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culture et histoire - Page 1926

  • Lire (ou relire) Maurice Barrès

    Au lendemain du 150e anniversaire de la naissance de Maurice Barrès, le 19 août 1862, et à la veille du 90e anniversaire de sa mort, le 4 décembre 1923, Francis Venant ouvre une série d'articles sur l'auteur des Déracinés.
    La lecture de Maurice Barrès est de celles qui s'imposent tellement... qu'elle n'est pas toujours au rendez-vous. Léon Blum, dans le bel hommage qu'il lui rendit, pourrait en donner une raison supplémentaire : « Si Monsieur Barrès n'eût pas vécu, s'il n'eût pas écrit, son temps serait autre et nous serions autres. Je ne vois pas en France d'homme vivant qui ait exercé, par la littérature, une action égale ou comparable. »
    Maître d'énergie
    En somme, Maurice Barrès appartiendrait tellement à son époque qu'il aurait quasiment disparu avec elle... Ce qui signifierait que cette œuvre ne serait pas intemporelle, c'est-à-dire universelle. Même son « culte du moi » ne constituerait pas une figure éternelle de la conscience humaine, comme on pourrait le penser d'après le concept, mais avant tout une réaction aux "barbares" du moment. Mais, en réalité, il n'y a jamais dans ces rapports de dépendance d'un auteur à son époque que du plus et du moins ; et si l'œuvre de Maurice Barrès est bien, par la nature des choses, "datée", elle reste toujours universalisable et matière à inspiration, si nous nous employons à jouir de ses beautés et à en dégager des leçons. Le faut-il ? Au fait, notre situation historique est-elle aussi différente que celle qu'il connut ? Si nous n'avons plus à reconquérir des provinces perdues, l'avenir européen pourrait se révéler chaotique et mortifère ; nous ne sommes pas moins confrontés que la Lorraine de son temps à une invasion migratoire, déjà l'objet de son inquiétude ; quant à la crise morale du régime, elle n'est pas moindre, et la nécessité de lui trouver une issue, pressante. On doit cependant considérer que notre sort est pire : les élites françaises, outre qu'elles n'en sont plus, intellectuellement parlant, n'ont, sauf exceptions, aucune envie de continuer une histoire de France qui les encombre, et la "décivilisation" accélérée - dont témoignent tant la « culture de mort » (sept millions de victimes innocentes tout de même...) que la théorie des genres - était inconnue et même proprement inimaginable à l'époque de Barrés. Il est aussi à craindre que nos forces spirituelles soient aujourd'hui moindres... Serait-ce alors dire que Barrès ait peu à nous apprendre ? Non pas, dès lors que l'on prend en considération la première leçon qu'on peut retenir de son attitude, qui fut de réagir et de résister tant par la plume que par l'engagement politique.
    Ce dernier étant sans doute plus connu que ses réactions littéraires, considérons ces dernières, qui avaient frappé le jeune Maurras, ainsi qu'en témoigne un passage de son beau texte à lui consacré (dans Bons et mauvais maîtres) : « Osons dire de Barrès ce que Lucrèce a dit d'Épicure : il aura été l'homme grec qui, le premier, est venu, a regardé en face le dogme absurde et a crié : ce n'est pas ça, non, non ! »
    Avertissement
    Dans un des premiers numéros de ses Tâches d'encre, Barrès avait écrit l'avertissement mémorable que « même en art, il y a profit à ne pas être un imbécile », et, par conséquent, à ne pas reproduire en simple plaque photographique les idiosyncrasies d'un épicier, de sa pipe, et de son grand feu, quand on a l'honneur d'être né un esprit humain (Allusion à une formule de Maupassant). L'influence de Maurice Barrès détermina tout de suite un retour du moral sur le physique. L'élément supérieur reprit la notion de ses droits au commandement : dans le moral, il y a le mental ; l'intelligence rentra dans l'Art, l'art d'écrire revint au cercle des arts libéraux et les lettres humaines recommencèrent d'être reçues pour ce qu'il y a de supérieur dans la vie humaine.
    Francis Venant Action Française 2000 février 2013

  • La nation a t’elle un avenir ? Sege Ayoub

    Avant de rentrer dans le vif du sujet il est important de définir de quelle nation on parle. De tout évidence, et cela m’est d’autant plus aisé que j’en suis issu, de la nation française.
    Cette précision faite, il nous faut tenter de la comprendre afin d’extrapoler son avenir possible. Partant de l’adage que tout arbre ne se juge non pas à ses fruits mais à ses racines, un retour sur nous-mêmes en tant que peuple français constituant une nation spécifique: la nation française est nécessaire.
    La nation est issue d’abord, comme l’affirme Aristote, d’un peuple homogène et qui a la volonté d’être Un dans le temps.
    Donc pour saisir cette nation en marche, en devenir constant à travers les siècles, il faut en extraire les spécificités et les valeurs qui nous en donnent le sens historique propre.
    Pour cela nous allons survoler son histoire et cette unité de volonté qui font ce ‘’sens”.
    La troisième République assimilatrice et égalisatrice faisait tout partir de cette célèbre phrase si critiquée, à tort, que l’on répétait d’un bout à l’autre de notre ancien Empire: «nos ancêtres les Gaulois».
    Pour faire un aparté sur cette expression, hautement édifiante à sa création, il y a plus d’un siècle, et savamment détournée et déviée par les tenants de l’idéologie dominante actuelle; cette introduction à nos anciens manuels historiques, loin de mépriser l’autre et sa culture tentait de la transcender par une vision assimilatrice républicaine et égalisatrice.

    1) HISTOIRE

    Cette parenthèse fermée, les prémices de l’esprit français, de l’âme de son peuple et de sa conception si particulière de la nation sur des principes politiques émergent dés les temps les plus reculés de son histoire.
    En effet, souvenons nous, Vercingétorix, est issu d’une longue tradition de chefs acclamés (et non pas héréditaires) qui ont pour objectifs dans ces temps de crise, non de régner, mais de sauver, par la victoire, du péril immédiat – que représente Jules César pour Vercingétorix-, l’échec du chef étant souvent sanctionné par la mise à mort du roi celte défaillant.
    A y regarder de plus près la défaite de Vercingétorix est celle de toute la Gaule, en effet, mises à part des résistances sporadiques, c’est bien la Gaule toute entière qui se soumet au général romain. La nation gauloise vient de naitre ! Dans la défaite, soit, mais l’unité est effective.
    En une campagne; où nous découvrons la genèse de notre peuple, les piliers de notre différence et de nos valeurs émergent du désastre: Les prémices d’une nation, le culte du sauveur et la lutte contre l’impérialisme. Ces traits nous suivront toute notre histoire. Plus avant, la colonisation latine nous fait aimer le culte de l’Etat, du droit écrit et scelle définitivement notre sort politique à Rome.
    Quelques siècles après, alors que tout s’effondre, un duc, Clovis, en prenant le pouvoir sur ce qui va devenir la France, fonde un autre acte politique majeur en interdisant les mariages claniques. Il préfigure, ainsi un autre fondement de ce qui commence à devenir une nation, le refus du communautarisme. (A titre de contre exemple les wisigoths, à la même époque, interdisant les mariages mixtes, sombrèrent dans l’oubli).
    Il y a plus de 1500 ans, presque toutes les cartes de ce qui allait être l’âme du peuple français se gravait dans le marbre, pour subsister jusqu’à aujourd’hui.

