On a souvent comparé Hegel à Aristote, car le philosophe allemand avait lui-même conscience d'avoir pensé à tout et avoir tout englobé dans son « système ». À la différence d'Aristote, Hegel a quand même été celui qui a opéré une coupure entre la science et la philosophie. Certains thèmes hégéliens font partie de la culture philosophique et même de la culture tout court comme la ruse de la raison, la dialectique du maître et de l'esclave, l'esprit d'un peuple, l’État gestionnaire des contradictions de la société civile, la conscience malheureuse, le savoir absolu, la fin de l'Histoire, ...
Lorsqu'on a étudié Hegel, il est même parfois difficile d'en sortir, tant sa vision du monde et de la société imprègne la nôtre ensuite. Son influence apparaît parfois de façon inattendue lorsque par exemple Sarkozy lisant le discours d'un conseiller déclarait que l'homme africain n'était pas entré dans l'Histoire. C'était là une vision typiquement hégélienne pour laquelle l'Afrique était restée en dehors de l'Histoire Universelle, l'homme n'étant pas sorti de son état naturel.
L'Histoire
Hegel est avant tout le philosophe qui a pensé l'Histoire. Ceci s'oppose à la philosophie traditionnelle qui a toujours recherché et conçu la Vérité comme atemporelle.
Dans un schéma dialectique, le savoir se construit historiquement dans la pensée hégélienne à la différence de Husserl qui répondant à Heidegger déclarait : « Ach, Ich habe die Geschichte ganz vergessen » (Ah, j'ai complètement oublié l'Histoire). Dans la tradition philosophique, la connaissance de l'objet est hors de l'Histoire.
La raison est la loi du monde. Les individus sont mus par l'ambition, l'orgueil, l'intérêt, la gloire mais cela n'est que « ruse de la raison » qui permet la marche rationnelle du monde.
Pour Hegel, l'universel concret est le peuple. On peut parfois éprouver un malaise dans le contexte actuel où toutes les institutions internationales organisent la destruction des peuples. Pour le philosophe il existe l'esprit d'un peuple (Volksgeist). L'art en est une représentation puisqu'étant celui d'un peuple ainsi que la religion.
Chez les Grecs anciens, il y avait une adéquation entre la religion vécue par les habitants de la Cité et le peuple. Dans le christianisme, il y a un déchirement entre le monde de l'au-delà et le temporel, d'où la conscience malheureuse du chrétien. La famille pour Hegel anticipe l'esprit d'un peuple. « La religion est une des choses les plus importantes dans la vie humaine, elle encadre la vie d'un peuple ». Hegel distingue religion privée (celle du christianisme) et religion d'un peuple (celle des Grecs anciens).
En tout cas, un peuple à la différence du libéralisme n'est pas constitué d'individus-atomes mais est une organisation. La volonté générale l'emporte sur les volontés individuelles. Le philosophe aura aussi des écrits que l'on peut situer dans l'idéologie de la guerre. La guerre est une nécessité pour la survie des peuples : « Les peuples se constituent ainsi comme individuels et en tant qu'individuels ils affrontent d'autres peuples individuels ». La guerre devient la grande épreuve dans la vie d'un peuple.
On est donc loin de Kant et de sa volonté d'une paix perpétuelle. Pour Hegel, une paix qui dure trop longtemps peut même perdre une nation.
La guerre peut aussi aboutir à des empires, ce qui fait perdre aux peuples leur identité. Une fédération d’États a le même effet. On retrouve là l'influence de Herder.
L’État
L’État pour Hegel est la raison sur la terre. Il a pour rôle de réconcilier l'individu et la volonté générale. L’État est donc à la fois tyrannique et permet la liberté individuelle. Hegel distingue la société civile constituée par l'ensemble des individus et l’État : « L’État est le rationnel en soi et pour soi..., une fin propre immuable et absolue ». (Philosophie du droit)
Hegel critique le contrat social de Rousseau car l’État n'est pas basé sur une somme de volontés individuelles. « Dans la mesure où c 'est l’État qui est l'esprit objectif, l'individu proprement dit n'a d'objectivité, de vérité, une Sittlichkeit (moralité) que pour autant qu'il est membre de l’État ». L’État est en lui-même une individualité. L'Esprit s'incarne dans l'Esprit de l’État. Il concilie la personne et l'universel.
