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Constantes et changements dans l’histoire des conflits
Constantes et changements dans l’histoire des conflits, bref essai de typologie des déterminants de conflits – par Aymeric Chauprade. Premier chapitre de l’analyse publiée dans Déterminants des conflits et nouvelles formes de prévention (Bruylant, 2013, sous la dir. de S.E. Jean-Pierre Vettovaglia).
Introduction
L’un des mérites de la recherche historique est d’avoir démonté tous les modèles explicatifs simples de l’histoire des crises et des conflits. Il s’agit d’emblée de repousser la causalité unique et systématique. Comme le disait Bossuet : « le plus grand dérèglement de l’esprit consiste à voir les choses telles qu’on le veut et non pas telles qu’elles sont ». Si l’idéologie règne en maîtresse incontestée entre 1945 et 1990 dans l’étude des relations internationales conflictuelles, la géopolitique et ses permanences ont, depuis, regagné leur place. Dans ce chapitre introductif de la partie théorique de cet ouvrage, nous tenterons de passer en revue les déterminismes de la géopolitique physique et humaine (persistance de constantes) qui ne constituent pas en soi des sources de conflits mais qui peuvent le devenir au gré des circonstances.
Nous cherchons à participer à ce que Fernand Braudel appelle le nécessaire « rassemblement des sciences sociales » en vue de nous approcher de la vérité, par la convergence des savoirs. Pour parvenir à se rapprocher de la vérité des causes et de la compréhension du réel, dans leur complexité propre, toutes les sciences sociales doivent en effet être tour à tour auxiliaires les unes des autres.
Nous voulons poser comme hypothèse le rejet de tous les modèles d’explication monocausale du monde et considérer que la tentative d’explication d’un conflit contemporain intègre nécessairement la prise en compte d’une multiplicité de facteurs et de paramètres. Car si les causes des conflits sont profondes et donc anciennes, il faut être capable d’aller à leur recherche jusque dans des temps reculés et il faut les suivre à travers les siècles pour souligner la récurrence de leurs effets. La recherche des déterminants des conflits est donc un aller retour permanent sur l’échelle du temps avec des stations courtes mais aussi des projections dans le passé (causalité continue/causalité discontinue). En un mot, il va s’agir d’observer la réalité dans sa diversité et sa complexité puis d’isoler les facteurs explicatifs de conflits en soulignant à chaque fois l’insuffisance des explications monocausales et réductrices d’une part et d’autre part la nécessité de relier les facteurs entre eux pour progresser dans la compréhension des conflits. Notre tableau sera évidemment incomplet car comment rendre compte de l’immense richesse et complexité identitaire du monde ?
L’addition des facteurs ne suffit d’ailleurs pas : encore faut-il savoir les hiérarchiser selon l’originalité propre de chaque conflit étudié.
Chapitre I Permanence de la carte, premier déterminisme
1.1 L’enclavement
La situation d’enclavement est d’une importance majeure car elle est à l’origine de nombreux chocs entre les peuples. Un État enclavé n’a pas d’accès maritime direct. Il peut disposer d’accès fluviaux mais leur navigabilité est soumise au passage chez les voisins. Ses communications économiques avec le monde dépendent des relations politiques avec les voisins. La voie aérienne contribue à dédramatiser la situation d’enclavement mais la solution est mineure par rapport au handicap. L’enclavement entraîne souvent une situation de dépendance à l’égard des voisins. L’ambition première d’un tel état est de sortir de l’enclavement. Cette situation provoque souvent des contentieux sérieux avec les États du voisinage. Il en existe une quarantaine dans le monde dont le Laos, la Serbie, le Kosovo, le Lesotho, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, la RDC (avec seulement une quarantaine de km de côtes sur la façade atlantique), la Centrafrique, le Rwanda, le Burundi, l’Éthiopie, etc. Un exemple de tentative de désenclavement océanique en Afrique du Nord est celui de l’Algérie qui soutient le Front Polisario dans le Sahara occidental pour s’ouvrir une façade atlantique. On peut aussi signaler les « poussées vers les mers chaudes » de la Syrie à travers le Liban, de l’Irak à travers le Koweït et de l’Ethiopie à travers l’Erythrée et la Somalie tout en se rappelant du « Grand jeu » entre la Russie et l’Angleterre au XIXème siècle, et entre la Russie et les États-Unis au XXème.
L’enclavement est une situation objective du point de vue territorial et un sentiment subjectif qui peut agir de manière déterminante sur les comportements politiques des peuples se représentant comme enclavés et vivant un véritable complexe d’obsidionalité. On se sent enclavé et assiégé. Ce sentiment d’étouffement détermine des velléités de poussées souvent déstabilisantes pour les États voisins (Moldavie, Gibraltar, etc).
1.2 L’insularité
Il existe de nombreuses situations de partage d’une île. Il est rare que dans ces circonstances il n’y ait pas refus par l’un des États considérés de la partition de l’île et revendication de l’unité insulaire à son profit (nationalisme irlandais, partage de l’île de Chypre condamnée par les Nations Unies, les îles Hanish du Yémen, l’unité comorienne remise en cause par les séparatisme îliens, celui d’Anjouan et de Mohélie en particulier, l’insatisfaction mauricienne de son héritage insulaire)
1.3 Topologie, nature du relief
La topologie a contribué à forger historiquement le rapport et la représentation entre les États et les peuples, rapport et représentation sur lesquelles nous vivons encore largement malgré les progrès de la technique qui diminuent la fonction séparatrice de mers et de déserts et donc la diminution de la pertinence des obstacles naturels. Dans les pays en développement, l’obstacle naturel continue de modeler les rapports entre États voisins. De nombreux espaces vides, comme les déserts, et nombre de régions forestières ou montagneuses restent éloignées des phénomènes d’accroissements mondiaux des flux. La topologie reste stratégiquement une réalité incontournable.
