Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1807

  • Comment peut-on ne pas être rebelle ?

    Entretien avec Dominique Venner (2001)

    Nul autre que Dominique Venner n'était mieux qualifié pour ouvrir ce dossier [sur la pensee rebelle]. Car nul autre ne pouvait mieux définir l'esprit de rébellion… L'auteur de l'admirable Cœur rebelle ne s'y disait-il pas lui-même « rebelle par fidélité » ? Et dans son récent Dictionnaire amoureux de la chasse, qu'il faut lire, page après page, au coin du feu, Venner célèbre encore une étonnante figure de rebelle : le braconnier immortalisé par Maurice Genevoix dans Raboliot !

    • Qu'est-ce qu'un « rebelle » ? Est-on rebelle-né, ou le devient-on au hasard des circonstances historiques ? Y a-t-il plusieurs types de rebelle ?

    Dominique Venner : On peut être intellectuellement insoumis, en marge du troupeau, sans être pour autant un rebelle. Paul Morand en est un bon exemple. Dans sa jeunesse, il avait été un esprit libre, sans plus, et un favorisé de la fortune, dans les deux sens du mot. Ses romans un peu déshabillés avaient favorisé son succès. Rien de rebelle ni même d'insolent à cette époque. D'avoir fait involontairement le choix des futurs perdants entre 1940 et 1944, d'avoir persisté ensuite dans ses répulsions, de s'être senti un étranger, voilà ce qui a fait de lui l'insoumis révélé par son Journal.

    Autre exemple très différent, celui d'Ernst Jünger. Bien qu'auteur d'un Traité du rebelle très influencé par les inquiétudes de la guerre froide, Jünger ne fut jamais un rebelle. Nationaliste à l'époque du nationalisme, en froid avec le IIIe Reich comme une bonne partie de la bonne société, lié pendant la guerre aux futurs comploteurs du 20 juillet 1944, iI n'a jamais approuvé le principe de l'attentat contre Hitler. Cela pour des raisons d'ordre éthique. Son itinéraire plus ou moins en marge des modes est très exactement celui de l'anarque, figure dont il fut l'inventeur et la parfaite incarnation après 1932. L'anarque n'est pas un rebelle. C'est un spectateur juché à une altitude telle que la boue ne peut l'atteindre.

    À l'inverse de Morand ou de Jünger, au sein de la génération précédente, le poète irlandais Padrig Pearse fut un authentique rebelle. On peut dire qu'il le fut de naissance. Enfant, il avait appris la geste des combattants de toutes les révoltes de l'Erin. Plus tard, il entreprit d'associer le réveil de la langue gaélique à la préparation de l'insurrection armée. Membre fondateur de la première IRA, il fut le véritable chef du soulèvement de Pâques 1916 à Dublin. Pour cette raison on le fusilla. II mourut sans savoir que son sacrifice serait le levain qui ferait triompher sa cause.

    Quatrième exemple encore différent, Alexandre Soljénitsyne. Jusqu'à son arrestation en 1945, il avait été un excellent Soviétique, se posant peu de questions sur un système dans lequel il était né, accomplissant pendant la guerre son devoir d'officier réserviste de l'Armée rouge sans drame de conscience. Son arrestation, la découverte du Goulag, de l'horreur accumulée depuis 1917, provoquèrent une totale remise en question, tant de lui-même que du monde dans lequel iI avait vécu jusque-là en aveugle. C'est alors qu'il devint un rebelle, y compris aux sociétés marchandes, destructrices de toute tradition et de toute vie supérieure.

    Les raisons d'un Pearse ne sont pas celles d'un Soljénitsyne. II a fallu le choc d'un événement suivi d'un effort intérieur héroïque pour faire du second un rebelle. Ce qu'ils ont en commun, c'est d'avoir découvert par des voies différentes une incompatibilité absolue entre leur être et le monde dans lequel il leur fallait vivre. Tel est le premier trait qui définit le rebelle. Le second est le refus de la fatalité.

    • Quelle différence y a-t-il entre la rébellion, la révolte, la dissidence, la résistance ?

    La révolte est un mouvement spontané, provoqué par une violence injuste, une ignominie, un scandale. Fille de l'indignation, elle est rarement durable. La dissidence, comme l'hérésie, est le fait de se séparer d'avec une communauté, qu'elle soit politique, sociale, religieuse ou philosophique. Ses mobiles peuvent être liés au hasard. Elle n'implique pas d'engager la lutte. Quant à la résistance, au-delà du sens mythique acquis pendant la guerre, elle signifie que l'on s'oppose, sans plus, à une force ou à un système, même de façon passive. Être rebelle c'est autre chose.

    • À quoi un « rebelle » est-il essentiellement… rebelle ?

    Il est rebelle à ce qui lui paraît illégitime, à l'imposture ou au sacrilège. La rebelle est lui-même sa propre loi. C'est ce qui fonde sa spécificité. Son deuxième trait est la volonté d'engager la lutte, fût-elle sans espoir. S'il combat une puissance, c'est parce qu'il en récuse la légitimité, prétendant lui-même à une autre légitimité, au besoin celle de l'âme ou de l'esprit.

    • Quels modèles de « rebelles » offririez-vous, en les choisissant dans l'histoire et la littérature ?

