La conversion de tous au crétinisme culturel est bien plus qu'une obligation. C'est une nécessité. C'est une nécessité, tout simplement :
- parce que c'est un ordre du marché et que dans une société capitaliste la nécessité se confond avec les ordres du marché,
- et parce que l'essentiel des profits du procès capitaliste dans les pays civilisés est désormais lié à la consommation culturelle à cours forcé, c'est à dire à la vie irresponsable, ahurie et hébétée téléguidée à temps plein par la marchandise culturelle.
Cependant certaines populations (peut être parce que l'intelligence leur sied particulièrement, peut être parce qu'elles appréciaient de disposer de l'ensemble de leurs moyens mentaux, peut être pour d'autres raisons que je ne connais pas) vont se trouver rétives et récalcitrantes face à cette injonction qui leur est faite d'avoir à déposer leur cerveau.
Mais l'ordre vient de haut : du marché ! Et le marché, c'est le vrai Dieu du monde moderne, celui qui a réellement tous les pouvoirs, disait à peu près un économiste connu.
Le marché va donc commanditer une politique incitative auprès de ces populations regrettablement peu disposées à la vie zombifiée. Le marché en a les moyens : il peut recruter et payer des exécutants pour n'importe laquelle de ses basses œuvres. En passant il peut aussi donner à ces hommes de main des tas de titres et de pouvoirs qui dans le monde d'avant avaient un certain sens, dans l'ordre politique, juridique, scientifique par exemple. C'est ainsi que l'on trouve des tas de gangsters hystériques déguisés par le marché, qui a aussi les moyens de payer tous ces frais de maquillage, en présidents de ceci ou de cela, en conseillers en ceci ou en cela. en experts de ceci ou de cela.
Politique incitative non avouée comme telle, à vrai dire, mais en un certain sens extrêmement cohérente lorsqu'on parvient à en surplomber les différentes éléments et les différentes étapes (soumission obligatoire et permanente à la musique néo-primitive, mythologie du salaud civilisé et du gentil primitif, et ainsi de suite).
Pour les populations véritablement réfractaires (les rares personnes qui persistent à n'oublier pas ce qu'était le monde anté-culturel, et la vie sensible) le marché, malgré toute sa mansuétude et son goût prononcé pour le viol psychique discret et insensible par la culture et notamment la musique devra employer des méthodes plus nettement incitatives.
Parmi ces méthodes, il faut citer l'envoi, auprès de ces populations de pédagogues, c'est à dire de crétins solidement formés, volontaristes et prosélytes, qui savent bien, eux, qu'on n'est pas au monde tant qu'on est pas un énervé agité en permanence par les dernières pacotilles culturelles. On va donc organiser des opérations de crétinisation de grande ampleur, par confrontation amicale entre les populations indigènes ringardes et bornées et des populations importées ayant fait de l'abrutissement culturelle leur nature, si l'on ose dire ainsi.
Mais il ne faudrait surtout pas croire que le métier de crétin-pédagogue soit toujours facile. Les populations à crétiniser se défendent, se rebiffent. Elles argumentent, parfois haussent le ton et se fâchent.
Heureusement le marché, qui voit les choses de haut et de loin, a tout prévu. Non seulement il a embauché une foultitude de crétins praticiens, mais aussi des crétins théoriciens, c'est à dire des convertis à la culture culturelle mais dans sa version pédante et bavarde (des cinéphiles, des chrétiens de gauche ou des choses comme çà), qui ont compilé, sous ses ordres et sous son étroite surveillance ("que les juristes sont donc petits et interchangeables !" hulule alors le marché, qui a toujours raison) une législation ad hoc permettant de repérer, d'isoler et de punir instantanément tout récalcitrant à la crétinisation refusant une intervention pédagogique des crétins de terrain chargés de le convertir pleinement aux bienfaits de la culture.
Lorsqu'on ose y penser, tout ceci est très logique : en capitalisme culturel, l'offense à crétin culturel est bien le crime majeur. Pour comprendre ce fait un peu étonnant pour les non initiés, il suffit de comprendre que l'offense à crétin culturel est une atteinte presque directe à la possibilité de faire des profits, une atteinte quasi directe au marché lui même.
Les populations incitées à la conversion sont indissolublement définies par leur appartenance raciale, ethnique, religieuse, historique et j'en passe et des meilleures. Ces distinctions sont bien complexes à établir, évidemment pleines d'enjeux terrifiants et ce n'est pas ce moment de nécessaire crétinisation qui va nous aider beaucoup à clarifier calmement et rationnellement ces choses. Il est donc bien difficile de déterminer si la politique de crétinisation obligatoire poursuivie est d'ordre raciale, ethnique, ou autre. Cette question est peut être insoluble et çà tombe bien puisqu'elle est finalement sans importance aucune pour la suite. Il suffit de remarquer qu'il y avait jusqu'à présent des populations (définies donc de manière biologique ou culturelle, ou les deux, cela reste en suspens et c'est sans importance aucune pour la suite) qui appréciaient particulièrement d'user de leur cerveau et qui sont privées, à juste raison mais contre leur gré, de cet usage par les nécessités du marché.
Ce qui n'est pas niable par contre, c'est que l'on a une politique populationnelle, une politique menée à l'égard d'une population identifiable et menée contre son gré puisqu'elle refuse obstinément et avec pertinacité de se convertir au nouveau mode de fonctionnement humain, celui qui est nécessaire au marché : le crétinisme culturel. En effet, il est indiscutable que les demandes explicites de crétinisation culturelle sont restées longtemps extrêmement rares dans la population française. Je dis bien et je maintiens : extrêmement rares. Ce n'est que très récemment que la politique d'incitation à la crétinisation généralisée a commencé à porter ses fruits et que l'on peut observer un mouvement spontané de certaines catégories de la population vers la crétinisation intégrale, chez les jeunes filles droguées à la musique néo-primitive par exemple.
