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culture et histoire - Page 1755

  • BANQUET CAMELOT : Dimanche 22 septembre 2013 :

    Dans la grande tradition royaliste des Camelots du Roi et dans une ambiance festive et de chants...

    Vous êtes tous conviés, ainsi que vos familles et amis, à un Banquet des Camelots et Volontaires du Roi du Groupe d'Action Royaliste le Dimanche 22 Septembre 2013

    Présences annoncées : Guy Steinbach (Ancien du 7ème BCL, Président d'honneur du GAR, de Marius Plateau / doyen des Camelots du Roi), Jean Marie Keller (doyen des Camelots du Roi), Jean Philippe Chauvin (Vice-Président du GAR), Olivier Tournafond ( Professeur d'Université)

    Retenez la date et confirmez votre présence à contact@actionroyaliste.com pour l'organisation. Le lieu sera précisé ultérieurement...

  • Merci à la Russie ! – Tribune de Michel Geoffroy

    Le Système médiatique occidental diabolise en permanence la Russie contemporaine. Quoi qu’il fasse, le président Poutine est systématiquement présenté dans les médias comme un dangereux autocrate, un mafieux ennemi des droits de l’homme et des Femen, ainsi qu’un fauteur de guerre froide. MG

    Par exemple, quand la Russie se trouve elle aussi aux prises avec le terrorisme islamique, on nous dit qu’elle terrorise les gentils Tchétchènes. Quand elle met au pas l’oligarchie économique et financière qui bradait les richesses nationales depuis la chute de l’URSS, on nous dit qu’elle menace les libertés. Quand elle encourage la natalité et la famille, on nous dit qu’elle est homophobe. Quand quelques isolés manifestent contre le gouvernement, on nous dit que la rue est contre Poutine et tout à l’avenant.

    La Russie ? Une résistance bénéfique à l’ordre mondial

    Pareil biais, alors que l’URSS ne subissait pas du tout le même traitement médiatique, ne peut signifier qu’une chose : que la Russie incarne une résistance bénéfique à l’ordre mondial que veulent imposer les Anglo-Saxons et les valets qu’ils recrutent dans l’oligarchie occidentale.

    A l’heure du renversement des valeurs, instrument de cette tentative, on peut sans se tromper affirmer que la Russie reste dans le vrai quand l’Occident sombre dans l’erreur et le déclin. C’est pourquoi l’Occident cultive la haine de la Russie.

    Mais cela veut dire aussi que la Russie redevient un modèle à suivre pour les vrais Européens.

    La Russie fière de son passé comme de son identité

    On a un peu vite oublié en Occident que le peuple russe a payé très cher – par des millions de morts – son entrée dans le XXe siècle, l’instauration du communisme et sa victoire dans la seconde guerre mondiale : un sacrifice qui dépasse de très loin celui supporté par les Occidentaux et notamment les Etats-Unis, bien à l’abri dans leur continent-île.

    Pourtant la Russie a su tourner la page et intégrer ce passé tragique dans son histoire comme dans ses monuments, à la différence d’un Occident déboussolé qui ne cesse de ressasser la repentance instrumentée des « heures-sombres-de notre-histoire » et de nous rejouer les drames de la seconde guerre mondiale.

    La Russie a aussi retrouvé son âme orthodoxe, c’est-à-dire chrétienne, alors qu’en Occident, soumis au culte de Mammon et du Veau d’homme, les églises sont vides et les mosquées se remplissent.

    Merci à la Russie de nous démontrer qu’on peut entrer dans le XXIe siècle en restant soi-même.

    Le cauchemar des Anglo-Saxons

    Les Anglo-Saxons ont un cauchemar : celui d’une Europe puissance, d’une « maison commune » de l’Atlantique à l’Oural à laquelle ont rêvé tant de grands Européens. Toute leur diplomatie depuis deux siècles vise à rendre ce rêve impossible.

    En Europe occidentale, l’instrument de cette diplomatie se nomme aujourd’hui Union européenne. C’est-à-dire une machine (un « machin », disait De Gaulle) destinée à détruire la souveraineté et la liberté des Etats, à détruire leur prospérité et à remplacer leur population ; un empire du néant, qui doit s’ouvrir à tous les vents à la condition de rester prisonnier des « liens transatlantiques », c’est-à-dire de rester vassal des Etats-Unis.

    A l’est, l’instrument de cette diplomatie se nomme diabolisation, affaiblissement et isolement de la Russie. Car la Russie a cher payé aussi l’implosion de l’URSS : un pays ruiné, mis en coupe réglée par les oligarques, entouré d’une ceinture d’Etats plus ou moins artificiels mais dans l’orbite occidentale, une armée détruite face à l’OTAN renforcé et agressif.

    A la chute de l’URSS, les Occidentaux sous la direction américaine se sont immédiatement engagés dans une stratégie d’isolement de la Russie, dont l’affaire du Kosovo a constitué le point d’orgue, après la désagrégation de la Yougoslavie. Sans parler de la tentative de s’approprier ses ressources naturelles et de lui injecter les « valeurs » – c’est-à-dire les vices décadents – des Occidentaux. En clair, les Occidentaux donneurs de leçons n’ont eu de cesse de profiter et d’amplifier la faiblesse de la Russie.

    Toute l’action de la présidence Poutine vise au contraire à recouvrer la puissance et la souveraineté de la Russie. Voilà qui insupporte nos maîtres.

    Merci à la Russie de faire de la puissance une idée neuve en Europe.

    Un monde multipolaire grâce à la réapparition de la puissance russe

    La chute de l’Union soviétique fut, bien sûr, une bonne nouvelle, marquant la fin de la menace communiste en Europe. On ne la regrettera pas. Mais elle a fait aussi disparaître un contrepoids à l’unilatéralisme yankee et à sa prétention, ridicule mais dangereuse, d’imposer un modèle de société humaine indépassable.

    On a vu ce qu’a donné en quelques années un tel unilatéralisme libéré de tout contrepoids : les conflits et les agressions militaires à répétition, la déstabilisation du Moyen-Orient ou la mise en œuvre d’un libre-échangisme débridé aux effets destructeurs.

    Les vrais Européens ne peuvent donc que se réjouir de voir réapparaître la puissance russe. L’Europe manque désespérément de puissance, en effet, dans un monde de plus en plus dur et concurrentiel, face aux grands blocs de l’Asie, de l’Amérique et de l’Afrique.

    La réintroduction de la puissance russe dans le jeu diplomatique mondial aura nécessairement des effets positifs, comme le montre déjà l’affaire syrienne. La Russie a résisté clairement et patiemment en effet aux fauteurs de « frappes » en vue d’une solution politique en Syrie. C’est-à-dire qu’elle s’est prononcée en faveur de la stabilisation contre l’aventure.

    Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir : merci à la Russie de nous rappeler cette antique loi européenne.

    À l’est la liberté

    Contrairement à ce que nous serinent nos médias, la démocratie – c’est-à-dire le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple – et la liberté sont moins menacées en Russie qu’en Europe occidentale.

    Comme il est curieux qu’un Snowden, qui a dévoilé au monde la réalité de l’espionnage des communications mondiales par les Etats-Unis et leurs alliés, ne puisse trouver refuge qu’en Russie ! Mais pas en Europe de l’Ouest qui se targue pourtant d’accueillir à bras ouverts les réfugiés du monde entier. Comme il est curieux qu’un acteur français célèbre, lassé du fiscalisme et de la médiocrité ambiantes, préfère rejoindre la Russie plutôt que la côte est des Etats-Unis !