    D'emblée, je pense à l'Antigone de Sophocle. Avec elle, nous sommes dans l'espace de la légitimité sacrée. Antigone est rebelle par fidélité. Elle brave le décret de Créon par respect pour la tradition et le commandement divin  l'ensevelissement des morts  transgressé par le roi. Peu importe que Créon ait ses raisons. Leur prix est un sacrilège. Antigone se croit donc légitimée dans sa rébellion.

    Pour invoquer d'autres exemples, j'ai l'embarras du choix. Durant la guerre de Sécession américaine, les Yankees désignèrent leurs adversaires sudistes sous le nom de rebelles, Rebs. C'était de bonne propagande, mais faux. La Constitution des États-Unis reconnaissait en effet le droit de sécession aux États membres. Et les formes constitutionnelles avaient été respectées par les États du Sud. Le général Robert Lee, un Virginien, futur commandant en chef des armées confédérées, ne se considérait pas comme un rebelle. Après sa reddition en avril 1865, il s'efforça de réconcilier le Sud avec le Nord. C'est à ce moment que se levèrent les vrais rebelles, des femmes et des hommes qui, après la défaite, continuèrent la lutte contre l'occupation du Sud par les armées nordistes et leurs protégés. Certains tombèrent dans le banditisme, comme Jesse James. D'autres transmirent à leurs enfants une tradition qui eut une grande postérité littéraire. Au détour de L'invaincu, le plus beau roman de William Faulkner, on découvre par ex. le portrait fascinant d'une jeune rebelle sudiste, Drusilla, à jamais certaine de son bon droit et de l'illégitimité des vainqueurs.

    • Comment peut-on être rebelle aujourd'hui ?

    Je me demande surtout comment on pourrait ne pas l'être ! Exister, c'est combattre ce qui me nie. Être rebelle, ce n'est pas collectionner des livres impies, rêver de complots fantasmagoriques ou de maquis dans les Cévennes. C'est être à soi-même sa propre norme. S'en tenir à soi quoi qu'il en coûte. Veiller à ne jamais guérir de sa jeunesse. Préférer se mettre tout le monde à dos que se mettre à plat ventre. Pratiquer aussi en corsaire et sans vergogne le droit de prise. Piller dans l'époque tout ce que l'on peut convertir à sa norme, sans s'arrêter sur les apparences. Dans les revers, ne jamais se poser la question de l'inutilité d'un combat perdu. Voir Padrig Pearse.

    J'ai évoqué Soljénitsyne qui incarna l'épée magique dont parle Jünger, « l'épée magique qui fait pâlir la puissance des tyrans ». En cela il est unique et inimitable. II était pourtant redevable à moins grands que lui. Et cela incite à réfléchir. Dans L'archipel du Goulag, il a narré les circonstances de sa « révélation ». En 1945, ils étaient une dizaine de détenus dans la même cellule de la prison de Boutyrki à Moscou, visages hâves et corps abandonnés. Un seul, parmi les détenus, était différent. C'était un ancien garde blanc, le colonel Constantin Iassévitch. On entendait lui faire payer son engagement dans la guerre civile, en 1919. Et Soljénitsyne dit que le colonel, sans parler de son passé, montrait par toute son attitude que la lutte n'avait pas cessé pour lui. Tandis que le chaos régnait dans l'esprit des autres détenus, il avait visiblement un point de vue clair et tranché sur le monde qui les entourait. La netteté de sa position donnait à son corps solidité, souplesse, énergie, malgré son âge. II était le seul à s'asperger d'eau froide chaque matin, alors que les autres détenus croupissaient dans leur crasse et se lamen­taient. Un an plus tard, transféré à nouveau dans cette même prison de Moscou, Soljénitsyne apprit que l'ancien colonel blanc venait d'être exécuté. « C'était donc cela qu'il voyait à travers les murs, de ses yeux restés jeunes… Mais le sentiment incoercible d'être resté fidèle à la voie qu'il s'était tracée lui donnait une force peu commune ». Méditant sur cet épisode, je me dis qu'à défaut d'imaginer jamais devenir un autre Soljénitsyne, il est au pouvoir de chacun d'être à l'image du vieux colonel blanc.

    ► entretien paru dans éléments n°101, mai 2001.

    http://www.archiveseroe.eu

  • Si on parlait un peu de l’extrémisme de gauche ?

    Le Monde du 2 juillet publie une tribune stupéfiante, révélatrice de la soviétisation morale de la gauche. Nicolas Lebourg, historien, y assume une pensée totalitaire décomplexée.

    Jugeant insuffisante la dissolution des mouvements d’extrême droite qui « laisse vaquer hommes et idées », il préconise une « politique globale de répression ».

    Il en appelle à la création d’un « dispositif capable de réprimer aussi bien en haut qu’en bas » par l’instauration « d’une structure de veille et de saisine du juge ». La répression sera renforcée « par l’instauration de peines plancher et de privation des droits civiques » pour les déviants de la pensée. [...]

