prix. L’Homo œconomicus est posé comme un être qui se réduit à sa fonction de producteur-consommateur et ne cherche dans la vie qu’à maximiser de manière égoïste son meilleur intérêt personnel. Tout cela me paraît en effet plus grave que l’« extrémisme musulman » car cela met en cause, non pas du tout seulement la « civilisation occidentale », qui n’est pas mon souci prioritaire, mais les modalités mêmes de la présence humaine au monde. Quant à l’« extrémisme musulman », qui n’est qu’un extrémisme politique sous habillage religieux, il faudrait encore savoir comment on le définit et surtout quelles en sont les causes.

    Faut-il intervenir en Syrie comme le demande l’ONU ? Certains, comme Richard Labévière3 disent que la situation est complexe. Que les médias occidentaux diabolisent le régime de Bachar Al Asaad et que des forces extérieures cherchent à démanteler le pays. Etes-vous d’accord avec lui ? En d’autres termes, à qui profite le crime ?

    La première condition pour ramener le paix en Syrie consisterait, non pas à y intervenir, mais à cesser d’y intervenir, afin de laisser les Syriens décider par eux-mêmes de leur sort. Il y a maintenant des années que les puissances occidentales font tout pour déstabiliser la Syrie dans le cadre d’un programme de balkanisation du Proche-Orient, dont on a déjà vu les résultats en Irak et en Libye. Il s’agit toujours de diviser pour régner. En Syrie, la rébellion a dès le début été soutenue, financée et armée par l’Arabie Saoudite et le Qatar, appuyés par la France, l’Angleterre et les Etats-Unis. Parmi ceux qui combattent dans ses rangs, on trouve un grand nombre de « djihadistes » étrangers. Les médias occidentaux, auxquels le prétendu « printemps arabe » n’a pas servi de leçon, cherchent à faire croire que le conflit oppose un dictateur à des foules désireuses d’instaurer la démocratie et la paix. C’est être aveugle sur la réalité des choses. La fin du régime alaouite en Syrie donnerait le signal du massacre des chrétiens et se traduirait par la montée en puissance de ces mêmes extrémistes musulmans dont vous parliez à l’instant. La Chine et la Russie l’ont bien compris. Ils n’ont pas oublié que, depuis l’époque de la guerre froide, les Etats-Unis ont toujours soutenu les régimes islamistes contre les mouvements laïques du monde arabe. Reste à savoir si Israël veut voir les Frères musulmans s’installer sur sa frontière nord, après avoir déjà pris le pouvoir en Egypte.

    Vous ne niez pas les exactions commises par le régime et le clan Al Assad !

    Dans une guerre civile, il n’y a pas de partie innocente. Le gouvernement syrien combat la rébellion avec une grande brutalité. Les rebelles multiplient eux aussi les massacres et les exécutions sommaires ; les médias occidentaux oublient simplement d’en parler. Les Américains dénoncent Bachar Al Assad, qui est incontestablement un dictateur, mais ils s’accommodaient très bien de Moubarak en Egypte ou de Ben Ali en Tunisie, qui étaient leurs alliés. C’est aussi la raison pour laquelle ils ferment les yeux sur l’application de la sharia en Arabie Saoudite.

    On s’est peu attardé sur la disparition du philosophe Roger Garaudy. Que retenez-vous de son œuvre et comment expliquez-vous ce service minimum ?

    Ce service minimum s’explique apparemment par les polémiques auxquelles il a été mêlé à la fin de sa vie, et notamment à ses prises de position violemment « antisionistes ». Du coup, on a oublié son œuvre philosophique, qui n’est pourtant pas mince. Pendant des décennies, Garaudy a été le principal intellectuel du parti communiste français. Ancien déporté dans un camp d’internement de Vichy en Afrique du Nord, élu après la guerre député, puis sénateur, il fut longtemps membre du comité central du PC, dont il ne fut exclu qu’en 1970. Il est mort quasi centenaire après avoir publié plus de 70 ouvrages. Son livre sur La théorie matérialiste de la connaissance (1953), ses travaux sur la morale marxiste (1963) ou la pensée de Hegel (1966) mériteraient sans doute d’être relus aujourd’hui.

    Qu’est-ce qui caractérise le plus notre époque, notre société ? Le spectacle, la diabolisation de certains intellectuels, la fin des idéologies, l’absence de débats ? Certains auteurs parlent de « liquéfaction » du corps social.

