Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1700

  • Où va le monde ? Et pourquoi le pire n’est pas encore sûr ! par Pierre LE VIGAN

    • Mentionnons la sortie du n° 45 de Réfléchir & Agir, en kiosque ou à s’abonner au C.R.E.A., B.P. 80432, 310004 Toulouse C.E.D.E.X. 6.

     

    • Les Bouquins de Synthèse nationale viennent d’éditer un ouvrage collectif dans une nouvelle collection « Droit de regard. Regards de Droite », L’effondrement du Système avec les contributions de Maurice Bernard, de Pieter Kerstens, d’Éric Miné, de Patrick Parment, d’Arnaud Raffard de Brienne et de Georges Feltin-Tracol, 174 p., 18 € + 3 € de port; à commander à Synthèse nationale, 116, rue de Charenton, 75012 Paris, chèque à l’ordre de Synthèse nationale.

     

    La rédaction d’Europe Maxima

     

    L’une des responsabilités du politique, sinon la première, c’est de ne pas compromettre l’avenir. Cela implique de prendre en compte les risques de catastrophe sociale, écologique et autre. Quatre auteurs répondent ici à ces questions avec des préoccupations proches mais des sensibilités intellectuelles différentes.

    Pour Yves Cochet, dont les idées sont parfois très discutables mais ont le mérite d’exister, par ailleurs le seul politique des quatre auteurs, le culte du retour de la croissance va se fracasser contre le mur du réel. La croissance élevée ne reviendra plus : l’énergie abondante et pas chère c’est fini. De là l’idée que les objecteurs de croissance doivent continuer d’autant plus à développer un autre imaginaire que la croissance, cette religion du toujours plus. Quel imaginaire ? Celui d’une société de sobriété, de partage, de nouvelles autonomies collectives.

    Dès maintenant un grand accident écologique est possible : ce que l’on pourrait nommer un supplément du destin ou une accélération du destin. Loin de tout délectation morbide, il faut penser la catastrophe possible pour pouvoir peut-être l’éviter : c’est le « catastrophisme éclairé » pour lequel plaide Jean-Pierre Dupuy. Se saisir du temps du projet pour agir avant qu’il ne soit trop tard.

    Mais il faut agir sur plusieurs fronts car l’écologie et l’économie font système. Explications. La folie de la finance a mis en péril l’économie réelle, celle qui, avec les P.M.E., crée la richesse réelle et l’emploi. En d’autres termes, la production est attaquée et souvent liquidée par l’économie casino. Ensuit, c’est la société elle-même, avec les États menacés de faillite, qui souffre de la crise de l’économie réelle. En bout de chaîne, c’est la planète dont les ressources et les équilibres sont  détruits par la logique du turbocapitalisme. Une « sortie » de crise possible se profile. Elle n’est pas rose. C’est le replâtrage autoritaire du système, au profit d’une minorité de très riches. Mais ce n’est pas une fatalité. À l’encontre de ce risque de dérive oligarchique et autoritaire, l’objectif rassembleur pourrait être, selon Susan George, de reconstruire une société humaine à partir de l’idée que la terre n’est pas un bien inépuisable. « On ne peut jamais gagner une guerre contre la nature » note Susan George. Nous sommes dans une planète de plus en plus remplie, et avec des terres cultivables qui ne sont pas multipliables à l’infini. D’où la nécessité de faire de l’usage économe et respectueux de la planète notre loi suprême.

    Une planète rétrécie, mais quelles conséquences sur les humains ? Serge Latouche émet l’hypothèse d’une double tendance : d’un côté un mouvement vers l’uniformisation mondiale des usages technologiques – une humanité homogène –, de l’autre une tendance à la constitution, sur la base de la séparation politique, voire de l’apartheid, d’entités collectives de plus en plus réduites, de plus en plus identifiées par des références prémodernes (l’ethnie, la religion, etc). Des micro-États ou de grandes « tribus ». Exemples : les petits pays issus de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, l’Ossétie du Sud, le Sud-Soudan, le Somaliland… Homogénéité du monde ou éclatement ? C’est cette dernière tendance qui est dominante selon Serge Latouche. Mais la fragmentation des États-nations n’est-elle pas le moyen pour les grandes puissances de conforter leurs positions ? D’être plus fort face à des petits encore plus petits et plus isolés ? C’est plus que probable, ce qui n’enlève rien à la réalité d’aspirations à des liens plus locaux, par réaction sans doute aux effets de la mondialisation.

    La deuxième remarque qu fait Serge Latouche concerne l’existence de deux phases dans la crise. Une première phase, de 2007 à 2008, avec la crise des subprimes puis la faillite de Lehman Brothers, a été marquée par l’affichage de velléités de régulation du système financier par les États. « Le marché qui a toujours raison, c’est fini », s’exclamait Sarkozy en septembre 2008. Mais concrètement la seconde phase de la crise n’a pas vu la mise en place d’une régulation nouvelle mais a été marquée par la prise en charge des dettes privées, celles des banques, par les États et donc par les citoyens, avec comme conséquence une transmission des risques de faillite aux États. Premières victimes : les systèmes de protection sociale et les services publics. Et conséquence logique : une politique d’austérité visant à faire payer le coût de la dette aux classes populaires et aux classes moyennes. Le sauvetage des banques a ainsi coûté environ le tiers du P.I.B. mondial, indique Latouche. L’estimation est peut-être surévaluée mais les sommes sont en tout cas de 20 % de la richesse nationale pour le Royaume-Uni, et de 7 % pour la France. Elles sont donc considérables.

    Surtout, la finance continue de représenter des montants de dix à quinze fois supérieurs à l’économie réelle. La déconnexion entre les deux sphères ne pourra être maintenue longtemps. Seul le crédit en flux continu et le mythe d’une croissance perpétuelle l’a rendu possible pendant un temps, et à quel prix ! Mais le modèle de la guerre de tous contre tous a sapé les fondements mêmes de la société.

    La mondialisation n‘a pas été autre chose, explique Latouche, que « l’omnimarchandisation du monde ». Quand ce cycle est accompli, il amène les hommes à réinventer les vertus de l’autonomie locale, de la débrouille, des petits marchés locaux. Une alternative au grand marché mondial ? « À moins de remettre en cause la société de croissance, on n’échappera pas au chaos. C’est effectivement : décroissance ou barbarie », conclut Serge Latouche.