    Bruno Riondel - La suite sur Boulevard Voltaire

  • L'oeuvre de Seyyed Hossein Nasr: Islam, connaissance, nature et sacré

    Peu connu du public francophone, parce peu de ses ouvrages ont été traduits en français (bien que les éditions L'Age d'Homme de Lausanne préparent la traduction de l'un de ses livres, L'Islam traditionnel face au monde moderne), Seyyed Hossein Nasr est né à Téhéran, a fait ses études au Massachusetts Institute of Technology et à l'Université d'Harvard. En 1958, il est retourné à Téhéran, où il est devenu directeur de l'Académie impériale iranienne de philosophie en 1974 et professeur de philosophie à l'Université de sa ville natale. Aujourd'hui, il enseigne les sciences religieuses à la Temple University de Philadelphie. Notons aussi que Seyyed Hossein Nasr a été le collaborateur du célèbre islamologue français Henri Corbin dans la rédaction de son Histoire de la philosophie islamique, parue chez Gallimard en 1964. 

    Le premier livre de Seyyed Hossein Nasr que j'ai lu en 1979 était Man and Nature. The Spiritual Crisis of Modern Man   (Mandala Books/Unwin, London, 1968/76). Le propos de cet ouvrage était à la fois religieux et "écologique", bien avant que ce vocable n'ait été à la mode. Seyyed Hossein Nasr, avant tout le monde, nous demandait de ne pas penser séparément la crise spirituelle de l'homme, provoquée par les assauts de la modernité, et la crise écologique, subie par la nature, à cause de la logique accumulatrice et exploitante, inaugurée par cette même modernité. Le tour de force du Prof. Nasr a été d'aborder la double problématique de l'homme et de la nature en se référant au taoïsme, à l'hindouïsme, au bouddhisme, au christianisme et à l'islam.
    Vaste panorama des doctrines traditionnelles, présenté dans une optique qui pose comme axiome, en toute bonne logique traditionaliste et à la suite de Frithjof Schuon, l'"unité transcendante des religions", les travaux de Seyyed Hossein Nasr visent, en fait, à recomposer cette harmonie entre l'homme et la nature qu'a brisée la modernité. La connaissance des doctrines traditionnelles, énoncées avec beaucoup de pédagogie par le Prof. Nasr, doit servir à reconstituer, pièce par pièce, l'unité perdue. La négligence des principes traditionnels a conduit à la crise (morale, politique, écologique). L'omniprésence des effets de cette crise dans la vie quotidienne moderne signale l'absence de "quelque chose". Et ce sentiment d'absence est dû au bannissement de la nature hors de l'environnement quotidien moderne. Dépourvue de toute signification spirituelle, la nature déchoit: elle n'est plus qu'une "chose", exploitable, pillable, instrumentalisable, qui est à la disposition de tous et d'un chacun.
    Parallèlement à cette désacralisation généralisée, à cette triste choséification de l'espace physique naturel, l'expérience religieuse, désormais débarrassée de tout ancrage fécond, n'est plus ouverte sur le cosmos; elle n'est plus qu'une expérience strictement privée entre un homme et son Dieu. Dans un tel appauvrissement de l'expérience religieuse, le cosmos, le monde, ne sont plus perçus comme les oeuvres de Dieu. Contrairement aux autres religions traditionnelles, le christianisme est, dans une certaine mesure, responsable de cette désacralisation, parce qu'il prêche le renoncement au monde et ne lui accorde, par conséquence, aucune importance métaphysique. Il ne s'agit évidemment pas du christianisme médiéval qui a su conserver relativement intactes les grandes doctrines ésotériques, notamment dans les gildes de bâtisseurs de cathédrales, chez les Fedeli d'amore (auxquels appartenait Dante; cf., à ce propos, René Guénon, Aperçus sur l'ésotérisme chrétien, Editions traditionnelles, Paris, 1988), dans les cercles hermétiques de tradition pythagoricienne. Ce christianisme européen médiéval possédait sa science sacrée des objets matériels, capables de conduire l'âme, depuis les ténèbres de la materia prima,  vers la luminosité du monde intelligible.
    Mais cette science sacrée a sans cesse été refoulée par la tentation chrétienne de refuser le monde, d'une part, par la théologie trop rationaliste de l'Occident, d'autre part. Pour Seyyed Hossein Nasr, c'est le contact entre la chrétienté et l'Islam, pendant les croisades, par l'intermédiaire de l'Ordre du Temple notamment, qui réveille les éléments dormants de l'ésotérisme religieux en Europe, après le rejet, au XIième siècle des thèses néo-platoniciennes. En effet, en Islam comme en Chine taoïste, l'observation de la nature et l'expérimentation ont toujours conservé leur attachement aux traditions gnostiques et mystiques, empêchant du même coup que ne s'opère là-bas le divorce complet entre science et sacré, survenu dans l'Europe du XVIIième siècle. En refusant de séparer totalement l'homme de la nature, l'Islam préserve une vision intégrale de l'Univers, non fragmentée, à l'instar de celle de Hugues de Saint-Victor et de Joachim de Flore au Moyen Age, ou de Swedenborg, après la Renaissance. Dans cette perspective cosmique, intégrale, dépourvue de césure, l'homme cherche la transcendance et le surnaturel, non pas en s'opposant à la nature, mais en prenant appui sur cette même nature. Ce n'est qu'en étant ancré dans la nature que l'homme peut correctement la dépasser. L'homme doit apprendre à contempler la nature, non comme si elle était un domaine du réel tout-à-fait indépendant de lui, mais comme si elle était un miroir réfléchissant une réalité supérieure.