Espace vide, le désert est souvent représenté comme une zone de séparation entre aires distinctes voire comme une zone d’affrontement. Le Sahara est une zone de séparation et d’affrontement entre l’Afrique du Nord et l’Afrique noire. Parmi les dix États construits sur des étendues sahariennes – six sont arabes et quatre appartiennent à l’Afrique noire – ceux qui se trouvent sur les franges du Sahara comme le Mali et le Niger sont bâtis sur une opposition Nord-Sud. Les pasteurs nomades arabisés s’y opposent aux populations africaines. D’une manière générale, l’Afrique noire est soumise à la poussée historique des populations maghrébines et islamisées à travers le Sahara. Un tropisme sahélien pousse l’ensemble des pays du Maghreb – Mauritanie, Algérie, Maroc et Tunisie – vers l’Afrique selon des lignes de pénétration très anciennes et qui correspondent notamment aux poussées de l’islam dans la profondeur du continent africain, le long des routes de l’or.[1]
Par nature extensif, le désert nourrit des forces de poussée. Ce caractère inhérent aux étendues désertiques est en contradiction avec l’idée de fixation des frontières et constitue donc un facteur de conflictualité. Il est difficile de matérialiser les frontières sur l’espace fluctuant des vides spatiaux et lorsque deux États se rencontrent dans le désert, un conflit peut facilement apparaître (frontières récentes du Sahara, ex-Sahara espagnol)[2].
En de nombreux points de la planète, des peuples s’affrontent encore pour le contrôle d’espaces désertiques qui ne sont pas nécessairement riches en pétrole, en gaz ou en matières premières. Des hommes se battent pour la maîtrise de l’étendue. A l’heure où nombre d’analyses soulignent la primauté absolue des causes socio-économiques dans les dynamiques d’affrontement, les « ambitions désertiques ou steppiques » appellent à méditer sur la place centrale qu’occupe encore aujourd’hui le territoire dans l’origine des dynamiques conflictuelles. Le « désir de territoire », dont François Thual a décortiqué les mécanismes[3], reste une donnée fondamentale du monde contemporain.
Un lac peut être international s’il est placé sur la frontière de deux ou plusieurs États. Certains États de l’Afrique des Grands Lacs sont ainsi construits suivant une logique d’accès à un lac et se partagent celui-ci avec d’autres États. Lorsqu’un lac est une frontière, il est aussi un bassin commun de ressources – eau douce, hydro-électricité, pêche, irrigation – qui peut susciter bien des convoitises communes et des difficultés dans le partage. La formation territoriale de l’État du Niger est issue d’un compromis entre les colonisateurs français et anglais qui portait sur le contrôle du fleuve Niger.
La montagne a ses peuples aux rudes identités qui s’opposent souvent à ceux des plaines plus conquérants. Dans cette opposition à la domination d’une ethnie ou d’une religion, ou bien des deux à la fois, la montagne a été le refuge des minorités et des hérésies. Le monde arabe de la montagne a en fait largement résisté à la bédouinisation turque, contrairement aux montagnes d’Asie Mineure et des Balkans. L’Atlas saharien d’Algérie, le Haut Atlas marocain, les Aurès d’Afrique du Nord, les massifs du Yémen, d’Oman, les monts du Liban, la montagne alaouite de Syrie, ont, d’une manière ou d’une autre résisté à la domination de la plaine, soit en conservant leurs modes de vie, soit en accueillant des populations de la plaine fuyant la domination turque sunnite.
L’interaction de la climatologie et de la topologie n’est plus à démontrer. Au climat sont associés des conditions de vie plus ou moins favorables pour l’homme et son développement. Ces conditions peuvent être des déterminants de conflits[4] dans la mesure par exemple où la chaleur insupportable, les maladies, peuvent provoquer des migrations de populations ou les empêcher comme la mouche tsé-tsé a longtemps arrêté les pasteurs peuls musulmans venus du Nord et par la même occasion la pénétration de l’Islam vers l’intérieur de l’Afrique noire.
La question du changement de climat n’est pas nouvelle et il existe de nombreux exemples de changements climatiques qui eurent des conséquences importantes sur les sociétés humaines. Fernand Braudel pose très tôt la question du changement climatique dans ses conséquences sur les modes de vie des sociétés humaines.[5]
La géographie physique constitue la donnée constante qui fonde la continuité de la politique des États. C’est la raison pour laquelle la géopolitique accorde la primauté aux caractéristiques d’enclavement, d’insularité, aux données du relief (montagne, désert) qui sont elles-mêmes indissociables des données climatiques pour expliquer des comportements nationaux, régionaux ou internationaux et des ambitions avouées ou inavouées, potentiellement sources de conflit. C’est le premier déterminisme géopolitique.
Aymeric Chauprade
[1] F. Maurette, « Afrique équatoriale orientale et australe », in Géographie universelle, XII
[2] A. Chauprade et F. Thual, « Dictionnaire de géopolitique », 2e éd., Paris, Ellipses, 1999, article Maroc
[3] F. Thual, « Le désir de territoire », Paris, Ellipses, 1999
[4] D.S. Landes, « Richesse et pauvreté des Nations », Paris, Albin Michel, 1998, p.30
[5] F. Braudel, « Ecrits sur l’histoire », rééd. Paris, Flammarion, 1984, coll. « Champs », p. 169http://www.realpolitik.tv/2013/12/constantes-et-changements-dans-lhistoire-des-conflits/
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Écologie et économie
Le texte présenté ici est un extrait de l’ouvrage Vittorio Hösle (1) “Philosophie de la crise écologique” (Wildproject, 2009, trad. Matthieu Dumont), publié pour la première fois à Munich en 1991. Le texte reprend une série de conférences prononcées en avril 1990 à l’Institut de philosophie de l’Académie des sciences de Russie/URSS. Déjà traduit en plusieurs langues, cet ouvrage a contribué à faire de son auteur une voix incontournable dans le domaine de l’éthique environnementale et de la philosophie de l’écologie.
Un point commun du capitalisme et du marxisme
Il me semble à présent que l’antagonisme des systèmes de l’Ouest et de l’Est n’a pas essentiellement pour origine une divergence quant aux objectifs à atteindre. Il est certain que la liberté a occupé une place bien plus importante dans l’idéal social occidental que dans celui des pays de l’Est. Pourtant les deux modèles sociaux partageaient, du moins pour ce qui est de la théorie, les mêmes idéaux universels hérités des Lumières : autodétermination et bien-être pour le plus grand nombre possible.