    Pierre Le Vigan http://www.europemaxima.com/

     

    • Yves Cochet, Jean-Pierre Dupuy, Susan George, Serge Latouche, Où va le monde ? 2012 – 2022 : une décennie au devant des catastrophes, Mille et une nuits, 78 p., 3,50 €.

  • Le Mondialisme contre la souveraineté nationale

    Le mondialisme est illusoire au regard des réalités politiques. « Une nation est une âme, un principe spirituel »  - « Qu’est-ce qu’une nation ? » Ernest Renan (1823-1892)
    Polémia publie ici le texte, en format pdf, de la conférence donnée par Michel Leblay à la XXIXe Université annuelle du Club de l’Horloge, les 23-24 novembre 2013, consacrée au « Cosmopolitisme, idéologie dominante mondiale ». En voici, tout d’abord en quelques mots, la présentation : le mondialisme a pour objectif idéologique l’universalité de l’humanité, avec pour moyen la disparition des frontières ;  il tend à détruire la souveraineté des peuples ; dernière mystique du XXe siècle, le mondialisme n’est qu’illusion.
    Polémia
    Le mondialisme, idéologie dont les accents prirent toute leur dimension à la fin du XXe siècle après que chuta de son seul fait le communisme soviétique, vise l’unité de l’humanité par l’abolition des frontières, qu’elles soient physiques ou qu’elles marquent la singularité des cultures et des identités. Il emporte le libre mouvement des biens, des services, des capitaux comme celui des hommes. Ces derniers sont priés de se dépouiller de toutes les attaches qui les enracinent.
    Ce mondialisme est à l’encontre de l’exercice par les peuples de leur souveraineté, des peuples dont les civilisations et les cultures sont irréductibles les unes aux autres sans qu’ils soient pour cela fermés aux échanges et mus par la seule agressivité guerrière.
    En fait, la dispute entre le mondialisme et la souveraineté nationale ne relève pas de l’opposition entre deux conceptions mais de celle entre la chimère et le fait.
    Dans un premier temps, le propos s’attache à présenter à travers quelques références ce que fut, au long de l’histoire du monde occidental, la vision de nature mondialiste, cosmopolite et celle du principe de souveraineté, laissant apparaître leur contradiction.
    Puis, il est montré comment le mondialisme est devenu la dernière mystique d’un XXe siècle aux ruptures multiples.
    Enfin est mis en évidence le caractère illusoire du mondialisme au regard des réalités politiques.
    Michel Leblay, 23/11/2013
    L’intégralité de la communication de Michel Leblay, en PDF : cliquer ICI
    http://www.polemia.com/le-mondialisme-contre-la-souverainete-nationale-2/

  • Comment l’Union Européenne prépare la destruction de notre mémoire au nom du droit à l’oubli

    Communiqué de l’AAF (Association des archivistes français)

    Au nom du droit à l’oubli, quel patri­moine pour l’Europe de demain ?

    Pour éviter que de grands opé­ra­teurs pri­vés du web (Google, Facebook etc.) puis­sent conser­ver et uti­li­ser des don­nées per­son­nel­les, la Commission euro­péenne et le Parlement euro­péen se pré­pa­rent à adop­ter, pour le prin­temps 2013, une solu­tion radi­cale : un règle­ment qui obli­gera tous les orga­nis­mes publics et pri­vés à détruire ou à ano­ny­mi­ser ces don­nées une fois que le trai­te­ment pour lequel elles auront été col­lec­tées sera achevé, ou passé un court délai. La com­mis­sion veut ainsi assu­rer aux Européens un droit à l’oubli qui garan­ti­rait le res­pect de leur vie pri­vée.

    Ce règle­ment por­tera sur les don­nées per­son­nel­les sur tou­tes leurs for­mes, infor­ma­ti­ques ou papier. Il s’appli­quera immé­dia­te­ment et s’impo­sera aux légis­la­tions natio­na­les déjà en place.

    Vous avez fini vos études ? L’école ou l’uni­ver­sité éliminera votre dos­sier. Vous avez vendu un bien immo­bi­lier ? Les ser­vi­ces du cadas­tre détrui­ront les tra­ces de votre pro­priété. Vous n’êtes plus employé par votre entre­prise ? Celle-ci sup­pri­mera les infor­ma­tions vous concer­nant. A cha­cun de veiller sur ses pro­pres don­nées, ne comp­tez plus sur les ser­vi­ces publics ou sur votre employeur ! [...]

    Collecter et conser­ver des don­nées indi­vi­duel­les à des fins patri­mo­nia­les ou juri­di­ques au delà des stricts besoins qui ont pré­sidé à leur créa­tion, assu­rer aux citoyens l’accès à l’infor­ma­tion tout en pro­té­geant les éléments essen­tiels de leur vie pri­vée est l’apa­nage des démo­cra­ties, qui dis­po­sent depuis long­temps de légis­la­tions stric­tes dans ce domaine.
    Il est aber­rant d’impo­ser les mêmes obli­ga­tions dras­ti­ques aux orga­nis­mes à visées com­mer­cia­les qui conser­vent des don­nées per­son­nel­les à seule fin de les mon­nayer, aux orga­ni­sa­tions pri­vées dont la cons­ti­tu­tion d’un patri­moine his­to­ri­que est déjà par­tie inté­grante de leur culture, et aux struc­tu­res en charge de mis­sions de ser­vice public. [...]

    L’opi­nion s’est émue récem­ment du sort des manus­crits de Tombouctou ? De la même façon, elle doit réa­gir à la dis­pa­ri­tion pro­gram­mée de sa pro­pre mémoire, réponse trop rapide des légis­la­teurs euro­péens pour contrer les visées, scan­da­leu­ses, de quel­ques socié­tés.

    Association des archivistes français

    http://histoire.fdesouche.com/1407-avec-le-droit-a-loubli-quelle-memoire-restera-t-il-demain

  • Gauche libérale, la grande amnésie

    Jusqu’au milieu de XIXe siècle, la gauche était presque exclusivement le parti de l’individu, avant que celle-ci ne soit occultée de l’histoire de la gauche par les socialistes.