On constate donc qu'une politique populationnelle a été mise en place :
- d'abord pour trier les "convertissables" à la crétinisation culturelle et les "non convertissables" à la crétinisation culturelle, ces derniers étant relègués ou éliminés discrètement,
- ensuite pour mettre en oeuvre une heureuse politique systématique de crétinisation proprement dite.
Il n'est pas du tout certain d’ailleurs que cette politique de conversion-extermination d'un peuple soit consciente même chez les plus tordus et les plus cruels de ses exécutants. Elle est tout simplement nécessaire au marché, qui paye ceux qui l'appliquent, et qui ne paye pas ceux qui ne l'appliquent pas. Il est comme çà le marché : intègre et entier, il ne faut surtout pas essayer de lui raconter des histoires.
J'ai écrit un peu plus haut "convertissables" ou "non-convertissables" à la crétinisation culturelle dans un moment d'optimisme. En fait il faudrait dire "réifiables" ou "non réifiables", c'est à dire "achetables par le marché" ou "non achetables" par le marché. Cela devient un peu plus compliqué mais cela permet de donner un coup de massue supplémentaire : en effet les "crétins-pédagogues" identifiés plus haut ne sont actuellement guère que des choses achetées par le marché et lancées contre un peuple qui n'en demande pas tant ; mais ce triste rôle historique induit par le capitalisme aux abois n'est pas une fatalité et c'est aussi de leur prise de conscience et de leur révolte contre l'argent fou que pourrait émerger un monde à nouveau vivable.
Récapitulons et synthétisons. Nous avons, grosso-modo :
- les gens de gros argent,
- les crétins-pédagogues chargés de la crétinisation, fêtés et gâtés par les précédents,
- les consommateurs acéphales mécanisés tendance bobos,
- les populations à convertir ou en cours de dressage, c'est à dire l'ancien peuple français,
- enfin les irrécupérables refusant les bienfaits de la culture culturelle, poussés discrètement au désespoir, à la ruine, à la mort sociale ou physique.
Il y a eu et il y aura d'autres politiques populationnelles (raciales, ethniques) par exemple de conversion à une nouvelle éthique, ou d'extermination, ou de relégation, ou autres, non pleinement avouées, ni même conscientes, dans l'histoire. Certaines sont bien connues et ont fait l'objet d'études nombreuses. Celle qui est appliquée en France contre les populations refusant une crétinisation culturelle généralisée apparaît cependant originale et nouvelle et gagne à être connue de tous, petits et grands.
Jacques-Yves Rossignol
culture et histoire - Page 1680
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« Celui qui donne les ordres et qui a toujours raison »
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À propos de « La fin de la mondialisation » de François Lenglet
Autant le dire tout de suite : à première lecture, le dernier opus de François Lenglet n’est pas sa Neuvième Symphonie; il n’égale pas, par l’éclat et l’originalité du propos, le Qui va payer la crise ? sorti il y a un an sur la signification, les conséquences et les grands enjeux de la crise en cours. Ses conclusions désabusées de la préface n’incitent guère à la mobilisation (« La fin de la mondialisation, ou en tout cas son éclipse, n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. Peut-être est-ce même le contraire. »). Pas de quoi fouetter un chat. En grossissant à peine le trait, on dirait qu’il s’agit là d’un bouquin pas folichon sur un sujet austère.
Ce jugement assez négatif se modifie et même s’inverse à seconde lecture, parce que l’on y retrouve les qualités de richesse d’analyse et de synthèse (presque excessives, car ça fuse de partout !), d’honnêteté, de clarté, d’humour propres à l’auteur. C’est également un discours a priori sympathique à des oreilles de droite enracinée, puisqu’il plaide en faveur d’une dose raisonnable de protectionnisme européen intelligent. Enfin et surtout, le sujet est stratégique et conditionne beaucoup des évolutions économiques, sociales, sociétales et politiques de nos sociétés dans les deux ou trois décennies à venir.
Ce bouquin mérite donc amplement le résumé que voici.
Libéralisation et libre-échange tous azimuts
Tout commence sur un air de rock’n’roll : à la fin des années 60, la vague libérale a ses troupes, les baby-boomers, son credo, la prééminence de l’individu sur la société, et son arme, les nouvelles techniques de communication. Le règne de Milton Friedmann commence. En 1979, le libéralisme sociétal investit l’économie, avec l’arrivée au pouvoir de la « Dame de Fer », suivie l’année suivante de Ronald Reagan. De l’autre côté du monde, Deng Xiao Ping, le « Petit Timonier », lance ses réformes libérales en 1978. Les vents sont favorables : libéraliser, dans les années 80, c’est rompre avec la sclérose qui étouffe les économies développées, sous l’effet de réglementations excessives et paralysantes, dont la Grande-Bretagne travailliste de Harold Wilson et James Callaghan est une parfaite illustration. Cette conquête libérale prend une dimension et une force accrues avec la chute, le 9 novembre 1989, du Mur de Berlin, et l’extension à l’ex-bloc communiste du modèle américain chantée par Fukuyama. Il s’en suit une politique de plus en plus audacieuse de désarmement tarifaire et de déréglementation financière favorisant « l’exubérance irrationnelle » des marchés, l’hypertrophie de la finance, la croissance de l’endettement tant public que privé, la création de valeur au profit de l’actionnaire, le développement des fusions-acquisitions, des privatisations, de la titrisation et des stock options, la concurrence fiscale entre États, l’essor des paradis fiscaux, la prospérité des multinationales, le règne universel des financiers et le bonheur du consommateur. Au tournant du siècle, l’émergence de la Chine et l’avènement de la Zone euro contribuent puissamment à un regain du commerce mondial.