    C’est que l’Occident ne vit plus en démocratie mais en post-démocratie : un régime de totalitarisme mou qui vide la nationalité et la citoyenneté de leur sens, un régime où l’Etat se dresse contre la nation et installe la loi de l’étranger. Car les vrais oligarques ne prospèrent qu’en Occident : en Russie ils sont sous contrôle ou ils vont en prison.

    Merci à la Russie de nous rappeler que le salut du peuple – et non celui des banques ou des lobbys – doit rester la loi suprême des Etats.

    Michel Geoffroy http://fr.novopress.info/141380/merci-a-la-russie-tribune-de-michel-geoffroy/#more-141380

  • Orwell éducateur (J-C. Michéa)

    michea

    Comme l’indique d’emblée Michéa, il s’agissait pour lui, avec cet ouvrage, de mettre à disposition du lecteur une « boîte à outils philosophiques » pour déconstruire les mythes modernes de la Technique et de l’Economie. Au-delà de l’entretien initial avec Aude Lancelin, donc, plongée dans une déconstruction méthodique de la théodicée progressiste.

    Orwell est repris par la propagande officielle pour ses deux romans, réduits à l’antisoviétisme. Après sa mort, la CIA a obtenu l’achat des droits d’adaptation de ses romans, s’arrangeant au passage pour en effacer les aspects anticapitalistes et anarchisants (vacuité du film 1984 de Radford avec John Hurt…) – son anticapitalisme étant vu comme obsolète. L’intérêt philosophique des écrits politiques d’Orwell est pourtant profond. Il tient notamment à sa rupture d’avec le dogmatisme et les jeux de pouvoir, et donc avec leur paradigme privilégié, la démocratie représentative contemporaine du politicard carriériste, dont la volonté de puissance fonde secrètement, pas seule mais en grande partie, l’impossibilité présente d’établir une société décente. Cet amour du pouvoir est motivé par l’immaturité, l’égotisme et, si on va au fond des choses, l’incapacité à penser correctement le rapport à l’autre ; le mal veut que les représentants de ces pathologies s’orientent naturellement vers les positions dominantes de la société. De cette analyse, bien sûr, découle le socialisme anarchisant d’Orwell, aussi éloigné des doctrines prédigérées du communisme « réel » que de la soumission au Divin Marché.

    Mais tout cela n’explique pas les raisons de l’occultation de ses écrits théoriques en France, alors qu’il est lu en Angleterre comme l’un des plus grands penseurs politiques du 20ème siècle. Dès la fin des années 30, Orwell a saisi la nature exacte de l’oppression totalitaire. Et, au grand dam de la bien-pensance, cette « nature » dépasse les avatars soviétique et nazi.

    Orwell se voit donc calomnié par la gauche, même encore aujourd’hui, qui n’hésite pas – quelle surprise – à désinformer en inventant des contre-vérités, en conformité aux « mœurs du néojournalisme européen », comme le note Michéa. Calomnies répétitives pour bien laver le cerveau de l’idiot moderne lecteur des organes de la Gauche officielle, car le crime orwellien est impardonnable : défenseur de la liberté individuelle certes, mais critique et de l’Etat, et du capitalisme, en rupture avec la philosophie des Lumières autant qu’avec le messianisme du Marché auto-régulé (« l’ordre spontané » du Marché, comme disent les libéraux). Au fond, avec Orwell, nous avons l’embryon d’une critique globale de l’économie politique apparue dans la modernité étatique, et c’est bien cela qu’on ne lui pardonne ni à « gauche », ni à « droite ».

    Socialiste, ce George Orwell. Mais pour Michéa peu importe le terme, seul importe « ce qu’il induit » ; et ce socialisme est bien loin à la fois du communisme d’Etat : c’est un socialisme ouvrier. Un socialisme nécessairement en rupture avec l’idéologie du Progrès, donc. La question que privilégie Orwell est : « ceci me rend-il plus ou moins humain ? ». Orwell cerne ce dont l’homme a besoin : « l’homme a besoin de chaleur, de vie sociale, de confort et de sécurité : il a aussi besoin de solitude, de travail créatif et de sens du merveilleux » (Michéa). Il critique d’instinct la mécanisation progressive de la vie, critique qui permit l’union, en Angleterre dans les années 1830, des tories et des premiers ouvriers chartistes (socialistes radicaux), contre le nouvel ordre industriel et marchand. Les Réactionnaires sont donc les vrais fondateurs du Socialisme, voilà ce que rappelle Orwell.

    Le Progrès est un messianisme, une religion séculière qui s’ignore, avec son fondamentaliste, l’intellectuel moderne. Il est supposé scientifiquement continu (le fameux « sens de l’histoire »…) et « d’une neutralité philosophique absolue », alors qu’il procède au contraire « d’une métaphysique et d’un imaginaire particulier, eux-mêmes tributaires d’une histoire culturelle précise. » Pour un progressiste positiviste, condamner le capitalisme sur les plans philosophique et moral le capitalisme est donc soit insensé, soit du domaine de la pose. Les progressistes de droite (les libéraux), eux, sont au fond plus cohérents : ils avouent crûment que la fin de l’histoire humaine, préfigurée dans le règne capitaliste du Machinal, est leur finalité. En somme, la Gauche comme la Droite postulent que nous devrions adapter nos manières de vivre à des réformes « mathématiquement nécessaires », mais la gauche fait semblant de vouloir humaniser ces réformes antihumaines par essence, alors que la droite, elle, assume son véritable projet.

    Le Progrès est une vision ethno et chronocentrée (bref, un suprémacisme qui s’ignore), qui nie les alternatives à la commercial society en universalisant « l’imaginaire spécifique » de l’Occident, et en postulant (« théorie des stades ») que chaque développement capitaliste mènerait à une société plus juste par le jeu des améliorations matérielles. C’est, en somme, une belle arnaque. Les choix qui président au Progrès sont faits en réalité au vu des contraintes économiques dans le cadre d’une certaine volonté politique, traduisant une certaine vision idéologique – comme par exemple les recherches technologiques pour limiter la durée de vie des appareils électroménagers à sept ans. Les choix qui président au Progrès ne recoupent donc rien qui ressemble à la poursuite d’une humanité meilleure, ou d’une société plus juste. Et parce que les choix sont faits ainsi, les résultats sont ce qu’ils sont…

    La vision du Progressiste, pour qui rien n’était mieux ni avant, traduit au fond un ensemble de mécanisme psychopathologique – la peur viscérale d’avoir une pensée réactionnaire, par exemple, est pour Orwell liée à la peur de vieillir. Le progressiste est, en fin de comptes, un grand enfant, naïf et limité psychologiquement : ainsi la Gauche – stalinienne comme sociale-démocrate, ou encore notre « gauche plurielle » – voit venir l’abondance matérielle illimitée, sans tenir compte des désirs infinis de l’homme, sans prioriser dans ses désirs, sans même s’interroger sur la question de leur justification.