    Le fait de situer les libéraux à droite du spectre politique est un curieux accident de l’histoire, pour ne pas dire une anomalie

    [...] Pendant cent cinquante ans, les libéraux ont occupé les bancs de la gauche en France. De 1789 à 1930, les libéraux et mouvements affiliés ont majoritairement siégé à gauche. En 1840, les députés libéraux les plus purs occupaient l’extrême gauche de la chambre. Non content de combattre la droite nationaliste, cléricale, corporatiste et protectionniste, ils se démarquaient même d’autres libéraux, plus prêts à des compromissions avec le pouvoir. L’autre gauche, la gauche jacobine, était à cette époque complètement déconsidérée. Le souvenir de ses violences et de ses échecs économiques et financiers était encore vivace. [...]

    Jusqu’au milieu de XIXe siècle, la gauche était presque exclusivement le parti de l’individu, contre la droite, qui était le parti du collectif, de la famille, de la patrie et de la religion. Le revirement de la gauche vers le collectif, à peine perceptible en 1830, s’intensifie en 1848 et ira crescendo jusqu’à la fin du siècle. La présence à gauche de libéraux républicains ou radicaux se maintient toutefois jusqu’au début du XXe. Il est à noter qu’à cette époque, la montée du socialisme fait disparaître les libéraux de la gauche sans pour autant les rejeter à droite. Avec l’avènement du socialisme, ce sont les principes de 89 qui sont oubliés et qui disparaissent, sans être repris par la droite, toujours nationaliste, cléricale et protectionniste.

    La mouvance politique libérale « de droite » n’apparaîtra que bien plus tard, au lendemain de 1945 en réaction à la domination de l’intellectualisme marxiste. Elle restera en France extrêmement minoritaire politiquement, au contraire du libéralisme « de gauche » qui a largement participé au pouvoir pendant tout le XIXe siècle. [...]

    Lire l’intégralité de l’article sur Contrepoints

    NDLR : Avoir à l’esprit en lisant l’article que Contrepoints est un site ultra-libéral.

  • De quoi Maurras est-il le nom ?

    Si le FN n’est pas d’inspiration maurrassienne, il n’empêche que le nom de Maurras revient régulièrement comme une référence culturelle chez les cadres frontistes. Reprenant la célèbre expression de Maurras, le vainqueur frontiste de la cantonale partielle de Brignoles, Laurent Lopez, a qualifié sa victoire de « divine surprise ». Comment l’expliquez-vous ?
    Olivier Dard : Je ne suis pas convaincu que Maurras soit une référence aussi régulière chez les cadres frontistes que vous semblez le penser. Assurément, Maurras compte dans le bagage de références du nationalisme français mais des recherches conduites sur Identité, qui fut dans les années 1990 la revue théorique du FN, ont montré que si Maurras était mobilisé, il l’était à côté de beaucoup d’autres auteurs. J’ajoute qu’il serait sans doute utile de prendre en compte le facteur géographique pour saisir la référence maurrassienne au sein du FN. Elle est sans doute plus présente en Provence-Côte d’Azur, où un héritage régional maurrassien perdure, que dans le Nord ou dans l’Est, zones d’implantation majeures du FN. Cela pourrait expliquer ce recours à la célèbre formule « divine surprise » (qui renvoie à l’avènement du Maréchal Pétain et non à la défaite de 1940) par Laurent Lopez après sa victoire à Brignoles. N’oublions pas enfin, pour compléter ce registre lexical, qu’une rhétorique typiquement maurrassienne, comme l’opposition entre le « pays légal » et le « pays réel » est aujourd’hui reprise par des acteurs ou des commentateurs politiques qui n’en connaissent manifestement pas l’origine.

    Jean-Marie Le Pen s’est souvent présenté comme un nationaliste (voire comme un “nationiste” en se fondant sur le néologisme ” nationalitariste” de Maurras). Le considérez-vous comme l’un de ses héritiers politiques ?
    Jean-Marie Le Pen, comme les militants nationalistes de sa génération, a été marqué par l’empreinte de Maurras qui, de sa prison (il meurt en 1952), publie encore lorsque Le Pen prend en main la Corpo de Droit. Il faut aussi souligner que le renouveau des étudiants nationalistes au tournant des années 1950 se traduit par une remontée de la présence de l’Action française (AF) dans les universités, tant à Paris qu’en province. En la matière, l’AF a un savoir-faire remontant à l’avant 1914. Que Le Pen côtoie alors les maurrassiens (et d’ailleurs d’autres tendances nationalistes) ne saurait en faire un disciple du « maître de Martigues ». En premier lieu, parce que Le Pen n’est pas monarchiste, alors que la volonté de renversement de la République et son remplacement par la monarchie sont au cœur du projet maurrassien. Le Pen peut être considéré comme un héritier des ligues des années trente et davantage un héritier des Jeunesses patriotes (JP) que de l’AF. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est l’ancien dirigeant des JP (Pierre Taittinger) qui aide le jeune Le Pen à mettre en place les Jeunes Indépendants de Paris où l’on croise certains dirigeants futurs du FN, de Jean Bourdier (ancien de l’AF pour sa part) ou Alain Jamet.

