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culture et histoire - Page 1922

  • Le colbertisme, un mercantilisme louis-quatorzien

     

    Colbert en tenue de l'ordre du Saint-Esprit, par Claude Lefèbvre (1666)
    Colbert en tenue de l’ordre du Saint-Esprit,
    par Claude Lefèbvre (1666).
    A la fin du XVIIème siècle, la mutation de l’agriculture française permet de subvenir aux besoins d’une population française en constante croissance. Elle devient même la population la plus nombreuse d’Europe avec environ 22 millions d’habitants, loin devant les autres pays. Cependant, l’économie française étant essentiellement agricole, la préoccupation majeure des différents surintendants des finances des XVII et XVIIIème siècles fut de diversifier cette économie afin de la rendre moins dépendante des aléas climatiques.

    Le colbertisme en tant que pratique économique est une application du mercantilisme théorisé bien avant Colbert, notamment par Bodin, Garrault, Laffemas ou encore Montchrétien, des économistes réputés de cette époque.

    Jean-Baptiste Colbert arrive donc à la surintendance des finances, sorte de ministère des finances et de l’économie, en septembre 1661, au moment de l’arrestation de Fouquet.

     

    L’idée phare qu’il a défendu tout au long de sa carrière a été que l’économie devait être au service de l’Etat et de la politique qu’entendait mener le Roi. Pour cela il se basa sur deux principes qui sont, d’une part la maîtrise des flux monétaires et d’autre part une vue statique de l’économie.

    Ces deux principes voulaient que l’augmentation de l’argent dont disposait le pays se faisait aux dépends d’un autre pays. Il fallait donc le retenir par tous les moyens. Pour schématiser, plutôt que de faire entrer et sortir l’argent du pays, il vaut mieux fixer le flux entrant de capitaux dans des investissements sur le sol français (Par exemple dans des entreprises) et faciliter les flux sortants de biens manufacturés au sein des usines françaises. Le but ultime étant d’avoir une réserve de capitaux importante à l’intérieur ainsi qu’une balance du commerce extérieur en excédent. Colbert mit donc en place des contrôles douaniers sévères pour éviter une fuite des capitaux mais aussi pour favoriser le marché intérieur aux dépends de l’offre étrangère.

    Dans la vision de Colbert, seul l’Etat a une vue d’ensemble sur l’économie du pays plutôt que de laisser faire les différentes professions qui défendent leurs intérêts uniquement.
    L’action de Colbert sur l’économie de notre pays s’est portée suivant deux axes : l’économie tournée vers l’intérieur et celle tournée vers l’extérieur.
    En France, il choisit de donner une impulsion à l’industrie car il compte sur elle pour rivaliser avec les grandes puissances économiques que sont, à l’époque, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. Il décide d’unifier le marché intérieur pour faire circuler de manière équitable les marchandises. Il crée les manufactures royales pour attirer les ouvriers qualifiés et favoriser l’innovation.
    La mise en place progressive d’une uniformisation des différents règlements sur la fabrication de produits manufacturés pour obtenir une montée en gamme généralisée de la production française.
    La création des manufactures participe de ce bouleversement en soumettant les entreprises à un contrôle direct de leurs pratiques.

    Versailles étant un des endroits les plus fréquentés par la noblesse du monde à l’époque, Colbert s’en sert comme d’une vitrine pour exporter l’excellence française sur la planète. C’est un plan simple et redoutable à la fois : d’une part, il valorise la production intérieure en empêchant autant que faire se peut les produits étrangers de rivaliser avec ceux fabriqués en France, d’autre part il favorise la demande étrangère pour les produits manufacturés français. Cela permet une croissance de l’importance de la France dans le commerce international et surtout, ce qui est le coeur de la stratégie colbertiste, c’est l’enrichissement du trésor royal qui augmente de façon considérable. Colbert poursuit ce but depuis son accession au poste de surintendant des finances. Cet enrichissement du trésor permet à Louis XIV de mener les nombreuses guerres.

    A l’étranger, Colbert mise en grande partie sur la flotte de commerce pour concurrencer le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Il favorise la constitution des grandes compagnies de commerce sur le modèle hollandais et facilite leurs implantations outre-mer par la création de comptoirs de commerce dans les colonies.
    Le système qu’il établit en France continue son oeuvre malgré sa mort prématurée en 1683. Le corps des inspecteurs devient un véritable corps au service de la valorisation de la production française.

    Cependant, le colbertisme se trouve confronté à la montée du libéralisme, poussé par les Lumières. Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, reprenant le vocabulaire faisant « l’éloge de la liberté », des économistes et chefs d’entreprises poussent le pouvoir pour qu’il abandonne les règlements qui uniformisaient la production de chaque objet sur tout le territoire national.
    La révolution se chargea de raser ce que les rois n’avaient pu se résoudre à complètement abolir: par le vote du 27 septembre 1791, les Constituants décidèrent l’abolition des règlements de fabrication et de l’Inspection des manufactures.

    Loin de résoudre les problèmes soulevés par un dirigisme un peu trop appuyé de l’Inspection des manufactures, l’abolition décrétée par l’assemblée constituante en crée de nouveaux: elle frappe d’infamie toute idée d’appliquer une règlementation quelconque dans la production d’un produit.
    Cela supprime aussi le rôle d’intermédiaire entre les entreprises et l’Etat que jouait l’Inspection et oblige l’Etat à légiférer de manière générale et non par branche comme le bon sens le voudrait. De plus le corollaire de la suppression de l’Inspection a amené celui des corporations, ce qui empêche le développement de réelles organisations sociales. Nos syndicats français n’en sont que la pâle imitation. La conséquence de cette suppression est une organisation des syndicats sur une base politique et non professionnelle, contrairement à l’Allemagne par exemple.

    Sans pour autant idéaliser ou de dénigrer l’action, il faut reconnaître à ce grand homme le mérite d’avoir toujours voulu mettre l’économie au service de la grandeur de la France et, cela de manière volontariste. Le problème de l’Etat aujourd’hui serait son incapacité à déterminer une politique économique claire, enchaîné qu’il est par le libéralisme issu des Lumières. De plus le destin de l’économie française échappe aux mains des politiques. L’économie n’est donc plus subordonnée au politique. Ce changement est conjugué au transfert à l’Union européenne de nombreuses prérogatives capitales dans le domaine économique, notamment dans le domaine monétaire.

    Bibliographie :
    MINARD, Philippe, La fortune du colbertisme, État et industrie dans la France des Lumières, Paris, Fayard, 1998.

    http://histoire.fdesouche.com

  • “Comprendre la mondialisation en 10 leçons”

    Présentation du livre “Comprendre la mondialisation en 10 leçons”, de Gilles Ardinat (Ellipses, sept. 2012) par Philippe Conrad sur realpolitiktv.


    Géopolitique en livres : "Comprendre la... par realpolitiktv

  • Face à la mort (camps d'extermination du Viêt-Minh )

    Un film rompt le silence sur les camps d'extermination du Viêt-Minh
    Après 55 ans d'opprobre et d'oubli, les anciens prisonniers d'Indochine qui ont survécu aux privations, brimades et lavages de cerveaux des camps viets, ont voulu remplir un devoir de mémoire envers leurs camarades, contre le mensonge et l'injustice.

    Le devoir de mémoire ne peut pas être sélectif. Avant de se préoccuper du malheur des autres, il ne faut pas oublier celui de ses compatriotes. Dans cet esprit, le Dvd Face à la mort, réalisé par l'Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD), c'est-à-dire le ministère de la Défense, rassemble les témoignages des rescapés des camps du Viêt-minh. L'Association nationale des anciens prisonniers internés et déportés d'Indochine (ANAPI) a réuni à cet effet les derniers témoins pour recueillir, souvent pour la première fois, leurs récits émouvants et atroces.
    Les prisonniers étaient utilisés par le Viêt-minh comme moyen de chantage sur les familles et comme moyen de pression idéologique sur le corps expéditionnaire, auprès duquel, « criminels de guerre » transformés en « soldats de la paix », ils devaient semer la « bonne parole » de l'« Oncle Hô ». Rodée depuis la révolution d'Octobre, la méthode communiste d'asservissement psychique par la faim, la déchéance physique, les punitions sadiques, l'endoctrinement politique et la délation entre détenus, a été mise en œuvre dans ces camps qui n'ont jamais été visités par la Croix-Rouge.
    A part les prisonniers, les seuls Français que l'on y rencontrait étaient des conseillers politiques envoyés de métropole par le Parti communiste « français ». Le seul journal autorisé était le quotidien L'Humanité, qui parlait du corps expéditionnaire français comme d'un ennemi. Pendant ce temps en métropole, les syndicalistes faisaient impunément des grèves pour entraver l'acheminement de la logistique aux soldats et obtenaient du gouvernement, comme en mai 1951, que les collectes de sang n'aillent pas aux blessés d'Indochine.
    On se souvient du sinistre Boudarel, chef-adjoint du camp 113, en charge de la rééducation des prisonniers. Tortionnaire cruel et pervers de ses compatriotes, il fut par la suite nommé professeur à l'université de Paris VII. Démasqué en 1991 par Jean-Jacques Beucler (président du Comité d'Entente des Anciens d'Indochine, ancien officier et prisonnier du Camp n° 1 au Tonkin, et ancien ministre), alors qu'il intervenait à un colloque universitaire, il a pu mourir tranquillement sans jamais que ses crimes soient condamnés, en dépit des procédures engagées par les victimes qui l'avaient reconnu.
    Au cours de l'année de son commandement au camp 113, 278 prisonniers français sur 320 moururent. A un journaliste qui lui demandait s'il avait des regrets, il répondit : « Regret d'avoir été au camp 113, évidemment oui [...]. Regret d'avoir été aux côtés des Vietnamiens, des colonisés, des peuples de couleur, je dis nettement non : non seulement je n'ai aucun regret, j'en suis fier et si c'était à refaire, je le referais, que ce soit bien net ! » La justice française a considéré que les faits reprochés au professeur Georges Boudarel, traître et bourreau de ses compatriotes, tombaient sous la loi d'amnistie de 1966.

    Une extermination organisée
    Le taux global de la mortalité dans les camps Viêt-minh a été de 69,04 %. Celui de prisonniers de guerre français, de 59,5 %. Ce taux est supérieur à celui des camps de concentration allemands comme Buchenwald (37 %).
    En comparaison, le taux de mortalité dans les camps de prisonniers de guerre français en Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale était de 2 %.
    Le colonel de la Légion Eric Weinberger, ancien déporté à Buchenwald et prisonnier du Viêt-minh a déclaré : « J'ai eu l'occasion de comparer les méthodes des nazis et des Viêts. Juifs,Tziganes, résistants de tous bords, s'ils nous réduisaient à une sous-humanité, les nazis ne cherchaient pas à nous convertir. Par la faim, les privations, les Viêts nous amenaient au même état que les nazis, mais ils exigeaient en plus que nous adhérions à leur système, en reniant toutes nos valeurs, notre foi en la justice, en notre pays. » Ces campagnes de propagande et d'endoctrinement, si elles n'eurent que peu d'effet politique sur les prisonniers, furent par contre prises très au sérieux par l'état-major, qui mit en garde les unités auxquelles ils avaient été antérieurement affectés, jetant la suspicion sur leur loyauté. Le Manifeste du camp n° 1 a été signé, comme d'autres, dans des conditions atroces qui n'ont pas été comprises par le commandement et auxquelles les militaires n'avaient pas été préparés.
    Tel était le sort des prisonniers français ; mais personne ne s'est intéressé à celui des prisonniers vietnamiens qui s'étaient engagés dans l'armée française, et qui fut encore pire. Le Dvd fournit le témoignage exceptionnel du lieutenant-colonel Huynh Ba Xuan, saint-cyrien, aide de camp du général de Lattre, capturé au combat en avril 1953 et resté 23 ans prisonnier du Viêt-minh. Rentré en France après sa libération, il apprit qu'il avait perdu la nationalité française en vertu des accords de Genève. Ces prisonniers vietnamiens ont frôlé l'extermination : le taux de mortalité atteignait dans ces camps 90 %. Sur 14 060 hommes capturés alors qu'ils servaient dans les unités de l'armée française, 860 seulement sont revenus ; et sur les 9404 prisonniers appartenant aux forces vietnamiennes, que Giap n'appellera jamais autrement, que les « fantoches », 157 seulement ont retrouvé la liberté. Face à la mort tente de rompre le silence monté autour de cette extermination organisée, il faut se souvenir que le Parti communiste "français" partagea le pouvoir, en France, jusqu'en 1947, et qu'il parrainait le Parti communiste vietnamien. Le silence des autorités politiques sur les otages civils (le plus jeune avait 12 ans à sa libération) et les prisonniers depuis 1945, comme le refus de rendre justice aux soldats français prisonniers en Indochine, est l'héritage de cette époque.
    Thierry Bouzard monde et vie 4 avril 2009