Les résultats sont spectaculaires : la prospérité est quasi-générale, le Tiers Monde que l’aide publique au développement avait entretenu dans la médiocrité se mue en Émergents, la pauvreté régresse spectaculairement, et le P.I.B. mondial croît à un rythme inégalé dans l’histoire. Le monde s’uniformise comme jamais. On est en plein dans la mondialisation heureuse, et le rêve d’une planète unifiée par le libre-échange, régie par le marché et régulée par la démocratie paraît en voie de réalisation. La victoire du bonheur économique sans frontières et sans date de péremption est célébrée chaque mois de janvier au Forum annuel de Davos. À l’orée de la crise des subprimes, en 2007, la mondialisation a atteint son point le plus avancé de l’Histoire.
Patatras et gueule de bois : les trois vices de la mondialisation
Ce bel édifice sombre brutalement avec la crise des subprimes. La faillite, le 15 septembre 2008, de Lehmann Brothers marque une borne et une rupture. L’histoire commencée quarante ans plus tôt avec les mouvements estudiantins et la grande fête de Woodstock s’achève dans un effondrement retentissant. En quelques jours, un demi-siècle de certitudes économiques libérales s’évanouit. Pour enfoncer le clou, fin 2009, un nouveau choc s’abat sur l’Europe, l’Occident et le monde entier, la crise des dettes publiques en Europe.
On réinterprète dès lors le parcours éblouissant de la planète entre 1990 et 2008. On comprend que la croissance devait beaucoup à l’endettement excessif des particuliers, des entreprises et des États, aux États-Unis, en Europe, et jusqu’en Chine. On comprend également que la mondialisation ne fait pas que des gagnants : l’élargissement du marché mondial, s’il a eu des conséquences positives pour nombre de pays pauvres de la planète, a bel et bien creusé les inégalités au sein des nations développées et dynamité le système social des classes moyennes et populaires. Les systèmes fiscaux occidentaux fonctionnent dès lors en « Robins des Bois à l’envers », prélevant sur les pauvres et exonérant les riches et les multinationales. Ce phénomène touche notamment la France, qui aggrave son cas en pratiquant une politique d’allègement des charges salariales financée par emprunt. « Plutôt que de creuser l’inégalité entre les classes sociales, la France a préféré développer celle qui sépare les classes d’âge. »
On réalise aussi que la mondialisation n’apporte pas le bonheur, et que l’interdépendance est avant tout une dépendance : la dissuasion économique joue à fond entre partenaires et concurrents, les liens entre causes et effets deviennent plus globaux et plus complexes, et surtout États et personnels politiques sont à la merci de forces de marché capricieuses qu’ils ne maîtrisent pas. L’indépendance des banques centrales, justifiée à l’origine (« Les politiques renoncent à financer leurs dépenses en manipulant la monnaie. Tels des alcooliques repentis, ils confient la clé de la cave au curé du coin »), tourne à l’avantage des épargnants avec la complicité de banques centrales, agents doubles passés du côté de l’épargne. Les États qui s’étaient crus les plus forts (« Rendre les banques centrales indépendantes, c’était une ruse de la puissance publique pour attirer plus facilement le capital destiné à la financer ») perdent l’initiative, au fur et à mesure qu’ils deviennent plus dépendants des marchés. L’internationalisation financière a donc rétréci la sphère d’intervention du pouvoir politique, même dans ses fonctions régaliennes, et dépossédé les peuples de leur destin. Au point qu’un intellectuel de Harvard a pu énoncer un « trilemme de Rodrik » aux termes duquel il n’est pas possible d’avoir simultanément démocratie, indépendance nationale et mondialisation économique. Thèse amusante, intéressante et significative qui, si elle est vraie, ne laisse ouvertes que trois solutions : limiter la démocratie, créer un gouvernement mondial, ou limiter la mondialisation.
Ce désenchantement brutal s’applique aussi, avec une force particulière, à la Zone euro : contrairement aux attentes, celle-ci n’a pas apporté comme prévu la convergence des économies des pays membres, mais au contraire leur forte et croissante divergence. Elle a en fait fonctionné comme l’équivalent de l’étalon-or du XIXe siècle et de l’Entre-deux-guerres, provoquant de fortes divergences dans les économies réelles. Le taux de change ne pouvant varier, c’est l’économie réelle, la croissance, l’emploi, les salaires, qui au bout du compte doivent subir une forte volatilité. La queue du chien étant bloquée, c’est le corps du chien qui doit bouger tout entier.
Enfin, on constate avec le recul que la mondialisation a créé la crise permanente : crise du S.M.E. en 1992, crise mexicaine de 1995, crise asiatique de 1997, crise russe de 1998, éclatement de la bulle Internet en 2000, crise des subprimes en 2007, crise des dettes souveraines en Europe en 2010, crise de l’Inde et du Brésil en 2013, on n’en finit pas de répertorier les perturbations du système économique mondial depuis sa libéralisation au long des années 80 et 90.
L’éternel retour
Le chapitre 5, intitulé avec humour « L’éternel retour », référence sans doute à Nietzsche et à Mircea Eliade, est la clé du livre. Son ton bon enfant et léger ne doit pas masquer une certaine profondeur du propos. Quatre idées-forces se dégagent :
— En premier lieu, les sociétés fonctionnent selon la loi du perpétuel retour du Même, de l’alternance entre phases libérales/mondialistes et phases protectionnistes/nationalistes, en un mouvement pendulaire fonctionnant dans les deux sens, vérifié par l’histoire au moins depuis le XVIe siècle occidental. La société oscille perpétuellement entre tentations et pulsions contraires mais immuables, chaque génération posant ses pas dans ceux d’une génération précédente, aiguillonnée par les mêmes désirs et se heurtant aux mêmes obstacles.
— En second lieu, l’auteur martèle la sympathique thèse, puissamment anti-marxiste et peut-être aussi anti-libérale, selon laquelle ce n’est pas l’économie qui impose sa loi à la société, mais bien le contraire. L’économie ne fait que suivre. « C’est dans la société que […] naissent les pulsions premières, libertaires ou protectionnistes, mondialistes ou nationalistes. Ces directives impérieuses transforment peu à peu la vie en société et commandent à l’économie en imposant le système de pensée qui la gouverne. Aussi l’économie est-elle tantôt libérale, tantôt dirigiste, en fonction de l’humeur changeante de la société. »
— En troisième lieu, est exposée la thèse de l’alternance contraire des générations comme moteur des grands cycles et du mouvement de balancier idéologique : les générations se structurent sur la base des maux qu’elles ont sous les yeux, prenant régulièrement le contre-pied de la précédente; chaque cycle se décomposant en deux demi-cycles, l’un montant, l’autre descendant, il faut deux bonnes générations successives pour effectuer une révolution complète, soit environ soixante-dix ans.
