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culture et histoire - Page 1806

  • "Merde in France" (1)

    Chacun sait que durant les vingt-trois premières années de la cinquième république la gôche resta dans l'opposition. Fortement empreinte de marxisme dès lors où il était question de critiquer la structure en place, la Sfio et ses descendants incarnèrent, contrairement à d'autres pays européens, l'ancrage politiquement excentré. La critique du capitalisme, notamment durant la première décennie de la cinquième république fut tellement peu fondée, que même Albin Chalandon, ministre de l'industrie sous Pompidou, finit par reconnaître que l'économie française ressemblait à cette époque davantage à l'économie soviétique qu'à celle des Etats-Unis. Depuis 1981, soit 32 ans, la gôche exerça le pouvoir 18 ans. En conséquence, même si c'est de peu, elle eut durant cette période davantage les rênes en ses mains que la droate.

    Le bilan si on prend en compte le dernier tiers de siècle, droate et gôche confondues, apparaît aujourd'hui comme particulièrement désastreux. Il me semble nécessaire d'ajouter à cette période, l'intégralité du septennat de Valéry Giscard d'Estaing, tant il augure les décennies qui suivirent, avec la furieuse envie d'y inclure aussi le quinquennat de Georges Pompidou, responsable par exemple de la détestable loi Pompidou-Giscard de 1973.

    En revanche, tout à fait différente, fut la décennie précédente lorsque le général de Gaulle fut au pouvoir. Le général donna à la France une nouvelle république, autrement plus musclée que les précédentes, gage de stabilité politique. Concernant l'économie, le gaullisme fut le choix d'un juste milieu entre capitalisme et communisme, que l'on peut qualifier d'économie mixte voire planifiée. Dernier volet, cette fois ci concernant la géostratégie et le diplomatie, le choix du général, peut être bien marqué par son attirance originelle pour l'Action Française, fut celui du renvoi dos à dos de l'Urss et des Usa. Cette option courageuse était à l'époque d'autant plus risquée que le pacte de Varsovie attendait son heure à nos portes.

    Alors que, pour l'instant, Valéry Giscard d'Estaing passe pour être le président le moins aimé de cette république, il me semble que sur le long terme, c'est lui qui a gagné. La société dans laquelle nous vivons aujourd'hui n'est autre que la sienne. Jamais Vge ne fut républicain, même s'il appartint à un parti du même qualificatif, thuriféraire de la démocratie libérale qu'il fut. La société dans laquelle nous sommes aujourd'hui contraints de vivre est la sienne et nullement celle du général de Gaulle le jacobin ou de François Mitterrand son lettré opposant. Souvenons nous justement du gouvernement Mauroy, celui-là même qui maintint les magnétoscopes japonais bloqués dans les ports français. Souvenons nous aussi du plan de nationalisations opéré par le ce gouvernement, même si la nationalisation à 100% était à l'évidence abusive, permettant de conserver dans le giron français de très nombreuses entreprises qui eurent été avalées sinon...

    Le grand vent libéral, initié par Reagan et Thatcher voici plus de trente ans , a dévasté le monde et occasionné bien des naufrages. L'Europe de Bruxelles qui n'est autre que celle qui s'inspire de la pensée anglo-saxonne, est peut être satisfaisante pour l'Angleterre, mais nullement pour les colbertiens que nous sommes par tradition. La diminution de nos avantages, inhérents au fait français, vient de cet absurde choix d'une société qui n'est pas conforme à notre génie national. L'erreur serait de croire que les Français aient tous à pâtir de ce choix. On vient d'apprendre ainsi que les 500 Français les plus riches, avaient vu le montant de leur fortune augmenter de 25% en l'espace d'un an. 25% ! Dans le même temps, les Français que l'on peut qualifier de normaux ou de représentatifs, viennent de voir les intérêts - déjà faibles - de leur compte épargne, encore une fois diminuer. Voilà qui ne surprendra pas les marxistes, dont le modèle sociétal de référence en matière de capitalisme est pyramidal. Si l'extrême pauvreté ne touche pas, en terme de pourcentage, beaucoup de Français, force est de constater, qu'ils sont très nombreux à surveiller de très près leur compte courant par peur de passer dans le rouge. C'est ainsi que la formulation naguère erronée et propagandiste, d'une France de riches toujours plus riches et de pauvres toujours plus pauvres, est aujourd'hui devenue valide. A titre d'exemple et de justification, l'exécutif a déjà autorisé pas moins de 10 milliards de hausse de prélèvements pour l'année 2014. La TVA par exemple, augmentera de 6 milliards. Rappelons que la Tva est payée par tous , et que les différents taux vont grimper. Rappelons aussi que ce sont les plus pauvres – merci la gôche, l'autre façon d'être libéral – qui sont les premières victimes de cet impôt indirect. Bien évidemment, une diminution majeure de l'impôt sur les sociétés – entendez les grandes – est aussi prévue.

    Le phénomène est général et engendre des conséquences sociales. A titre d'exemple, au début des années 60, c'est 22% des élèves des grandes écoles d'ingénieurs qui étaient issus de milieu populaire; aujourd'hui ils ne sont plus que 9%. Rappelons aussi que le fait "Sdf" n'était pas voici 35 ans. C'est un aspect désormais banal de la société contemporaine.

    Les Etats-Unis, Bruxelles, et nos gouvernements successifs et complices, descellent progressivement les différentes briques du mur français. L'idée même d'immigration, ridicule en période de crise économique intense à fort taux de chômage – qui peut contester ? - continue d'être portée aux nues malgré les évidences. Il n'est d'ailleurs pas impossible que cette immigration avec ce qu'elle implique de communautarisme et d'affaiblissement de la nation, ne satisfasse les «élites» au motif que notre société ressemble de plus en plus à celle existant outre-atlantique, contribuant ainsi à souder les deux entités.

    Je pense sincèrement que tout ce processus a été élaboré et pensé. Et en ce sens, il y a préméditation. Voilà qui justifie au motif des évidences, quitte à choquer les donneurs de leçons qui pousseront les hauts cris, le terme bien connu de «complot».

    Philippe Delbauvre http://www.voxnr.com

    note

    (1) Jacques Dutronc, bien sur.

  • N’en déplaise à Christian Vanneste : vive Louis XVI !

    Sidérant, de lire sous la plume d’un homme de culture et plutôt bien inspiré habituellement, tel que le député honoraire Christian Vanneste, un tissu d’inepties, au prétexte de faire de l’esprit accommodé de quelques bons mots épicés.

    En substance, le président du Rassemblement pour la France, parti groupusculaire s’il en est, compare de manière caricaturale et grossière le mollasson François Hollande et sa « cour » de médiocres ego avec nos rois de l’Ancien Régime. À bien le lire, on croit même trouver sous les traits de François Hollande une résurgence du malheureux Louis XVI que l’historiographie républicaine affubla des pires tares. L’iconographie de l’article est, d’ailleurs, on ne peut plus explicite.

    Ce qui est excessif est inutile, jugeait Talleyrand. Aussi devrait-on tenir ce texte pour ce qu’il est : un libelle d’humeur maussade où affleure la plus évidente mauvaise foi. Pourtant, il est révélateur d’un état d’esprit général autant que d’une amnésie singulière qui caractérise nos concitoyens à l’égard de la plus terrible rupture anthropologique et épistémologique que notre pays ait jamais connue : la Révolution française. [...]