    Parce que sa réflexion est bornée, l’intellectuel moderne évacue toute complexité de son esprit, se faisant à la fois critique d’une prétendue « réaction » qui s’attaquerait au combat « anticapitaliste », et en même temps apologète du « doux commerce » émancipant l’individu d’une tutelle étatique et policière – forcément… – totalitaire. Tout cela pour une fausse libération, encore plus mutilante que l’ancienne répression : la modernité reconnaît l’homme comme consommateur, mais le nie en tant qu’être humain. Message évident, au fond, mais presque impossible à faire comprendre : l’homme de gauche manque d’indépendance d’esprit, et ne s’intéressera pas à un auteur comme Orwell, en rupture avec les dogmes « humanistes de gauche ».

    Ce prétendu humanisme du Progrès est en réalité profondément mécaniste – au sens cartésien – et antihumain. Les Lumières, partant des comportements « naturellement » égoïstes de chacun, voient « l’homme machine » obéir à des mécanismes rationnels. Le progressisme issu de cette idéologie non sue est, selon Michéa, un processus sans sujet, dont la logique interne est infaillible. De fait, tout appel à une certaine moralité, une common decency (« civilité quotidienne des travailleurs et des humbles »), est raillée. Ce n’est pas, voyez-vous, assez « scientifique ».

    *

    Mais attardons-nous sur le socialisme d’Orwell, et plus généralement sur le socialisme ouvrier, davantage explicité ici que dans Orwell, anarchiste tory.

    En rupture avec les idéologies dominantes, le socialisme ouvrier et populaire est hybride, transversal, contrairement aux faux clivages créés pour défendre l’ordre établi. Il faut donc, selon Michéa, créer un langage commun pour démontrer l’universalité de la domination, et mener à une réelle unité du Peuple. Par exemple, mettre fin aux luttes « de gauche » qui ne s’adressent qu’au peuple de gauche, afin de mettre en place les conditions politiques et culturelles d’une lutte de classe nationale. Conditions et révolution culturelle parallèle pour déconstruire l’imaginaire capitaliste, notamment en dénonçant la confusion du souci de soi et de la réussite individuelle égoïste et narcissique. Pour Michéa, une société décente ou socialiste est une société « où chacun aurait les moyens de vivre librement et honnêtement d’une activité qui ait un sens humain », loin de la destruction des relations intersubjectives.

    Nous sommes ici invités à privilégier Mauss face à Marx, ce dernier oubliant (selon le premier) la « face juridique et morale du socialisme » ; l’action socialiste, pour Mauss, doit être psychique et tendre « à faire naître dans les esprits des individus et dans tout le groupe social, une nouvelle manière de voir, de penser et d’agir. » Syndicat et coopérative socialiste doivent être les bases de la société future.

    Renouer, alors, avec les travailleurs socialistes du 19ème siècle et leurs valeurs : solidarité, sentiment d’entraide, esprit du don, « colère généreuse », « sens de la morale », « intelligence libre », et au contraire refuser l’égoïsme et l’amoralité des sociétés marchandes et industrielles, rompre avec la Philosophie moderne (Helvétius, Beccaria, Bentham) et son axiomatique de l’intérêt égoïste et rationnel. Rompre, encore, avec la propagande publicitaire et l’industrie du divertissement, machines servant à faire intérioriser l’imaginaire moderne.

    Enfin, conclut Michéa, face aux évolutions récentes, la critique orwelienne du Progrès reste actuelle. Le dogme officiel préconise la croissance infinie des forces productives dans un monde écologiquement fini ; en outre, la logique de classe est gardée juridiquement invisible, ce qui permet aux privilèges de subsister, malgré la destruction de l’Ancien Régime ; la pathologie des classes dirigeantes est double : volonté de puissance et désir d’accumuler des richesses ; la logique marchande abolit la distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange ; et le monde de la consommation est « devenu entre-temps culture et manière de vivre à part entière. » Désormais, comme l’expose Zizek – cité par Michéa, c’est « la consommation elle-même qui est la marchandise achetée. » Dans un tel contexte, la critique orwellienne est, plus que jamais, salvatrice.

    *

    Bref, récapitulons ce que nous enseigne la pensée orwellienne, telle qu’exposée à travers cet entretien et ses (très) nombreuses scolies :

    -          le Progrès est un mythe, une foi dont les postulats n’ont aucune base réelle mais reposent sur l’amoralité des élites les énonçant. Comme tout dogme, il est totalitaire par essence car ne souffre aucune contestation sérieuse sans aussitôt se montrer répressif ;

    -          le Progressiste est un croyant, messianiste suprémaciste et amoral, mais aussi infantile, qui a peur de devenir adulte ; il est atteint d’une pathologie du lien et d’une peur adolescente du sentiment (propos de Michéa). L’humanisme des Lumières dont il se réclame est macabre et machiniste. En ce sens, le Progressiste est inhumain ;

    -          seul un Socialisme digne de ce nom, celui des humbles, des travailleurs, de ceux qui restent ancrés dans le réel, est viable. Non parce que le travailleur est à déifier, loin de là, mais parce qu’il conserve des valeurs comme le don agoniste, l’entraide, les fondements qui permettent à toute société humaine d’exister en tant qu’entité collective ;

    -          être Socialiste c’est être réactionnaire, refuser la tabula rasa et ses arguments fallacieux. En prenant conscience de cela, et à toutes fins utiles quand nous savons que l’opposition entre les partis au pouvoir est une fausse opposition, il nous appartient de voir en quoi l’opposition entre le nationalisme et le socialisme est aussi une opposition fabriquée par le pouvoir pour faire apparaître antagonistes des tendances en réalité proches et complémentaires, qui devraient faire œuvre commune.

    Et à nous, nationalistes, Michéa nous donne quelques pistes de réflexion et de découverte complémentaires : Pierre Leroux, Philippe Buchez, Paul Goodman, Christopher Lasch, George Orwell, Pier Paolo Pasolini, Marcel Mauss, André Prudhommeaux… A la lecture !

    Citations :

    (Sur la criminalisation de toute critique du Progrès) : « Dans les sciences progressistes de l’indignation, dont les lois sont soigneusement codifiées, la rhétorique du Plus-jamais-ça autorise ainsi, à peu de frais, tous les morceaux de bravoure possibles, tout en procurant, pour un investissement intellectuel minimal, une dose de bonne conscience, pure et d’une qualité sans égale. Le tout, ce qui n’est pas négligeable, pour une absence à peu près totale de danger à encourir personnellement (on songera tout particulièrement, ici, aux merveilleuses processions de pénitents d’avril 2002). »

    « La mobilité perpétuelle des individus atomisés est l’aboutissement logique du mode de vie capitaliste, la condition anthropologique ultime sous laquelle sont censés pouvoir se réaliser l’adaptation parfaite de l’offre à la demande et « l’équilibre général » du Marché. Cette conjonction métaphysique d’une prescription religieuse (Lève-toi et marche !) et d’un impératif policier (Circulez, il n’y a rien à voir !), trouve dans l’apologie moderne du « Nomade » son habillage poétique le plus mensonger. On sait bien, en effet, que la vie réelle des tribus nomades que l’Histoire a connues, s’est toujours fondée sur des traditions profondément étrangères à cette passion moderne du déplacement compensatoire dont le tourisme (comme négation définitive du Voyage) est la forme la plus ridicule quoiqu’en même temps, la plus destructrice pour l’humanité. Bouygues et Attali auront beau s’agiter sans fin, leur pauvre univers personnel se situera donc toujours à des années-lumière de celui de Segalen ou de Stevenson. Sénèque avait, du reste, répondu par avance à tous ces agités du Marché : « C’est n’être nulle part que d’être partout. Ceux dont la vie se passe à voyager finissent par avoir des milliers d’hôtes et pas un seul ami » (Lettres à Lucilius). »