    Seyyed Hossein Nasr réhabilite également les traditions animistes ou païennes qui ne véhiculent pas de césure entre l'homme et la nature. D'abord, les traditions des Amérindiens, surtout ceux des Plaines, qui n'ont évidemment pas développé une métaphysique bien articulée mais en possédaient néanmoins les fondements dans leur intériorité et les exprimaient par des symboles très parlants. L'Indien des Plaines était une sorte de monothéiste primordial, écrit Seyyed Hossein Nasr, et voyait dans la nature vierge, les forêts, les arbres, les fleuves et le ciel, les oiseaux et les bisons, les symboles immédiats du monde spirituel. Raison pour laquelle l'Indien refuse que l'on meurtrisse la nature, qu'on la sollicite outrancièrement.
    Ensuite, le paganisme nord-européen, différent du paganisme méditarranéen, urbanisé et dénaturé, attribue également, selon Seyyed Hossein Nasr, une signification symbolique et spirituelle à la nature.
    L'unité entre l'homme et la nature, présente dans les doctrines traditionnelles, dans le christianisme ésotérique, dans la vision du cosmos des Indiens des Plaines et des Nord-Européens, disparaît avec Descartes, qui réduit le réel à l'esprit et à la matière, appauvrissant pendant plusieurs générations la perception occidentale de la nature. Celle-ci n'est plus perçue que sous l'angle d'une physique quantitative et mécanique, qui, d'abord, n'est pas la seule physique possible et qui, ensuite, ne rend compte, justement, que des aspects quantitatifs et mécaniques du monde, laissant de côté une myriade de facettes, d'harmonies, de formes, qui ne sont nullement accidentelles ou négligeables, mais, au contraire, étroitement liées à la racine ontologique des choses. Cette négligence et cette réduction conduisent à un déséquilibre dangereux, au désordre généralisé et à la laideur des productions artistiques et architecturales des hommes, surtout dans un monde comme le monde occidental où il n'y a plus d'autres sciences de la nature et où toute sapientia  a été refoulée. L'Occident en vient ainsi à oublier que les phénomènes participent tous de plusieurs niveaux cosmiques différents et que leur réalité ne s'épuise pas dans un et un seul niveau d'existence. De la même façon qu'un tissu vivant peut être objet d'étude pour le biologiste, le chimiste ou le physicien, ou qu'une montagne peut être objet d'études pour le géologue, le géophysicien ou le géo-morphologue, tout phénomène, quel qu'il soit, doit être observé, analysé et contemplé sous différents angles ou points de vue.
    L'Occident a du mal à se dégager de cette gangue physiciste/mécaniciste. L'attitude romantique envers la nature, première réaction contre le paradigme newtonien et cartésien, est demeurée plus sentimentale qu'intellectuelle, écrit Seyyed Hossein Nasr. Il poursuit: "Cette attitude passive n'a pu inaugurer un nouveau savoir. Quels que soient les services que le mouvement romantique a rendu à l'esprit en rédécouvrant l'art médiéval ou la beauté de la nature vierge, il n'a pu influencer le cours de la science ni ajouter une nouvelle dimension à l'intérieur même de la science...". Plus tard, la théorie de l'évolution, bien que biologisante et non plus unilatéralement mécanicisante, ne reflète que le Zeitgeist  accumulateur, écrit Seyyed Hossein Nasr, sans "ré-organiciser" de fond en comble les sciences physiques, tout en parodiant l'historicisme inhérent à la vulgate chrétienne.
    Et quand la physique newtono-cartésienne s'effondre à la fin du XIXième siècle, l'Occident se retrouve sans aucune force spirituelle capable de ré-interpréter la nouvelle physique et de l'intégrer dans une perspective plus générale et universelle. Par ailleurs, l'effondrement du paradigme mécaniciste ouvre la voie à toutes sortes de mouvements pseudo-spirituels ou occultistes, tandis que les théologiens, maladroits et éloignés de toute véritable sapientia, ne parviennent pas à donner une réponse satisfaisante ou élaborent des corpus boîteux, comme celui de Teilhard de Chardin, qui, écrit Seyyed Hossein Nasr, "est une absurdité sur le plan de la métaphysique et une hérésie sur le plan de la théologie".
    Dans un second ouvrage de Seyyed Hossein Nasr, paru en traduction allemande en 1990
    Seyyed Hossein Nasr, Die Erkenntnis und das Heilige,  (Knowledge and the Sacred) Eugen Diederichs Verlag, München, 1990, 438 S., ISBN 3-424-01031-6