Les dissensions s’exprimaient davantage à propos de la meilleure voie à suivre pour parvenir à la réalisation de ces idéaux. Les démocraties occidentales pensaient pouvoir y arriver par l’entremise d’un développement sous contrôle de l’économie capitaliste ; et les pays communistes, par un rejet de l’économie de marché. (…)
L’impossible suppression de l’égoïsme économique
La suppression de l’égoïsme économique n’a pas eu pour conséquence l’apparition d’une identification plus large avec l’intérêt général. Elle a encouragé, d’une part, certaines formes d’imposture et, d’autre part, la mise en place d’une économie souterraine dont la corruption dépasse largement les manifestations les plus abjectes, d’un point de vue moral, du capitalisme occidental. (…)
En tant qu’éthicien, je souhaiterais cependant tirer une conclusion dont la portée me semble primordiale : il est absurde, et même immoral, de vouloir nier abstraitement l’égoïsme économique. (…) Celui qui veut étouffer l’égoïsme commettra des crimes bien plus épouvantables encore que ceux que l’on attribue à l’égoïsme. (…) Étouffer l’égoïsme est non seulement impossible, mais aussi – lorsqu’une violence extrême rend cela possible – immoral.
Mais il faut ajouter autre chose. Sous certaines conditions, même si elle pouvait advenir sans le concours de la coercition, une telle neutralisation des intérêts égoïstes serait elle-même un échec car seul l’égoïsme est capable de motiver l’individu à fournir certaines prestations qui profitent aussi à la collectivité.
Il s’agit en effet de l’argument classique utilisé par les chantres du capitalisme, depuis Mandeville et Adam Smith. Cet argument me semble contenir un noyau de vérité auquel le socialisme n’a jamais rendu justice : celui qui neutralise l’égoïsme sans parvenir à conserver à un plus haut niveau les énergies qui l’animent, condamne ainsi l’humanité à une apathie, à une indifférence qui seront pires encore que dans un monde gouverné par l’égoïsme.
Sans l’incroyable efficacité d’une activité économique rationalisée et fondée sur des motivations égoïstes, il sera très difficile de venir à bout des tâches importantes qui nous incombent – comme la sauvegarde de l’environnement par exemple.
3 critiques faites au capitalisme dans sa forme actuelle
J’espère bien sûr que mon propos n’est pas interprété comme donnant carte blanche au capitalisme dans sa forme actuelle. Je pense au contraire qu’aujourd’hui encore, au lendemain de l’effondrement de l’économie planifiée, nous avons grand besoin d’une critique rationnelle du capitalisme. Il est d’ailleurs frappant de voir à quel point la plupart des adversaires du capitalisme sont incapable de formuler une telle critique.
Je trouve donc grotesque de critiquer aujourd’hui le capitalisme, comme beaucoup le font, en évoquant la paupérisation de la classe ouvrière du monde industrialisé ; il s’agit là d’une avanie éhontée à l’endroit des dizaines de milliers d’individus qui meurent quotidiennement de faim dans le tiers-monde. On pourrait bien plutôt ébaucher une critique de l’économie du monde industrialisé à partir des points suivants.
Premièrement, nul n’ignore que le capitalisme – qui opère suivant une substitution de la valeur d’usage par la valeur marchande de tout produit – peut conduire à une déformation singulière de la personnalité : pour celui qui voit les choses à travers le prisme de l’argent, les nuances esthétiques et éthiques qui constituent l’inépuisable trésor du monde se réduisent à la différence quantitative de leurs prix.
Certes le fonctionnement capitaliste est tel que tout, même l’essentiel, est « achetable » pour celui qui succombe à cette chimère de la marchandise et qui, ce faisant, inflige à sa propre personnalité les pires mutilations. (…)
Deuxièmement, à l’intérieur de l’État capitaliste, le chômage est un problème indéniable qui n’est toujours pas résolu, même si les causes de ce phénomène ne sont pas celles qu’avançait une critique du capitalisme traditionnellement axée sur la lutte des classes. C’est le coût du travail, en partie excessif (surtout si l’on tient compte des charges annexes au salaire), qui impose des rationalisations. Il serait en outre naïf de croire que les politiques syndicales aient pour priorité d’améliorer le sort des chômeurs au détriment des avantages matériels de ceux qui ont un emploi.
J’en viens maintenant à mon point décisif, le troisième. Si on ne parvient pas à juguler l’exploitation conjointe de la nature et du tiers-monde [par le monde occidental], cette aggravation provoquera des catastrophes en comparaison desquelles les cataclysmes sociaux annoncés par Marx nous paraîtront bénins. (…)
Une économie du troisième type
Dans la mesure où ni l’économie capitaliste actuelle ni l’économie socialiste ne peuvent respecter l’impératif moral de préservation de l’environnement, quel type d’économie est-il requis pour que cet impératif soit respecté ? De mon point de vue, le seul chemin viable se trouve indiqué dans l’idée d’une économie de marché écologiste et sociale. (…)
Quelle dose d’autonomie l’État devrait-il accorder à l’économie ? L’État ne peut pas, nous l’avons vu, réprimer les instincts économiques égoïstes sans s’amputer lui-même d’une de ses principales sources d’énergie. Puisque l’économie forme désormais une sphère autonome, nous avons atteint un point de non retour : on ne peut plus étouffer l’égoïsme économique. D’un autre côté, il n’est pas garanti que la poursuite systématique d’intérêts égoïstes contribue à l’intérêt général.
Sous sa forme simplifiée, la théorie de la « main invisible (2) » est donc sans aucun doute une fable. On voit bien en effet que, si l’égoïsme rationnel n’est pas nécessairement au service de l’intérêt général, c’est parce que la technique moderne a permis un élargissement sans précédent du champ d’action de l’homme. De nos jours, un comportement égoïste et cupide mais rationnel est tout à fait susceptible de participer à la destruction de l’humanité, pour peu que le déluge survienne après la mort du sujet agissant. (…)
Quelles conditions-cadres sont donc requises pour freiner la destruction de l’environnement ?
