Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 21

  • Le FN est-il réformable ? (2/3)

    Voici le deuxième volet d’une étude en 3 volets, rédigée par Philippe Christèle, qui analyse le bilan de la séquence présidentielle et de la performance de la candidate du FN, et pose clairement les points de débat autour de l’annonce de « transformation » du parti annoncée par Marine Le Pen dès le soir de sa défaite.

    L’intérêt du texte est à la fois qu’il dépasse l’analyse purement politique et stratégique pour ajouter un regard technique et managérial ; mais aussi qu’il propose un fil rouge pour la grande recomposition promise.
    Nous le proposons en 3 parties :

    -La nouvelle donne idéologique, l’état des lieux des forces en présence et un bilan de la stratégie présidentielle ;
    -Une méthode pour la remise en cause ; analyse de la capacité du FN à se transformer ;
    -Une analyse de la capacité du FN à se transformer (suite) et des scénarios possibles pour l’avenir.

    Les lecteurs qui le souhaiteront pourront lire l’intégralité de l’article en PDF ICI
    Polémia


    Deuxième partie : Une méthode pour la remise en cause ; analyse de la capacité du FN à se transformer

    4- Les règles d’or de la stratégie : une méthode pour la remise cause annoncée

    La stratégie de conquête d’un corps social doit respecter un minimum de règles intellectuelles, globalement établies sans contestation particulière dans des dizaines d’ouvrages à savoir :

    • D’abord, s’identifier clairement sur son propre projet ;
    • Puis, mobiliser ses soutiens immédiats et les plus proches ;
    • Puis, repérer et identifier les alliés;
    • Entrer en contact avec eux en créant des zones de combat commun lesquelles, pour eux comme pour soi, ne doivent pas remettre en cause le « non négociable » du projet initial ;
    • Créer ainsi la dynamique du « 1+1 = 3 » qui réveille les passifs, embarque les hésitants et organise le rapport de force avec les opposants ;
    • Eviter la stratégie du « saut de l’ange » qui consiste à abandonner une partie de ses fondamentaux pour espérer rallier un autre camp. Elle n’est jamais payante.

    On voit bien d’ailleurs que la question, par exemple, d’un changement de nom n’est qu’une joyeuse péripétie de marketing. Le changement de nom doit s’apprécier en tant qu’il favorise la mise en œuvre d’une stratégie de défense et illustration d’un projet d’abord, puis comme appui dans une stratégie de mouvement vers d’autres alliés ensuite. Traiter le sujet du changement de nom en en faisant une clé d’entrée de la transformation, c’est prendre la question à l’envers.

    Puisque le FN se pose la question de sa refondation, je lui propose donc la méthode de questionnement suivante :

    • Remettre en avant le projet de civilisation : pourquoi se bat-on ? Quel est l’objet de valeur de notre quête commune ? Que veut-on obtenir ? Quelle est la cause exaltante qui doit mériter les efforts et les sacrifices ? Et enfin, qu’est-ce qui nous relie tous ?
    • Etre dans une logique inclusive pour l’ensemble des organismes capables d’unir les énergies. Au sein même du camp national, cultiver les passerelles, les gestes, les têtes de pont, qui permettent de multiplier les « têtes chercheuses » et les contributions pour enrichir le vaisseau amiral. Sortir d’une atmosphère de terrorisme intellectuel et de soumission au politiquement correct. Insuffler une culture de coexistence et de réseau plutôt que d’affrontement et de soumission.
    • Faire l’inventaire lucide du terrain de jeu électoral et se reposer la question des alliés potentiels à l’aune du projet de civilisation qui aura été adopté. Si l’objet de valeur absolue du FN devient l’aboutissement heureux d’une société sans classes ni races, alors les mélenchonistes insoumis deviennent nos alliés naturels. Si le projet du FN consiste à préserver d’abord, pour adapter ensuite, les grandes permanences identitaires, culturelles et sociales d’une France française dans une Europe européenne qui retrouvent les premières places dans la vie du monde, alors notre allié naturel sera ce camp de la droite conservatrice.
    • Créer une dynamique de co-construction en décentralisant profondément la nature de fonctionnement du parti actuel. Ouvrir aux initiatives locales, nécessairement protéiformes, dont les efficacités ne devront toutes être jugées qu’à l’aune du « non négociable » du projet de civilisation porté.

    5- Le FN est-il capable de cette transformation ?

    Si l’équation stratégique est assez simple à comprendre, sa mise en œuvre va se heurter à au moins trois grosses difficultés qui ouvriront nécessairement le doute sur la crédibilité de la transformation annoncée. Ces difficultés, qui sont autant de pièges, tiennent d’abord à la structuration politique personnelle de Marine Le Pen, puis dans ce que révèle l’analyse de sa capacité de dirigeante d’un appareil politique, puis enfin dans la technostructure du FN lui-même.