    Aristide Leucate - La suite sur Boulevard Voltaire

    http://www.actionfrancaise.net

  • Le fantôme du libéralisme

    L’’effondrement du modèle social français n’’a pas que des mauvais côtés. D’’une part parce que l’’extension du centralisme bureaucratique n’a jamais été une bonne chose pour nos libertés, d’’autre part parce qu’’il permet de constater que la tradition libérale française existe toujours, et demeure hélas dans l’’erreur.
    Retour du libéralisme sauvage
    Les contours de cette tradition, qui existe pourtant bel et bien, demeurent toutefois assez flous pour qu’’Alain Laurent se prête, dans Le libéralisme américain, à un travail de clarification sémantique. La polysémie du mot libéral” fait de son usage un exercice délicat. En France, libéral, presque toujours précédé du préfixe “ultra” ou “néo”, renvoie à un courant politique qui fait de l’’économie de marché le meilleur régulateur des rapports humains, et de l’’État l’’ennemi absolu des libertés individuelles. En Angleterre et aux États-Unis, être libéral, c’est accepter l’intervention de l’’État en économie, être progressiste en morale et bien souvent pacifiste en politique. En bref, c’’est un quasi-synonyme de social-démocrate.
    Alain Laurent soutient que la première acception est la vraie, tandis que la seconde n’est qu’’une vaste escroquerie visant à perpétuer dans les esprits les “acquis” des différentes formes d’’interventionnisme étatique et bureaucratique. Son avis est définitif, et prend sa source dans ses lectures de Von Mises et Hayek : « Mises rappelle dans la première partie de l’’ouvrage significativement intitulée Libéralisme et socialisme qu’’outre l’attachement à la tolérance, à la paix, à l’égalité devant la loi, à la démocratie et aux droits individuels fondamentaux, ce qui identifie par nature le libéralisme c’’est le primat du libre contrat et le respect intégral du droit de propriété – incluant “la propriété privée des moyens de production” […] qui sont au fondement d’’une économie de libre marché sans laquelle parler de libéralisme est absurde autant que scandaleux. »
    Le droit ou le marché
    La généalogie que M. Laurent dresse n’’est pas dénuée d’’intérêt. Le néolibéralisme dont il se fait le héraut ne serait finalement qu’’un retour au libéralisme des origines, celui de Bastiat, Smith et Locke. Ce finalement « vieux libéralisme » aurait été supplanté à partir du XIXe siècle par un « nouveau libéralisme » anglo-saxon teinté de socialisme, à son tour contesté après la seconde guerre mondiale par la nouvelle génération de « classical liberals ». Toutefois, plusieurs remarques s’’imposent.
    Premièrement, on voit mal en quoi l’’école de Manchester, qu’’A.Laurent porte au pinacle, peut prétendre au monopole de l’’étiquette libérale. On peut même se demander si ce courant, dans sa prétention à incarner la totalité de la tradition politique libérale, n’’en est pas qu’’une excroissance scientiste tout aussi datée que son adversaire “progressiste ” née des Lumières écossaises et teintée d’’évolutionnisme darwinien.
    Deuxièmement, les malentendus qui subsistent entre nouveau et ancien libéralisme renvoient à une tension mal éclaircie qui remonte aux premiers philosophes libéraux, et qui paraît irréductible - du moins quand on reste libéral : est-ce le droit ou le marché qui est la meilleure garantie des libertés individuelles ? L’’État ne joue-t-il pas au même titre que le marché un rôle de fractionnement des lieux de pouvoir, de “checks and balances pour reprendre l’’expression consacrée, utile à la défense des libertés civiles et politiques ? Toujours en partant de l’individu et de sa propriété comme un tout inviolable, l’’intervention de l’’État peut se justifier pour corriger une situation qui n’’est pas spontanément juste et contrevient à l’’idée pourtant chère à A. Laurent d’’égalité devant la loi.
    Notre auteur s’en prend au New Deal de Roosevelt et à la Great Society de Johnson, mais force est de constater que le langage de justification des deux hommes politiques emprunte au lexique libéral, et cela à raison. La grande loi de 1964 sur les droits civils mit fin à la sélection sur la couleur de peau dans les relations de travail. Elle fut une intervention étatique qui faussa le libre jeu des relations contractuelles entre employeurs et employés, et s’’explique par la primauté donnée à l’’égalité devant la loi sur la liberté du big business. Pour prolonger la remarque, il est étonnant d’’entendre un néolibéral faire l’’apologie du néoconservatisme, qui tient beaucoup plus de ce new liberalism interventionniste et assez peu soucieux de l’’augmentation des budgets fédéraux - notamment militaire - que du vieux libéralisme classique attaché à l’’État “veilleur de nuit”. Un Robert Taft en est bien plus proche, mais lui appartient au panthéon des conservateurs traditionnels, que sur un contresens M. Laurent considère comme des illuminés et des collectivistes.
    Nation et démocratie
    Pierre Manent appartient lui aussi à la tradition libérale, mais son horizon est plus conservateur. Elève de L. Strauss, lecteur de Tocqueville et de Oakeshott, il garde une attitude beaucoup plus réservée, voire sceptique, sur les bienfaits de l’’extension de l’’idéologie individualiste à toutes les sphères d’’activité humaine et sociale. Dans son dernier essai, le philosophe s’’alarme de la disparition de la nation, voire de l’’idée de cité sur laquelle s’’est bâtie toute l’’histoire de France. Le projet européen se proposerait de lui substituer une « agence humaine centrale » promotrice d’une forme démocratique sans peuple, une démocratie pure axée sur la « bonne gouvernance » et le respect des droits de l’’homme tout en oubliant la question de la souveraineté populaire : « La version européenne de l’’empire démocratique se signale par la radicalité avec laquelle elle détache la démocratie de tout peuple réel et construit un Kratos sans Demos. »
    La dynamique démocratique, que M. Manent identifie avec Tocqueville à l’’égalité des conditions, se caractériserait par l’’abolition des distances entre des hommes désormais persuadés d’’être souverains. L’’injonction démocratique fois l’’empathie pour l’’humanité et à éliminer toutes les instances de différenciation plus ou moins héritées des temps prédémocratiques : la hiérarchie, la courtoisie ou politesse, la bienséance et plus généralement tous les rites sociaux qui tendaient à organiser la séparation entre les hommes sont contestés par l’égalitarisme démocratique.
    L’’instrument du nivellement fut longtemps la nation, qui garantissait l’’égalité des citoyens avant que l’’Europe n’’en conteste le monopole. La civilisation et la liberté en Europe se seraient accommodées de la démocratisation grâce à l’’État souverain et au gouvernement représentatif, qui auraient « discipliné » le phénomène en l’’incarnant. On comprend que si M. Manent entend le phénomène démocratique comme un mouvement tendant à l’’égalité des conditions entre les hommes, l’’empire, froid, abstrait et bureaucratique européen s’’y oppose frontalement : « Embrassant les “valeurs” démocratiques, nous avons oublié le sens de la démocratie, son sens politique, qui est le gouvernement de soi. Le temps est revenu du despotisme éclairé, désignation exacte pour la somme d’’agences, administrations, cours de justice et commissions qui, dans le désordre mais d’’un esprit unanime, nous donne de plus en plus méticuleusement la règle. »
    Gouvernement de soi
    Si l’’essentiel du projet démocratique moderne relevait du très aristotélicien principe du gouvernement de soi, d’’hommes libres par des hommes libres, ça se saurait. Même si nous ne pouvons que nous féliciter d’’entendre un libéral exprimer son hostilité à l’’idéologie européiste, la démocratie originelle dont il se réclame pour condamner le procès d’« obsolétisation » de l’’État souverain et du gouvernement représentatif n’a jamais existé. On pourrait même soutenir que la modernité politique s’’est entièrement construite contre elle. Remarquons également que les éléments que M. Manent tente de sauver du mouvement égalitaire, la représentation et l’’État souverain, sont par nature non démocratiques : ces deux artifices que l’’on retrouve constamment dans la tradition libérale n’’ont jamais eu pour vocation de refléter le consentement populaire, mais bien d’’en limiter l’’intrusion directe dans la délibération collective.
    On sent notre auteur parfois sceptique sur la portée à donner à toutes les fictions morales et politiques qui servent à perpétuer l’illusoire alliance entre un système représentatif non démocratique et les manifestations du consentement populaire. L’’”individu souverain”, la “représentation nationale”, “la liberté de conscience”, “l’égalité des droits”, tous ces mensonges nécessaires pour rendre acceptable une évolution démocratique profondément égalitaire, niveleuse, portée sur l’’indifférenciation et la “mêmeté” masquent de plus en plus difficilement son caractère essentiellement nihiliste. Peut-être que M. Manent, plutôt que de prudence, aurait dû faire preuve de courage en rejetant complètement le projet démocratique. Mais curieusement, comme la plupart des libéraux tocquevilliens, il semble résigné. L’’histoire pour eux conduit inévitablement à la démocratie égalitaire, et les transformations qu’’elle engendre sont des acquis finalement assez définitifs, ce qui nous paraît être une concession à l’'esprit du temps et à la servitude.
    La tradition démo-libérale devient intéressante quand elle redécouvre ses propres faiblesses, et qu’’elle emprunte aux autres traditions politiques et philosophiques pour les masquer. Malheureusement pour elle, la monarchie comme l’’aristocratie ont saisi avec beaucoup plus de subtilités les problématiques touchant au pouvoir et à la liberté, et permettent avec beaucoup plus de certitudes de dépasser ses contradictions.
    Pierre CARVIN L’’Action Française 2000 du 4 au 17 mai 2006
    * Alain Laurent : Le libéralisme américain - Histoire d’un détournement, Les belles lettres, 271 pages, 21 euros.
    * Pierre Manent : La Raison des nations - Réflexions sur la démocratie en Europe, Gallimard, 100 pages, 11 euros.