Seule l’application conséquente du principe du pollueur-payeur est compatible avec l’idéal d’autonomie qui est au fondement du capitalisme : celui qui dégrade ou surexploite l’environnement doit en payer le prix. Nous butons d’ailleurs ici sur une limite théorique de l’économie politique dans son ensemble, limite qui concerne aussi en première ligne l’économie nationale marxiste.
Pour les auteurs classiques de l’économie, y compris Marx, la valeur est une quantité abstraite de temps de travail écoulé. Aussi la nature non exploitée recèle une valeur nulle. On reconnaît aisément dans cette position anthropocentrique le pendant économique de l’altération cartésienne de la nature en une res extensa.
De même que, chez Kant et Fichte, la nature n’est pas le réceptacle d’une valeur morale, elle n’a chez Smith, Ricardo et Marx aucune valeur économique en soi. Cette conviction, profondément enracinée, est l’une des causes principales de la crise écologique. (En Russie, par exemple, elle est responsable du prix beaucoup trop bas de l’énergie.)
On sait que Marx, dans certains passages, a interprété et critiqué la destruction de la nature comme une des conséquences du capitalisme. Je vous renvoie à la fin du chapitre XV de la première partie du Capital qui s’intitule « Machinisme et grande industrie » (…) qui se clôt sur ces mots qui anticipent de manière prophétique les problèmes de l’agriculture industrielle moderne :
« En outre, chaque progrès de l’agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais encore dans l’art de dépouiller le sol ; chaque progrès dans l’art d’accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité. […] La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du processus de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur (3). »
3 erreurs de Marx
La lucidité de cet extrait ne doit cependant pas faire oublier que Marx a commis trois erreurs lourdes de conséquences. J’aimerais à présent corriger ces trois erreurs auxquelles j’ai déjà fait allusion.
Premièrement, la destruction de la nature n’est hélas en rien l’apanage du capitalisme ; elle est propre à l’industrialisme en tant que tel.
Ceci va de pair avec le deuxième point : ni Marx lui-même ni ses épigones n’ont su élaborer une théorie de la valeur capable de freiner la destruction de la nature. (On en trouve des prémices dans les théories de la valeur des subjectivistes. En effet, dès que l’on se penche sur la question de l’élaboration d’une éthique de l’économie, on comprend pourquoi certains économistes d’obédience « néoclassique » refusent de se passer du concept de valeur et de l’idée que l’économie politique doit être fondée de façon normative. L’une des tâches principales de l’actuelle philosophie de l’économie est donc de donner naissance à une théorie de la valeur postmarxiste.)
Troisièmement, enfin, l’histoire du capitalisme montre bien qu’il est parfaitement possible d’améliorer le sort de la classe laborieuse sans pour autant abolir la propriété privée des moyens de production. On peut donc espérer atteindre la même chose en ce qui concerne la préservation du fondement écologique de la vie humaine, si toutefois les conditions-cadres sont modifiées de manière à ce que la dégradation de l’environnement ne soit plus financièrement rentable. (…)
La réforme fiscale écologiste
Une réforme fiscale semble donc être le moyen le plus prometteur pour endiguer la destruction environnementale. En vue de cette réforme, deux principes sont à prendre en considération. D’abord, les nouveaux impôts doivent naturellement être compensés par des allègements fiscaux dans les autres domaines, afin de ne pas tout simplement caler le moteur de la production. Indépendamment de la question de la crise écologique, les impôts sur le revenu et sur les salaires me paraissent trop élevés en Allemagne fédérale et c’est une des raisons pour lesquelles l’embauche de nouveaux salariés n’est, le plus souvent, pas rentable.
C’est par conséquent une des causes du chômage. Il n’est pas infondé de soupçonner que le système fiscal actuel favorise le chômage massif ainsi que la destruction environnementale – les deux tares majeures de l’État providence moderne. Une restructuration du système fiscal, orientée par une exigence écologique et sociale, s’impose donc comme l’un des devoirs les plus urgents de notre temps. À vrai dire, cette refonte ne doit pas être trop précipitée, c’est là le second principe que j’annonçais, si l’on veut pouvoir éviter certaines difficultés d’adaptation, et même certaines catastrophes. Mais nous devrions néanmoins engager sans délai les premières démarches.
Les subventions étatiques maintiennent en vie certains secteurs économiques non-rentables, et qui le seraient encore moins si on leur facturait les dommages environnementaux dont ils sont responsables. Ce sont donc ces subventions que l’on devrait suspendre en premier lieu. Il y a bien quelque chose de grotesque dans le comportement des dirigeants de l’économie qui pérorent le dimanche en vantant les mérites de l’économie de marché mais empochent régulièrement au cours de la semaine des subventions.
Ces subventions ont atteint des proportions démesurées, même dans les cas où il est légitime d’encourager, pour des raisons politiques, des entreprises dignes d’être conservées. En effet, les mécanismes commerciaux ne réagissent pas systématiquement assez rapidement ni avec assez de flexibilité, surtout lorsque les conditions-cadres de l’économie sont mauvaises.
Il est donc toujours préférable que la politique économique nationale parvienne à fixer des conditions-cadres de telle façon que les subventions ne soient nécessaires que ponctuellement. C’est d’ailleurs habituellement le signe que les conditions-cadres sont mauvaises quand l’État intervient toujours plus fréquemment et précipitamment dans les moindres aléas de la vie économique.