  • Enfumage et manipulation sémantiques

     

    On ne disait déjà plus :
     
    - un aveugle mais un mal voyant
    - un sourd mais un malentendant
    - un handicapé mais une personne à mobilité réduite
    - une caissière mais une hôtesse de caisse
    - un balayeur mais un technicien de surface
    Alors maintenant…
    Ne dites plus"clandestin" mais "candidat à l'immigration" (Figaro)
    Ne dites plus"Gitans, rôdeurs" mais "gens du voyage" (Tous les médias)
    Ne dites plus"clandestin, immigré illégal, sans-papiers" mais "privés de papiers" (La Dépêche)
    Ne dites plus"quartier à majorité immigrée" mais "quartier populaire" (Tous les médias)
    Ne dites plus"crimes, agressions, violences" mais "actes de délinquance", "incivilités", "bêtises" (Le Parisien) ou "faux-pas" (France 2) et, plus récemment, "les inconduites" (CNRS)
    Ne dites plus"émeutes" ou "guerre des gangs" mais "incidents" (Tous les médias)
    Ne dites plus"immigration" mais "mobilité européenne" (Frattini, commissaire européen)
    Ne dites plus"bandes" mais "identités de quartier" (LCI)
    Ne dites plus"enfants d'immigrés" mais "enfants issus de familles d'éducations éloignées"
    Ne dites plus"attraper les voleurs" mais "lutter contre les délits d'appropriation" (Midi Libre)
    Ne dites plus"des vauriens font des graffitis" mais des "graffeurs habillent la ville de couleurs"
    Ne dites plus"un voyou notoire" mais "un individu défavorablement connu de la justice"
    Ne dites plus"mosquée" mais "centre culturel et religieux"
    Ne dites plus"fusillade" mais " bagarre par balles" (TF1)
    Ne dites plus"invasion" mais "excès d'immigration" (Claude Guéant, ex ministre de l'intérieur)
    MAIS SURTOUT… Ne dites plus "un Français attaché à son Pays, à sa Culture, à ses Traditions " mais dites "un RACISTE" !...
  • Le Pen, la droite nationale et les questions d’Orient (2003)

    Aujourd’hui, il n’y a que les ennemis irréductibles du Front national, et de son président Jean-Marie Le Pen, pour ignorer les positions originales du parti-phare de la droite nationale française, sur les dossiers du Proche et du Moyen-Orient : à savoir une reconnaissance, sans guère de limites, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

    Retour sur cet aspect négligé, quoi que non négligeable, du vilain petit canard de la vie politique française.

    Il n’est pas vraiment nécessaire d’inonder le lecteur de citations sur les positions frontistes sur la question irakienne, dont le président du Front national fut l’un des plus âpres défenseurs, dès les premières menaces lancées contre ce pays par l’administration Bush Sr. Un soutien qui ne se démentira pas au cours des années, Le Pen étant l’une des rares personnalités politiques européennes (et le seul « présidentiable » français) à faire le trajet Amman-Bagdad (mille cent kilomètres de route), accompagné, à chaque fois, d’une aide humanitaire conséquente.

    Est-il utile ici - autrement que pour l’assurer de notre plus profond respect - de rappeler le travail de Sisyphe accompli par l’association SOS Enfants d’Irak, animée par son épouse Jany Le Pen ?

    Autre réalité incontournable, d’entrée, il faut reconnaître à Jean-Marie Le Pen son antériorité quant à sa défense de l’Irak par rapport à la droite « classique ».

    Ainsi, du temps où le Premier ministre français était un certain Alain Juppé, Le Pen n’avait pas barguigné à voir en lui rien de moins qu’un « criminel contre l’humanité » car « il s’est associé comme complice des Américains et des Anglais, qui affament chaque jour six cent enfants irakiens, sans parler des adultes. En cinq ans, ils ont fait tuer plus d’un million d’enfants et d’adultes à cause de l’embargo ».

    L’Irak donc. Mais pas seulement. Si la position du Front national vis-à-vis du dossier irakien est assez connue, son approche du problème palestinien l’est moins. Etapparaît comme assez hétérodoxe.

    Le Pen ne craignant pas d’affirmer, bien avant l’essor de l’intifada Al-Aqsa et l’arrivée aux affaires du général Ariel Sharon, que « Le peuple palestinien subit un véritable martyre, puisque les droits qui lui ont été reconnus par l’Onu sur sa propre terre ne sont pas respectés. Il s’agit d’un pays et d’un peuple qui vivent dans une misère affreuse. Plus affreuse encore, serais-je tenté de dire, que celle qui accable l’Irak. En Irak, il y a un génocide perpétré et mené par les États-Unis avec la complicité de l’Europe; mais au moins ont-ils conservé un gouvernement, des institutions, une homogénéité nationale. Ils souffrent et meurent, mais chez eux. Alors que l’Onu et les nations qui la composent se sont révélées incapables d’imposer une solution juste dans l’ancienne Palestine. Personnellement, j’ai depuis longtemps reconnu le droit des Israéliens à avoir une patrie, mais ce droit ne peut pas exister s’il n’a pas pour corollaire celui des Palestiniens à avoir une patrie libre et souveraine »(1).

    Idem pour le Liban. Revenant sur le crime de guerre perpétré à Cana par les forces israéliennes contre des civils essentiellement chi’ites, Le Pen assurera que «les tragiques noces de Cana sont de la responsabilité au moins égale des Américains » qui « n'ont jamais été très regardants quand il s'agit de bombarder les populations civiles ou de les affamer comme en Irak » (2).

    À cette aune, le discours sur Le Pen sur l’islamisme peut sembler parfois anodin par rapport aux saillies de groupies de l’Axe atlantique au sein de l’actuelle majorité.

    Ainsi, c’est Jean-Marie Le Pen qui reconnaissait auprès de nos confrères d’Arabies (n°98), qu'« on attise la peur des Français devant ce qu'il est convenu d'appeler « l'islamisme » ou « l'intégrisme islamique ». Ceux qui attisent ou manipulent ces peurs, n'hésitant pas à dénaturer grossièrement le message de l'Islam pour le faire mieux entrer dans leurs schémas, le font dans une optique très précise : celle de l'utopie mondialiste et de l'idéologie des droits de l'Homme qui présupposent la destruction des identités culturelles et le refus de la transcendance. Leur rêve est celui d'un Islam aseptisé et rendu inoffensif, ce qui me paraît une contradiction dans les termes »(3).

    Il convient, par ailleurs, de rappeler que cette opposition au Moloch états-unien, n’est pas univoque. Ce que rappelait Jean-Marie Le Pen lorsqu’il déclarait que « L’hégémonie américaine exprime un déséquilibre des forces mondiales et la disparition, provisoire sans doute, de l’ex-Union soviétique ou plutôt de la force de l’Est européen. Ainsi, tout naturellement, par une espèce de pente mécanique, le pouvoir américain est amené à devenir absolu; donc, de fait, totalitaire. Il n’est donc pas souhaitable de se prêter au développement de cette hégémonie en créant un instrument telle l’Europe fédérale, dont on sait à l1avance qu1elle est quasiment aux ordres des États-Unis »(4).

    Et d’évoquer aussitôt l’alliance nécessaire contre « L’ennemi commun », car « c1est cette hégémonie qui, substantiellement, est hostile à l’idée nationale en général, aux nations en particulier. Ainsi, les nationaux ont-ils entre eux un corpus de valeurs communes aux civilisations, qu’elles soient chrétiennes ou mêmes musulmanes. Ces valeurs vont du patriotisme au respect du passé, de l’attachement à la terre à l’amour de la famille et à toutes les valeurs qui en découlent : la solidarité, la charité, l’honneur, le dévouement, le sacrifice, etc. J’irais même plus loin en disant que cette coalition de nations est parfaitement à même d'aider à rétablir la paix dans le monde » (5).

    Nous sommes probablement là au coeur de ce qui différencie le mouvement lepéniste, des formations à prétentions identitaires. Une vision du monde nationale (mais non ethniste ou raciste) acceptant comme siens tous ceux se reconnaissant dans le modèle national, quels que soient leur couleur de peau ou attaches religieuses.

    Bien sûr, il convient de resituer le discours « pro-arabe » du parti lepéniste dans le contexte politique qui est le sien.

    À commencer par le « vote arabe », qui, à n’en pas douter interpelle le Front national. Au point que Muriel Piat ait écrit à ce sujet, dans les colonnes de la presse frontiste :

    « Mais les populations venues par exemple d’Algérie sont-elles homogènes ?

    Certains peuvent et veulent s’assimiler. Notre devoir n’est-il pas de les ramener à nous; de leur expliquer notre intérêt commun ? Jean-Marie Le Pen a donné quelques signes forts de cette stratégie. Il a imposé, sur la liste de Paris aux régionales, Sid Ahmed Yayaoui. Mais il y a aussi, à l’extérieur du Front, des personnalités avec qui l’on peut dialoguer. Farid Smahi, auteur du livre Faut-il brûler les Arabes de France a fait un tabac à Toulon. Il a eu le courage de venir à la Fête du Livre. Pour pouvoir rejeter la masse des inassimilables envahisseurs, il faut le concours de tous les Français - y compris les plus nouveaux, s’ils le sont au fond du cœur » (6).

    Mais, également, dans les prises de positions affichées par les cadres du FN sur les questions proches et moyen-orientales, on retrouve, de manière assez systématique, le fil de la rhétorique anti-système propre à ce parti.

    Ainsi, dans une attaque en règle de la via factis US lancée par la clique Perle, Rumsfeld, Wolfowitz, Kagan and co., - faite par le député européen Bruno Gollnisch, dans l’hémicycle du Parlement européen - les dénonciations de la veulerie eurolandienne occupent une place largement équivalente aux piques strictement anti-américaines.

    Revenant sur un document de synthèse sur la situation en Irak élaboré par le Conseil de l’Europe, lequel regroupe les chefs d’État et de gouvernement des États membres des Quinze, Gollnisch, y verra, d’entrée, un « Document indécent » puisque « l’Europe ne mentionne le mot Irak qu'à partir de la trente et unième des trente-six pages qui composent les conclusions de la présidence ». « La guerre est là, événement considérable, majeur, dont des membres de l'Union, la Grande-Bretagne en tête, sont directement responsables » martèle le délégué général frontiste, énumérant les mensonges dont s’est rendu coupable « l'empire américano-britannique pour justifier sa brutale agression ».

    « Mensonge, quand on a prétendu qu'il s'agissait de permettre à l'ONU de désarmer l'Irak, alors qu'en fait, la guerre était programmée depuis le début».

    « Mensonge, quand vous avez osé dire que le Conseil de sécurité était bloqué, parce qu'il n'avait pas voté de résolution autorisant la guerre. Il n'était pas bloqué : il avait adopté une procédure et une procédure qui fonctionnait».

    « L'Irak affaibli, méthodiquement affamé depuis dix ans, contraint de désarmer contre des promesses de paix, allait s'effondrer dès les premières heures du conflit. Mensonge ! Il résiste, et souvent héroïquement. La population irakienne allait accueillir les troupes de l'Empire comme des libérateurs ? Mensonge ! Elle les accueille comme des occupants. L'Irak disposait, paraît-il, d'armes de destruction massive. Tout a été dit à ce sujet, des bobards les plus sinistres aux plus ridicules, comme ceux de Tony Blair, qui s'est déshonoré, le 5 février, en présentant un rapport justifiant l'agression, dont onze pages sur dix-neuf émanaient d'un mémoire d'étudiant datant d'une dizaine d'années. À ce jour, les seules armes de destruction massives sont les milliers de bombes et de missiles sophistiqués de l'empire anglo-saxon qui écrasent les villes irakiennes».

