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culture et histoire - Page 1708

  • « Réseau Identités-Ligue Francilienne » Apéro-débat, dimanche 10 novembre, 18h, Paris

    « QUI SOMMES NOUS ET QUE VOULONS NOUS ? »

    Je vous invite à nous retrouver autour d’un « Apéro-débat entre patriotes » le dimanche 10 novembre à 18 heures dans un de nos cafés parisiens et pour une consommation à 6 euros…
    Ce sera ainsi l’occasion d’échanger en toute transparence avec certains de nos représentants responsables politiques et militants. Ainsi, seront présents Serge Ayoub, Pierre Cassen, Christine Tasin, Roland Hélie et Richard Roudier, président du Réseau identités.
    Il s’agit de conjuguer aujourd’hui nos forces et nos moyens.
    Pour vous permettre de participer à cette soirée, merci d’envoyer un e-mail à contact@reseau-identites.org ou par téléphone au 06.74.57.76.20
    En retour, vous recevrez les informations nécessaires.

    Cordialement,

    Hugues Bouchu
    « Réseau Identités-Ligue Francilienne »

    http://liguefrancilienne.com/

  • Friedrich Nietzsche "Ainsi parlait Zarathoustra/Par-delà bien et mal" (1885-1886)

    S’il existe bien une philosophie capable de former des personnalités libres au détriment des simples individus, autrement dit de ces unités interchangeables et malléables qui plaisent tant à notre conception du monde et dont la somme de ceux-ci constitue l’appareil étatique par excellence selon Rousseau ; s’il y a bien une philosophie en mesure de disloquer cette vérité déjà trop usée pour des précurseurs, et qui serait capable d’en précéder une nouvelle, il s’agit bien de la philosophie Nietzschéenne.
    J’ai voulu présenter « Ainsi parlait Zarathoustra » et « Par-delà bien et mal » ensemble car ces deux livres se marient bien ; mais en sachant que Nietzsche qualifie le second de commentaire du premier, il est préférable d’entreprendre d’abord la lecture de celui-ci. Quoi qu’il en soit, dans les deux cas, le mode de pensée communément admis est sévèrement bousculé, seule varie la forme avec pour l’un la prépondérance esthétique, métaphorique, poétique tandis que l’autre reprend la forme aphoristique, en tout cas le but reste le même : transmutation générale des valeurs. De plus, étant donné la complexité, sinon l’impossibilité d’interpréter les métaphores du Zarathoustra sans laisser transparaître l’indélicatesse de ma personnalité, il m’a semblé plus approprié d’en faire un commentaire lié au « Par-delà bien et mal ».
    « Ainsi parlait Zarathoustra » fut pour moi une fulguration disait Vial dans « une terre, un peuple ». « Leçon d’exigence, d’intransigeance, ce livre est destiné aux hommes qui, refusant les miasmes des basses terres, veulent respirer à haute altitude ».
    Vers le Surhumain
    Nietzsche estime qu’il appartient à celles et ceux que la nature a doté d’esprit suffisamment élevé de gravir les pentes escarpées du destin, sans relâchement, avec vigueur, en tournant tout à son avantage s’il le faut, quoi qu’il en soit avec la volonté de l’homme libre, détaché du troupeau que le « progrès » mène vers le contraire du Surhumain à travers un monde de « Tchândâla ». Si la volonté est capable de pénétrer les déterminismes, ce ne peut être que par une volonté de domination, et non celle-là même d’un monde décadent inféodé à la morale et à une échelle de valeurs de nivellement. Cependant, il ne faut pas confondre cette volonté avec l’anthropocentrisme : bien trop de maux découlent de cette erreur jusqu’aux doctrines les plus décadentes de l’humanisme, du positivisme, de l’égalitarisme, du féminisme etc. C’est pour cela qu’il est impératif, avant tout, de détruire toutes les tables de valeurs anciennes afin de conquérir le plus de puissance possible sur les choses, et de déterminer la vie non plus à travers le bien et le mal mais plutôt à travers une échelle de puissance, à travers ce qui élève la personnalité, ce qui ennoblie, en tant que l’homme est une puissance parmi d’autres. Que tout ce qui élève soit aujourd’hui systématiquement rabaissé est une chose - tant mieux, dirait Nietzsche, cela forme et entretient la bonne santé ! - mais le Surhumain cherche la vie et les hautes cimes, il est comme un arbre qui a besoin d’enfoncer ses racines dans les ténèbres pour faire fructifier la vie ; en tout cas le pont qui mène au Surhumain n’a que faire de la bonne convenance, car il est l’éducateur de la vertu à venir ; et qu’on le considère comme un pont diabolique fait de feu et de flammes n’a rien de surprenant. « Le bien est toujours la transformation d’un mal ; tout dieu a pour père un diable ».
    Il appartient au méchant de créer car il est le véritable créateur – le bon et le juste, même avec toute la bonne volonté du monde, ne sont à l’origine d’aucune véritable création ; et si celui considéré comme mauvais par le troupeau aspire au Surhumain, il se fera éducateur des peuples. Encore faut-il qu’il trouve la vérité ! Cela tombe bien… Zarathoustra est le maître de la métaphore dont l’instinct de chacun se charge d’en débusquer la véracité, pourvue qu’elle soit un facteur d’élévation. De là, il appartient à la volonté et à elle seule de déterminer le chemin propice non à la généralisation éthique, chose appréciée du nihiliste qui vit dans un désert fait de son seul fardeau, mais plutôt à celui du solitaire où le désert se transforme en force de dépassement, c’est-à-dire à travers ce que Nietzsche appelle la métamorphose du lion à l’enfant, de l’affranchissement de l’attachement à « l’innocence et l’oubli », au « commencement nouveau et au premier mobile ». « Ainsi parlait Zarathoustra » est l’œuvre par excellence du solitaire, et si Zarathoustra se veut moralisateur, c’est pour démolir le fardeau de la généralisation. En vérité, le Surhumain exige le contraire en partant de l’homme seul face à la nature et non immergé dans la foule que la raison pousse vers des convenances certes de préservations mais fatalement aussi de dégénérescences. Ainsi, il n’y a rien de surprenant à ce que Zarathoustra ne soit pas compris. « Les voilà qui rient ; ils ne me comprennent point, je ne suis pas la bouche qui convient à ces oreilles. Faut-il que je leur crève le tympan pour qu’ils apprennent à entendre avec les yeux ? Faut-il battre des cymbales et hurler comme les prédicateurs de carême ? Ou ne croient-ils qu’aux propos des bafouilleurs ? »
    Soit ! Zarathoustra a lancé sa flèche empoisonnée sur les corps et il a semé ses plus jolies graines. Tout cela ne demande plus qu’à murir patiemment ; il peut se retirer et ne revenir qu’une fois le travail intérieur accompli. En attendant, le moi dont est si fier l’homme sera passé au Soi car « ce que pressent l’intelligence, ce que connaît l’esprit n’a jamais sa fin en soi. » Il y a quelque chose de plus grand. « Intelligence et esprit ne sont qu’instruments et jouets. » Le Soi oriente et la pensée dispose. Que le Soi dise au Moi : « Jouis à présent ! Et le Moi ressent de la joie et se demande comment faire pour goûter souvent encore de la joie ».
    Alors dans une telle disposition de l’esprit, non seulement une nouvelle évaluation de valeurs est possible mais elle est même primordiale pour se libérer du joug - et peu importe lequel - afin d’établir une demeure. Et c’est le vouloir dominateur du solitaire qui aura triomphé seul de la multitude et installé ces voyageurs dans la barque après les avoir décorés de parures et de noms ronflants - car le commun ne répond qu’aux règles préétablies et à rien d’autre. A cela, qu’importe si certains se brisent ! Poussons-les ! Ils retardent le mouvement. La somnolence n’est plus d’actualité. L’homme est une chose qui doit être dépassée, il doit se faire pont, se dépasser, autrement dit ne pas se ménager ni ménager son prochain, trouver la véritable noblesse qui « n’attend rien pour rien », et, « en règle générale, ne veut pas le plaisir » ; en fait, tout le contraire du boutiquier avec de l’or mercantile et du quémandeur éternellement insatisfait. Que la vie soit la plus dure, la plus contraignante qui soit ! Que les souffrances continues façonnent les esprits les mieux faits ! En eux se trouvera le réconfort des convalescents et des médiocres. Mais où se dirigent ces esprits biens faits ? Vers le midi ? La perfection ? Pourvu qu’ils ne s’endorment jamais…
    Par-delà bien et mal
    Nietzsche ne cherche pas du tout à rendre l’humanité meilleure. Meilleure en quoi d’ailleurs ? Cela laisse bien trop de place aux préjugés moraux qui sont une tare pour la véritable élévation, celle de la puissance. En vérité, cette déformation humaine a laissé place à l’idéal, sinon à un « monde-vérité » favorisant l’avènement constant de nouvelles idoles. Mais « l’humanité elle-même, à force de se pénétrer de ce mensonge, a été faussée et falsifiée jusque dans ses instincts les plus profonds, jusqu’à l’adoration de valeurs opposées à celles qui garantiraient le développement, l’avenir, le droit supérieur de l’avenir ». Au-delà de l’idéal, l’homme qui cherche la vérité doit fatalement dépasser toutes les convenances, être pour cela immoral, en tout cas ne plus être la bête de troupeau agglutinée au pied des statues « trop humaines », voire extrahumaines, au-delà du monde.
    Une chose est certaine, c’est que les oppositions populaires du vrai et du faux, du bien et du mal, de l’agréable et du désagréable etc. auxquelles les métaphysiciens ont apposé leur sceau sont déjà des appréciations arriérées, ou tout du moins des appréciations vues sous un angle particulier, « peut-être de bas en haut, dans une perspective de grenouille », c’est-à-dire étriqué. Nietzsche conçoit plutôt ces oppositions comme des complémentarités s’inscrivant sur une échelle de puissance, servant par conséquent la puissance et rien d’autre. Que l’homme croit, en tant qu’elles sont moyens de préservation de l’espèce, à l’opposition dans ces dualités est une chose ; en revanche, le fait qu’il pense être « mesure des choses » lui enlève toute crédibilité. Pourtant, même une telle falsification est nécessaire pour la vie ; ce qui d’emblée, par le fait même de cette perspective mono-forme, autorise une philosophie à se placer par-delà bien et mal. Car l’hémiplégie de la vertu, autrement dit la façon dont ce mécanisme a d’amputé systématiquement ce qu’on pourrait qualifier d’antagonisme né d’une même essence, relève d’une tartuferie de la connaissance – ou de la demi-connaissance ; de même que le stoïcisme qui consiste en une indifférence grossière vis-à-vis de la mesure – Nietzsche dit que le stoïcisme, c’est la tyrannie de soi.
    A vrai dire, ce n’est pas que le stoïcisme mais toutes les philosophies antérieures à Nietzsche qui se sont basées sur des préjugés réducteurs. La décadence des organes politiques et la dégénérescence des peuples n’est en fin de compte que le résultat normal du conditionnement préétabli par des systèmes de pensée hémiplégiques. De même que ce constat produit en retour des formes de pensée novatrices, en tout cas singulières. Et on en revient alors à notre méchant créateur que l’instinct pousse à reconsidérer les tables de valeurs ; et pour ce faire, il tend à déprécier la crédibilité de l’apparence sensible. En fait, l’instinct pousse la volonté à créer une nouvelle « métaphore de langage » sur laquelle la société puisse trouver le terreau propice non seulement à sa préservation, mais aussi de son élévation.
    Il faut dire que jusqu’à présent, la névrose religieuse et toutes ses niaiseries furent le rempart à un véritable terreau propice à l’élévation, ainsi qu’à tout « déploiement d’une spiritualité claire, méchante qui pourrait embrasser du haut en bas, ordonner, réduire en formule cette nuée d’expériences vécues dangereuses et douloureuses ». La prosternation constante face à des symboles ne doit être conservable qu’à partir du moment où l’on est une partie du symbole. Cela me semble en tout cas être la vocation de l’homme robuste qui ne peut s’autoriser l’engrenage d’une machination, car « à considérer le monde en profondeur, on devine sans peine quelle sagesse contient le fait que les hommes soient superficiels. C’est leur instinct conservateur qui leur apprend à être inconstants, léger et faux. »
    Je terminerai par la maxime suivante : « Ce qui se fait par amour s’accomplit toujours par-delà bien et mal. » Toutes les passions agissent ainsi, quand nous voulons changer le monde aussi bien que dans le fait de succomber au charme d’une personne, par un travail ou une activité acharnée ou dans le tact, la délicatesse et la retenue de l’homme de belle vertu. Oui la nature est immorale, et avec elle doit l’être celui qui ne veut pas être absorbé par une obéissance subtile. Si, quoi qu’il en soit, nous sommes enserrés dans la « camisole du devoir », nous devons nous faire « homme du devoir » et laisser les balourds et autres laquais à leurs labeurs. Ne nous leurrons pas, « toute élévation du type « homme » fut jusqu’à présent l’œuvre d’une société aristocratique – et il ne cessera d’en être ainsi : en ce qu’elle est une société qui croit à une vaste échelle hiérarchique ainsi qu’à une différence de valeurs entre l’homme et l’homme, et qui a besoin de l’esclavage en quelque sens ».
    Nicolas