L'Art
Hegel a écrit une œuvre monumentale sur l'Art : l'Esthétique. L'art est la manifestation sensible de l'Idée. En Grèce par exemple, les œuvres d'art exprimaient une représentation religieuse. L'art maintenant s'est désacralisé pour devenir l'objet de divertissement. L'art se coupe de son essence. Il y a donc une fin de l'art pour Hegel.
Hegel rejette à la différence d'Aristote le principe d'imitation de la nature : « L'art doit se proposer une autre fin que l'imitation purement formelle de la nature ; dans tous les cas, l'imitation ne peut produire que des chefs d'œuvre de la technique, jamais des œuvres d'art ». (Esthétique)
Dans l'art, il faut l'unité de la forme sensible et de l'idée universelle.
La religion
La religion exprime le génie et l'esprit d'un peuple. Hegel distingue religion subjective et religion objective. La religion subjective est celle du cœur et elle agit sur l'homme. La religion objective prend la forme d'un système.
Pour Hegel, le christianisme est une religion privée et non une religion d'un peuple ou de la cité. Cette religion privée conduit à l'individualisme. Le philosophe critique le sentiment du péché. « La vie n'exige pas de s'occuper de soi-même et de ses péchés, mais de l'universel et des tâches qu'il réclame ». (Histoire de la philosophie)
Le péché originel n'est que le stade de l'animalité que l'homme doit dépasser. Hegel a quand même une haute idée du christianisme : « Le contenu de la religion chrétienne en tant que le plus haut stade de développement de la religion en général coïncide parfaitement avec le contenu de la vraie philosophie ».
La religion et la philosophie ont le même objet : l'absolu. Si la religion se sert d'une forme sensible, la philosophie conceptualise.
La phénoménologie de l'esprit
Cette œuvre publiée en 1807 décrit dans un processus historique les différentes étapes de la conscience depuis la conscience sensible jusqu'au savoir absolu. Hegel a commencé à créer un système philosophique qui a l'ambition de couvrir toute la connaissance. En plus d'un processus historique, la dialectique servira à penser les contradictions. On sort donc de la logique classique et de son principe de non-contradiction.
La conscience se trouve entre la certitude sensible et les catégories qui donnent sens au monde.
Hegel part de la conscience de soi et de la conscience de l'autre. Dans la conscience de l'autre s'opère une lutte à mort pour la reconnaissance. On a dans ce livre la fameuse dialectique du maître et de l'esclave.
Une des étapes dans le processus de la connaissance est la religion qui n'est pas un stade suprême. La dernière étape sera le savoir absolu. On arrive à la réconciliation de l'être-en-soi et de l'être-pour-soi.
Le prolongement politique de l'hégélianisme
Il y a une interprétation politique de Hegel qui a eu toute une réflexion sur l'Histoire, le droit, la société ...
Il a existé ce qu'on a appelé les hégéliens de droite et de gauche. L'hégélien de gauche le plus célèbre fut Karl Marx qui a repris la dialectique hégélienne pour expliquer l'Histoire, l'économie et les contradictions de la société capitaliste.
Pour Hegel, l'Histoire s'est faite de l'Orient à l'Occident en passant par les Grecs, les Romains et les peuples de l'Europe occidentale. Marx a surtout analysé les modes de production : le mode de production asiatique, puis antique, féodal, capitaliste, communiste... la fin de l'Histoire chez Marx correspondant à l'effondrement du capitalisme.
Les hégéliens de droite appartiennent surtout à la droite conservatrice même s'il peut aussi exister une lecture fasciste de Hegel. À l'époque de Marx et Engels, Hegel passait pour réactionnaire. « Hegel lui-même, malgré les éclats de colère révolutionnaire assez fréquents dans son œuvre, paraissait somme toute pencher davantage du côté conservateur ». « Système de Hegel élevé en quelque sorte au rang de philosophie officielle de la royauté prussienne » (Ludwig Feuerbach, Engels).
Il existe tous les possibles politiques à partir d'une lecture de Hegel.