    « Comme juriste» a poursuivi le délégué général du Front national, « je constate la cynique violation de toutes les règles de droit que les anglo-américains eux-mêmes avaient mises en place pour prévenir les guerres. Comme Européen, je déplore les haines, hélas justifiées, que les bombes de l'empire accumulent contre le monde occidental. Comme chrétien, je suis horrifié qu'une telle guerre, qui ne remplit aucune des conditions de justice, puisse se faire au nom de Dieu. J'appelle un chat un chat et Tony Blair un meurtrier mondain. Quant à George Bush, qu'il cesse d'invoquer Dieu ou seulement pour le prier : que le sang des Irakiens innocents ne retombe pas sur le peuple américain !».

    Évidemment, vu par le seul prisme franco-français, les positions pro-arabes d’un Front national systématiquement tenu à l’écart de la conduite des affaires du pays, en feront sourire plus d’un. Cette position semble exagérée, en effet, il n’est pas exclu que le FN, passé les frontières hexagonales, soit plus écouté qu’on le croit.

    En tout cas, et au-delà des positions adoptées récemment par la diplomatie française, force est de constater que cette France - désormais géopolitiquement plus proche des Non-alignés que du Reich états-unien - est perçue différemment par d’anciens adversaires dans le monde arabo-musulman.

    Rappelons ici les propos, lors d’un discours, étonnamment pro-européens du secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallâh, qui, jaugeant le poids des capitales européenne opposées à la guerre, déclarait qu’ « Il faut réévaluer notre vision de la société européenne, après les manifestations qui ont rassemblé des millions de personnes et qui vont jouer un rôle en influençant la décision d1empêcher la guerre»(7).

    Or, comment ne pas rappeler que lors de son récent périple au Liban, Jean-Marie Le Pen - pesant du coup d’un poids similaire à celui d’un Jacques Chirac, Dominique de Villepin, ou d’un Louis Michel - avait pu rencontrer des élus du Hezbollah et leur faire part des positions de la droite nationale française sur les questions du Proche-Orient.

    Faut-il tant se surprendre d’un intérêt pour les prises de position du FN à l’étranger ?

    Évidemment non. Concernant le reste de la planète, DEUX, critères, foin des anathèmes et des a priori idéologiques - le concept d’«extrême-droite», rappelons-le, strictement occidental, comme bien d’autres d’ailleurs, est parfaitement incompréhensible dans bon nombre de pays - sont à prendre en compte.

    Premièrement, ce que les économistes appellent l’« effet de taille ». En clair, au-delà des chiches invitations dont bénéficient quelques groupuscules (style l’extrême-gauche, hier en Albanie, ou, aujourd’hui à La Havane ou à Kinshasa, pour prendre là des exemples situés en dehors de la droite nationale), en dessous de la barre des 10 %, inutile de se faire la moindre illusion, un parti français n’a que peu de chances d’intéresser la moindre chancellerie.

    L’éclosion du FN au plan international est due tout autant à son programme susceptible de séduire (de Beijing à Téhéran) par son refus de l’hégémonie états-unienne, qu’à sa « taille » proprement dit, faisant de cette formation (comme de n’importe quelle autre) un interlocuteur politique capable de se faire entendre des médias ou encore (plus important d’un point de vue « non-français ») de peser sur des assemblées (régionale, nationales ou européennes).

    Deuxièmement, la personnalité des dirigeants. Elle est ici primordiale. Il suffit pour s’en persuader d’inverser les rôles. Sans sombrer dans l’excès qui, en France, connaît en dehors de quelques personnalités emblématiques, les ténors de la vie politique malaisienne, iranienne ou arménienne ? Pourquoi, grand Dieu, en serait-il autrement pour la classe politique française ?

    On rappellera ici que Le Pen a eu l’intelligence politique de confier les « relations internationales» de sa formation au premier vice-président du FN, Dominique Chaboche. Ceci n’a rien d’anecdotique.

    Pourquoi ? Parce que, statutairement, le premier vice-président est de toujours (il suffit de relire les statuts du parti lepéniste) le deuxième personnage du mouvement. Ce qui, en clair, vu de l’étranger, offre l’avantage de démontrer l’importance accordée aux relations internationales pour une formation politique qui y affecte ostensiblement son numéro deux. Simple question. Combien de partis français (plutôt enclins à «refiler» l’étranger au premier second couteau venu) ont eu l’idée de tenir ce raisonnement ?

    Qui plus est, Chaboche - outre qu’il a la stature et l’âge qui cadrent avec cette fonction, a pris sa fonction très au sérieux - est connu pour être un proche du chef, ce qui ne gâte rien pour tout État ou instance qui serait désireux d’approcher et/ou de faire passer un message à ce parti.

    Quel rôle « international » peut espérer jouer un parti comme le FN ?

    Là, un petit retour en arrière s’impose. À l’été 98, l’un de nos confrères rapportait : « Jean-Marie Le Pen chargé de mission diplomatique ? L’ambassadeur d’Iran (...) pourrait maintenant lui demander de s’entremettre entre son pays et le régime de Saddam Hussein. Lors de son prochain voyage à Bagdad, Le Pen passerait ainsi par Téhéran et non par la Jordanie, ainsi qu’il le fait habituellement » (8).

    Dans un éditorial, j’écrivais, dans la foulée, que « Joint par notre rédaction, le président du Front national, nous a effectivement confirmé sa disposition à mettre sa bonne volonté au service de la paix au Proche et au Moyen-Orient « pour tous les pays de la région qui ne souhaitent pas accepter l’hégémonie mondialiste ». Pour M. Le Pen, comme l’Allemagne et la France après 1945, les pays de la région « l’Iran, l’Irak, mais aussi la Turquie et d’autres ont un intérêt commun à se rapprocher en sachant surmonter le souvenir de guerres communes et douloureuses » (9).

    Et parmi les conclusions que je tirais de cette affaire, je soulignais combien « cette affaire confirme l’importance croissante du Front national et de Jean-Marie Le Pen sur la scène internationale. Que la classe politique française, forte à se gargariser de valeurs toutes théoriques, se regarde, enfin, dans la glace car, soit, elle a été contactée et à opté pour l’alignement le plus veule sur les positions du US Department of State, soit, elle ne l’a pas été et - en clair - n’est pas tenu pour un interlocuteur sérieux et digne de confiance par le 1er producteur de gaz du monde et l’un des premiers producteurs de brut. Quelle leçon ! »(10).

    C’est peu de dire que le nouveau millénaire n’a pas changé grand-chose à cette donne. Si la France a retrouvé récemment un regain de popularité en Orient, suite aux tentatives élyséennes d’imposer un veto à la via factis yankee contre l’Irak, les coulisses de l’UMP (omnipotente dans les assemblées) bruissent déjà des complots qu’y ourdissent les hommes liges de Washington et de Tel-Aviv.

    À terme (à droite en tout cas), le FN pourrait retrouver assez vite son statut privilégié d’interlocuteur des ennemis désignés de l’Amérique...
    Jacques Bordes http://www.voxnr.com
    Notes
    1 - Agir, pour Faire Front.
    2- www.geostrategie.com.
    3- Arabies (n°98).
    4- Agir, pour Faire Front.
    5- Idem.
    6- National Hebdo (28 nov.-4 déc. 96).
    7- L’Orient-Le Jour (17 fév 03).
    8- La Lettre de Magazine Hebdo (10 juillet 1998).
    9- World Report/InterNat (15 juillet 1998).
    10- Idem.

  • L’Occident se meurt-il ?

    Au moment où paraît le nouveau livre d’Hervé Kempf, “Fin de l’Occident, naissance du monde”, Régis Debray se livre à un impressionnant bilan de nos forces et de nos faiblesses dans la revue “Médium”.

    Par Bruno Deniel-Laurent

    Nous avons tous la nostalgie des lectures de nos 20 ans, et certains, peut-être, restent encore envoûtés par cette phrase puisée dans le Mont analogue, de René Daumal : «Les civilisations, dans leur mouvement naturel de dégénérescence, se meuvent de l’est à l’ouest. Pour revenir aux sources, on devait aller en sens inverse.»

    A cet Orient symbolique, mère de l’origine, répondrait donc un Occident drapé dans les lueurs du crépuscule, un grand Ouest vespéral doré par les rayons du soleil déclinant

    (c’est l’un des sens du mot latin occido : tomber à terre, choir).

    L’Occident, empire de la mort radieuse ? Nombreux sont ceux qui l’ont pensé, allant jusqu’à s’interdire de l’orthographier convenablement («oxydant») et lui opposant des astres plus vivants : l’Orient, bien sûr, mais aussi le tiers-monde, l’Europe souveraine, l’Eurasie, etc. Alors qu’il est aujourd’hui beaucoup question de «la fin de l’Occident» (c’est le titre du nouveau livre de l’écologiste et chroniqueur au Monde Hervé Kempf), le 34e numéro de la revue Médium choisit de s’ouvrir sur un puissant essai, quasi pamphlétaire, de Régis Debray qui entreprend de nous en livrer la «fiche clinique», listant «atouts» et «handicaps» de l’hégémonie occidentale.

    Les cinq “miracles” historiques
    Il convient avant tout de savoir ce que l’on entend par «Occident». Hervé Kempf, étrangement, ne cherche pas à en approfondir la notion, se contentant de l’assimiler au

    modèle de développement capitaliste né de la révolution industrielle, modèle dont la généralisation à l’ensemble du monde serait désastreuse.

    Debray préfère y voir une «invention largement mythique» (mais, nous prévient-il, les mythes sont des fusées, non des fadaises) dont le dernier avatar serait le «monde libre», c’est-à-dire l’Amérique et ses affidés. On validera cette définition :

    de toute évidence, l’Occident n’est sans doute que le «nom de plume de l’Otan», cette architecture de sécurité dirigée pour les seuls intérêts fondamentaux des Etats-Unis.

    Peut-être est-il aussi utile, pour mieux pénétrer la notion, de s’abreuver auprès des intellectuels occidentalistes.

    L’essai publié en 2004 par le philosophe libéral Philippe Nemo, Qu’est-ce que l’Occident ? (PUF), avait ainsi le mérite d’exposer une défense virile et érudite de l’idéologie occidentale, présentée sous la forme d’un «discours de civilisation» reposant sur cinq «miracles» historiques :

    au commencement, il y aurait eu le «miracle grec», instituant la pratique de la liberté individuelle au cœur de la cité ; puis l’Empire romain, en quête d’une juridiction universelle transcendant les coutumes particulières, aurait posé les bases du droit civil ; l’éthique biblique aurait universalisé l’idée de «sens de l’histoire» et incité chaque personne humaine à porter dans le monde l’impératif de la charité ; la réforme grégorienne, ensuite, en «rationalisant» les doctrines du salut, aurait incité à privilégier l’idée de progrès contre celle de révolution ; le libéralisme, enfin, compris comme «pluralisme critique» et affirmation de la raison individuelle, aurait radicalement désacralisé la source du pouvoir et ouvert la voie à des sociétés individualistes gouvernées par les seuls mécanismes du droit et du marché.

    L’Occident, selon Philippe Nemo, désignerait donc à la fois cette «miraculeuse» synthèse libérale et l’ensemble des nations dont l’histoire participe de la fondation et de la défense de cette idéologie, c’est-à-dire l’Europe de l’Ouest et les Etats-Unis d’Amérique qui en forment depuis un siècle la tête de pont.

    En occidentaliste conséquent, Nemo en appelle donc à une union toujours plus fusionnelle entre les deux rives de l’Atlantique, entérinant de fait la division entre une Europe occidentale miraculeusement libérale et une Europe de la steppe désespérément rétrograde…

    Voilà donc clairement exprimée cette tragique alternative à laquelle on ne peut, en conscience, échapper : ou le choix de l’Occident ou celui d’une Europe pleinement souveraine, il faut décider.