  • En souvenir de Julien Freund

    Le 10 septembre 1993, Julien Freund nous a quitté silencieusement. En Europe, il était l'un des plus éminents philosophe de la politique, une référence obligée pour tous ceux qui voulaient penser celle-ci en dehors des sentiers battus. La presse n'en a pas fait écho.

    Né à Henridorff, en Alsace-Lorraine, en 1921, il s'engage dans les rangs de la résistance au cours de la Seconde Guerre mondiale. Dans l'immédiat après-guerre, il enseigne d'abord la philosophie à Metz, puis devient président de la faculté des sciences sociales de l'université de Strasbourg, dont il assurera le développement.

    Inspiré initialement pas la pensée de Max Weber*, un auteur peu connu dans la France de l'époque, Freund élabore petit à petit une théorie de l'agir politique qu'il formule, en ses grandes lignes, dans son maître-ouvrage, L'essence du politique (Sirey, 1965).

    Le politique est une essence, dans un double sens : d'une part, c'est l'une des catégories fondamentales, constantes et non éradicables, de la nature et de l'existence humaines et, d'autre part, une réalité qui reste identique à elle-même malgré les variations du pouvoir et des régimes et malgré le changement des frontières sur la surface de la terre. Pour le dire en d'autres termes : l'homme n'a pas inventé le politique et encore moins la société et, d'un autre côté, en tous temps, le politique restera ce qu'il a toujours été, selon la même logique pour laquelle il ne pourrait exister une autre science, spécifiquement différente de celle que nous connaissons depuis toujours. Il est en effet absurde de penser qu'il pourrait exister deux essences différentes de la science, c'est-à-dire deux sciences qui auraient des présupposés diamétralement opposés ; autrement, la science serait en contradiction avec elle-même.

    Ou encore :

    La politique est une activité circonstancielle, causale et variable dans ses formes et dans son orientation, au service d'une organisation pratique et de la cohésion de la société [...]. Le politique, au contraire, n'obéit pas aux désirs et aux fantaisies de l'homme, qui ne peut pas ne rien faire car, dans ce cas, il n'existerait pas ou serait autre chose que ce qu'il est. On ne peut supprimer le politique  – à moins que l'homme lui-même, sans se supprimer, deviendrait une autre personne.

    Freund, sur base de cette définition de l'essence du politique, soumet à une critique serrée l'interprétation marxiste du politique, qui voit ce dernier comme la simple expression des dynamiques économiques à l'œuvre dans la société. Freund, pour sa part, tient au contraire à en souligner la spécificité, une spécificité irréductible à tout autre critère. Le politique, dans son optique, est « un art de la décision », fondé sur trois types de relations : la relation entre commandement et obéissance, le rapport public/privé et, enfin, l'opposition ami/ennemi.

    Ce dernier dispositif bipolaire constitue l'essence même du politique : elle légitimise l'usage de la force de la part de l'État et détermine l'exercice de la souveraineté. Sans force, l'État n'est plus souverain ; sans souveraineté, l'État n'est plus l'État. Mais un État peut-il cessé d'être "politique" ? Certainement, nous répond Freund :

    Il est impossible d'exprimer une volonté réellement politique si l'on renonce d'avance à utiliser les moyens normaux de la politique, ce qui signifie la puissance, la coercition et, dans certains cas exceptionnels, la violence. Agir politiquement signifie exercer l'autorité, manifester la puissance. Autrement, l'on risque d'être anéanti par une puissance rivale qui, elle, voudra agir pleinement du point de vue politique. Pour le dire en d'autres termes, toute politique implique la puissance. Celle-ci constitue l'un de ses impératifs. En conséquence, c'est proprement agir contre la loi même de la politique que d'exclure dès le départ l'exercice de la puissance, en faisant, par exemple, d'un gouvernement un lieu de discussions ou une instance d'arbitrage à la façon d'un tribunal civil. La logique même de la puissance veut que celle-ci soit réellement puissance et non impuissance. Ensuite, par son mode propre d'existence, la politique exige la puissance, toute politique qui y renonce par faiblesse ou par une observation trop scrupuleuse du droit, cesse derechef d'être réellement politique ; elle cesse d'assumer sa fonction normale par le fait qu'elle devient incapable de protéger les membres de la collectivité dont elle a la charge. Pour un pays, en conséquence, le problème n'est pas d'avoir une constitution juridiquement parfaite ou de partir à la recherche d'une démocratie idéale, mais de se donner un régime capable d'affronter les difficultés concrètes, de maintenir l'ordre, en suscitant un consensus favorable aux innovations susceptibles de résoudre les conflits qui surviennent inévitablement dans toute société.