    • La structuration politique personnelle de Marine Le Pen

    Eric Zemmour l’a déjà dit et c’est vrai : Marine Le Pen n’est pas de droite. Pire que cela, Marine Le Pen déteste la droite. Sans faire de psychologie de comptoir, on peut le comprendre. D’abord, il y a eu la vieille extrême droite française, celle des années 1970, peuplées de survivants plus ou moins exotiques d’un siècle de combats perdus, entre les reliques de l’Action Française, les vétérans du Front de l’Est, les réprouvés de l’Algérie, j’en passe et des meilleurs. Cette population-là a eu table ouverte à Montretout et, pour la petite Marine, elle est synonyme de l’explosion. De l’appartement familial une nuit ; puis de la cellule familiale. Puis il y eut la construction d’une adolescente en opposition à ce monde-là. La tournée des boîtes les plus en vue, la fréquentation des milieux les plus interlopes, les plus choquants aussi pour les amis de papa, nationaux-catholiques en tête, qui en ont rajouté dans la critique de la fêtarde, à juste titre mais accroissant sans cesse le fossé. Puis il y eut la révolte des mégrétistes de 1998. Ils étaient à la fois les plus politisés, les plus structurés et les plus à droite ; ils voulaient aussi des alliances avec la droite molle. Encore et toujours trop de droite. Mais cette épopée mégrétiste, à l’époque, lui a fait très peur par sa capacité à interrompre la transmission d’un héritage économico-politique prévue de longue date. Et puis il y eut enfin ces restes de droite, incarnés, bien que faiblement, par Bruno Gollnish dans la campagne pour la présidence du parti ; puis cette lutte contre papa au nom de la dédiabolisation qui, in fine, s’est surtout traduite par une volonté d’éradiquer et de mettre au pas les survivances politiques de la vieille droite dure.

    Marine n’aime pas la droite et c’est de là aussi que vient son coup de foudre avec Florian Philippot, bien au-delà de la séduction pour un cerveau bien fait et bien rangé. On parle souvent de ce dernier comme d’un gourou qui aurait envoûté Marine Le Pen. C’est assez faux car cette dernière ne se laisse pas envoûter facilement. L’alchimie fonctionne parce que l’émetteur comme le récepteur sont sur la même longueur d’onde. Et il n’a pas déplu, au moins au début, à Marine Le Pen de montrer aux caciques du parti qu’ils pouvaient être avantageusement remplacés par un énarque de gauche et à l’homosexualité assumée.

    Rien de cela ne disqualifie Marine Le Pen a priori. Cette construction politique est la sienne et c’est humainement respectable. Mais elle est profondément dans ses gènes et, s’il était besoin, le débat de l’entre-deux-tours l’a largement démontré. Les points de repère, l’aisance, la jouissance même à porter certaines attaques et la disparition totale d’autres thèmes, la capacité de rebond instinctif sur les slogans de la gauche, la façon dont elle est sortie du débat, persuadée d’avoir fait le job, y compris en ayant parlé aux électeurs de droite en citant sans arrêt la filiation Hollande/Macron, ont montré qu’elle porte ces gènes de gauche au plus profond d’elle-même.

    Saura-t-elle, pourra-t-elle demain accepter la remise en question attendue par tous vers un projet qui soit à la fois plus droitier, plus identitaire et moins économiste ? Le désirera-t-elle ? Pourra-t-elle endosser un nouveau costume, quand bien même elle l’aurait désiré ? Elle seule connaît la réponse.

    • Marine Le Pen comme dirigeante d’une organisation humaine

    Le second élément de personnalité inquiétant tient à la façon dont Marine Le Pen dirige. Comme on le vérifie dans toutes les entreprises et organisations, un dirigeant faible produit une organisation faiblement efficace.
    L’autre paradoxe de Marine Le Pen, à l’opposé (comme souvent !) de l’image qu’elle projette dans le débat public ou que le grand public retient d’elle, c’est que, d’une part, elle a très peu confiance en elle ; et que, d’autre part, elle aime profondément les gens, à mesure d’ailleurs de leurs propres faiblesses et insuffisances.

    Jusqu’au fatal débat, ceux qui ont observé Marine Le Pen lors de cette campagne attestent, à juste titre, d’une certaine présidentialisation du personnage. Cette présidentialisation a d’ailleurs été parfaitement perceptible dans les rencontres internationales (Liban, Tchad, Russie) qui font partie des rares succès indiscutables de cette campagne. Mais s’il y a une dimension sur laquelle Marine Le Pen n’a pas progressé, c’est celle de dirigeante, de chef d’équipe, de « manageuse » de l’équipe de campagne comme de l’équipe dirigeante du parti.