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2013/11/01/chronique-de-livre-friedrich-nietzsche-ainsi-parlait-zaratho.html

  • Révolution : les difficiles vérités

    Plus de deux siècles après la Révolution, dans la crainte de remettre en cause les mythes fondateurs républicains, il semble toujours impossible de poser un regard officiel serein sur les événements. Quant à la « repentance » si fortement prônée en d’’autres cas, elle apparaît ici inappropriée. Un point de vue que les historiens partagent de moins en moins……

    Méli-mélo
    Pour contestable qu’’il soit, le film consacrée par Sofia Coppola à Marie-Antoinette aura eu le mérite de rendre à la souveraine, auprès d’un nouveau public, cette dimension humaine que le pouvoir régicide voulait à toute force lui ôter en la transformant en monstre. Ce courant de sympathie aura permis la réédition, sous le titre Ma Reine infortunée, d’’un document déconcertant, introuvable depuis 1836, mais d’’abondance utilisé, à bon ou à mauvais escient, par plus d’’un commentateur : les souvenirs de la comtesse d’’Adhémar, dame du palais de Marie-Antoinette.
    L’’existence de Pauline d’’Adhémar, attachée au service de la dauphine en 1774 et qui ne devait plus la quitter jusqu’au 10 août, est incontestable. Lui attribuer la rédaction de ce texte demeure plus hasardeux. Le prince Michel de Grèce, préfacier de cette édition, tout comme Charles-Emmanuel d’’Adhémar et Étienne de Montpezat, qui la présentent, expliquent fort bien pourquoi le livre est à prendre avec précaution. S’’agit-il pour autant d’’un faux négligeable ? Pas si sûr, et c’’est là le problème……