    On perçoit dans ces textes issus de L'essence du politique la parenté évidente entre la philosophie de J. Freund et la pensée de Carl Schmitt (1888-1985).

    Particulièrement attentif aux dynamiques des conflits, ami de Gaston Bouthoul, un des principaux observateurs au monde de ces phénomènes, Freund fonde en 1970, toujours à Strasbourg, le prestigieux Institut de Polémologie [« J'entends par polémologie, expliquait-il, non point la science de la guerre et de la paix, mais la science générale du conflit au sens du polemos héraclitéen »] et, en 1983, il publie, dans le cadre de cette science de la guerre, un essai important : Sociologie du conflit, ouvrage où il considère les conflits comme des processus positifs : « Je suis sûr de pouvoir dire que la politique est par sa nature conflictuelle, par le fait même qu'il n'y a pas de politique s'il n'y a pas d'ennemi »**.

    Ainsi, sur base de telles élaborations conceptuelles, révolutionnaires par leur limpidité, Freund débouche sur une définition générale de la politique, vue « comme l'activité sociale qui se propose d'assurer par la force, généralement fondée sur le droit, la sécurité extérieure et la concorde intérieure d'une unité politique particulière, en garantissant l'ordre en dépit des luttes qui naissent de la diversité et des divergences d'opinion et d'intérêts ».

    Dans un livre largement auto-biographique, publié sous la forme d'un entretien (L'aventure du politique, Critérion, 1991), Freund exprime son pessimisme sur le destin de l'Occident désormais en proie à une décadence irrémédiable, due à des causes internes qu'il avait étudiées dans les page d'un autre de ses ouvrages magistraux, La décadence (Sirey, 1984). Défenseur d'une organisation fédéraliste de l'Europe, il avait exprimé son point de vue sur cette question cruciale dans La fin de la Renaissance (PUF, 1980). Julien Freund est mort avant d'avoir mis la toute dernière main à un essai sur l'essence de l'économique. C'est le Prof. Dr. Piet Tommissen qui aura l'insigne honneur de publier la version finale de ce travail***, à coup sûr aussi fondamental que tous les précédents. Le Prof. Dr. Piet Tommissen sera également l'exécuteur testamentaire et le gérant des archives que nous a laissé le grand politologue alsacien.

    Dott. Alessandra Colla (revue milanaise Orion n°108, sept. 1993).

    ◘ Notes en sus :

    * : De Max Weber, Freund traduisit Le savant et le politique et Essais sur la théorie de la science (également préfacé par lui). Cf. extraits.

    ** : « La diabolisation de l’ennemi est le prix à payer par ceux qui méconnaissent l’opposition ami-ennemi. D’où les guerres d’extermination qui, visant des ennemis réduits à des incarnations du diable, sont conduites au nom de fins sublimes (paix perpétuelle, fraternité universelle, etc.) » PA Taguieff, Julien Freund, au cœur du politique, La Table ronde, 2008, p. 54. L’ennemi est entendu ici en tant que « polemos » ou « hostis », c’est-à-dire en tant qu’ennemi public, entité qu’il faut distinguer nettement de l’ennemi privé (« ekhthros » ou « inimicus »). En bon penseur machiavélien, Julien Freund décèle le jeu machiavélique de ceux qui rejettent la notion d’ennemi pour utiliser en contrepartie une terminologie moralisatrice évacuant littéralement l’ennemi du genre humain. « L’ennemi revient par la porte de derrière, mais sous une apparence diabolique », écrit à ce propos Taguieff (p. 53).

    *** : L’essence de l’économique, Presses univ. de Strasbourg, 1993 [cf. cet entretien]. P. Tommissen a aussi établi une bibliographie en annexe de Philosophie et sociologie (Cabay, Louvain-la-Neuve, 1984, p. 415-456 : Julien Freund, une esquisse bio-bibliographique).

    http://www.archiveseroe.eu

  • 1628 : La ruine de La Rochelle signe la fin des Huguenots

    Louis XIII et Richelieu assiégèrent La Rochelle durant un peu plus d’un an, d’août 1627 à octobre 1628. En octobre 1628, Louis XIII et Richelieu, vainqueurs, purent entrer dans la ville. Ils trouvèrent les survivants réduits aux dernières extrémités. Or, avant le siège, toute l’histoire de la ville n’avait été que prospérité, indépendance politique et financière face au pouvoir, le tout accompagné d’une certaine arrogance.

    Après la confirmation en 1610 de l’Edit de Nantes par la régente, les Protestants rochelais avaient en effet toutes les raisons d’espérer. Après avoir été plutôt épargnés par les troubles religieux du XVIe siècle, ils pouvaient croire « Dieu à leur côtés » en vertu des préceptes de leur religion. En fait, devenus « un Etat dans l’Etat », la ville était en sursis quand Louis XIII reprit les hostilités contre les Protestants en 1620 en commençant par le Midi de la France. La ville était armée, c’était l’enjeu politique majeur du parti protestant, l’Europe du Nord protestante avait les yeux sur elle. Richelieu préféra un siège sans bombardements afin d’éviter d’en faire une cité martyre. Il se trompa, le résultat fut terrible, l’ultime clémence royale ne put effacer la longue agonie de la population et sa conséquence, la ruine de la cité en tant que puissance.

     

    I. La Rochelle, un lieu idéal pour le développement de la religion réformée

    Le contexte politico-économique en premier s’y prêtait. Le Protestantisme a touché en premier la haute noblesse, le monde des lettrés et la classe marchande enrichie. Cette religion s’affranchissait de l’autorité suprême du Pape et par conséquent, de la structure hiérarchique de l’Eglise catholique, dont au premier chef, les évêques, le propre du Protestantisme était de permettre un rapport à Dieu direct.

    Dans le Catholicisme, outre les évêques, il fallait compter avec le Roi, « par la grâce de Dieu », dont il était le représentant sur terre. La situation politico-économique de la ville devenue protestante offrait donc une parfaite corrélation entre temporel et spirituel. Bénéficiant d’une charte dès 961 octroyée par le duc Guilllaume d’Aquitaine pour l’exploitation du port, Guillaume X d’Aquitaine la fit fortifier dès 1130 et l’affranchit des tutelles féodales. Cette franchise fut confirmée en 1146 par Aliénor d’Aquitaine (fille de Guillaume et héritière du duché et comtesse du Poitou), et une Charte communale est accordée en 1175 par Henri II Plantagenêt, époux d’Aliénor. Comme toutes les communes libres, la ville avait le privilège d’être auto-gérée et surtout affranchie des impôts dont le peuple des campagnes était accablé.

    Ville, indépendante depuis le XIIe siècle elle était protégée également de la convoitise de grands féodaux dont le fief se serait trouvé à proximité. Rappelons qu’au Moyen Age, Bordeaux, Nantes et Poitiers situées chacune dans un rayon de plus de cent kilomètres autour de la ville, étaient les capitales de duchés puissants. La Rochelle, à l’extérieur ouest des axes terrestres reliant ces villes, avec pour arrière pays la plus petite province de France, l’Aunis, une terre marécageuse… put se développer tranquillement… grâce à son port marchand, et elle était devenue très riche…. Un paradis fiscal « heureux et caché » en quelque sorte…

    A cela s’ajoutait la situation géopolitique du Protestantisme. Il a touché le Nord et tout un arc de communication de Genève à l’Atlantique, en contournant le Massif Central par le sud. La Rochelle était comme un interface entre les Nord et Midi protestants français.