    Or, le mélange entre le manque de confiance en soi – avec pour conséquence la propension à n’avoir autour de soi que des gens de puissance inférieure – et la trop grande affection pour les faibles – qui sont souvent des incompétents – aboutit à un mélange explosif de nullité crasse, de courtisanerie poussée à l’excès et d’absence totale de regard croisé sur les fonctionnements du quotidien. Or, depuis 6 mois, les bévues techniques de l’évanescente direction de campagne (oublions dans cette énumération toutes les erreurs stratégiques de la campagne) ont été spectaculaires. On pourrait citer, en vrac :

    • Les comportements personnels totalement hors-jeu de personnalités du premier cercle, capables de perdre tout contrôle suite à forte absorption d’alcool, voire d’autres substances, au point de ne pouvoir prendre la parole lors d’événements majeurs ;
    • La désorganisation absolue de la production du programme présidentiel : les fameux Horace qui ont tant et tant travaillé pour la candidate et qui, eux, sont tous issus de fonctionnements publics ou privés généralement assez performants, n’en sont toujours pas revenus ;
    • L’incapacité à envoyer la bonne affiche aux bureaux de vote des Français de l’étranger. Le FN a été le seul à ne pouvoir le faire ; même les campagnes Cheminade, Lassalle ou Asselineau y sont parvenues !
    • L’absence totale de traitement, de suivi ou de recherche de mise en contact avec les donateurs qui font un don au plafond ; et plus généralement l’absence totale de stratégie de levée de fonds alors que l’ensemble des partis politiques majeurs ont pris beaucoup d’avance sur le sujet ;
    • L’absence, à deux jours du premier tour, de toute stratégie de campagne de second tour en fonction des divers scénarios possibles ;
    • L’amateurisme de la rédaction du discours de Marine. Ne peut-on trouver personne au FN pour écrire quelques belles pages sur la France et ainsi éviter que les amateurs ou les fainéants qui collationnent des bouts de texte sans en connaître l’origine mettent la candidate en porte-à-faux sur une accusation de plagiat ?
    • Des déplacements de campagne de second tour mal préparés (le fiasco de Reims, qui devait produire les belles dernières images de la campagne ; le déplacement breton post débat sous les œufs – quelle idée d’aller se mettre à 50 km du plus gros nid de militants de gauche à ce moment-là de la campagne ; le ridicule déplacement auprès du confidentiel et non moins ridicule Comité des Africains de France, …) ;
    • La calamiteuse préparation du débat. Au-delà du choix stratégique contestable, c’est la préparation technique qu’il faut incriminer. Pas de répétition physique en offensif, puis en défensif ; pas de stratégie « plan B » en cas d’échec de la stratégie « plan A ».

    La technostructure du FN

    La réalité, c’est que Marine Le Pen garde autour d’elle trois types d’entourage :

    • Des éléments notoirement faibles, incompétents, dépassés par l’enjeu et inorganisés, dont elle est la première à brocarder l’incompétence, voire à réprimander vertement et en public, mais dont elle ne parvient pas à se séparer ;
    • Un cercle familial ou péri-familial qui n’a malheureusement pas beaucoup d’autres lettres de noblesse d’efficacité politique que les liens du sang. Sœurs, beau-frère, conjoints divers, encombrent les accès à la candidate pour des bénéfices plus que discutables ;
    • Un cercle d’affidés qui, pour certains, peuvent être compétents (Florian Philippot) mais ont tous une fragilité, une fêlure intime que Marine connaît et qui les unit, créant ainsi un rapport malsain, au-delà de toute efficacité, de soumission – loyauté qui ne permet pas les remises en cause ou même les analyses les plus rigoureuses.

    Il n’y a aucun secret dans la grande loi des organisations. Le dirigeant a les collaborateurs qu’il mérite. C’est lui qui fixe le niveau d’exigence, le système d’animation, de délégation, de reporting. Organiser cela n’est pas tomber dans une espèce de délire technocratique de l’entreprise privée et, au FN, les marges de progression sont considérables.

    Là encore, la tâche de Marine est immense si elle veut changer les choses, dégager enfin un niveau d’efficacité et de professionnalisme à la hauteur des enjeux et surtout faire de son organisation quelque chose d’attractif pour l’extérieur. Il faut relever l’extraordinaire écart entre la propension du FN, de par son développement électoral, à proposer des postes et la très faible attractivité de ce dernier, qui n’a pris dans ses filets aucune pointure, ni comme tête d’affiche électorale ni comme profil « techno » désireux de se dévouer à la structuration ou l’animation du parti.

    Entre sa structuration politique personnelle et sa capacité de dirigeante d’une organisation humaine, on voit que les enjeux personnels de transformation (de transfiguration ?) de Marine Le Pen sont immenses. Elle a néanmoins trois atouts qui plaident pour elle et pour cette capacité de remise en cause individuelle :

    • Un très fort instinct politique qui lui tient lieu de boussole pour compenser son absence de structuration idéologique. Si elle est lucide sur l’analyse de 2017 et déterminée (pour de bonnes ou de mauvaises raisons, la nature humaine étant ainsi faite) à être de nouveau en première ligne en 2022, elle est capable de profonds changements ;
    • Une très bonne capacité d’écoute. Il y a les leaders qui ne changent pas parce qu’ils n’écoutent ni n’entendent. Ce n’est pas le cas de Marine, qui sait entendre beaucoup de choses. Chez elle, c’est le passage à l’acte qui est souvent perçu comme trop coûteux. Sauf à ce qu’elle considère enfin comme un enjeu de survie pour elle la nécessité d’agir enfin ;
    • Une très grosse capacité de travail. Contrairement à l’image futile et désinvolte de sa jeunesse, la Marine Le Pen d’aujourd’hui est sérieuse, travailleuse et presque monacale. Son image est d’ailleurs la première victime de ce débat horrible où elle a renvoyé une cruelle image d’incompétence et d’impréparation qui ne correspondent pas à la réalité.