Patrice GROS-SUAUDEAU
culture et histoire - Page 1678
-
La pensée de Hegel
-
La Seconde Guerre mondiale était décidée avant l’invasion de la Pologne
Sotheby’s mettra aux enchères, dans quelques semaines, un brouillon du discours lu par le roi George VI pour annoncer l’entrée du Royaume-Uni dans la Seconde Guerre mondiale.
Le document est daté du 25 août 1939, soit une semaine avant que le IIIe Reich n’envahisse la Pologne.
Il apparaît donc que, contrairement à la version officielle, le Royaume-Uni n’est pas entré en guerre en raison de l’invasion de la Pologne, qui n’a fourni qu’un prétexte, mais pour d’autres motifs.
“It’s too long-winded ! What George VI’s adviser thought of early draft of the King’s Speech”, par William Turvill, Daily Mail, 24 novembre 2013.
-
Paris Violence "Adieu Camarade" (Clip officiel)
-
Le mercantilisme
-
Prix 2013 de la Carpette anglaise
Communiqué 2013 de la Carpette anglaise
Des transports en Carpettes… anglaises
Guillaume PÉPY, président de la SNCF, distingué pour ses éminents mérites en dévotion anglophone par le jury de l’académie de la Carpette anglaise (1), présidé par Philippe de Saint Robert, réuni à la brasserie Lipp à Paris, a reçu le prix 2013 de la Carpette anglaise. Après les Smiles, les TGV Family, et autres médiocrités linguistiques, voici que la SNCF tente de nous faire ingurgiter de l’anglais, en proposant des cours de langue anglaise uniquement, dans ses trains champenois par l’intermédiaire de l’organisme SpeakWrite ; après le trop fameux sandwich SNCF voici la bouillie anglaise !
Seconde cerise amère sur le pudding indigeste de l’anglofolie, pour Tom ENDERS, président exécutif d’EADS et grand organisateur de la politique linguistique du tout en anglais dans son groupe, qui a trouvé (dis)grâce aux yeux du jury.
L’Académie a tenu à lui décerner son prix spécial à titre étranger (2) pour avoir annoncé, en anglais seulement, à tous les salariés allemands, espagnols et français de la branche « défense et espace », un vaste plan de licenciements par une vidéo… elle-même sous-titrée en anglais. Major Tom, a été retenu après un vote serré (8 voix contre 4) l’opposant à son concurrent en abandon linguistique Joachim GAUCK, président de la République fédérale d’Allemagne qui a appelé les peuples d’Europe à adopter l’anglais comme langue de communication !
Que déshonneur leur soit rendu !
Vendredi 13 décembre 2013
1 La Carpette anglaise, prix d’indignité civique, est attribué à un membre des « élites françaises » qui s’est particulièrement distingué par son acharnement à promouvoir la domination de l’anglo-américain en France au détriment de la langue française.
Le jury est composé de représentants du monde littéraire, syndical et associatif [Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française (Asselaf), Avenir de la langue française (ALF), Cercle des écrivains cheminots (CLEC), Défense de la langue française (DLF) , association (COURRIEL) et Le Droit de comprendre (DDC)]. En juin 2013, Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur, a reçu une Carpette anglaise, à titre exceptionnel, pour son obstination à faire de l’anglais une langue de l’enseignement supérieur en… France.
2 Le prix spécial à titre étranger est attribué à un membre de la nomenklatura européenne ou internationale, pour sa contribution servile à la propagation de la langue anglaise.
Anne Cublier, Marie Treps, Hervé Bourges, Paul-Marie Coûteaux, Benoît Duteurtre, Yves Frémion et Dominique Noguez, sont membres de cette académie.
Contact : Marc Favre d’Échallens, secrétaire de l’académie de la Carpette anglaise.