    Nos revendications sont restées identiques :
    1) acclamations des chefs qui donnera siècles après siècles naissance à la démocratie si chère à nos concitoyens et une forte propension aux régimes plébiscitaires qui vont souvent de pair avec le culte du sauveur (Philippe Auguste, Jeanne D’Arc, Napoléon, Pétain et De Gaulle). Sur ces bases se greffent avec la vocation étatique et centralisatrice spécifiquement française héritée de Rome (autre mythe récurrent français). Cette démarche initiée dés le Xème siècle grandira de rois en rois de Philippe Auguste à Louis XI continuant sous Louis XIV et perdurant avec Robespierre et Napoléon.

    2) Dernière pierre à l’édifice français, la lutte contre l’impérialisme fonde véritablement la nation française et cela toute au long de son histoire : lutte perdue contre l’impérialisme romain, puis lutte victorieuse contre le Saint Empire Romain Germanique, quand Philippe Auguste par sa victoire de Bouvine produit l’acte de naissance de la France et des Français contre l’empire. Plus tard ce sera l’empire Austro-hongrois, anglais jusqu’à Waterloo puis allemand et pour finir américain qui alimenteront le ressentiment quasi viscéral de beaucoup de nos contemporains, tous bords confondus.

    3) J’ai laissé pour la fin la lutte contre un autre impérialisme: celui de la religion. Une lutte qui sera fracassante en provoquant l’excommunication de nombreux de nos rois, et son cortège de meurtre de pape, schismes et kidnappings ! Sans oublier l’esprit critique qui engendrera les lumières, les spoliations, l’anticléricalisme et une fracture profonde entre le culte et la res-publica.
    On y verra la lutte d’une nation contre sa propre religion : on aura tort. Le sens du baptême de Clovis, ce n’est pas qu’un roi s’incline devant une religion. C ‘est que la force s’incline devant la Loi, devant la Foi, devant l’Idéal. L’âme de la France repose sur ce geste, couronnement d’une vocation bien antérieure : chez nous, le pouvoir n’est légitime que s’il sert plus grand que lui, et la religion aussi.
    Et c’est encore cette vision politique de la construction nationale qui nous pousse à un universalisme des cœurs et des esprits communiant sur des valeurs admissibles par tous.
    Nous le voyons en quelques phrases et plusieurs centaines d’années, tous nos combats actuels sont présents et forment notre âme commune et notre volonté dans le temps!

    II EVOLUTION RECENTE

    1)Jusqu’en 1980
    Quelles sont les branches de l’arbres, et qu’elle tournures prennent elles ? Voilà les questions que l’on peut légitimement se poser après avoir dégager les racines.
    Il est évident que la nation n’est pas immuable, qu’elle n’est pas stable, qu’elle évolue et, plus encore, que l’idée même de nation diffère d’un pays à l’autre ! Il est évident que les climats, les continents, les langues, la culture, l’histoire et la spécificité géoéconomique de chaque pays interfèrent sur son destin et ses particularités. Par exemple l’Allemagne qui est séparée de nous que par un fleuve, a un code de la nationalité qui en se rapprochant du droit du sang n’a pas la même logique que nous Français; et que dire des Japonais qui perpétuent un statut spécial, depuis plus de 300 ans, pour sa minorité coréenne, et plus encore du régime des castes indiennes !
    Notre nation que l’on peut qualifier de communauté ouverte (on peut y entrer facilement sans liens du sang) réunit sur un sol, associant les citoyens libres (dans la limite de la loi) et égaux (dans le droit au respect et l’exercice des droits civiques). Nous parlerons de nation française.
    Cette définition issue directement de la révolution de 1789 en est la dernière évolution significative et est un fait non contestable.
    Les régionalismes l’ont parfois bousculée (au nom d’une définition par la coutume, voire, dans certains cas sur une base ethnique). Mais fondamentalement ces contestations n’ont porté que sur la place des régions dans le cadre national. Le cadre national, en lui même, n’est plus guère contesté; en pratique il s’est substitué au cadre défini jadis par la monarchie capétienne, issue du terreau initial de l’Isle de France (littéralement la petite France, qui donna ”little” en anglais), multiple par ses provinces et une par la personne de son souverain. Par la suite le Peuple souverain sera pensé comme le peuple français.

    2) Mais ces faits non contestables jusqu’à une époque récente sont battus en brèche ces dernières décennies et cela pour plusieurs raisons :
    La principale est le renversement radical du ‘’sens”.
    En effet, la structure traditionnelle de la société ayant pour objet la pérennité familiale comme base de la nation a été transformée radicalement en volonté de réussite individuelle par le profit, ce principe qui a révolutionné toute la perception du monde a fini d’en changer le ‘’sens”. Jusqu’à une date récente, ce qui faisait «sens», c’était la réalité de la production et de la reproduction. Désormais, le «sens» n’est plus dans le réel. Il est dans l’accumulation d’un signe abstrait.
    Maintenant tout a changé. Le but au-dessus de tout est le profit. Ce profit, érigé en idole, est un dieu cruel et parricide, il se suffit vite à lui même et se transforme en une mécanique inhumaine avec sa propre logique, sa propre vie !