    (A suivre)

    Philippe Christèle 16/05/2017

    https://www.polemia.com/le-fn-est-il-reformable-23/

  • Ce qu’il y a de dangereux chez Macron, par Ivan Rioufol

    Tout est bon pour sublimer Emmanuel Macron, ce nouveau Périclès nous dit-on. Les courtisans à cartes de presse se sont bousculés, dimanche, sur les plateaux des télévisions pour louanger chacun à leur manière celui que la foule a plutôt ignoré lors de la passation de pouvoir, tant le long des Champs Elysées que devant l’Hôtel de Ville. Un ébloui, subjugué par le jeune président, a pu écrire dans Le Monde : « Il y a dans le regard au profil d’aigle d’Emmanuel Macron […] la réminiscence du premier consul. » Depuis sa marche théâtrale vers la pyramide du Louvre, le soir de son élection, le souvenir de Bonaparte est dans les esprits de ses thuriféraires.

    D’ailleurs, Macron ne pince-t-il pas lui aussi l’oreille de ses vieux grognards, aux yeux humides de reconnaissance ? On l‘a vu faire, dimanche, pour Gérard Collomb en larmes, pour Jean-Yves Le Drian et pour d’autres fidèles. Certes, son “staff” a un peu cassé l’envolée historique en précisant que le costume bleu porté par le chef de l’Etat avait couté 450 euros, chez Jonas et Compagnie, tailleurs de père en fils du 19 de la rue d’Aboukir (fond du couloir, 1 er étage, entrez sans frapper), à Paris. Mais n’est pas Napoléon qui veut. Quand Laurent Fabius, président du conseil Constitutionnel, a cité Chateaubriand en complimentant le président : “Pour être l’homme de son pays il faut être l’homme de son temps”, il a oublié que ce temps se laissait aller au cheap, à la bassesse, à la médiocrité, à la lâcheté.

    Dans ce concert de louanges, François Bayrou a lancé un couac, vendredi, en dénonçant une embrouille de la République en marche !. Elle n’aurait pas respecté ses accords avec le Modem concernant les investitures aux législatives. “Je ne participerai pas à une opération de recyclage du PS”, a prévenu Bayrou. Il semble avoir obtenu gain de cause. La critique de Manuel Valls dans le JDD est plus grave. Rappelons qu’En marche lui a refusé son investiture mais que le mouvement ne présentera pas de candidat face à lui, eu égard à son passé de premier ministre. Ce qui n’empêche pas Valls de déclarer : “Je suis extrêmement lucide sur Macron et sur son équipe. Hollande est méchant, mais dans un cadre. Macron, lui, est méchant, mais il n’a pas de codes donc pas de limites (…) Je ne veux pas abandonner mon combat idéologique pour la République et la laïcité (…) Sur l’identité on a un vrai désaccord”. En clair, Macron “homme de son temps” s’apprête à suivre une politique d’apaisement vis-à-vis des cités ‘populaires’, sans exigence face à l’islam politique. C’est parce que Malek Boutih, proche de Valls, est sur une ligne de fermeté vis-à-vis du communautarisme islamique qu’il n’a pas été investi et qu’un candidat se présentera face à lui.

    Grâce à l’alerte de la Licra, le candidat En Marche Christian Gerin a été suspendu pour avoir appelé au boycott des produits israéliens (BDS), interdit en France. Richard Ferrand, secrétaire général d’En Marche, a financé France Palestine Solidarité en 2016, association proche du BDS. Ce qui se met en place sous les applaudissements des officiels, n’augure rien de bon pour le proche avenir de la France confrontée à l’islamisme. La vigilance est plus que jamais de mise.

    Article repris de Le blog d’Ivan Rioufol

    https://fr.novopress.info/

  • Le FN est-il réformable ? (1/3)

    Par Philippe Christèle, consultant international, essayiste… ♦ Polémia propose une étude en 3 volets, rédigée par Philippe Christèle, qui analyse le bilan de la séquence présidentielle et de la performance de la candidate du FN, et pose clairement les points de débat autour de l’annonce de « transformation » du parti annoncée par Marine Le Pen dès le soir de sa défaite.

    L’intérêt du texte est à la fois qu’il dépasse l’analyse purement politique et stratégique pour ajouter un regard technique et managérial ; mais aussi qu’il propose un fil rouge pour la grande recomposition promise.