    Pour Régis Debray, il est clair que

    nos décideurs «européistes» ont depuis longtemps accepté leur sujétion, le monopole de l’idéologie occidentale sur la formation des élites internationales

    constituant d’ailleurs l’atout no 3 listé par Debray : «Pas de périphérie, de minorité ou de religion qui n’ait, aux Etats-Unis, pompe aspirante et refoulante, des représentants plus ou moins bien implantés, ayant leurs entrées au Congrès et dans l’administration, et dont les meilleurs éléments pourront, le cas échéant, regagner leur pays d’origine, en en faisant leur résidence secondaire. Ce sont les Afgho-Ricains, Albano-Ricains, Afro-Ricains (le Gallo-Ricain façon Jean Monnet ne fut qu’un prototype). Cette DRH planétaire peut sortir à tout instant un Karzaï de sa poche. Un Palestinien de la Banque mondiale, un Italien de Goldman Sachs, un Libyen formé au moule ou un Saakachvili géorgien.» Nous serions tentés d’ajouter : un Montebourg de la French-American Foundation, un Juppé de l’Atlantic Partnership, un Pierre Lellouche du Harvard Club…

    Partenaires serviles

    La servilité est comme le soleil ou le néant : on ne peut l’observer trop longtemps en face.

    Rien d’étonnant, donc, à ce que nombre de nos élites, surtout chez les «européistes», se rêvent en «partenaires» ou même en «amis» de l’Amérique.

    Mais il suffit que l’Otan passe du soft power au hard power, et nos fiers-à-bras de l’Union européenne, toujours prompts à dénoncer chez eux les méchants souverainistes et autres bolcho-gaullistes, se feront tout petits face au grand frère yankee. Ainsi, il apparaît évidemment significatif à Régis Debray qu’aucun membre européen d’une alliance stipulée comme défensive n’ait fait jouer la clause de conscience en 1989.

    Qu’est-ce alors que la «construction européenne», sinon le «symptôme d’une Europe fatiguée et résignée à sa vassalité, rêvant, sous l’idéal fédéraliste, d’une vaste Confédération helvétique

    (une Suisse moins les montagnes et le service militaire obligatoire), se déchargeant sur l’outre-Atlantique du soin de sa sécurité, mais d’un loyalisme de fond et à toute épreuve» ?

    Cette vassalité est évidemment l’autre nom de l’atout no 1 de l’Occident («une cohésion sans précédent»). Alors que toutes les grandes zones géopolitiques restent traversées par des fractures internes (les organisations régionales – Ligue arabe, Association des nations de l’Asie du Sud-Est, etc. – étant moins des lieux de décision que des forums), «seule l’Otan peut parler d’une seule voix, avec une ligne de commandement incontesté et un consensus doctrinal». Le plus grave est que cette voix pense avoir le «monopole de l’universel» (atout no 2).

    Un défi gigantesque

    Si chaque grande puissance, à l’instar de la Chine ou du Brésil, se donne le droit de poursuivre ses intérêts vitaux en dehors de ses frontières (Debray appelle ça «l’égoïsme sacré»), seul l’Occident (épaulé par ses relais affichés ou instrumentalisés) se vit en «ligue du bien public contre une Sainte-Alliance de despotes et de crapules» et s’affirme comme le «porte-drapeau de tous les combats d’émancipation culturelle de l’Est et du Sud» (personne n’oserait contester le bien-fondé de ces croisades qui sont souvent autant d’opérations de déstabilisation : sauvons les femmes d’Iran, les gays du Kenya, les blogueurs de Libye, les punkettes de Russie…) ; on est bien là dans ce que Debray appelle «le formatage des sensibilités humaines» (atout no 4) que complète encore «l’innovation technique» (atout no 5).

    Face à cette omnipotence, on se demande comment Hervé Kempf peut encore prophétiser la «fin de l’Occident». A moins, et c’est la voie suivie par l’auteur,

    de résumer l’Occident à ce club des anciennes nations industrielles aujourd’hui concurrencé par de dynamiques puissances régionales qui, en «rattrapant leur retard», exacerberont les inégalités sociales au sein de l’ancien monde tout en achevant de dévaster la planète.

    Pour Hervé Kempf, la «fin de l’Occident» n’est donc pas une prophétie cauchemardesque, mais une édifiante utopie. Malheureusement, il y a fort à parier que le défi gigantesque qu’il lance aux Européens (choix de la décroissance, abandon du PIB et des axiomes libéraux, prise de distance radicale avec les Etats-Unis, démocratie directe, etc.) soit bien au-dessus de nos faibles forces !

    Pour l’heure, il semble donc que c’est moins au déclin de l’Occident que l’on assiste qu’à sa généralisation métastatique. Après tout, de Londres à Washington, le centre «spirituel» de l’Occident a déjà plusieurs fois changé de lieu et sans doute est-il déjà entré dans une phase de déterritorialisation.

    Cet «hubris du global» (handicap no 1, selon Debray) pourrait-il accélérer la fin de l’Occident ? Debray lui-même n’en est guère persuadé, les risques liés à la «surextension impériale» pouvant désormais être limités par d’inédits outils de police («Tuer sur écran, à 10 000 km de distance, un suspect avec un missile Hellfire tiré d’un drone Predator n’est plus techniquement impossible»).

    Certes, la «dissémination du perturbateur» (handicap no 5), liée à la destruction des Etats nationaux sous les coups de boutoir de l’ingérence, peut être source de nouveaux défis lancés à l’Occident (on a pu le voir en Libye avec le lynchage de l’ambassadeur des Etats-Unis), mais il ne faut pas oublier que les «fous» d’hier peuvent aussi devenir les «alliés» de demain (et vice versa). Même l’aveuglant «complexe de supériorité» de l’Occidental (handicap no 2) reste une faiblesse toute relative, et Debray nous rappelle avec raison que l’hubris est à la fois orgueil coupable et élan vital.

    Le sacré mis au rancart

    Mais il est aussi deux handicaps autrement plus terribles, véritables tumeurs de l’être occidental (dont nous avons été, nous, Européens, les premiers cobayes) : la «prison du temps court» et le «déni du sacrifice», estime Debray. Ouvrons les yeux et regardons autour de nous : le présentisme nous est vendu comme un humanisme. Et s’il est une fierté constamment affichée sur nos écrans, c’est bien d’en avoir fini avec «les temps longs de la mémoire ethnique et du messianisme religieux». Les indignés du Nord ont le souffle court ; ceux du Sud, la «rancune tenace et souterraine». L’écrivain, qui a suffisamment réfléchi à la question du sacré, sait bien que «l’Occident [et l'Europe en particulier] l’a mis au rancart». Or le sacré est aussi ce qui commande le sacrifice.

    D’où cette morbide synthèse, en notre Occident libéral, où l’humeur est interventionniste et le climat, pacifiste. Pour le dire autrement, l’Occident n’a plus le moral de sa morale, ni la vaillance de ses valeurs : «Préserver la douceur du soir jure avec l’esprit de croisade, plutôt matinal.»

    Tel est ainsi l’Occident en ses métamorphoses : à la fois amnésique et sentencieux, impérial et puéril, haï et singé, omniprésent et invisible. Nourri au lait hyperprotéiné, Goliath est désormais devenu douillet.

    “Occident, fiche clinique”, de Régis Debray, à retrouver dans la revue Médium no 34, 16 €.

    Fin de l’Occident, naissance du monde, d’Hervé Kempf, Seuil, 156 p., 15 €.

    Marianne.fr  http://fortune.fdesouche.com

  • Lire (ou relire) Maurice Barrès

    Au lendemain du 150e anniversaire de la naissance de Maurice Barrès, le 19 août 1862, et à la veille du 90e anniversaire de sa mort, le 4 décembre 1923, Francis Venant ouvre une série d'articles sur l'auteur des Déracinés.
    La lecture de Maurice Barrès est de celles qui s'imposent tellement... qu'elle n'est pas toujours au rendez-vous. Léon Blum, dans le bel hommage qu'il lui rendit, pourrait en donner une raison supplémentaire : « Si Monsieur Barrès n'eût pas vécu, s'il n'eût pas écrit, son temps serait autre et nous serions autres. Je ne vois pas en France d'homme vivant qui ait exercé, par la littérature, une action égale ou comparable. »
    Maître d'énergie
    En somme, Maurice Barrès appartiendrait tellement à son époque qu'il aurait quasiment disparu avec elle... Ce qui signifierait que cette œuvre ne serait pas intemporelle, c'est-à-dire universelle. Même son « culte du moi » ne constituerait pas une figure éternelle de la conscience humaine, comme on pourrait le penser d'après le concept, mais avant tout une réaction aux "barbares" du moment. Mais, en réalité, il n'y a jamais dans ces rapports de dépendance d'un auteur à son époque que du plus et du moins ; et si l'œuvre de Maurice Barrès est bien, par la nature des choses, "datée", elle reste toujours universalisable et matière à inspiration, si nous nous employons à jouir de ses beautés et à en dégager des leçons. Le faut-il ? Au fait, notre situation historique est-elle aussi différente que celle qu'il connut ? Si nous n'avons plus à reconquérir des provinces perdues, l'avenir européen pourrait se révéler chaotique et mortifère ; nous ne sommes pas moins confrontés que la Lorraine de son temps à une invasion migratoire, déjà l'objet de son inquiétude ; quant à la crise morale du régime, elle n'est pas moindre, et la nécessité de lui trouver une issue, pressante. On doit cependant considérer que notre sort est pire : les élites françaises, outre qu'elles n'en sont plus, intellectuellement parlant, n'ont, sauf exceptions, aucune envie de continuer une histoire de France qui les encombre, et la "décivilisation" accélérée - dont témoignent tant la « culture de mort » (sept millions de victimes innocentes tout de même...) que la théorie des genres - était inconnue et même proprement inimaginable à l'époque de Barrés. Il est aussi à craindre que nos forces spirituelles soient aujourd'hui moindres... Serait-ce alors dire que Barrès ait peu à nous apprendre ? Non pas, dès lors que l'on prend en considération la première leçon qu'on peut retenir de son attitude, qui fut de réagir et de résister tant par la plume que par l'engagement politique.
    Ce dernier étant sans doute plus connu que ses réactions littéraires, considérons ces dernières, qui avaient frappé le jeune Maurras, ainsi qu'en témoigne un passage de son beau texte à lui consacré (dans Bons et mauvais maîtres) : « Osons dire de Barrès ce que Lucrèce a dit d'Épicure : il aura été l'homme grec qui, le premier, est venu, a regardé en face le dogme absurde et a crié : ce n'est pas ça, non, non ! »
    Avertissement
    Dans un des premiers numéros de ses Tâches d'encre, Barrès avait écrit l'avertissement mémorable que « même en art, il y a profit à ne pas être un imbécile », et, par conséquent, à ne pas reproduire en simple plaque photographique les idiosyncrasies d'un épicier, de sa pipe, et de son grand feu, quand on a l'honneur d'être né un esprit humain (Allusion à une formule de Maupassant). L'influence de Maurice Barrès détermina tout de suite un retour du moral sur le physique. L'élément supérieur reprit la notion de ses droits au commandement : dans le moral, il y a le mental ; l'intelligence rentra dans l'Art, l'art d'écrire revint au cercle des arts libéraux et les lettres humaines recommencèrent d'être reçues pour ce qu'il y a de supérieur dans la vie humaine.
    Francis Venant Action Française 2000 février 2013

  • La nation a t’elle un avenir ? Sege Ayoub

    Avant de rentrer dans le vif du sujet il est important de définir de quelle nation on parle. De tout évidence, et cela m’est d’autant plus aisé que j’en suis issu, de la nation française.
    Cette précision faite, il nous faut tenter de la comprendre afin d’extrapoler son avenir possible. Partant de l’adage que tout arbre ne se juge non pas à ses fruits mais à ses racines, un retour sur nous-mêmes en tant que peuple français constituant une nation spécifique: la nation française est nécessaire.
    La nation est issue d’abord, comme l’affirme Aristote, d’un peuple homogène et qui a la volonté d’être Un dans le temps.
    Donc pour saisir cette nation en marche, en devenir constant à travers les siècles, il faut en extraire les spécificités et les valeurs qui nous en donnent le sens historique propre.
    Pour cela nous allons survoler son histoire et cette unité de volonté qui font ce ‘’sens”.
    La troisième République assimilatrice et égalisatrice faisait tout partir de cette célèbre phrase si critiquée, à tort, que l’on répétait d’un bout à l’autre de notre ancien Empire: «nos ancêtres les Gaulois».
    Pour faire un aparté sur cette expression, hautement édifiante à sa création, il y a plus d’un siècle, et savamment détournée et déviée par les tenants de l’idéologie dominante actuelle; cette introduction à nos anciens manuels historiques, loin de mépriser l’autre et sa culture tentait de la transcender par une vision assimilatrice républicaine et égalisatrice.