    La common decency selon André Prudhommeaux, cité par Michéa : « L’anarchisme c’est tout d’abord le contact direct entre l’homme et ses actes ; il y a des choses qu’on ne peut pas faire, quel qu’en soit le prétexte conventionnel : moucharder, dénoncer, frapper un adversaire à terre, marcher au pas de l’oie, tricher avec la parole donnée, rester oisif quand les autres travaillent, humilier un « inférieur » etc. ; il y a aussi des choses qu’on ne peut pas ne pas faire, même s’il en résulte certains risques – fatigues, dépenses, réprobation du milieu, etc. Si l’on veut une définition de base, sans sectarisme ni faux-semblants idéologiques, de l’anarchiste (ou plutôt de celui qui aspire à l’être), c’est en tenant compte de ces attitudes négatives et positives qu’on pourra l’établir, et non point en faisant réciter un credo, ou appliquer un règlement intérieur […] Les rapports entre le comportement (ou le caractère) d’une part, et de l’autre l’idéologie, sont ambivalents et contradictoires. Il y a souvent désaccord profond entre le moi et l’idéal du moi. Tel camarade se pose en adversaire enragé de l’individualisme « égocentrique », de la « propriété » et même de toute « vie privée », qui s’avère un compagnon impossible : persécuteur, calculateur et profiteur en diable : il pense moi, et il prononce nous. » (Texte rédigé en 1956).

    http://www.scriptoblog.com/index.php/notes-de-lecture/philosophie/544-orwell-educateur-j-c-michea

  • Chronique de livre: Eva Cantarella, Les peines de mort en Grèce et à Rome ; origine et fonctions des supplices capitaux dans l’antiquité classique, Albin Michel, 2000.

    evac1.JPGAlors que de plus en plus de personnes se révèlent favorables au rétablissement de la peine de mort en France et que l’on sait que la Biélorussie est le seul pays a encore l’appliquer en Europe, nous allons faire un saut dans l’antiquité pour faire un tour d’horizon de cette pratique en Grèce et à Rome. Si l’historienne italienne Eva Cantarella, professeur de droit antique à Milan, déclare dans sa préface être opposée à la peine de mort, force est de constater qu’elle a fait un travail de recherche précieux et objectif sur un thème qui avait jusqu’alors assez peu retenu l’attention.

    Le titre du livre évoque les peines de mort car, dans la Grèce et surtout dans la Rome antiques, elles étaient plurielles, ce qui n’est pas le cas de nos jours car, là où la peine de mort subsiste, le droit ne prévoit bien souvent qu’un seul type d’exécution. L’étude d’Eva Cantarella ne se borne cependant pas à simplement cataloguer les différents moyens de mise à mort, elle cherche à les expliquer en s’appuyant avant tout sur leur origine. La plupart des peines en vigueur tant en Grèce qu’à Rome (dans sa période républicaine; la période impériale n'étant pas directement traitée ici) puisaient dans le passé archaïque et pré-civique des cités : dans les pratiques sociales (le pouvoir tout puissant du pater familias par exemple) mais aussi dans les us et coutumes religieux. Le droit des cités naissantes se préoccupa en priorité de contrôler ces usages, en les adaptant ou en les réinterprétant selon les cas, et en en faisant bien souvent des pratiques institutionnelles. Ce contrôle des pratiques de mise à mort permettait ainsi à l’Etat d’affirmer son autorité aux yeux de tous, de faire la justice tout en la réglementant mais aussi d’utiliser certaines peines dans un but religieux, afin d’écarter les peurs collectives (comme celle de la souillure). L’auteur a choisi de diviser son étude en deux grandes parties : la première traitant de la Grèce, la seconde de Rome. Les similitudes qui existent sont évidemment soulignées et la principale repose selon Eva Cantarella dans le but poursuivi par la peine de mort : venger, châtier ou expier.

    La vengeance personnelle est, dans l’antiquité, un devoir social et une pratique extrêmement normale et enracinée dans les mœurs. Elle fait partie des attributs du citoyen noble et vertueux. Ancrée au plus haut point dans les sociétés grecque et romaine, elle fut tempérée dans les deux cas par des lois telles la loi de Dracon (-620) à Athènes ou, à Rome, par la Lex Iulia de adulteris d’Auguste (-18) qui voulait restreindre l’impunité dont jouissait le mari ou le père sur la châtiment d’une femme adultère car, tant en Grèce qu’à Rome, la femme et son amant se rendant coupables d’un tel crime, pouvaient, à l’origine, très facilement être tués légalement, surtout s’ils étaient pris en fragrant délit… L’Etat contrôlait la vengeance privée et, à Rome, beaucoup de cas se résolvaient par l’application de la loi du Talion qui consistait pour le coupable à subir ce qu’il avait fait. Dans certains cas graves, la législation permettait l’exécution du coupable par le parent le plus proche de la victime. La vengeance privée n’était pas la seule à être en vigueur, la vengeance publique était également de rigueur et ceux qui trahissaient l’Etat risquaient fort un châtiment peu enviable à l’image de l’écartèlement de Mettius, dictateur d’Albe, qui avait trahi les romains.  

    Dès lors qu’il s’agit de châtier le coupable, que cela soit en Grèce et surtout à Rome - où les peines prévues sont bien plus nombreuses - tous les crimes et délits graves ne se soldent pas par la même exécution. Il faut noter également que le traitement varie selon le sexe, les femmes ayant leurs propres peines de mort. Celles-ci sont ainsi quasiment toujours exécutées dans la sphère privée, pendues ou emmurées vivantes dans la plupart des cas. Si la grande majorité des peines infligées aux hommes étaient publiques, certaines se voulaient discrètes, c’est pour cela qu’on utilisa dans certains cas la ciguë à Athènes : pour ne pas trop faire de bruit autour de l’exécution de personnages tels Socrate. Le lien avec les supplices de la mythologie était souvent entretenu par les cités, l’exemple athénien avec sa crucifixion particulière étant un cas révélateur. Attachés à un poteau grâce à des anneaux de fer et des crampons, les traîtres, les malfaiteurs et les assassins subissaient une longue agonie rappelant celle qu’Ulysse avait infligée à Mélanthios. La crucifixion romaine « typique » était, quant à elle, surtout utilisée pour punir les esclaves, comme ce fut le cas lors de la révolte de Spartacus qui se solda par le supplice de 6 000 hommes crucifiés sur la route de Capoue. Une autre crucifixion primitive avait en effet existé pour punir les traîtres : celle de l’arbre infelix. Remplaçant la décapitation en vigueur sous les premiers rois de Rome, cette exécution était certainement d’origine étrusque. Le traître était attaché à un arbre infelix - donc maudit et consacré aux dieux infernaux -, il était ensuite flagellé à mort car, en le battant, on le consacrait aux dieux.