    Quel poids les disciples de Maurras regroupés au sein de l’Action Française ont-ils aujourd’hui au sein de l’extrême droite ?
    Les maurrassiens sont aujourd’hui (comme hier d’ailleurs) dispersés en plusieurs organisations ou organes. La filiation la plus directe s’observe avec le bimensuel l’Action française 2000 en lien étroit avec le Centre royaliste d’Action française qui voient leur propagande relayée par des « cercles » implantés en province. Il faut prendre en compte également le mensuel Politique magazine, fondé par Hilaire de Crémiers, qui a relancé aussi la Revue universelle, célèbre dans l’entre-deux-guerres. Ajoutons encore, et la liste n’est pas exhaustive, des publications régionales dominées par une référence maurrassienne (La Lorraine royaliste) ou l’action conduite par un des biographes de Maurras, Yves Chiron, qui après le Bulletin Charles Maurras a lancé Maurrassiana. Toutes ces initiatives témoignent d’un héritage du maurrassisme même si ces organes ont des statuts et des échos différents et ne parlent pas non plus d’une seule voix. Qu’en est-il de leur poids dans les droites radicales françaises (le terme extrême droite est pour moi trop réducteur) ? A dire vrai, il n’est pas structurant même si, au cours des dernières décennies, les maurrassiens ont apporté leur contribution à certains combats, en particulier au souverainisme. Mais se pose aussi à travers votre question, celle de « l’actualité de Maurras ». Elle ne fait pas de doute pour ses disciples etl’Action française 2000 comporte dans chacun de ses numéros une rubrique intitulée « Relire Maurras » qui s’emploie à rappeler les « vérités » du maître et à les confronter à l’actualité. La difficulté pour les maurrassiens est que ce qui relève pour eux de l’évidence ne va pas aussi spontanément de soi pour de nombreux courants des droites radicales (« identitaires » etc.) et surtout pour le FN dirigé par Marine Le Pen dont le programme est éloigné des canons maurrassiens.

    Il y a un an, NKM a créé une polémique en déclarant que l’objectif de Patrick Buisson était «de faire gagner Charles Maurras» plutôt que l’ex-chef de l’Etat et l’on accole souvent à l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy l’adjectif maurrassien. Cela vous semble t-il justifié ?
    La formule a marqué et je la reprends dès l’introduction de mon ouvrage. L’adjectif maurrassien peine à s’appliquer pour Patrick Buisson dont l’engagement militant étudiant en 1968 s’est opéré à la Fédération nationale des étudiants de France et non aux étudiants d’AF, pourtant alors en bonne posture au sein de la nébuleuse droitière. A travers ce propos de NKM, il s’agit moins de s’interroger sur sa pertinence que sur la représentation qu’elle a de Maurras (j’ignore si elle l’a lu) et l’effet qu’elle entend produire en jouant de ce « label infâmant ». A défaut d’être connue pour elle-même, la référence à Maurras s’avère opératoire pour disqualifier un adversaire politique. Et de ce fait, il est instructif d’observer au vu des réactions suscitées par la déclaration de NKM, que près de 70 ans après son procès, la figure de Maurras renvoie encore à celle de« l’empoisonneur » si ce n’est du « mauvais maître ».

    Maurras et Barrès sont régulièrement présentés comme les deux théoriciens du nationalisme français. Quels sont les différences et les points de comparaison entre leurs deux doctrines ?
    Les deux hommes sont effectivement les deux théoriciens majeurs du nationalisme français. L’aîné, Barrès, a rapidement accueilli son cadet dans le monde des lettres et dans ses entreprises journalistico-politiques (en particulier La Cocarde). Entre les deux hommes, les convergences sont nombreuses, du rejet de la République parlementaire au souci de reconquérir les « provinces perdues » (ce qui fait d’eux des adversaires de la politique coloniale de la 3e République) en passant par un antisémitisme profond structuré par la crise boulangiste, le scandale de Panama et l’affaire Dreyfus. Mais les différences sont également importantes. En termes d’abord d’objectif. Si les deux hommes sont reconnus comme des « maîtres » par les jeunes générations, Barrès, tout en s’en accommodant, n’aspire nullement à être un chef d’école, ce qui est au contraire le souhait de Maurras autour duquel s’organise l’Ecole d’Action française qui renvoie à un journal, à un Institut et enfin à une ligue où les étudiants jouent un rôle très important. On relève également entre les deux hommes des oppositions doctrinales : Barrès reste envers et contre tout fidèle à la République comme régime même s’il en exècre la forme parlementaire. Maurras ne l’a jamais convaincu d’adopter le « nationalisme intégral » et son monarchisme. Enfin, Barrès abandonne son antisémitisme durant le premier conflit mondial en écrivant Les diverses familles spirituelles de la France. Chez Maurras, s’il s’infléchit au même moment, il ne disparaît pas et reprend de la vigueur durant l’entre-deux-guerres.

    Comment Charles Maurras a-t-il vécu l’occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale ?
    La défaite et l’occupation sont pour cet homme de 72 ans, germanophobe impénitent qui voit dans le nazisme un avatar du pangermanisme, un véritable drame. Si Maurras s’est opposé à la perspective d’un nouveau conflit, et a dénoncé à travers elle une « nouvelle hécatombe » il n’en a pas moins, comme en 1914, adressé tous ses vœux de victoire au président du Conseil Edouard Daladier en septembre 1939. A l’heure de la défaite, Maurras, qui a quitté Paris (il n’y est jamais revenu) prend des positions qu’il va tenir pendant quatre ans. La défaite appelle des responsabilités et pour le chef de l’Action française, elle signifie la faillite de la République et impose son élimination au plan institutionnel politique. En second lieu, Maurras salue avec force l’avènement du Maréchal Pétain, qu’il rencontre à diverses reprises sous l’occupation, sans pouvoir être considéré comme l’inspirateur de la Révolution nationale. Replié à Lyon où il fait reparaîtrel’Action française, Maurras peut être défini comme un pétainiste en ce sens qu’il soutient la personne et la politique du chef de l’Etat français, tout en ferraillant aussi bien contre les gaullistes de Londres que contre les collaborationnistes parisiens. Le maître mot de Maurras est alors la« France seule » qu’il entend voir défendue contre les « deux partis de l’étranger, le pro-anglais et le pro-boche ». Si des maurrassiens engagés dans la résistance ont tenté de faire changer de cap leur « maître », son inflexibilité est bien connue. Rencontrant Pétain à Lyon le 5 juin 1944, Maurras lui redit toute son admiration : « Vous tirez le bien du mal. Un homme d’action peut tirer parti de tout, même d’un Déat ». A l’heure de la libération, Maurras est arrêté, jugé et condamné à la prison à vie pour« intelligence avec l’ennemi ». Les termes mêmes n’ont guère de sens appliqués à l’itinéraire du chef de l’Action française et l’avocat général, qui a requis la peine de mort contre lui, a conscience du problème en se justifiant cependant par ces mots au cours de son réquisitoire : « En somme, c’est indirect. Lui-même refuse de collaborer à l’Allemagne (sic), c’est entendu, je le reconnais, mais quand c’est Vichy qui ordonne, quand c’est le Maréchal qui l’ordonne, Maurras célèbrera aussi bien la Relève, la Milice, les luttes contre les Juifs et autres campagnes menées par le gouvernement de Vichy. » Mutatis Mutandis, Maurras se retrouve dans la situation que craignaient justement ses disciples engagés dans la résistance. Mais là où ces derniers pointent d’abord les résultats et les conséquences de ses choix, Maurras, fidèle en cela à sa démarche et son mode de pensée, revient toujours aux prémisses et à son analyse du désastre de 1940 qui marque pour lui la faillite d’un régime exécré. Le Procureur, à qui il l’avait lancé en début de procès : « Soyez tranquille […] je ne vous “raterai” pas » symbolise, avec la Cour toute entière, le retour d’un régime honni auquel Maurras, qui s’est présenté à la barre avec la francisque, lance au terme des débats : « C’est la revanche de Dreyfus ».