    1) HISTOIRE

    Cette parenthèse fermée, les prémices de l’esprit français, de l’âme de son peuple et de sa conception si particulière de la nation sur des principes politiques émergent dés les temps les plus reculés de son histoire.
    En effet, souvenons nous, Vercingétorix, est issu d’une longue tradition de chefs acclamés (et non pas héréditaires) qui ont pour objectifs dans ces temps de crise, non de régner, mais de sauver, par la victoire, du péril immédiat – que représente Jules César pour Vercingétorix-, l’échec du chef étant souvent sanctionné par la mise à mort du roi celte défaillant.
    A y regarder de plus près la défaite de Vercingétorix est celle de toute la Gaule, en effet, mises à part des résistances sporadiques, c’est bien la Gaule toute entière qui se soumet au général romain. La nation gauloise vient de naitre ! Dans la défaite, soit, mais l’unité est effective.
    En une campagne; où nous découvrons la genèse de notre peuple, les piliers de notre différence et de nos valeurs émergent du désastre: Les prémices d’une nation, le culte du sauveur et la lutte contre l’impérialisme. Ces traits nous suivront toute notre histoire. Plus avant, la colonisation latine nous fait aimer le culte de l’Etat, du droit écrit et scelle définitivement notre sort politique à Rome.
    Quelques siècles après, alors que tout s’effondre, un duc, Clovis, en prenant le pouvoir sur ce qui va devenir la France, fonde un autre acte politique majeur en interdisant les mariages claniques. Il préfigure, ainsi un autre fondement de ce qui commence à devenir une nation, le refus du communautarisme. (A titre de contre exemple les wisigoths, à la même époque, interdisant les mariages mixtes, sombrèrent dans l’oubli).
    Il y a plus de 1500 ans, presque toutes les cartes de ce qui allait être l’âme du peuple français se gravait dans le marbre, pour subsister jusqu’à aujourd’hui.

    Nos revendications sont restées identiques :
    1) acclamations des chefs qui donnera siècles après siècles naissance à la démocratie si chère à nos concitoyens et une forte propension aux régimes plébiscitaires qui vont souvent de pair avec le culte du sauveur (Philippe Auguste, Jeanne D’Arc, Napoléon, Pétain et De Gaulle). Sur ces bases se greffent avec la vocation étatique et centralisatrice spécifiquement française héritée de Rome (autre mythe récurrent français). Cette démarche initiée dés le Xème siècle grandira de rois en rois de Philippe Auguste à Louis XI continuant sous Louis XIV et perdurant avec Robespierre et Napoléon.

    2) Dernière pierre à l’édifice français, la lutte contre l’impérialisme fonde véritablement la nation française et cela toute au long de son histoire : lutte perdue contre l’impérialisme romain, puis lutte victorieuse contre le Saint Empire Romain Germanique, quand Philippe Auguste par sa victoire de Bouvine produit l’acte de naissance de la France et des Français contre l’empire. Plus tard ce sera l’empire Austro-hongrois, anglais jusqu’à Waterloo puis allemand et pour finir américain qui alimenteront le ressentiment quasi viscéral de beaucoup de nos contemporains, tous bords confondus.

    3) J’ai laissé pour la fin la lutte contre un autre impérialisme: celui de la religion. Une lutte qui sera fracassante en provoquant l’excommunication de nombreux de nos rois, et son cortège de meurtre de pape, schismes et kidnappings ! Sans oublier l’esprit critique qui engendrera les lumières, les spoliations, l’anticléricalisme et une fracture profonde entre le culte et la res-publica.
    On y verra la lutte d’une nation contre sa propre religion : on aura tort. Le sens du baptême de Clovis, ce n’est pas qu’un roi s’incline devant une religion. C ‘est que la force s’incline devant la Loi, devant la Foi, devant l’Idéal. L’âme de la France repose sur ce geste, couronnement d’une vocation bien antérieure : chez nous, le pouvoir n’est légitime que s’il sert plus grand que lui, et la religion aussi.
    Et c’est encore cette vision politique de la construction nationale qui nous pousse à un universalisme des cœurs et des esprits communiant sur des valeurs admissibles par tous.
    Nous le voyons en quelques phrases et plusieurs centaines d’années, tous nos combats actuels sont présents et forment notre âme commune et notre volonté dans le temps!

    II EVOLUTION RECENTE

    1)Jusqu’en 1980
    Quelles sont les branches de l’arbres, et qu’elle tournures prennent elles ? Voilà les questions que l’on peut légitimement se poser après avoir dégager les racines.
    Il est évident que la nation n’est pas immuable, qu’elle n’est pas stable, qu’elle évolue et, plus encore, que l’idée même de nation diffère d’un pays à l’autre ! Il est évident que les climats, les continents, les langues, la culture, l’histoire et la spécificité géoéconomique de chaque pays interfèrent sur son destin et ses particularités. Par exemple l’Allemagne qui est séparée de nous que par un fleuve, a un code de la nationalité qui en se rapprochant du droit du sang n’a pas la même logique que nous Français; et que dire des Japonais qui perpétuent un statut spécial, depuis plus de 300 ans, pour sa minorité coréenne, et plus encore du régime des castes indiennes !
    Notre nation que l’on peut qualifier de communauté ouverte (on peut y entrer facilement sans liens du sang) réunit sur un sol, associant les citoyens libres (dans la limite de la loi) et égaux (dans le droit au respect et l’exercice des droits civiques). Nous parlerons de nation française.
    Cette définition issue directement de la révolution de 1789 en est la dernière évolution significative et est un fait non contestable.
    Les régionalismes l’ont parfois bousculée (au nom d’une définition par la coutume, voire, dans certains cas sur une base ethnique). Mais fondamentalement ces contestations n’ont porté que sur la place des régions dans le cadre national. Le cadre national, en lui même, n’est plus guère contesté; en pratique il s’est substitué au cadre défini jadis par la monarchie capétienne, issue du terreau initial de l’Isle de France (littéralement la petite France, qui donna ”little” en anglais), multiple par ses provinces et une par la personne de son souverain. Par la suite le Peuple souverain sera pensé comme le peuple français.

    2) Mais ces faits non contestables jusqu’à une époque récente sont battus en brèche ces dernières décennies et cela pour plusieurs raisons :
    La principale est le renversement radical du ‘’sens”.
    En effet, la structure traditionnelle de la société ayant pour objet la pérennité familiale comme base de la nation a été transformée radicalement en volonté de réussite individuelle par le profit, ce principe qui a révolutionné toute la perception du monde a fini d’en changer le ‘’sens”. Jusqu’à une date récente, ce qui faisait «sens», c’était la réalité de la production et de la reproduction. Désormais, le «sens» n’est plus dans le réel. Il est dans l’accumulation d’un signe abstrait.
    Maintenant tout a changé. Le but au-dessus de tout est le profit. Ce profit, érigé en idole, est un dieu cruel et parricide, il se suffit vite à lui même et se transforme en une mécanique inhumaine avec sa propre logique, sa propre vie !

    III LES OPPOSITIONS ET LEURS EFFETS

    Ces dernières décades la machine s’est emballée emportant tout avec elle : hommes, mesures et sens. La financiarisation du capitalisme a transformé le capitalisme du réel et de la production en spéculation folle et virtuelle.
    De fait cette révolution s’oppose totalement aux règles humaines et sociales millénaires dont est issue toute nation;
    Pour entrer dans le vif du sujet :
    - L’exigence de réduction des coûts entraine indubitablement la mobilité des travailleurs, donc des peuples, ce qui dans les faits conduit à la déportation, ou plus exactement ce qu’on appelle pudiquement l’immigration, et à la délocalisation.
    - Comme l’avait démontré le sociologue Durkheim dans son ouvrage ‘Le suicide’,’ l’effet immédiat de cette mobilité est la désagrégation du tissu social. Ce tissu social qui fait le liant d’une nation.
    - La flexibilité, c’est à dire la précarité qui s’oppose à la pérennité voulue par les sociétés traditionnelles, est le contrecoup de la première offensive menée par la mobilité tous azimuts. En effet, nos peuples déportés, au gré des intérêts d’une minorité, sont déracinés et se retrouvent sans repère («après tout ici ou ailleurs», logique ultime: tout vaut tout, à cela s’ajoute l’accumulation d’information qui se substitue à la connaissance, il n’y a plus de hiérarchie de l’information, donc plus de… «sens», précisément).
    Voici l’homme boulon, coupé de toutes ses références propres, qui a du mal à se structurer, et surtout à se défendre. Ceci explique l’effondrement des revendications syndicales en général, et du monde ouvrier en particulier.
    - Il ne faut pas croire que cette résultante n’est pas voulue. Elle découle, bien au contraire, d’une stratégie globale bien préméditée, et c’est dans ce cadre qu’il faut comprendre cette préférence pour des populations déplacées venues de pays à ”l’Histoire Immobile” comme le Maghreb et le Moyen-Orient. Ils n’ont, et c’est flagrant, jamais connu de révolutions ou de révoltes à contrario des populations européennes. En effet les fameux plombiers polonais (pour l’anecdote), les Européens en général et les Français, en particulier, ont une longue tradition de jacqueries, révoltes et révolutions qui nuisent aux profits…
    A long terme, tout cela ne peut que conduire nulle part. Mais qu’importe aux maîtres de ce système. Leur horizon de réflexion, c’est le sacro-saint retour sur investissement en trois ans (et encore). Le temps long, nécessaire au développement effectif des pays, n’est plus pris en compte.
    Oui, tout cela concourt à ce que dans la perception globalisée de l’économie, il n’ait qu’un ennemi à abattre, et c’est la nation !
    A cette véritable déclaration de guerre, il faut adjoindre le déploiement du dispositif ennemi, maintenant visible :
    - l’émergence d’une intégration supérieure à l’échelle continentale, via l’Europe de Bruxelles, voire mondiale via les diverses instances mondialistes comme l’OMC qui sont les squelettes de cet ordre nouveau.
    - L’apport de, et la confrontation avec, des populations immigrées qui désintègrent le tissu social construit en mille ans de luttes, et qui font que le sentiment d’appartenance à une entité, quel qu’elle soit, devient difficile, voire impossible
    - Et pour finir l’augmentation très significative de la proportion de Français qui vivent à l’étranger, ou y ont vécu, ou y retourneront vivre (souvent avec mariage mixtes), et développent donc, par rapport à leur pays d’origine, un rapport plus distancié.
    Toutes ces évocations de la transformation radicale de notre nation pourrait sembler catastrophiques… mais en allant plus avant, le constat n’est pas si sombre.

    IV LES RESULTANTES

    La nation assure, si l’on résume très sommairement, quatre fonctions principales: elle dit le droit, structure en partie la coopération économique des acteurs, défend le territoire et le gère en collectant des impôts et taxes – puis, enfin, organise l’espace ou le suffrage populaire s’exerce.
    A l’heure actuelle, l’intégration supérieure attaque toutes ces fonctions. Mais à y regarder de plus près, elle échoue sur toutes ces fonctions, sauf quand la nation lui vient en aide.

