A l’heure où nous écrivons ces lignes, il n’y a encore eu qu’un tour de primaires. Mais le score faramineux de François Fillon laisse augurer d’une victoire décisive, et étonnante. Qu’un homme donné à 8 % il n’y a pas si longtemps écrase ainsi en deux semaines tous ses concurrents dans un effet de maelstrom invincible laisse songeur, surtout si l’on en juge à ses soutiens.
Les camarades de Sens Commun auront d’un point de vue tactique superbement joué, et l’on peut leur tirer son chapeau quand bien l’on ne partage pas une partie de leurs convictions. Certains se réjouissent, et c’est bien leur droit, et ils auraient tort de s’en priver, de la démonstration de force qu’a réalisée cette droite catholique et libérale. Cette droite dont on ne peut douter de la sincérité, droite des entrepreneurs qui n’en peuvent plus des charges qui les écrasent, droite conservatrice qui n’en peut plus des « révolutions sociétales » de la gauche Hollande.
Pourtant, pour notre part, nous ne croyons pas que ce soit une bonne nouvelle. Fors en politique étrangère, où son discours de non-alignement et d’alliance avec la Russie est parfaitement légitime, faisant d’ailleurs oublier à peu de frais qu’il fut en tant que Premier ministre de Nicolas Sarkozy partie prenante dans l’instauration du chaos libyen, le programme de François Fillon, dont on ne peut guère douter qu’il soit président de la République en mai prochain, a tous les caractères d’une reconstitution de ligue dissoute, soit celle de la France de Giscard. La France des écoles de commerce, modérément mondialisée, qui peut travailler deux ans à Londres ou à Shanghaï et retrouver la demeure familiale du Pays Basque ou de la côte bretonne le temps des vacances ; la France des appartements du XVIe, où il n’y a plus de bonne bourguignonne mais une nounou philippine ; la France conservatrice qui a toujours préféré Louis-Philippe aux ultras, Thiers à Bonaparte, Pétain à de Gaulle, puis de Gaulle à Tixier ; bref, la droite des partis et des appareils, que l’aventure sans carte Gold ne tente pas. [....]
Jacques de Guillebon
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