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culture et histoire - Page 1893

  • Conseil unique d’Alsace. Régionaliser ? Oui mais pas n’importe comment.

    Conseil unique d’Alsace. Régionaliser ? Oui mais pas n’importe comment. En Alsace, le 7 avril, un référendum va porter sur un projet de fusion des deux conseils généraux, du Haut Rhin et du Bas Rhin, avec le conseil régional d’Alsace. Il naitra ainsi, en cas de succés du oui au référendum dans les conditions requises, notamment en termes de pourcentage de votants, un conseil territorial d’Alsace, collectivité unique dotée des attributions auparavant dévolues aux autres. Une collectivité locale à la place de trois. Beaucoup de régionalistes sont pour, et d’antijacobins, ceux-ci employant un terme ambiguë mais consacré car en fait le jacobinisme désigne d’abord un centralisme politique plus qu’administratif, le centralisme à la fois politique et administratif ayant surtout été établi par Napoléon 1er.

    Du côté opposé aux régionalistes (y compris ceux, nombreux, liés aux écologistes), les souverainistes et la direction du Front national ont fait connaître leur opposition à ce projet. Leur principal argument est que l’on ne réforme pas la France par morceaux de territoire. Or le regroupement prévu des conseils généraux et régionaux ne se ferait que dans la région Alsace. Marine Le Pen affirme à propos du projet de conseil territorial d’Alsace : « Par principe, je considère qu’on ne touche pas à l’administration d’un pays région par région – sinon, c’est le foutoir intégral ! Si jamais ce projet devait passer, ce serait un précédent dangereux. Ce serait le début du détricotage de la République, ainsi qu’une grande victoire pour l’Union européenne et les technocrates de Bruxelles, qui œuvrent sans cesse à la dissolution des nations.(…) ». Nicolas Dupont-Aignan parle de son côté de « décentralisation féodale », expression aussi utilisée par la présidente du F.N.

    L’argument de la réforme qui ne se fait par au coup par coup, à la carte selon les régions est de fait très important. Que dirait-on de l’Allemagne si une partie d’entre elle était fédérale et une autre partie directement rattachée au pouvoir central ? C’était d’ailleurs le cas quand le roi de Prusse était en même temps Empereur d’Allemagne, de 1871 à 1918, et cela créait une situation largement faussée. L’argument des souverainistes est donc totalement recevable, pas seulement de leur point de vue, mais du simple point de vue de tous ceux qui souhaitent que la République française (car une République n’est pas de n’importe où, ou alors elle n’est rien) ait encore un sens (ce qui est mon cas). La question n’est aucunement : jacobinisme ou pas. Il peut y avoir un jacobinisme régional, et pas seulement national, et les deux peuvent avoir autant de défauts. La question n’est pas non plus exactement la déconstruction de la France par les régions, argument souvent avancé par les souverainistes (français, précisons, car il existe aussi un possible souverainisme européen). La question des rapports entre l’Europe de Bruxelles et les régions est en effet plus complexe que certains souverainistes ne l’avancent. En un sens, il n’est pas faux d’affirmer que les régions affaiblissent l’Etat central. C’est la fameuse thèse comme quoi la France se vide par en haut, par l’Europe, et par en bas, par les régions. Mais en un autre sens, on constate que l’Etat central est le meilleur relais de l’application des directives européennes, y compris les plus contestables. En d’autres termes, en France, l’Etat met son « savoir-faire » uniformisateur (ou caporalisant pour être plus polémique) au service de l’Europe de Bruxelles. Il n’est même pas exclu que, parfois, le régionalisme puisse être un point d’appui pour des résistances populaires face aux décrets des eurocrates.

    La seule question qui vaille est donc de vouloir faire une réforme dans une région et pas ailleurs. S’il reste un droit français, un droit national, ce n’est pas acceptable. Cette réforme serait-elle d’ailleurs transposable dans son état actuel ? La décentralisation date des lois de 1982-83. Le problème français est qu’elle s’est faite avant tout au profit des départements qui concentrent la plus grande part des impôts locaux par habitant, à part les communes et leurs regroupements. Sur 100 euros d’impôts locaux, 10 vont aux régions, 60 aux communes, et 30 aux départements. Exemple : la région Bourgogne en 2012. Budget régional : environ 800 millions. Total des budgets des 4 départements qui composent la région : presque 2 milliards (Yonne 400 millions, Côte d’or 600, Nièvre 300, Saône et Loire 600. Total 1900 millions). C’est sans doute cette situation qu’il faudrait inverser au profit des régions. Mais faut-il aller jusqu’à supprimer les départements ? Le cas de l’Alsace ne peut-être extrapolé, à supposer d’ailleurs que même pour l’Alsace cette réforme n’amène pas à renforcer le centralisme autour de Strasbourg. L’Alsace n’a que deux départements. Il faut d’ailleurs remarquer qu’elle est amputée du Territoire de Belfort, historiquement alsacien. Dans les autres régions de France, plus étendues, avec plus de deux départements, la suppression de ces derniers supprimerait un échelon de proximité, une référence en termes d’identité et accentuerait l’abandon de certains territoires, à l’écart de tous projets. Reprenons notre exemple de la Bourgogne. A l’ouest de cette région se situe la Nièvre, dont la préfecture Nevers, qui en est aussi la plus grande ville, est aussi excentrée à l’extrême ouest. La Nièvre serait encore plus marginalisée dans le cas d’une suppression des départements. Tout se déciderait à Dijon, capitale de la région Bourgogne. Ce serait encore plus flagrant si les projets européistes de fusion de régions se faisaient. Il est ainsi proposé par certains technocrates de fusionner Franche-Comté et Bourgogne, ce qui excentrerait davantage encore la Nièvre, au rebours de toute politique d’aménagement du territoire, une ambition abandonnée et pourtant plus que jamais nécessaire.
    Il faut donc raisonnablement conserver les départements et les élections départementales mais certainement supprimer la compétence générale donnée aux conseils dits « généraux », à renommer conseils départementaux. Cette compétence générale doit être réservée aux régions et aux groupements de communes. On voit que la vraie question du référendum d’Alsace n’est pas de choisir entre centralisme ou décentralisation, ni entre départements et régions, mais entre une cohérence nationale des réformes territoriales ou l’absence de cohérence. De même que la mauvaise Europe ne cesse de chasser la bonne (et de dégouter tout le monde de l’Europe), une mauvaise décentralisation peut chasser la bonne.

