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culture et histoire - Page 1083

  • Dominique Venner et la mort volontaire chez Drieu la Rochelle et Montherlant

    Pauline Lecomte : Lors des guerres et conflits civils du XXe siècle, il semble que le suicides pour des raisons politiques n'aient pas été rares en Europe.
    Dominique Venner : Des circonstances exceptionnellement dramatiques les ont en effet favorisés. Le 30 mai 1925 par exemple, se donna la mort l'écrivain nationaliste allemand Moeller van den Bruck, traducteur de Dostoïevski et fondateur d'un des clubs les plus actifs de la "révolution conservatrice". Cette année-là marqua cruellement le recul de ses espérances. Le jeune Thierry Maulnier, dans la préface qu'il donna huit ans plus tard à une traduction de l'écrivain allemand, lui rendit hommage : "Il n'a pas conçu son suicide comme une renonciation, mais comme un germe, il a voulu qu'il fût une provocation à l'espérance et à l'émeute". C'était une pensée généreuse.
         En certaines occasions, le suicide peut sembler accorder une sorte de grâce anoblissante, dans la mesure où la mort volontaire se charge d'un sens que n'a pas la mort naturelle ou accidentelle. Je songe à des exemples contemporains, ceux de trois écrivains engagés dans la guerre, qu'avait remarqués Jünger dans Jardins et routes, première partie de son Journal de Guerre, parce que, dit-il, ceux-là furent courageux sans céder à la haine. Ce sont Drieu la Rochelle, Montherlant et Saint-Exupéry. Jünger les met "au petit nombre de cette haute chevalerie qu'a produite la première grande guerre." Peu importe l'erreur générationnelle concernant Saint-Exupéry (1900-1944), trop jeune pour le premier conflit, mais pilote valeureux des combats de 1940 et de 1944. Le destin devait conduire ces trois écrivains français à se donner volontairement la mort dans des circonstances très différentes, ce qui a contribué à les élever "au petit nombre de la haute chevalerie" invoquée par Jünger. 
    P. L. : Le suicide de Pierre Drieu la Rochelle fait intimement partie de sa légende, plus encore que ses succès féminins ou son élégance britannique.
    D. V. : Longtemps après sa mort, ses écrits continuent de parler pour leur époque. Ils en expriment quelques interrogations fondamentales, résumées par la hantise d'une irrémédiable décadence. Celle de la bourgeoisie française thème de tous ses romans, celle aussi de la France à laquelle il a consacré ses essais. Marqué dans sa jeunesse par l'influence de Nietzsche et des surréalistes, combattant courageux de la Première Guerre mondiale, plusieurs fois blessé, Drieu pensa trouver dans le fascisme, après 1933, un remède à cette décadence qui l'obsédait. Au lendemain de la défaite de 1940, il voulut croire que, de cette épreuve, surgiraient de nouvelles énergies et une réconciliation franco-allemande. A la fin de l'Occupation, cruellement déçu par l'impossible collaboration, il refusa de s'exiler en Suisse comme l'occasion lui avait été offerte.
         Ecrivain fasciné par l'aventure politique, Drieu n'était pas un politique. Il était beaucoup trop sensible, droit et assoiffé d'absolu. "Je le considère comme l'un des êtres les plus nobles que j'ai rencontrés", devait dire son ami André Malraux à Frédéric Grover. Lorsque fut consommée la défaite de ses illusions, il ne se départit pas de sa hauteur. Après avoir vécu caché quelque temps, il se tua le 15 mars 1945. Dans une lettre ultime à son frère, il donnait ses raisons : "J'estime un bonheur de pouvoir mêler mon sang à mon encre et rendre sérieuse à tout point de vue la fonction d'écrire."
    P.L. : Qu'en fut-il pour Montherlant ?
    D. V. : Rendre sérieuse la fonction d'écrire fut certainement l'une des préoccupations constances d'Henry de Montherlant. C'était une personnalité complexe. Certains de ses biographes ont mis en évidence des faiblesses que la tradition chrétienne aurait qualifiées de péchés, tout en leur accordant la grâce d'une rémission. Il ne fut pas le personnage altier que suggèrent sa prose magnifique et ses dons de dramaturge. Il a montré que l'on peut être un grand écrivain, le plus grand peut-être de sa génération, et avoir cédé à une conduite intime douteuse. Mais sa mort volontaire l'a d'un seul coup lavé de toutes ses souillures. Le 21 septembre 1972, en fin de journée, se sentant menacé de devenir aveugle et refusant ce déclin, il saisit son pistolet et se tira une balle dans la bouche.
         Selon les mots de Jean Cau, ce geste traçait "une orgueilleuse signature de sang au bas de sa vie. Tous les mensonges pulvérisés par une seule détonation."Ce fut une mort romaine. Elle ressemblait tant à l'image que l'écrivain avait voulu donner de lui-même que l'homme véritable s'en trouvait anobli. Le maître de Santiago et le cardinal d'Espagne ne mentaient plus. Face à lui-même et à un ciel qu'il pensait vide, Montherlant n'avait pas tremblé.
         Il avait laissé nombre de réflexions sur le suicide. "On se suicide par respect pour la vie, quand votre vie a cessé de pouvoir être digne de vous. Et qu'y a-t-il de plus honorable que ce respect de la vie ?" Certes. En roide éthique, le droit au suicide n'est limité que par la peine que l'on peut causer à des proches ou par l'exigence d'un devoir qui impose de continuer à vivre, quitte à souffrir.
    Dominique Venner, Le choc de l'histoire