    notre auteur récapitule ses arguments, tout en opposant la connaissance sapentiale et les processus involutifs de désacralisation, l'homme pontifical (de pontifex, pontem-facere, faire de soi un pont entre le ciel et la terre) à l'homme prométhéen. Le propos de Seyyed Hossein Nasr vise à réhabiliter le sacré dans la science, à réouvrir la science aux perspectives métaphysiques, c'est-à-dire aux plans qualitatifs ignorés par le paradigme newtono-cartésien, mais présents dans l'Islam traditionnel, par exemple.
    Pour Seyyed Hossein Nasr, en Islam, religion qui, comme le judaïsme, repose sur la spiritualité abrahamique, le message de la révélation s'adresse essentiellement aux facultés de connaissance; en effet, la révélation islamique s'adresse à l'homme en tant qu'intelligence, capable de faire la distinction entre le réel et l'irréel, de reconnaître et de vénérer l'Absolu. Ce message, écrit Seyyed Hossein Nasr, a été déterminé dans l'histoire par son premier conteneur, c'est-à-dire la mentalité sémitique-arabe, qui lui a conféré une certaine émotionalité, une propension à l'inspiration exaltée, qui, sur le plan théologique, se traduit par une forme d'"anti-intellectualisme" volontaire/volontariste. Il n'en demeure pas moins que cette émotionalité anti-intellectualiste de facture sémitique-arabe n'est qu'un aspect circonstantiel de l'Islam. Son noyau essentiel demeure le primat de la connaissance, auquel émotions, inspirations et exaltations doivent rester subordonnées. Le premier article de la foi islamique Lã ilãha illa¹ Llãh (Il n'y a point d'autre divin que le Divin) s'adresse en premier lieu à la connaissance et non au sentiment ou à la volonté. Le principe de connaissance est le moteur de l'Islam et tous les noms traditionnels relatifs aux écrits sacrés ont un rapport avec la connaissance: al-qur¹ãn (exposé, discours), al-furqãn (distinction), etc. En terre d'Islam, tout au long de l'histoire, nous repérons un véritable culte de la connaissance.
    Culte de la connaissance qui est lié, écrit Seyyed Hossein Nasr, à cette sapientia, cette sophia, qui dépasse la dichotomie conventionnelle entre l'intellectualisme grec et l'"inspirationalisme" hébraïque. La sophia, en effet, n'est ni pure intellectualité ni pure foi. Elle est les deux, à la perfection. Les néo-platoniciens l'ont mise en valeur, mais leur message n'a pas été entièrement compris, du moins dans le contexte chrétien et européen. La tradition chrétienne ne se veut pas a priori un chemin de la connaissance, mais un chemin de l'Amour, ce qui a conduit, dès l'aube de l'ère moderne, à négliger la sagesse/sophia, comme si elle était un corps étranger au sein d'une religion purement éthique, dont le socle serait l'amour pour Dieu et pour le prochain et l'élément central la foi. Certes, écrit Nasr, le christianisme est une religion qui privilégie la voie de l'Amour, mais son histoire révèle tout de même des pistes qui ont valorisé les voies de la connaissance et de la sagesse. Notamment, dans les traditions johannites, qui affirment le primat du logos, source de la révélation et de la connaissance ("Au commencement était le Verbe"). Cette attention moindre du christianisme au primat de la connaissance à conduit à la surévaluation contemporaine de l'éthique, au détriment de la naturalité, du politique et du travail (cf. Sigrid Hunke, Vom Untergang des Abendlandes zum Aufgang Europas. Bewußtseinswandel und Zukunftsperspektiven, Horizonte Verlag, Rosenheim, 1989).
    Ce "chemin de la sagesse", nous le retrouvons à Byzance, où se dresse la construction sacrée la plus belle du christianisme primitif, la Hagia Sophia, dédiée à la Sagesse, représentée par ailleurs sous les traits d'une belle jeune femme, qui sera, tour à tour, la Vierge Marie ou la Béatrice de Dante ou Fatima, la fille du Prophète. Mais ce culte de la sophia et de la gnosis sera graduellement refoulé, si bien qu'en Occident le concept de connaissance sera entièrement sécularisé. Pourtant la dimension sapientiale a été présente dans le christianisme, surtout chez Denys l'Aréopagyte, que le grand métaphysicien indien A. K. Coomaraswamy appelle le plus grand des Européens à côté de Dante. Son message est revenu au IXième siècle grâce aux traductions et aux travaux de l'Irlandais Jean Scot Erigène (810-877), dans le De divisione naturae, écrit entre 864 et 866. Pour Denys l'Aréopagyte et Jean Scot Erigène, la connaissance est centrale, elle est le moteur permanent de tout et non pas le simple moteur premier (à la phrase latine "in principio erat verbum", soit "au commencement était le Verbe", Scot Erigène substitue "in principio est Verbum", "au commencement est le Verbe", signalant par ce présent, qui est au fond intemporel, que le commencement de toute chose réside dans la connaissance). Cette vision du divin renoue avec l'émanatisme néo-platonicien: tout procède du moteur premier, c'est-à-dire du principe supérieur, thèse radicalement différente de celle de l'évolutionnisme, où tout part des êtres les plus bas de l'échelle.