— Enfin, est proposée l’image des deux Sisyphe, l’un libéral, l’autre étatiste, se succédant mécaniquement sans le vouloir ni même le savoir, chacun concentré, plus ou moins aveuglément, à faire remonter sa pierre de son côté. Citons la conclusion, qui tangente, avec des mots simples, la grande sagesse : « L’instabilité que provoquent ces deux géants perpétuellement insatisfaits témoigne d’une difficulté fondamentale de la vie en société, impossible à lever durablement : trouver la juste mesure entre la règle et la liberté, entre le groupe et l’individu. Faute de savoir positionner le curseur à l’endroit idéal, nous voici condamnés à l’errance, au roulis d’un excès à l’autre ». On ne saurait mieux dire.
Et demain ?
Les signes de reflux surabondent, avec des négociations commerciales en panne, une O.M.C. en désarroi, des politiques de rééquilibrage brutales et douloureuses dans l’Europe du Sud.
« Nous sommes à la veille d’un gigantesque retournement idéologique comme il en survient un ou deux par siècle, dont l’ombre portée s’étendra sur les décennies qui viennent. »
Les signes de ce retournement sont nombreux :
— Côté argent, la mondialisation financière, la plus sensible à l’air du temps, est en panne, les banques se recentrent sur leurs territoires nationaux respectifs, non seulement en Europe, mais dans le monde entier, et les fusions transfrontalières diminuent.
— Côté marchandises, le commerce perd sa dynamique de croissance des dernières décennies, le libre-échange, et plus spécifiquement le multilatéralisme sous l’égide de l’O.M.C., donnent des signes de faiblesse, et l’Amérique relocalise ses industries.
Ce retournement a toutes les chances de s’accentuer dans les années à venir sous l’influence d’un faisceau convergent d’évolutions profondes :
— le mouvement quasi-universel de désendettement des acteurs économiques diminue le flux international des capitaux et s’accompagne d’un retour au bercail de nombre d’investisseurs,
— le rééquilibrage en cours des comptes extérieurs de nombre de cigales (U.S.A., Europe du Sud) conduit mécaniquement à réduire les échanges internationaux de biens, de services et d’argent,
— l’État reprend partout ses prérogatives, notamment en matière de contrôle des fusions internationales d’entreprises et de privatisations,
— les banques centrales recentrent leurs priorités sur la lutte contre la crise et l’aide aux emprunteurs publics, au risque de l’inflation,
— la « répression financière » des États et des banques centrales limite la liberté des capitaux à quitter leur pays d’origine et renationalise l’épargne,
— les mentalités évoluent dans le sens d’une moindre tolérance à l’égard des inégalités, de la fraude fiscale et des paradis fiscaux,
— les mouvements nationalistes en Europe témoignent du désir de frontière allant parfois jusqu’à la remise en cause du rêve européen et de l’espace unique.
Vers un protectionnisme européen intelligent
La troisième partie du livre est intitulée « Le protectionnisme, une solution ? ». Après une remarque liminaire sur le caractère quasi-dogmatique du libre-échange dans les élites nées du Baby Boom, elle commence au contraire par démonter une à une trois objections classiques faites au protectionnisme :
— « Le protectionnisme crée des rentes injustifiées » : exact, mais le libre-échange a aussi ses rentiers et parasites, notamment les financiers, payés de façon absurde pour une activité qui n’a aucune utilité sociale,
— « Le protectionnisme déclenche les crises économiques » : argument aussi discutable que répandu; en réalité, le protectionnisme n’a pas été une cause de la crise de 1929, il l’a au contraire en partie soignée. On constate au contraire un certain effet curatif du protectionnisme en certaines situations historiques. En réalité, ça n’est pas le commerce qui crée la croissance, mais exactement le contraire. De plus, ce sont les pays les moins dépendants des flux de capital international qui ont connu la croissance la plus forte.
— « Avec le protectionnisme, la Chine ne se serait jamais développée » : la réponse est foudroyante : « si c’est bien le libre-échange qui a favorisé la croissance chinoise, il s’agit de notre libre-échange, pas du sien ». Au contraire, la Chine a, avec constance, et malgré son adhésion en 2001 à l’O.M.C., pratiqué la dissymétrie de l’ouverture, l’arnaque d’un taux de change sous-évalué sous contrôle, la copie voire le vol à large échelle de technologie, l’ignorance de la propriété intellectuelle, bref une politique industrielle multisectorielle privilégiant l’intérêt national à tout instant et en toutes circonstances.
Suit un paragraphe intitulé « Conversion d’un libéral », qui est un bilan personnel, honnête, nuancé et mesuré des avantages et inconvénients respectifs du libre-échange et du protectionnisme. Il ne peut en être autrement de la part d’un libéral, en raison des liens constitutifs entre mondialisation et libéralisme économique. La conclusion est la suivante : « Du strict point de vue économique, le libre-échange commercial n’offre pas d’avantage significatif par rapport au protectionnisme […] dans ce système, c’est sur la société que sont reportés tous les efforts d’ajustement : mobilité, flexibilité, baisse des salaires. La mondialisation consacre la domination des mobiles sur les immobiles, des forts sur les faibles, des gros contre les puissants […]. Aujourd’hui, l’époque n’est plus au libre-échange, et pas davantage à la mondialisation financière. Cette époque est révolue. » C’est beau comme du Attali, mais c’est le contraire d’Attali.