    Le port avait pris son essor dès la Moyen Age – ce fut un haut lieu pour les Templiers- mais la découverte de l’Amérique en avait amplifié l’importance. C’était le seul port en eaux profondes directement ouvert sur l’Atlantique, contrairement à Nantes au nord et surtout Bordeaux au Sud présentant le désavantage d’être des ports d’estuaire auxquels on accède par une lente remontée.

    Enfin d’un point de vue humain, la ville fut cosmopolite depuis les débuts car c’était une étape médiane sur les routes maritimes qui, partant de Méditerranée remontaient vers le Nord après avoir contourné la péninsule ibérique. De nombreux négociants Italiens, Flamands, Anglais, Néerlandais s’y étaient installés. La ville aurait été surnommée la Nouvelle Amsterdam (premier nom de New York) d’après les érudits locaux.

    II. La ville devint ainsi capitale huguenote

    Au départ la cohabitation fut pacifique entre Catholiques et Protestants. La ville comptait peu d’ordre religieux en ses murs. Les protestants devinrent majoritaires sans heurts, ils ne recherchaient pas la guerre, néfaste aux affaires. Mais elle y fut impliquée par les contrecoups, entre la montée crescendo soit des « zélés », soit des « modérés ». A chaque fois elle redouta de s’engager afin de ne pas avoir à y perdre son indépendance.

    Mais elle fut amenée à prendre position. Tout d’abord en refusant d’accueillir des troupes royales comme il lui fut demandé. Ensuite de 1568 à 1571, la ville accueillit des princes protestants pour s’en prémunir, parmi eux, Condé, Coligny, ainsi que Jeanne d’Albret reine de Navarre et son fils Henri, ce qui lui valut le nom de « capitale huguenote ».

    blason La Rochelle
    Blason de La Rochelle.

    En 1572, après la Saint-Barthélemy, elle opposa le même refus, ce qui entraîna pour elle d’avoir à soutenir un premier siège de 1572 à 1573. Ses solides remparts résistèrent à neuf assauts mais ce fut en fait la Providence qu’elle dut son salut. En effet, l’assiégeant était le futur Henri III, qui leva le siège quand les Polonais, dont la monarchie était élective, le choisirent comme roi. La ville, à tort, en acquit une impression d’invincibilité, et ce d’autant plus que sa résistance eut un grand retentissement.

    En 1581, s’y tint le XIe synode national des Eglises Réformés. Enfin de 1586 à 1589, Henri de Navarre en fait son quartier général après la mort en 1585 du duc d’Alençon. La Rochelle lui fournit les fonds pour sa victoire car il était le prétendant légitime en vertu des règles dynastiques. Après les trois fils d’Henri II, il n’y avait plus de descendant capétien mâle de la lignée des Valois, et par son père, Henri de Bourbon, Henri de Navarre descendait en ligne directe masculine de Saint Louis. Il tenait la Navarre de sa mère Jeanne d’Albret.

    III. Une place de sûreté particulièrement privilégiée

    L’Edit de Nantes concédait des places de sûreté aux Protestants, qui, comme leur nom l’indique leur procuraient un espace réservé, sécurisé où ils pouvaient s’auto-gérer… Toutes n’avaient pas la même importance ni les moyens militaires de se protéger, mais quand c’était le cas – comme à La Rochelle – ces places pouvaient selon leur importance, devenir des Etats dans l’Etat. La ville avait en fait et on peut le lire dans les textes de l’époque, un statut très particulier après l’Edit de Nantes. L’Edit comportait des clauses secrètes et elle en bénéficiait. Elle n’avait ni gouverneur royal, ni garnison.

    En 1612, on parle officieusement d’un grand port de mer, qui a pour gouverneur le Maire et son Conseil. Une petite république indépendante en quelque sorte. En conséquence, elle fut perçue par le parti catholique comme « une Amsterdam en puissance » ou comme « la capitale du vice », et ce d’autant plus qu’elle accueillait les Assemblées Réformées. A la mort d’Henri IV, Marie de Médicis régente confirme l’Edit de Nantes. De 1610 à 1620, c’est la paix. Louis XIII est enfant. Mais une fois devenu roi, en 1617 tout changea. Il rompit avec la politique de son père que sa mère avait poursuivi. Il se révéla un Roi très différend de son père. La Rochelle, un enjeu de pouvoir, un exemple à faire pour le pouvoir.

    Louis XIII fut un roi dévot et Richelieu un cardinal politique. Dès sa prise réelle de pouvoir en 1617, Louis XIII entendit en finir avec les Huguenots par ferveur religieuse catholique car le parti dévot avait beaucoup d’influence sur lui.

    Les hostilités reprennent en 1620 contre le sud protestant. Rohan chef des Huguenots, garda toujours un oeil sur La Rochelle tout en combattant dans le Sud. Le port de La Rochelle sert de liaison avec l’Europe du Nord. Dès 1622, le roi avance ses positions dans le secteur en faisant construire un fort en aval du chenal d’accès au port, le Fort Louis, situé à l’entrée nord de la baie. Aussitôt les Rochelais y voient un casus belli. En 1625 eurent lieu de première batailles navales, qui furent des premières défaites. La suite devint inéluctable.

    Richelieu, arrive auprès du roi en 1624, contre le parti dévot. Cependant il déclara à posteriori avoir toujours eu pour but : « ruiner le parti huguenot, rabaisser l’orgueil des grands, réduire tous les sujets en leur devoir et relever le nom du roi dans les nations étrangères au point où il devait être ». En fait, c’était un fin politique qui sut tirer parti de l’émergence du Protestantisme en dehors des frontières du royaume dans la mesure où cela participait à l’affaiblissement des Habsbourg. Détenteurs du titre d’Empereur du Saint Empire Romain Germanique, un des leurs sur le trône d’Espagne, la France ne pouvait – pour préserver sa puissance – que contrer leurs menées hégémoniques.

    La Rochelle fut donc en quelque sorte une caution donnée par le Cardinal au parti dévot plus qu’une réelle nécessité stratégique. La ville fut victime de ce qu’elle représentait politiquement plus que de ce qu’elle était religieusement.

    Les déroulement du siège a fait l’objet de nombreux récits. Alexandre Dumas dans Les Trois Mousquetaires a immortalisé cet épisode de l’histoire de l’Ancien Régime. Tout commença en juillet 1627, quand une armée navale anglaise conduite par le duc de Buckingham, mit le pied sur l’île de Ré, juste en face de la ville. Les troupes royales françaises interceptèrent bien évidemment par précaution les approvisionnements de la ville. Les Rochelais consolident alors leurs positions et le 10 septembre tirent un premier coup de canon vers les troupes royales… La décision d’encercler la ville est aussitôt mise en oeuvre…

    Dès le 15 septembre arrive le duc d’Orléans, suivi le 12 octobre de son frère Louis XIII en personne… Le 8 novembre, les Anglais sont défaits à Ré par les troupes royales françaises, Buckingham et ses troupes doivent plier bagage. On accède au port par un chenal. Une digue de 1,5 kilomètres est érigée en travers pour fermer la voie d’accès maritime. Une fois le chenal fermé, la ville est coupée définitivement du reste du monde. Pour cela, 59 navires lestés de pierre furent coulés pour servir de base à la digue. Contrairement à Louis XIII qui eut préféré donner l’assaut, le Cardinal privilégia le siège escomptant sur une reddition rapide de la ville. Cette stratégie moins coûteuse en vies humaines le fut davantage matériellement, puisqu’il fallut entretenir 30.000 hommes durant de longs mois. L’Eglise apporta néanmoins un soutien financier conséquent.