    III LES OPPOSITIONS ET LEURS EFFETS

    Ces dernières décades la machine s’est emballée emportant tout avec elle : hommes, mesures et sens. La financiarisation du capitalisme a transformé le capitalisme du réel et de la production en spéculation folle et virtuelle.
    De fait cette révolution s’oppose totalement aux règles humaines et sociales millénaires dont est issue toute nation;
    Pour entrer dans le vif du sujet :
    - L’exigence de réduction des coûts entraine indubitablement la mobilité des travailleurs, donc des peuples, ce qui dans les faits conduit à la déportation, ou plus exactement ce qu’on appelle pudiquement l’immigration, et à la délocalisation.
    - Comme l’avait démontré le sociologue Durkheim dans son ouvrage ‘Le suicide’,’ l’effet immédiat de cette mobilité est la désagrégation du tissu social. Ce tissu social qui fait le liant d’une nation.
    - La flexibilité, c’est à dire la précarité qui s’oppose à la pérennité voulue par les sociétés traditionnelles, est le contrecoup de la première offensive menée par la mobilité tous azimuts. En effet, nos peuples déportés, au gré des intérêts d’une minorité, sont déracinés et se retrouvent sans repère («après tout ici ou ailleurs», logique ultime: tout vaut tout, à cela s’ajoute l’accumulation d’information qui se substitue à la connaissance, il n’y a plus de hiérarchie de l’information, donc plus de… «sens», précisément).
    Voici l’homme boulon, coupé de toutes ses références propres, qui a du mal à se structurer, et surtout à se défendre. Ceci explique l’effondrement des revendications syndicales en général, et du monde ouvrier en particulier.
    - Il ne faut pas croire que cette résultante n’est pas voulue. Elle découle, bien au contraire, d’une stratégie globale bien préméditée, et c’est dans ce cadre qu’il faut comprendre cette préférence pour des populations déplacées venues de pays à ”l’Histoire Immobile” comme le Maghreb et le Moyen-Orient. Ils n’ont, et c’est flagrant, jamais connu de révolutions ou de révoltes à contrario des populations européennes. En effet les fameux plombiers polonais (pour l’anecdote), les Européens en général et les Français, en particulier, ont une longue tradition de jacqueries, révoltes et révolutions qui nuisent aux profits…
    A long terme, tout cela ne peut que conduire nulle part. Mais qu’importe aux maîtres de ce système. Leur horizon de réflexion, c’est le sacro-saint retour sur investissement en trois ans (et encore). Le temps long, nécessaire au développement effectif des pays, n’est plus pris en compte.
    Oui, tout cela concourt à ce que dans la perception globalisée de l’économie, il n’ait qu’un ennemi à abattre, et c’est la nation !
    A cette véritable déclaration de guerre, il faut adjoindre le déploiement du dispositif ennemi, maintenant visible :
    - l’émergence d’une intégration supérieure à l’échelle continentale, via l’Europe de Bruxelles, voire mondiale via les diverses instances mondialistes comme l’OMC qui sont les squelettes de cet ordre nouveau.
    - L’apport de, et la confrontation avec, des populations immigrées qui désintègrent le tissu social construit en mille ans de luttes, et qui font que le sentiment d’appartenance à une entité, quel qu’elle soit, devient difficile, voire impossible
    - Et pour finir l’augmentation très significative de la proportion de Français qui vivent à l’étranger, ou y ont vécu, ou y retourneront vivre (souvent avec mariage mixtes), et développent donc, par rapport à leur pays d’origine, un rapport plus distancié.
    Toutes ces évocations de la transformation radicale de notre nation pourrait sembler catastrophiques… mais en allant plus avant, le constat n’est pas si sombre.

    IV LES RESULTANTES

    La nation assure, si l’on résume très sommairement, quatre fonctions principales: elle dit le droit, structure en partie la coopération économique des acteurs, défend le territoire et le gère en collectant des impôts et taxes – puis, enfin, organise l’espace ou le suffrage populaire s’exerce.
    A l’heure actuelle, l’intégration supérieure attaque toutes ces fonctions. Mais à y regarder de plus près, elle échoue sur toutes ces fonctions, sauf quand la nation lui vient en aide.

    1) Le droit issue de la technocratie européenne de Bruxelles se heurte fréquemment à l’hétérogénéité excessive des sociétés auxquels il prétend s’appliquer. Par exemple, les directives européennes doivent être transposées – ce qui montre bien que, telles quelles, elles ne sauraient avoir force de loi.
    La manière de dire le droit, parfois son contenu même, dépend en effet des coutumes et des modes d’organisation collective des peuples;
    La France constitue à son niveau un espace spécifique cohérent qui permet à un même droit de s’appliquer sur tout son territoire. Spécificité issue de son histoire propre, que nous avons détaillé plus haut. La France est un des rares pays d’organisation non fédérale en Europe.
    Au final et vu le ridicule des directives européennes qui essaient de tout régenter en dépit du bon sens (comme pour l’agriculture et l’élevage), en France on ne voit pas comment Bruxelles pourrait se passer de la «transposition» en droit français.
    L’Europe est trop vaste et diverse pour pouvoir se permettre de court-circuiter les échelons nationaux. On ne peut avoir le même droit pour les Carpates et la Beauce et dans un avenir plus lointain, n’en déplaise aux mondialistes forcenés, il est complètement exclu qu’un même droit prévale à l’échelle globale: on imagine mal un même droit de la famille à La Mecque et à San Francisco !

    2) Plus rapidement encore, l’unité fiscale indispensable à toute cohérence européenne est plus qu’une utopie. Si elle est inexistante à l’heure actuelle, il ne faut pas imaginer qu’il s’agit d’un oubli ou d’un retard, mais bien plutôt de l’intérêt bien compris du système capitaliste global, qui se sert délibérément de ces inégalités comme outil de dumping fiscal et les conçoit comme autant de moyens spéculatifs, ce qui remet, de fait, toute uniformisation fiscale, toute efficacité économique, aux calendes grecques.
    Dans la théorie libérale les hommes, les biens et les services circulent librement et sont interchangeables dans une politique mondiale du laissé faire, laissé passer si chère à Israël D’Israëli.
    Dans la réalité, il en va tout autrement, surtout en ce qui concerne les hommes.
    En effet les descendants de l’Histoire Immobile se syndiquent et revendiquent de plus en plus. Ce qui était aux yeux des théoriciens de cet ordre nouveau une population de «soumis» taillables et corvéables n’attendant que le salut du ciel s’oppose, maintenant, par leur religion même, aux fondements de l’idéologie mercantiliste et affirme dans un repli identitaire une différence source de conflits internes nuisibles à la structure et, même, à l’économie marchande mondialisée!
    De fait l’homme et le réel se comportent comme autant de grains de sables dans la machine économique mondialisée.
    Par ailleurs; l’intégration supérieure aboutit aujourd’hui, à l’échelle globale, à construire une économie caractérisée par des chaines logistiques extrêmement longues, donc fragiles. En pratique l’échelon national notamment pour la France est encore le mieux adapté en terme de robustesse.
    Pour conclure sur ce point, la répétition des crises économiques du système financier international transforme l’expérience économique mondialisée en crise systémique causé précisément par le fantasme d’une économie totalement intégrée à l’échelle mondiale.