Courriel : parlerfranc@aol.com
Académie de la Carpette anglaise, chez Le Droit de Comprendre, 34 bis, rue de Picpus, 75012 Paris
Académie de la Carpette anglaise, 12/12/2013
http://www.polemia.com/prix-2013-de-la-carpette-anglaise/ -
Procès des crimes communistes Entre utopie et réalité
Relativement passé sous silence par les médias, le procès des anciens dirigeants khmers rouges toujours vivants, qui doit normalement se tenir dans le courant de l’année 2007, n’en est pas moins important, dans la mesure où c’est la première fois depuis les procès de Nuremberg que sera donnée à juger une des “expériences” communistes les plus meurtrière de l’histoire du XXe siècle. En quatre ans, de 1975 à 1979, le Parti communiste du Cambodge ou Parti du Kampuchéa démocratique, appuyé sur sa terrible organisation, l’Angkar, assassina plus du quart de la population cambodgienne, soit près de deux millions de morts.
On se souviendra de ce qu’il advint, dans les années 1990, de la tentative de faire juger Alphonse Boudarel, ressortissant français exerçant les fonctions de commissaire politique et de commandant adjoint dans les rangs du Viêt-Minh, entre les mois d’octobre 1952 et août 1954, dans un camp d’internement du Nord-Vietnam au sein duquel il aurait persécuté des prisonniers politiques. La Cour de cassation, saisie à l’époque, avait jugé que les faits reprochés à l’ancien supplétif étaient amnistiés parce qu’ils étaient postérieurs à la Seconde Guerre mondiale et ne pouvaient donc recevoir la qualification de crimes contre l’humanité. Si la question des procès des crimes communistes s’était également posée suite à la publication, en 1997, du retentissant Livre noir du communisme par Stéphane Courtois, force est de constater qu’elle est restée depuis au stade de la pétition de principe ou du voeu pieux.
Deux régimes criminels
Établir le parallèle, pourtant saisissant, entre les crimes nazis et les crimes communistes a toujours relevé de l’hérésie, la singularité de la Shoah, génocide de race, ne pouvant être banalisée et mise sur un pied d’égalité avec un “simple” génocide de classes. L’historien américain Charles S. Maier explique ce phénomène par le fait que la terreur des régimes communistes, bien que plus meurtrière que la terreur nazie (près de cent millions de morts !), était beaucoup plus aléatoire et conjoncturelle que cette dernière, enfermée, quant à elle, dans une logique systématique et planifiée d’extermination. En ce sens, les crimes communistes s’inscriraient dans une “mémoire froide” éphémère alors que le souvenir des crimes nazis serait entretenu par une “mémoire chaude” plus persistante, parce que, précisément, ces crimes étaient plus ciblés.
Si l’explication peut sembler valable, il n’en reste pas moins, d’un point de vue plus prosaïque, que depuis les accords de Yalta de février 1945, jusqu’à la chute du Mur de Berlin et l’effondrement du régime soviétique de Russie qui s’ensuivit, la “guerre froide” autant que la “transition démocratique” des pays de l’Est ont toujours empêché de poser clairement le problème d’un “Nuremberg” des crimes communistes, l’Est et l’Ouest ayant toujours eu intérêt (pour des raisons de politique intérieure ou extérieure) à l’ignorer.
Un procès retardé
Fort de ces éléments, on comprend mieux pourquoi la mise en place du procès des anciens responsables du régime Khmer rouge qui doit se tenir à Phnom Penh rencontre des difficultés de tous ordres, juridiques comme politiques.
Tout d’abord, ce procès vise des personnes à la santé fragile dont la moyenne d’âge est de quatre-vingts ans. C’est dire que, depuis le renversement du régime de Pol Pot (décédé en 1998), la communauté internationale n’a pas fait montre d’un empressement forcené pour déférer les coupables devant un tribunal.
Ensuite, parce que ce procès concerne des crimes ayant été commis avant l’institution de la Cour pénale internationale en 2002, c’est à un tribunal spécial composé de juges étrangers et cambodgiens qu’il reviendra de connaître des crimes des anciens dignitaires Khmers. Il faut savoir que ce tribunal, instauré après moult tractations sous l’égide des Nations unies, est fortement contesté par le gouvernement cambodgien qui y voit une atteinte à sa souveraineté. Bien entendu, il s’agit d’un prétexte pour contenir la compétence d’un tribunal qui devra se garder d’aller trop loin dans ses investigations. Le Premier ministre en exercice, Hun Sen, ayant été chef de régiment dans le régime Khmer rouge, ainsi que bon nombre de responsables impliqués dans les crimes de ce régime et faisant partie de l’actuelle administration ne sont évidemment pas prêts à coopérer aussi facilement et sans conditions.