  • Les origines de Monsanto

    Ayant mesuré le taux de nuisance de Monsanto, monstre sans visage, nous avons tenté de remonter le temps afin d'identifier les êtres qui l'avaient créés. Et c'est à vrai dire sans grande surprise que nous avons découvert comment ils s'étaient enrichis - au détriment d'autrui ; par l'asservissement, par les chaînes, dans un déni total d'humanité.

    En 1757, Isaac (Rodrigues) Monsanto, juif sépharade né aux Pays-Bas, arrivait à la Nouvelle-Orléans en provenance de Curaçao [Antilles néerlandaises, sur la côte du Venezuela]. Il s'établit comme négociant et entreprit de transporter des cargaisons d'esclaves noirs des Caraïbes au Golfe de Mexico. Dix ans plus tard, il faisait l'acquisition d'une plantation du nom de Trianon, aux abords de la Nouvelle- Orléans. En 1769, alors que le deuxième gouverneur espagnol venait de prendre ses fonctions et expulsait les juifs de la Louisiane, Isaac Monsanto était devenu l’un des plus riches marchants de cet Etat. Cependant, ses biens confisqués, Monsanto dut quitter le territoire et s'installer dans la ville de Manchac, près du lac Pontchartrain, sous contrôle britannique où le rejoignirent ses frères Manuel, Jacob et Benjamin, tandis que ses deux sœurs, Gracia et Eleonora, s'installaient à Pensacola, dans l'ouest de la Floride, elle aussi administrée par les Britanniques.

    Après la mort d'Isaac en 1778, les trois frères Monsanto continuèrent à gérer leur "entreprise", mêlant la vente de tissus à des produits de toutes sortes, tenant le rôle d'agent immobilier et de recouvrements - le tout lié au trafic d'esclaves.

    Des documents l'attestent, mentionnant par exemple, l'achat par Benjamin Monsanto, de 80 Noirs en 1768 ; de 13 en 1785 contre de l'indigo, d'une valeur de 3 000 livres ; en 1787, ce fut le sort de 31 autres qu'il négocia. D'autres archives, datant de 1794, font état d'une femme noire "Babet" vendue par Benjamin à un certain Franco Cardel ; de deux Guinéens, « Polidor et Lucy » à James Saunders pour la somme de 850 dollars en argent. Et quelques noms « Quetelle, Valentin, Baptiste, Prince, Princesse, Caesar, Dolly, Jen, Fanchonet, Rosetta, Nat, Louis, Eugène, Adélaïde », appartenant aux frères Monsanto.