    3) Sur le plan de la défense du territoire, l’Europe est à ce jour complètement inexistante, pire, l’OTAN, organisation inféodée à une structure supérieure encore plus grande, ne nous a menés par ses visées impérialistes qu’à une somme de guerres insensées, dont une en Europe même !
    On arrive donc à ce constat délirant que depuis qu’une défense européenne a été envisagée en collaboration avec l’OTAN, nous n’avons jamais été autant en guerre, et le danger n’a jamais été si présent, alors que nous n’avons en réalité aucun ennemi !
    De surcroit il faut rajouter une dimension humaine trop vite oubliée par les technocrates européistes et mondialistes : il faut risquer sa peau pour défendre son sol, mais qui aurait envie de la risquer pour la commission de Bruxelles ?
    La nation parce qu’elle est charnelle, parce qu’elle incarne une communauté vivante, parce qu’elle représente le plus grand échelon réel, de solidarité et de protection mutuelle permet ce sacrifice.

    4) Sur le plan de l’expression du suffrage populaire l’expérience loin d’être probante, tourne à l’échec.
    Intrinsèquement, pour qu’il y ait suffrage populaire, il faut un peuple, et comme il n’y a pas de peuple européen, cela semble pour le moins difficile d’avoir un suffrage populaire européen…
    Mais plus concrètement les élections européennes sont vues comme des ”tests” nationaux, ce qui est un deuxième échec.
    Pour terminer, et c’est le pire, lorsque les peuples sont amenés à s’exprimer sur leur attachement même à une intégration européenne, la réponse est majoritairement négative. Il semble impossible, sauf par la tyrannie, d’imposer aux peuples un gouvernement qu’ils refusent: le bilan de l’Europe de Bruxelles est terrible.
    Au final, on voit que l’intégration de notre nation dans une structure supérieure n’est pas, à ce stade, réellement possible – ou alors dans un système entièrement refondé, dans le cadre d’alliance structurelle, de confédération qui engloberait des états nations.
    Loin de nous l’idée de refuser la présence de la France en Europe, ni de nier la communauté de valeurs qui imprègne profondément notre continent, mais nous voulons, avant tout, affirmer le grand avenir de la nation dans le cadre européen.
    La réalité de l’Europe est tissée par ses nations !

    CONCLUSION
    La dislocation du tissu social est un grave problème dans notre société et l’immigration y joue un rôle majeur.
    C’est en réalité, là, le plus grand défi.
    Nous avons aujourd’hui crée une société qui, d’une certaine manière n’en est plus une. Il faut reconstruire le lien. Une masse d’individus atomisés, sans attaches familiales solides, sans inscription dans des réseaux relationnels stables, ne fait pas une nation.
    Notre capacité à gérer la question migratoire va d’ailleurs largement dépendre de cette question: saurons nous donner quelque chose à quoi s’intégrer ?
    La société totalitaire marchande nous propose l’intégration par l’accession à la consommation; Cela ne saurait suffire. L’homme de tout temps à tendu au spirituel, au transcendant (des grottes de Lascaux à la chapelle Sixtine en passant par la mosquée Bleue); L’homme pour se réaliser a besoin de se concevoir dans un dessein le dépassant.
    En d’autres temps, un empire cosmopolite à réussi à dépasser ce problème de restructuration du tissus social, et cet empire, c’est Rome. Cela a marché pour deux raisons très simples, le premier est un adage :”A Rome on vit comme un romain”, le second est un principe religieux, l’Etat déifié représenté par son empereur, image vivante de la force de l’assimilation et du dépassement de chacun dans une volonté globale.
    Si l’application du premier adage est sans équivoque transposable à la France, par contre la déification de notre président ne semble pas la meilleure solution à l’heure actuelle… Plus sérieusement le concept de nation, pour un pays comme la France, constitue une réponse adaptée. Parce qu’elle renvoie à des réalités vécues (une langue, un cadre juridique stable, une culture partagée), elle est un instrument incontournable de la construction concrète de la société. Cela n’enlève rien, évidemment aux échelons infra, communes et régions. Mais ces échelons sont, aujourd’hui, trop petits pour pouvoir défendre effectivement leurs populations dans une opposition avec l’ogre globalisé.
    La nation paraît, au final, la mesure qu’il faut en toutes choses, le meilleur compromis entre l’exigence de mobilité et celle de stabilité, pour la plus grande part de la population.
    Si, face à la crise systémique mondiale et à l’ordre mondial délirant, la réponse ne peut être que raisonnable et à l’échelle nationale…
    Si, à la folie globale on répondait par la mesure, dosée à l’échelle de chaque spécificité économique ou sociale locale, le monde n’irait-il pas mieux ? Il faudrait, encore, mettre à bas les profiteurs de cette véritable tyrannie: ces fous du profit s’attachant à leurs prérogatives comme des satrapes à leurs trônes !
    Pour pouvoir les faire tomber de l’arbre moribond ou ils s’accrochent il faudra une révolution, et elle ne se réalisera que par la nation.
    La nation a t’elle un avenir ? Telle était la question. Oui, bien sûr, car elle résonne dans le cœur des peuples comme un cri de liberté.
    Par Serge Ayoub  http://fr.altermedia.info