    Jugé hérétique et condamné par le Pape Honoré III en 1225, Jean Scot Erigène est compté parmi les philosophes panthéistes; les penseurs et philosophes islamiques, surtout ceux qui sont marqués par le soufisme, aiment son ¦uvre, comme celle de tous les néo-platoniciens, panthéistes et mystiques européens (Pélage, Maître Eckhart, Nicolas de Cues) car elle correspond à la théorie soufique de la Création que l'on désigne par "le renouvellement de la Création en chaque instant" ou "à chaque souffle" (Tajdîd al-khalq bilanfas), théorie proche de celle qui posent les archétypes se projettant dans l'existence par émanation à chaque instant, émanation qui traverse les hommes, anéantissant leur passé au même moment où elle les renouvelle. Les "expirs" (anfãs) du Clément sont dilatations du divin, c'est-à-dire déploiement de "possibilités relatives" à partir des archétypes; la surabondance de l'Etre "déborde" (afãda) sur les essences limitées. Ibn Arabî identifie l'"Expir" divin à la Nature universelle (at-Tabî'ah), attribuant à celle-ci une fonction cosmogonique analogue à celle que les Hindous désignent comme la Shakti, l'"énergie productive" de la Divinité (source de ce §: Titus Burckhardt, Introduction aux doctrines ésotériques de l'Islam, Dervy-Livres, Paris, 1969).
    L'Occident n'a pas approfondi cette veine mystique et néo-platonicienne, contrairement à l'Inde et à l'Islam. Il a préféré les "synthèses théologiques" de Saint-Bonaventure, de Saint Thomas d'Aquin ou de Duns Scot, mettant l'accent sur la contemplation, le silence contemplatif ou la volonté. Pour Seyyed Hossein Nasr, ces synthèses scolastiques  surtout celle de Thomas d'Aquin, enferment leurs intuitions métaphysiques, qui sont justes, dans le corset étouffant de catégories syllogistiques, dans un rationalisme étroit. La sophia, dans ses avatars christianisés, est ainsi voilée; la connaissance, la sapience, perd son caractère sacré, et un divorce s'instaure entre la philosophie et la sagesse/sophia. Cette théologie et cette philosophie du voilement, amorçant la désacralisation généralisée du savoir et de la connaissance, donne le ton en Occident et refoule dans la marginalité les traditions mystiques (dont celle de Maître Eckhart). Le thomisme a donc été la forme la plus achevée et la plus mûre de la théologie chrétienne: mais il n'était pas pure sapientia et médiatisait dangereusement le rapport entre l'entendement humain et la raison divine.
    Pour comprendre ce processus d'occultation de la sophia et de désacralisation, il faut signaler l'influence exercée par les doctrines d'Ibn Sînâ (Avicenne) et Ibn Rushd (Averroës) dans le monde où le latin était langue savante. La traduction en latin a gommé une bonne part des potentialités scientifiques et sapientiales de ces doctrines: en effet, en Islam, avec Suhrawardî, l'interprétation des travaux d'Avicenne et d'Averroës renforce la scientificité de la science islamique pré-moderne, sans scotomiser le fond sapiential, tandis qu'en Occident latin, les fragments épars les plus rationalistes de ces philosophies s'imposent. L'Occident opte dès lors pour une interprétation rationaliste de l'avicennisme et de l'averroïsme; l'Islam, lui, proclame la primauté de l'intellectio sur la ratiocinatio. Suhrawardî parle d'illumination immédiate par la nature aux dimensions sacrées; l'Occident privilégie les mécanismes médiats du discours.
    La présence de ces doctrines émanatistes, où la nature est respectée en tant que véhicule des grâces divines, dans toutes les traditions islamiques, christianisées, hindoues, chinoises, néo-platoniciennes, etc. permet de parler d'une philosophia perennis ou d'une sanatâna dharma (A.K. Coomaraswamy) ou de "religion pérenne" (F. Schuon; cf. Sur les traces de la religion pérenne, Le Courrier du Livre, Paris, 1982) ou de "vraie religion de l'Europe" (Sigrid Hunke, La vraie religion de l'Europe, Le Labyrinthe, Paris, 1985; le livre de Sigrid Hunke se limite géographiquement à l'Europe). Seyyed Hossein Nasr nous rappelle que l'expression de philosophia perennis remonte au XVIième siècle et se retrouve dans l'oeuvre d'un hébraïsant et arabisant italien, bibliothécaire du Vatican, Agostino Steuco (1497-1548), notamment dans son De perenni philosophia, un ouvrage clef, marqué par les pensées de Marcille Ficin (qui parlait de philosophia priscorium ou de prisca theologia), Pic de la Mirandole et Nicolas de Cues. Dans De pace fidei, Steuco plaide pour une réconciliation ou du moins pour une coexistence harmonieuse des grandes religions, qui s'opérerait par le haut, précisément sur base de la philosophia perennis. Ce recours à la philosophia perennis permet de renouer avec les traditions grecques païennes (Platon, Pythagore, Empédocle, etc.) et celles de l'Iran pré-islamique. La Sophia perennis précède donc les révélations du Livre, ce qui permet de parler de Tradition (primordiale) ou, en arabe, d'al-dîn.
    [Synergies Européennes, Vouloir, Juillet, 1992] http://robertsteuckers.blogspot.fr/