    Nous le proposons en 3 parties :
    – La nouvelle donne idéologique, l’état des lieux des forces en présence et un bilan de la stratégie présidentielle ;
    – Une méthode pour la remise en cause ; analyse de la capacité du FN à se transformer ;
    – Une analyse de la capacité du FN à se transformer (suite) et des scénarios possibles pour l’avenir.

    Les lecteurs qui le souhaiteront pourront lire l’intégralité de l’article en PDF ICI

     Polémia

    Première partie :
    La nouvelle donne idéologique, l’état des lieux des forces en présence et un bilan de la stratégie présidentielle

    Tout a été dit sur le naufrage politique et tactique de Marine Le Pen. Les résultats sont implacables et les causes connues. Marine Le Pen a annoncé, dans son discours de défaite, des remises en cause. L’objet de cet article est d’étudier quelles sont ces remises en cause pour que le FN, et sa candidate, gardent leurs chances d’une victoire en 2022.

    La nouvelle donne idéologique

    Pour simplifier, on pourra dire que la victoire d’Emmanuel Macron est celle de tous ceux qui sont aujourd’hui gagnants – ou imaginent l’être – de la mondialisation la plus ouverte.

    Ce sentiment d’être gagnant est l’aboutissement de l’individualisme consumériste dégagé de tout enracinement collectif (qu’il soit identitaire, national, religieux, familial, …), en prolongement logique de la déconstruction de toutes ces dimensions collectives depuis un gros demi-siècle au gré des principaux jalons que sont la victoire de 1945 théorisée comme criminalisation des nationalismes, la décolonisation comme criminalisation de l’homme blanc, Mai-68, Vatican II et le mariage pour tous comme criminalisation du modèle social et familial traditionnel. Sans parler, bien sûr, de l’immigration massive qui a fait exploser l’homogénéité de la communauté nationale.

    Une partie significative de la France ne veut plus « faire société » et la kyrielle des intérêts individuels l’emporte sur la volonté de construire du collectif, lequel passe toujours par la renonciation à une partie d’égoïsme individuel.

    Cette tendance lourde est aggravée par les maux de l’égalitarisme français. Depuis les Trente Glorieuses, les efforts de quelques-uns ont systématiquement été vampirisés par un modèle social égalitariste socialiste, directement hérité du hold-up gaullo-communiste de l’après-guerre. Etat obèse, syndicats subventionnés et nuisibles, système de solidarité nationale confinant à l’assistanat, incompétence et médiocrité publiques, injustices flagrantes et répétées entre secteur public et secteur privé en matière de temps de travail, de retraites, … ont ainsi contribué à dégoûter bien des Français des notions de solidarité, de sacrifice et de collectivité nationale.

    État des lieux des forces en présence

    Heureusement, nombreux sont encore les Français qui ne se rallient pas à cette hubris de l’individualisme triomphant. L’élection présidentielle les a répartis dans deux camps, autour de blocs assez distincts avec une ligne de séparation assez nette.

    Le premier camp des opposants regroupe ceux pour lesquels l’insatisfaction tient d’abord à l’inégalité des richesses. Posture égalitariste, posture gauchiste française (malheureusement) traditionnelle, mais aussi posture universaliste. Pour ces derniers, ce qui est inacceptable c’est d’abord l’écart de revenus et de ressources et la grande pauvreté qui peut parfois l’accompagner. La dimension identitaire, ethnique et culturelle ne compte en rien dans ce raisonnement. Le nouveau prolétariat est pluriel, amalgamant le petit fonctionnaire déclassé, l’ouvrier au chômage et le sans-papiers malien exploité dans la restauration. Les cortèges de ses opposants sont bigarrés, et servent souvent de premier marchepied politique, voire électoral, aux communautarismes extra-européens. Pour tous, c’est l’égalité avant et quelle que soit l’identité. Jean-Luc Mélenchon est leur idole la plus visible.

    Le second camp fédère ceux qui, à l’inverse, veulent d’abord sauver l’identité avant tout rééquilibrage économique. Soit parce qu’ils font déjà partie de la population déclassée (la plus grande majorité), soit parce qu’ils appartiennent à une famille de conviction qui les fait lutter contre le « grand tout niveleur et éradicateur », ils refusent l’offre Macron au nom de la permanence d’un certain nombre d’idées, de culture, de civilisation, de place de la France dans le monde, y compris avec, c’est vrai aussi, la nostalgie d’un temps ancien qui ne reviendra plus mais qu’il n’est pas indigne de vouloir retrouver. Ils refusent tout bonnement d’être envahis, méprisés, rackettés, culpabilisés, et de se voir imposer des modes de vie qu’ils n’ont pas désirés et dont ils savent bien qu’ils leur sont étrangers. Jean-Marie puis Marine Le Pen ont été, jusqu’alors, leur champion électoral.