  • Hannah Arendt : l'âge sombre, le paria et le parvenu

    Dans un volume publié par le centre d'études juives " Alte Synagoge ", Agnes Heller se penche sur la vision du monde et des hommes qu'a développée Hannah Arendt, au cours de sa longue et mouvementée quête de philosophe. Cette vision évoque tout à la fois un âge sombre ("finster ") et un âge de Lumière, mais les périodes sombres sont plus fréquentes et plus durables que les périodes de Lumière, qui sont, elles,éphémères, marquées par la fulgurance de l'instant et la force de l'intensité. Les périodes sombres, dont la modernité, sont celles où l'homme nepeut plus agir politiquement, ne peut plus façonner la réalité politique :Hannah Arendt se montre là disciple de Hegel, pour qui le zoon politikon grec était justement l'homme qui s'était hissé au-dessus de la banalité existentielle du vécu pré-urbain pour accéder à l'ère lumineuse des cités antiques. Urbaine et non ruraliste (au contraire de Heidegger), Hannah Arendt conçoit l'oikos primordial (la Heimat ou la glèbe/Die Scholle) comme une zone anté-historique d'obscurité tandis que la ville ou la cité est lumière parce qu'elle permet une action politique, permet le plongeon dans l'histoire. Pour cette raison, le totalitarisme est assombrissement total, car il empêche l'accès des citoyens/des hommes à l'agora de la Cité qui est Lumière. L'action politique, tension des hommes vers la Lumière, exige effort, décision, responsabilité, courage, mais la Lumière dans sa plénitude ne survient qu'au moment furtif mais très intense de la libération, moment toujours imprévisible et éphémère. Agnes Heller signale que la philosophie politique de Hannah Arendt réside tout entière dans son ouvrage Vita activa ; Hannah Arendt y perçoit l'histoire, à l'instar d'Alfred Schuler (cf. Robert Steuckers, " Le visionnaire Alfred Schuler (1865-1923), inspirateur du Cercle de Stefan George ",in Vouloir n°8/AS :134/136, 1996), comme un long processus de dépérissement des forces vitales et d'assombrissement ; Walter Benjamin, à la suite de Schuler qu'il avait entendu quelques fois à Munich, parlait d'un " déclin de l'aura ".Hannah Arendt est très clairement tributaire, ici, et via Benjamin, des Cosmiques de Schwabing (le quartier de la bohème littéraire de Munich de 1885 à 1919), dont l'impulseur le plus original fut sans conteste Alfred Schuler. Agnes Heller ne signale pas cette filiation, mais explicite très bien la démarche de Hannah Arendt.

    L'histoire: un long processus d'assombrissement
    L'histoire, depuis les Cités grecques et depuis Rome, est donc un processus continu d'assombrissement. Les cités antiques laissaient à leurs citoyens un vaste espace de liberté pour leur action politique Depuis lors, depuis l'époque d'Eschyle, ce champ n'a cessé de se restreindre. La liberté d'action a fait place au travail (à la production, à la fabrication sérielle d'objets).Notre époque des jobs, des boulots, du salariat infécond est donc une époque d'assombrissement total pour Hannah Arendt. Son pessimisme ne relève pas de l'idéologie des Lumières ni de la tradition messianique. L'histoire n'est pas, chez Hannah Arendt, progrès mais régression unilinéaires et déclin. La plénitude de la Lumière ne reviendra pas, sauf en quelques instants surprises, inattendus. Ces moments lumineux de libération impliquent un " retournement " (Umkehr) et un "retour " bref à cette fusion originelle de l'action et de la pensée, incarnée par le politique, qui ne se déploie qu'en toute clarté et toute luminosité. Mais dans cette succession ininterrompue de périodes sombres, inintéressantes et inauthentiques, triviales, la pensée agit, se prépare aux rares irruptions de lumière, est quasiment le seul travail préparatoire possible qui permettra la réception de la lumière. Seuls ceux qui pensent se rendent compte de cet assombrissement. Ceux qui ne pensent pas participent, renforcent ou accélèrent l'assombrissement et l'acceptent comme fait accompli. Mais toute forme de pensée n'est pas préparation à la réception de la Lumière. Une pensée obnubilée par la vérité toute faite ou recherchant fébrilement à accumuler du savoir participe aussi au processus d'assombrissement. Le totalitarisme repose et sur cette non-pensée et sur cette pensée accumulante et obsessionnellement " véritiste ".
    L'homme ou la femme, pendant un âge sombre, peuvent se profiler sur le plan culturel, comme Rahel Varnhagen, femme de lettres et d'art dans la communauté israélite de Berlin, ou sur le plan historique, comme Benjamin Disraeli, qui a forgé l'empire britannique, écrit Hannah Arendt. Mais, dans un tel contexte de " sombritude ", quel est le sort de l'homme et de la femme dans sa propre communauté juive ? Il ou elle s'assimile. Mais cette assimilation est assimilation à la " sombritude ".Les assimilés en souffrent davantage que les non-assimilés. Dans ce processus d'assimilisation-assombrissement , deux figures idéal typiques apparaissent dans l'oeuvre de Hannah Arendt :le paria et le parvenu, deux pistes proposées à suivre pour le Juif en voie d'assimilation à l'ère sombre. A ce propos, Agnes Heller écrit : " Le paria émet d'interminables réflexions et interprète le monde en noir ; il s'isole. Par ailleurs, le parvenu cesse de réfléchir, car il ne pense pas ce qu'il fait ; au lieu de cela, il tente de fusionner avec la masse. La première de ces attitudes est authentique, mais impuissante ; la seconde n'est pas authentique, mais puissante. Mais aucune de ces deux attitudes est féconde ".

    Ni paria ni parvenu
    Dès lors, si on ne veut être ni paria (p. ex.dans la bohème littéraire ou artistique) ni parvenu (dans le monde inauthentique des jobs et des boulots), y a-t-il une troisième option ? " Oui ", répond Hannah Arendt. Il faut, dit-elle, construire sa propre personnalité, la façonner dans l'originalité, l'imposer en dépit des conformismes et des routines. Ainsi, Rahel Varnhagen a exprimé sa personnalité en organisant un salon littéraire et artistique très original où se côtoyaient des talents et des individualités exceptionnelles. Pour sa part, Benjamin Disraeli a réalisé une oeuvre politique selon les règles d'une mise en scène théâtrale. Enfin, Rosa Luxemburg, dont Hannah Arendt dit ne pas partager les opinions politiques si ce n'est un intérêt pour la démocratie directe, a, elle aussi, représenté une réelle authenticité, car elle est restée fidèle à ses options, a toujours refusé compromissions, corruptions et démissions, ne s'est jamais adaptée aux circonstances, est restée en marge de la " sombritude" routinière, comme sa judéité d'Europe orientale était déjà d'emblée marginale dans les réalités allemandes, y compris dans la diaspora germanisée. L'esthétique de Rahel Varnhagen, le travail politique de Disraeli, la radicalité sans compromission de Rosa Luxemburg, qu'ils aient été succès ou échec, constituent autant de refus de la non-pensée, de la capitulation devant l'assombrissement général du monde, autant de volontés de laisser une trace de soi dans le monde. Hannah Arendt méprisait la recherche du succès à tout prix, tout autant que la capitulation trop rapide devant les combats qu'exige la vie Ni le geste du paria ni la suffisance du parvenu.
    Agnes Heller écrit : " Paria ou parvenu :tels sont les choix pertinents possibles dans la société pour les Juifs émancipés au temps de l'assimilation. Hannah Arendt indique que ces Juifs avaient une troisième option, l'option que Rahel Varnhagen et Disraeli ont prise : s'élire soi-même. Le temps de l'émancipation juive était le temps où a démarré la modernité. Nous vivons aujourd'hui dans une ère moderne(postmoderne), dans une société de masse, dans un monde que Hannah Arendt décrivait comme un monde de détenteurs de jobs ou un monde du labeur. Mais l'ASSIMILATION n'est-elle pas devenue une tendance sociale générale ? Après la dissolution des classes, après la tendance inexorable vers l'universalisation de l'ordre social moderne, qui a pris de l'ampleur au cours de ces dernières décennies, n'est-il pas vrai que tous, que chaque personne ou chaque groupe de personnes, doit s'assimiler ? N'y a-t-il pas d'autres choix sociaux pertinents pour les individus que d'être soit paria soit parvenu ? S'insérer dans un monde sans se demander pourquoi ? Pour connaître le succès, pour obtenir des revenus, pour atteindre le bien-être, pour être reconnu comme " modernes " entre les nations et les peuples, la recette n'est-elle pas de prendre l'attitude du parvenu, ce que réclame la modernité aujourd'hui ? Quant à l'attitude qui consiste à refuser l'assimilation, tout en se soûlant de rêves et d'activismes fondamentalistes ou en grognant dans son coin contre la marche de ce monde (moderne) qui ne respecte par nos talents et où nous n'aboutissons à rien, n'est-ce pas l'attitude du paria ? ".