    On le constate avec ce dernier exemple : souvent, la peine de mort avait un aspect religieux. La plupart des flagellés à mort à Rome étaient coupables d’un délit à caractère religieux à l’image des amants des Vestales qui étaient battus à mort en l’honneur des dieux qu’ils avaient mécontentés. La bonne entente entre Rome et ses divinités, la Pax Deorum, étant rompue, la mort par flagellation permettait de la rétablir. La mort par précipitation est un cas relativement intéressant : elle consistait à précipiter le condamné d’une roche vers un gouffre : le Kaiadas à Sparte, le Barathron à Athènes, la Roche Tarpéienne à Rome. En lien avec la mythologie encore une fois (la mort du Sphinx dans le mythe d’Œdipe etc), cette mise à mort concernait avant tout les crimes religieux (les offenses aux dieux) et politiques dont celui de trahison. C’est ce dernier crime qui était la cause principale des précipitations opérées à Rome. En lien avec l’histoire de Tarpéia, la précipitation était la mort par excellence des traîtres, de ceux qui avaient manqué au devoir de fides (loyauté) : les faux témoins ou les individus ayant mis en danger les relations entre patriciens et plébéiens, donc la concorde. Manquer de loyauté envers la société équivalait à un crime religieux car le devoir envers les divinités n’était pas rempli. La victime précipitée était donc consacrée aux dieux infernaux, comme dans le cas de la flagellation. Le choix de la précipitation n’était pas anodin. Cette pratique avait en effet, selon les époques, servi pour les sacrifices ou les ordalies (jugements divins). Elle fut employée pour les crimes à caractère religieux de manière tout à fait logique ; elle avait une fonction expiatoire : celle de préserver la cité de la souillure. Je m’arrêterais enfin sur un dernier exemple de peine en vigueur à Rome, la peine de mort la plus étonnante qui soit : celle du sac. Le condamné à mort, portant un masque de loup signifiant le bannissement de la société, était préalablement battu avec des verges rouges provenant d’arbres infelix, avant d’être mis dans un sac de cuir où on l’y enfermait avec quatre animaux : un chien, une vipère, un singe et un coq. Le sac était ensuite jeté dans la rivière ou dans la mer. Peine exceptionnelle, à la symbolique compliquée, elle touchait les parricides qui avaient, par leur crime, souillé la communauté. Celle-ci devait donc, pour laver la souillure, se débarrasser du coupable et de son impureté en le submergeant, manière dont on tuait d’ailleurs à Rome le nouveau-né mal formé et donc souillé, le monstrum, qui était un prodige funeste…

    Même si quelque peu « technique » par moments, ce livre de facture universitaire est clair et bien écrit. En plus des aspects les plus significatifs que j’ai tenté de présenter plus haut, il regorge d’informations sur d’autres peines de mort et pratiques apparentées (à l’image du suicide à Rome par exemple), c’est donc un ouvrage de grand intérêt nous éclairant sur bien des aspects méconnus de l’antiquité gréco-romaine.