    1) Le droit issue de la technocratie européenne de Bruxelles se heurte fréquemment à l’hétérogénéité excessive des sociétés auxquels il prétend s’appliquer. Par exemple, les directives européennes doivent être transposées – ce qui montre bien que, telles quelles, elles ne sauraient avoir force de loi.
    La manière de dire le droit, parfois son contenu même, dépend en effet des coutumes et des modes d’organisation collective des peuples;
    La France constitue à son niveau un espace spécifique cohérent qui permet à un même droit de s’appliquer sur tout son territoire. Spécificité issue de son histoire propre, que nous avons détaillé plus haut. La France est un des rares pays d’organisation non fédérale en Europe.
    Au final et vu le ridicule des directives européennes qui essaient de tout régenter en dépit du bon sens (comme pour l’agriculture et l’élevage), en France on ne voit pas comment Bruxelles pourrait se passer de la «transposition» en droit français.
    L’Europe est trop vaste et diverse pour pouvoir se permettre de court-circuiter les échelons nationaux. On ne peut avoir le même droit pour les Carpates et la Beauce et dans un avenir plus lointain, n’en déplaise aux mondialistes forcenés, il est complètement exclu qu’un même droit prévale à l’échelle globale: on imagine mal un même droit de la famille à La Mecque et à San Francisco !

    2) Plus rapidement encore, l’unité fiscale indispensable à toute cohérence européenne est plus qu’une utopie. Si elle est inexistante à l’heure actuelle, il ne faut pas imaginer qu’il s’agit d’un oubli ou d’un retard, mais bien plutôt de l’intérêt bien compris du système capitaliste global, qui se sert délibérément de ces inégalités comme outil de dumping fiscal et les conçoit comme autant de moyens spéculatifs, ce qui remet, de fait, toute uniformisation fiscale, toute efficacité économique, aux calendes grecques.
    Dans la théorie libérale les hommes, les biens et les services circulent librement et sont interchangeables dans une politique mondiale du laissé faire, laissé passer si chère à Israël D’Israëli.
    Dans la réalité, il en va tout autrement, surtout en ce qui concerne les hommes.
    En effet les descendants de l’Histoire Immobile se syndiquent et revendiquent de plus en plus. Ce qui était aux yeux des théoriciens de cet ordre nouveau une population de «soumis» taillables et corvéables n’attendant que le salut du ciel s’oppose, maintenant, par leur religion même, aux fondements de l’idéologie mercantiliste et affirme dans un repli identitaire une différence source de conflits internes nuisibles à la structure et, même, à l’économie marchande mondialisée!
    De fait l’homme et le réel se comportent comme autant de grains de sables dans la machine économique mondialisée.
    Par ailleurs; l’intégration supérieure aboutit aujourd’hui, à l’échelle globale, à construire une économie caractérisée par des chaines logistiques extrêmement longues, donc fragiles. En pratique l’échelon national notamment pour la France est encore le mieux adapté en terme de robustesse.
    Pour conclure sur ce point, la répétition des crises économiques du système financier international transforme l’expérience économique mondialisée en crise systémique causé précisément par le fantasme d’une économie totalement intégrée à l’échelle mondiale.

    3) Sur le plan de la défense du territoire, l’Europe est à ce jour complètement inexistante, pire, l’OTAN, organisation inféodée à une structure supérieure encore plus grande, ne nous a menés par ses visées impérialistes qu’à une somme de guerres insensées, dont une en Europe même !
    On arrive donc à ce constat délirant que depuis qu’une défense européenne a été envisagée en collaboration avec l’OTAN, nous n’avons jamais été autant en guerre, et le danger n’a jamais été si présent, alors que nous n’avons en réalité aucun ennemi !
    De surcroit il faut rajouter une dimension humaine trop vite oubliée par les technocrates européistes et mondialistes : il faut risquer sa peau pour défendre son sol, mais qui aurait envie de la risquer pour la commission de Bruxelles ?
    La nation parce qu’elle est charnelle, parce qu’elle incarne une communauté vivante, parce qu’elle représente le plus grand échelon réel, de solidarité et de protection mutuelle permet ce sacrifice.

    4) Sur le plan de l’expression du suffrage populaire l’expérience loin d’être probante, tourne à l’échec.
    Intrinsèquement, pour qu’il y ait suffrage populaire, il faut un peuple, et comme il n’y a pas de peuple européen, cela semble pour le moins difficile d’avoir un suffrage populaire européen…
    Mais plus concrètement les élections européennes sont vues comme des ”tests” nationaux, ce qui est un deuxième échec.
    Pour terminer, et c’est le pire, lorsque les peuples sont amenés à s’exprimer sur leur attachement même à une intégration européenne, la réponse est majoritairement négative. Il semble impossible, sauf par la tyrannie, d’imposer aux peuples un gouvernement qu’ils refusent: le bilan de l’Europe de Bruxelles est terrible.
    Au final, on voit que l’intégration de notre nation dans une structure supérieure n’est pas, à ce stade, réellement possible – ou alors dans un système entièrement refondé, dans le cadre d’alliance structurelle, de confédération qui engloberait des états nations.
    Loin de nous l’idée de refuser la présence de la France en Europe, ni de nier la communauté de valeurs qui imprègne profondément notre continent, mais nous voulons, avant tout, affirmer le grand avenir de la nation dans le cadre européen.
    La réalité de l’Europe est tissée par ses nations !

    CONCLUSION
    La dislocation du tissu social est un grave problème dans notre société et l’immigration y joue un rôle majeur.
    C’est en réalité, là, le plus grand défi.
    Nous avons aujourd’hui crée une société qui, d’une certaine manière n’en est plus une. Il faut reconstruire le lien. Une masse d’individus atomisés, sans attaches familiales solides, sans inscription dans des réseaux relationnels stables, ne fait pas une nation.
    Notre capacité à gérer la question migratoire va d’ailleurs largement dépendre de cette question: saurons nous donner quelque chose à quoi s’intégrer ?
    La société totalitaire marchande nous propose l’intégration par l’accession à la consommation; Cela ne saurait suffire. L’homme de tout temps à tendu au spirituel, au transcendant (des grottes de Lascaux à la chapelle Sixtine en passant par la mosquée Bleue); L’homme pour se réaliser a besoin de se concevoir dans un dessein le dépassant.
    En d’autres temps, un empire cosmopolite à réussi à dépasser ce problème de restructuration du tissus social, et cet empire, c’est Rome. Cela a marché pour deux raisons très simples, le premier est un adage :”A Rome on vit comme un romain”, le second est un principe religieux, l’Etat déifié représenté par son empereur, image vivante de la force de l’assimilation et du dépassement de chacun dans une volonté globale.
    Si l’application du premier adage est sans équivoque transposable à la France, par contre la déification de notre président ne semble pas la meilleure solution à l’heure actuelle… Plus sérieusement le concept de nation, pour un pays comme la France, constitue une réponse adaptée. Parce qu’elle renvoie à des réalités vécues (une langue, un cadre juridique stable, une culture partagée), elle est un instrument incontournable de la construction concrète de la société. Cela n’enlève rien, évidemment aux échelons infra, communes et régions. Mais ces échelons sont, aujourd’hui, trop petits pour pouvoir défendre effectivement leurs populations dans une opposition avec l’ogre globalisé.
    La nation paraît, au final, la mesure qu’il faut en toutes choses, le meilleur compromis entre l’exigence de mobilité et celle de stabilité, pour la plus grande part de la population.
    Si, face à la crise systémique mondiale et à l’ordre mondial délirant, la réponse ne peut être que raisonnable et à l’échelle nationale…
    Si, à la folie globale on répondait par la mesure, dosée à l’échelle de chaque spécificité économique ou sociale locale, le monde n’irait-il pas mieux ? Il faudrait, encore, mettre à bas les profiteurs de cette véritable tyrannie: ces fous du profit s’attachant à leurs prérogatives comme des satrapes à leurs trônes !
    Pour pouvoir les faire tomber de l’arbre moribond ou ils s’accrochent il faudra une révolution, et elle ne se réalisera que par la nation.
    La nation a t’elle un avenir ? Telle était la question. Oui, bien sûr, car elle résonne dans le cœur des peuples comme un cri de liberté.
    Par Serge Ayoub  http://fr.altermedia.info

  • Hannah Arendt : l'âge sombre, le paria et le parvenu

    Dans un volume publié par le centre d'études juives " Alte Synagoge ", Agnes Heller se penche sur la vision du monde et des hommes qu'a développée Hannah Arendt, au cours de sa longue et mouvementée quête de philosophe. Cette vision évoque tout à la fois un âge sombre ("finster ") et un âge de Lumière, mais les périodes sombres sont plus fréquentes et plus durables que les périodes de Lumière, qui sont, elles,éphémères, marquées par la fulgurance de l'instant et la force de l'intensité. Les périodes sombres, dont la modernité, sont celles où l'homme nepeut plus agir politiquement, ne peut plus façonner la réalité politique :Hannah Arendt se montre là disciple de Hegel, pour qui le zoon politikon grec était justement l'homme qui s'était hissé au-dessus de la banalité existentielle du vécu pré-urbain pour accéder à l'ère lumineuse des cités antiques. Urbaine et non ruraliste (au contraire de Heidegger), Hannah Arendt conçoit l'oikos primordial (la Heimat ou la glèbe/Die Scholle) comme une zone anté-historique d'obscurité tandis que la ville ou la cité est lumière parce qu'elle permet une action politique, permet le plongeon dans l'histoire. Pour cette raison, le totalitarisme est assombrissement total, car il empêche l'accès des citoyens/des hommes à l'agora de la Cité qui est Lumière. L'action politique, tension des hommes vers la Lumière, exige effort, décision, responsabilité, courage, mais la Lumière dans sa plénitude ne survient qu'au moment furtif mais très intense de la libération, moment toujours imprévisible et éphémère. Agnes Heller signale que la philosophie politique de Hannah Arendt réside tout entière dans son ouvrage Vita activa ; Hannah Arendt y perçoit l'histoire, à l'instar d'Alfred Schuler (cf. Robert Steuckers, " Le visionnaire Alfred Schuler (1865-1923), inspirateur du Cercle de Stefan George ",in Vouloir n°8/AS :134/136, 1996), comme un long processus de dépérissement des forces vitales et d'assombrissement ; Walter Benjamin, à la suite de Schuler qu'il avait entendu quelques fois à Munich, parlait d'un " déclin de l'aura ".Hannah Arendt est très clairement tributaire, ici, et via Benjamin, des Cosmiques de Schwabing (le quartier de la bohème littéraire de Munich de 1885 à 1919), dont l'impulseur le plus original fut sans conteste Alfred Schuler. Agnes Heller ne signale pas cette filiation, mais explicite très bien la démarche de Hannah Arendt.

    L'histoire: un long processus d'assombrissement
    L'histoire, depuis les Cités grecques et depuis Rome, est donc un processus continu d'assombrissement. Les cités antiques laissaient à leurs citoyens un vaste espace de liberté pour leur action politique Depuis lors, depuis l'époque d'Eschyle, ce champ n'a cessé de se restreindre. La liberté d'action a fait place au travail (à la production, à la fabrication sérielle d'objets).Notre époque des jobs, des boulots, du salariat infécond est donc une époque d'assombrissement total pour Hannah Arendt. Son pessimisme ne relève pas de l'idéologie des Lumières ni de la tradition messianique. L'histoire n'est pas, chez Hannah Arendt, progrès mais régression unilinéaires et déclin. La plénitude de la Lumière ne reviendra pas, sauf en quelques instants surprises, inattendus. Ces moments lumineux de libération impliquent un " retournement " (Umkehr) et un "retour " bref à cette fusion originelle de l'action et de la pensée, incarnée par le politique, qui ne se déploie qu'en toute clarté et toute luminosité. Mais dans cette succession ininterrompue de périodes sombres, inintéressantes et inauthentiques, triviales, la pensée agit, se prépare aux rares irruptions de lumière, est quasiment le seul travail préparatoire possible qui permettra la réception de la lumière. Seuls ceux qui pensent se rendent compte de cet assombrissement. Ceux qui ne pensent pas participent, renforcent ou accélèrent l'assombrissement et l'acceptent comme fait accompli. Mais toute forme de pensée n'est pas préparation à la réception de la Lumière. Une pensée obnubilée par la vérité toute faite ou recherchant fébrilement à accumuler du savoir participe aussi au processus d'assombrissement. Le totalitarisme repose et sur cette non-pensée et sur cette pensée accumulante et obsessionnellement " véritiste ".
    L'homme ou la femme, pendant un âge sombre, peuvent se profiler sur le plan culturel, comme Rahel Varnhagen, femme de lettres et d'art dans la communauté israélite de Berlin, ou sur le plan historique, comme Benjamin Disraeli, qui a forgé l'empire britannique, écrit Hannah Arendt. Mais, dans un tel contexte de " sombritude ", quel est le sort de l'homme et de la femme dans sa propre communauté juive ? Il ou elle s'assimile. Mais cette assimilation est assimilation à la " sombritude ".Les assimilés en souffrent davantage que les non-assimilés. Dans ce processus d'assimilisation-assombrissement , deux figures idéal typiques apparaissent dans l'oeuvre de Hannah Arendt :le paria et le parvenu, deux pistes proposées à suivre pour le Juif en voie d'assimilation à l'ère sombre. A ce propos, Agnes Heller écrit : " Le paria émet d'interminables réflexions et interprète le monde en noir ; il s'isole. Par ailleurs, le parvenu cesse de réfléchir, car il ne pense pas ce qu'il fait ; au lieu de cela, il tente de fusionner avec la masse. La première de ces attitudes est authentique, mais impuissante ; la seconde n'est pas authentique, mais puissante. Mais aucune de ces deux attitudes est féconde ".