    Nous devons tous nous assimiler
    Si les Juifs en voie d'assimilation au XIXième siècle ont été confrontés à ce dilemme ‹vais-je opter pour la voie du paria ou pour la voie du parvenu ? - aujourd'hui tous les hommes, indépendamment de leur ethnie ou de leur religion sont face à la même problématique :se noyer dans le flux de la modernité ou se marginaliser. Hannah Arendt, en proposant les portraits de Rahel Varnhagen , Benjamin Disraeli ou Rosa Luxemburg, opte pour le " Deviens ce que tu es ! " de nietzschéenne mémoire. Les figures, que Hannah Arendt met en exergue, refusent de choisir l'un ou l'autre des modèles que propose (et impose subrepticement) la modernité. Ils choisissent d'être eux-mêmes, ce qui exige d'eux une forte détermination (Entschlossenheit). Ces hommes et ces femmes restent fidèles à leur option première, une option qu'ils ont librement choisie et déterminée. Mais ils ne tournent pas le dos au monde (le paria !) et n'acceptent pas les carrières dites " normales " (le parvenu !). Ils refusent d'appartenir à une école, à un " isme " (comme Hannah Arendt, par exemple, ne se fera jamais " féministe ").En indiquant cette voie, Hannah Arendt reconnaît sa dette envers son maître Heidegger, et l'exprime dans sa laudatio, prononcée pour le 80ième anniversaire du philosophe de la Forêt Noire. Heidegger, dit-elle, n'a jamais eu d'école (à sa dévotion) et n'a jamais été le gourou d'un " isme ". Ce dégagement des meilleurs hors de la cangue des ismes permet de maintenir, en jachère ou sous le boisseau, la " Lumière de la liberté ".
    Agnes HELLER, " Eine Frau in finsteren Zeiten ", in Studienreihe der ALTEN SYNAGOGE, Band 5, Hannah Arendt. "Lebensgeschichte einer deutschen Jüdin ", Klartext Verlag, Essen, 1995-96, ISBN 3-88474-374-0, DM 19,80, 127 pages.

  • Le libéralisme réellement existant d’après Michéa

     Le libéralisme réellement existant d’après Michéa

    michea.gifL’aboutissement logique de la modernité libérale est, pour Jean-Claude Michéa, l’extension indéfinie des droits.

    Selon lui, la modernité libérale fabriquerait un homme politiquement correct et procédurier. L'appel aux avocats pour trancher les conflits lui sert de substitut au bon sens et à la morale commune d'antan. De manière contradictoire, la maxime soixante-huitarde selon laquelle « il est interdit d’interdire » a muté en un « besoin forcené d’interdire ». L’État s’y soumet, en censurant, contrôlant et interdisant les opinions « incorrectes ».

    Mais l’extension des droits, faute de limite morale, est sans fin. Le Droit se soumet à la force des revendications, et l’on assiste, selon le mot de Michéa, à mai 68 portant plainte contre mai 68. (1) Sans référents symboliques communs ni limites transcendantes (ou relevant du simple bon sens), les libertés rivales entrent fatalement en collision.

    Conséquemment, les conditions de la guerre de tous contre tous seraient à nouveau réunies. En fin de compte, le libéralisme réellement existant représenterait, la mort de la société. Son idéal d’équilibre serait lui-même porteur d’injustice. Ainsi, « tous les animaux sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres » (Orwell) est pour Michéa la meilleure définition de la discrimination positive. (2) Celle-ci, idéal de substitution, masquerait en outre « la réconciliation pratique de la gauche avec l’économie de Marché. » (3) L’égalité économique serait ainsi écartée au profit de la lutte contre les discriminations de toutes sortes, forcément infinies puisque la société est diverse.

    Au bout du compte, l’extension se poursuit jusqu’à l’atomisation sociale. Peu importent les inégalités économiques, vive la diversité, l’horizontalité s'est substituée à la verticalité. Un pauvre appartient est un simple élément du paysage de la diversité. A ce titre, rien n’empêche de voir émerger des revendications loufoques. Depuis le milieu des années 1970, nous apprend Michéa, une Bald Pride est organisée chaque année par ceux qui considèrent l’alopécie comme une grave forme de discrimination. (4)

    Orwell a théorisé cette contradiction sous le nom de double-pensée, concept que reprend Michéa, à savoir deux propositions incompatibles formulées concomitamment. Dans les cas de lutte contre toutes les discriminations, rappelons au préalable que discriminer signifie distinguer. Refuser la distinction serait donc, en somme, comme refuser la diversité d’une société, puisqu’à moins d’aspirer à une homogénéisation totale, chacun serait perpétuellement potentiellement discriminé par rapport à autrui, d’une manière ou d’une autre. Cette demande de reconnaissance de diversité serait donc en même temps le refus, la mort de cette diversité.