    Nombre de survivants de la Révolution, conscients d’’avoir un témoignage à transmettre à la postérité, mais doutant de leurs capacités littéraires, s’’adressèrent à des écrivains ou historiens professionnels et leur demandèrent d’’écrire le livre à leur place. Ainsi le baron de Barante fut-il le véritable auteur des Mémoires de Mme de La Rochejaquelein, et Mme de Genlis celui des Mémoires de Mme de Bonchamps. Ce qui en soi n’’aurait guère d’’importance si ces plumes d’’emprunt n’’avaient, avec des intentions pas toujours limpides, mis leur grain de sel dans les réminiscences de leurs commanditaires.
    Telle est sans doute la genèse des Souvenirs de la comtesse d’’Adhémar qui se fia à son “nègre” pour faire de ses anecdotes un ouvrage présentable. Au vrai, il y réussit à merveille, ne manquant pas de talent. Seulement, à vouloir trop bien faire, il gâta l’’ouvrage par quelques erreurs de détails ou d’’étiquette qui révélaient son ignorance de Versailles, des analyses tirées de lectures postérieures, aux vues évidemment inaccessibles à chaud aux contemporains, l’’emprunt de traits piquants à d’’autres, le rajout, pour corser le récit, d’’histoires de fantômes et de prophéties dans le ton du roman gothique et, surtout, par une vindicte qui devait d’avantage au contexte de 1830 qu’’à celui de 1780, portée à la famille d’’Orléans.
    Dans ce brillant méli-mélo, impossible de départager le vrai du faux, sinon, parfois, lorsque, impromptue, s’’élève, la voix authentique de la comtesse d’’Adhémar, écho désolé d’’un cauchemar jamais oublié ni pardonné, et d’’une tendresse sans faille vouée à la mémoire de Marie-Antoinette.
    Paradoxes et ambiguïtés
    Pour Mme d’’Adhémar, écrivant près d’un demi-siècle après la catastrophe, Philippe-Égalité apparaissait le responsable de tous les malheurs révolutionnaires. En 1793, dans la fièvre de l’’instant, Marie d’’Armont crut, pour sa part, que c’’était Marat. Cette erreur de bonne foi la précipiterait dans la mort et dans l’’histoire sous un nom qui n’’était pas le sien : Charlotte Corday. L’’académicien Jean-Denis Bredin lui consacre une intéressante étude intitulée On ne meurt qu’’une fois, qui éclaire assez justement les paradoxes
    Le moindre n’’étant pas, d’’ailleurs, de la retrouver liée pour l’’éternité à sa victime, c’’est-à-dire l’’être qu’elle haïssait le plus au monde. Mlle de Corday, héroïne échappée de Plutarque ou de Corneille, son trisaïeul, et qui a, de toutes parts, suscité tant d’’admirations, s’’avère pourtant indéchiffrable. Peut-être à force de clarté, et parce que ses biographes lui ont toujours cherché des motifs plus complexes qu’’ils ne l’’étaient. On l’a supposée royaliste, fédéraliste, républicaine ; étant femme, donc incapable d’’agir de son propre chef, on lui a prêté quelque conseiller masculin manipulateur ; quelque amour contrarié, pour le comte de Belsunce, assassiné à Caen, ou le Girondin Barbaroux.
    En fait, elle n’’était que française, au-delà des partis, motivée uniquement par la grandeur de la France. Une France qu’’elle croyait sur le point de tomber au pouvoir de Marat ; elle se sacrifia pour l’’empêcher. On a beaucoup glosé là-dessus, jusqu’’à faire de “l’’ami du peuple” une répugnante image de “l’’anti-France”.
    Les pages que Jean-Denis Bredin consacre à cet aspect de la légende de Charlotte Corday, en dépit d’’une propension exagérée à qualifier de “fasciste” tout homme de droite, confondant dans le même opprobre Drumont, Drieu La Rochelle, Maurras et La Varende, ne manquent pas d’’intérêt. Elles mettent en évidence ce qu’’est Marat dans la mythologie révolutionnaire : le précurseur des grandes purges communistes et totalitaires. Sans doute Charlotte Corday, en juillet 1793, lui avait-elle prêté plus d’’importance qu’’il n’’en avait. Mais elle voyait plus loin que ses contemporains et avait mieux compris la nocivité de l’’idéologie prônée par un médecin désireux de régénérer la société dans un bain de sang.
    Sexe faible
    Au vrai, ils furent rares, les Français qui prirent la pleine mesure idéologique des événements, trop occupés qu’’ils étaient à y faire face et tenter d’’y survivre. En ce domaine, le sexe faible se révéla d’’une force d’’âme surprenante. Pierre Bessand-Massenet en fut assez frappé pour publier, en 1953, une brève et puissante synthèse, Femmes sous la Révolution, qui méritait bien d’’être rééditée.
    Ce travail ne se voulait nullement exhaustif et tourne autour d’’un noyau de dames de la noblesse de cour, parmi les moins aptes, en apparence, à affronter les tragédies qui les attendaient. Ces femmes et ces jeunes filles constituaient par essence la classe des “suspectes”, dont le seul tort était d’’être nées en possession d’’un nom et d’’une fortune, et d’’en avoir joui avec bonne conscience. Ce hasard et ces privilèges devinrent du jour au lendemain crimes passibles de mort, ce qui leur demeura souvent incompréhensible et inexplicable.
    La princesse de Tarente le raconte fort bien. Femme d’’émigré, elle avait le tort irréparable d’’être très riche, et attachée au service de la reine. Fidèle contre tout bon sens, elle se retrouva perdue au milieu du sac des Tuileries, ne dut la vie qu’’à l’’intervention d’’un émeutier qui s’’interposa entre les massacreurs et elle. Emprisonnée à la Force, elle en sortit grâce aux accointances secrètes que possédaient ses beaux-frères, l’’abbé de La Trémoille et le prince de Talmont, dans l’’entourage immédiat de Danton, lequel la fit libérer en pleins massacres de Septembre ; puis, avant de rejoindre lui-même l’’insurrection de l’’Ouest, Philippe de Talmont parvint à la conduire en Angleterre.
    De tout cela, qu’’elle dit avec détachement, presque avec humour, Mme de Tarente tira un sentiment d’’injustice et la certitude que la France, où elle se refusa à revenir, retomberait fatalement dans les mêmes violences. Sa famille avait mieux que d’’autres compris ce qui se jouait.
    Chez la plupart de ses contemporaines évoquées avec émotion dans ces pages, ce sens politique est absent et leur courage héroïque, leur dignité ou leur débrouillardise, s’’accompagnent d’’une incapacité totale à saisir ce qu’’on leur reproche. La maréchale de Mouchy, sa fille et sa petite-fille allèrent au tribunal révolutionnaire certaines d’’être acquittées, et montèrent à l’’échafaud sans avoir compris ce qu’’elles avaient fait. Il n’’y avait rien à comprendre, d’’ailleurs D’’autres, plus pragmatiques, se contentèrent, telles Mme de La Tour du Pin ou Mme de Lage, de se tirer de là, et les leurs avec elles. Elles y parvinrent, et n’’en furent pas peu fières.
    Oubliées, elles se révèlent d’’une autre trempe que “les grands ancêtres”, ce que Bessand-Massenet soulignait à bon droit au fil d’’un livre qui, en ces années agitées de l’’après-guerre, se voulait un avertissement contre d’’autres périls découlant droit de ceux de la Révolution.
    Génocide
    “L’’aristocratie”, crime capital, ne fut point l’’apanage de la noblesse et recouvrit un état d’’esprit, une conception de la vie, du monde et de l’’homme qui relevait de l’’ordre chrétien et se trouvait de fait à l’’opposé de la pensée révolutionnaire. En quoi la Vendée incarna aux yeux du pouvoir une monstruosité tour à tour qualifiée d’« incompréhensible » ou d’« exécrable », mais qui devait être détruite. On s’’y employa……Le scandale étant que ce fait, sans précédent, d’’un gouvernement ordonnant à ses troupes le massacre systématique d’’une partie de son propre peuple, fut occulté. Dédain de l’’historiographie pour un sujet contre-révolutionnaire ou volonté politique délibérée de cacher la vérité ? Reynald Secher répondit à cette question en soutenant, en 1986, sa thèse sur le « génocide franco-français », ou la Vendée-Vengé. Ainsi qu’’il le dit en préface de cette réédition d’un travail devenu un irremplaçable classique, et à sa stupeur indignée, on fit tout, à la veille du Bicentenaire, pour essayer de le faire taire.
    Reynald Secher n’’était pas à vendre. Cela lui coûta sa carrière universitaire mais le livre fut publié, et avec lui, les documents, les chiffres, fruits d’’une recherche irréfutable que l’’on ne pouvait accuser d’’être partiale et passionnelle. Le jeune historien vendéen avait fait voler en éclats deux siècles de silence et de mensonges, même si les instances étatiques se refusent toujours à admettre le crime. Il n’’a pas fini de le payer, c’’est tout à son honneur.
    La réédition de sa thèse vient à point pour la formation d’’une nouvelle génération qui apprendra de Secher l’’Histoire, certes, mais surtout le respect de la Vérité, et ce qu’’il en coûte d’’y demeurer fidèle. Grande leçon.
    Anne Bernet L’’Action Française 2000– du 18 au 31 janvier 2007
    * Comtesse d’’Adhémar : Ma Reine infortunée Plon, 536 p., 24 euros.
    Jean-Denis Bredin : On ne meurt qu’’une fois. Fayard, 435 p., 23 euros.
    * Pierre Bessand-Massenet : Femmes sous la Révolution. Fallois, 196 p., 16 euros.
    * Reynald Secher : La Vendée-Vengé. Perrin, 350 p., 23 euros.