Voilà exactement ce qui se passe aujourd’hui : l’économie de marché se fourvoie dans la mesure où la politique économique nationale actuelle renonce à une redéfinition des conditions-cadres qui tirerait les conséquences de la crise écologique. Au lieu de cela, cette politique intervient constamment de manière palliative, afin de maintenir le statu quo, ce par quoi elle stimule des besoins absurdes auxquels personne ne songerait si on ne nous les imposait pas. (L’exemple classique était la baisse du prix de l’électricité en Allemagne fédérale.) (…)
Deux objections ont été formulées à l’encontre de cette proposition de réforme fiscale des conditions-cadres de l’économie politique. (…)
La seconde objection que l’on a pu adresser à la réforme fiscale écologique (…) prend appui sur l’idée qu’une telle réforme ne peut être engagée par un seul pays. En effet, l’ingéniosité de cette réforme est précisément d’éviter les inconvénients de la concurrence que les entreprises écologiquement actives, ceteris paribus, doivent endurer dans le système actuel, en rendant au contraire l’activité écologique qui s’impose moralement rentable également sur le plan économique.
Mais, pendant que ces désavantages sont supprimés – grâce à une telle réforme – à l’intérieur d’un pays, ils sont simplement démultipliés dans le cadre de la concurrence internationale : toutes les entreprises de ce pays sont maintenant défavorisées sur le marché international.
Il faut admettre que c’est un argument de poids qui prouve à nouveau que l’existence actuelle d’une économie mondialisée est particulièrement dangereuse dans le présent contexte de la crise écologique puisqu’il n’existe pas, conjointement, d’institutions politiques universelles.
Étant donné la situation, on peut comprendre le souhait de court-circuiter les mécanismes économiques globaux par des mesures protectionnistes ; mais il est absurde de croire que l’on puisse résoudre le problème environnemental – qui est un problème global et non pas national – en cloisonnant les marchés nationaux. (Je concède néanmoins que certaines mesures d’intimidation occasionnelles, allant dans le sens d’une fermeture économique des frontières, sont légitimes, et que le concept de « douane écologique » est à prendre au sérieux.)
Nous devons plutôt insister sur l’élaboration d’accords interétatiques qui détermineraient, pour l’économie, des conditions-cadres écologiques communes aux partenaires commerciaux les plus importants. C’est précisément ce qui a été mis en place, avec le succès que l’on connaît, au sein de la communauté européenne depuis les années 1970. Mais il reste encore beaucoup à faire.
Quoi qu’il en soit, on ne peut plus accepter qu’un nombre croissant de pays prétendent qu’ils seraient disposés à instaurer une réforme fiscale écologique s’ils n’avaient pas à subir la concurrence des pays voisins. Ces voisins allèguent en retour le même argument de la concurrence pour justifier leurs réticences.
On peut attendre tout particulièrement des pays riches qu’ils donnent le bon exemple et qu’ils s’accommodent des désagréments financiers provisoires. Il me semble d’une importance primordiale que les pays qui commencent aujourd’hui à intégrer les mécanismes du marché dans leur économie politique confèrent d’emblée à cette économie une dimension écologique.
Essayons à présent de construire une économie de marché qui ne soit pas seulement sociale, mais qui ait aussi des préoccupations écologiques. L’idée de cette économie de marché serait par conséquent supérieure à celle de l’actuelle économie occidentale.
Vers le nouveau monde
Mon opinion est, on l’aura remarqué, que l’économie et l’écologie sont en principe compatibles. C’est pourquoi il me semble qu’opposer finance et environnement a été une erreur tragique des deux dernières décennies. Celui qui pense que seul un démantèlement du système économique actuel, seul un retour à une phase précapitaliste pourraient sauver l’environnement, ne pourra jamais mobiliser un nombre suffisant d’individus pour effectuer un tel retour en arrière.
Son « retour à la nature » sera toujours soupçonné d’être un « retour aux arbres » ; son romantisme sera trop facilement dénigré et interprété comme une régression infantile. De plus, un tel point de vue est objectivement faux car, sans l’incroyable potentiel d’efficacité qui caractérise le capitalisme moderne, on ne saurait être en mesure de résoudre les problèmes de notre temps, celui de l’alimentation comme celui de l’environnement. (…)
La possibilité théorique de réconciliation entre l’économie et l’écologie me semble apparaître dans toute sa clarté quand on prend conscience que l’activité économique consiste à atteindre le meilleur résultat possible à partir de dépenses les plus basses possibles.
Efficacité et parcimonie sont des vertus traditionnelles de l’économie. Ce sont aussi en même temps des vertus écologiques : l’exploitation parcimonieuse et le recyclage des ressources ou l’isolation thermique des habitats, par exemple, sont bénéfiques pour l’économie comme pour l’environnement. Il est donc primordial d’introduire partout dans le monde certaines normes de l’efficacité économique développées par le capitalisme.
Même en faisant preuve de bonne volonté, il est impossible de voir en quoi la complaisance routinière ou le gaspillage des ressources naturelles que l’on observe dans de nombreux pays disposant d’une économie planifiée pourraient avoir un impact positif sur l’environnement.
Grâce à une sensibilisation croissante de la population aux problèmes environnementaux, le consommateur choisira de préférence des produits dont il sait que leur fabrication est plus respectueuse de l’environnement (surtout lorsque ces produits deviendront moins chers avec la mise en place de taxes environnementales).
Cela deviendra parfaitement envisageable de faire de bonnes affaires avec des produits écologiques. L’écologiste ne doit pas craindre une telle mutation : si un entrepreneur dynamique réussit à améliorer son chiffre d’affaires grâce à des idées qui réduisent véritablement les atteintes à l’environnement, l’environnement y trouve son compte. S’investir sans mobile extérieur dans la poursuite d’un noble dessein est certes bien plus moral. Mais, si le recours à la motivation que représente l’intérêt économique permet la réalisation d’un plus grand nombre encore de résultats moralement souhaitables, il est alors profondément immoral d’en récuser l’efficacité.
Je crois en effet qu’après une phase de débats intenses entre les écologistes et le monde de l’économie, une évolution est maintenant en gestation à travers laquelle de nombreux entrepreneurs saisissent la nécessité d’une transformation de leur activité économique qui prenne en compte les enjeux environnementaux.