    Comment s’explique l’antisémitisme d’Etat prôné par Maurras ?
    L’antisémitisme de Maurras est ancien, profond et constant. Maurras a grandi politiquement à l’heure du succès de l’ouvrage de Drumont, La France juive, publié pour la première fois en 1886. Maurras est convaincu que les juifs, qu’il rattache aux « quatre Etats confédérés », à savoir outre eux-mêmes les protestants, les francs-maçons et les métèques incarnent ce qu’il appelle « l’Anti-France », une « anti-France » dont la République née de la Révolution de 1789 est à ses yeux la traduction politique. Au nom de la défense et de la préservation de la nation, il faut selon Maurras écarter les hommes incarnant « l’Anti-France » de l’exercice fonctions politiques et administratives. Pour le chef de l’AF, les « quatre Etats confédérés » incarnent des idées universalistes jugées dissolvantes et contraires à l’héritage d’une France associée chez lui, à travers la monarchie, le classicisme et le culte de l’Antiquité gréco-romaine, à la quintessence même de la civilisation. On retrouve ici, à travers une opposition cardinale entre « Barbares » et « Romans », le rejet de l’Allemagne et plus largement de l’Europe du Nord qui menacent une latinité chère au Martégal. Si Maurras est antisémite sur le fond, force est aussi de constater qu’en journaliste très averti, il comprend vite l’intérêt qu’il y a à exploiter cette veine porteuse dans l’opinion, et ce dès les années 1890, soit avant l’affaire Dreyfus.

    En lui accolant un antisémitisme prononcé, Charles Maurras a-t-il discrédité l’idée monarchique du débat public ?
    L’antisémitisme maurrassien n’est pas le racialisme nazi, ce en quoi ne se trompent pas des auteurs nazis. Ainsi, Karl Heinz Bremer considère que parce qu’il n’était pas racial, l’antisémitisme maurrassien n’était pas« inconditionnel ». L’antisémitisme maurrassien s’inscrit dans une tradition française que prolonge Vichy à travers ses statuts des juifs. On rappellera qu’en 1911, Maurras préconisait à l’égard des juifs un « statut » visant à les« exclure » de « l’unité française ». Eu égard à l’idée monarchique, je ne vois pas clairement de lien. D’abord, parce que Maurras n’est pas seul à la défendre et doit composer avec les prétendants qui l’incarnent. Ensuite parce qu’à partir du milieu des années les relations avec le comte de Paris se tendent. Assurément, le jeune Henri d’Orléans, une fois l’échec du 6 février 1934 consommé, entend prendre ses distances avec le chef de l’AF au nom de la modernisation du discours monarchique. Lorsque le comte de Paris publie ses premiers essais et lance l’hebdomadaire Courrier royal, son souci est d’incarner à sa façon un processus largement répandu à l’époque, celui de se poser en relève. Le comte de Paris joue ensuite sa carte pendant le second conflit mondial puis au lendemain de celui-ci et encore au milieu des années 1960 lorsqu’il espère succéder à De Gaulle. C’est à chaque fois un échec mais la responsabilité de Maurras ne peut être invoquée car il n’est pas (de son vivant) partie prenante du processus. Mais pour finir de vous répondre, j’ajouterai que dans un livre d’entretiens paru en 2009, Jean de France ne se réfère à aucun moment à Maurras. Je ne sais si cela relève du hasard mais j’ai du mal à le penser.

    http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EFlVApEkplbIksEjiq.shtml

  • Noel : La solution, la boutique royaliste !

    Amis royalistes et d’Action Française,

    Pour vos proches, à l’occasion de la fête de noël, vous avez toujours rêvé d’offrir des cadeaux de valeur, dorénavant, il y a la boutique royaliste !

    L’adresse à mettre dans vos favoris : la Librairie de Flore

    En plus de faire plaisir à votre famille et amis, sachez que l’argent récolté grâce à vos achats sert uniquement à financer notre cause !

    Découvrez dès à présent des objets uniques :

    . Les CALENDRIERS 2014, concilient les grandes dates à retenir ainsi que la série d’autocollants des années 2012-2013,

    . Royalisez votre apparence vestimentaire ! Gage de qualité, les TEE-SHIRTS d’Action française sont confectionnés chez un petit artisan d’Auvergne... De nombreux modèles vous attendent. Nos POLOS avec la fleur de lys de la ligue d’Action Française raviront tous les adeptes d’une ligne de vêtements discrètes où nos couleurs sont fièrement annoncées. Vous pouvez également choisir les CASQUETTES des vendeurs volontaires ou encore un de nos six modèles de CRAVATES fleurdelisées...

    . Côté gadgets, laissez vous séduire par les BRIQUETS "Vive le Roi" ou nos STYLOS réactionnaires,...

    . Portez haut nos idées en arborant l’INSIGNE officielle de l’Action Française, ou celle du Camp Maxime Real del Sarte où le sacré-coeur se marie à la fleur de lys...

    . Au quotidien, nous vous accompagnerons ! C’est aussi de superbes cadeaux pour un parent ou un ami, nos MUGS rencontrent un énorme succès depuis l’ouverture de notre site. Maintenant, retrouvez nos LAGUIOLES traditionnels ("Vive le Roi" et "Action française") et nos FLASQUES porteuses des saveurs de notre terroir...