Des paramètres géopolitiques rendent également difficile la tenue du procès. Les États-Unis, certains pays occidentaux et la Chine, quelques années après la chute du régime, ont continué malgré tout à marquer leur soutien aux Khmers rouges, les uns pour résister à l’URSS (qui soutenait le Vietnam libérateur du Cambodge en 1979), la Chine parce qu’elle a toujours été présente aux côtés des Khmers rouges de Pol Pot ou de Khieu Samphan son successeur en 1987. Finalement, pas grand monde ne souhaite ce procès des anciens Khmers rouges et la discrétion qui entoure l’organisation de celui-ci démontre, s’il en est besoin, que les victimes des crimes communistes demeureront les oubliés éternels de la Justice universelle.
Aristide Leucate L’Action Française 2000 du 19 avril au 2 mai 2007
aleucate@yahoo.fr -
Entretien avec M. l’Abbé de Tanoüarn
Sur Boulevard Voltaire
Le 9 décembre, vous participiez à un colloque organisé par Fils de France sur le thème « Catholique, musulmans : partenaires ou adversaires ? », à l’occasion duquel vous avez longuement débattu avec l’imam Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux. Quelle peut être l’utilité de ce type de rencontres ?
Abbé de Tanoüarn - La rencontre publique entre un imam et un prêtre catholique manifeste une volonté de se connaître, de ne pas rester, dans la même société, les uns à côté des autres, en s’ignorant, en entretenant toutes sortes de préjugés sur des personnes que l’on jugerait de manière purement abstraite, uniquement à travers leur doctrine. Toute rencontre signifie un respect. Pour moi le respect, c’est, au-delà de toutes les communautés, la forme laïcisée de la charité. Le respect et la charité ont le même caractère d’universalité. On ne respecte pas seulement son conjoint, ses proches, ses coreligionnaires, mais tout homme, dans la mesure où il ne triche pas avec sa propre vie. Et ce respect, que l’on doit à autrui, c’est la forme la plus élémentaire, la plus nécessaire de l’amour du prochain. Dans ce cadre d’ailleurs, j’accepterais n’importe quelle invitation.
Si, à l’évidence, les dogmes diffèrent entre ces deux religions, existe-t-il néanmoins un socle de valeurs communes ? Et si oui, ce dernier peut-il être utile à l’apaisement de la société française, tenaillée par divers communautarismes ? [...]
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Entretien-avec-M-l-Abbe-de
-
Lumineux Moyen-Âge
Le Figaro Magazine - 01/11/2013
L'an mille n'avait rien d'une époque barbare.
L'an 1000, avec ses trois chiffres ronds, fascinait les historiens romantiques, à commencer par Michelet, qui prétendait, dans son Histoire de France, que « c'était une croyance universelle, au Moyen-Âge, que le monde devait finir avec l'an mille de l'Incarnation ». Le mythe a perduré, entretenu par la presse à sensation, si bien que beaucoup pensent encore que nos ancêtres de l'an 1000 s'attendaient à ce que, au passage d'un millénaire à l'autre, le ciel leur tombe sur la tête. Cette conviction leur permet notamment de se gausser de l'obscurantisme médiéval. On pourrait leur rappeler que le couturier Paco Rabanne, en 1999, avait prédit la fin du monde pour l'an 2000, et s'étonner, dès lors, qu'ils ne taxent pas les années 1990 d'obscurantisme. Mais ce serait passer à côté de la vraie réponse. La vérité, c'est que les hommes de l'an mille ne savaient pas qu'ils étaient en l'an mille, et que les chercheurs ne trouvent pas la moindre trace de terreur collective à cette époque, comme le rappelle Pierre Riché, sources à l'appui, dans un petit livre qui est un bonheur pour l'intelligence de l'histoire.