Trois enjeux pour une protection
Il faut bien comprendre que la mondialisation a partie liée avec les détenteurs de capital, au détriment de plus en plus évident des classes populaires et moyennes, et que les groupes pénalisés par la vague libérale (producteurs, salariés, classes moyennes et populaires, emprunteurs) ont vocation, avec l’alternance, à prendre leur revanche sur les gagnants (riches, financiers et juristes, consommateurs). Dès lors, l’enjeu d’un protectionnisme moderne et tempéré est triple :
— sauver les classes moyennes, groupe social clé pour la stabilité et la prospérité de nos sociétés, en remusclant l’industrie, monde non seulement plus stratégique, mais également plus égalitaire que celui des services,
— rétablir la demande finale en faisant monter les salaires, précisément de l’industrie, au détriment de l’actionnaire et du consommateur,
— laisser filer une inflation de l’ordre de 3 à 4 % par an pour rééquilibrer les échanges entre producteurs et consommateurs, et pour réduire la dette à travers « une faillite partielle, discrète et libératrice ».
En pratique
Le dernier chapitre du livre, assez modeste (vingt pages), contient un certain nombre de recommandations pratiques. Comme pour le livre précédent sur la crise, on remarque immédiatement un hiatus considérable entre l’audace des préliminaires et la prudence des recommandations finales. Il faut y voir la cœxistence chez l’auteur d’un brillant intellectuel et d’un économiste libéral conscient et responsable, ce qui est tout à son honneur !
On retiendra ce qui suit :
— Un relèvement sélectif des droits de douane en fonction des produits et des pays s’impose.
— Même au sein de l’Union européenne, le marché unique du travail doit être amendé; à tout le moins, il conviendrait de prolonger et renforcer la période de transition qui protège certains secteurs, le temps du rattrapage des salaires.
— Une grande prudence, voire de la circonspection, s’impose sur le projet de traité de libre-échange U.E. – États-Unis, notamment en raison du différentiel de prix de l’énergie lié au gaz de schiste.
— Une politique industrielle européenne est nécessaire, avec élevage de champions nationaux et européens, mais avec prudence et doigté, liés à la plus extrême méfiance envers l’État comme acteur économique incompétent.
— Redomestication (et non renationalisation) de l’industrie bancaire, c’est-à-dire son confinement plus strict dans les limites de la nation. Il s’agit là d’une position de repli, à défaut de réforme en profondeur de la finance mondiale auquel l’auteur ne croit guère. Elle implique : le rétablissement partiel du contrôle international des capitaux, y compris à l’intérieur du Marché Unique européen le temps que s’échafaude l’union bancaire « si jamais elle doit sortir des limbes », le rétablissement rigoureux de la séparation des activités de dépôts et d’investissement comme avant 1990, et le rétablissement des contrôles des flux financiers aux frontières.
Dans les toutes dernières pages, l’auteur précise, ce dont nous lui saurons gré, que « le bon périmètre de protection est donc l’Europe, plutôt que la nation » et qu’il « ne s’agit pas de refermer l’Europe, mais de trouver le bon équilibre entre le marché et la règle, entre l’ouverture et la protection », dans l’esprit du compromis de Bretton Woods.
En conclusion
Ce livre reprend sous une autre forme le thème, très présent dans le précédent opus, de la lutte inégale et injuste du capital contre le travail, des vieux contre la jeunesse, de la finance contre l’économie réelle. Le retour du protectionnisme est une revanche de la classe moyenne vertueuse sur une petite classe dirigeante mondialisée qui a poussé le bouchon un peu trop loin.
François Lenglet est un esprit libre, l’un des nôtres. Sa vision des cycles de vie des sociétés à elle seule mérite notre adhésion : « Le neuf naît dans le vieux, il s’y loge de façon subreptice. Mais ce neuf lui-même n’est jamais que le retour du plus vieux que le vieux. Dans un cycle, la révolution ressuscite inlassablement les idées qu’on croyait mortes ». Il a du caractère, sans démagogie. Ses diagnostics sont aussi tranchés et sévères que ses propositions sont mesurées, prudentes, nuancées. Sa dénonciation des méfaits de la phase libérale qui s’achève est vive et sincère, mais potentiellement réversible. Le livre est tout sauf manichéen : vus de haut, les cycles contradictoires se succèdent naturellement, unis par une complicité qui transcende les oppositions superficielles. Les deux systèmes ont leurs qualités et leurs défauts, tous deux génèrent leurs rentiers et leurs poisons. Aujourd’hui, c’est le tour du protectionnisme, et c’est tant mieux; demain, ce sera l’inverse, et tant mieux aussi. Ainsi va le monde, rien de nouveau sous le soleil.
Bref, on y verra la juxtaposition d’un tempérament vif, d’un sens de la longue durée et d’une honnêteté sans faille, servie par une compétence technique hors de portée du journaliste ou du politicien moyens. Comme suite au « trilemme de Rodrik » dont il a été question plus haut, je propose le « quadrilemme de Lenglet » : peut-on être à la fois compétent, convaincu, énergique, et honnête ? Pas simple. On n’est donc pas surpris de trouver énormément de gêne et de contradictions dans les remèdes proposés, par exemple sur la nécessité d’une politique industrielle sans État !
Sur le fond, ce point de vue qu’on peut qualifier de « libéral-protectionniste » pourrait servir de référence à une droite européenne et française de conviction, pour deux raisons :
— si l’on s’en tient à l’économie, un homme de droite de conviction ne va pas spontanément vers le protectionnisme, qui souvent traduit un réflexe de défense et une mentalité défaitiste. Il ne s’y rallie que comme solution provisoire en vue d’une offensive ultérieure, vision proche de celle de l’auteur. Il s’y rallie au fond pour des raisons plus hautes, non économiques : le protectionnisme comme condition de l’identité,
— il faut bien réaliser que les propositions de l’auteur, assez raisonnables en théorie, sont extrêmement audacieuses en pratique, et bien plus radicales que celles d’aucun parti institutionnel. Seul grand regret, à titre personnel : l’absence de grand souffle européen.