    Pierre Le Vigan http://www.voxnr.com/

  • Le rendez-vous des civilisations (Y. Courbage et E. Todd)

    Le propos d’Emmanuel Todd et Youssef Courbage est d’examiner l’islam dans son rapport à la modernité, plus particulièrement sous l’angle démographique. Leur conclusion est que le discours aujourd’hui largement véhiculé par les médias institutionnels correspond à une analyse superficielle, simple habillage d’un propos propagandiste : non, l’islam n’est pas réfractaire à la modernité. Et bien loin d’assister à un « choc des civilisations », nous assistons, selon Todd et Courbage, à leur convergence – le « rendez-vous des civilisations ».
    A l’appui de leur thèse, Todd et Courbage font valoir que le nombre d’enfants par femme a fortement décru dans le monde musulman en trente ans : de 6,8 en 1975 à 3,7 en 2005. Fait complémentaire à prendre en compte : on observe une grande amplitude dans la situation actuelle des pays musulmans, de 7,6 enfants par femme au Niger à 1,7 en Azerbaïdjan. L’indice de fécondité de pays comme la Tunisie et l’Iran est égal à celui de la France, tandis que la zone sahélienne, qui n’a pas entamé sa transition démographique, reste « scotchée » sur des taux très élevés.
    Ce qu’en déduisent en premier lieu Todd et Courbage, c’est qu’il ne faut pas prendre les prêches natalistes des théologiens wahhabites comme référence des attitudes musulmanes : le monde musulman est divers, et cette diversité ne doit pas être masquée par quelques cas extrêmes, souvent mis en avant dans les médias pour décrire « les musulmans », artificiellement amalgamés dans un tout réputé homogène.
    L’analyse que propose Todd et Courbage, au rebours de la vision d’amalgame et d’essentialisme promu par le discours dominant, consiste fondamentalement à décortiquer cette diversité du monde musulman comme la traduction d’une période de transition – transition plus ou moins avancée selon les pays. Et jusque dans sa diversité, cette transition, ajoutent-ils, se déroule selon des modalités finalement comparables à celles expérimentées, avec quelques décennies d’avance, par des pays aujourd’hui entrée en stabilisation, voire en implosion démographique. Il y a eu historiquement, soulignent-ils, une grande hétérogénéité en la matière : l’alphabétisation a toujours provoqué, partout, une baisse des naissances – mais pas partout au même rythme. En Europe du Nord, par exemple, l’alphabétisation a été plus rapide que dans l’Europe latine, mais sa traduction en termes de natalité a été plus lente.
    L’analyse des évolutions historiques des pays extérieurs au monde musulman indique que le délai de latence entre alphabétisation et révolution démographique peut avoir deux causes : d’une part le retard relatif de l’alphabétisation féminine, d’autre part l’interaction de l’alphabétisation avec d’autres variables – on observe, par exemple, que les populations minoritaires sur leur habitat, ou menacées d’invasion, ont tendance à « se défendre », dans un réflexe collectif, en différant leur transition démographique.
    Le monde musulman expérimente aujourd’hui les mêmes mécanismes que le monde occidental et la Russie, il y a dix à quatre décennies. En ce qui concerne le « cœur » du monde musulman (Maghreb et Moyen-Orient), la plupart des grands pays marquent à peu près 40 ans de retard sur le monde russe, 80 ans sur le monde latin et un siècle sur l’Europe du Nord, tant pour la courbe de l’alphabétisation que pour celle de la natalité : c’est ce qu’on observe en Algérie, au Maroc, en Turquie. Des pays musulmans comme l’Iran, la Tunisie sont légèrement en avance sur ce « cœur ». D’autres sont légèrement en retard, comme l’Egypte ou la Syrie. Bien sûr, les évolutions sont complexes, et un pays légèrement en avance sur l’alphabétisation peut être légèrement en retard dans la stabilisation démographique : exactement comme ce fut, 80 ans plus tôt, le cas en Europe. Mais globalement, l’histoire démographique de l’Occident de la fin du XIX° siècle est reproduite par le « cœur » du monde musulman, aujourd’hui. La « conquête musulmane par les ventres » et le « Califat mondial » redouté par certains ne sont, pour ce qui concerne l’essentiel du monde arabe proprement dit, plus d’actualité.
    C’est si l’on s’éloigne de ce « cœur » du monde musulman que l’on peut effectivement trouver des « bombes démographiques » encore à désamorcer. On en trouvera une, très médiatisée, dans la péninsule arabique – mais, si la démographie de la zone wahhabite reste explosive, les effectifs concernés sont en réalité assez faibles : « cœur » spirituel du monde musulman, la péninsule arabique est, sur le plan démographique, une périphérie secondaire.
    Plus significatif, on trouvera des « bombes démographiques » surtout dans deux zones significatives  démographiquement : le Pakistan et l’Afrique subsaharienne musulmane.
    Ici, Todd et Courbage sont plus réservés sur la vitesse à laquelle les transitions démographiques vont se produire. Ils supposent qu’elles finiront par advenir, mais ils admettent que la transition, à peine entamée au mieux, sera beaucoup plus difficile que dans le « cœur » du monde musulman – et ils s’interrogent sur l’existence possible, dans ces zones, d’un « plancher » de natalité, aux environs de 4 enfants par femme.
    Pourquoi ce retard ? Pourquoi ces incertitudes ?
    Ce qui fait ici barrage à la transition n’est pas l’application de la Charia (laquelle, soit dit en passant, n’est appliquée quasiment nulle part en Dar-el-Islam), mais des donnes largement extérieures à l’islam, parfois solidifiées par lui – au Pakistan, une très forte endogamie ; en Afrique Noire, un très fort retard d’alphabétisation.
    L’endogamie n’est pas en soi un obstacle à la transition démographique. Très forte historiquement en Tunisie, elle n’a dans ce pays nullement été un frein au recul de la natalité. Mais au Pakistan, expliquent Todd et Courbage, on a affaire à un cas particulier : une forme de « paranoïa démographique » contre le monde indien, au sein de laquelle l’endogamie fonctionne comme un marqueur identitaire. Dans ce monde-là, le modèle familial endogame est vu comme la clef de voûte d’un système très sécurisant pour les individus, assurant une forte armature sociale et une grande stabilité de la coutume. Ici, Todd et Courbage soulignent qu’il existe donc un véritable phénomène de retard dans la transition démographique, mais que ce retard n’a absolument pas les causes que les « islamophobes » de tous poils mettent généralement en avant : en réalité, le Pakistan, du fait de son système d’endogamie coutumière, est dominé majoritairement par un système faussement patriarcal, où l’autorité des oncles est souvent plus réelle que celle des pères (marqueur immanquable des systèmes matriarcaux). Le patriarcat islamique n’est donc pas la véritable cause du retard de transition de ce pays – au contraire, c’est l’existence d’un système finalement peu patriarcal, de type tribolinéaire, qui explique le retard.
    L’autre bombe démographique est l’Afrique Noire. Bien sûr, une première spécificité de l’Afrique Noire est la réalité de la polygamie. Fait exceptionnel dans le reste du monde musulman (moins de 5 % des familles sont concernées), elle est une norme alternative au sud du Sahara (taux de polygamie : environ 35 %). Cependant, Todd et Courbage ne pensent pas que ce soit la cause première de la forte natalité africaine ; la cause principale est selon eux à rechercher dans le retard d’alphabétisation. Ils font remarquer, à ce propos, que toute l’Afrique est caractérisée par une forte natalité, indépendamment du poids de la polygamie et de celui de l’islam : l’Afrique centrale non-musulmane présente des indices de fécondité équivalents à ceux de l’Afrique musulmane. Dans les pays où cohabitent musulmans et chrétiens, il n’y a pas de règle générale : au Nigéria, les musulmans sont plus prolifiques, mais au Tchad, les chrétiens font plus d’enfants qu’eux.
    Et, concernant l’Afrique Noire, Todd et Courbage de conclure par une sentence ambiguë, qu’il est amusant de reporter ici en toutes lettres : « La forte inertie des mouvements démographiques garantit qu’il surviendra, au cours du XXI° siècle, un déplacement du centre de gravité de l’islam vers le sud. Il n’est pas impossible qu’un jour la problématique fondamentale associée à l’islam ne concerne plus ses rapports avec le nord « chrétien » ou « post-chrétien », mais le basculement de ses équilibres internes. »
    http://www.scriptoblog.com