    Difficile de répondre de façon succincte à cette question. Nous sommes actuellement dans une époque de transition. Nous voyons se dissiper les contours de l’ancien monde, sans que se précise nettement celui qui vient. Je ne parlerais certainement pas de « fin des idéologies ». Le thème de la fin des idéologies, très à la mode il y a une trentaine d’années, ne vaut pas mieux que celui de la « fin de l’histoire » lancé par Francis Fukuyama. Toute société humaine a son idéologie dominante. Celle qui domine aujourd’hui est l’idéologie de la marchandise. La diabolisation de certains intellectuels, l’absence de vrais débats, sont surtout des phénomènes propres à la France. Quant à l’approche de la société en termes de spectacle et de consommation, qui remonte pour le moins au situationnisme, elle reste encore insuffisante pour décrire des évolutions plus récentes, comme la montée du technomorphisme dans la vie quotidienne (la dépendance à la télécommande et aux écrans), la féminisation de la vie sociale, la vogue des « victimes », la montée comme type humain de l’individu narcissique immature, la désinstitutionnalisation, la privatisation de la foi (la croyance religieuse n’est plus aujourd’hui qu’une opinion parmi d’autres), etc. La notion de « société liquide » proposée par Zygmunt Bauman me semble intéressante. Elle explique bien comment le transitoire, le changeant, l’éphémère, tend dans tous les domaines à remplacer ce qui, auparavant, paraissait à la fois durable et constant. Les sociétés occidentales actuelles relèvent d’une logique à la fois « maritime » et commerciale : tout y est affaire de flux et de reflux, de communautés et de réseaux.

    Que vous inspirent les nouveaux philosophes ? Gilles Deleuze parlait d’imposture à leur sujet. Il disait qu’il n’y avait aucune philosophie. Etes-vous de cet avis et qu’ont-ils apporté au débat d’idées ?

    Voilà une question qui nous ramène plus de trente ans en arrière ! Deleuze n’avait pas tort de parler d’imposture à propos des ex-nouveaux philosophes, dont la contribution proprement philosophique reste encore à identifier. La « nouvelle philosophie » me paraît surtout avoir constitué une sorte de sas permettant à d’anciens révolutionnaires de se « repentir » à bon compte et, sous couvert de réalisme, de se rallier à un système en place gouverné par l’idéologie des droits de l’homme et celle du marché.

    Comment expliquer leur popularité auprès des médias français ?

    Les médias parlent de ce dont on parle, ce qui signifie qu’ils amplifient tout naturellement les « coups » médiatiques qu’ils ont été les premiers à lancer. Ils ont par ailleurs très vite compris ce qu’il y avait d’utilisable chez les « nouveaux philosophes », disons pour faire bref un nouveau mode de légitimation du désordre institué. Il est notoire, enfin, que les compétences philosophiques de la plupart des journalistes tiennent à l’aise sur un confetti.

    Dans votre livre, vous semblez ne pas tenir grief à Pierre-André Taguieff. Or La Force du préjugé (4) est un essai théorique dans lequel il vous accusait « de racisme masqué ». Cet auteur, relayé par d’autres et qui se sont appuyés sur ses écrits, a contribué, pour une grande part, à votre diabolisation en France. Pourquoi cette mansuétude ?

    Je n’ai pas du tout le sentiment que Pierre-André Taguieff ait joué un rôle majeur dans ce que vous appelez ma « diabolisation ». C’est bien plutôt lui qui a été diabolisé pour avoir tenté d’analyser le phénomène de la « Nouvelle Droite » autrement qu’à coups d’anathèmes et de slogans. Vous citez La Force du préjugé, qui est un livre paru il y a plus de vingt ans. Depuis lors, Taguieff a publié nombre d’écrits dans lesquels il a adopté à mon égard des attitudes assez variées. Comme il lit ce dont il parle, il a tenu compte de mon évolution. J’ajoute qu’il a évolué lui-même, sans doute plus encore que moi (il ne fait pas de doute que je suis aujourd’hui beaucoup plus à gauche que lui !). Quant au « racisme masqué » d’un auteur, moi en l’occurrence, qui a publié à ce jour trois livres contre le racisme, la formule a plutôt de quoi faire sourire.

    Il n’a jamais fait partie du GRECE (5) ? On dit même qu’il participait à certains de vos travaux. Réalité ou légende ?