Notes:
(1) Né à Milan en 1960, Vittorio Hösle est un philosophe allemand surnommé “le Boris Becker de la philosophie”, pour la précocité et l’énergie de son talent. Polyglotte, il maîtrise une demi-douzaine de langues et est l’auteur d’une œuvre imposante qui porte sur des sujets aussi variés que le darwinisme, les tragédies de Sophocle, l’écologie, les sciences politiques, le cinéma de Woody Allen, le système de Hegel, la pragmatique transcendantale, l’éthique et la métaphysique. Professeur dans de nombreuses institutions, notamment à la New York School for Social Research, il a aussi enseigné à Naples, Ulm, Essen, Porto Alegre, Trondheim ou Séoul. Il est aujourd’hui Professeur à University of Notre Dame (USA).
(2) La « main invisible » [invisible hand] est un concept qui a été introduit par Adam Smith (bien qu’il ait des antécédents, notamment chez Leibniz) et qui est devenu un des piliers du dogme libéral. Smith résume ce qu’il entend par-là dans ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) : « [L’individu] est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions ; et ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus mal pour la société, que cette fin n’entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d’une manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler. » [N.d.T.]
(3) Traduction de J. Roy modifiée. Capital, I, IV, chapitre XV « Machinisme et grande industrie », éd. Flammarion, 1969.
Wild Project
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Anticipation : Deux mosquées verront le jour à Colombey-les-Deux-Églises
Paris, 18 juin 2018 (AFP) – Le conseil municipal de Colombey-les-Deux-Églises, dirigé par l’écologiste Jean-Pierre Lestrade, a donné son feu vert à la construction de deux mosquées dans la ville, fief historique du général de Gaulle, la décision se voulant “un pied de nez” à un de ses mots restés célèbres.
“Quand la communauté musulmane de Colombey est venue me voir pour m’expliquer que la reconversion de la salle des fêtes en centre de prière de 1.200 m2 était insuffisante, j’ai tout de suite dit ‘chiche’“, raconte l’élu, un sourire en coin.
“Vous voulez une mosquée? Eh bien on va en construire deux. Ça s’appelle la générosité chrétienne, non?“, ajoute-t-il un brin sarcastique.
“Nous allons concéder les terrains pour un euro symbolique“, a précisé M. le Maire.
Les réticences autour de la construction de la mosquée sont très fortes, a-t-il poursuivi. Selon lui, la décision se veut un “pied-de-nez” au Général de Gaulle, qui aurait déclaré qu’en cas d’immigration excessive en provenance d’Afrique du Nord “Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées“.
L’opposition a immédiatement dénoncé un “marché de dupes”, le beau-frère de M. Lestrade étant le PDG de l’entreprise de BTP possédant le quasi-monopole des contrats immobiliers de la ville. La Mairie a d’ores et déjà annoncé un don d’un million d’euros à l’”Association Cultuelle de Colombey”.
http://fortune.fdesouche.com/323800-deux-mosquees-verront-le-jour-colombey-les-deux-eglises
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« Nos ancêtres les Arabes », ou la République antifrançaise…
« Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté », écrivait Confucius.
Vite enterré, le rapport Refondation de la politique d’intégration, rendu la semaine dernière, est un événement historique considérable, puisqu’il représente la fin de l’idée même de la nation française.
La suppression du terme d’« intégration » marque un tournant décisif dans l’histoire de notre pays : désormais, la France n’existe plus que comme un mot. Concrètement, elle n’existe plus : ses valeurs ne priment plus sur celles de l’étranger, ses racines doivent s’effacer devant celles de « l’autre ».
Aujourd’hui, la République a signé l’acte de décès de la France. Enfin, les masques tombent, la triste vérité éclate au grand jour : on savait que la République n’était pas la France, on voit maintenant que la République est la négation de la France. [...]
Jacques Dorveaux - La suite sur Boulevard Voltaire
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Il tombe en moyenne un chrétien toutes les 5 minutes
L'archevêque de Malines-Bruxelles André-Joseph Léonard a consacré son homélie de Noël aux chrétiens d'Orient, particulièrement ceux de Syrie. Extrait :
"[...] Ne restons plus indifférents en Occident à tant de frères et soeurs chrétiens qui sont discriminés, menacés, persécutés, qui doivent quitter leur patrie pour assurer la sécurité de leur famille et, par cette émigration, affaiblissent encore la position de leur frères dans leur pays d’origine. Et n’oublions pas que, depuis que nous sommes confortablement rassemblés dans cette cathédrale, 5 ou 6 de nos frères dans la foi sont morts de mort violente à cause de leur foi en Jésus. Il en tombe, en moyenne, un toutes les cinq minutes. Par amour de l’enfant Jésus dans la crèche, portons-les dans notre prière et attirons sur eux l’intérêt de nos médias."
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Gesticulation laïque
Article d'abord paru sur a-rebours.fr puis repris dans L'AF2000
La décision de Vincent Peillon de faire afficher, en cette rentrée 2013, dans tous les établissements scolaires publics, une « charte de la laïcité » en 15 points est ce que l'on peut appeler un non événement.
Non événement d'abord parce que ce texte, plutôt modéré, ne reflète pas les convictions profondes du ministre, que manifestait plus clairement son projet de cours de morale civique, repoussé en 2015 (aux calendes grecques ?), ou plus clairement encore ses déclarations violemment anticléricales de 2008 sur l'incompatibilité entre le catholicisme et la liberté et sur la nécessité d'une « religion républicaine ».
Non événement encore parce que les raisons réelles qui rendent nécessaire ce genre de gesticulations autour du thème de la laïcité restent honteusement dans l'ombre : jamais un ministre PS ou UMP n'admettra en effet ce que chacun sait et ce que chaque article de la Charte avoue implicitement (le 12, par exemple, sur la contestation du contenu des programmes ou le 14, sur le port de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse), à savoir que c'est la présence de plus en plus massive et visible de l'Islam, fruit d'une politique d'immigration calamiteuse et d'une instrumentalisation des immigrés par la droite du capital et la gauche compassionnelle, qui oblige aujourd'hui l'oligarchie à tenter de jeter quelques verres d'eau sur l'incendie qu'elle a allumé et entretenu pendant 40 ans.
