Le livre, paru il y a deux ans sous la signature d’Alexandre del Valle, Islamisme et États-Unis, une alliance contre l’Europe, (et, devrait-on ajouter, contre la Russie) jette une lumière crue sur la stratégie de rechange, engagée déjà depuis une vingtaine d’années par les dirigeants mondialistes américains pour faire face à ce nouvel état de chose. Il constate que, de l’Irak à l’Afghanistan, en passant par l’Iran et le Pakistan, ainsi que dans d’autres pays musulmans, en particulier en Afrique du Nord, la politique et la diplomatie américaines, sous couvert des menées de l’Arabie Saoudite, leur protégée, s’ingénient à susciter et à promouvoir délibérément les régimes islamiques les plus rétrogrades, faciles à contrôler par la corruption de leurs dirigeants impliqués dans les trafics internationaux de drogues, et à détruire les régimes laïques de ces pays fondés sur l’idée nationale, excitant ainsi potentiellement les islams les plus extrémistes contre les chrétientés européennes et slaves, dont ils sont géographiquement proches. Appelée, bien sûr, à gagner les pays musulmans d’Afrique, cette hostilité potentielle est de nature à couper un peu plus l’Europe des richesses naturelles de l’Afrique.
Mitterrand avait vu juste : l'Amérique nous mène une guerre à mort
Dans un livre paru la même année, Le Syndrome de l’ortolan, où il explicitait la stratégie médiatique d’aveuglement des opinions publiques européennes, Arnaud-Aaron Upinsky rappelait opportunément cette citation impressionnante, tirée d’un entretien du Président François Mitterrand accordé au journaliste Georges Marc Benamou :
« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans morts. Apparemment (…) Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. Une guerre inconnue, une guerre permanente, sans morts apparemment, et pourtant, une guerre à mort. (…) Les Américains voulaient envoyer les Turcs bombarder les Serbes » (Le dernier Mitterrand, 1995).
Dans la traduction française de son livre Le choc des civilisations, paru également la même année, le professeur américain Samuel P. Huntington insistait, quant à lui, longuement sur les opportunités géopolitiques qu’offre le clivage historique et culturel qui sépare la chrétienté européenne entre les peuples slaves et orthodoxes d’une part, et les pays catholiques et protestants d’autre part.
La destruction de la Serbie était préparée depuis longtemps
Dès lors s’éclaire la stratégie des cénacles mondialistes américains et leurs intentions dans les Balkans. Mme Madeleine Albright, leur porte-parole dans le gouvernement Clinton, tchèque d’origine et très liée à M. Brzezinski, exige impérieusement aujourd’hui de la part de leurs affidés européens, la destruction de la Serbie, planifiée déjà depuis plusieurs années à Washington, qui fait obstacle à la réalisation de leurs plans, destruction de la Serbie par l’Union Européenne et l’OTAN qui leur permettrait d’un seul coup d’atteindre plusieurs objectifs !
En effet, la destruction délibérée de la Serbie sous les bombes de l’OTAN, suivie de l’engagement des contingents européens sur le sol serbe, programmé sans doute pour l’été prochain, au moment où les populations des “grandes démocraties” gagnent les plages de leurs vacances annuelles, anesthésiant ainsi les opinions publiques occidentales, permettrait d’abord de creuser un fossé irrémédiable entre les peuples slaves et orthodoxes d’une part et ceux de l’Europe occidentale d’autre part, coupant en particulier la France des alliés traditionnels de sa diplomatie à l’Est. En outre, ce fossé rétablirait la coupure que le communisme avait autrefois établie en Europe, qui interdisait à celle-ci l’accès aux richesses de l’empire Russe.
La destruction impitoyable de la Serbie devrait en outre servir d’exemple pour dissuader les peuples européens de toutes velléités de retour à leur ancienne indépendance nationale, au moment où se parachève l’Union Européenne fédérale, sous protectorat des États-Unis, base décisive de la construction du rêve mondialiste de leurs dirigeants.
Les dirigeants américains veulent ré-islamiser les Balkans
L’écrasement de la Serbie aurait en outre pour effet d’abaisser la Grèce dans la région, et de lever l’obstacle grec à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.