  • Rendez-vous patriotique du 11 novembre.

    En ces temps troublés que traverse notre pays, il faut se rappeler que la France, même au plus bas, a toujours suscité des héros. Ce fut le cas pendant la Grande guerre et de façon différente, aussi durant le dernier conflit mondial.
    Tant qu’un patriote vivra, il y aura toujours de l’espoir pour notre patrie. C’est pourquoi il est formellement interdit de désespérer.
    Les gens d’Action française savent ce qu’il faut penser avec le maître de Martigues, du désespoir en politique.
    Le 11 novembre 1940, alors que tout semblait perdu, des lycéens et des étudiants montrèrent au peuple de France, en bravant l’interdit de l’occupant, leur détermination à honorer les morts de la Grande guerre. Les Champs-Elysées furent envahis par des jeunes gens, amoureux de leur patrie et entrainés par des chefs dont plusieurs étaient d’Action française. Ils se retrouvèrent face aux soldats allemands qui exercèrent une répression d’autant plus dure qu’ils se sentirent un moment débordés. Ceux qui ont manifesté au printemps dernier face aux CRS peuvent se faire une idée de la violence qu’une telle situation peut susciter.
    Nos militants et nos sympathisants jeunes et moins jeunes doivent aujourd’hui à leur tour rendre hommage à ces résistants de la première heure.
    Nous donnons rendez-vous aux patriotes français le 11 novembre 2013 à 19 heures devant la plaque commémorative qui rappelle cet événement, en haut des Champs-Elysées devant la sortie du RER.
    Nous entourerons notre ami André Pertuzzio, l’un des organisateurs de la manifestation de 1940, quand il était lui même président de la Corpo de droit.

    N’oublions jamais ceux qui nous ont précédés dans le combat pour la France. Vive la France, Vive le Roi.
    Olivier Perceval, secrétaire général de l’Action française
    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Rendez-vous-patriotique-du-11

  • L’Africano-centrisme ou l’Histoire falsifiée

    Parlant de l’Afrique noire, Victor Hugo écrivait : « Quelle terre que cette Afrique ! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire ; l’Afrique n’a pas d’histoire. »

    L’auteur des "Misérables" avait-il raison ? A l’exception de l’Ethiopie et du Rwanda, l’Afrique sub-saharienne était un monde sans Etats ayant eu une profondeur historique, une continuité séculaire. Plus singulier encore, rien de ce qui a permis le progrès de l’humanité n’est sorti de l’Afrique noire. Le continent noir fut et continue d’être un continent récepteur et non concepteur.

    Cette réalité insupportable aux nationalistes africains des années 1950-1960 fut combattue par Cheick Anta Diop, autodidacte aussi brouillon que prolifique. A la faveur des indépendances, ce barde africain fut propulsé à la tête du prestigieux Institut français d’Afrique noire, dont le siège était à Dakar.

    Dans ce cadre privilégié, et grâce aux crédits français, il élabora de pseudo-théories scientifiques tolérées durant trois décennies par le microcosme africaniste décérébré par l’anticolonialisme et couché devant l’idéologie dominante. Prudents caméléons, presque tous les Africanistes français vivaient dans la terreur de risquer l’accusation de racisme s’ils avaient simplement osé dire tout haut ce qu’ils pensaient tout bas, à savoir que les thèses du Cheick Anta Diop n’étaient rien de plus que des élucubrations de griot.

    Le postulat de Diop est, en effet, sans nuances : les Egyptiens ont tout inventé et la Grèce, puis Rome, sont les héritières de l’Egypte. Or, les Egyptiens étaient des Noirs. Conclusion : les Noirs sont donc les créateurs de la Civilisation de l’Antiquité classique.

    Timidement, les linguistes tentèrent d’expliquer, avec humilité, qu’entre l’Egyptien ancien et le Grec, les liens étaient aussi évidents qu’entre un pommier et un baril de clous et que le simple rapprochement de sens ne prouvait pas un apparentement linguistique. Dans le cas contraire, l’existence du lac Kasba au Canada aurait permis à Diop d’affirmer que le Bey d’Alger taquinait le goujon à l’ouest de la baie d’Hudson...

    Avec toutes les précautions, les Egyptologues risquèrent timidement une remarque de bon sens : les Egyptiens n’étaient pas des Noirs, ainsi que les milliers de momies mises au jour en apportent la preuve. Certes, la Nubie fut, durant certaines périodes tardives, une dépendance de l’Egypte, mais cela ne veut pas dire pour autant que les Nubiens aient peuplé la moyenne et la basse vallée du Nil.

    Un énorme complot

    Calembredaines, affirmait le "savant africain" car l’Egyptologie constitue un énorme complot contre la race noire. Et comment, demanderez-vous ? Mais tout simplement parce que les Egyptologues détruisirent systématiquement les momies noires pour ne garder que les blanches. CQFD ! Cette entreprise de falsification de l’histoire aurait pu en rester au niveau de l’anecdote. Elle aurait, à la limite, pu être étudiée dans nos universités comme un cas d’école d’idéologie appliquée à l’histoire par un autodidacte obnubilé par sa théorie et ignorant de l’ensemble d’une matière assimilée dominée.

    Or, elle est devenue l’Histoire officielle. Dans l’ "Histoire de l’Afrique" de l’Unesco, tome II, édité en 1980, Cheick Anta Diop développe, en effet, longuement ses fantasmes historico-racistes, à peine contredit par les Egyptologues avec lesquels il débat. A aucun moment, dans cette monumentale histoire éditée dans toutes les langues du monde, aucun spécialiste n’ose écrire ce qu’il faut penser des affirmations de Cheick Anta Diop, tant le tiers-mondisme dominant exerce une dictature intellectuelle interdisant toute critique. Les théories de Cheick Anta Diop furent reprises et amplifiées aux USA ; dans les universités noires, elles furent à la base du courant Africano-centriste. Pauvres USA ! La juxtaposition de ses peuples et de leurs cultures fait que désormais chaque minorité raciale y enseigne sa propre vision de l’histoire.