  • Daube propagandiste et haineuse contre Drumont à la télévision

    Ce mardi soir sur France 2, un « docu-fiction » sur Edouard Drumont. Cette propagande est bien sûr payée avec nos impôts.

    Drumont est une figure de l’histoire du nationalisme français, et la critique de l’influence juive qu’il mena était à l’époque populaire, largement répandue par delà un clivage « droite-gauche » flou.

    De celui qui est aujourd’hui vu avec des lunettes du 21e siècle comme un monstre, Charles Maurras disait :
    « la formule nationaliste est ainsi née presque tout entière de lui ; et Daudet, Barrès, nous tous, avons commencé notre ouvrage dans sa lumière. » Plus loin dans son Dictionnaire politique et critique, Maurras ajoutait : « Chroniqueur merveilleux, historien voyant et prophète, cet esprit original et libre s’échappait aussi à lui-même. Il ne vit point tout son succès. »

    Denis Podalydès, l’acteur qui incarne de façon très partiale Drumont dans cette daube de la chaîne publique, raconte dans un entretien ce qu’il pense du personnage :
    « ce personnage est passionnant. Pas tellement par lui-même – c’est vraiment une crevure –, mais par son époque, le succès invraisemblable de ses écrits infâmes, l’antisémitisme français dans toute sa puissance. [...] Tous les acteurs habitués à incarner des êtres sympathiques ne rêvent que d’une chose : jouer des ordures.[...] Finalement, elle [sa barbe] m’a aidé à trouver la virulence du personnage, son acrimonie, son regard torve. [...] C’est un homme de lettres, mais profondément raté et profondément petit. Il avait une expression toujours faussement grandiose, un vocabulaire excessif, une rhétorique ampoulée pour dire les choses les plus basses. Il s’enivrait de ça. C’était un poète raté [...] Comme il a échoué, il s’est reconverti dans la calomnie et l’antisémitisme.
    Il y a des gens comme ça, qui ratent dans le chemin du bien et réussissent dans le chemin du mal. [...] Ce qui est hallucinant – et c’est là que le film pose les bonnes questions –, c’est que ce personnage, antipathique, médiocre, sûrement d’une intelligence très moyenne, ait pu remporter un tel succès avec le livre La France juive, une espèce de ramassis que j’ai essayé de lire, mais qui est illisible. Ce n’est qu’un répertoire de calomnies, de sinistres anecdotes et d’invectives. C’est fascinant que ce livre ait pu être vendu à 500 000 exemplaires [pas mal pour un raté - NDCI]  et loué par les frères Goncourt par exemple, qui lui disent, à l’époque : « Vous dites tout haut ce que beaucoup de gens pensent tout bas. »  [...]  Il fait partie de ces petites boursouflures que le monde médiatique peut créer, et d’ailleurs après « J’accuse », il disparaît, il est fini. Zola l’a tué ! C’était presque un homme d’affaires, sauf que les affaires qu’il brassait étaient des affaires veules, minables. Il ne faut pas hésiter à l’enfoncer, ce personnage.
    Vous ne lui trouvez aucune circonstance atténuante…
    Non, il n’en a vraiment aucune. On pourrait peut-être en trouver sur le terrain de la psychanalyse, parce qu’il est frappé par la folie de son père. [...] »

    http://www.contre-info.com

  • Méridien Zéro - Abécédaire pour une jeunesse déracinée...