Comme le dénonce, avec autant d’obstination que de pertinence, le Général Pierre-Marie Gallois, auquel le Général De Gaulle avait naguère confié le soin d’élaborer la doctrine d’emploi de la force de dissuasion française, auteur des deux livres Le sang du pétrole (tome I : L’Irak ; tome II : La Bosnie), et qui a préfacé Islamisme et États-Unis, les dirigeants américains veulent ré-islamiser les Balkans. Les accords de Dayton leur ont déjà permis d’établir en Bosnie, après en avoir largement chassé les Serbes, la première République Islamique en Europe, dirigée par le fondamentaliste musulman Itzec Begovics. La destruction de la Serbie leur permettra de réaliser prochainement une grande Albanie islamique, placée sous leur protectorat, et sur le territoire de laquelle, comme chez leur protégée musulmane du Golfe, l’Arabie Saoudite, ils pourront disposer de larges bases militaires navales et terrestres permanentes, y installant, comme en Arabie Saoudite, du matériel lourd, et des troupes à demeure.
Ces républiques islamiques, ainsi installées dans les Balkans, deviendraient les “clientes” naturelles de la Turquie, prochain membre, de par la volonté américaine, de l’Union Européenne, le reste des Balkans restant sous influence allemande, l’ensemble de la zone, ainsi que les alliés privilégiés turcs et allemands des États-Unis, demeurant sous le contrôle de ces derniers au sein de l’Union Européenne.
Neutraliser définitivement la Russie
Cette présence Turco-islamique au cœur de l’Europe, étroitement sous contrôle des dirigeants mondialistes des États-Unis, garantirait à ces derniers la pérennité de leur suprématie mondiale pour le prochain demi-siècle : De nature, en effet, à maîtriser l’incertitude Russe, que, dans son livre, M. Brzezinski appelle “le trou noir”, en neutralisant définitivement la Russie, cette installation de son ennemi historique et culturel turc sur ses frontières du Sud-Ouest, complèterait son encerclement au sud par les républiques musulmanes turcophones, où les diplomaties américaine et israélienne, attirées par la richesse de leur sous-sol et de leur position stratégique, sont déjà très actives.
De plus, la Turquie, devenue état membre de l’Union, pourrait très vite peser d’un poids décisif sur la politique migratoire et sur l’ouverture des frontières européennes aux mondes musulmans des proche et moyen Orient et d’Afrique, alors même que les effectifs des populations de la chrétienté européenne et du monde orthodoxe ont déjà amorcé leur déclin. Après plus de 25 ans d’une fécondité toujours plus éloignée du seuil de remplacement des générations, ces populations européennes autochtones, à présent en cours de vieillissement rapide, se sont ainsi engagées en effet dans un processus d’implosion démographique bientôt irréversible. Elles ont déjà largement entamé le renversement de leurs pyramides des âges appelé à s’accélérer au cours des trois prochaines décennies. Au cours de la même période, de Dakar à Alma-Ata, les jeunes populations musulmanes, proches de l’Europe et de la Russie, vont au contraire connaître l’apogée de leur croissance démographique en doublant leurs effectifs.
Persévérance de la croisade malthusienne
Les dirigeants mondialistes des États-Unis, qui, par la persévérance de leur croisade malthusienne depuis une cinquantaine d’années, ont poussé les peuples européens dans ce processus d’implosion démographique en passe de devenir maintenant incontrôlable, tirent à présent un parti cynique de cette nouvelle donne géostratégique, parfaitement prévisible, qui bouleverse le face à face entre les chrétientés européennes et slaves et les mondes musulmans d’Afrique et du Moyen Orient, en accompagnant aujourd’hui délibérément l’islamisation rapide de l’Europe et de la Russie au cours du premier tiers du siècle qui s’ouvre, pour tenter de la canaliser au mieux de leurs intérêts et de leurs projets.
Ce nouvel état de chose garantissant à ces dirigeants, pour plus d’une génération encore, la maîtrise sans partage des affaires du monde, est de nature à leur ouvrir la perspective prochaine de réaliser enfin leur rêve d’imposer à tous les peuples du monde un gouvernement mondial dont ils pourraient espérer conserver le contrôle au cours du siècle qui s’ouvre, sous réserve de parvenir à convaincre rapidement les dirigeants de la Chine et de l’Inde de s’y associer. Du moins est-ce là la vision générale de ces dirigeants mondialiste, telle qu’elle ressort de la lecture des livres et articles récents de leurs principaux porte-parole.
► Philippe Bourcier de Carbon, Nouvelles de Synergies Européennes n°54, 2002.
◘ L'auteur : Démographe, ancien auditeur de l’IHEDN, président du Comité d’honneur de La Voix des Français(Renaissance 95).
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