    Les Noirs, qui ont leurs universités et leurs professeurs, apprennent donc que l’Afrique noire, mère de la Civilisation et qui a tout inventé, fut non seulement pillée par les Blancs qui ont bâti leur puissance sur son pillage, mais encore stoppée dans son "merveilleux" élan par la colonisation qui l’empêcha d’atteindre la phase suivante de son évolution créatrice.

    Or l’Africano-centrisme des Noirs américains a pour soubassement les affirmations de Cheick Anta Diop. En Afrique même, les écoliers et les étudiants sont formés dans le même moule. Comment pourraient-ils mettre en doute cette histoire officielle puisque l’UNESCO lui a donné sa caution scientifique ? Comment ne pas la prendre pour "argent comptant" quand, au Cameroun et ailleurs, les professeurs d’histoire présentent Cheick Anta Diop comme "le plus éminent égyptologue actuel".

    Alain Froment, chercheur à l’ORSTOM, vient donc de rendre un immense service à la rigueur scientifique en publiant dans la revue "Cahiers d’Etudes africaines", n° 121-122, une mise au point définitive intitulée : "Origine et évolution de l’homme dans la pensée de Cheick Anta Diop : une analyse critique".

    De cette article, dont le sous-titre pourrait être "Epitaphe pour un mensonge politico-historique", l’on peut extraire cette citation qui résume toute la question : « Cheick Anta Diop a discrédité la recherche africaine par l’insuffisance de sa méthodologie, ses conclusions hâtives et la subordination des préoccupations scientifiques à celles de l’idéologie (...) De sérieuses lacunes bibliographiques et l’absence de recours à des procédés statistiques objectifs, la préférence allant au choix orienté de photographies et de radicaux sémantiques, jettent des doutes sur ses qualités scientifiques. Cependant, il est devenu une telle figure emblématique du nationalisme africain qu’on considère, en Afrique, comme très malvenu de mettre en doute ses travaux. »

    par Bernard Lugan

    http://www.francecourtoise.info

  • Auguste Comte

    Auguste Comte est né le 19 janvier 1798 à Montpellier (Hérault). Il perd la foi à l'âge de 14 ans. Admis à l'âge de quinze ans à l'Ecole Polytechnique, où il fut surnommé Sganarelle ou le philosophe par les élèves, il ne la fréquentera pas longtemps car la promotion fut dissoute suite à une révolte. Il vit à Paris de quelques leçons de mathématiques et fait la connaissance de Saint-Simon vers 1817. Il sera son collaborateur jusqu'en 1825. Saint-Simon (1760-1825), parent du mémorialiste, eut une grande influence sur lui. Acquis aux idées à la mode, converti à la vision du monde de la bourgeoisie, Saint-Simon participa à la guerre d'Amérique aux côtés de La Fayette. Il est marqué par cette expérience d'une nouvelle société, où les mérites personnels comptent plus que les titres, et renoncera à son titre de noblesse. Sous le Directoire, il s'habille comme un sans-culotte, mais est servi par vingt domestiques et possède un des meilleurs cuisiniers de Paris. Après 1802, il liquidera ses affaires et deviendra philosophe, menant une existence précaire, et développant son idée-force : les industriels sont désormais les détenteurs de la force temporelle tandis que des savants émane la force spirituelle. Les disciples de Saint-Simon travestiront ses idées en une sorte de religion. Mais revenons à Auguste Comte. Il se passionne, comme Saint-Simon et beaucoup de ses contemporains, pour les questions de réorganisation sociale. Il voudrait terminer la Révolution.
Il est convaincu que l'esprit du monde moderne, fondé sur la critique et la discussion, a profondément ébranlé la société, qui vit dans l'instabilité et l'agitation. Il faut mettre fin à l'anarchie intellectuelle. Il va proposer deux moyens : tout d'abord, une réorganisation générale des sciences, que viendra couronner la sociologie, dont il est un des "inventeurs", et la création d'un « pouvoir spirituel » qui sera confié à des savants, et chargé de se prononcer souverainement sur le bien et le mal, le vrai et le faux. Auguste Comte élabore sa célèbre loi dite des « trois états ». Pour lui, l'esprit humain emploie successivement trois méthodes : la méthode théologique par laquelle il peuple l'univers de dieux, puis la méthode métaphysique qui consiste à remplacer les dieux par des catégories intellectuelles, et enfin la méthode qui consiste à s'attacher rigoureusement aux faits. Cette philosophie positive sera la doctrine fixe et définitive de l'humanité et la société sera organisée scientifiquement. L'étude du passé permettra de comprendre le passé et de deviner l'avenir. Il s'agira de saisir les lois de l'évolution, puis de les devancer. Pour Auguste Comte, le progrès ne peut sortir que de l'ordre, d'où sa devise, que le Brésil fera sienne : « Ordre et Progrès ». Pour lui, l'anarchie tenait la société presque entière. Mais il constate que l'anarchie ne règne pas dans les sciences : « Il n'y a pas de liberté de conscience en astronomie, en physique, en chimie, en physiologie même. » Il va jusqu'à hiérarchiser les sciences. Il propose l'ordre suivant : les mathématiques, l'astronomie, la physique, la chimie, la biologie et enfin la sociologie. Chaque science dépend des précédentes sans que celle-ci soit sous son influence. Par exemple, les corps vivants sont, comme ceux inorganiques, soumis aux lois des mathématiques, de la physique et de la chimie, mais vont, de plus, se conformer aux lois de la biologie.

    Comte sera amené à définir une morale, qu'il fonde sur l'ordre, le progrès et l'altruisme. Il vise le bien de l'humanité, définie comme « Grand Être », et dont il serait le « grand prêtre ». Au XIXe siècle, le positivisme inspirera très largement le camp républicain. Mais au XXe siècle, c'est Charles Maurras qui s'en inspirera, surtout pour les idées d'ordre et les idées sociales qui caractérisent cette philosophie. Auguste Comte avait cherché à résoudre les problèmes sociaux par l'organisation sociale. Il écrivit : « Savoir pour prévoir, prévoir pour pouvoir. » Pas étonnant que Charles Maurras se soit intéressé à la pensée d'Auguste Comte...

    Auguste Comte meurt le 5 septembre, à Paris, à l'âge de 59 ans. Voici quelques-unes de ses pensées : « Les vivants sont toujours, et de plus en plus, dominés par les morts » ; « L'humanité se compose de plus de morts que de vivants » ; « Les morts gouvernent les vivants » ; « Il n'y a qu'une maxime absolue, c'est qu'il n'y a rien d'absolu » ; « Nul ne possède d'autre droit que celui de toujours faire son devoir. »

    R.S. Rivarol du 30 mars 2012

  • Bardèche et l’Europe

    Subvertie par l’idéologie victorieuse de 1945, par son tropisme marchand, multiculturaliste, démocratique, l’Europe est devenue dystopique – elle est l’Aneurope.

    Pour que l’Europe soit à nouveau dans l’Europe, Maurice Bardèche, à partir du Congrès de Malmö et de la création du Mouvement Social Européen en 1951, puis dès 1952 dans la revue Défense de l’Occident, propose tout un corpus, tant analytique que critique, dont Georges Feltin-Tracol synthétise ici les axes.