    Légende, évidemment. Mais vous noterez qu’elle contredit votre question précédente : si Pierre-André Taguieff avait voulu « diaboliser » le GRECE, on ne l’aurait pas accusé d’en faire partie, ou du moins de nourrir à son endroit des sympathies suspectes. Taguieff a parfois assisté à des réunions ou des colloques organisés par le GRECE, comme l’ont fait de nombreux journalistes. J’ai souvent eu des discussions avec lui, et ne l’ai jamais regretté. C’est un interlocuteur d’excellent niveau.

    Votre pensée a évolué au fil du temps et des rencontres. Pouvez-nous dire, néanmoins, les idées, les concepts auxquels vous n’avez jamais renoncé pour expliquer le monde, les rapports sociaux, politiques ?

    Je n’ai d’abord jamais renoncé aux exigences de la pensée critique. Je n’ai jamais renoncé à militer en faveur d’une Europe autonome, politiquement unifiée, qui soit à la fois un pôle de puissance dans un monde multipolaire et un creuset de culture et de civilisation. Je n’ai jamais renoncé à l’idée que la diversité constitue la plus grande richesse du monde, et que toutes les doctrines universalistes, religieuses ou profanes, qui tentent de réduire cette diversité au nom de l’Unique, sont des doctrines nocives qui doivent être combattues sans merci. Mais je ne vais pas entamer ici un petit credo personnel. Pour en savoir plus, il faut lire Mémoire vive !

    Qu’attendez-vous du gouvernement Ayrault et de la présidence Hollande ?

    Quand les hommes politiques arrivent au pouvoir, c’est en général pour découvrir leur impuissance. Pour des raisons qui excèdent leurs personnes, je ne crois donc pas qu’il y ait beaucoup à attendre de François Hollande ou de Jean-Marc Ayrault. Je crains qu’ils n’aient pas la carrure nécessaire pour faire face à la crise généralisée dont la situation présente est un signe avant-coureur. Pour desserrer l’étau du système de l’argent, il faut beaucoup de volonté et beaucoup de moyens. A mon avis, les deux leur font défaut.

    Merci Alain de Benoist. Je rappelle le titre de votre dernier livre, Mémoire vive, avec François Bousquet, aux Editions de Fallois.

    Propos recueillis par Paul Moffen. http://www.voxnr.com

    Notes :

    1) Jean d’Ormesson, L’injustice faite à Sarkozy in Le Figaro Magazine, le 03/05/2012.
    2) Mémoire vive, Entretiens avec François Bousquet, Editions de Fallois, 2012.
    3) Ancien rédacteur en chef de RFI et TV5 in Eléments, n°143, 2012, pp.6 et 7.
    4) Pierre-André Taguieff, La Force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles, Editions Gallimard, 1991.
    5) Groupement de recherches et d’études pour la civilisation européenne.

    Souce :

    http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/alain-de-benoist-les-partis-121268

  • Retraites : la fin de l’âge d’or… les retraités ont mangé leur pain blanc

    Patronat et syndicats avaliseront-ils la désindexation des retraites complémentaires par rapport aux prix lors de leur prochaine et théoriquement dernière – séance de négociation le 7 mars prochain ? Cette quasi-première ouvrirait une nouvelle période de baisse de pouvoir d’achat pour les retraites. Une rupture par rapport à la tendance du passé où l’on a vu le niveau de vie des retraités se hisser – en moyenne – à celui des actifs. Une performance que le système par répartition ne peut assurer qu’en période de croissance économique. Les années de vaches maigres ne laissent pas d’autre choix que d’opérer des révisions déchirantes

    Plus rien ne sera comme avant pour les retraités qui ont vécu leurs plus belles années – Ah, la fameuse “lune de miel” des retraités ! Et les futurs inactifs qui persistent à croire que le statu quo actuel est tenable vont déchanter. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Placé devant le mur du financement – selon les dernières projections du Conseil d’orientation des retraites ( COR) -, le système de retraite fera face à un besoin de financement de 1 % du PIB (soit 20 milliards d’euros) à l’horizon 2020 et jusqu’à près de 2,5 % dans la pire des hypothèses à l’horizon 2040. Des perspectives qui signent inéluctablement la fin prochaine de l’âge d’or des retraites en France.

    Le système français de retraites par répartition , l’un des plus généreux au monde, est parvenu à hisser le revenu des retraités quasiment à la parité de celui des actifs. Année après année, le niveau des pensions progresse de l’ordre de 3 à 4 % car les nouveaux retraités ont des carrières plus complètes et mieux payées. Question : une telle performance réalisable en période d’expansion est-elle, ne serait-ce que viable, en période de stagnation ?