Professeur émérite à l'université Paris X-Nanterre, l'auteur est un de nos meilleurs spécialistes du haut Moyen-Âge. Dans cet ouvrage, qui est en fait un recueil d'articles savants, il s'attache à démontrer combien notre regard collectif sur ces temps anciens a précisément été déformé par Michelet et ses épigones. Et ce qu'il dévoile, contrairement à la légende noire d'un Moyen Age barbare, c'est la lumière de l'an mille, période de renaissance intellectuelle et artistique.
L'an mille, c'est l'époque où l'Europe de l'Est est évangélisée et où la Hongrie et la Pologne prennent place dans la chrétienté. L'an mille, c'est le moment où Gerbert d'Aurillac, le premier savant de son temps, nourri de science et de philosophie antique, est pape sous le nom de Sylvestre II. L'an mille, c'est encore le temps de Fulbert de Chartres, évêque enseignant et bâtisseur, ou d'Abbon, abbé réformateur de Fleury, un des plus profonds théologiens de la Renaissance ottonienne.
Pierre Riché sait tout sur ce haut Moyen-Âge chrétien, qu'il fait revivre sans pédanterie. Vivement l'an mille !
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com/index.php?page=fiche_article&id=300
Les Lumières de l'an mille, de Pierre Riché, CNRS Editions, 232 p., 22 €. -
La genèse de la postmodernité
Conférence prononcée à l'école des cadres du GRECE ("Cercle Héraclite"), juin 1989
La post-modernité. On en parle beaucoup sans trop savoir ce que c'est. Le mot fascine et mobilise quantité de curiosités, tant dans notre microcosme “néo-droitiste/ gréciste” (le néologisme est d'Anne-Marie Duranton-Crabol) (1) que dans d'autres.
Le fait de nous être nommés “Nouvelle Droite” ou d'avoir accepté cette étiquette qu'on nous collait sur le dos, signale au moins une chose : le terme “nouveau” indique une volonté de rénovation, donc un rejet radical du vieux monde, des idéologies dominantes et, partant, des modes de gestion pratiques, économiques et juridiques qu'elles ont produits. Dans ces idéologies dominantes, nous avons répété et dénoncé les linéaments d'universalisme, la prétention à déployer une rationalité qui serait unique et exclusive, ses implications pratiques de facture jacobine et centralisatrice, les stratégies homogénéisantes de tous ordres, les ratés dus aux impossibilités physiques et psychologiques de construire pour l'éternité, pour les siècles des siècles, une cité rationnelle et mécanique, d'asseoir sans heurts et sans violence un droit individualiste, etc.
Les avatars récents de la philosophie universitaire, éloignés — à cause de leur jargon obscur au premier abord — des bricolages idéologiques usuels, du tam-tam médiatique et des équilibrismes politiciens, nous suggèrent précisément des stratégies de défense contre cette essence universaliste des idéologies dominantes, contre le monothéisme des valeurs qui caractérise l'Occident tant dans son illustration conservatrice et religieuse — la New Right fondamentaliste l'a montré aux États-Unis — que dans son illustration illuministe, rationaliste et laïque. L'erreur du mouvement néo-droitiste, dans son ensemble, c'est de ne pas s'être mis plus tôt à l'écoute de ces nouveaux discours, de ne pas en avoir vulgarisé le noyau profond et d'avoir ainsi, dans une certaine mesure, raté une bonne opportunité dans la bataille métapolitique.
“Konservative Revolution” et École de Francfort
Il nous faut confesser cette erreur tactique, sans pour autant sombrer dans l'amertume et le pessimisme et brûler ce que nous avons adoré. En effet, notre recours direct à Nietzsche — sans passer par les interprétations modernes de son œuvre — au monde allemand de la tradition romantique, aux philosophies et sociologies organicistes/vitalistes et à la Konservative Revolution du temps de Weimar, a fait vibrer une corde sensible : celle de l'intérêt pour l'histoire, la narration, l'esthétique, la nostalgie fructueuse des origines et des archétypes (ici, en l'occurrence, les origines immédiates d'une nouvelle tradition philosophique). L'effort n'a pas été vain : en se dégageant du carcan rationaliste/positiviste, l'espace linguistique francophone s'est enrichi d'apports germaniques — organicistes et vitalistes — considérables, tout comme, dans la sphère même des idéologies dominantes, il apprenait à maîtriser simultanément les textes de base de l'École de Francfort (Adorno, Horkheimer) et les démonstrations audacieuses de Habermas, parce qu'il a parfois fallu 40 ou 50 ans pour trouver des traductions françaises sur le marché du livre.