    Un troisième camp socio-idéologique est aujourd’hui en plein désarroi. Il s’agit de cette France « orléaniste » qui mêle bourgeoisie provinciale catholique et cadres supérieurs, entrepreneurs et métiers tertiaires des grandes métropoles. Ceux-là, s’ils sont l’opposé exact du camp Mélenchon qui les gratifie en retour d’une haine viscérale dont seul le gauchiste français a le secret, n’ont pas vraiment fait leur choix entre la nécessité de rallier le camp Macron ou le camp de l’identité. Au fond d’eux-mêmes, les questions régaliennes et la mémoire culturelle dont ils sont porteurs les appellent vers le camp de l’identité. Mais les positions socialistes de ce dernier les rebute, les choque et les inquiète. A l’inverse, le camp Macron, qui pourrait les attirer par son côté conformiste et par l’apparence de la réussite, leur semble un peu factice. Eux-mêmes commencent à douter de leur capacité à faire durablement partie de la France qui gagne. Malheureusement, groupe a-idéologique par excellence comme l’ont toujours été structurellement les bourgeoisies, il ne peut résister, tout diplômé qu’il soit, à la cascade du politiquement correct médiatique et le peu d’attraction émise par le camp identitaire ne parvient pas à l’arracher d’un vote moutonnier pour le camp du bien autoproclamé.

    Quel bilan de la stratégie présidentielle ?

    Si la direction du FN, et d’abord la présidente-candidate, n’est pas dans le déni, elle doit tirer de cette campagne au moins trois éléments que tout le monde a déjà vus et qui chacun s’appliquent aux trois blocs que je viens de décrire :

    • Elle n’a pas fait le plein de son camp. C’est le résultat du premier tour, observé à la fois dans le score des suffrages exprimés mais surtout dans la carte de l’abstention. Cette dernière a ses zones de force qui recoupent exactement les zones de force du FN. Cela veut dire que ce que Donald Trump avait réussi (mobiliser un électorat qui ne votait plus) n’a pas été fait. Pire encore : lorsqu’on sait que certaines catégories d’électeurs désabusés ne votent qu’à l’occasion de l’élection présidentielle, on voit bien que toute une catégorie d’électeurs n’a pas trouvé dans le discours de campagne de Marine Le Pen les raisons de se déplacer.
    • Les clins d’œil aux insoumis du premier tour, bien que très nombreux et très appuyés, n’ont pas fonctionné. Pourtant, dieu sait combien les ficelles ont été grosses et jusqu’à la caricature de soi. Pour preuve, cette réaction de Florian Philippot à la tribune de Bernard Arnaud, emblématique patron du groupe LVMH, étendard du luxe à la française (et dont les usines sont localisées en France) « Pourquoi je soutiens E. Macron ». Réponse de F. Philippot : « Parce que vous êtes très riche et que vous en voulez encore plus. » Fermez le ban. Quant à tous les autres clins d’œil de l’entre-deux-tours, le lecteur les a suffisamment vus, débat inclus, pour que je ne les rappelle pas.
    • Le ralliement de la droite bourgeoise ne va pas de soi. On a beau les insulter, leur secouer les puces à distance, leur expliquer qu’ils sont les plus bêtes du monde, ne leur témoigner comme égards ou considération que le tiers du quart de ceux accordés aux Insoumis, rien n’y fait, ces électeurs ne sont pas séduits. Alors que, sur le papier, ils représentent le corpus électoral le plus proche, idéologiquement parlant, de ce que devrait porter le camp de l’identité.

    (A suivre)

    Philippe Christèle 16/05/2017

    https://www.polemia.com/le-fn-est-il-reformable-13/

  • Accueil de migrants : l’Union européenne menace la Hongrie et la Pologne

    europe-les-murs-anti-migrants-po.jpg

    Les autorités hongroises, peu impressionnées, ont déclaré que le pays conservera sa législation stricte en matière migratoire et sa clôture frontalière.

    La Hongrie et la Pologne sont, une nouvelle fois, dans le collimateur des instances de l’Union européenne pour leur refus d’accueillir des migrants.

    Alors que l’Union européenne tente d’imposer à ses États membres la prise en charge de « réfugiés » arrivés en Grèce et en Italie, des pays d’Europe de l’Est refusent depuis des mois de se soumettre à ses injonctions.

    Le commissaire européen aux Migrations Dimítris Avramópoulos a réitéré, ce mardi 16 mai 2017, les demandes de l’Union européenne en fixant, cette fois, une date butoir : si la situation perdure en juin 2017, la Commission n’hésitera pas à ouvrir des procédures d’infraction qui pourraient conduire à des sanctions financières contre les récalcitrants.

    La Pologne, dirigée par le Premier ministre conservateur madame Beata Szydło, et la Hongrie, du Premier ministre démocrate-chrétien Viktor Orbán, sont particulièrement visées car elles n’ont pas, jusqu’à présent, accepté la moindre relocalisation de migrants depuis la Grèce ou l’Italie.