    En l'an 1790, Benjamin Monsanto et son épouse avaient acquis, sans mal, une plantation de 500 acres à Sainte Catherine's Creek près de Natchez, dans le Mississipi, sur laquelle trimaient onze esclaves. D continua de s'investir dans l'entreprise familiale jusqu'à son passage à trépas, en 1794, tandis que Manuel et Jacob ouvraient un commerce rue de Toulouse, à la Nouvelle-Orléans. Au cours des années, Isaac "hypothéqua", plusieurs fois de suite, quatre de ses esclaves, lorsqu'il fut en difficulté financière ; Benjamin négocia six contrats concernant la vente de six des siens, « pour après sa mort » ; Gracia légua par testament, « neuf Africains », à sa famille ; Jacob, fils d'Isaac, tomba amoureux d'une de ses esclaves, « Mamy William » et de cette union, naîtra Sofia, « une jolie quarteronne », est-il rapporté...

    John Francis Queeny, fondateur de Monsanto, épousa Olga Mendez (Monsanto n'étant pas toujours mentionné), fille d'Emmanuel Mendes Monsanto, dont la date de naissance est estimée « entre 1808 et 1868 », alors que ni date ni lieu de décès ne sont déclarés. En furetant un peu, l'on peut toutefois apprendre qu'Emmanuel Mendes de Monsanto, fut « un riche financier d'une société sucrière de Vieques, Porto Rico, dont le siège était à St Thomas, Indes occidentales danoises ». [Le danois étant réservé à l'administration, il profitait à un Créole français, proche de celui de Sainte-Lucie ainsi qu'à l'anglais et à l'espagnol. De quoi plaire aux cosmopolites]. Les produits de base de sa société étaient (déjà) des additifs alimentaires tels que la saccharine, la caféine et la vanilline de synthèse.

    Le site <www.geni.com> nous renseigne sur le nom de son épouse, Emma Kitson, mais sans plus. C'est autour de leur fille, Olga Mendez, que se cristallise le mystère, telle une pièce de puzzle impossible à caser.

    Certes, le nom que portent père et fille est le même mais le fait que l'orthographe diffère de l'un à l'autre, ne nous semble pas anodin, Mendes et Mendez étant d'origine distincte. En effet, les Mendes, Menendes, de même que les Pereira Mendes et Mendes Seixas, originaires du Portugal, sont généralement mais pas obligatoirement, portés par des juifs sépharades, alors que les Mendez sont originaires d'Espagne, de Galicie notamment, et descendent généralement de « notables de haute lignée » ; que certains assument d'origine allemande - ce qui serait le cas d'Olga - dont une ancienne tribu n'est autre que wisigothe, issue de ces « goths sages » danubiens, submergés par les Arabes sur le sol espagnol mais dont une minorité se réfugia dans les Asturies pour former un royaume, une communauté chrétienne, encore autonome de nos jours.

    Il n'échappe à personne que, depuis le Moyen Age, nombre de noms ont été empruntés, usurpés, achetés ou acquis par mariage ou filiation, particulièrement lorsque les monarques Isabelle et Ferdinand entreprirent de chasser les juifs sépharades de la péninsule ibérique (décret royal de l'Alhambra de Grenade, 31 mars 1492). Leur expulsion aurait débuté le 2 août 1492 et, cinq ans plus tard, en 1497, au Portugal. Une majorité d'entre eux émigra ainsi en Hollande, établissant la Compagnie hollandaise des Indes Occidentales (Dutch West Indies Company). Aujourd'hui hélas, les recherches sont de pins en plus difficiles, sinon impossibles, les biographies étant restreintes et l'accès aux généalogies se retrouvant "privatisé" ; certains liens, d'autre part, semblent valides, mais affichent « page introuvable », dès que l'on y accède.

    Parfois, comme par miracle, survient une information oubliée par la censure, telle cette copie d'un recensement fédéral états-unien de l'an 1900, précisant qu'Olga Mendez naquit en janvier 1872 aux Antilles ; pourtant demeurent inconnus les date et lieu son décès, bien qu'étant tout de même l'épouse d'une personnalité en vue. Le couple aura deux enfants : Edgar Monsanto Queeny (1897-1968) et Olga Queeny.