    Sur le site de la Librairie de Flore sont aussi à disposition des CD, des DVD, des BD et des centaines de livres neufs et d’occasion...

    Tous à la boutique !

    catalogue de la Boutique royaliste.

    N’oubliez pas de vous couvrir cet hiver :

    8€ à la Boutique royaliste.

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Noel-La-solution-le-boutique

     
  • Les réacs et les vrais cons

    C’est commettre une erreur fondamentale que de confondre notre gauche et notre droite avec leurs pseudo-équivalents outre-Atlantique.

     
     

    La une du Point vaut son pesant de cacahouètes en titrant sur les « Néocons, nouveaux conservateurs à la française ». En cette année jubilaire, jamais, pour le coup, la fameuse réplique tontonesque d’Audiard n’aura été si adéquate : « Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. »

    Le dossier consacré par l’hebdomadaire de Franz-Olivier Giesbert est un fatras sidérant de références, de personnalités et de notions antithétiques, entremêlées dans un dessein à peine journalistique, crûment idéologique, ouvertement militant : « Nos nouveaux Maginot (sic) ont en commun de vouloir tourner le dos au monde tel qu’il va. »

    Le vocabulaire choisi est on ne peut plus suggestif, faisant passer les « thèses » — forcément nauséabondes — de tous ces ultras pour des réminiscences subliminales (nécessairement pathologiques, en cette ère de totalitarisme dur pour ce qu’il peut, en apparence, avoir de mou) à d’obscurs réflexes de « repli », tels qu’on n’en avait pas connu depuis les « heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire » : « Ils voudraient barricader la France », « Les plus obscurantistes se réjouissent de notre déclin », « Ils voudraient que la France renonce à l’idéal du progrès au nom du principe de précaution » (énormité, quand on sait que ce concept est un des fondements de l’idéologie hygiéniste de la gauche dite de « progrès »)…

    Lire la suite http://www.bvoltaire.fr/aristideleucate/les-reacs-et-les-vrais-cons,43067

  • L’enjeu géopolitique de la Francophonie

    Par Charles Saint-Prot

    Contrairement aux allégations des habituels champions du renoncement, la langue française est bien vivante dans le monde. Il n’y a guère que certaines prétendues élites parisiennes, hauts fonctionnaires, diplomates et autres hommes d’affaires,...

    ...qui ont fait de la démission et de la soumission une règle de conduite pour considérer qu’il serait du meilleur chic de s’exprimer en anglais et la francophonie serait une préoccupation désuète et un combat d’arrière-garde. Si le français recule comme langue de travail dans le cercle, à vrai dire étroit, des organisations régionales et internationales, c’est principalement à cause de la négligence des élites précitées qui ne défendent jamais leur langue tant elles adhèrent aveuglément à une doxa européiste fondamentalement hostile aux nations et à tous les signes de souveraineté. Il est inadmissible que les fonctionnaires, les universitaires, les scientifiques ou les parlementaires français ne fassent pas les rappels à l’ordre qui s’imposent lorsqu’on tente d’imposer des travaux uniquement en langue anglaise dans des instances où le français est officiellement reconnu comme langue de travail (ONU, OCDE, OTAN, Conseil de l’Europe, parlement européen, commission européenne, etc.). En revanche, s’il y a défaillance au sommet, l’expansion est indéniable dans les populations.

    700 millions de francophones en 2050

    L’universitaire québécois Richard Marcoux, rappelle que les francophones sont répartis sur les cinq continents, le français est non seulement une langue parlée et étudiée mondialement, elle est aussi une langue de plus en plus utilisée. [...]

    La suite de l’éditorial de novembre 2013 ici

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?L-enjeu-geopolitique-de-la,6757

  • Lettre ouverte aux Bonnets rouges, par Serge Ayoub

     

    La crise a rattrapé la Bretagne. La riche Armorique connaît à son tour la pression des marchés internationaux et les effets du dumping social. Par-dessus cette précarisation économique, il a fallu que la gauche, qui gouverne aussi bien qu’un capitaine de paquebot aveugle au milieu d’une forêt d’icebergs, rajoute l’écotaxe. De l’iceberg, c’est la face émergée, le symbole d’une gouvernance économique antipopulaire, anti-française, et suicidaire.

    Bonnets rouges Jadis la gauche luttait contre la violence du capitalisme. Elle s’est ensuite contentée d’en atténuer les effets, puis s’est résignée à s’excuser de ne pouvoir le faire, sous Mitterrand et Jospin. Aujourd’hui, tout au contraire elle accentue cette violence, et espère s’en sortir en souriant bêtement. L’écotaxe est à l’image de nos socialistes : une stupidité et une honte.

    Celle-ci découle initialement du principe de la taxation du réseau routier secondaire dans une perspective écologique. De prime abord il est difficile de concevoir qu’une taxe puisse être écologique, mais les gouvernements successifs de la France n’ont trouvé que cette option pour renflouer les caisses de l’État chroniquement vides. Pour se faire ils réclament toujours plus aux mêmes, les travailleurs français, au point d’épuiser encore davantage leur base fiscale. Cette nouvelle taxe, officiellement, à pour premier objectif de « responsabiliser » les Français en les incitant par le porte-monnaie à moins se servir de leurs véhicules polluants. De plus l’écotaxe devrait financer l’entretien et le développement du réseau routier. Elle devrait encourager l’usage de transports alternatifs via les réseaux ferroviaires et fluviaux nationaux pour substituer au « tout camion » qui règne en France l’instauration d’autoroutes ferroviaires et fluviales. Malheureusement, ce projet généreux qui veut réduire le taux de pollution et la facture énergétique de la France se heurte au principe de réalité. En effet, il paraît difficile techniquement de demander à un transporteur routier de déposer son camion sur un wagon plat et d’engager un autre camionneur à la réception ou de payer le billet au premier pour suivre son camion. Les coûts seraient plus élevés, et malgré la réduction de la facture énergétique, les habitudes actuelles semblent réticentes à ce projet.