    Rüdiger http://cerclenonconforme.hautetfort.com/index-35.html

  • Pour une Grande Alliance eurasienne et ibéro-américaine

    Extrait d’une conférence prononcée par Robert Steuckers à la tribune de l’association “Terre & Peuple” de Nancy, 26 novembre 2005
    Henri de Grossouvre a publié naguère un ouvrage important, suggérant à ses lecteurs les bases concrètes d’une alliance Paris/Berlin/Moscou. Cette alliance, nécessaire, ne pouvait être que défensive, n’être qu’une première étape en direction d’un projet plus vaste, dans la mesure où les territoires de cette “Triplice” étaient dépourvus de glacis, surtout en Asie centrale, après la dissolution de l’URSS, héritière de l’empire des tsars dans cette région. Pour être complète, l’alliance doit également comprendre l’Iran, l’Inde, la Chine et le Japon. De cette façon, la puissance thalassocratique du Nouveau Monde éprouverait d’immenses difficultés à se fixer et s’incruster dans les rimlands et à y disloquer les cohésions impériales.
    Les cinq premières puissances de cette alliance à sept, jusqu’ici hypothétique, sont indo-européennes, c’est-à-dire qu’elles ont des références à un passé indo-européen, en dépit de l’adstrat chrétien ou musulman, le bouddhisme étant une émanation particulière de la psyché indo-européenne de l’Inde, portée au départ par un prince indien, issu de la classe des kshatriyas. L’Iran n’est islamiste aujourd’hui que parce les Etats-Unis ont soutenu Khomeiny au départ, pour éliminer le Shah et son programme de retour aux racines perses de l’antiquité, assorti d’une vision diplomatique active axée sur l’organisation du pourtour de l’Océan Indien. Le projet géopolitique du Shah était visionnaire et intéressant: Zaki Laïdi et Mohammed Reza Djalili, géopolitologues de langue française, originaires du monde musulman et, de ce fait, excellents connaisseurs des sources arabes, iraniennes, pakistanaises et indiennes, l’ont bien mis en exergue dans leurs divers travaux. La nouvelle campagne médiatique contre l’Iran, engagée à fond depuis cet automne, au nom de la non-prolifération des armements nucléaires, est un prétexte, un de plus, pour intervenir sur le rimland eurasien, et élargir les conquêtes effectuées en Afghanistan et en Irak.
    Le projet de « Grand Moyen Orient »
    Comme le titrait le Corriere de la Sera du 25 novembre 2005, l’Iran envisage de traiter son uranium sur le sol russe, échappant de la sorte à d’éventuelles représailles américaines ou israéliennes. Beijing soutient ce projet, tout simplement parce que l’apport de pétroles iraniens est vital pour la Chine en pleine expansion, une expansion que tente de contrecarrer Washington.
    L’Europe, pour sa part, n’a aucun intérêt à ce qu’un embargo général, dans le cadre de sanctions décidées par Washington, soit imposé à l’Iran: elle en ferait les frais, car les échanges entre les Etats-Unis et l’Iran sont infimes; de ce fait, les manques à gagner frapperaient uniquement les exportateurs européens de technologies, qui, en ne commerçant pas avec l’Iran, ne bénéficieraient pas de fonds suffisants pour investir ultérieurement dans la recherche et les innovations. L’affaire iranienne, si elle est analysée au départ des règles éternelles de la géopolitique, pourrait contribuer à consolider, de manière effective, un projet de défense commun sur la masse continentale eurasienne, car, en frappant l’Iran, les Etats-Unis frapperaient le coeur géopolitique de l’espace central de cette immense masse territoriale, feraient tomber le dernier obstacle politique à leurs projets. Ils veulent en effet fabriquer un “Grand Moyen Orient”, équivalant au territoire de l’USCENTCOM, et qui serait le débouché majeur de leurs industries de consommation, tout en excluant toutes les autres puissances économiques de ce marché juteux. Ni Moscou ni Beijing ne peuvent le tolérer, car ce ré-agencement géostratégique réduirait leurs territoires respectifs à une périphérie affaiblie, sans accès à l’Océan du Milieu, objet de toutes les convoitises impériales depuis la plus haute antiquité.
    Dans cette synergie, qui se dessine actuellement, les sixième et septième puissances de l’hypothétique “Grande Alliance” (GA), que nous appelons de nos voeux, soit la Chine et le Japon, commenceraient par restaurer la fameuse “sphère de co-prospérité est-asiatique”, qui donnerait ipso facto cohérence à l’aire orientale de la masse continentale eurasienne. Sur le plan spirituel et métaphysique, ces deux puissances reposent sur des religions autochtones non prosélytes, non messianiques. On ne peut donc pas se servir d’une religion de ce type, dans ces deux pays, pour déclencher désordres et révolutions, comme on le fait avec l’islam, ou pour enclencher un processus d’auto-dénigrement masochiste, comme on le fait avec le christianisme en Europe, et plus particulièrement en Allemagne et dans les pays protestants. L’héritage religieux, en Chine et au Japon, y est un faisceau de legs ancestraux, de rites et de coutumes qui échappent à toute manipulation, car elles sont fixes et immuables, tout en permettant la modernité technologique.
    La Chine se défend
    Dans l’espace de co-prospérité est-asiatique, il y a certes l’Indonésie, agitée par quelques sectes fondamentalistes musulmanes, mais ses réseaux nationalistes, arrivé au pouvoir après 1945, ont participé aux efforts japonais, pendant la seconde guerre mondiale, pour que cette sphère voie le jour et se consolide. Le projet de “Grande Alliance” —qui comprendra aussi la Thaïlande, autre ancien allié des Japonais, considéré pendant longtemps comme “pays ennemi des Nations-Unies”— implique la défense, dans ce pays, de la tradition nationale bouddhiste contre les menées subversives d’éléments fanatiques musulmans dans le sud, qui entendent déstabiliser le pays et freiner son élan économique.
    La Chine, de son côté, s’est toujours défendue contre les désordres provoqués par les nomades hunniques et turco-mongols: c’est sa raison d’être, le secret de sa continuité politique pluri-millénaire. De ce fait, fidèle à cette continuité, à cette longue durée, en dépit des idéologies occidentales et modernistes qui l’ont travaillée, elle n’est pas prête à lâcher du lest dans le Sinkiang, anciennement dénommé le “Turkestan chinois”, ni à y accepter l’émergence de bandes insurrectionnelles musulmanes, turco-ouïghoures, téléguidées par un panturquisme activé en ultime instance par les Etats-Unis. Et qui viserait à détacher ce Sinkiang de la sphère d’influence chinoise (et russe) pour en faire un éventuel appendice du “Grand Moyen-Orient”. Les Etats-Unis réaliseraient par personnes interposées le projet arabo-musulman jadis avorté de conquérir les avant-postes turkestanais de la Chine et, dans une phase ultérieure, se serviraient, pendant longtemps, du trop-plein démographique musulman pour contenir la Chine sur ses confins occidentaux.
    Le problème de l’Islam, et plus exactement de ses factions les plus extrémistes, c’est qu’il est allié des Etats-Unis, en dépit des proclamations et des rodomontades, des attentats et des croquemitaines que l’on agite dans les médias. L’espace du “Grand Moyen Orient” (GMO), voulu par les Américains, sera musulman, si possible rétrograde pour éviter tout envol industriel et économique (comme l’envisageaient les agents de la CIA qui ont mis Khomeiny en selle), de préférence prosélyte pour grignoter les territoires adjacents comme en Thaïlande, mais aussi, à terme, dans la vallée de la Volga et de la Kama sur le territoire de la Fédération Russe, dans le Sin-Kiang contre la Chine et dans les communautés immigrées en Europe occidentale (qui serviront, le cas échéant, quand il le faudra, de leviers pour provoquer des désordres ingérables, déstabiliser les systèmes de sécurité sociale et affaiblir financièrement les concurrents européens sur tous les plans, comme on le voit aujourd’hui, en novembre 2005, dans les banlieues des grandes villes françaises).
    La leçon de Naipaul, Prix Nobel de littérature
    L’antidote idéologique à ce prosélytisme virulent nous est livré aujourd’hui par le Prix Nobel de littérature V. S. Naipaul, un Indo-Britannique auquel nous devons plusieurs livres très intéressants sur le destin de la civilisation indienne, minée par le prosélytisme islamique. Naipaul, notamment dans India: A Wounded Civilization et Among the Believers. An Islamic Journey, démontre la nocivité de tout prosélytisme, car il mutile en profondeur les peuples ou les civilisations qui le subissent. Le premier de ces livres a été écrit en 1975, à la suite d’une troisième visite en Inde, patrie de ses ancêtres qui l’avaient quittée pour se fixer en Jamaïque. Ses pérégrinations d’émigré, qui revient à ses sources, lui révèlent la profonde mutilation de l’Inde hindouiste, après des siècles de domination étrangère, musulmane et britannique.
