Il n’y a certes pas de miracle en politique mais elle n’est pas non plus une science exacte. Il arrive bien souvent que les électeurs trompent les calculs et les manœuvres des Etats-majors politiciens. Nous l’avons vu encore hier avec la (nette) victoire surprise aux primaires de Donald Trump dans l’Indiana, face à son rival Ted Cruz (qui vient de jeter l’éponge). Le candidat populiste était pourtant donné perdant avec vingt points de retard sur M. Cruz dans les sondages. L’accord (la magouille) noué entre Ted Cruz et John Kasich pour monter une » convention négociée » du Parti républicain écartant Trump - voir notre article du 25 avril dernier - a été sanctionné par l’électorat traditionnel de ce parti. Les électeurs de droite, en France, accepteront-ils eux encore longtemps de voir le parti juppéo-sarkozyste s’allier, de manière plus ou moins implicite et conjoncturelle, avec la gauche pour écarter le FN du pouvoir, afin de mener une politique largement identique à celle de la gauche socialo-libérale, européiste?
Politique du PS au gouvernement qui est aussi contestée par les frondeurs du Parti socialiste, la gauche de la gauche, à travers le faux mouvement spontané Nuit Debout, décrit justement par Louis Aliot à la suite de Bruno Gollnisch comme « un rassemblement qui dégénère »; « leur nouveau monde, c’est la chienlit, c’est la guerre civile ». Le vice-président du FN ajoutant que Manuel Valls et ce gouvernement » sont, eux, à deux doigts de provoquer la guerre civile en France (et non pas le FN!) s’ils continuent cette politique, alors que, s’il y avait la restauration de l’autorité de l’Etat, le respect des règles républicaines… » Nuit Debout qui, au delà même de la question des exactions des casseurs, est aussi un leurre pour détourner la légitime révolte contre le Système dans une impasse cornaquée notamment par les idiots utiles du Front de Gauche comme l’a noté E&R : « La Nuit Debout est un attrape-jeunes médiatique, destiné à faire croire que l’opposition qui se lève contre le pouvoir, c’est elle, et elle seule. Une resucée de SOS Racisme ravalée en SOS Antifascisme. Un mouvement antiflics, anti-ordre, et anti-FN par extension. Fausse opposition à un faux pouvoir, mise en scène sous les projecteurs, quand est laissée dans l’ombre la véritable opposition au pouvoir réel. »
Une gauche dont François Hollande aurait trahi les idéaux estime une partie de ses anciens électeurs de 2012 mais dont le président de la République se réclamait hier en clôturant le colloque de la Fondation Jean-Jaurès sur La Gauche et le pouvoir. « Ce que nous construisons, pas à pas, pierre après pierre, c’est un compromis dynamique et juste, à la fois économique, social, écologique et démocratique », a-t-il affirmé. La date retenue pour ce petit raout se voulait symbolique. Elle coïncidait jour pour jour avec l’anniversaire de l’arrivée du Front populaire au pouvoir en 1936, qui, sous le magistère de Léon Blum, abstraction faite d’avancées sociales fort bienvenues, n’a pas peu contribué à précipiter la France dans la guerre tout en la désarmant dramatiquement…. 80 ans plus tard, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est à craindre que l’Histoire bégaye.