    Plus que les belles et grandes déclarations d’intentions qui cachent mal l’alourdissement de la fiscalité sur les transporteurs et les producteurs, il faut saisir l’impact de cette taxe sur la France et les Français.

    Tout d’abord il s’agit d’un double mensonge fait à nos concitoyens. En effet, les impôts et le Service des ponts et chaussées (la DDE) sont déjà destinés à payer et à entretenir nos routes. Cela fonctionne depuis toujours plutôt bien, et de ce point de vue l’écotaxe apparaît comme un impôt-doublon imposé aux professionnels. Ensuite, contrairement à ce que les Français croient, ce doublon ne sera pas assumé uniquement par les transporteurs et les producteurs. Il est évident que cette nouvelle taxe sera inévitablement répercutée sur le consommateur dans le prix de revient des marchandises. C’est une taxe qui coûtera de toute manière une fortune aux entreprises, à cause des multiples passages sous les fameux portiques qui augmenteront d’autant la facture à régler pour les consommateurs que nous sommes. Le doublon est même un « triplon » ! Lorsque l’on pénètre un peu plus les raisons financières de cette écotaxe, c’est-à-dire l’entretien et le développement du réseau routier, on s’aperçoit que les péages des autoroutes et les taxes sur le carburant remplissent également cette fonction. Il s’agit donc ouvertement d’une surtaxe sur des taxes ! De surcroît, cette taxe carbone nouvelle version se rajoute aux 80 nouvelles taxes et sur-taxations créées en 18 mois par le gouvernement Hollande. On comprend mieux l’énervement des contribuables qui assimilent en une même « pompe à fric » cette écotaxe et les radars. Fait révélateur de cette fronde antifiscale, et encore plus inquiétant pour notre gouvernement, les agences de notations ont récemment pris en compte ce phénomène de ras-le-bol des Français, considérés jusqu’à ce jour comme d’excellents payeurs d’impôts, en dégradant la note du pays AA+ à AA. Ce qui signifie que le malaise français est palpable jusque de l’autre côté de l’Atlantique. L’incompréhension et l’écœurement pour nos concitoyens sont d’autant plus vifs que cette écotaxe est perçue par une société privée, étrangère de surcroît, qui empoche 20% de cette taxe pour son propre compte. On comprend que les révoltés de Bretagne aient choisi le nom de Bonnets rouges, car ce système de perception privée des impôts nous replonge des siècles en arrière, sous l’Ancien régime et le règne des fermiers généraux honnis. Ancien régime est un mot bien choisi car il ne faut pas se leurrer, le système de perception par portique va s’étendre rapidement à l’entrée des grandes villes où tous les véhicules, professionnels et privés, seront soumis à un octroi, un péage. Puis, dès que la pilule sera avalée, le régime se déploiera sur tout le territoire et les Français devront systématiquement payer pour se déplacer. Ce jour-là, notre pays sera sous surveillance totale et tous seront tracés par les cartes de crédits, réseaux sociaux, Smartphones, GPS, et maintenant ces portiques vidéo.

    Voilà donc toutes les bonnes raisons de refuser cette écotaxe et de soutenir la lutte des Bonnets rouges.

    Mais s’il est important de soutenir, il est surtout urgent de proposer. Nos Bonnets rouges, assez forts par eux-mêmes, n’ont pas besoin de soutiens extérieurs mais de solutions pour arrêter ce conflit. Aussi inique que soit cette taxe, il est néanmoins évident que le gouvernement ne lâchera rien qu’il ne pourrait récupérer ailleurs, autrement, car il est aux abois et cherche de l’argent partout où sa récolte ne gène pas les intérêts des grands groupes qui ont financé son élection. Il serait bon de rappeler à l’UMPS qu’il est responsable de cet état lamentable de nos finances. En ce qui concerne le réseau routier, ce sont notamment Jospin et Fillon qui l’ont bradé aux grands groupes comme Vinci, Eiffage et Albertis. Ce sont eux qui ont vendus pour une misère les autoroutes que les Français avaient payées de leurs poches. Il est temps de prendre des mesures de salut public et d’intérêt général. Il faut renationaliser les autoroutes françaises, d’abord parce qu’elles appartiennent aux Français qui les ont financées, ensuite parce qu’il est inadmissible que des intérêts privés s’arrogent le pouvoir de contrôler les moyens de communications nationaux. Surtout, les autoroutes ont institué un péage dans le cadre de l’entretien et du développement de ce réseau. Les milliards de bénéfices engendrés seraient donc les bienvenus dans les caisses de l’État plus que dans celles des actionnaires. Au lieu de taxer le réseau secondaire, il faut redistribuer les revenus des autoroutes. C’est là que le terme de solidarité prendrait tout son sens, en l’appliquant aux grands groupes et pas seulement aux petites gens. Je ne parle pas d’une expropriation mais d’une réappropriation. Étrangement, Ayrault, premier ministre, décide au même moment de prolonger d’encore trois ans les concessions d’autoroutes à ces organismes privés alors que leurs bénéfices seraient estimés à plus de dix milliards par an. On est en droit de se demander pour qui travaille Ayrault. En faisant un pont d’or au grand capital, il roule sur l’autoroute de la colère du peuple qui travaille.

    Mais le point de fixation qu’est l’écotaxe ne doit pas cacher les raisons du désarroi breton et du malaise national. La Bretagne allait déjà mal avant cette mauvaise idée. La composition des bonnets rouges est révélatrice de l’ampleur de la crise. Des pêcheurs, des ouvriers, des entrepreneurs, des artisans, des commerçants, des producteurs et des agriculteurs. C’est cette foule hétéroclite et « contradictoire » pour Mélenchon qui lui fait déclarer avec mépris qu’à Quimper « les esclaves manifesteront pour les droits de leurs maîtres ». Le chef du Front de gauche est d’une mauvaise foi qui dépasse le supportable. Il ne comprend pas (ou fait semblant de ne pas comprendre) que la lutte des classes a évolué depuis la fin du XIXème siècle, et que les petits patrons sont tout aussi précarisés que leurs employés par l’exploitation du capitalisme global. En Bretagne s’opère une autre solidarité que l’hermétique et obsolète communauté de classe, comprise au sens stricte. Ces nouvelles solidarités privilégient l’humain et son environnement régional, et transgressent les lois du marché international. Ces Bretons veulent travailler chez eux, avec leurs familles, leurs habitudes et refusent de se délocaliser comme leurs entreprises, d’être aussi flexibles que les cours de la bourse et aussi mobiles que les marchandises.