    Quelques députés rochelais exfiltrés de la ville avec Buckingham allèrent quérir l’aide du roi d’Angleterre mais la diplomatie du Cardinal ayant porté ses fruits, les tentatives anglaises de forcer le blocus furent plutôt timorées. Durant des mois, les Rochelais suffisamment organisés pour optimiser la gestion des vivres parvinrent à tenir le coup. Mais en automne 1628, soit un peu plus d’un an après le début du siège, le nombre de morts est effarant : 18.00 ! Le 29 octobre 1628, la ville capitule.

    Dans les mémoires du Cardinal de Richelieu on peut lire « on trouva la ville toute pleine de morts, dans les chambres, dans les rues et dans les places publiques… qu’ils ne pourrissaient ». Les morts étaient desséchés… La Rochelle comptait 27.000 habitants, 4000 avaient quitté la ville au début des hostilités. Lors de la reddition il en restait 1500. La France comptait à peu près 20 millions d’habitants. Rapporté à la démographie actuelle, c’est 65.000 personnes qui disparurent.

    IV. Un an de siège, une capitulation sans conditions

    Le roi accorda sa clémence aux Rochelais et se montra même magnanime, interdisant à ses troupes le pillage et les viols et faisant distribuer immédiatement des vivres aux survivants entraînant quelques cas de mort par … indigestion. Les Rochelais furent mieux traités que les Protestants du Midi, pour lesquels les destructions et horreurs opérées par les armées d’Epernon, les « gastadours » sont de sinistre mémoire.

    Le roi fit son entrée par la porte de Cougnes, alors entrée officielle de la route de Paris, et alla entendre un Te Deum en l’Eglise Sainte Margueritte (actuel Oratoire) que les Protestants avaient transformée en dépôt de munitions. Surtout, ils durent procéder à un rite pour eux honni, celui de « faire tendre les principales rues de cette ville », en guise d’honneur rendu au Roi une procession d’accueil. Ces rites, sorte de survivance du paganisme spécifique aux pays catholiques, avaient été rejetés par les Protestants, de là l’aspect symbolique de cette obligation qui leur fut faite.

    Les survivants, dont le maire Guiton eurent à s’exiler. Guiton, que le roi refusa de recevoir le rendant responsable de l’agonie de ses concitoyens, mourut paisiblement dans sa retraite en 1654.

    Une fois la clémence accordée à quelques survivants qui ne sont plus dangereux, le roi en vint au but premier de ce siège, anéantir le symbole du protestantisme.

    Moins symbolique en revanche, il fut, immédiatement après le siège, procédé à la destruction des remparts de la ville. De cette époque n’est resté qu’une portion reliant une des tours de l’entée du port, la Tour de la Chaîne à celle de la Lanterne. Face au chenal d’accès, il protégeait la ville d’une agression par la mer. Il est à noter que les autres vestiges de remparts encore visible aujourd’hui sont postérieurs, ils sont de style Vauban, contrairement au rempart conservé suite au siège, différent. Située où elle était et non fortifiée, la ville pouvait offrir une fragilité aux invasions anglaises par la mer, il fut donc jugé prudent de la protéger à nouveau.

    Enfin bien sûr, les privilèges de la ville furent supprimés. Gouvernée par des officiers royaux, les protestants survivants du siège seuls eurent seuls le droit de rester, les autres ne pouvaient s’y installer. A leur place sont arrivés des Catholiques et des ordres religieux : Oratoriens, Capucins, Minimes (qui ont donné leur nom à l’actuel Port de Plaisance). Tout d’abord, ce fut une disparition physique à proprement parler de la population. La quasi-totalité de la population actuelle n’est aucunement descendante des résistants protestants du siège… contrairement à ceux qu’ils se complaisent à laisser croire pour se bâtir une légende.

    En outre, le pouvoir royal décida de créer Rochefort, à 30 kilomètres au sud sur l’estuaire de la Charente, une place importante pour la marine.

    La Rochelle se repeupla lentement. Elle dut attendre le milieu du XIXe siècle pour retrouver la population initiale. Elle retrouva un peu de prospérité économique grâce aux liaisons maritimes avec la Nouvelle France et la Louisiane au XVIIIe, quand des commerçants protestants venus des alentours (souvent de Saintonge) furent autorisés à venir s’y installer à nouveau. Et comme Bordeaux et Nantes, ce qu’elle préfère oublier à présent, elle prit sa part au commerce triangulaire. Dans le centre historique – médiéval et Renaissance- on trouve aussi quelques magnifiques hôtels particuliers du XVIIIe qui attestent d’un certain retour de fortune pour quelques uns à cette époque.

    Mais elle ne fut plus jamais une place de première importance. La Rochelle est passée à côté du destin que sa situation exceptionnelle lui permettait d’avoir. Les spécialistes de l’évolution démographique estiment que cette agglomération de 100.000 habitants aujourd’hui compterait à présent 2 millions si le siège n’avait pas mis un terme à sa progression. C’est d’ailleurs un exemple type de lecture de l’histoire sur l’étude de l’urbanisation. Dès que l’on sort du centre historique, centre plutôt important pour une ville moyenne, on arrive très vite aux quartiers de la fin du XIXe siècle et XXe comme si l’histoire s’était arrêtée au début du XVIIe avant de repartir à l’aube du XXe siècle…

    Depuis, le port s’envase perpétuellement à cause des bases de la digue qui barrait l’entrée du port et dont subsiste aujourd’hui une petite tour rouge, dite la Tour Richelieu.

    V. Les Anglais, acteurs – peu glorieux- et oubliés du drame

    Au moment de la reddition, le roi ne connaît que les Rochelais, mais des négociations étaient en cours à Londres, longues, alors que la ville agonisait. Les Rochelais comptaient sur une aide anglaise. Quand ils prirent conscience qu’elle ne viendrait pas ils se rendirent. Les Anglais avaient été à l’origine du déclenchement du siège en tentant de débarquer en Juillet 1627 à Ré.

    En fait, les Anglais mènent aussi double jeu. Ils auraient surtout voulu profiter du conflit pour faire main basse sur la ville. L’aider à rester indépendante du royaume de France pour qu’elle leur fasse concurrence dans le domaine du commerce maritime n’était évidemment pas leur but premier (on se demande bien pourquoi). Louis XIII feignit de croire qu’il n’y avait eu aucune trahison, malgré quelques indices contradictoires. Des soldats anglais étaient dans la ville durant le siège, ils purent repartir libres.

    VI. Fin de La Rochelle, fin de la puissance politique des Protestants

    Le sort des Rochelais augure le sort des protestants tout le long du XVIIe. Suite au siège, le roi ne toucha pas à l’Edit de Nantes, et il n’y touchera pas. Louis XIII poussa son avantage pour soumettre le Midi et finalement Rohan dut traiter avec Richelieu. Ce fut l’Edit d’Alès du 27 juin 1629. Il est à nouveau reconnu aux Protestants la liberté de culte mais cet édit stipule la destruction de nombreuses forteresses, c’est surtout pour le pouvoir l’occasion de se débarrasser des places de sûreté. L’Edit d’Alès, c’est l’Edit de Nantes moins les places de sûreté.