Aujourd’hui, en France, les partis communiant dans l’européisme et l’hostilité au courant national peuvent cependant compter sur le soutien du nouveau Kaiser. Après son compatriote Martin Schulz, président du Parlement européen engagé dans une guerre à mort contre le FN, c’est ainsi au tour de la chancelière Angela Merkel d’annoncer son intention d’en découdre avec les patriotes Français. En visite hier du lycée français de Berlin, Mme Merkel a déclaré: « Je vais essayer de contribuer à ce qu’évidemment d’autres forces politiques soient plus fortes que le Front National pour autant qu’on puisse le faire de l’étranger (…). Mais c’est une force (électorale, de propositions) à laquelle nous devons nous confronter, exactement comme nous avons désormais en Allemagne des forces politiques qui ont un discours très négatif sur l’Europe, quand on voit la rhétorique de l’AfD (Alternativ für Deutschland, parti populiste, national-libéral, NDLR). »
Bruno Gollnisch n’ a pas été le seul à s’interroger ces derniers mois sur le passé, les réelles motivations qui sous-tendent la weltanschauung, la vision du monde de la chancelière. Marine Le Pen avait déjà pointé la trouble volonté d’une dirigeante allemande cherchant à « imposer une immigration clandestine à la schlague à toute l’Europe, après lui avoir imposé son ordre financier » . Dans un communiqué publié hier, la présidente du FN a dénoncé les propos « très graves » de Mme Merkel qui « témoignent d’une ingérence dans nos affaires intérieures aussi outrancière qu’humiliante pour la France, et marquent une cruelle vérité : celle de la soumission de notre pays à l’Allemagne. »
Soumission à un pouvoir allemand dominant une Europe bruxelloise qui est elle même le faux-nez de l’idéologie du déracinement planétaire, laïque et obligatoire. C’est aujourd’hui que la Commission européenne devrait honorer une partie de son contrat avec la Turquie. En échange d’un engagement d’Ankara à limiter le départ de flots de migrants vers l’Europe, les dirigeants européens ont promis d’accéder à une des exigences de Recep Tayip Erdogan. Outre la poursuite des négociations pour l’adhésion de pays non européen à l’UE, il est question ici d’autoriser, sans visas, la libre-circulation des Turcs en Europe.
Les islamistes turcs au pouvoir ont menacé rapporte Le Monde « de ne plus appliquer sa part de l’accord migratoire UE-Turquie du 18 mars si la promesse européenne d’une exemption de visas n’était pas tenue. » « Pour autant, même dans le cas d’un feu vert complet ultérieur de la Commission, l’exemption ne serait pas acquise : le Parlement européen et les États membres auront également ensuite leur mot à dire, dans un contexte de méfiance grandissante vis-à-vis du régime islamo-conservateur turc. » Inquiétude bien légitime des peuples européens constate Bruno Gollnisch, dont les dirigeants sont tout de même bien forcés de tenir compte dans un contexte de méfiance également grandissante vis-à-vis des politiciens Bruxellois.
Contexte favorable au FN ? Bernard Alidières, docteur en géopolitique de l’Institut français de géopolitique expliquait sur le site de Libération que la vague nationale, même en cas de défaite de Marine à la présidentielle de 2017, ne manquerait pas de déferler aux législatives. « Compte tenu de la forte progression du FN en 2015, les futures législatives ne donneront pas forcément une majorité au président nouvellement élu puisqu’il y a désormais trois forces politiques en présence (…). Marine Le Pen pourrait atteindre un score bien supérieur à celui de Jean-Marie Le Pen en 2002. Or, plus l’écart avec son adversaire sera faible, plus le FN sera en situation de jouer un rôle important aux législatives qui suivent (…). Ainsi, sur la base des scores obtenus aux régionales de 2015 dans les limites des circonscriptions législatives (mais en appliquant la règle qui impose d’obtenir au moins 12,5 % des inscrits), le FN aurait été présent au second tour dans 353 circonscriptions (contre 61 en 2012), Les Républicains-UDI dans 402 circonscriptions et les socialistes dans seulement 279. Dans ce scénario, outre les trois circonscriptions où le FN atteint la majorité absolue dès le premier tour, il en aurait emporté au moins 43 autres (…) ».
Et M. Alidières de conclure: « à gauche comme à droite, le risque en 2017 n’est pas seulement de perdre l’élection présidentielle dans un duel classique (…), mais ce pourrait bien être, pour les uns, celui de tout perdre (en n’étant pas au second tour de la présidentielle et en subissant une sévère défaite aux législatives) et, pour les autres, celui de l’emporter à la présidentielle, mais avec ensuite la contrainte de faire face à une Assemblée nationale comptant de 40 à 100 députés frontistes. Ainsi, le pouvoir exécutif pourrait ne plus disposer de majorité absolue à l’Assemblée et devrait affronter une nouvelle forme de cohabitation, beaucoup plus incertaine. » Période de turbulence en vue mais s’il faut en passer par là…