Jacques Delimoges http://www.voxnr.com/cc/d_usa/EFlZpkkFlZxfaDxtYF.shtmlNotes :
François Lenglet, La fin de la mondialisation, Fayard, coll. « Documents », 2013, 264 p., 15 €.
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Guerre De Vendée [+Paroles] Jean-Pax Mefret
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Le SAC, « police parallèle » du gaullisme
Novembre 1981 : six mois après l’installation de la gauche au pouvoir, un député socialiste et un de ses collègues communistes se présentent de bon matin au siège de la Direction générale de la police nationale (DGPN) au 11, rue des Saussaies. Respectivement président et rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur les activités du Service d’action civique (SAC), ils viennent explorer les archives du service des Renseignements Généraux (RG) pour y découvrir les secrets du mythique service d’ordre du mouvement gaulliste. Ils traversent la cour Pierre-Brossolette, du nom du résistant qui s’y est suicidé pour échapper aux interrogatoires de la Gestapo. Ils se dirigent ensuite vers l’escalier qu’empruntaient quelques années plus tôt des policiers traînant derrière eux, suivant les périodes, des militants communistes soupçonnés de trahir la France au profit de l’Union soviétique, des membres du Front de libération nationale (FLN) qui prétendaient enlever l’Algérie à la France ou des officiers déserteurs qui rêvaient d’abattre le général de Gaulle pour l’empêcher de conduire l’Algérie vers l’indépendance.
En s’engageant au nom de l’Assemblée nationale dans le couloir qui mène à ces lieux lourds d’histoire policière, les deux parlementaires dont toute la carrière politique s’est jusqu’ici déroulée dans l’opposition ont conscience de vivre un moment historique. Ils vont pénétrer dans l’ascenseur lorsqu’ils se heurtent à une cohorte de femmes de ménage portant des poubelles bourrées de papier.« Vous arrivez trop tard, croit pouvoir ironiser le jeune fonctionnaire des RG qui accompagne les parlementaires. Dans les sacs, il y a tous les dossiers sur le SAC que nous faisons disparaître. » La plaisanterie ne fait pas sourire les visiteurs, elles les met même en colère. En effet, ils savent très bien qu’entre l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République et la constitution du premier gouvernement de Pierre Mauroy, des quantités de dossiers des RG ont été détruits et, lors de leur visite guidée, ils trouveront « intéressants mais incomplets » ceux qui ont par erreur échappé au grand nettoyage. Au terme de six mois de travail répartis en quarante-six séances et 159 heures d’auditions, la commission parlementaire devra en rendant son rapport le 10 juin 1982 se contenter d’admettre que, si elle a « parfois eu l’impression de toucher la réalité de près », elle n’est pourtant parvenue qu’à « lever un coin du voile » sur les activités du SAC.Anticommunisme et truands rémunérésVingt-cinq ans plus tard, le voile continue toujours à dissimuler ce que fut exactement le SAC. Il a été crédité de tant d’actions d’éclat qu’il est difficile de savoir lesquelles lui appartiennent réellement et lesquelles ne sont que les constructions d’une paranoïa gauchisante.Lorsqu’en en mars 1974 le quotidien Libération affirme par exemple, fac-similés de documents à l’appui, que le SAC prévoyait en mai 68 d’interpeller et de regrouper dans des stades un millier de militant syndicalistes et de politiques, l’information semble crédible. Bien qu’elle se soit révélée ultérieurement n’être qu’une manipulation des médias réalisée par les partisans de Valéry Giscard d’Estaing au détriment des responsables du SAC fidèles au général de Gaulle, son retentissement montre qu’il n’existait alors guère d’accusations contre le service d’ordre gaulliste qui paraissent outrancières.La petite partie des archives du SAC qui a été divulguée ne manque d’ailleurs pas de notes stratégiques, toutes destinées à sauver la France en cas de tentative de prise du pouvoir par les bolchéviques. Ce qui est certain aujourd’hui, c’est que malgré sa réputation de disposer de commandos surentraînés, de caches d’armes et d’un fabuleux trésor de guerre, le SAC n’a pas réagi en 1981 lorsque les électeurs, en envoyant François Mitterrand à l’Elysée, ont fait entrer au gouvernement ses ennemis jurés, les communistes. Il n’a pas plus réagi non plus lorsque, le 28 juillet 1982, le conseil des ministres socialo-communiste a prononcé sa dissolution.Le service d’ordre du mouvement gaulliste n’en a pas pour autant été un simple épouvantail. Les fragments mis au jour par la commission d’enquête parlementaire, les dépositions qu’elle a recueillies ainsi que les témoignages d’anciens du SAC montrent que, contrairement aux allégations répétées des dirigeants gaullistes, un véritable police politique parallèle a bel et bien existé en France pendant plus de vingt ans.C’est tout à fait officiellement et conformément à la loi de 1901 sur les associations que le SAC est créé le 4 janvier 1960. Il prend la succession des réseaux de renseignement constitués à Londres pendant la Résistance et celle du service d’ordre du Rassemblement du peuple français (RPF), parti fondé par le général de Gaulle en 1947 et mis en sommeil six ans plus tard. Le SAC hérite ainsi d’un patrimoine génétique comportant une propension à l’action violente, une bonne dose d’anticommuniste, une méfiance constante envers les partis politiques classiques (y compris ceux de droite) et une suspicion permanente envers les services de sécurité officiels, soupçonnés de mollesse.Peu de temps après sa naissance, le SAC va se déchirer entre les partisans de l’Algérie française et ceux qui suivent le général de Gaulle dans la préparation de l’indépendance. A l’origine idéologique, l’affrontement entre les deux tendances du mouvement devient physique avec la création par les défenseurs de l’Algérie française de l’Organisation armée secrète (OAS). Pour lutter contre cette véritable armée clandestine, dont l’un des objectifs est de faire disparaître le président de la République, le SAC se dote lui aussi d’une structure secrète. Ses membres les plus motivés infiltrent l’OAS et en livrent discrètement les responsables à la police officielle. Il