  • Pierre Hillard, spécialiste du mondialisme... origines, découvertes et terrifiantes perspectives

  • Tea Party : L’Amérique à la reconquête de ses libertés

     

    <em>Tea Party : L’Amérique à la reconquête de ses libertés</em>

    RENNES (NOVOpress Breizh) – À lire la presse française de ces dernières années, on s’étonne que Barack Obama n’ait pas été réélu avec 99 % des voix tant le président américain cumule les vertus et ses adversaires les défauts. À lire le livre Tea Party : L’Amérique à la reconquête de ses libertés, on comprend surtout que les commentaires usuels relèvent soit de la désinformation, soit de la nullité crasse. D’origines vendéennes et bretonnes, Évelyne Joslain connaît à fond les arcanes des idées politiques américaines et les expose ici avec passion.

     

     

    Loin de la caricature présentée de ce côté-ci de l’Atlantique – front bas, intégrisme biblique et winchester en pogne – on découvre que le Tea Party est une « nébuleuse » où coexistent féministes conservatrices dégoûtées d’une « gent masculine à l’évidence dépassée par la situation », mâles blancs exaspérés par la discrimination à l’envers, et patriotes identitaires désireux de retrouver les valeurs fondatrices des États-Unis. De nombreuses idées infusent dans la théière du Tea Party : sur le plan intellectuel, le mouvement n’a rien à envier au clan « progressiste ».

     

    Obama occupe une grande place dans ce livre, mais pas l’Obama sanctifié qu’on connaît en France. Évelyne Joslain s’étonne de « l’écart entre le mythe Obama et l’inquiétante personnalité de cet étrange président », élevé à Hawaï par des grands-parents maternels blancs et de gauche. Elle dénonce ses « mauvaises fréquentations » comme Jon Corzine, ancien trader de Goldman Sachs devenu gouverneur démocrate du New Jersey avant de diriger MF Global qui sera l’une des dix plus grosses faillites de l’histoire américaine suite à des spéculations financières malheureuses. Elle a des mots très durs sur le dilettantisme géopolitique d’Obama, son indulgence envers l’islamisme, sa gestion invraisemblable de la guerre d’Afghanistan (où la « guerre contre la terreur » s’accommode d’assassinats « ciblés » en territoire pakistanais) et son immigrationnisme qui, au-delà du simple calcul électoral, pourrait dénoter une haine viscérale de l’Amérique blanche. Impitoyable, elle conclut : « C’est bien aux névroses d’Obama que l’Amérique doit d’avoir vu en trois ans s’exacerber les tensions raciales et se créer des clivages sociaux tandis que s’aggravaient rapidement la politisation et la racialisation de toutes les questions, sans oublier le chaos géopolitique au Moyen-Orient ».

     

    Si les dérives européennes (alliance entre universalisme et financiarisation, entre business et immigration, etc.) ressemblent fort à celles de l’Amérique, la France n’a rien produit d’analogue au Tea Party à ce jour. Ce livre très documenté est donc une exploration utile d’un puissant courant émergent encore très mal connu.

     

    François Kernan http://fr.novopress.info

     

    *** Évelyne Joslain, Tea Party : L’Amérique à la reconquête de ses libertés, éditions Jean Picollec, 298 p., 21 €.

  • Un nouveau livre choc d’Anne Kling

    menteurs-et-affabulateurs-de-la-shoah.jpgOn peut dire qu’Anne Kling frappe fort avec son cinquième et nouveau livre : Menteurs et affabulateurs de la Shoah.
    Vaste sujet !
    Le livre vient de sortir et personne chez Contre-info ne l’a encore lu : nous vous signalons simplement sa parution, et sa disponibilité ici.
    256 p. 18 €.

    Anne Kling est l’auteur de divers livres à succès, dont le CRIF, un lobby au coeur de la République et Les révolutionnaires juifs, qui viennent d’être réédités pour l’occasion. Tous ses livres peuvent se trouver ici.