    Du point de vue éthique, les conséquences seraient désastreuses. Rien ne s’oppose, note Michéa, à ce que la prostitution soit considérée comme un métier normal. Pour le justifier, il suffirait d’invoquer la liberté de disposer de son corps comme chacun(e) l’entend. Mais, ajoute-t-il ironiquement, si l’école est destinée à orienter le futur travailleur vers le Marché et que la prostitution est un métier comme un autre, le diplôme adéquat doit être prévu, tout comme ses conditions d’examen et de validation théorique et pratique. Dans le même ordre d’idées, il mentionne l’anecdote, malgré tout paradigmatique, des ouvrières licenciées pour cause de fermeture d’usine mais qui se sont vues proposer un reclassement en tant qu’hôtesses de charme dans un Eros Center. Tout comme a fait jurisprudence, en 2003, l’affaire où l’on jugea bon de se demander si des rapports cannibales entre personnes consentantes pouvaient être autorisés. (5) En refusant de moraliser, le libéralisme est ainsi condamné à une perpétuelle fuite en avant. L’altérité même se noie dans la réduction de l’Autre à un pur objet à usage unique de consommation touristique. Le potentiel humain à découvrir et avec qui tisser des liens est évacué. (6)

    Le nécessaire Marché total

    Pour éviter toute perte de contrôle,  cette fuite en avant des droits a besoin, poursuit Michéa, de s’appuyer sur le Marché, lieu où les intérêts s’équilibrent et s’harmonisent prétendument, par un « ordre spontané ». Pour continuer à faire tourner celui-ci, la propagande publicitaire, « sans laquelle le dressage capitaliste des humains resterait un vain mot » (7) est déterminante, car promotrice masquée des modèles à respecter et admirer. La domination sur les esprits est, de la sorte, plus insidieuse. Le néolibéralisme fonctionne davantage à la séduction qu’à la répression. La main invisible matriarcale, pour reprendre Michéa, a remplacé la main visible patriarcale. Et dans sa fuite en avant, le libéralisme se doit d’opérer une marchandisation complète, étendue à tous les domaines. Particulièrement attaché au football, Michéa a étudié les conséquences de la logique marchande sur ce sport, devenu une industrie. Le football serait devenu conforme lui aussi à la recherche libérale du moindre mal. L’argent, devenu le principal enjeu, aurait de ce fait vidé ce sport de sa substance. Il ne serait plus question désormais, tactiquement, « (…) de construire pour gagner, mais de détruire pour ne pas perdre. » (8) Le tournant décisif, l’arrêt Bosman de 1995, augmenta le nombre des transferts. Surtout, le devenir du football représenterait la transformation engendrée par la marchandisation de la société : « soumission des clubs au pouvoir de l’oligarchie financière […], médiatisation grotesque de l’événement sportif, lui-même trop souvent « commenté » par des experts incompétents, généralisation de la corruption et du dopage, […] multiplication des efforts pour substituer au joyeux public traditionnel des stades, connaisseur et gouailleur, la figure bariolée et nettement plus manipulable du supporter. » (9) L’argent prime sur l’attachement, au nom du professionnalisme. (10) Enfin, dans La double pensée, Michéa évoquait encore cette direction industrielle libérale du football, en citant Aimé Jacquet, ancien sélectionneur de l’équipe de France, qui déclarait que « le beau jeu est une utopie ».

    Le football ne serait qu’un des innombrables exemples de la même veine démontrant que la culture populaire, désormais, serait devenue une culture de masse, une standardisation des créations selon les lois de l’industrie destinées à pérenniser le système marchand. Une extension inévitable, pour Michéa, où l’homme, suite à la destruction du symbolisme par l’anthropologie capitaliste, est réduit au stade de « machine dévorante », ingurgitant ce qu’il appela ailleurs des « niaiseries œdipiennes ». (11) Le mécanisme psychologique à l’œuvre en serait la jouissance grégaire de biens inutiles mais perçus comme la condition d’accès à la jouissance, de préférence sans effort. Cette mutation, que Lasch a analysée dans son essai Culture de masse ou culture populaire ?, préfacé par Michéa, a été initiée aux Etats-Unis dès les années 1930. Baptisée le sloanisme (du nom d’Alfred Sloan, président de General Motors), elle a marqué le début de la révolution culturelle libérale. Une révolution consumériste qui, si nous reprenons les propos d’Orwell, vise au retour « vers l’animalité ». (12)

    De l’accélération anthropologique à l’ingénierie sociale

    Le « dispositif historique compliqué » du libéralisme lui confère une « ambigüité constitutive ». (13) L’École républicaine, par exemple, destinait à l’intégration au nouvel ordre marchand. Pourtant, des savoirs, vertus et attitudes contraires aux implications de cet ordre étaient encore enseignés, notamment par la culture classique. Pour Michéa des survivances de l'ancienne époque, notamment civiques, ont perduré, d'où le maintien de certaines valeurs contraires aux intérêts économiques, dont l’institution scolaire est un exemple. Mais malgré cela, l’Économie y devient toujours plus imposante, notamment grâce à un précédent ayant offert le contexte politico-culturel favorable pour que l’École mute. Cet infléchissement fut le passage par le mai 68 étudiant, cette transition libérale-libertaire.

    Le moment libéral-libertaire

    Historiquement pourtant, cet avènement du néolibéralisme n’était pas gagné d’avance. D’après Michéa, le modèle libéral a montré ses limites dans les années 1970, où il est entré en crise. Pourtant, il n’en est pas moins resté la seule voie envisageable pour les dirigeants. A ce moment, les côtés politico-culturels et économiques du libéralisme se seraient réellement imbriqués pour former le néolibéralisme. Dans cette symbiose, mai 68 a joué un rôle déterminant. Michéa insiste toutefois sur la nécessité d’éviter la confusion et l’essentialisme sur cette période. D’une part, expose-t-il, il y eut le mai 68 des travailleurs. Celui-ci fut, à l’en croire, la plus grande grève ouvrière du pays. Son but était d’élaborer des propositions alternatives au monde du Spectacle-Mode-Communication, dans une optique populiste. Ses idées s’avéraient donc irrécupérables par le libéralisme-libertaire – d’où les moqueries suscitées à l’encontre du baba-cool aspirant campagnard et éleveur de chèvres. Nous pourrions le résumer sous le slogan « A bas la marchandise ». De l’autre côté, la régression œdipienne du mai 68 étudiant se traduisait au contraire par « Vive la marchandise », et contribua à faire de la jeunesse, simple moment de la vie, un marché. (14) Où l’on assista donc, pour Michéa, à une libéralisation des mœurs, mais nullement à leur libération effective. (15) Ce qui explique entre autres facteurs, d’après lui, les fréquentes références du système marchand à l’imaginaire de mai 68 pour vendre ses produits. Et faire passer l’idée qu’en consommant, on était forcément un révolutionnaire luttant contre l’ordre bourgeois. En 1983-84, la Gauche au pouvoir dut proposer à la jeunesse un idéal de substitution mais compatible avec la mondialisation libre-échangiste. L’idéologie anti-raciste – non le fait de ne pas être raciste, mais de se proclamer anti-raciste (16) – permit ce glissement. A partir de là, toute critique de l’économie fut évacuée. Tout sujet gênant fut, dans le même ordre d’idées, accusé de faire le jeu du Front national.