leur est même arrivé, comme à Aix-en-Provence, de créer dans les universités de faux groupes activistes dans lesquels venaient se piéger les étudiants favorables à l’Algérie française.Après la guerre d’Algérie, le SAC jouera le même rôle en Corse en tentant d’infiltrer le Front de libération nationale corse (FNLC) et, parallèlement, de mettre en place un mouvement anti-indépendantiste clandestin, le groupe Francia. Aidés par les services de renseignement officiels sous la droite puis par la cellule antiterroriste de l’Elysée sous la gauche, les mêmes militants du SAC poursuivront leurs activités parallèles dans l’île jusqu’en 1983 au moins et seront à l’origine de nombre de règlements de comptes sanglants.Pour permettre au gouvernement de garder les mains propres en cas de problème, les responsables du SAC embauchent fréquemment des truands, parfois extraits de prison pour l’occasion, et leur confient les missions les plus risquées. Avec le SAC, les policiers prennent l’habitude de voir des personnages munis d’armes et de casiers judiciaires constants échapper à tout poursuite judiciaire en exhibant en cas d’interpellation une carte du SAC barrée de tricolore, un ordre de mission des RG, un « vrai faux » passeport diplomatique ou la carte de visite d’un hiérarque de la police. Durant cette période, les jeunes policiers, en particulier ceux des RG, entendent sans s’indigner leurs supérieurs leur conseiller sans ambages de ne pas faire de zèle avec ce profil de clientèle.Ils se retrouvent d’ailleurs les mêmes personnages lorsqu’ils sont appelés à enquêter sur les violences commises par des « milices patronales » à l’occasion de conflits du travail. Les collaborateurs du SAC, souvent rémunérés, n’ont alors pas leur pareil pour faire évacuer les occupants d’une usine, disperser violemment un piquet de grève, implanter un syndicat maison ou dévaster une permanence communiste. L’utilisation d’hommes de main provenant du Milieu deviendra une des traditions du SAC et perdurera bien après la fin de la guerre d’Algérie, au moins jusqu’à ce que, dans les années 1975, les rênes du ministère de l’Intérieur passent des mains des gaullistes pour tomber dans celles des giscardiens.Financements occultesA côté de ces activités violentes mais somme toute assez classiques à l’époque, d’autres branches du SAC innovent en se préoccupant de fournir au mouvement gaulliste des sources de financement occultes. L’Afrique, domaine réservé de Jacques Foccart – conseiller du Général et l’un des fondateurs du SAC –, est en la matière un terrain de récolte privilégié. Sociétés d’import-export, collaboration avec les services secrets de l’Etat, trafics de stupéfiants ou d’armes, aucune des opérations permettant de récupérer de l’argent sale et de le blanchir n’est négligée. Une rumeur insistante, relayée par le Syndicat de la magistrature, attribue au même SAC un audacieux hold-up, celui commis en juillet 1971 à l’hôtel des postes de Strasbourg, qui rapportera à ses auteurs membres du gang des Lyonnais, près de 12 millions de francs.A plusieurs reprises, la direction nationale du SAC, au sein de laquelle figurent les noms d’anciens compagnons de la France libre et de résistants comme Pierre Debizet, Charles Pasqua ou Paul Comiti, procède à des « épurations » destinées à débarrasser le service d’ordre du gaullisme des truands trop encombrants qui, après avoir été utilisés pour une mission, s’y sont incrustés. Le SAC change régulièrement la couleur et le format de ses cartes d’adhérent, radie ceux qui se sont trop fait remarquer, mais ne s’en retrouve pas moins tout aussi régulièrement à la rubrique des faits divers. Celui qui va susciter la mise en place de la commission parlementaire d’enquête et provoquer sa dissolution se déroule en Provence le 19 juillet 1981, près du village d’Auriol.L’inspecteur de police Jacques Massié, responsable du SAC dans le département des Bouches-du-Rhône, est assassiné avec son épouse, leur fils, son beau-père, sa belle-mère et un de leurs amis. Les auteurs de six meurtres sont des militants du SAC, dont l’objectif était uniquement, affirment-ils, de récupérer des documents que Jacques Massié était susceptible de monnayer auprès des socialistes. Si les auteurs matériels de meurtres ont été identifiés, arrêtés et jugés, la question de l’existence d’un commanditaire de l’opération n’a jamais été éclaircie. Pierre Debizet, le secrétaire général du mouvement, a été inculpé et placé en détention provisoire avant que la Cour de cassation n’ordonne sa libération, en estimant que la tuerie d’Auriol représentait simplement l’aboutissement de conflits personnels et locaux entre membres du SAC et non un épisode particulièrement sanglant d’une association de malfaiteurs qui avait prospéré durant quelque vingt-deux années.Roger Faligot, Histoire de la 5ème République
http://www.oragesdacier.info/2013/12/le-sac-police-parallele-du-gaullisme.html
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L’Afrique européenne est morte
Tribune de Manuel Gomez
La France en tout premier lieu et les Européens en général n’ont jamais rien compris à l’Afrique… et continuent à n’y rien comprendre ! Sans tenir aucun compte des ethnies qui peuplaient ce continent, les différentes nations colonisatrices ont créé des pays en imposant des frontières : soit naturelles (fleuves, forêts, déserts, etc.), soit géopolitiques.
Ethnies totalement antagonistes mais que seule la présence coloniale pouvait fédérer dans une union provisoirement réelle : AOF et AEF. En 1960, à l’indépendance du Soudan Français devenu MALI, une requête avait été adressée à De Gaulle afin de le mettre en garde contre des décisions qui faisaient fi de la vie des nouveaux indépendants : « Puisque vous quittez le pays rendez-nous notre bien puisque vous nous l’avez arraché. Nous ne voulons pas que les Noirs ni les Arabes nous dictent leurs lois. Nous, les Touaregs, nous voulons nous diriger nous-mêmes. » D’entrée les Touaregs maliens prévenaient qu’ils n’accepteraient aucune autorité imposée par la force ou la politique. Mais comme il en était coutumier, De Gaulle n’a tenu aucun compte de ces avertissements et nous en payons aujourd’hui les conséquences.