    http://www.contre-info.com/

  • Bleiburg, démocide yougoslave

    Le 23 mai 1945, le Times de Londres publiait une lettre d'un soldat de retour de Yougoslavie : « Pendant la guerre contre l'Allemagne, disait le jeune homme, nous avons choisi d'attribuer toutes les qualités à ceux qui luttaient avec nous et de cacher leurs crimes. Aujourd'hui, il n'y a plus aucune raison valable pour continuer de se taire. »
    Fort louable, ce désir de vérité est, hélas, resté sans lendemain. L'heure n'était pas à l'objectivité. Abreuvé de récits épiques sur la Résistance et saturé d'informations horrifiques sur l'Holocauste et les turpitudes forcément odieuses de l'armée allemande, le grand public a donc continué d'ignorer des pans entiers de l'histoire de la IIe Guerre mondiale. Notamment ce qui concerne les aspects les plus contestables de l'action des Alliés. Au premier rang de ces grands "oublis" figure par exemple la livraison aux Partisans de Tito de plusieurs centaines de milliers d'anticommunistes Slovènes, croates, serbes et monténégrins, réfugiés autour du village de Bleiburg.
    LES PRÉMISSES
    Incluse contre son gré dans la Yougoslavie, en 1918, la Croatie mit à profit l'invasion allemande de 1941 pour proclamer son indépendance (le 10 avril) et confier le pouvoir à Ante Pavelic, le chef des Oustachis. Confronté à une guerre impitoyable, menée contre lui par des guérillas monarchiste (Tchetniks) et communiste (Partisans), ce dernier se trouva contraint à une alliance avec l'Italie et l'Allemagne. Une situation lourde de conséquences pour son peuple et son État. En effet, quoique très modestement associée à l'effort de guerre de l'Axe, la Croatie avait tout de même signé divers traités qui faisaient d'elle, au moins sur le papier, l'adversaire des Alliés. En 1944, lorsque le conflit prit un tour définitivement défavorable pour le Reich, le gouvernement croate, désireux de sauver l'essentiel, envisagea un renversement d'alliance. Fortes du fait que leurs troupes n'avaient jamais affronté les armées occidentales, et encouragées par divers contacts avec la diplomatie anglo-saxonne, les autorités oustachies entrèrent en relation avec les Alliés pour les convaincre de débarquer en Dalmatie. Malgré les avis favorables du général Wilson, du général Eaker et du roi Georges VI, elles se heurtèrent cependant à une fin de non-recevoir. Dénoncés aux Allemands - probablement par les Soviétiques -, les "comploteurs" furent arrêtés et plusieurs d'entre eux fusillés.
    Le 20 octobre, lorsque les communistes entrent à Belgrade, le territoire croate est encore largement sous le contrôle de l'armée nationale. Toutefois, l'encerclement menace suite à l’invasion de l'Italie et de la Hongrie. Face à une situation qui empire et compte tenu des menaces du général communiste Arso Jovanovic (« Si Zagreb résiste, notre Armée de libération et nos forces aériennes réduiront la ville en cendres »),le gouvernement doit donc se résoudre à ordonner le repli général (1er mai). Les suppliques de Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb, et du Vatican étant restées sans réponse, les autorités tentent encore une ultime démarche : deux groupes quittent Zagreb le 4 mai dans le but de convaincre les Anglo-Saxons d'occuper immédiatement le pays. La première mission, composée des aviateurs alliés Edward J. Benkosky, Rodney Woods et John Gray, et porteuse d'un mémorandum signé par 19 ministres, ne dépassera pas Zadar où l'avion est intercepté et son pilote fusillé par les Partisans. La seconde mission, composée du ministre Vjekoslav Vrancic et du capitaine de vaisseau Andro Vrkljan, est interceptée le 11 mai à Forli : le message n'atteindra jamais le QG allié !
    INTER ARMA SILENT LEGES
    Pour bien comprendre toute l'absurdité criminelle de Bleiburg, il faut garder en mémoire les prescriptions des Conventions de La Haye et de Genève, documents signés le 20 janvier 1943 par l'État Indépendant Croate. L'un des premiers articles précise que les prisonniers doivent être traités avec humanité et défendus contre les violences, les insultes et la « curiosité publique ». Un autre ajoute que les prisonniers de guerre possèdent des droits concernant leur personne et leur honneur. Un troisième, enfin, fait obligation de garder les prisonniers loin des zones de combat...
    La tragédie proprement dite commence le 6 mai 1945. Plusieurs colonnes, soit près de 600 000 personnes (certains parlent même d'un million), partent vers l'Autriche, dans l'espoir de se rendre aux avant-gardes du maréchal Alexander. Aux 17 divisions de l'armée croate, qu'accompagnent des supplétifs et des dizaines de milliers de civils, se mêlent des Tchetniks serbes, quelques Albanais et au moins 15 000 combattants monténégrins que suivent 20 000 civils. Au fil des jours, cette énorme masse se grossira encore de réfugiés Slovènes, de Hongrois, de Cosaques et de soldats allemands. Malgré les barrages, ce sont au moins 250 000 soldats et autant de civils qui réussiront à se mettre temporairement à l'abri en Carinthie, autour du village de Bleiburg.
    Comme on s'en doute, la progression depuis Zagreb n'a pas été facile. Le 7 mai, un comité composé du colonel Crljen et des généraux Herencic, Stancer, Servatzy et Metikos a pris le commandement de l'exode : direction Celje puis Dravograd ou Maribor en Slovénie. À l'ouest, une autre colonne regroupe, aux ordres du général Franc Krener, environ 12 000 miliciens et 6 000 civils Slovènes qui entreront en Autriche le 10 mai pour se rendre aux Britanniques à Viktring.
    Pour les Croates, l'unique issue est Dravograd où un premier détachement est remis, le 9 mai, aux Yougoslaves ; sauvés par des soldats bulgares qui les protègent des Partisans, la plupart de ces prisonniers arriveront sains et saufs à Rijeka. Lorsque le gros de la colonne se présente à son tour, les points de passage sont verrouillés par plusieurs brigades titistes que les troupes croates vont bousculer, les 12 et 13 mai, avant de pouvoir franchir la frontière. Dans le même temps, un autre contingent croate (369e division de la Wehrmacht) a lui aussi gagné les lignes britanniques en compagnie de quelques unités allemandes du général Löhr.