    Le parti protestant privé de ses bastions devait disparaître, l’Edit d’Alès aurait été suivi plus rapidement de la révocation de l’Edit de Nantes si Richelieu n’avait pas eu à combattre à l’extérieur. Quand la Révolution a donné aux Protestants les mêmes droits qu’aux Catholiques ainsi qu’aux Juifs, c’était trop tard pour qu’ils puissent jamais reprendre la place qu’ils avaient acquis en quelques décennies au début de l’époque moderne. A La Rochelle, la France a choisi un camp.

    La France, nettement moins ancrée que l’Espagne dans l’attachement au Catholicisme, s’est montrée incapable d’aller jusqu’au bout de la tolérance. Mais compte tenu de l’enjeu politique que représentait le Protestantisme pouvait-elle maintenir l’équilibre ? Là est toute la question de la tolérance religieuse.

    Avant le siège, le parti protestant n’était déjà plus aussi puissant. Les grands aristocrates avaient déjà lâché la cause (Condé), seuls restaient Rohan et son frère Soubise. Ils ne demandèrent que le respect de l’Edit de Nantes.

    L’anéantissement du symbole eut un grand retentissement. L’exil des Huguenots commença après. Il existe une ville à côté de New York baptisée New Rochelle fondée par des émigrés rochelais. D’autres partirent en Afrique du Sud. En Hollande, en Allemagne, aux Etats-Unis un certain nombre de ressortissants appartenant à l’élite sociale portent des noms français, ce sont des descendants de Protestants qui ont fui à cette époque. On dit que l’ Europe a basculé économiquement vers le nord parce que le Nord était protestant. La Rochelle peut être vue comme le pivot du mécanisme qui a fait basculer la France du moins bon côté.

    In fine, on peut constater qu’un roi pourtant très pieux n’hésita pas à réduire à une mort atroce ses sujets, et un cardinal réputé grand homme d’Etat préféra perdre une ville dont la puissance économique était un atout considérable au lieu de la laisser prospérer dans une autre foi que celle du roi. Pour les bourgeois rochelais s’agissait-il vraiment d’un combat pour le triomphe de leur foi ou la lutte éternelle pour la vie et les moyens de conserver prospérité et richesse, là est toute la question.

    Quel plus bel exemple que le martyre de cette ville pour une certaine République toujours en quête d’exemple des atrocités de l’absolutisme royal ? Le sujet a été battu et rebattu, le cardinal sans cœur et les Rochelais dans le rôle de Sainte Blandine, défendant leur foi jusqu’à la mort. En fait, ces gens défendaient leur liberté, condition sine qua none de leur prospérité, ce qui est légitime mais ne légitime peut-être toutes les récupérations actuelles, de la « cité martyre », « belle et rebelle » (bien évidemment) à la « cité crucifiée », ou toute autre référence romantique. Néanmoins, avec l’évolution de ces dernières années et le lent changement de pouvoir, le politiquement correct a dissuadé les Rochelais de déclarer leur ville « Belle et Rebelle » pour préférer « Belle et Généreuse » (…) Il ne fait plus bon donner en exemple la rébellion, pour une place forte de la Franc-Maçonnerie triomphante, surtout là où elle accueille tous les ans …. l’Université d’Eté du PS.

    Grandeur et décadence effectivement.

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    Bibliographie :
    Encyclopaedia Universalis, « Catholiques et Protestants en France », « Richelieu », « La Maison de Bourbon ».
    LIGOU Daniel, Le protestantisme en France de 1598 à 1715, Paris, SEDES, Regards sur l’histoire, 1968. RICHELIEU Armand Jean du Plessis, Mémoires Le siège de La Rochelle, Tome VII, Clermont-Ferrand, Paleo, 2003.
    SAUPIN Guy, L’Edit de Nantes en 30 questions, Geste, La Crèche, 1997.
    AUGERON Mickaël, POTON Didier, FAUCHERE Nicolas, BONNIN Jean Claude, RAMBEAUD Pascal, La Rochelle, capitale atlantique, capitale huguenote, Paris, Ed. du Patrimoine, 1998.
    CRETE Liliane, La Rochelle au temps du grand siège, 1627-1628, Paris, Perrin, 2001.
    VAUX de FOLETIER François (de), Le Siège de La Rochelle, Monein en Béarn, éditions PyréMonde, 2008.

     

  • Le Moyen Âge n’a jamais cru que la Terre était plate !

    Christophe Colomb n’a jamais eu à démontrer que la Terre était ronde. Car tout le monde le savait déjà. Et depuis longtemps ! C’est ce que confirme l’ouvrage d’un historien américain, Jeffrey B. Russel, qui met à mal bon nombre d’idées reçues sur les géographes du Moyen Âge et de l’Antiquité. Il commence par constater que les auteurs médiévaux affirment la rotondité de la Terre, comme le faisait Platon. Il examine ensuite l’apparition du mythe moderne selon lequel le Moyen-Age croyait la Terre plate. En fait ce sont des évolutionnistes libéraux américains qui ont créé de toutes pièces ce mythe aujourd’hui repris dans la presse et dans les manuels scolaires.

    En cette année anniversaire de la découverte du Nouveau Monde [1], c’est un véritable déluge de publications qui s’abat sur nous ; à cette occasion, nombre d’idées reçues sont remises en question. L’une d’elles, selon laquelle les contemporains de Christophe Colomb croyaient que la Terre était plate, a trouvé son historien, Jeffrey B. Russel, dans un petit ouvrage décapant qui vient d’être publié aux États-Unis [2].

    Considérons le cas de Christophe Colomb : les historiens ont depuis longtemps dénoncé la fable selon laquelle il aurait dû affronter les foudres des docteurs de Salamanque pour avoir osé prétendre que la Terre était ronde – sans quoi le passage des Indes par l’ouest était inconcevable. Certes, le découvreur a eu ses détracteurs et ses opposants, mais leurs arguments tenaient aux probabilités d’échec de l’entreprise.

    Et ils avaient raison, puisque la distance qui sépare les îles Canaries du Japon est de deux cents degrés de longitude, là où Colomb, pour avancer son projet, voulait n’en voir que soixante. Mais nulle part dans ces discussions il ne fut question d’une sphéricité que le navigateur aurait dû démontrer.

    Déjà au XVème siècle, l’affaire était entendue. La Géographie du Grec Ptolémée (90-168) est traduite en latin en 1410. Or cet ouvrage ne laisse subsister aucun doute sur la rotondité de la Terre : il est tout entier fondé sur le quadrillage de la sphère en degrés de latitude et méridiens de longitude.

    Et le cardinal Pierre d’Ailly en a bien retenu toutes les leçons dans son Image du monde écrite en latin dès 1410. Mais avant ? Là où les médiévistes ont souvent été plus évasifs, Jeffrey Russell nous invite à voir partout et toujours la même représentation, les mêmes comparaisons. Pour les uns, la Terre est un œuf ou une balle, pour d’autres, une pomme ou une pelote.