  • Jean-Yves Le Gallou : "La tyrannie médiatique"

    Source: Cercle de l'Esprit Rebelle (réseau MAS)

  • "Socialisme maçonnique" L'IDÉOLOGIE ET LA STRATÉGIE DES FRANCS-MAÇONS MISES À NU

    Dans les années 1920, un prêtre, qui signera "AG Michel", entreprit l'examen systématique de tous les textes politiques adoptés par les convents annuels du Grand Orient de France. Il publiera le fruit de ses découvertes en un livre intitulé La France sous l'étreinte maçonnique. Les Editions du Trident le rééditent aujourd'hui, en deux tomes, dont le premier, Socialisme maçonnique, vient de paraître. Le deuxième paraîtra sous le titre Mondialisme maçonnique.

    L'intérêt, exceptionnel, de cet ouvrage, est qu'il est quasi exclusivement composé de textes maçonniques. Ici, nulle interprétation sujette à caution, aucune extrapolation. L'auteur a sélectionné des citations de documents maçonniques officiels, et les a classées en chapitres qui déclinent les principaux aspects de l'entreprise maçonnique : la république démocratique maçonnique; la démocratie maçonnique est dictatoriale; la dictature sur les parlementaires; le secret, condition essentiel de la dictature maçonnique; les organes de la dictature maçonnique; l' irradiation maçonnique dans le corps social; la propagande et ses moyens; la stabilité du régime maçonnique assurée par l'Education.

    Le chapitre sur les organes de la dictature maçonnique, qui est le plus long, permet de vérifier la profonde pertinence du travail accompli. En partant d'une citation sur la franc-maçonnerie comme cœur quasi physiologique de la République, il explique qu'en effet elle « constitue un système circulatoire complet qui va porter l'influx maçonnique jusqu'aux extrémités du corps social ». A partir de là il va donc détailler, toujours par des citations, ce qu'est le cœur du système, puis quels sont « les vaisseaux sanguins maçonniques » : fraternelles, partis politiques, ligues, amicales laïques, etc., et enfin comment fonctionne le « système capillaire maçonnique » qui permet d'étendre l'influence des Loges dans tous les milieux sans qu'elle soit perçue comme telle.

    Naturellement, le chapitre sur l'Education est également important, car il donne nombre de citations sur ce que la maçonnerie appelle la laïcité, à savoir le laïcisme officiel de la République, qui est sa grande œuvre.

    • AG Michel, Socialisme maçonnique, 254 pages, 25 euros. Editions du Trident, 39 rue du Cherche-Midi, 75006 Paris. Tél. 06 72873159.

    Yves Daoudal National Hebdo du 10 au 16 février 2005

  • SYNTHÈSE NATIONALE N°32 est sorti !

    Au sommaire :
    - Lorsque l'oppression est flagrante, l'insurrection est un devoir... Éditorial de Roland Hélie
    - L'affaire Esteban : le mensonge d'État
    - Il faut dissoudre le Syndicat de la magistrature ! Arnaud Raffard de Brienne
    - Dominique Venner ou la fondation de l'avenir. Georges Feltin-Tracol.
    - Union sacrée des patriotes contre le mondialisme. Richard Roudier
    - 1 million d'emplois nouveaux, c'est possible ! Serge Ayoub
    - Pour une politique de l'énergie. Adrien Vittement
    - Un entretien avec Filip Dewinter. Lionel Baland
    - Louis-Ange Pitou, agent royaliste et chansonnier contre-révolutionnaire oublié. Thiérry Bouzard
    - Retour sur le Limonov d'Emmanuel Carrère. Francis Bergeron
    La journée lilloise de Synthèse nationale
    Les rubriques de Patrick Parment, Yves Darchicourt, Pieter Kerstens, du Marquis, de Philippe Randa...
    Les livres à lire...
     
    124 pages, 12,00 €
    ABONNEZ-VOUS !
    1 an, 6 numéros
    Abonnement simple : 50,00 €,
    Soutien : 100,00 €, étranger : 70,00 €
    Envoyez vos coordonnées avec un
    Chèque à l'ordre de Synthèse nationale
    Synthèse nationale 116, rue de Charenton 75012 Paris
    (correspondance uniquement)
    Bulletin d'abonnement cliquez ici 

  • LES MENACES QUI PÈSENT SUR LA RÉPUBLIQUE METTENT LA FRANCE EN PERIL

    La XXIe université annuelle du Club de l'Horloge s'est tenue à Saint-Germain-en-Laye, les 19 et 20 novembre dernier. Le thème en était :
    La république en danger. Le moins qu'on puisse dire est que, juste après les émeutes sans précédent qui ont secoué de nombreuses banieues ethniques, et la France par contrecoup, le thème était d'une... brûlante actualité.
    À travers l'analyse des dangers qui menacent aujourd'hui la république, l'université du Club de l'Horloge était l'occasion de réfléchir à ce qu'est la république celle qu'il faut défendre et à quelques notions connexes, comme la citoyenneté, l'intégration, ou la laïcité. On en revenait fondamentalement à ce qui est au cœur de la doctrine du Club : la défense conjointe de la souveraineté et de la liberté, qui sont au cœur de la notion de république (française), et sont attaquées de toutes parts.
    Mais il faut d'abord définir ce que l'on entend par république. La question n'est pas simple. En introduction, Henry de Lesquen l'exposa dans sa complexité, dégageant les deux sens principaux d'un terme«ambivalent».
    Dans les dictionnaires, la république est d'abord définie de façon négative, comme le régime où le pouvoir n'est pas détenu par un seul, et où le chef d'Etat n'est pas héréditaire. Le second sens est le sens originel du mot : res publica, la chose publique, définition positive qui renvoie au bien commun. Mais ce sens-là ne définit pas un régime "républicain". Pour Jean Bodin comme pour Platon, la meilleure république est la monarchie. Et Rousseau dira que la république, c'est tout Etat régi par des lois. D'autre part, en France, le mot a reçu un autre contenu "positif' en devenant le slogan d'un parti, le parti dit républicain, autrement dit celui de la franc-maçonnerie qui s'est érigée en conscience de la République et a mené au nom de cette république une guerre de religion entre 1871 et 1914.

