Edimbourg, le 15 octobre 2012. Le premier ministre David Cameron accède aux demandes des parlementaires écossais et signe un accord qui les autorisent à se prononcer sur l’autodétermination de l’Ecosse. Se pose alors la question des futures institutions en cas de victoire du Oui. Une république ou une monarchie ? Les jacobites comptent encore de nombreux partisans, réunis en associations culturelles ou politiques, mais aucun parti ne les représentent officiellement. Il y’avait bien eu un « Scottish Jacobite Party (SJP)» (2005-2011) mais il se voulait républicain. Il fallait donc autant déterminer le prétendant au trône que mesurer le force politique de ce qui apparaissait encore à beaucoup comme une vaine idée romantique, incarnée par les écrits de l’auteur Walter Scott.
Avec la mort du dernier des Stuart, le cardinal Henry d’York en 1807 alors que l’Europe est en guerre contre Napoléon Ier, le mouvement jacobite (du nom de Jacques II) sombre doucement dans le sommeil. Mais une fois la paix signée et l’Empereur des français exilé à Waterloo, les légitimistes anglo-écossais se réorganisent et rappellent aux Hanovres que le droit de primogéniture les exclue du trône. Les opposants au régime des Hanovres, de l’Irlande à l’Ecosse, arboraient sans complexes la cocarde ou la rose blanche des Yorks. Un air de guerre des Deux-Roses embaumait l’atmosphère de cette grande époque victorienne à venir. D’ailleurs, montée sur le trône en 1837, la Reine Victoria affirmait que « le sang des Stuarts coulaient dans ses veines ». Passionnée par ses prédécesseurs, la future impératrice des Indes revendiquait pleinement son héritage en dépit de la mauvaise réputation de cette « race malheureuse ». D’ailleurs, un de ses fils fut prénommé Charles-Edouard, duc d’Albany en hommage au prince Bonnie Charles. Tout un symbole.
Le renouveau catholique en Grande-Bretagne fut aussi un des éléments clefs de cette renaissance du légitimisme écossais. En 1898, le « Pearson magazine » publie un article sur les descendants des Stuarts, qualifiés de « survivance fantomatique ». La mort du Cardinal d’York avait mis fin à la lignée des Stuarts. Les droits au trône étaient passés au roi Charles-Emmanuel IV de Savoie-Sardaigne. Descendant d’Henriette-Anne Stuart, la sœur de Charles Ier, il vivait à Rome depuis son abdication en 1802. Si aucun document ne certifie qu’il tenta de revendiquer ce trône hypothétique, son frère et successeur, Victor-Emmanuel Ier n’hésita pas à faire acte de candidature, se titrant dès 1819, Roi de Grande-Bretagne, d’Irlande et d’Ecosse. Si quelques manifestations de soutiens eurent lieu à Londres, provoquant les inquiétudes du Premier ministre Lord Liverpool, on était loin des soulèvements en faveur des Stuart dans les années 1750 et qui furent les dernières tentatives de débarquement des exilés Jacobites en Angleterre.
Une nouvelle abdication du prétendant dont les actes furent sans effet sur la politique britannique en 1821 consacra l’avènement de la princesse Marie de Savoie (172-1840), fille de Victor-Emmanuel Ier. Mariée au duc régnant François IV de Modène, la princesse ne se soucia guère de ses droits au trône. Il importait peu pour ses partisans qui s’organisèrent en mouvements politiques. L’art de la généalogie peut-être facétieuse. Les Habsbourg-Este pouvaient prétendre au trône d’Angleterre mais les soubresauts que vécurent l’Italie du Risorgimento ne permirent pas à ces champions du catholicisme de s’imposer. En avaient-ils d’ailleurs l’envie ? C’est fort peu probable. Les mouvements de l’Ordre de la Rose blanche (créée le 10 juin 1886) ou de la Ligue jacobite légitimiste de Grande-Bretagne et d’Irlande (créée en 1891) se chargeaient de rappeler aux habitants du Royaume-Uni qu’ils avaient une souveraine légitime en la personne de Marie (IV)-Thérèse d’Este (1849-1919), fille du dernier duc François V et mariée au prince Louis de Bavière, futur Roi. En 1899, l’Ordre de la Rose blanche édita un magazine stuartiste, « Le Royaliste » qui contribua à faire de l’exposition sur la dynastie, un succès total. En mai 1895, les légitimistes écossais présentent enfin des candidats aux élections locales mais sans grand succès. Monté sur le trône de Bavière en 1913, Louis III s’amusait non sans intérêt de ces prétentions dont il avait hérité par mariage comme son épouse qui se refusait à faire la moindre déclaration en ce sens. Tout au plus méritait-elle son surnom de « Reine au-delà des mers ». Tous les 30 janvier de chaque année, les jacobites se réunissaient pour commémorer la mort du Roi Charles Ier, décapité en 1649. Des inconnus à certains députés du parlement, des gerbes de fleurs étaient déposées devant la statue du Roi à Charing Cross. L’église catholique, sous le couvert de l’Association de la Société du Roi Charles le martyr, se chargeait de coordonner les commémorations. Le mouvement jacobite commençait à se restructurer à l’aube du XXème siècle naissant. Le Club légitimiste de Thames Valley et la Société de l’œillet rouge (créée le 17 juin 1897) cherchaient à combiner jacobisme et socialisme-chrétien en recrutant dans le monde ouvrier tout en espérant bénéficier de l’aura dont le légitimisme international bénéficiait encore (notamment avec les guerres en Espagne (où la ligue légitimiste apporta son soutien officiel à don Carlos VII en août 1872), au Portugal ou encore avec la succession du comte de Chambord).