La troisième raison enfin qui fait de l'affichage de cette charte un non événement est l'unanimisme de la classe politique à l'approuver. Le PS et ses alliés s'en félicitent, l'UDI et l'UMP, par la bouche d'un Borloo, d'une NKM ou d'un Chatel, la soutiennent... Seuls le Front de Gauche et le FN font entendre une note un peu discordante mais c'est pour considérer que Peillon ne va pas assez loin ! Encore un effort M. Le ministre !
La laïcité, tranchante arme de guerre inventée par la République pour arracher les esprits à l'influence de l'Eglise et instaurer une nouvelle légitimité entre 1879 et 1905, accidentellement émoussée après l'union sacrée de 1914 et surtout quand le combat cessa faute de combattants, avec l'aggiornamento catholique d'après Vatican II et l'effondrement de la pratique religieuse des Français de souche à partir des années 60, est aujourd'hui remise en service pour résister à un Islam perçu comme de plus en en plus envahissant.
Et si cette arme n'était pas la bonne ? Si la condition d'une cohabitation entre Français de souche et Néo-Français était dans l'affirmation fière et sans complexe des racines catholiques de la civilisation française, racines que proclament tout notre art, toute notre architecture, toute notre littérature, ainsi que nos mœurs et notre sensibilité ? Il y a hélas fort à parier que ce retour au "logiciel" profond de la France sera impossible tant que prévaudront l'hypocrisie et le déni sur le phénomène de l'immigration, la culture du masochisme national, de la repentance systématique, et les fausses solutions comme cette « charte de la laïcité ».Stéphane BLANCHONNET http://a-rebours.ouvaton.org/?Politique-Gesticulation_laique
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En prévision d’un prochain effondrement systémique
À l’occasion de la 7e Journée nationale et identitaire organisée à Rungis en banlieue parisienne par Synthèse nationale, le 11 novembre 2013, Roland Hélie a sorti aux Éditions Les Bouquins de Synthèse nationale le premier volume d’une collection « Droit de regard. Regards de Droite » dédié à L’effondrement du Système. Si Roland Hélie a sollicité de nombreux contributeurs, la justesse des délais impartis explique que seules six auteurs ont répondu à ses sollicitations.
Ainsi, Pieter Kerstens, chef d’entreprise bruxellois, retrace-t-il l’effondrement du système capitaliste mondialisé depuis 2008. Reprenant ses articles économiques parus dans les différentes livraisons de Synthèse nationale et les réactualisant, il dresse un gigantesque et passionnant panorama sur les causes et le déroulement d’une crise économique générale prévisible. Il rappelle que « le pourcentage de la dette par rapport au revenu disponible des ménages américains était de 60 % du revenu disponible en 1973, pour atteindre 135 % en 2007 ». Et d’expliquer que loin d’être derrière nous, la crise est toujours devant nous, plus dévastatrice que jamais.
Embraye alors Arnaud Raffard de Brienne pour qui la crise actuelle prépare « Le désastre social annoncé… ». Si Pieter Kerstens s’intéressait aux phénomènes financiers planétaires et macro-économiques, Arnaud Raffard de Brienne dénonce, lui, le « modèle social français » et explique que c’est « un système social condamné par la mondialisation économique et l’immigration ». S’il en constate l’échec, l’auteur ne se rallie pas une quelconque alternative libérale, car il sait que le libéralisme est en fait le meilleur fourrier du métissage et du multiculturalisme marchand. L’avalanche d’impôts et de taxes, déjà commencée sous Chirac, poursuivie par Sarkozy et accrue sous Hollande, confirme le lent naufrage d’un modèle révolu. Oui, « les lendemains ne chanteront pas si ce n’est une lugubre complainte sur l’inconséquence voire la trahison des deux générations qui les précèdent ». Et l’auteur de rapporter que depuis quelques années, « l’État a décidé de “ siphonner ” les sommes collectées par Action Logement afin de financer l’Agence nationale de l’habitat (A.N.H.) et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (A.N.R.U.) et par conséquent de détourner sans scrupule ce fonds de l’objet pour lequel il a été créé ». Il en appelle par conséquent « à un véritable changement politique qu’il urge aujourd’hui de s’atteler, à un bouleversement radical qui écartera du pouvoir l’ensemble de la classe politique aux manettes depuis plusieurs décennies, véritables co-gestionnaires du désastre annoncé ».
La contribution de Patrick Parment porte aussi sur l’économie. Mais sous un angle perspicace et novateur puisqu’il examine le rôle quasi-ontologique de la croissance. Lecteur attentif du Guy Debord et de Jean Baudrillard, Patrick Parment affirme que l’individualisme favorise et résulte de la société de consommation comprise « comme étant un ordre social et économique fondé sur la création et la stimulation systématique d’un désir d’acheter des biens de consommation et des services dans des quantités toujours plus importantes. Les biens consumés sont souvent peu durables et sont vendus dans la perspective d’une obsolescence programmée ». Parallèlement, la fin de la Guerre froide a stimulé la mondialisation qui « est la généralisation dans le monde entier de la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des hommes. Autrement dit, l’essence même du commerce ». Une course effrénée à la possession de ressources limitées, car épuisables dans le temps, rend possible comme vison alternative complète le projet global de décroissance surtout si cette décroissance se comprend comme une catastrophe bénéfique, voire salutaire pour les peuples natifs d’Europe.
Enseignant francilien, Maurice Bernard dresse, quant à lui, le constat de la ruine de l’Éducation nationale. Victime d’un État « obèse, pléthorique à la base, mais sans vision, ni volonté, ni courage au sommet », l’école souffre de « cet État omniprésent mais impotent, qui étouffe le corps national sous le poids de ses erreurs, de ses échecs, de ses abandons, de ses prélèvements… » Il oublie en revanche d’évoquer la large responsabilité du marché qui considère les écoliers comme de futurs consommateurs – producteurs. Cependant, l’auteur retrace l’échec édifiant d’un système scolaire qui préfère aujourd’hui concevoir des méthodes conformistes et inutiles. Par rapport aux efforts réels de la IIIe République, la régression est incontestable !