Résultat de ces erreurs :
– Des centaines de milliers de morts ;
– Une exploitation à tout va des matières premières situées en sous-sol ou en hors-sol en récoltant tous les bénéfices sans en réinvestir une partie importante dans le développement industriel.
À l’indépendance ce sont des sociétés privées internationales qui ont poursuivi l’exploitation de ces richesses naturelles en retirant davantage de bénéfices mais en n’investissant plus. La colonisation a aussi christianisé en apportant la bonne parole et les secours de l’Église. Depuis, la porte est restée largement ouverte à l’islam et à sa religion totalitaire, la charia, imposée par le sabre et par le sang et ainsi le pouvoir a changé de main. L’Afrique paye très cher cette mutation profonde et aujourd’hui elle appelle au secours ! L’instabilité règne du Sénégal au Soudan en passant par la Côte d’Ivoire, le Niger, le Nigeria, le Tchad et actuellement le Mali (car c’est loin d’être terminé) et le Centre-Afrique. Aucune stabilité n’est envisageable sans un redécoupage politique respectueux des frontières ethniques. Les Arabo-berbères n’accepteront jamais une domination négroïde sur des territoires qui furent durant des siècles les leurs pour effectuer des razzias et se fournir en esclaves. Il est plus qu’illusoire d’imaginer un seul instant, en Afrique, une cohabitation pacifique entre Blancs et Noirs, entre islamisés et christianisés. Comment veut-on parvenir à mettre en place une armée africaine supra-nationale quand l’Europe elle-même n’a pas réussi à la réaliser ? Chaque nation africaine a une armée pour défendre son propre territoire et, le cas échéant, attaquer celui des autres. Jamais une armée totalement indépendante n’assurera la sécurité de l’ensemble des pays africains. Dès 2012 une partie de l’armée malienne formée par les USA s’est immédiatement ralliée aux rebelles nordistes et ce par solidarité ethnique. L’Europe et plus particulièrement la France veulent croire que des élections démocratiques, à la mode occidentale, régleront tous les problèmes une fois la stabilité retrouvée. Ou du moins « on veut nous le faire croire » car nos gouvernants savent parfaitement qu’il s’agit là d’un alibi pour justifier des interventions dont la finalité est toujours inspirée par des intérêts économiques.
Manuel Gomez, 12/12/2013
Manuel Gomez est journaliste professionnel à la retraite (La Dépêche d’Algérie – L’Aurore-Paris et Le Méridional-Marseille), aujourd’hui écrivain – 14 livres publiés.
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Une génération sur la route
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Pourquoi les socialistes haïssent-ils les professeurs ?
Ce qui se passe dans l’Éducation Nationale a un goût de déjà vu. C’est Claude Allègre qui avait décidé de « dégraisser » le mammouth, s’en était pris aux professeurs quasiment traités de fainéants et avait imposé sa « réforme » malgré l’opposition massive des professeurs et souvent des élèves et de leurs parents.
Le PS l’a payé au prix fort : selon les sondages 150000 enseignants électeurs habituels du PS auraient voté pour Chevènement ou Besancenot. Résultat : Jospin éliminé au premier tour de la présidentielle.
Avec Peillon, c’est « Allègre : le retour ». Il impose au nom de la « refondation républicaine de l’école » un train de réformes qui conduisent à accélérer la dislocation de l’école républicaine et préparent l’entrée massive du privé sur le terrain de l’éducation.
Acte I : la réforme des rythmes scolaires. C’est Darcos, ministre de Sarkozy, qui avait imposé la semaine de quatre jours dans le primaire et projetait d’introduire des heures de projets prétendument éducatifs et culturels pendant les horaires scolaires. Ce que projetait Darcos et qu’il n’avait pas pu réaliser, c’est ce à quoi s’est employé Peillon, qui rétablit l’école sur cinq jours, mais sans la coupure du mercredi et en introduisant sous la responsabilité des communes du périscolaire à l’intérieur même de l’école, du périscolaire assuré par des « animateurs ». Beaucoup a déjà été dit sur les conditions ahurissantes de mise en œuvre de cette réforme : des animateurs sans formation, des agents municipaux sans qualification, sont brutalement promus au rang d’éducateurs en lieu et place des professeurs des écoles. Mais l’essentiel est ailleurs. Il ne s’agit pas tant de la mise en œuvre d’une réforme bâclée pour laquelle l’appareil des élus socialistes a été mobilisé pour applaudir le chef génial. Il s’agit des principes fondateurs de l’école : une partie du temps scolaire est passée sous la coupe des mairies, dépendant des moyens financiers et des groupes de pression locaux. C’est-à-dire que l’éducation nationale n’est plus nationale. Prolongement des projets d’établissement chers à Jospin, il s’agit de développer les écoles comme autant d’établissements autonomes, dirigés par un « manager » – il s’agit en effet de transformer le directeur d’école, de collègue en chef. Ces établissements autonomes pourraient ainsi être facilement mis en concurrence avec des entreprises privées d’éducation, à destination des enfants des classes aisées... Darcos et Ferry, anciens ministres de droite ont d’ailleurs chaudement félicité leur collègue Peillon.
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XVIe Forum de la Nation : Solidarité nationaliste : interventions de Mme Gandillon et Mlle Lussaud, et du représentant de GefangenenHilfe
Intervention du représentant de l’association allemande de soutien aux victimes de la répression GefangenenHilfe (site : http://gefangenenhilfe.info/)
Discours de la représentante des Caryatides, Marie-Claire Gandillon (Site : http://caryatides.fr/)
Discours de Laura Lussaud pour le CLAN (Comité de liaison et d’aide nationaliste) (Site : http://asso-clan.fr/)