    Mais à cette revendication populaire qui unit petits patrons et ouvriers dans une défense de leur identité commune de travailleurs, de Bretons et de Français, il faut en ajouter d’autres, plus strictement économiques. En effet Bruxelles, Paris, les banques et les marchés ont demandé des investissements considérables ces dernières années aux producteurs et éleveurs de Bretagne comme à ceux de toute la France. Traçabilité, modernisation, conditions moins stressantes et meilleure alimentation pour les animaux ont coûté une fortune aux éleveurs français. Pour pouvoir suivre, ceux-ci ont dû emprunter massivement. Les banques ont accepté parce que les contrats pris avec les grands groupes industriels garantissaient la vente totale de la production. C’est une réalité économique : les éleveurs français ont souvent un seul client, un grand groupe industriel qui fournit la marchandise, les œufs fécondés, les poussins, qui sortent tout droit de leurs usines ou coqs et poules se reproduisent. Les éleveurs français sont donc complètement dépendants de leur unique client. Simultanément la pression de la concurrence étrangère et européenne s’est accrue sur le marché national. Par exemple, de manière tout à fait légale, l’Allemagne importait des poulets élevés en Europe de l’Est. Les poulets de ces élevages aux conditions d’exploitation plus que douteuses, sans contrôle ni traçabilité, étaient vendus en Europe à des prix défiant toute concurrence. Ainsi, aujourd’hui nous avons peut-être dans nos assiettes un poulet élevé à Tchernobyl… Une fois en Allemagne ils sont transformés dans des abattoirs où des employés qualifiés se voient payer des salaires inférieurs à 400€ par mois. Pour terminer la production est acheminée en France par des transporteurs qui contrairement à nous ne connaissent ni Smic, ni 35 heures, ni charges sociales. Ultime coup de grâce : l’inégale taxation des carburants qui renforce encore l’effet dumping dont ces pays bénéficient.

    La conséquence de cette concurrence faussée et que le marché national de Rungis n’a aucune raison de se fournir en France. Les grands groupes qui fournissent la production à nos éleveurs n’y trouvent plus le moindre intérêt et rompent tout partenariat avec eux. Les éleveurs français n’ont, comme je l’ai écrit plus haut, souvent qu’un seul client, ce grand groupe, et si celui-ci les lâche, ces éleveurs ne peuvent plus payer leurs crédits et se retrouvent en cessation de paiement. Il en est de même pour la filière porcine, céréalière et pour la pêche.

    Pour cette dernière, la solution ne peut venir que d’une véritable volonté politique nationale et européenne. Il faut, lorsque le marché est en situation de surpêche, interdire l’achat de production étrangère qui inonde le marché et dilue les prix. C’est cette situation de monopole qu’ont instituée les grands groupes de distribution que l’on doit briser. Il faut une loi antitrust à la française. Quoiqu’il en soit se contenter de détaxer le gasoil comme le fait le gouvernement ne saurait suffire. Il faut structurer un réseau de petits et moyens producteurs, recréer un réseau de distribution alternatif, de véritables centrales d’achats indépendantes, et aider le commerce indépendant qui pourra se fournir sur ce second marché.

    D’une manière générale, pour lutter contre cette concurrence déloyale qui détruit nos entreprises et nos emplois, nous proposons de créer au niveau européen une taxe sociale sur les produits de provenance extra-européenne. Cette taxe prendra en compte toutes nos exigences en matière de production et de qualité. Au niveau national il faut réorganiser notre marché avec un différentiel par estampillage d’un label made in France véritable qui garantisse et encadre la production, l’élevage, l’abattage et la transformation. Ce label fixera les normes françaises de production et de traçabilité et s’appuiera sur une charte qui tiendra compte des obligations qui sont imposées à nos entrepreneurs et éleveurs. Cette charte de qualité devra à terme se généraliser sur toute l’Europe et deviendra l’étalon de la taxe sociale instaurée à l’entrée de notre espace européen.

    Pour terminer et donner un second souffle aux petits et moyens producteurs de l’agriculture, de la pêche ou de l’élevage, il sera institué des coopératives de production et de distribution des Indépendants sous contrôle de l’État. Utopie, me direz-vous ? Non, ce n’est que la reformation de l’ancien marché national avant qu’il ne soit dévoyé par les grands groupes industriels mondiaux. Mieux, ce grand projet prend en compte ce qui a fait la fortune de la France, les coopératives de productions agricoles et de distribution. Ironie de l’histoire, ce sont celles-ci, victimes de leurs succès, qui furent rachetées par les grands groupes. L’éthique initiale de l’esprit des coopératives se vit détournée vers une logique de profit maximum.

    Ce que nous voulons, nous solidaristes, c’est l’instauration d’un marché français équitable pour le producteur comme pour le consommateur. Ce second marché n’exclura pas le premier, bien au contraire il en ouvrira un nouveau, il permettra aux consommateurs un choix différent, responsable. Quel libéral pourra nous accuser de bafouer le principe de la concurrence, puisque ce projet la renforce ! L’arbitrage de l’État garantira le respect des grands principes défendus par ce second marché. Stratégiquement et de manière planifiée, il investira vers les différents secteurs de ce marché pour lui permettre de s’épanouir. C’est tout le contraire de cette fuite en avant fiscale qu’on veut nous faire passer pour une politique de redressement national. Pour accomplir cet effort, il ne faut pas se contenter de changer les hommes, il faut aussi de nouvelles règles. Ces règles, je les ai décrites : coopération, libre concurrence maîtrisée et un État capable d’assumer son rôle d’arbitre. Ces règles ont un principe : l’esprit de solidarité nationale.

    Serge Ayoub le 29 novembre 2013

    http://www.altermedia.info/france-belgique/uncategorized/lettre-ouverte-aux-bonnets-rouges-par-serge-ayoub_91303.html#more-91303