    Le 14 mai, le commandement croate adresse une offre de reddition (signée par le général Herencic, le colonel Crljen et l'ambassadeur monténégrin Krivokapic) au général Patrick D. Scott qui la rejette. Le lendemain, les Croates rencontrent les Britanniques et une délégation titiste dont le chef, Milan Basta, énonce ses conditions : une capitulation immédiate et l'application des lois de la guerre ou l'assaut conjoint de l'Armée Yougoslave et des forces alliées ! Face à cet ultimatum, les Croates tentent encore une démarche auprès des Britanniques mais ces derniers refusent de recevoir les plénipotentiaires. Faute d'alternative, la capitulation est donc signée le même jour, à 16 heures, et aussitôt annoncée aux réfugiés dont quelques centaines parviennent alors à s'enfuir.
    LA BOUCHERIE
    Le principe de l'extradition étant acquis, les Britanniques font croire aux prisonniers qu'ils seront évacués vers l'Italie et c'est donc pratiquement sans heurts que, de Klagenfurt, Krumpendorf, Rosseg, Ferlach, Toschling, Viktring et Wolfsberg, plusieurs trains gagnent la Yougoslavie où la tuerie débute aussitôt, sous les yeux mêmes des officiers anglais. Beaucoup de soldats britanniques, il faut le dire, estiment que l'opération contrevient aux règles de l'honneur. Le colonel Robin Rose-Price y voit l'illustration de « la plus sinistre duplicité » ; le romancier Nigel Nicolson, alors jeune officier, parle de « l'une des missions les plus honteuses jamais confiées à des soldats britanniques » et quant au futur ministre Tony Crosland, il évoquera plus tard « l'opération de guerre la plus répugnante » à laquelle il lui fut jamais donné de prendre part...
    À Maribor, les captifs sont regroupés dans trois camps puis transférés vers l'aérodrome de Tezno et froidement exécutés. Il y aura autour de ce site entre 60 000 et 70 000 victimes. À Ljubljana, capitale de la Slovénie, les prisonniers - civils et militaires - sont d'abord dirigés sur le camp de Sentvid ; affamés et brutalisés, ils sont ensuite divisés en petits groupes et entravés, avant d'être acheminés vers Tosko Celo, Topolo, Sveta Katarina, Sveta Marijeta, Skofja Loka et Podutik pour y être abattus ou précipités dans des gouffres. On parle de 25 000 morts. Les détenus monténégrins, eux, sont conduits à Kamnik où les hommes de la IIIe division procèdent à leur élimination. L'opération prend une ampleur exceptionnelle et en quelques semaines, la Styrie, la Carinthie et la Carniole autrichiennes se couvrent de charniers. Près de Slovenj Gradec, Velenje et Celje, ce sont encore d'autres tueries. Dans ce secteur, des exécutions massives ont lieu à Huda Luknja (Mislinje), Teharje, Huda Jama (Barbarin Rov), dans les bois de Bezigrad, près du château de Majdic, dans les mines désaffectées de Lasko, de Trbovlje ou de Hrastnik (7 000 victimes). D'autres encore se déroulent à Ratece, Sevnica, Brestanica, Ljubecna, Zasret, Rogaska Slatina, Slovenska Bistrica, près de Prevalje et entre Krsko et Kostanjevica. Là encore, les bourreaux sont bien identifiés : ils proviennent en majorité des 2e et 3e bataillons de la 7e brigade, une unité d'élite de la Xe division, mais aussi de la division slovène de Toni Anton Ricek. À Koceyje, et plus précisément au lieu-dit Kocevski Rog, ce sont 30 à 35 000 personnes qui sont tuées en quelques jours. Amenées de Sentvid, de Jesenice ou de Kranj, elles sont abattues au revolver et à la mitrailleuse ou simplement emmurées dans des grottes. Le grand coordonnateur du massacre est le major Simo Dubajic qu'assistent plusieurs détachements de la 11e brigade de la XXVIe division.
    La Slovénie se remplit à tel point de cadavres qu'en juin 1945, les communistes devront faire draguer certaines rivières qui alimentent Ljubljana en eau potable. On évalue les pertes sur la frontière à 200 000 ou 300 000 morts : proposée par l'Institut Croate Latino-Américain de Culture et le Committee for Investigation of the Bleiburg Tragedy (Cleveland), cette estimation paraît plausible. Pendant des années, les paysans locaux virent surgir dans leurs champs des restes humains que la chaleur gonflait et ramenait à la surface. Ce crime est à tous égards injustifiable mais cela n'empêchera pas l'écrivain communiste Milovan Djilas, un Monténégrin, d'affirmer non sans cynisme qu'« il était nécessaire pour que vive la Yougoslavie »...
    Pendant que l'on torture et que l'on tue en Slovénie, l'ancien État Indépendant Croate est lui aussi soumis à une épuration impitoyable (en 2009 et pour la seule République de Croatie, on dénombrait 830 sites de charnier...)
    À Zagreb où règne Rade Zigic, la purge est si massive qu'au moins 80 000 habitants sont arrêtés par la nouvelle police politique, la redoutable OZNA. D'abord "interrogés" dans des commissariats spéciaux, beaucoup de ces malheureux sont ensuite parqués dans une dizaine de camps de fortune, avant de finir, sans autre forme de procès, dans des fosses communes hâtivement creusées autour de la capitale. Sur l'ordre de Djoko Jovanic, chef de la VIe division prolétarienne, et de son acolyte Aleksandar Koharevic, les 4 800 blessés "ennemis" des onze hôpitaux de la capitale sont tous assassinés. Certains sont achevés à coups de marteau mais la plupart seront tout simplement jetés dans le gouffre de Jazovka. Cette terreur frappe aveuglément comme suffit à le démontrer l'exécution, sur la route de Kravarsko, des 60 élèves, âgées de 16 à 20 ans, d'un pensionnat de jeunes filles ! Le reste de la Croatie n'est pas épargné et les camps y poussent par dizaines. Les plus mortifères se situent à Vojnic, Bjelovar, Koprivnica ("Danica"), Zeleno Polje, Samobor, Krapina, Karlovac ("Dubovac"), Cemernica, Mirkovec, Oroslayje, Viktorovac et Djurmanec. Autour de ces lieux, la campagne se parsème de charniers. Avens, puits, vieux tunnels, galeries de mines et carrières abandonnées se remplissent de corps. Près de Harmica, au nord de Zagreb, 4 500 cadavres sont ensevelis, à Gornji Hrascani 1 700, à Slatinski Drenovac 1 600 et à Klinca Sela 1 500 autres ; près de Krapina, sur le site boisé de Macelj, ce sont 13 000 à 17 000 prisonniers qui passent de vie à trépas, tandis qu'en forêt de Luzanjak, ce sont 1 800 personnes qu'on assassine ; à Cazma, les victimes seraient près de 2 500 (dont 1 000 lycéens), à Zvecevo, elles seraient au moins 4 000 et à Jazovka, aux alentours de 20 000 !