    Cette blessure fait que l’Inde n’avait pas encore trouvé l’idéologie de sa régénérescence, car le gandhisme, malgré qu’il ait in fine obtenu l’indépendance du sous-continent, se solde, aux yeux de Naipaul, par un échec. Le gandhisme ne fait pas revivre le passé, ne donne pas les recettes d’un Etat efficace, viable sur le long terme; il exprime les sentiments d’une Inde qui résiste, mais nous pas d’une Inde qui guérit et ressuscite, se fortifie et s’impose. Sous les coups d’un prosélytisme étranger, un “vieil équilibre” a été rompu, constatait Naipaul en 1975, la règle qu’il énonce là pouvant s’appliquer à tous les prosélytismes et à tous les “vieux équilibres” qu’ils ont rompus au cours de l’histoire.
    Prosélytisme islamique et prosélytisme médiatique
    Le second livre, que nous évoquons ici, montre la rage que les nouveaux convertis développent pour détruire les legs de leur civilisation-mère. L’apport de la Chine et du Japon serait dès lors, dans la “Grande Alliance”, celui d’une force qui résiste aux prosélytismes, qui leur demeure imperméable, qui permet de garder ses forces originelles intactes, de ne pas rompre le “vieil équilibre”. Au 21ième siècle, cette force servirait à résister à deux formes de pénétrations mutilantes, de prosélytismes actuels, l’un laïc, l’autre religieux: celle du discours médiatique véhiculé par les grandes agences de presse américaines et celui de l’Islam, sur le terrain, à la périphérie du “Grand Moyen Orient” (GMO).
    Les médias américains servent à endormir et distraire les esprits en Europe et en Russie, à oblitérer la conscience géopolitique; le prosélytisme islamique sert à élargir l’espace du GMO par une application dosée et bien téléguidée de la djihad contre les minorités non musulmanes ou contre des pays limitrophes afin de grignoter leurs frontières (comme ce fut le cas avec les mudjahiddins et les talibans: argent saoudien et armes américaines); ensuite ce prosélytisme sert à disloquer la paix intérieure dans les pays européens accueillant une forte immigration islamique (les événements de la France en novembre 2005 deviendront à ce titre un exemple d’école).
    Les deux prosélytismes ont pour objectif de gommer des mémoires vives, de briser des continuités historiques, d’instaurer des systèmes manipulatoires. Sans mémoire vive, sans le sentiment de vivre dans une continuité historique, les peuples, comme le peuple indien selon Naipaul, tombent dans l’apathie, chavirent dans le désordre et la putréfaction, après des crises de fanatisme et d’iconoclasme.
    HUIT AXES D’ACTION
    Concrètement, la Grande Alliance émergera, si les dirigeants européens, russes, chinois, iraniens, indiens et japonais appliquent huit axes d’action:
    1. Réaliser de concert un réseau indépendant d’oléoducs et de gazoducs dans toute l’Eurasie (cf. les articles de Gerhoch Reisegger dans Au fil de l’épée/Arcana Imperii). La visite récente de Poutine au Japon, où les pourparlers ont été concluants, abonde dans ce sens. Poutine vise à arbitrer un équilibre entre la Chine et le Japon, alors que les grandes agences médiatiques excitent les deux puissances asiatiques l’une contre l’autre, au nom de différends issus des années 30 et 40. Cette politique vise à raviver de vieux conflits, aujourd’hui dépourvus de pertinence, et à entraver toute synergie commune en matière de communication et de transport de l’énergie dans cette région à très forte densité démographique. Notre objectif doit être de contrer cette propagande, de créer les conditions idéologiques qui la rendraient inopérante, de faire éclore les réflexes psychologiques forts qui les rendraient nulles et non avenues.
    2. Créer un réseau de routes et de chemins de fer entre la Russie, la Chine, les Corées et le Japon, d’une part, la Russie et l’Inde, d’autre part. La nécessité d’assurer des liaisons terrestres optimales entre la Russie et l’Inde donne tout leur relief aux questions tadjiks et cachemirites. En effet, le Tadjikistan et le Cachemire sont des terres indo-européennes, partiellement islamisées mais persophones au Tadjikistan, qu’il convient de dégager de toutes influences étrangères. Le soutien à l’Inde, dans ses revendications légitimes à l’endroit du Cachemire, est un impératif incontournable de la future nouvelle géopolitique de la Grande Alliance. En aucun cas, le Cachemire et le Tadjikistan ne doivent être inclus dans le GMO.
    Le projet GALILEO
    3. Sous l’impulsion de l’UE, le Grande Alliance (GA) doit se constituer autour du projet satellitaire GALILEO, qui doit être la réponse européenne, russe, chinoise et indienne à la domination américaine dans l’espace et, partant, dans le domaine des télécommunications. La demande d’Israël, de participer à ce projet, doit être vue avec la plus grande méfiance, vu les liens trop étroits de vassalité qui lient ce petit pays du Moyen Orient au géant américain.
    4. Il faut soutenir et amplifier le projet de gazoduc de la Baltique, créant de facto un axe économique germano-russe. Ce projet, en voie de réalisation grâce à l’entêtement de l’ancien Chancelier Schröder, permet de contourner les pays de la “Nouvelle Europe”, satellisés par les Etats-Unis, comme l’Ukraine, après sa “révolution” orange, comme la Pologne, entièrement inféodée à l’OTAN, et la Lituanie, qui suit la même détestable orientation. Le gazoduc de la Baltique a permis de réduire à néant la nouvelle stratégie du “cordon sanitaire”, soit la création d’un chapelet de puissances petites et moyennes entre l’UE (jadis l’Allemagne) et la Fédération de Russie (jadis l’URSS), auxquelles on accorde une garantie parce qu’elles s’inféodent à l’OTAN. Cette contre-stratégie germano-russe avait connu un antécédent en 1986, avec le projet de relier, par un système de ferries et de gros transporteurs, le port de Memel/Klaipeda en Prusse orientale à Kiel, et via le canal de Kiel, à la Mer du Nord. Avant que ces tractations n’aboutissent, tout au début de l’ère Gorbatchev, le ministre-président du Slesvig-Holstein avait été retrouvé mort, assassiné, dans sa baignoire... (cf. Vouloir, n°30 & 31). On n’a jamais retrouvé les assassins. Si la future Grande Alliance ne peut atteindre l’Océan Indien, vu la présence militaire américaine dans les eaux de cet “Océan du Milieu”, elle doit avoir une ouverture sur le large en Mer Baltique. Ainsi se réalisera le rêve de Haushofer: celui de la “Troïka” eurasiatique, avec les trois chevaux que sont l’Allemagne (l’UE), la Russie et le Japon. Une autre stratégie de “dés-étranglement” est en train de se mettre en place dans l’Arctique: les brise-glace russes de la nouvelle génération, qui sont simultanément des usines nucléaires flottantes, générant leur propre énergie, ouvriront bientôt la voie du Nord et relieront Hambourg au Japon.
    Briser l’alliance entre Washington et Ankara
    5. Autre objectif: faire sauter l’alliance entre les Etats-Unis et la Turquie. Cette alliance, indéfectible jusqu’aux prémisses de l’invasion de l’Irak en mars 2003, bloquait l’Europe dans les Balkans, visait l’endiguement de l’UE sur le cours du Danube à hauteur de Belgrade, empêchait une voie terrestre directe entre la plaine hongroise et l’Egée, et endiguait ensuite la Russie en Mer Noire et dans le Caucase. Clinton, dans les discours qu’il avait tenus à Istanbul et à Ankara lors de sa dernière visite officielle en Turquie, jouait à fond la carte de l’alliance américano-turque; il exerçait des pressions constantes pour faire entrer la Turquie dans l’UE, de façon à ce que les Européens épongent les déficits turcs et accueillent son trop-plein démographique. Bush ne suit pas exactement la même politique, une politique qui était dictée, certes par les droits de l’homme, mais encore pour une bonne partie par le jeu classique des alliances. Bush II, lui, privilégie une stratégie pétrolière, bien dans la tradition de sa famille et des lobbies qui la soutiennent. La guerre en Irak est, à l’évidence, une guerre pour le pétrole. Les pétroliers américains veulent s’assurer la gestion de toutes les nappes pétrolifères du pays, voire de la région, pour trois raisons essentiellement:
    a) maximiser leurs profits dans l’immédiat et couvrir les frais des opérations militaires;
    b) pomper le pétrole partout et diminuer ainsi la dépendance à l’égard du pétrole saoudien, vu l’ambiguïté de la politique saoudienne, qui proclame, d’une part, sa fidélité à l’alliance américaine, mais, d’autre part, est “mouillée” dans l’affaire d’Al Qaeda, un réseau de la stratégie anglo-saxonne de l’“insurgency”, mais qui a suivi sa propre piste, jouant double ou triple jeu (cf. les ouvrages d’Eric Laurent à ce sujet);