    Pour les philosophes John Holywood ou Thomas d’Aquin au XIIIème siècle, Jean Buridan ou Nicolas Oresme au XIVème, nul doute n’est possible. Ces deux derniers évoquent même la rotation de la Terre sur elle-même !

    Faut-il remonter plus avant vers les « siècles obscurs », pour reprendre une expression chère aux Anglo-Saxons ? Là où un Isidore de Séville (mort en 636) semble entretenir certaines réserves, Bède le Vénérable au VIIIème siècle et Scot Erigène au IXème sont catégoriques : la Terre est ronde. Ils ne font d’ailleurs pas preuve d’originalité, puisqu’ils reprennent la tradition scientifique des compilateurs de l’Antiquité tardive, notamment Martianus Capella dont les Noces de Mercure et Philologie, écrites vers 420, connaissent une très large diffusion au Moyen Âge. Or Martianus affirme lui aussi sans ambages : « Elle [la Terre] n’est pas plate, elle est ronde. »

    Il semble donc y avoir durant tout le Moyen Âge occidental unanimité sur la question.

    Non sans quelques problèmes pour les philosophes et les cartographes. Ceux-ci veulent en effet représenter un œkoumène (l’ensemble des terres habitées) conforme aux connaissances de la période et, d’autant que possible, à la tradition biblique et évangélique. Dès lors, que Jérusalem soit au centre du monde ou le paradis à l’est, c’est une simple convention cartographique. Le géographe arabe Al Idrisi ne place-t-il pas, au XIIème siècle, La Mecque au centre de sa carte ? Et, au XXème siècle, ne discute-t-on pas encore de la « juste » représentation de l’hémisphère sud sur nos modernes mappemondes ? Plus délicat est le problème de la conformité aux enseignements de l’Église selon lesquels les Apôtres ont apporté la Parole « aux quatre coins du monde ». Car il faudrait que le Terre soit plate pour posséder quatre coins.

    Ainsi s’explique l’hésitation d’Isidore de Séville ; pourtant saint Augustin lui-même (354-430) avait mis en garde contre le danger d’utiliser le sens littéral de l’Écriture. Lorsque les cartographes médiévaux nous présentent une Terre d’apparence plate et circulaire, c’est donc certainement une convention cartographique, parfois l’illustration d’une certaine tradition biblique, mais jamais la représentation d’un soi-disant dogme de la « Terre plate ».

    D’où vient alors ce mythe, puisque mythe il y a ? De l’exploitation qu’on a faite, au XIXème siècle, de certains textes de l’Antiquité tardive. Cette époque avait bel et bien connu deux « théoriciens » de la Terre plate : Lactance (vers 265-345) d’abord, polémiste crédule, qui s’oppose ouvertement à la pensée scientifique (et païenne) de son époque, au moyen d’arguments simples mais combien efficaces : « Y a-t-il quelqu’un d’assez extravagant pour se persuader qu’il y a des hommes qui aient les pieds en haut et la tête en bas […] et que la pluie et la grêle puissent tomber en montant ? »

    Darwin contre l’Église

    Puis, deux siècles plus tard, en Égypte, Cosmas dit « Indicopleustès » (« le voyageur des Indes »), retiré dans un monastère du Sinaï, rédige sous le titre de Topographie chrétienne une vaste compilation géographique où la Terre plate occupe une place importante. Il faut cependant savoir que cet ouvrage volumineux, rédigé en grec et aux marges orientales de la Chrétienté, ne nous est connu aujourd’hui qu’à travers trois manuscrits médiévaux complets. Critiqué à Byzance dès le IXème siècle par le patriarche Photius, il est totalement ignoré de l’Occident médiéval. La première traduction latine de Cosmas date de 1705 ! Et c’est cet auteur, tout à fait marginal dans le monde grec et inconnu du monde latin, qui deviendra au XIXème siècle le symbole de l’obscurantisme médiéval !

    Car ces visions farfelues du monde seraient restées aussi chimériques que les descriptions contemporaines de cynocéphales (hommes à tête de chien), si elles n’avaient été reprises par les positivistes et « progressistes » du XIXème siècle. La démonstration de Jeffrey Russell est ici tout à fait originale et convaincante.

    S’il n’y a jamais eu de mythe médiéval de la « Terre plate », il y a bel et bien eu une légende moderne du « dogme médiéval de la Terre plate ». Russell traque son apparition puis sa diffusion, en France et aux États-Unis, tout au long du XIXème siècle ; il démasque à l’occasion quelques « coupables ».

    Coupable, le premier, le romancier américain Washington Irving (1783-1859), dans un pastiche historique sur la vie de Christophe Colomb, publié pour la première fois en 1828.

    Irving invente de toutes pièces une scène qui deviendra célèbre, dans laquelle le navigateur doit se défendre contre l’obscurantisme des docteurs de Salamanque incapables d’admettre que le Terre fût ronde [3].

    Le roman connaît un immense succès et contribue à accréditer, outre-Atlantique, la vision d’une Église catholique dogmatique et intolérante. Coupable encore, en France, à la même époque, le très respecté Antoine-Jean Letronne (1787-1848), directeur de l’École des Chartes et professeur au Collège de France, qui dans la Revue des deux mondes, avance l’idée d’un dogme de la Terre plate chez les Pères de l’Église et d’une interprétation littérale de la Bible au long du Moyen Âge.

    Coupables surtout, aux États-Unis à nouveau et principalement pendant la seconde moitié du XIXème siècle, nombre d’esprits libéraux qui souhaitent réfuter les arguments anti-évolutionnistes de l’époque. Nous sommes en effet en plein débat autour des thèses de Darwin sur l’évolution des espèces, que l’Église se refuse à admettre. Quoi de mieux, dès lors, pour combattre son étroitesse de vues, que de stigmatiser un obscurantisme plus général, dont le pseudo-dogme médiéval de la Terre plate deviendrait une sorte de cas exemplaire ? C’est la voie que suivent sans hésiter certains auteurs américains dans des ouvrages dont les titres à eux seuls sont tout un programme : Histoire du conflit entre religion et science de John Draper (New York, 1874) ou Histoire du combat entre la science et la théologie dans le Christianisme d’Andrew White (New York, 1896)…

    L’idée d’un dogme médiéval de la Terre plate se diffuse dès lors dans les ouvrages de vulgarisation et les manuels scolaires. Elle correspond si bien à l’image que l’on se fait du Moyen Âge au temps de Victor Hugo ou de Jules Michelet qu’on la reçoit sans discussion.

    Tant et si bien que malgré toutes les réfutations modernes, un auteur à succès pourtant bien informé comme Daniel Boorstin perpétue encore aujourd’hui ce mythe [4].

    Preuve, s’il en était besoin qu’un petit essai comme celui de Jeffrey Russell est d’actualité et mériterait d’être traduit en français sans délai.

    Michel Hébert, L’Histoire n°159, octobre 1992 http://www.egaliteetreconciliation.fr

    Notes

    [1] Article publié pour la première fois dans la revue L’Histoire en 1992, ndlr

    [2] Jeffrey B. Russel, Inventing the Flat Earth. Colombus and Modern Historians, New York – Wesport – Londres, Praeger, 1991.

    [3] Washington Irving, The Life and Voyages of Christopher Columbus, rééd. Boston, J.H. Mc Elroy, 1981.

    [4] Daniel Boorstin, The Discoverers, New York, 1983, trad. française, R. Laffont, 1988.