    Le mercredi 17 mai 2017, le Parlement européen a accepté, à une courte majorité, une motion visant à ce que la Hongrie fasse l’objet de l’activation d’une procédure prévue au sein de l’article 7 du traité de l’Union européenne visant à vérifier le respect de l’État de droit dans ce pays et pouvant éventuellement déboucher, en fin de course, sur le fait que ce dernier soit privé de droit de vote. Bien que la probabilité de voir cette requête aboutir soit extrêmement faible, celle-ci constitue le franchissement d’un nouveau cap, car une telle demande n’a jamais été réalisée auparavant par les élus européens. Elle montre l’exaspération d’une partie d’entre eux face aux mesures mises en place en Hongrie afin de protéger la population des effets néfastes de l’immigration de masse et des attaques de l’oligarchie mondialiste : construction d’un mur sur la frontière sud, projet de loi visant à renforcer le contrôle sur les organisations non gouvernementales bénéficiant de financements étrangers, loi sur les universités étrangères visant à la fermeture de l’université du milliardaire George Soros, placement en centre fermé de demandeurs d’asile…

    Les autorités hongroises, peu impressionnées, ont déclaré, ce jeudi 18 mai 2017, que le pays conservera sa législation stricte en matière migratoire et sa clôture frontalière.

    Écrivain et journaliste belge francophone Son blog
  • Au coeur de Paris, des femmes chassées des rues

    Ce sont des centaines de mètres carrés où les femmes n’ont plus droit de cité. Cafés, bars et restaurants leur sont interdits. Comme les trottoirs, la station de métro et les squares. Depuis plus d’un an, le quartier Chapelle-Pajol (Xe- XVIIIe), a totalement changé de physionomie : des groupes de dizaines d’hommes seuls, vendeurs à la sauvette, dealeurs, migrants et passeurs, tiennent les rues, harcelant les femmes.

    Les jeunes filles ne peuvent plus sortir seules, porter une jupe ou un pantalon trop près du corps sans recevoir une bordée d’injures : l’une d’elles raconte avoir subi un jet de cigarette allumée dans les cheveux.

    Nathalie, 50 ans, trente années dans le quartier :

    « Ce sont des injures, des réflexions incessantes. L’ambiance est angoissante, au point de devoir modifier notre itinéraire, notre tenue vestimentaire. Certaines ont même renoncé à sortir de chez elles ».

    Une dame de 80 ans été agressée sexuellement alors qu’elle rentrait dans son immeuble. Elle est désormais retranchée dans son appartement. Aurélie, 38 ans, ne reconnaît pas le quartier où elle vit depuis 15 ans, rue Perdonnet (Xe) :

    « Le simple fait de circuler est devenu problématique. Le café, en bas de chez moi, un bistrot autrefois sympa, s’est transformé en repaire exclusivement masculin et en permanence bondé : j’ai droit à mon lot de remarques lorsque je passe devant, d’autant plus qu’ils boivent énormément : il y a quelques jours, le simple fait de me mettre à ma fenêtre a déclenché un flot d’injures, et j’ai dû m’enfermer dans mon appartement. Il y a quelque temps encore, j’empruntais le boulevard de la Chapelle depuis Stalingrad, même tard le soir… C’est impensable aujourd’hui ».

    Laure :

    « Ces dernières semaines, j’ai été prise au milieu d’une bagarre de vendeurs à la sauvette. Affolée, je me suis mise à crier, et deux d’entre eux ont sorti des couteaux pour me menacer. J’ai cru que ma dernière heure était arrivée. Et ça fait des mois que ma fille de 12 ans ne va plus seule au collège, ni nulle part dans le quartier, d’ailleurs ».

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2017/05/au-coeur-de-paris-des-femmes-chass%C3%A9es-des-rues.html