    Sous la pression financière

    De gré ou de force, c’est sous la pression financière qu’il faudra fournir la réponse. Et cette dernière sera tranchée dans le vif. Le dossier des retraites, un temps oublié, fait un retour bien plus rapide que prévu.

    Sous la double menace comptable et bruxelloise, le gouvernement accélère la cadence. La réforme de 2010 était pourtant censée laisser le dossier tranquille au moins jusqu’en 2018. Las, la récession est passée par là et le creusement du besoin de financement ne laisse pas d’autre choix aux autorités que d’intervenir pour enrayer la dérive. Cette année ou l’année prochaine ? L’exécutif hésite encore sur le bon timing pour traiter ce délicat dossier.

    Fidèle à sa méthode de concertation, il installe cette semaine un comité des sages, présidé par Mme Yannick Moreau, chargé d’indiquer les différentes mesures possibles – et souhaitables – pour assurer la “pérennité” du système avant de convoquer une nouvelle conférence sociale au début de l’été. Son espoir ? Que d’ici là, une décantation se réalise du côté des solutions car il n’existe pas trente-six moyens mais seulement trois paramètres sur lesquels, en l’état actuel du système, les gestionnaires peuvent agir pour rétablir l’équilibre : le niveau des cotisations, l’âge de la retraite ou le niveau des pensions.

    La désindexation à l’ordre du jour

    Voilà un hasard du calendrier qui arrange bien les affaires du gouvernement qui ne veut pas assumer le premier le mauvais rôle : ce sont les gestionnaires des retraites complémentaires (Arrco pour les employés et ouvriers, Agirc pour les cadres) – le “deuxième étage” des retraites selon l’expression consacrée (le régime de l’assurance vieillesse de base constituant le premier étage) – qui doivent résoudre la difficile équation financement/prestations.

    Les régimes qui étaient encore excédentaires font face à un déficit d’environ 4,5 milliards d’euros et avec une telle hémorragie, les réserves financières seront épuisées dès 2017 pour l’Agirc et 2020 pour l’Arrco. Or il n’y a pas d’échappatoire. La règle veut que les régimes couvrent leurs besoins par leurs ressources propres sans recourir à l’endettement. Ce qui les oblige à trouver des solutions d’urgence si possible d’ici le 1er avril prochain, date à laquelle les paramètres du régime sont traditionnellement chaque année révisés. Avec à la clé une possible désindexation des retraites.

    Nous sommes d’accord pour prendre des mesures conservatoires à la condition que ces dernières soient équilibrées. La désindexation ne pourrait être que provisoire et ne peut pas en tout état cause concerner le régime général qui constitue le socle des retraites”, déclare Jean-Marie Toulisse, secrétaire confédéral à la CFDT en charge des retraites.

    Cette mesure sans précédent, si elle est avalisée par les syndicats et le patronat, pourrait inspirer le gouvernement, ce dernier pouvant alors se risquer à son tour à l’appliquer aux retraites de base. “Les partenaires sociaux ne sont pas dupes de la manoeuvre. Cette partie de go devrait trouver son épilogue le 7 mars prochain, date de l’utlime réunion de négociation pour les régimes complémentaires”, analyse Philippe Crevel, directeur du Cercle des épargnants. La désindexation est l’une des mesures les plus radicales. Une sous-indexation d’un point par rapport à l’inflation fait réaliser une économie de 4 milliards d’euros. Les Allemands l’ont fait depuis 2004, ce qui a conduit à une perte de pouvoir d’achat de plus de 10 % en huit ans.

    Mais “ce serait écorner un acquis majeur des systèmes de sécurité sociale” écrit Bertrand Fragonard, magistrat à la Cour des comptes et auteur de Vive la protection sociale ! (éditions Odile Jacob).

    Appliquée de façon durable, la sous-indexation conduirait à une baisse marquée du niveau de vie des retraités les plus âgés (un point sur vingt ans de durée de service d’une pension diminue son pouvoir d’achat en dernière année de 18 %).

    L’âge de la retraite en question

    On n’est certes pas obligé d’imaginer une séquence aussi longue. Et à court terme, la tentation de la désindexation a ses adeptes au sein même de l’exécutif ; cela éviterait au gouvernement d’avoir à “jouer” sur l’âge du départ à la retraite, une option qui fait figure de tabou à gauche. “Le report de l’âge légal fait l’objet d’un blocage à gauche, celle-ci ne voulant pas se déjuger après sa vive opposition à la réforme de 2010. Personne ne croit François Hollande capable d’annoncer un passage de l’âge de la retraite à 63 ou 64 ans après 62 ans. Et il aura du mal à assumer un allongement de la durée d’assurance”, analyse Philippe Crevel.