    Ni paria ni parvenu
    Dès lors, si on ne veut être ni paria (p. ex.dans la bohème littéraire ou artistique) ni parvenu (dans le monde inauthentique des jobs et des boulots), y a-t-il une troisième option ? " Oui ", répond Hannah Arendt. Il faut, dit-elle, construire sa propre personnalité, la façonner dans l'originalité, l'imposer en dépit des conformismes et des routines. Ainsi, Rahel Varnhagen a exprimé sa personnalité en organisant un salon littéraire et artistique très original où se côtoyaient des talents et des individualités exceptionnelles. Pour sa part, Benjamin Disraeli a réalisé une oeuvre politique selon les règles d'une mise en scène théâtrale. Enfin, Rosa Luxemburg, dont Hannah Arendt dit ne pas partager les opinions politiques si ce n'est un intérêt pour la démocratie directe, a, elle aussi, représenté une réelle authenticité, car elle est restée fidèle à ses options, a toujours refusé compromissions, corruptions et démissions, ne s'est jamais adaptée aux circonstances, est restée en marge de la " sombritude" routinière, comme sa judéité d'Europe orientale était déjà d'emblée marginale dans les réalités allemandes, y compris dans la diaspora germanisée. L'esthétique de Rahel Varnhagen, le travail politique de Disraeli, la radicalité sans compromission de Rosa Luxemburg, qu'ils aient été succès ou échec, constituent autant de refus de la non-pensée, de la capitulation devant l'assombrissement général du monde, autant de volontés de laisser une trace de soi dans le monde. Hannah Arendt méprisait la recherche du succès à tout prix, tout autant que la capitulation trop rapide devant les combats qu'exige la vie Ni le geste du paria ni la suffisance du parvenu.
    Agnes Heller écrit : " Paria ou parvenu :tels sont les choix pertinents possibles dans la société pour les Juifs émancipés au temps de l'assimilation. Hannah Arendt indique que ces Juifs avaient une troisième option, l'option que Rahel Varnhagen et Disraeli ont prise : s'élire soi-même. Le temps de l'émancipation juive était le temps où a démarré la modernité. Nous vivons aujourd'hui dans une ère moderne(postmoderne), dans une société de masse, dans un monde que Hannah Arendt décrivait comme un monde de détenteurs de jobs ou un monde du labeur. Mais l'ASSIMILATION n'est-elle pas devenue une tendance sociale générale ? Après la dissolution des classes, après la tendance inexorable vers l'universalisation de l'ordre social moderne, qui a pris de l'ampleur au cours de ces dernières décennies, n'est-il pas vrai que tous, que chaque personne ou chaque groupe de personnes, doit s'assimiler ? N'y a-t-il pas d'autres choix sociaux pertinents pour les individus que d'être soit paria soit parvenu ? S'insérer dans un monde sans se demander pourquoi ? Pour connaître le succès, pour obtenir des revenus, pour atteindre le bien-être, pour être reconnu comme " modernes " entre les nations et les peuples, la recette n'est-elle pas de prendre l'attitude du parvenu, ce que réclame la modernité aujourd'hui ? Quant à l'attitude qui consiste à refuser l'assimilation, tout en se soûlant de rêves et d'activismes fondamentalistes ou en grognant dans son coin contre la marche de ce monde (moderne) qui ne respecte par nos talents et où nous n'aboutissons à rien, n'est-ce pas l'attitude du paria ? ".

    Nous devons tous nous assimiler
    Si les Juifs en voie d'assimilation au XIXième siècle ont été confrontés à ce dilemme ‹vais-je opter pour la voie du paria ou pour la voie du parvenu ? - aujourd'hui tous les hommes, indépendamment de leur ethnie ou de leur religion sont face à la même problématique :se noyer dans le flux de la modernité ou se marginaliser. Hannah Arendt, en proposant les portraits de Rahel Varnhagen , Benjamin Disraeli ou Rosa Luxemburg, opte pour le " Deviens ce que tu es ! " de nietzschéenne mémoire. Les figures, que Hannah Arendt met en exergue, refusent de choisir l'un ou l'autre des modèles que propose (et impose subrepticement) la modernité. Ils choisissent d'être eux-mêmes, ce qui exige d'eux une forte détermination (Entschlossenheit). Ces hommes et ces femmes restent fidèles à leur option première, une option qu'ils ont librement choisie et déterminée. Mais ils ne tournent pas le dos au monde (le paria !) et n'acceptent pas les carrières dites " normales " (le parvenu !). Ils refusent d'appartenir à une école, à un " isme " (comme Hannah Arendt, par exemple, ne se fera jamais " féministe ").En indiquant cette voie, Hannah Arendt reconnaît sa dette envers son maître Heidegger, et l'exprime dans sa laudatio, prononcée pour le 80ième anniversaire du philosophe de la Forêt Noire. Heidegger, dit-elle, n'a jamais eu d'école (à sa dévotion) et n'a jamais été le gourou d'un " isme ". Ce dégagement des meilleurs hors de la cangue des ismes permet de maintenir, en jachère ou sous le boisseau, la " Lumière de la liberté ".
    Agnes HELLER, " Eine Frau in finsteren Zeiten ", in Studienreihe der ALTEN SYNAGOGE, Band 5, Hannah Arendt. "Lebensgeschichte einer deutschen Jüdin ", Klartext Verlag, Essen, 1995-96, ISBN 3-88474-374-0, DM 19,80, 127 pages.

  • Le libéralisme réellement existant d’après Michéa

     Le libéralisme réellement existant d’après Michéa

    michea.gifL’aboutissement logique de la modernité libérale est, pour Jean-Claude Michéa, l’extension indéfinie des droits.

    Selon lui, la modernité libérale fabriquerait un homme politiquement correct et procédurier. L'appel aux avocats pour trancher les conflits lui sert de substitut au bon sens et à la morale commune d'antan. De manière contradictoire, la maxime soixante-huitarde selon laquelle « il est interdit d’interdire » a muté en un « besoin forcené d’interdire ». L’État s’y soumet, en censurant, contrôlant et interdisant les opinions « incorrectes ».

    Mais l’extension des droits, faute de limite morale, est sans fin. Le Droit se soumet à la force des revendications, et l’on assiste, selon le mot de Michéa, à mai 68 portant plainte contre mai 68. (1) Sans référents symboliques communs ni limites transcendantes (ou relevant du simple bon sens), les libertés rivales entrent fatalement en collision.

    Conséquemment, les conditions de la guerre de tous contre tous seraient à nouveau réunies. En fin de compte, le libéralisme réellement existant représenterait, la mort de la société. Son idéal d’équilibre serait lui-même porteur d’injustice. Ainsi, « tous les animaux sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres » (Orwell) est pour Michéa la meilleure définition de la discrimination positive. (2) Celle-ci, idéal de substitution, masquerait en outre « la réconciliation pratique de la gauche avec l’économie de Marché. » (3) L’égalité économique serait ainsi écartée au profit de la lutte contre les discriminations de toutes sortes, forcément infinies puisque la société est diverse.

    Au bout du compte, l’extension se poursuit jusqu’à l’atomisation sociale. Peu importent les inégalités économiques, vive la diversité, l’horizontalité s'est substituée à la verticalité. Un pauvre appartient est un simple élément du paysage de la diversité. A ce titre, rien n’empêche de voir émerger des revendications loufoques. Depuis le milieu des années 1970, nous apprend Michéa, une Bald Pride est organisée chaque année par ceux qui considèrent l’alopécie comme une grave forme de discrimination. (4)

    Orwell a théorisé cette contradiction sous le nom de double-pensée, concept que reprend Michéa, à savoir deux propositions incompatibles formulées concomitamment. Dans les cas de lutte contre toutes les discriminations, rappelons au préalable que discriminer signifie distinguer. Refuser la distinction serait donc, en somme, comme refuser la diversité d’une société, puisqu’à moins d’aspirer à une homogénéisation totale, chacun serait perpétuellement potentiellement discriminé par rapport à autrui, d’une manière ou d’une autre. Cette demande de reconnaissance de diversité serait donc en même temps le refus, la mort de cette diversité.

    Du point de vue éthique, les conséquences seraient désastreuses. Rien ne s’oppose, note Michéa, à ce que la prostitution soit considérée comme un métier normal. Pour le justifier, il suffirait d’invoquer la liberté de disposer de son corps comme chacun(e) l’entend. Mais, ajoute-t-il ironiquement, si l’école est destinée à orienter le futur travailleur vers le Marché et que la prostitution est un métier comme un autre, le diplôme adéquat doit être prévu, tout comme ses conditions d’examen et de validation théorique et pratique. Dans le même ordre d’idées, il mentionne l’anecdote, malgré tout paradigmatique, des ouvrières licenciées pour cause de fermeture d’usine mais qui se sont vues proposer un reclassement en tant qu’hôtesses de charme dans un Eros Center. Tout comme a fait jurisprudence, en 2003, l’affaire où l’on jugea bon de se demander si des rapports cannibales entre personnes consentantes pouvaient être autorisés. (5) En refusant de moraliser, le libéralisme est ainsi condamné à une perpétuelle fuite en avant. L’altérité même se noie dans la réduction de l’Autre à un pur objet à usage unique de consommation touristique. Le potentiel humain à découvrir et avec qui tisser des liens est évacué. (6)

    Le nécessaire Marché total

    Pour éviter toute perte de contrôle,  cette fuite en avant des droits a besoin, poursuit Michéa, de s’appuyer sur le Marché, lieu où les intérêts s’équilibrent et s’harmonisent prétendument, par un « ordre spontané ». Pour continuer à faire tourner celui-ci, la propagande publicitaire, « sans laquelle le dressage capitaliste des humains resterait un vain mot » (7) est déterminante, car promotrice masquée des modèles à respecter et admirer. La domination sur les esprits est, de la sorte, plus insidieuse. Le néolibéralisme fonctionne davantage à la séduction qu’à la répression. La main invisible matriarcale, pour reprendre Michéa, a remplacé la main visible patriarcale. Et dans sa fuite en avant, le libéralisme se doit d’opérer une marchandisation complète, étendue à tous les domaines. Particulièrement attaché au football, Michéa a étudié les conséquences de la logique marchande sur ce sport, devenu une industrie. Le football serait devenu conforme lui aussi à la recherche libérale du moindre mal. L’argent, devenu le principal enjeu, aurait de ce fait vidé ce sport de sa substance. Il ne serait plus question désormais, tactiquement, « (…) de construire pour gagner, mais de détruire pour ne pas perdre. » (8) Le tournant décisif, l’arrêt Bosman de 1995, augmenta le nombre des transferts. Surtout, le devenir du football représenterait la transformation engendrée par la marchandisation de la société : « soumission des clubs au pouvoir de l’oligarchie financière […], médiatisation grotesque de l’événement sportif, lui-même trop souvent « commenté » par des experts incompétents, généralisation de la corruption et du dopage, […] multiplication des efforts pour substituer au joyeux public traditionnel des stades, connaisseur et gouailleur, la figure bariolée et nettement plus manipulable du supporter. » (9) L’argent prime sur l’attachement, au nom du professionnalisme. (10) Enfin, dans La double pensée, Michéa évoquait encore cette direction industrielle libérale du football, en citant Aimé Jacquet, ancien sélectionneur de l’équipe de France, qui déclarait que « le beau jeu est une utopie ».