    c) ôter la gestion du pétrole à toutes les autres puissances de la masse continentale eurasienne, exploiter les champs pétrolifères pendant les années de “pic pétrolier” et au cours des premières décennies du déclin annoncé du pétrole, afin d’engranger des plus-values pour financer les technologies de l’après-pétrole et continuer de la sorte à dominer la planète.
    Avec les promesses de Clinton, les Turcs avaient espéré récupérer la région du Kurdistan irakien autour des champs pétrolifères de Mossoul, quitte à envahir cette province septentrionale de l’Irak, à y liquider les implantations du PKK kurde et à l’annexer de facto, de manière à gagner une certaine indépendance énergétique, dont ils étaient privés depuis les accords de Lausanne en 1923. La stratégie américaine aurait dans ce cas parié sur son allié de longue date et fait jouer la position centrale de la Turquie dans l’arc de crises qui va des Balkans à la frontière iranienne. Mais faire jouer l’armée turque, comme le voulait la dernière administration démocrate, impliquait de renoncer à des puits particulièrement abondants. La stratégie pétrolière de Bush II ne pouvait l’accepter. Faire la guerre contre Saddam Hussein exigeait une mise énorme, qui, à terme, en butin, devait rapporter gros. Les puits du Kurdistan irakien ont constitué ce butin idéal. Pas question donc de le laisser aux Turcs.
    Depuis les préliminaires de la guerre contre l’Irak, les relations américano-turques se sont considérablement refroidies. L’opinion publique turque se sent trahie. Non récompensée pour son indéfectible fidélité à l’Alliance Atlantique, depuis les prémisses de la guerre froide et la Guerre de Corée, où les troupes turques avaient payé le prix du sang pour se faire accepter dans la “communauté atlantique”.
    Pire: pour conserver cette place qu’elle estimait valorisante, la Turquie avait créé les conditions matérielles de sa rupture avec les pays arabes du Croissant Fertile. Le barrage Atatürk, inauguré par l’ancien homme fort de la Turquie, Özal, entre bel et bien dans la ligne kémaliste, occidentaliste et libérale. La construction des barrages reflète une volonté de couper avec le monde arabe, avec les sources du pétrole, avec le passé ottoman. En coupant le cours des fleuves du Croissant Fertile, en limitant leur débit, les Turcs fragilisent ipso facto les économies et les agricultures de leurs voisins arabes. Ce qui va dans l’intérêt des Etats-Unis, qui, à terme, pourront pratiquer leur éternelle politique d’aide alimentaire (Food Aid) contre des matières premières ou des concessions politiques, et à consolider ainsi leur emprise sur les Etats.
    Soutien total à l’Arménie
    6. Faire sauter l’alliance américano-turque implique un soutien à l’Arménie enclavée dans le massif caucasien. L’an dernier, en août 2004, quelques semaines à peine avant l’abominable massacre des écoliers de Beslan en Ossétie, l’armée arménienne avait organisée des manœuvres remarquées dans la région, avec l’appui russe, démontrant par là même que le pays constituait un solide abcès de fixation, empêchant le projet panturquiste de s’élancer de l’Egée aux confins chinois, comme l’avait espéré Özal. Il faut avoir en tête que la dynamique du projet panturquiste, ou pantouranien, est l’un des ingrédients qui sert les Etats-Unis à créer le « Grand Moyen Orient » ou à asseoir leur domination sur la « nouvelle Route de la Soie », comme l’a théorisé Zbigniew Brzezinski (« New Silk Road Project »). L’objectif de toute bonne politique eurasienne serait dès lors de ralentir ou de contrer tous ces projets, en mobilisant les forces hostiles au panturquisme. Le hérisson militaire arménien est de première utilité dans toute contre-stratégie de la « Grande Alliance » que nous appelons de nos vœux.
    7. Il convient ensuite d’organiser l’espace pontique, les pays riverains de la Mer Noire. Les grands axes fluviaux que sont le Danube, le Dniepr, le Don et, via le canal Don-Volga, la Volga et le bassin de la Caspienne doivent être organisé en synergies, en en excluant la Turquie, qui est étrangère à l’espace pontique, vu qu’aucun fleuve important ne provient du territoire anatolien et ne participe à la synergie hydrographique de la région. L’espace pontique doit être dominé par les puissances qui lui donnent l’eau de leurs fleuves, dans la perspective des puissances européennes qui ont voulu soustraire cet espace de civilisation à l’emprise de conquérants étrangers, des Seldjoukides aux Ottomans. Pour notre tradition politique, la reconquête de cet espace pontique, pour la consolidation de l’Europe, est inscrite à l’ordre du jour depuis plus de six siècles, depuis le Duc de Bourgogne Jean Sans Peur et la création de l’Ordre de la Toison d’Or : tous ceux qui s’y opposent, à commencer par les sinistres souverainistes gallicans qui suivent la détestable tradition de François I, sont de vils traîtres, qu’il faut empêcher de nuire et combattre sans merci. L’espace pontique sera dès demain le site sur lequel transitera le brut de la Caspienne et les gaz de Russie et du Kazakhstan : aucune puissance qui n’est pas européenne de souche ne devrait avoir barre sur l’acheminement de ces matières premières.
    Soutien total à Chavez
    8. Enfin, il convient de défendre les intérêts communs des principales composantes eurasiatiques de la « Grande Alliance » en Amérique ibérique et d’englober ce continent dans le combat planétaire contre Washington. Dans l’immédiat, cela implique un soutien sans faille à Chavez, président du Venezuela. L’Espagne, au nom de l’hispanité, a un rôle-clef à jouer dans cette stratégie. La présence de Zapatero au sommet latino-américain de la fin de l’année 2005 avait été un signe prometteur : Zapatero y avait affirmé le refus de tout boycott contre Cuba, qui, pour nous, demeure une province espagnole, puisque nous n’acceptons pas les retombées de la guerre hispano-américaine de 1898, déclenchée après un casus belli fallacieux et une campagne de presse hystérique et mensongère, orchestrée par l’infâme Teddy Roosevelt. Condoleeza Rice a évidemment refusé de mettre un terme à ce boycott, ce qui a créé l’unanimité contre elle et donné le rôle de la vedette à Zapatero, qui ne tiendra évidemment pas ses promesses de faux socialistes à la mode. Le premier ministre espagnol a promis de vendre des armes au Venezuela, de façon à ce que celui-ci puisse, disent les autorités américaines, « exporter sa révolution bolivariste » partout en Amérique ibérique. Lors de ce sommet, dont les travaux permettent de dégager les grandes lignes d’une éventuelle politique eurasiatico-ibéro-américaine, la promesse de vendre des armes espagnoles à Chavez est une riposte parfaitement justifiée à la vente de F-16 et d’autres matériels performants au Maroc, juste avant l’invasion de l’îlot de Perejil en juillet 2002, un acte de guerre que l’on peut considérer comme purement « symbolique ». Mais l’Europe ne peut se permettre de perdre une bataille « symbolique » supplémentaire, surtout dans le bassin occidental de la Méditerranée.
    Conclusion philosophique
    La vulgarisation de ce programme, son ancrage dans les pratiques diplomatiques, est le but de notre combat. Notre combat est identitaire ; il vise un retour à notre identité, à notre authenticité profonde. Mais cette authenticité ne saurait demeurer une petite pièce de musée que l’on admire avec tendresse, sans agir. Hegel nous a enseigné qu’être homme, cela ne se faisait pas seul, mais que cela se faisait au sein de « nous collectifs ». Hier, ces « nous collectifs » étaient des identités régionales ou nationales. Aujourd’hui, nous visons l’avènement d’un « nous collectif » plus vaste, celui de la communauté des peuples européens et des peuples qui refusent la logique du prosélytisme qui, comme nous l’a enseigné Naipaul, éradique les identités et rend les hommes malheureux. Hegel disait que nous ne pouvions vivre notre liberté que si nous donnions un sens, notre sens, à la réalité concrète du monde qui nous entoure. L’humanité est un mot vide de sens, ajoutait-il, si les hommes ne retournaient pas à leur moi profond avant d’arraisonner une réalité concrète, ici et maintenant, une réalité concrète qui subit sans cesse des mutations et des changements qu’il s’agit aussi d’affronter. Et l’ « humanité » de nos adversaires est effectivement un mot vide de sens, puisqu’ils refusent ce retour à l’authenticité profonde des peuples pour adopter les schémas figés, dépourvus de dialectique combattante, invitant à la démission, que leur suggèrent les prosélytes de tous poils, surtout ceux qui véhiculent les discours médiatiques. Washington représente la thèse, le pouvoir mondial en place, figé, dépourvu de sens pour les autres ; notre Grande Alliance représente l’anti-thèse, encore fragile, encore en jachère, mais seule pourvue d’un réel dynamisme. Je vous invite à y participer.
    Robert STEUCKERS, Forest-Flotzenberg, Nancy, novembre 2005.
    http://robertsteuckers.blogspot.fr/