    Provinces emblématiques de l'État croate, la Bosnie et l'Herzégovine paient également un lourd tribut. La répression y est féroce et c'est par milliers que les vainqueurs y suppriment catholiques et musulmans. Les exécutions de masse s'y succèdent nuit et jour, à Bosanski Brod, Drvar (Ticevo), Han Pijesak, Zenica, Butmir, Kasin-dol, Pecigrad, Prnjavor et aux grottes de Vardusa (7 000 victimes). Même les enfants n'échappent pas à cette folie, comme en témoigne l'assassinat de 5 000 d'entre eux à la sucrerie d'Usora, près de Doboj.
    LES MARCHES DE LA MORT
    La Croatie conquise mais non soumise, les communistes veulent encore l'impressionner pour longtemps, et dans ce but, ils organisent les tristement célèbres « marches de la mort ». Au moins 200 000 Croates périront dans ces funestes colonnes qui traversent à pied la Yougoslavie. Les routes les plus connues vont de Bleiburg à Bêla Crkva ou Kovin, de Jesenice à Zagreb ou Rijeka, de Zagreb à Gornji Podgradci ; plusieurs mènent les captifs au fin fond de la Serbie, à Vrsac, Pancevo, à la prison belgradoise de Glavnjaca, voire même jusqu'en Hongrie (Szeged), en Voïvodine ou en Macédoine (Djevdjelije). Régulièrement battus, affamés, souvent privés d'eau et cheminant pour beaucoup pieds nus, les prisonniers sont encore contraints de traverser des villages serbes où la population les agresse. Au bout de ce chemin de croix, beaucoup de ceux qui ont survécu sont purement et simplement liquidés - comme à Nasice, ou Backi Jarci, en Voïvodine - ou internés dans des camps dont l'horreur, si l'on en croit la Croix-Rouge, n'a rien à envier à celle du Goulag soviétique.
    RESPONSABILITÉS MILITAIRES
    Si l'on additionne les victimes croates de Slovénie, celles des épurations locales, celles des camps et celles des « marches de la mort », le total avoisine probablement les 600 000. Près de 30 fois Katyn !
    Ce democide, il faut le savoir, n'a pas été le fait d'individus incontrôlés, mais bien le fruit d'une politique délibérée. On a parlé d'un ordre formel de Tito et on a remarqué la parfaite organisation technique des bourreaux. Ces derniers sont bien connus et leurs carrières respectives n'ont pas eu à en souffrir : la plupart d'entre eux ont été promus beaucoup ont même reçu le prestigieux titre de « héros national ». Le gouvernement yougoslave n'a d'ailleurs jamais nié les faits ni tenté de se disculper : les Partisans impliqués ont été félicités et, en juillet 1948, Tito se vantait encore d'avoir « liquidé environ 200 000 soldats ennemis et autant de prisonniers ».
    Du côté britannique, la question des responsabilités peut également être posée. Elle l'a d'ailleurs été, dès 1946 et sans grand succès, par le Dr Harold Buxton, évêque anglican de Gibraltar, et par le député Douglas Savory. En 1975, certains documents confidentiels - archives du Foreign Office et carnets des forces britanniques en Autriche - ont été mis à la disposition des chercheurs : il ressort de leur examen que, sur le terrain, les responsables effectifs du rapatriement furent les généraux Patrick D. Scott, Horatius Murray, Charles F. Keightley et Toby A. Low. Ceci est malheureusement insuffisant : sauf à penser que la livraison des Croates fut le résultat d'une connivence ponctuelle, il faut ensuite chercher plus haut car, quel que fût leur rang, ces officiers n'étaient tout de même que des exécutants. De nombreux documents traduisent la volonté du haut commandement de se débarrasser des Croates, mais il reste très difficile d'identifier formellement les donneurs d'ordres. Au-dessus des généraux, il y avait le SACMED ou Commandement Suprême Allié en Méditerranée, à la tête duquel se trouvait le maréchal Harold Alexander. Très hostile à la livraison de prisonniers aux communistes, beaucoup prétendent qu'il ignorait ce qui se déroulait à Bleiburg, ce que contredisent plusieurs pièces. Le 14 mai, par exemple, son bras droit, le général Brian Robertson, envoie des directives à la VIIIe Armée pour que « tous les prisonniers dont la nationalité yougoslave est démontrée et qui prêtaient service dans les forces allemandes soient désarmés et remis aux forces yougoslaves ». Il est peu probable que cet officier supérieur ait pris une décision aussi capitale sans en référer. Le 15 mai, le SACMED adresse à son antenne de Belgrade le télégramme suivant : « Le commandement des troupes alliées en Autriche signale qu'environ 200 000 citoyens yougoslaves qui servaient dans l'armée allemande (sic) se sont rendus à lui. Nous voulons les remettre immédiatement aux forces du maréchal Tito, et souhaitons que ce dernier donne des ordres à ses commandants pour qu'ils conviennent avec le chef du Ve Corps d'Armée du rythme ainsi que du lieu de la livraison... » Le 16 mai, le vice-maréchal Arthur S.G. Lee transmet la proposition à Tito, et le 17, le général Ljubodrag Djuric répond par lettre que « le Maréchal approuve entièrement l'offre du maréchal Alexander » et que « les 200 000 prisonniers seront pris en charge par la IIIe Armée qui a reçu des instructions ».
    Cette décision anglaise restera secrète jusqu'au 31 juillet 1945, date à laquelle le général W.D. Morgan, chef d'état-major du SACMED, admet dans un courrier officiel que « vu la situation existant en Autriche, [les prisonniers] ont été remis aux forces militaires yougoslaves au cours d'opérations menées conjointement par les armées britannique et yougoslave, et conformément aux ordres émanant de ce Quartier Général ». Voilà qui tend donc bien à confirmer l'implication du maréchal Alexander, même s'il existe, par ailleurs, un ordre de ce dernier (en date du 4 juin, c'est-à-dire quand tout est fini) interdisant la poursuite des rapatriements forcés !