    Bémol supplémentaire : le piétinement récent de l’espérance de vie au cours de la dernière période pourrait ralentir l’allongement mécanique de la durée d’assurance (selon la règle 2/3- 1/3 calée sur un partage constant de la vie humaine entre activité – en moyenne 40 ans – et retraite – vingt ans). La voie est étroite.

    Si l’on veut écarter l’option de désindexation, il n’y a pas d’autre choix que d’accélérer l’augmentation de la durée d’assurance ou de différer l’âge de la retraite pour atteindre 64-65 ans aux alentours de 2030. C’est ce qu’ont fait les Allemands qui ont programmé la hausse de l’âge de la retraite à 67 ans jusqu’à l’horizon 2030.

    Dans une société où l’on vit plus longtemps, ce n’est pas une régression sociale que de travailler plus longtemps si – et c’est un chantier immense – on améliore les conditions d’emploi des seniors. C’est vraisemblablement la condition à remplir pour ne pas avoir à subir de régression du niveau de vie des retraités”, reprend Bertrand Fragonard. Confrontés à ces choix, les Français l’entendront-ils de cette oreille ? La réforme de 2010 accouchée dans la douleur – 4 mois de manifestations, trois journées de grèves – montre que cela n’a rien d’évident.

    La fin de l’âge d’or

    Quelle que soit la voie choisie, la situation des futurs retraités est appelée à connaître un net décrochage par rapport aux actifs. Selon les travaux du COR, le montant de la pension moyenne rapporté au revenu moyen d’activité est appelé à diminuer entre 5 et 10 % d’ici 2030 et de 10 à 25 % d’ici 2060 selon les hypothèses.

    Et, encore, ce chiffrage ne prend en compte que le cas des carrières pleines or on sait qu’avec le développement de l’instabilité professionnelle, ces cas feront figure à l’avenir d’exception. “Jusqu’ici les réformes ont été quasi neutres pour les salariés ayant eu des carrières linéaires. En revanche, ceux qui ont des carrières heurtées ont subi une baisse de leur retraite. C’est un facteur d’inégalité”, déplore Jean-Louis Toulisse.

    Les travaux du COR donnent toute la mesure des ajustements nécessaires pour atteindre l’équilibre du système de retraite. A l’horizon 2040, par exemple, cet équilibre supposerait une hausse de 2 points des prélèvements à la charge des actifs, un recul de l’âge effectif moyen de départ à la retraite d’environ 2 ans et une diminution relative des pensions par rapport au revenu d’activité d’environ 12 %. Mais quelle que soit la combinaison retenue, une certitude : il faudra agir sur tous les paramètres en même temps. Les retraités ont mangé leur pain blanc.

    le Nouvel Economiste

    http://fortune.fdesouche.com

  • Retour à la barbarie près de Lille

    Nous évoquions tout à l’heure l’insécurité grandissante dans l’un des quartiers de Lille, et les nouvelles mesures policières mises en place pour y faire face. Hé bien, dans la banlieue lilloise cette fois ci, dans la nuit du vendredi au samedi 23 février dernier, vers 5H00 du matin, les « Barbares » sont entrés dans Houplin-Ancoisne, petite ville d’un peu plus de 3000 habitants. L’objectif de ces vandales ? Piller la réserve de bouteilles de gaz sur le parking d’un petit supermarché situé à proximité.

    Sans doute déranger dans l’exercice de leur « profession », ou bien incapables de forcer la cage où étaient entreposées les bonbonnes, les « Barbares » ont pratiqué comme leurs ancêtres jadis, la politique de la terre brulée : ils ont mis le feu aux bonbonnes ! Par miracle, celles-ci n’ont pas explosé !

    Ce n’est pas là un acte de délinquance si banal. Si l’explosion avait eu lieu, en plus d’y laisser leurs vies, ces criminels -car il s’agit d’un acte délibérément criminel- auraient entrainé avec eux dans la mort, tous ceux qui auraient eu le malheur de se hasarder sur le parking. C’eût été un terrible spectacle de désolation ! Mais que se passe-t-il à Lille, que la criminalité soit à ce point à la hausse ? On aurait bien quelques éléments de réponse, mais bon …

    http://www.contre-info.com/