  • Entretien : Les réflexions sur la violence de Thibault Isabel

    Thibault ISABEL est né en 1978, à Roubaix. Docteur en esthétique, il s’est d’abord spécialisé dans la psychologie de l’art, avant de se consacrer à la philosophie générale, l’histoire des mentalités et l’anthropologie culturelle. Il est rédacteur en chef de Krisis et auteur du livre Pierre-Joseph Proudhon. L’Anarchie sans le désordre ( Cet entretien date du numéro 46 de la revue Rébellion de 2011) 
    R/ Dans votre nouveau livre, « Le paradoxe de la civilisation », vous essayez de montrer que le problème de la fondation de l’Etat est lié à la violence qui, selon vous, anime l’homme de toute éternité. L’homme tente de se civiliser pour mettre un terme aux conflits permanents qui l’opposent à ses semblables. Pourtant, on a le sentiment en vous lisant que le développement de la civilisation est très loin de résoudre toutes les tensions qui agitent l’humanité, et que l’état de nature n’est pas nécessairement pire que le monde civilisé… 
    La question, au fond, est en effet de savoir pourquoi les hommes ne restent pas éternellement à l’état de nature, vivant dans une sorte d’innocence sauvage, animés par une douce insouciance. Ma réponse est que l’homme, s’il restait à l’état de nature, ne pourrait pas même survivre. Vivre en société n’est pas un choix : c’est une réalité plus ou moins indépassable. Notre espèce est naturellement faite pour se civiliser, car, au contraire de bien d’autres animaux, notre bagage individuel de prédateur est beaucoup trop limité pour nous permettre d’exister par nous-mêmes. Nous avons sans cesse besoin de nous associer avec des semblables, afin que tous les individus qui composent notre communauté se soutiennent mutuellement et s’assurent une protection réciproque ; mais, plus encore, faute d’instincts suffisamment nombreux pour nous dicter spontanément notre conduite vis-à-vis des autres, nous avons besoin d’établir des règles de vie collective pour permettre à notre groupe d’évoluer au mieux, c’est-à-dire dans la concorde et l’harmonie. Nous sommes bel et bien des animaux politiques, dans le plein sens du terme, puisque nous ne pouvons assurer notre subsistance qu’en nous intégrant dans le cadre plus large d’une association de personnes, d’une cité. 
    A vrai dire, pourtant, rien n’est moins simple que d’établir un groupe soudé et pacifié. L’homme s’associe à des semblables pour mieux pouvoir résister à la violence du monde extérieur, mais, lorsqu’il est rattaché à un groupe, il doit encore souvent se défendre contre ses voisins eux-mêmes, en raison des luttes intestines qui les opposent entre eux – et que nul ne parvient en général à résorber. A une violence externe (la violence naturelle), la vie en société ne fait donc souvent que substituer une violence interne (la violence économique et sociale). 
    Le processus civilisateur n’est au final rien d’autre que la tentative perpétuellement renouvelée des hommes pour structurer leur caractère et leur conduite, de manière à ce que des règles de vie justes soient instituées, puis internalisées par chacun. La tension collective vers la justice n’a de sens, en fait, que parce qu’elle doit garantir la viabilité et la pérennité du groupe : si une trop grande injustice s’installe, la vie sociale n’est plus possible, et l’assemblée des hommes implose pour retourner au chaos. Il faut par conséquent que tout le monde accepte de renoncer à une partie de ses désirs, à court terme, dans l’espoir d’en tirer un plus grand bénéfice à long terme et de faire valoir ainsi la stabilité de l’ensemble. Mais le désir égoïste et rapace ne disparaît pas pour autant, et certain espère profiter de la stabilité de l’ensemble, grâce aux sacrifices consentis par les autres, sans avoir à se sacrifier soi-même. La société se trouve alors contrainte de mettre en place des instances répressives chargées de contraindre les comportements dans des limites acceptables : et c’est à ce moment que naît l’Etat. Toute l’histoire humaine est structurée par cette ambivalence, depuis ses origines. D’un côté, les individus sont égoïstes et veulent s’approprier pour eux la part la plus belle du gâteau ; mais, de l’autre, ils se sentent dépendants de leurs congénères, les aiment et ne veulent pas se les aliéner. Le processus de civilisation est donc fragile, en ce qu’il doit parvenir à établir l’harmonie sur la base d’une nature chaotique et violente. 
    R/ L’Etat se développerait en somme pour essayer de contraindre les penchants les plus égoïstes des individus, dans le but de favoriser l’harmonie sociale… 
    Comme je viens de le dire, le problème demeure qu’il n’est pas aisé de ménager simultanément des tendances aussi antinomiques que l’égoïsme individuel et l’amour des autres. D’abord, l’Etat a souvent été monopolisé dans l’histoire par des individus, des groupes ou des intérêts abstraits qui faisaient passer leur propre avantage avant le bien commun ; en un sens, aucune politie, à des degrés divers, ne peut même jamais échapper à cet écueil. Tout établissement d’un pouvoir, quel qu’il soit, porte au moins le risque d’une éventuelle dérive autocratique, oligarchique ou démagogique. Mais la difficulté ne s’arrête pas là. Soit l’Etat impose un carcan restrictif et régule de manière satisfaisante les actions des individus – mais, dans ce cas, il brime une part de leur liberté et de leur énergie – ; soit il relâche la pression sur eux – mais, dans ce cas, il court le risque de les plonger à nouveau dans le désordre, l’anarchie et le « laissez-faire ». En fait, à titre personnel, je ne pense pas qu’il soit bon de broyer la part d’ambition, voire même d’individualisme, qui compose la nature de l’homme. Cette ambition et cet individualisme ne doivent pas se transformer en égoïsme, bien sûr, et doivent plutôt se combiner avec un sens affirmé du bien commun ; mais, sans eux, nous n’aurions en tout cas aucun esprit d’initiative, aucune créativité, aucun goût véritable pour la vie. Or, le drame de l’Etat est que, plus il s’étend pour contraindre l’égoïsme, plus il brime aussi notre énergie vitale dans ce qu’elle a de plus noble… D’où le malaise dans la civilisation dénoncé par Freud, non parce que notre civilisation serait malade, mais parce que toute civilisation industrielle et étatisée, quelle qu’elle soit, porte en elle une frustration névrotique du désir et un frein aux libertés, si bien qu’il faut craindre que le développement des sociétés avancées aille toujours de pair avec un renoncement au bonheur, comme l’affirmait le père de la psychanalyse. 

  • Macron : une popularité toute médiatique - Journal du vendredi 19 mai 2017