    RESPONSABILITÉS CIVILES
    Compte tenu de ce que l'on sait de la machine de guerre alliée, il est impossible de ne pas évoquer aussi le rôle du pouvoir civil. Là encore, force est de constater que les Britanniques furent bien les seuls ordonnateurs de la tragédie. On sait qu'en avril 1945, l'ambassadeur à Belgrade, Ralph Skrine Stevenson, et Sir Orme Sargent envisageaient de désarmer et d'interner les Croates, tandis que Churchill projetait même de s'en servir pour interdire Trieste aux communistes. Début mai, toutefois, leur attitude évolue en faveur d'un accord avec Tito, ce qui suscite l'opposition immédiate de l'ambassadeur américain à Caserte, Alexander C. Kirk, qui alerte Washington. Le 2 mai, le secrétaire d'État Joseph C. Grew déclare que les USA s'en tiennent au désarmement et à l'internement des prisonniers. Cette position ne variera pas et lorsque Kirk avertit Washington, le 14 mai, que Caserte a donné l'ordre de livrer les Croates, les autorités US font connaître leur refus. Ignorant que le rapatriement s'est d'ores et déjà effectué (ils ne le découvriront que le 4 août), les USA proposent même, le 19 mai, de contribuer matériellement à l'entretien et au ravitaillement des captifs.
    Même à Londres, il semble que certaines autorités aient été tenues à l'écart. Ainsi, le 29 mai, sir Alan Brooke, chef de l'état-major impérial, recommande-t-il de ne pas livrer les Croates car « les Américains pourraient ne pas approuver une telle mesure ». Pourtant, un homme au moins a dû être au courant, et cet homme, c'est Harold Macmillan, le ministre-résident qui supervisait le SACMED. Interrogé en 1984 - il fêtait ses 90 ans -, l'ancien Premier ministre a prétendu ne plus se souvenir... Reste qu'il paraît peu vraisemblable que les généraux aient agi à son insu et sans son aval. Reste également qu'il a effectué, le 13 mai 1945, une mystérieuse visite au QG du Ve Corps d'Armée, celui-là même qui avait sous sa garde les réfugiés croates... Ne venait-il pas régler les derniers détails de l'extradition ? Et n'avait-il pas troqué celle-ci contre l'évacuation de la Carinthie par les Partisans ou contre certaines garanties sur l'avenir de Trieste ?
    Au-dessus de Macmillan, il y avait encore Anthony Eden, futur indéboulonnable ministre britannique des Affaires étrangères que rien de concret ne permet jusqu'à présent de mettre en cause, mais dont il est néanmoins permis de supposer qu'il était au fait du problème. Vu la position très soviétophile qu'il avait adoptée vis-à-vis de la question des prisonniers russes, il n'est pas exclu de penser que de futures investigations puissent conduire un jour à voir en lui LE grand instigateur de la tragédie...
    LA JUSTICE TARDE
    65 ans après la tragédie, la sinistre affaire de Bleiburg refait surface. Partout, des cavités sont fouillées, des charniers sont ouverts, des ossements sont exhumés et expertisés. Les émigrés n'avaient donc pas menti : les preuves sont là, accablantes. En Croatie, les réactions sont toutefois mitigées. Envers et contre tout, il est encore des gens pour nier le crime, le minimiser ou même le justifier - « après tout, ils l'avaient bien mérité puisque c'étaient des Oustachis » - et quelques politiciens pour conseiller aux Croates de ne pas s'indigner trop fort. C'est que beaucoup de partenaires de la Croatie se réclament encore de l'antifascisme et à voir les Croates s'apitoyer trop ostensiblement sur les victimes de Bleiburg, ils pourraient en conclure que la Croatie n'adhère pas aux mêmes valeurs... Cette discrétion caractérise aussi une certaine élite où les rejetons d'anciens apparatchiks sont légion. Il n'est pas très plaisant, on le conçoit, de voir son nom associé à un bain de sang. Sans parler de quelques vieux "héros" qui ont carrément peur de finir leurs jours en prison. Quant au Royaume-Uni, il n'éprouve aucun remords particulier et n'envisage aucunement d'exprimer le moindre regret...
    De toute évidence, Bleiburg demeure un sujet sensible. Les investigations ne progressent que fort lentement et c'est avec une grande circonspection que l'on désigne parfois quelques bourreaux auxquels les tribunaux n'ont pas l'air très pressé, de demander des comptes. Il paraît pourtant légitime que les Croates sachent enfin où, quand, comment, pourquoi et par qui, leurs parents furent assassinés. Six cent mille morts, ce n'est tout de même pas rien ! À titre de comparaison, c'est plus que l'ensemble des pertes, civiles et militaires, de la France ou de la Grande-Bretagne durant toute la IIe Guerre mondiale ! Crime contre l'humanité, cette tuerie est imprescriptible et ses auteurs doivent être jugés. « Le glaive de la justice n'a pas de fourreau », affirmait en son temps le bon Joseph de Maistre. Voici l'occasion de le prouver.
    Christophe Dolbeau Écrits de Paris
    Esquisse d’un bilan
    La tragédie de Bleiburg n'a pas concerné que les Croates ; ont également disparu des Slovènes (20 000), des Monténégrins (10 000), des Serbes (5 000 à 10 000), des Italiens et des Allemands. En Istrie, on évalue à (au moins) 20 000 le nombre des Italiens jetés morts ou vifs dans des gouffres (les foibe), tandis qu'à Zadar, ce sont 900 membres de cette communauté qui seront noyés par les Partisans. Du côté allemand, les pertes s'élèvent au moins à 120 000 personnes dont beaucoup périrent dans les camps de Josipovac, Valpovo, Velika Pisanica, Rudolfsgnad, Krndija, Sipovac, Pusta Podunavlje et Tenja.
    Le nombre des victimes de Bleiburg est sujet à de multiples controverses. Spécialiste de renommée internationale, John Prcela avance le chiffre de 600 000, proche des estimations du général Herencic et du colonel Crljen ; Mate Simundi opte pour une fourchette de 245 000 à 295 000, Zeljko Kruselj avance le chiffre de 150 000, tandis que Vladimir Zerjavic parle, quant à lui, de 45 000 à 55 000 morts. L'ancien ministre et partisan Milovan Djilas cite le chiffre de 15 000, Juraj Hrzenjak parle de 12 000 à 15 000 et l'ancien général communiste Petar Brajovic descend jusqu'au chiffre négationniste de... 16 !