    Remarquons, là aussi, ce contraste dans les noms, qui nous ramène inévitablement à John Francis Queeny (1859-1933), fondateur de la corporation Monsanto. Américano-Irlandais catholique dont la biographie tient à peine une demi-page sur Wikipédia. L'aîné de cinq enfants, son éducation scolaire à Chicago, fut de courte durée (de 6 à 12 ans), le « grand feu », qui ravagea la ville, « ayant contraint à quitter l'école et chercher du travail ». Tout d'abord coursier à 2,50 dollars la semaine chez Tolman & King, il va « s'installer à Saint-Louis en 1897 » -, date qui correspond aussi à la naissance d'Edgar. Queeny a alors la quarantaine et la chance ne semble pas lui avoir souri. A ce stade, une union avec « la fille Monsanto » apparaît donc peu probable, admettons-le. À Saint-Louis, il devient l'employé d'une grosse société pharmaceutique du nom de Meyer Brothers Drug Company. D'après Wikipédia (en anglais), « il aurait, deux ans plus tard, mis toutes ses économies dans l'achat d'une raffinerie de sulfure qui brûla le lendemain de l'ouverture ».

    Si l'on suit bien cet étrange parcours, Queeny aurait fondé Monsanto Chemical Work en 1901 - société sise à Saint-Louis dans le Missouri - avec un apport de 5 000 dollars, sans pour autant quitter Meyer Brothers. Il se serait lancé dans la production de saccharine - grâce au raffinage de la betterave à sucre (1900) - qu'il revendait à Meyer et dont il commença à tirer profit en 1905. (Bientôt suivraient les substituts du beurre ainsi que le glutamate monosodique (GMS), si nocif à la santé). Il aurait quitté Meyer l'année suivante pour rejoindre Monsanto à temps plein. Aurait-il, du même coup, adopté Edgar que rien ne présupposait à être son fils biologique ?

    Le peu que l'on sache sur Edgar prête à croire qu'il fut un homme brillant, qu'une fois PDG de la corporation, il allait contribuer à « une nouvelle ère d'expansion pour Monsanto, avec le lancement de la manufacture de plastiques pétrochimiques et du phosphore » [découvert cependant en 1669 par l'alchimiste allemand Hennig Brand, lors de ses recherches sur la « Pierre du philosophe »]. Sa renommée ne sera pas compromise par le krach de 1929, Monsanto affichant au contraire, des profits.

    Elu membre de Missouri Historical Society et président de Lafayette-South Side Bank Trust Company, Queeny sera élevé au titre de Chevalier de l'Ordre de Malte - révélation di Comte - après avoir été « initié au sein de le forteresse des Jésuites dans laquelle réside le Pape Noir de l'Université de Saint-Louis depuis 1818».

    Il s'avéra que « ce comte » n'était autre que « le Comte Saint-Germain, un homme enveloppé de mystère, de naissance et patrimoine inconnus ; teint olivâtre, cheveux noirs, d'apparence juive (sic). Se disant âgé mais détenteur de secrets séculaires, dont celui d'immortalité, il n'apparaissait pas plus vieux que 50 ans, en toutes occasions ; élégant, portant les bijoux les plus purs ; parlant plusieurs langues, écrivant des deux mains... Arrêté à Londres car soupçonné d'espionnage, durant la rébellion jacobite de 1745, il sera libéré sans inculpation. Supposé mort le 27 février 1784, il aurait été aperçu par plusieurs témoins... ». Curieux personnage en effet.

    Parmi d'autres initiés, signalons J.P. Morgan junior, de l'ordre des Saints Maurice et Lazare, qui fonda, en 1918, la US. Steel Corporation et fit du Chevalier de Malte, John A. Farrell, son président.

    Monsanto a aussi des liens avec la société Walt Disney, financée par Bank of America, sous la gouverne du frère de Walt Disney, Roy, lui aussi promu Chevalier de Saint Grégoire en compagnie du propriétaire de Fox News, Rupert Murdoch.

    Monsanto est aujourd'hui présidé par Hugh Grant qui, afin de ne pas déroger à la réputation de ses prédécesseurs, porte bien son épithète d'homme « sans scrupules ». Mais avec une rémunération annuelle aussi indécente : une trentaine de millions de dollars, gageons qu'il n'en a cure.