Le gouvernement de Victoria Ière puis de son fils Edouard VII ne goutèrent pas à ce renouveau du monarchisme écossais et tentent en vain de les faire interdire, provoquant d’intenses débats au parlement (un projet de royaume fédéral est évoqué avec deux couronnes séparées) alors que la presse est inondée de lettres anti-jacobites. Outre-manche, les royalistes français légitimistes étaient sensibles à la cause au nom de l’Auld alliance. Une alliance conclue entre les royaumes de France, de Norvège et d’Ecosse en 1295 dont Londres mit brutalement fin en 1903 en révoquant la binationalité accordée de facto à tous les français résidants en Ecosse ou les écossais vivant en France (lettre de grande naturalisation automatique accordée en 1558 par Henri II). A la chute du Roi Jacques II, plus de 10000 écossais s’étaient réfugiés en France. Louis XIV s’empressera de les incorporer dans son armée, aristocrates compris et qui furent à l’origine de la franc-maçonnerie dans le royaume.
En 1912, 15000 personnes manifestent à Londres en faveur des Jacobites. C’est alors l’apogée du mouvement.
Fondée en 1926 par le capitaine Henri Stuart Wheatly-Crowe, la Société royale Stuart (The Royal Stuart Society and Royalist League) se réfugie dans les activités culturelles à la mémoire de la dynastie légitime. Le jacobisme politique avait clairement échoué. Et ses prétendants loin d’assumer leurs droits au trône. Ainsi, le prince héritier Ruprecht (Robert) de Bavière plus occupé à tenter de stopper les nazis d’arriver au pouvoir et de récupérer son trône, découragea les jacobites de tenter quoique ce soit pour le mettre sur un trône où les Windsors étaient solidement ancrés (lettre datée de 1937). Ce ‘n’était pas la première fois. En 1897, alors prince héritier, Robert de Bavière était venu célébrer le jubilé de Victoria Ier. Il n’avait accordé aucun entretien aux délégations jacobites venues le voir. La crise royale de décembre 1936 qui voit l’abdication du Roi Edouard VIII profite aux partisans des Stuarts qui recueillent un certain nombre d’adhésions de sympathisants agacés du nouveau style de vie de la famille royale.
Ultime sursaut d’un mouvement qui commence à s’étioler alors que la seconde guerre mondiale va bientôt éclater et qui va uniquement se borner à participer à des commémorations de souvenir.
Avec le référendum de 2014, les monarchistes écossais reprennent espoirs. Si le sentiment républicain prédomine parmi leurs concitoyens, la forme du gouvernement n’est pas déterminée. Elle fait débat parmi les rangs des indépendantistes et divisent les monarchistes. Avec l’extinction de la lignée Stuart et le peu de présence du prétendant catholique au trône, Franz de Bavière (depuis 1996), certains monarchistes penchent vers une solution somme toute plus « Windsorienne ». Reine depuis 1952, Elizabeth II était d’origine écossaise par sa mère, Elizabeth Bowes-Lyon (1900-2002) qui descendait directement du Roi Robert Ier Bruce. Pour le Premier ministre écossais Alex Salmond, la réponse était évidente. La Reine demeurerait Reine d’Ecosse en cas d’indépendance, du moins de son vivant. Guère l’avis d’une majorité des Jacobites qui avaient le choix du candidat. Parmi lesquels se trouvaient l’extravagante duchesse d’Alba Cayetana Fitz-James Stuart y Silva (1926-2014) descendante directe du roi Jacques II par le biais d’un fils illégitime ou encore Walter Montagu Douglas Scott (né en 1984), descendant du duc de Monmouth, fils de Charles II Stuart. Des espoirs vains que viendront confirmer les résultats du référendum avec 55% de non. L’Ecosse ne devait pas retrouver sa dynastie légitime, les urnes avaient parlé.
L’Ordre de la Rose Blanche devenu l’Ordre de la couronne des Stuart et avec la Société royale Stuart continuent encore aujourd’hui de maintenir la survivance et l’idée stuartiste. En 1995, le secrétaire du prince Franz de Bavière (François II d’Ecosse) avait déclaré à la presse que le prétendant au trône ne souhaitait pas discuter des éventuelles possibilités de celui-ci de prétendre au trône britannique, fermant ainsi le ban à toutes spéculations sur le sujet.
Frédéric de Natal
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