    La promotion de l’État, qui seul permet une souveraineté politique, qui seul traduit l’âme d’un peuple – et dans le cadre national(iste) duquel les léthifères influences étrangères peuvent être systématiquement éliminées. L’État n’est toutefois nationaliste et politique que pour être mieux dépasser, que pour s’accomplir dans un bloc continental : soit une Europe supra-nationale permettant de lutter contre les enjeux de la modernité comme de défendre efficacement d’autres espaces nationaux. Il ne s’agit toutefois pas d’un cadre bureaucratique promulguant des lois rigides mais d’orientations données, éventuellement régaliennes, dans le respect des traditions européennes.

    « L’Europe cuirassée », qui accordera le primat au militaire pour mieux affirmer son indépendance, pour mieux affirmer ensuite une économie de puissance : économie fermée, autarcique, tournée sur le seul marché européen, proscrivant produits et affairismes cosmopolites, rompant avec le paradigme libéral. Il s’agit d’une Europe sanctuaire, d’une mystique nouvelle (« fascisme rectifié »), dont le dessein est l’avènement d’une troisième civilisation – de cette fameuse Troisième Voie, où l’homme et la vie ne seront plus assujettis aux décrets démocratiques et (contexte de l’époque) communistes.

    Avec la rigueur qu’on lui sait, Georges Feltin-Tracol montre dans Maurice Bardèche et l’Europe, combien l’auteur de Sparte et les sudistes est encore d’actualité, dont la géopolitique est des plus pertinentes pour lutter contre l’Europe atlantiste, autant que pour en purger l’aliénante décadence.

    Pierre Pyrmont http://www.europemaxima.com/

    • Georges Feltin-Tracol, Bardèche et l’Europe. Son combat pour une Europe « nationale, libérée et indépendante », Les Bouquins de Synthèse Nationale, 2013, 110 p., 18 €.

  • L'armistice et le 18 juin, entre mythe et réalité

    Entre réforme des retraites et coupe du monde de football, le 70e anniversaire du 18 juin a fait lui aussi les gros titres de la presse. Retour sur l'un des événements fondateurs de notre modernité.

    Quoi de neuf ? La Deuxième Guerre mondiale. 70 ans après l'événement, la France continue d'en vivre : si la Révolution est - paraît-il - la période fondatrice de notre histoire, à la Libération correspond la refondation de la République, qui accouche de notre modernité. Et le 18 juin 1940 en est en quelque sorte la conception. Dans un pays qui aime autant les anniversaires, on conçoit qu'à chaque décennie, celui-là se célèbre avec faste.

    Cette année, le président de la République a choisi de le fêter en Angleterre, sur le lieu même de cette conception. Nicolas Sarkozy a prononcé son discours encadré par les deux portraits géants de Winston Churchill et de Charles De Gaulle. « Alors que dans la France submergée par l'ennemi, profitant du malheur, les chefs trahissaient en demandant l'armistice au mépris de la parole donnée et en s'engageant dans une collaboration qui les conduira à couvrir les crimes les plus atroces, à Londres, le 18 juin, le général de Gaulle répondait à Winston Churchill qui avait juré le 4 juin « Nous ne nous rendrons jamais » : « La flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et elle ne s'éteindra pas. » » a proclamé Nicolas Sarkozy, fidèle à la légende dorée du gaullisme. Voilà 65 ans que cette légende, portant l'estampille officielle de la République française, prévaut sur l'histoire véritable, qui éclaire l'armistice et le discours du 18 juin d'une tout autre manière.

    L'armistice serait en effet le péché originel de la France de Vichy, réputée par la même légende mensongère correspondre à la droite traditionnelle, tandis que la gauche incarnerait l'esprit de la Résistance... À l'opposé, le discours du 18 juin - le refus héroïque de « l'homme qui a dit non » - légitimerait à la fois l'action du général De Gaulle et la présence de la France à la table des vainqueurs en 1945, comme l'a encore dit Nicolas Sarkozy dans son discours londonien.

    La première question à se poser concerne donc l'armistice : était-il évitable ? Le général Le Groignec a résumé, dans son livre Le maréchal et la France(1),la situation du pays à la date du 16 juin 1940, veille de la demande d'armistice adressée par le maréchal Pétain aux Allemands par l'intermédiaire de l'ambassadeur d'Espagne : « L'armée française est réduite à une quarantaine de divisions dont une vingtaine ne disposent que de 50 %, voire de 25 % de leurs effectifs qui fondent d'heure en heure. La progression de la Wehrmacht, forte de 130 divisions appuyées par une aviation maîtresse du ciel, se poursuit irrésistiblement vers le Sud, bousculant un flot de six à huit millions de réfugiés. »

    Un pays qui se désentripaille

    Ces chiffres ne donnent pourtant qu'une idée imparfaite de la réalité. Dans son livre Pilote de guerre(2), récit d'une mission de reconnaissance aérienne au-dessus d'Arras, Antoine de Saint-Exupéry a peint le tableau de cette France défaite, jetée sur les routes de l'exode : « Comment ravitailler les millions d'émigrants perdus le long des routes où l'on circule à l'allure de cinq à vingt kilomètres par jour ? Si le ravitaillement existait, il serait impossible de l'acheminer ! (...) Pas un mot sur la défaite. Cela est évident. Vous n'éprouvez pas le besoin de commenter ce qui constitue votre substance même. Ils "sont" la défaite. » Un mari cherche un médecin pour sa femme sur le point d'accoucher ; mais il n'y a plus de médecin... Une mère cherche du lait pour son bébé affamé ; mais il n'y a plus de lait... Un officier qui tente de mettre en batterie un canon avec une douzaine d'hommes est pris à partie par des mères : les Allemands en ripostant tuent leurs enfants. Le lieutenant renonce... « Il faut, certes, que les petits ne soient pas massacrés sur la route. Or chaque soldat qui tire doit tirer dans le dos d'un enfant », écrit Saint-Exupéry.

    Au gouvernement, Paul Reynaud, De Gaulle, se prononcent contre l'armistice(3), Pétain, Weygand - qui a remplacé, trop tard hélas, l'incapable Gamelin au commandement en chef -, sachant la situation perdue, l'appellent de leurs vœux pour sauver ce qui peut l'être. Sur le terrain, Saint-Exupéry a une autre vue de la situation : « Que peuvent-ils, ceux qui nous gouvernent, connaître de la guerre ? Il nous faudrait à nous, dès à présent, huit jours. tant les liaisons sont impossibles, pour déclencher une mission de bombardement sur une division blindée trouvée par nous. Quel bruit un gouvernant peut-il recevoir de ce pays qui se désentripaille ? »

    L'autre réalité de la défaite, c'est celle d'une armée qui, à l'inverse de ce que prétend la légende, se bat, à l'image du groupe de reconnaissance aérienne auquel appartient Saint-Exupéry et qui a perdu, en trois semaines, dix-sept équipages sur vingt-trois. Au cours des six semaines de la bataille de France, 125 000 soldats français sont tués : « six semaines plus sanglantes que toute période équivalente des combats acharnés pour Verdun », remarque le général Le Groignec ; Churchill saluera d'ailleurs cette « résistance héroïque » qui allait donner le temps aux Britanniques de replier en Angleterre 80 % de leurs forces.

    Outre ces 125 000 morts, l'armée française a perdu 1 800 000 prisonniers.

    Faut-il quitter le sol français ?

    Reynaud et De Gaulle évoquent la possibilité de se retrancher dans le « réduit breton », en attendant peut-être une évacuation vers la Grande-Bretagne. Mais il n'existe aucun moyen de mettre en œuvre cette solution utopique. Rejoindre l'Empire pour y continuer la lutte n'apparaît pas plus réaliste : le général Noguès, commandant en chef en Afrique du Nord, a fait savoir à Weygand qu'il n'a pas les moyens de défendre le territoire en cas d'attaque italo-allemande : il manque à la fois d'hommes, d'approvisionnement et de matériel. Par ailleurs, comment y convoyer des troupes, depuis la métropole, quand l'armée est complètement désorganisée et que les Allemands sont déjà dans la vallée du Rhône ?