    Michelle FAVARD-JIRARD. Rivarol du 24 novembre 2016

  • 27 novembre 1095 : Depuis Clermont, le Pape Urbain II appelle à la première Croisade

    C’est le 27 novembre 1095, depuis Clermont dans la capitale de ce qui est aujourd’hui la région Auvergne, au coeur donc de la France, que le Pape Urbain II a appelé à la Première Croisade. Il s’agissait, comme en atteste la reproduction de son discours ci-dessous, de venir en aide aux Chrétiens d’Orient, persécutés par les Mahométans conquérants. Certains diront qu’il s’agit d’une autre époque, mais des mêmes problèmes que ceux actuels… cependant les comportements des successeurs de Pierre sont radicalement différents et Urbain II serait vraisemblablement estomaqué par le comportement de François ! Finalement, c’est de toute l’Europe que les Croisés vont affluer, et libérer Jerusalem occupée. Certains hommes, tel Godefroy de Bouillon, seront particulièrement vaillants durant cette Croisade.

    L’appel d’Urbain II, rapporté par Foucher de Chartres,vraisemblablement témoin de l’homélie.

    Ô fils de Dieu ! Après avoir promis à Dieu de maintenir la paix dans votre pays et d’aider fidèlement l’Église à conserver ses droits, et en tenant cette promesse plus vigoureusement que d’ordinaire, vous qui venez de profiter de la correction que Dieu vous envoie, vous allez pouvoir recevoir votre récompense en appliquant votre vaillance à une autre tâche. C’est une affaire qui concerne Dieu et qui vous regarde vous-mêmes, et qui s’est révélée tout récemment. Il importe que, sans tarder, vous vous portiez au secours de vos frères qui habitent les pays d’Orient et qui déjà bien souvent ont réclamé votre aide.
    En effet, comme la plupart d’entre vous le savent déjà, un peuple venu de Perse, les Turcs, a envahi leur pays. Ils se sont avancés jusqu’à la mer Méditerranée et plus précisément jusqu’à ce qu’on appelle le Bras Saint-Georges. Dans le pays de Romanie, ils s’étendent continuellement au détriment des terres des chrétiens, après avoir vaincu ceux-ci à sept reprises en leur faisant la guerre. Beaucoup sont tombés sous leurs coups ; beaucoup ont été réduits en esclavage. Ces Turcs détruisent les églises ; ils saccagent le royaume de Dieu.
    Si vous demeuriez encore quelque temps sans rien faire, les fidèles de Dieu seraient encore plus largement victimes de cette invasion. Aussi je vous exhorte et je vous supplie – et ce n’est pas moi qui vous y exhorte, c’est le Seigneur lui-même – vous, les hérauts du Christ, à persuader à tous, à quelque classe de la société qu’ils appartiennent, chevaliers ou piétons, riches ou pauvres, par vos fréquentes prédications, de se rendre à temps au secours des chrétiens et de repousser ce peuple néfaste loin de nos territoires. Je le dis à ceux qui sont ici, je le mande à ceux qui sont absents : le Christ l’ordonne.
    À tous ceux qui y partiront et qui mourront en route, que ce soit sur terre ou sur mer, ou qui perdront la vie en combattant les païens, la rémission de leurs péchés sera accordée. Et je l’accorde à ceux qui participeront à ce voyage, en vertu de l’autorité que je tiens de Dieu.
    Quelle honte, si un peuple aussi méprisé, aussi dégradé, esclave des démons, l’emportait sur la nation qui s’adonne au culte de Dieu et qui s’honore du nom de chrétienne ! Quels reproches le Seigneur Lui-même vous adresserait si vous ne trouviez pas d’hommes qui soient dignes, comme vous, du nom de chrétiens !
    Qu’ils aillent donc au combat contre les Infidèles – un combat qui vaut d’être engagé et qui mérite de s’achever en victoire –, ceux-là qui jusqu’ici s’adonnaient à des guerres privées et abusives, au grand dam des fidèles ! Qu’ils soient désormais des chevaliers du Christ, ceux-là qui n’étaient que des brigands ! Qu’ils luttent maintenant, à bon droit, contre les barbares, ceux-là qui se battaient contre leurs frères et leurs parents ! Ce sont les récompenses éternelles qu’ils vont gagner, ceux qui se faisaient mercenaires pour quelques misérables sous. Ils travailleront pour un double honneur, ceux-là qui se fatiguaient au détriment de leur corps et de leur âme. Ils étaient ici tristes et pauvres ; ils seront là-bas joyeux et riches. Ici, ils étaient les ennemis du Seigneur ; là-bas, ils seront ses amis !

    http://www.contre-info.com/27-novembre-1095-depuis-clermont-le-pape-urbain-ii-appelle-a-la-premiere-croisade