Explorer les univers de Wagner, de Jünger, de Thomas Mann, de Moeller van den Bruck, de Heidegger, de Carl Schmitt (2), a donné, à notre courant de pensée, des assises historiques solidissimes et, à terme, une maîtrise sans a priori des origines philosophiques de toutes les pensées identitaires, maîtrise que ne pourront jamais détenir ceux qui ont amorcé leurs démarches dans le cadre des universalismes/rationalismes occidentaux ou ceux qui restent paralysés par la crainte d'égratigner, d'une façon ou d'une autre, les vaches sacrées de ces universalismes/rationalismes. Une plus ou moins bonne maîtrise des origines, découlant de notre méthode archéologique, nous assure une position de force. Mais cette position est corollaire d'une faiblesse : celle de ne pas être plongé dans la systématique contemporaine, de ne pas être sur la même longueur d'onde que les pionniers de l'exploration philosophique, de ne pas être en même temps qu'eux à l'avant-garde des innovations conceptuelles. D'où notre flanc se prête assez facilement à la critique de nos adversaires qui disent, sans avoir tout à fait tort : “vous êtes des passéistes, germanolâtres de surcroît”.
Comment éviter cette critique et, surtout, comment dépasser les blocages, les facilités, les paresses qui suscitent ce type de critique ? Se référer à la tradition romantique, avec son recours aux identités, opérer une quête du Graal entre les arabesques de la Konservative Revolution (KR), sont des atouts majeurs autant qu'enrichissants dans notre démarche. Si enrichissants qu'on ne peut en faire l'économie. Les prémisses du romantisme/vitalisme philosophique (mis en exergue par Gusdorf) (3), les fulgurances littéraires de leur trajectoire, la carrière inépuisable qu'est la KR, avec son esthétisme et sa radicalité, s'avèrent indispensables — sans pour autant être suffisants — afin de marquer l'étape suivante dans le développement de notre vision du monde. Jettons maintenant un coup d'œil sur le fond-de-monde où s'opèrent ce glissement, cette rénovation du substrat philosophique romantique/vitaliste, cette rénovation de l'héritage de la KR. En Allemagne, matrice initiale de ce substrat, l'après-guerre a imposé un oubli obligatoire de tout romantisme/vitalisme et conforté une vénération officielle, quasiment imposée, de la tradition adverse, celle de l'Aufklärung, revue et corrigée par l'École de Francfort. Hors de cette tradition, toute pensée est désormais suspecte en Allemagne aujourd'hui.
Devant la mise au pas de la philosophie en RFA, la bouée de sauvetage est française
Mais le perpétuel rabâchage des idéologèmes francfortistes et des traditions hégéliennes, marxistes et freudiennes a conduit la pensée allemande à une impasse. On assiste depuis peu à un retour à Nietzsche, à Schopenhauer (notamment à l'occasion du 200ème anniversaire de sa naissance en 1988), aux divers vitalismes. Mais ce simple retour, malgré la bouffée d'air qu'il apporte, demeure intellectuellement insuffisant. Les défis contemporains exigent un aggiornamento, pas seulement un approfondissement. Mais, si tout aggiornamento d'un tel ordre postule une réinterprétation de l'œuvre de Nietzsche et une nouvelle exploration de “l'irrationalisme” prénietzschéen, il postule aussi et surtout un nouveau plongeon dans les eaux tumultueuses de la KR. Or un tel geste rencontrerait des interdits dans la RFA d'aujourd'hui. Les philosophes rénovateurs allemands, pour sortir de l'impasse et contourner ces interdits, ces Denkverbote francfortistes, font le détour par Paris. Ainsi, les animateurs des éditions Merve de Berlin, Gerd Bergfleth, à qui l'on doit de splendides exégèses de Bataille, Bernd Mattheus et Axel Matthes (4) sollicitent les critiques de Baudrillard, la démarche de Lyotard, les audaces de Virilio, le nietzschéisme particulier de Deleuze, etc. La bouée de sauvetage, dans l'océan soft du (post-)francfortisme, dans cette mer de bigoterie rationaliste/illuministe, est de fabrication française. Et l'on rencontre ici un curieux paradoxe : les Français, qui sont fatigués des platitudes néo-illuministes, recherchent des médicaments dans la vieille pharmacie fermée qu'est la KR ; les Allemands, qui ne peuvent plus respirer dans l'atmosphère poussiéreuse de l'Aufklärung revue et corrigée, trouvent leurs potions thérapeutiques dans les officines parisiennes d'avant-garde.