    Un ordre de De Gaulle montre que l'homme du 18 juin n'a pas pris, ou ne veut pas prendre, la mesure de la situation : le 12 juin, en pleine débâcle, il ordonne en effet à la marine d'étudier un plan de transport de 900 000 hommes et de 100 000 tonnes de matériel à effectuer vers l'Afrique du nord dans un délai de 45 jours ! « L'armistice n'eût pas été signé que les Allemands eussent été à Bordeaux le 25 juin ». observe le colonel Argoud dans son livre La Décadence, l'imposture, la tragédie(4).

    En fin de compte, deux attitudes s'opposent : d'une part, celle de Pétain, pour lequel il n'est pas question de quitter le sol français, comme il le déclare le 13 juin en Conseil des ministres : « Le devoir du Gouvernement est, quoi qu'il arrive, de rester dans le pays sous peine de n'être plus reconnu pour tel. Priver la France de ses défenseurs naturels dans une période de désarroi général, c'est la livrer à l'ennemi. C'est tuer l'âme de la France, c'est par conséquent rendre impossible sa renaissance. (...) Ainsi la question qui se pose en ce moment n'est pas de savoir si le Gouvernement demande l'armistice, mais s'il accepte de quitter le sol métropolitain. »

    À cette question, De Gaulle, au contraire de Pétain, répond par l'affirmative : « Cette guerre est une guerre mondiale », dit-il. Elle doit donc être poursuivie, s'il le faut, depuis un sol étranger. Avec Pétain et avec De Gaulle, la France a deux cordes à son arc. C'est la thèse du glaive et du bouclier, que le second expliquera lui-même, plus tard, au colonel Rémy, résistant de la première heure. Malheureusement, dès juin 1940, le glaive commence à frapper le bouclier. Le 26, De Gaulle déclare depuis Londres : « Cet armistice est déshonorant. Les deux tiers du territoire livrés à l'occupation de l'ennemi, et de quel ennemi ! Notre armée tout entière démobilisée. Nos officiers et nos soldats prisonniers, maintenus en captivité. Notre flotte, nos avions, nos chars, nos armes, à livrer intacts, pour que l'adversaire puisse s'en servir contre nos propres alliés. La Patrie, le gouvernement, vous-même, réduits à la servitude. »

    Une interprétation manichéenne

    Ces reproches ne sont pas fondés : l'aviation et la flotte ne seront pas livrées, ce qui respecte le vœu de Churchill(5) ; une armée de 100 000 hommes est maintenue en métropole ; l'Empire n'est pas occupé, et Weygand reconstituera en AFN, sous l'autorité de Pétain, l'armée d'Afrique, qui fournira plus tard le gros des forces de la France libre ; la France conservera une zone libre jusqu'en 1942 et sera administrée par un gouvernement qui fera tampon entre les Français et l'envahisseur, au lieu d'être administrée par un gauleiter.

    Avec le recul, l'armistice apparaît comme une énorme erreur commise par Hitler, erreur qui ne s'explique que par la conviction du chancelier allemand que l'Angleterre déposerait les armes. La conclusion appartient à Raymond Aron : « L'interprétation manichéenne de l'armistice, affirmée dès les premiers jours et maintenue contre vents et marées, relève de la légende ou de la chanson de geste. Ni les magistrats, à la Libération, ni la masse des Français n'ont souscrit à cette vision épique. L'appel du 18 juin conserve sa signification morale et politique, mais les discours qui suivirent immédiatement l'appel relevaient déjà d'un chef de parti, et non d'un porte-parole du pays bâillonné. »(6)

    Jean-Pierre Nomen monde et vie. 26 juin 2010

    1. Général Le Groignec, Le Maréchal et la France, nouvelles éditions latines, 1994.

    2. Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre, Gallimard, 1942.

    3. Paul Reynaud sera cependant le premier à prononcer le mot d'armistice ...

    4. Cité in Antoine Argoud, La Décadence, l'imposture et la tragédie, Fayard, 1974.

    5. « On se souviendra que nous avons déclaré au Gouvernement français que nous ne lui adresserions aucun reproche, s'il venait à négocier une paix séparée dans les tristes circonstances de juin 1940, à condition qu'il mette sa flotte hors d'atteinte des Allemands. » (discours aux Communes, 28 septembre 1944). En dépit de l'agression de Mers-el-Kébir, les Français respecteront cette condition en sabordant la flotte à Toulon en 1942.