Romancier et spécialiste de l’Extrême-Orient indochinois, Éric Miné analyse l’effondrement des médias français. De nos jours, les journalistes, petits mercenaires du Système, mentent ouvertement, manipulent volontiers l’opinion et pratiquent une information-spectacle à forte charge émotionnelle. Or le temps de ces bonimenteurs est désormais révolu grâce à Internet qui bouscule et pulvérise leur monopole. Pseudo-comique experte dans l’insulte contre les électeurs du F.N., Sophia Aram a assisté en direct au plantage quotidien de son émission télévisée. Chantre de l’insécurité pour les autres, le quotidien déficitaire Libération traverse une grave crise qui crispe les rapports entre les salariés et leur direction. A contrario, l’hebdomadaire conservateur, libéral, atlantiste et sarkozyste Valeurs actuelles voit ses ventes s’envoler ! Chaînes d’information en continu et Internet dérangent les vieilles habitudes installées et politiquement correctes. Pendant que les médias officiels saluaient le civisme des « jeunes » au moment de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, blogues et sites dissidents rapportaient, eux, une toute autre réalité, celle de vol sur les victimes par cette racaille si « citoyenne »… Hier tenus en silence, « les Français s’instruisent maintenant en ligne, grondent et crient leur désaccord. Sur le terrain, les manifestations prennent le relais. Le chahut et les huées ne sont jamais loin ». Ce fut d’ailleurs le cas, le 11 novembre, aux Champs-Élysées contre Hollande…
L’effondrement du Système se manifeste enfin en politique et en géopolitique. Éminent rédacteur en chef d’Europe Maxima, Georges Feltin-Tracol s’attaque à un « quatuor » incongru et ultra-moderne dont il pense la chute prochaine : la partitocratie, la Ve République française, l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique. Avec une rare ingéniosité, il arrive à unir ces quatre sujets dans un ensemble critique cohérent. Non seulement il s’en prend avec virulence aux partis politiques qu’il juge « nuisibles », mais il attaque la Ve République dont il dénonce les incessantes révisions constitutionnelles et le déplorable unanimisme « cohabitationnaire ». Il ne souhaite ni la rénover, ni la sauver et affiche au contraire sa claire intention de fonder une nouvelle Res Publica identitaire, intégrée dans un cadre alternatif européen distinct d’une pseudo-Union européenne mortifère. Cette Alter-Europe sera possible si dans le même temps échoue le modèle des États-Unis. Il émet ainsi le vœu radical que les forces séparatistes en Amérique du Nord s’affirment afin de déchirer définitivement la bannière étoilée.
Dans une seconde partie, Georges Feltin-Tracol suggère une nouvelle configuration institutionnelle. Se référant à Platon, à Aristote, à Julius Evola et au tirage au sort (l’un de ses thèmes de prédilection), il expose l’ébauche d’une Europe impériale dans laquelle existerait une république française des régions authentiques animées, maintenues et protégées par un ordre ascétique politico-mystique : l’Ordre des Gardiens. « Le principe politique de l’Ordre tend à concilier, pour le plus grand effroi des modernes, le populisme et l’élitisme afin de susciter un populisme élitiste ou un élitisme populiste parce que les seules élites authentiques proviennent de leur peuple qu’elles mettent dans le même temps en forme. »
La diversité des contributions de ce recueil démontre la grande richesse des opinions exprimées. Sont-elles toutes de « droite » ? Impossible de répondre ! On est en tout cas certain que leurs auteurs ne se soumettent pas à la pensée dominante et attendent avec impatience l’effondrement de ce Système dément.
Bastien Valorgues http://www.europemaxima.com/?p=3537
• Collectif, L’effondrement du Système, coll. « Droit de regard. Regards de Droite », volume I, Éditions Les Bouquins de Synthèse nationale (116, rue de Charenton, 75012 Paris) , 2013, 173 p., 18 €.
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Rappel : Dimanche 26 janvier Jour de colère…
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Six personnes déférées après des expéditions punitives contre le "salut de la quenelle"
Six personnes ont été déférées aujourd'hui au parquet de Lyon pour avoir participé à deux expéditions punitives contre des personnes qu'elles accusent d'avoir fait le salut de "la quenelle" sur internet, a-t-on appris de source judiciaire, confirmant une information du Progrès.Ces personnes se seraient improvisées justiciers de la communauté juive, menant deux expéditions punitives durant le week-end dernier à Lyon et Villeurbanne, contre des auteurs du geste popularisé par l'humoriste Dieudonné et jugé antisémite par certains.La première expédition a eu lieu samedi soir vers 23 heures, lorsqu'un groupe a voulu attaquer un employé du restaurant branché Mama Shelter, dans le VIIe arrondissement de Lyon. Une quarantaine de personnes, selon le Progrès, ont participé à cette "opération", provoquant bousculades et jets de gaz lacrymogènes. Ils ont été repoussés par des agents de sécurité et l'employé visé n'a pas été blessé."La quenelle", un geste anti-systèmeConfirmée de source judiciaire, la deuxième expédition s'est produite dimanche soir à Villeurbanne. Cette fois, un groupe de six personnes s'en est pris à un homme qui a été battu et enfermé dans le coffre d'une voiture, après avoir été traqué sur internet.Selon une source judiciaire - qui n'a pas confirmé que ces groupes se réclamaient de la défense de la communauté juive - les six personnes déférées sont soupçonnées d'avoir participé aux deux actions commando.Le parquet a ouvert une information judiciaire pour "violences et infraction à la législation sur les armes", "provocation à un attroupement armé" et "violences volontaires aggravées". Il n'a pas requis de mandat de dépôt mais des contrôles judiciaires. Les six personnes n'ont pas d'antécédents judiciaires.Le geste de la quenelle, qui consiste à tendre un bras vers le bas en posant son autre main sur l'épaule, est devenu un code très utilisé dans certains milieux ou par des "anti-systèmes" de tout bord. Il figurait par exemple sur les affiches de campagne de l'éphémère Parti antisioniste de Dieudonné pour les élections européennes en 2009.http://www.oragesdacier.info/2013/12/six-personnes-deferees-apres-des.html