Dès lors, pourquoi ceux qui veulent rénover le débat en France, ne conjugueraient-ils pas Nietzsche, la KR, la “droite révolutionnaire” française (révélée par Sternhell, stigmatisée par Bernard-Henri Lévy dans L'idéologie française, Grasset, 1981), Péguy, l'héritage des non-conformistes des années 30 (5), Heidegger, leurs philosophes contemporains (Foucault, Deleuze, Guattari, Derrida, Baudrillard, Maffesoli, Virilio), pour en faire une synthèse révolutionnaire ? -
15 décembre 533 Justinien compile le droit romain
Le 15 décembre 533, à Constantinople, l'empereur Justinien donne force de loi aux Pandectes (d'un mot grec qui signifie «qui contient tout»). Ce volumineux recueil de lois est plus connu sous son nom latin Digeste.
C'est l'oeuvre majeure de Justinien et l'héritage le plus durable de Rome. Il inspire encore très largement notre droit.
Jean-François Zilbermann.Un despote légisteTrès cultivé, passionné de théologie et de droit, soucieux aussi de consolider son autorité, l'empereur d'Orient a voulu après son avènement mettre de l'ordre et de la clarté dans le droit chaotique élaboré par Rome au fil d'un millénaire.
Dès 528, Justinien confie à l'avocat Tribonien le soin de superviser cette tâche gigantesque.
Dans un premier temps, la commission de spécialistes présidée par Tribonien regroupe des codes connus sous le nom de Grégorien, Hermogénien et Théodosien ainsi que des anciennes constitutions impériales. Elle en expurge les contradictions et les vieilleries et le résultat est un code de lois publié en 529 sous le nom de Code Justinien.
Mais l'empereur ne s'en tient pas là. Il demande à Tribonien de s'attaquer au droit privé et à la jurisprudence.
La commission dépouille 1500 livres de droit et pioche dans l'oeuvre de quelques grands jurisconsultes de l'époque classique. Elle adapte les prescriptions aux conditions du moment, dans l'empire romain d'Orient...
Cette compilation débouche enfin sur la publication du Digeste. C'est un recueil de 50 livres divisés en titres, chacun étant consacré à un sujet de droit (le Code Civil napoléonien ne se présentera pas autrement).
Les juristes complètent leur travail par la publication, la même année, des Institutes. Il s'agit d'un manuel à l'usage des étudiants en droit. Ajoutons pour être complet la publication dans les années suivantes des Novelles, c'est-à-dire des mises à jour et des lois récentes.
Un héritage durableL'ensemble du Code Justinien (lois), du Digeste (jurisprudence civile), des Institutes (manuel de droit) et des Novelles (mises à jour) constitue le «droit justinien».
Oublié dans l'anarchie des siècles suivants, le droit justinien a été remis à l'honneur au XIe siècle dans les cercles savants d'Italie. Il est pour une bonne part à l'origine du Code Civil napoléonien et de nos propres lois !
Quelques formules savoureuses sont passées à la postérité. Par exemple : «Pater autem is est quem nuptiae demonstrant» (Le père est celui que le mariage désigne ; autrement dit, en cas de filiation douteuse d'un enfant, le père est réputé être le conjoint de la mère).
Notons que Justinien, son initiateur, fut par ailleurs un conquérant heureux... et le dernier des grands empereurs romains ! Il est mort en 565, soit cinq ans avant la naissance de Mahomet dans une obscure oasis arabe.
http://www.herodote.net/15_decembre_533-evenement-5331215.php