    Laïcité et laïcisme
    À l'«ambivalence» du mot république correspond ici l'ambivalence du mot laïcité. François-Georges Dreyfus montrera que la prétendue«laïcité à la française», «républicaine», n'est pas la laïcité, mais un laïcisme de combat anticatholique, une idéologie antireligieuse, qui deviendra religion d'Etat à partir de 1877, culminant dans la loi de 1905. La situation changera avec l'union sacrée et la fraternité des armes pendant la guerre de 14-18. Il y aura alors une chute durable de l'anticléricalisme. Le laïcisme renaîtra après Mai 68, à la faveur des lois concernant les mœurs, puis de l'arrivée de la gauche au pouvoir.
    La république qui est en danger et qu'il faut défendre n'est donc pas la république maçonnique du laïcisme. Ce n'est pas non plus la république socialiste qui détruit les libertés sociales et économiques, et comme dans chaque université du Club de l'Horloge nous avons eu une leçon d'idéologie libérale pure et dure, délivrée cette fois (brillamment, mais pourquoi un tel individualisme extrémiste ?) par le professeur Gérard Bramoullé d'Aix-en-Provence.

    La souveraineté
    La république dont parle le Club de l'Horloge (c'est aussi la Constitution de la Ve) se fonde sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il y est question de la souveraineté de la nation, et de l'égalité en droit des citoyens.
    La république est donc en danger quand on porte atteinte à la souveraineté nationale. Toute Constitution est l'expression de la souveraineté, rappela Olivier Gohin, professeur à Paris II, et l'opposition entre la Constitution française et la virtuelle Constitution européenne «correspond à une lutte à mort entre l'Etat français en déliquescence, qui s'efforce parfois de résister, et un Etat européen en construction, qui prétend toujours le submerger». Le peuple français a exercé la souveraineté nationale lors du référendum du 29 mai, mais l'entreprise de sape européiste se poursuit, provoquant une grave crise, dont on ne peut sortir que par la réaffirmation de la souveraineté, qui est«une idée neuve en Europe, et c'est l'Europe des souverainetés nationales qui est à construire».
    Roland Hureaux montra quant à lui comment la décentralisation est«sournoisement» une menace pour la république, quand elle s'effectue sous la pression d'une Union européenne ayant pour but de constituer une "Europe des régions". Cette décentralisation sous influence menace à la fois l'unité nationale, l'autorité de l'Etat et la souveraineté.

    La citoyenneté et la "discrimination positive"
    La notion de citoyen est consubstantielle à celle de république. Le mot citoyen est aujourd'hui mis à toutes les sauces, au point que son sens est dénaturé, voire même inversé (certaines « attitudes citoyennes »prônées par des lobbies sont le contraire de ce que l'on attend d'un citoyen). C'est ce que décrivit Blaise-Saint-Dizier, président de SOS Identité, qui revint au sens premier du mot : dans la cité antique, la citoyenneté est le droit de participer au culte de la cité. Le citoyen est l'enfant de la patrie, il a besoin d'un triple enracinement, personnel, sur un territoire, et dans une Histoire. Blaise Saint-Dizier apportait la dimension d'héritage qui manque singulièrement à la Déclaration des droits de l'homme.
    Le multiculturalisme est en soi antinomique avec le concept républicain de citoyenneté. C'est pourquoi la république ne concevait naguère l'accueil des étrangers que dans le cadre de l'assimilation. Olivier Martinelli analysa comment on est passé subrepticement à «l'intégration», et quel est le véritable sens de ce mot ambigu. L'assimilation, c'est devenir chez autrui comme autrui, l'intégration c'est vivre comme chez soi chez autrui. L'intégration est en fait une transition entre l' assimilation et la société multiculturelle. Laquelle menace gravement la souveraineté territoriale, l'équilibre social et l'identité culturelle de la nation (comme l'actualité en donne l'explosif exemple). Le plus grave est que la société multiculturelle n'est elle-même qu'une transition entre deux assimilations, celle des étrangers à la communauté nationale, et celle de la population française à un cosmopolitisme universel. 
    L'intégration n'est donc pas républicaine. A plus forte raison n'est pas républicaine la "discrimination positive", sur laquelle se pencha Xavier Van Lierde, pour établir que ce concept viole à la fois les principes de liberté, d'égalité et de fraternité : par la discrimination positive, on tente d'établir de force l'égalité par la loi (comme le revendique Sarkozy), alors que les citoyens sont égaux devant la loi, et l'on scinde la communauté nationale en communautés dépositaires de droits spécifiques. 
    Sans doute manquait-il une contribution spécifique sur l'islam. Mais Henry de Lesquen combla cette lacune en énonçant in fine le problème, qui peut se résumer ainsi :«On ne peut pas être à la fois pieux musulman et français», puisque le pieux musulman, aussi pacifique soit-il, ne peut que vouloir l'instauration de la charia, il ne considérera donc jamais la loi républicaine française comme légitime.
    En conclusion, on pourra reprendre les derniers mots de l'introduction d'Henry de Lesquen : « En défendant la république, nous défendons la France.» Car ce qui importe en effet, au-delà du régime politique et des principes qu'il véhicule, c'est la pérennité de la France.
    Yves DAOUDAL  National Hebdo du 1 au 7 décembre 2005