    6. Raymond Aron, Mémoires, cité in Jacques Le Groignec, Le Maréchal et la France.

  • « Jean Lartéguy : le dernier centurion » de Hubert Le Roux

    « Incontournable pour ceux qui souhaitent une bonne introduction à la vie et à l’œuvre du dernier centurion, ce livre plaira et peut-être même régalera les connaisseurs les plus exigeants »
    Dans son livre « Jean Lartéguy/ Le dernier Centurion » Hubert Le Roux présente Jean Lartéguy comme un historien, un romancier – deux personnages qui souvent s’opposent – un sociologue, un peintre et un philosophe. Jean Lartéguy aura été un grand spécialiste de « l’aventure militaire » et, surtout, il aura œuvré tout au long d’une période unique en son genre où l’ensemble de l’armée française a mené le combat au feu, qu’il s’agisse des professionnels ou d’appelés du contingent, dans ce qu’on a appelé vulgairement les guerres coloniales.
    Cette période est unique car ces guerres furent menées à la fois par des opérations strictement militaires comme on l’avait connu précédemment mais aussi par des actions psychologiques engagées auprès des populations et pas seulement contre l’armée ennemie, ce que Lyautey avait « rêvé » et réussi au Maroc.
    Ce livre de Hubert Le Roux devrait être lu par les toutes nouvelles générations, celles d’après 1962. Il leur apprendrait ce qu’était une armée décidée à défendre les intérêts de sa patrie sans tomber dans le grandiloquent d’un président Hollande qui, le 26 mars, dans un stade de Bamako annonçait : « Nous avons gagné cette guerre, nous avons chassé les terroristes, nous avons sécurisé le Nord… », alors que nous avons toujours trois mille hommes sur place et qu’aujourd’hui même on annonce l’exécution de deux journalistes de Radio France internationale en reportage dans le nord-est du Mali, après avoir été enlevés par des hommes armés.
    Polémia
    Jean Lartéguy, de son vrai nom Lucien Pierre Jean Osty (1920-2011), est sans doute l’un des écrivains français qui ont le plus marqué le grand public de l’après deuxième guerre mondiale. Les Mercenaires, Les Prétoriens, Le Mal jaune, et tant d’autres romans captivants de ce célèbre et fascinant correspondant de guerre, restent inscrits à jamais dans la mémoire d’au moins deux générations. Les histoires qu’il raconte sont fort proches de celles des films de son ami Pierre Schoendoerffer. A partir de 1954 et pendant plus de quarante ans, le succès de Lartéguy ne s’est jamais démenti. Les Centurions, son livre le plus connu, a même atteint le chiffre record de 2 millions d’exemplaires vendus. En 1966, le réalisateur canadien, Mark Robson, en a fait une libre adaptation cinématographique avec pour interprètes Anthony Quinn (dans le rôle du lieutenant-colonel Raspéguy inspiré de Marcel Bigeard), Alain Delon, Michèle Morgan, Claudia Cardinale et Maurice Ronet.
    L’œuvre de Lartéguy est avant tout une réflexion sur la guerre et la paix, une méditation sur la légende de Caïn et Abel, l’un des grands mythes fondateurs de l’humanité. Lartéguy, c’est le récit de l’aventure militaire, l’histoire de ces jeunes soldats victimes de la duplicité de la classe politique, sacrifiés sur l’autel de l’ordre bourgeois. Lartéguy, c’est la célébration de l’engagement, de l’honneur, du devoir et de la fidélité. C’est la défense du meilleur de la colonisation, le rêve du maréchal Lyautey, celui de la rencontre respectueuse et désintéressée entre civilisations complémentaires. C’est l’analyse et la description de la guerre psychologique, de la guerre subversive, révolutionnaire, « ne pas tuer mais conquérir la population », le combat contre l’ennemi avec ses propres armes théorisé en 1961 par le colonel parachutiste Roger Trinquier : une forme de lutte découverte par les officiers français en Indochine lors de l’affrontement avec les nationalistes-marxistes du Viet Minh.
    Lartéguy, c’est le peintre sans concession de la léthargie française, le messager du déclin de l’Europe, l’annonciateur de la fin des empires et de la civilisation occidentale dont la décolonisation ne représente qu’un des aspects les plus perceptibles. De la France des années 1950 il écrit avec amertume : « [Elle] redoute tout ce qui pourrait la tirer de son sommeil ». « [Elle capitule] par égoïsme, par paresse, pour qu’elle puisse s’endormir dans une douillette décadence ». Des Français il fait un constat implacable : « [Ils] ne pensent plus qu’à s’enfermer dans leur petit pays, leurs petites villes, leurs petites maisons et, comme des vieillards, ils ne regardent plus le monde qu’à travers leurs fenêtres, en écartant un peu les rideaux […]. Ils veulent leur retraite, toucher des pensions et qu’on les laisse épousseter leurs vieilles gloires ». Et encore : « Les Français sont devenus trop matérialistes, trop sceptiques, trop désabusés. Ils vivent dans les décombres moisis de leur vieille Révolution de 1789 ».
    Hubert Le Roux, biographe récent de Lartéguy, ne s’est pas laissé piéger par les habituelles semi-vérités et approximations de l’historiographie officielle. Son livre, très documenté, nous présente un personnage subtil et nuancé. Anticommuniste, réputé « machiste », Lartéguy a été marié, pendant plusieurs années, avec une marxiste-castriste, une véritable pasionaria féministe dont il divorça avant de connaître la véritable compagne de sa vie, Thérèse Lauriol. Antigaulliste notoire, Lartéguy critique avec véhémence et férocité les socialistes au pouvoir (dont le chef du gouvernement, Guy Mollet, et son garde des Sceaux, François Mitterrand). Ne sont-ils pas responsables de la décision d’envoyer le contingent et d’avoir donné les pleins pouvoirs à l’armée dans la lutte contre le terrorisme des nationalistes algériens ? Favorable au maintien de la présence française en Algérie, Lartéguy voit son appartement parisien plastiqué par l’OAS pour avoir refusé sans ambages les solutions maximalistes. Rebelle, individualiste et antiautoritaire, il se révèle avant tout attaché à la tradition, au terroir, aux rites, aux enseignements transmis de génération en génération. En 1968, il fustige les contestataires ce « troupeau d’enfants perdus, fumeurs de hasch, et gratteurs de guitare entre deux épouillages ».
    Le Roux rappelle que Lartéguy dédia Les Centurions à son ami, le célèbre commandant Jean Pouget, un ancien résistant qui avait sauté volontairement en parachute sur l’enfer de Dien Bien Phu. Il souligne aussi qu’il plaça opportunément en exergue de ce livre la lettre de Marcus Flavinius, centurion de la 2e cohorte de la légion Augusta, à son cousin Tertullius à Rome, une pièce d’anthologie qui mérite d’être citée dans son intégralité tant son contenu fut prémonitoire :
    « On nous avait dit, lorsque nous avons quitté le sol natal, que nous partions défendre des droits sacrés que nous confèrent tant de citoyens installés là-bas, tant d’années de présence, tant de bienfaits apportés à des populations qui ont besoin de notre aide et de notre civilisation. Nous avons pu vérifier que tout cela était vrai, et, parce que c’était vrai, nous n’avons pas hésité à verser l’impôt du sang, à sacrifier notre jeunesse, nos espoirs. Nous ne regrettons rien, mais alors qu’ici cet état d’esprit nous anime, on me dit que dans Rome se succèdent cabales et complots, que fleurit la trahison et que beaucoup, hésitants, troublés, prêtent des oreilles complaisantes aux pires tentations de l’abandon et vilipendent notre action. Je ne puis croire que tout cela soit vrai et pourtant des guerres récentes ont montré à quel point pouvait être pernicieux un tel état d’âme et où il pouvait mener. Je t’en prie, rassure-moi au plus vite et dis-moi que nos concitoyens nous comprennent, nous soutiennent, nous protègent comme nous protégeons nous-mêmes la grandeur de l’Empire. S’il devait en être autrement, si nous devions laisser en vain nos os blanchis sur les pistes du désert, alors, que l’on prenne garde à la colère des légions ! »
    On comprend que cette lettre ait pu stupéfier à l’époque des centaines de milliers de lecteurs. Elle avait été remise à Lartéguy par Jean Pouget qui la tenait pour un document historique authentique. Mais en fait, explique Hubert Le Roux, il s’agissait d’un faux, qu’un proche de Jacques Soustelle, Roger Frey, avait forgé de toutes pièces, en mai 1958, pour réveiller l’ardeur de l’armée contre l’impuissance du gouvernement de Paris. Frey évoluera par la suite et deviendra l’un des principaux barons du gaullisme. Il occupera divers portefeuilles ministériels, pendant treize ans, dont ceux de l’information et de l’intérieur, avant d’être président du conseil constitutionnel durant près de dix ans.
    Selon Hubert Le Roux, Lartéguy envisageait de publier un ultime roman, une sorte de testament. Ce manuscrit inachevé devait avoir pour titre Le Prince des années mortes. On peut y lire des propos désabusés : « Les civilisations sont comme des reptiles qui abandonnent leur peau quand ils muent. De la nôtre il ne restera bientôt plus qu’une peau morte accrochée aux épines du chemin. Libre à toi de croire que le serpent a survécu à sa dernière mue et qu’il en connaîtra d’autres. Libre à moi d’en douter. »
    Réaliste et volontariste, Dominique Venner disait, lui aussi, que l’Europe pouvait sombrer définitivement dans la dormitio ou sortir de sa léthargie et se régénérer. Mais lui croyait en l’Europe éternelle, en sa capacité de se réveiller et de se reproduire semblable à elle-même. On imagine sans peine le fructueux débat que le « dernier centurion » et le « dernier samouraï » auraient pu avoir : un débat qui nous hante tous et dont nous savons désormais avec certitude qu’il ne tardera plus longtemps à être tranché.
    Réjouissons-nous donc de la publication de cette première biographie de Jean Lartéguy. Incontournable pour ceux qui souhaitent une bonne introduction à la vie et à l’œuvre du « dernier centurion », ce livre plaira et peut-être même régalera les connaisseurs les plus exigeants malgré les carences ou imperfections qu’ils pourraient y trouver. Quant aux autres, les amateurs de discours formatés, invitons-les à passer leur chemin.
    Arnaud Imatz, 25/10/2013
    Hubert Le Roux, Jean Lartéguy, le dernier centurion, Tallandier, 2013, 347 pages.
    http://www.polemia.com/jean-larteguy-le-dernier-centurion-de-hubert-le-roux/

  • Dextra reçoit Jacques Bompard ce mardi 5 novembre à 19h 30 !

    Dextra reçoit Jacques Bompard ce mardi 5 novembre à 19h 30 ! el siete 283 rue saint Jacques Paris 5ième