    Le football ne serait qu’un des innombrables exemples de la même veine démontrant que la culture populaire, désormais, serait devenue une culture de masse, une standardisation des créations selon les lois de l’industrie destinées à pérenniser le système marchand. Une extension inévitable, pour Michéa, où l’homme, suite à la destruction du symbolisme par l’anthropologie capitaliste, est réduit au stade de « machine dévorante », ingurgitant ce qu’il appela ailleurs des « niaiseries œdipiennes ». (11) Le mécanisme psychologique à l’œuvre en serait la jouissance grégaire de biens inutiles mais perçus comme la condition d’accès à la jouissance, de préférence sans effort. Cette mutation, que Lasch a analysée dans son essai Culture de masse ou culture populaire ?, préfacé par Michéa, a été initiée aux Etats-Unis dès les années 1930. Baptisée le sloanisme (du nom d’Alfred Sloan, président de General Motors), elle a marqué le début de la révolution culturelle libérale. Une révolution consumériste qui, si nous reprenons les propos d’Orwell, vise au retour « vers l’animalité ». (12)

    De l’accélération anthropologique à l’ingénierie sociale

    Le « dispositif historique compliqué » du libéralisme lui confère une « ambigüité constitutive ». (13) L’École républicaine, par exemple, destinait à l’intégration au nouvel ordre marchand. Pourtant, des savoirs, vertus et attitudes contraires aux implications de cet ordre étaient encore enseignés, notamment par la culture classique. Pour Michéa des survivances de l'ancienne époque, notamment civiques, ont perduré, d'où le maintien de certaines valeurs contraires aux intérêts économiques, dont l’institution scolaire est un exemple. Mais malgré cela, l’Économie y devient toujours plus imposante, notamment grâce à un précédent ayant offert le contexte politico-culturel favorable pour que l’École mute. Cet infléchissement fut le passage par le mai 68 étudiant, cette transition libérale-libertaire.

    Le moment libéral-libertaire

    Historiquement pourtant, cet avènement du néolibéralisme n’était pas gagné d’avance. D’après Michéa, le modèle libéral a montré ses limites dans les années 1970, où il est entré en crise. Pourtant, il n’en est pas moins resté la seule voie envisageable pour les dirigeants. A ce moment, les côtés politico-culturels et économiques du libéralisme se seraient réellement imbriqués pour former le néolibéralisme. Dans cette symbiose, mai 68 a joué un rôle déterminant. Michéa insiste toutefois sur la nécessité d’éviter la confusion et l’essentialisme sur cette période. D’une part, expose-t-il, il y eut le mai 68 des travailleurs. Celui-ci fut, à l’en croire, la plus grande grève ouvrière du pays. Son but était d’élaborer des propositions alternatives au monde du Spectacle-Mode-Communication, dans une optique populiste. Ses idées s’avéraient donc irrécupérables par le libéralisme-libertaire – d’où les moqueries suscitées à l’encontre du baba-cool aspirant campagnard et éleveur de chèvres. Nous pourrions le résumer sous le slogan « A bas la marchandise ». De l’autre côté, la régression œdipienne du mai 68 étudiant se traduisait au contraire par « Vive la marchandise », et contribua à faire de la jeunesse, simple moment de la vie, un marché. (14) Où l’on assista donc, pour Michéa, à une libéralisation des mœurs, mais nullement à leur libération effective. (15) Ce qui explique entre autres facteurs, d’après lui, les fréquentes références du système marchand à l’imaginaire de mai 68 pour vendre ses produits. Et faire passer l’idée qu’en consommant, on était forcément un révolutionnaire luttant contre l’ordre bourgeois. En 1983-84, la Gauche au pouvoir dut proposer à la jeunesse un idéal de substitution mais compatible avec la mondialisation libre-échangiste. L’idéologie anti-raciste – non le fait de ne pas être raciste, mais de se proclamer anti-raciste (16) – permit ce glissement. A partir de là, toute critique de l’économie fut évacuée. Tout sujet gênant fut, dans le même ordre d’idées, accusé de faire le jeu du Front national.

    Le libéralisme-libertaire de mai 68 permit la promotion d’un modèle social atomiste, celui de l’individualisme libéral. Les survivances anciennes furent balayées comme bourgeoises et l’homme nouveau invité à vivre sans temps morts et jouir sans entraves. La famille traditionnelle, avec son modèle patriarcal, devenait le foyer du libertarisme. Indistinctement, toutes les figures symboliques immémoriales furent déclarées comme également archaïques. La Consommation, quant à elle, accéda au rang de métaphysique du désir et du bonheur. Les produits du Marché constituaient la condition de l’épanouissement. Les injonctions libérales-libertaires représentaient alors, pour Michéa, les « commandements les plus sacrés des Tables de la loi moderne ». (17) A condition, bien entendu, de pouvoir se permettre d'être le parasite qui échappe au processus de production. Celui-ci, aliénant et ne rétribuant que chichement les salariés, ne leur donne pas les moyens d’ériger le consumérisme en mode de vie. De plus, tenus par leur emploi, ils ne pouvaient pas se permettre de rester oisifs. Sans oublier que cette atomisation libérale est contraire aux formes de socialité traditionnelles encore présentes à ce moment sur le lieu de travail. Mais comme le précise par ailleurs Michéa, la société de consommation n’implique pas que tous aient les moyens de consommer.

    École & ingénierie sociale

    Dès lors, le système néolibéral n’a nullement besoin d’aiguiser la capacité critique des élèves. Au contraire, il doit créer une école en adéquation avec ses dogmes, ce qui expliquerait la crise de l’institution. D’après Michéa, l’Ecole n’a pour but que de former à « la guerre économique mondiale du 21ème siècle ». (18) L’ignorance, nous expose-t-il, serait devenue nécessaire à l’expansion de notre société. Précisons que ce qu’il entend ici par ignorance n’est pas tant le savoir que le déclin de l’intelligence critique : « L’expérience nous apprend qu’un individu peut tout savoir et ne rien comprendre. » (19) L’enseignement ne s’est donc pas démocratisé mais adapté aux vœux de l’ingénierie sociale. Brezinski, en 1995, a proposé le tittytainement, sorte de panem et circenses post-moderne. Après calcul – dans les cercles fermés – que deux dixièmes de la population mondiale suffisent à assurer la production, il proposa d’encadrer la population surnuméraire en la dérivant vers un abêtissement généralisé. Les principes libéraux se sont donc étendus à l’École, par l’influence des lobbies industriels et financiers européens, relayés par l’OCDE et la Commission européenne. (20) La double transformation nécessaire fut, dès lors, effectuée : l’enseignant dispensateur de savoirs s’est mué en animateur – d’où son besoin de théâtralité toujours grandissant – et l’École s’est changé en lieu de vie, une garderie citoyenne mais néanmoins ouverte aux marchandises et nombreuses associations municipales et « citoyennes ».

    Si l’École se soumet à cette orientation, il en est de même pour les autres secteurs. Il est question d’enseigner aux élèves un « illogisme politiquement utilisable ». (21) Les vrais savoirs et comportements civiques de base représentent, quant à eux, une menace pour le système, qui a davantage intérêt à produire un « consommateur incivil ». (22) La panacée restant toutefois, si l’on suit Michéa, la transformation de l’élève en crétin militant, l’anti-système piloté par le système, le faux marginal en réalité dans la norme. (23) La culture jeune est par exemple présentée comme une attitude rebelle, mais il s’agit en fait d’une rébellion rentable. Avec, en exemple paradigmatique, la « Caillera ». Michéa critique l’analyse essentialiste et strictement positiviste de la sociologie officielle, qui voit les délinquants comme des rebelles à l’ordre établi, des révoltés face à l’exclusion. La Caillera, pour lui, n’est pas intégrée à la société, car la société suppose le don et l’échange symbolique. En revanche, elle est intégrée au système capitaliste. Souhaitant juste devenir les « golden-boys des bas-fonds », les « Cailleras » ne feraient que recycler l’imaginaire capitaliste dont ils ont intériorisé les codes et les axiomes. Mais il ne s’agit pas, ajoute-t-il, d’une cause exclusivement sociale, car la délinquance aurait explosé au début des années 1970, en pleines Trente Glorieuses. Il s’agirait au contraire de la manifestation en actes de cet homme nouveau créé par l’axiomatique libérale, ne poursuivant que la recherche de son intérêt bien compris. Ceci, même aux dépens de toute décence et du sens humain des limites à ce qui se fait et ne se fait pas, en l’absence de montages normatifs arbitraires. L’impulsion libérale-libertaire, relayée par une École aux ordres de l’ingénierie sociale, a donc en fin de compte mis en place les conditions favorable à l’accélération de la mutation anthropologique induite par la mécanique libérale. (24)

    Thibault

    Notes:

    (1) Michéa (J.-C.), in Lasch (C.), Culture de masse ou culture populaire ?, préface, pp.18-19.

    (2) La double pensée, p.109.

    (3) Ibid., p.241.

    (4) Ibid., p.43n.

    (5) L’empire du moindre mal, respectivement scolie [D] du premier chapitre « L’unité du libéralisme », pp.60-61 pour les deux premières anecdotes, et p.98n pour la seconde.

    (6) Ibid., p.83.

    (7) Ibid., p.189.

    (8) Michéa (J.-C.), Les intellectuels, le peuple et le ballon rond, p.28.

    (9) Ibid., pp.25-26.

    (10) Orwell éducateur, pp.115-116. Nous y apprenons sous la plume de Michéa que « le gardien de but de l’Olympique lyonnais, Grégory Coupet, ayant commis la faute d’évoquer son rapport au Club en termes d’« attachement », il était logique que Jean-Michel Aulas, PDG de l’entreprise « Olympique lyonnais » le corrige aussitôt : « J’ai trouvé ses remarques étonnantes, parce que, quand on est professionnel, on ne parle pas d’amour mais d’argent, et ça n’a rien de choquant » (France Football, 11 juillet 2003) ; comme quoi, à Madelin, Madelin et demi. »

    (11) L’enseignement de l’ignorance, p.37.

    (12) Orwell (G.), Essais, articles, lettres, volume IV, 19, « Les lieux de loisirs », p.104.

    (13) L’enseignement de l’ignorance, p.32.

    (14) Ibid., [E] « A propos de mai 68 », p.95n2.

    (15) Dans Orwell éducateur, Michéa pointe ainsi « la différence entre une libération authentique (qui accroît, par définition, notre puissance de vivre humainement) et une simple libéralisation des mœurs, qui, selon la formule de Lasch, n’autorise les individus à s’émanciper de la Tradition que pour les soumettre aussitôt à la tyrannie de la Mode. », scolies II, [E], p.48. C’est Michéa qui souligne.

    (16) « Quant aux fondements psychologiques réels de l’ « antiracisme » perpétuellement affiché par les stars du showbiz ou les professionnels des médias, Rousseau, dans l’Emile, avait déjà tout dit : « Défiez-vous – écrivait-il – de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leur livre des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d’aimer ses voisins. » Quiconque a fréquenté de près ces gens-là ne peut avoir aucun doute là-dessus. », L’empire du moindre mal, p.83n. C’est Michéa qui souligne.

    (17) Ibid., p.36.

    (18) Ibid., p.39.

    (19) Ibid., p.15n.

    (20) Impasse Adam Smith, pp.28-29.

    (21) L’enseignement de l’ignorance, p.47n1.

    (22) Ibid., p.48.

    (23) Michéa (J.-C.) in Lasch (C.), La révolte des élites – et la trahison de la démocratie, preface, p.12.

    (24) Ibid., [C] « La Caillera et son intégration », pp.79-86.

    Source: Scriptoblog

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