    Le libéralisme-libertaire de mai 68 permit la promotion d’un modèle social atomiste, celui de l’individualisme libéral. Les survivances anciennes furent balayées comme bourgeoises et l’homme nouveau invité à vivre sans temps morts et jouir sans entraves. La famille traditionnelle, avec son modèle patriarcal, devenait le foyer du libertarisme. Indistinctement, toutes les figures symboliques immémoriales furent déclarées comme également archaïques. La Consommation, quant à elle, accéda au rang de métaphysique du désir et du bonheur. Les produits du Marché constituaient la condition de l’épanouissement. Les injonctions libérales-libertaires représentaient alors, pour Michéa, les « commandements les plus sacrés des Tables de la loi moderne ». (17) A condition, bien entendu, de pouvoir se permettre d'être le parasite qui échappe au processus de production. Celui-ci, aliénant et ne rétribuant que chichement les salariés, ne leur donne pas les moyens d’ériger le consumérisme en mode de vie. De plus, tenus par leur emploi, ils ne pouvaient pas se permettre de rester oisifs. Sans oublier que cette atomisation libérale est contraire aux formes de socialité traditionnelles encore présentes à ce moment sur le lieu de travail. Mais comme le précise par ailleurs Michéa, la société de consommation n’implique pas que tous aient les moyens de consommer.

    École & ingénierie sociale

    Dès lors, le système néolibéral n’a nullement besoin d’aiguiser la capacité critique des élèves. Au contraire, il doit créer une école en adéquation avec ses dogmes, ce qui expliquerait la crise de l’institution. D’après Michéa, l’Ecole n’a pour but que de former à « la guerre économique mondiale du 21ème siècle ». (18) L’ignorance, nous expose-t-il, serait devenue nécessaire à l’expansion de notre société. Précisons que ce qu’il entend ici par ignorance n’est pas tant le savoir que le déclin de l’intelligence critique : « L’expérience nous apprend qu’un individu peut tout savoir et ne rien comprendre. » (19) L’enseignement ne s’est donc pas démocratisé mais adapté aux vœux de l’ingénierie sociale. Brezinski, en 1995, a proposé le tittytainement, sorte de panem et circenses post-moderne. Après calcul – dans les cercles fermés – que deux dixièmes de la population mondiale suffisent à assurer la production, il proposa d’encadrer la population surnuméraire en la dérivant vers un abêtissement généralisé. Les principes libéraux se sont donc étendus à l’École, par l’influence des lobbies industriels et financiers européens, relayés par l’OCDE et la Commission européenne. (20) La double transformation nécessaire fut, dès lors, effectuée : l’enseignant dispensateur de savoirs s’est mué en animateur – d’où son besoin de théâtralité toujours grandissant – et l’École s’est changé en lieu de vie, une garderie citoyenne mais néanmoins ouverte aux marchandises et nombreuses associations municipales et « citoyennes ».

    Si l’École se soumet à cette orientation, il en est de même pour les autres secteurs. Il est question d’enseigner aux élèves un « illogisme politiquement utilisable ». (21) Les vrais savoirs et comportements civiques de base représentent, quant à eux, une menace pour le système, qui a davantage intérêt à produire un « consommateur incivil ». (22) La panacée restant toutefois, si l’on suit Michéa, la transformation de l’élève en crétin militant, l’anti-système piloté par le système, le faux marginal en réalité dans la norme. (23) La culture jeune est par exemple présentée comme une attitude rebelle, mais il s’agit en fait d’une rébellion rentable. Avec, en exemple paradigmatique, la « Caillera ». Michéa critique l’analyse essentialiste et strictement positiviste de la sociologie officielle, qui voit les délinquants comme des rebelles à l’ordre établi, des révoltés face à l’exclusion. La Caillera, pour lui, n’est pas intégrée à la société, car la société suppose le don et l’échange symbolique. En revanche, elle est intégrée au système capitaliste. Souhaitant juste devenir les « golden-boys des bas-fonds », les « Cailleras » ne feraient que recycler l’imaginaire capitaliste dont ils ont intériorisé les codes et les axiomes. Mais il ne s’agit pas, ajoute-t-il, d’une cause exclusivement sociale, car la délinquance aurait explosé au début des années 1970, en pleines Trente Glorieuses. Il s’agirait au contraire de la manifestation en actes de cet homme nouveau créé par l’axiomatique libérale, ne poursuivant que la recherche de son intérêt bien compris. Ceci, même aux dépens de toute décence et du sens humain des limites à ce qui se fait et ne se fait pas, en l’absence de montages normatifs arbitraires. L’impulsion libérale-libertaire, relayée par une École aux ordres de l’ingénierie sociale, a donc en fin de compte mis en place les conditions favorable à l’accélération de la mutation anthropologique induite par la mécanique libérale. (24)

    Thibault

    Notes:

    (1) Michéa (J.-C.), in Lasch (C.), Culture de masse ou culture populaire ?, préface, pp.18-19.

    (2) La double pensée, p.109.

    (3) Ibid., p.241.

    (4) Ibid., p.43n.

    (5) L’empire du moindre mal, respectivement scolie [D] du premier chapitre « L’unité du libéralisme », pp.60-61 pour les deux premières anecdotes, et p.98n pour la seconde.

    (6) Ibid., p.83.

    (7) Ibid., p.189.

    (8) Michéa (J.-C.), Les intellectuels, le peuple et le ballon rond, p.28.

    (9) Ibid., pp.25-26.

    (10) Orwell éducateur, pp.115-116. Nous y apprenons sous la plume de Michéa que « le gardien de but de l’Olympique lyonnais, Grégory Coupet, ayant commis la faute d’évoquer son rapport au Club en termes d’« attachement », il était logique que Jean-Michel Aulas, PDG de l’entreprise « Olympique lyonnais » le corrige aussitôt : « J’ai trouvé ses remarques étonnantes, parce que, quand on est professionnel, on ne parle pas d’amour mais d’argent, et ça n’a rien de choquant » (France Football, 11 juillet 2003) ; comme quoi, à Madelin, Madelin et demi. »

    (11) L’enseignement de l’ignorance, p.37.

    (12) Orwell (G.), Essais, articles, lettres, volume IV, 19, « Les lieux de loisirs », p.104.

    (13) L’enseignement de l’ignorance, p.32.

    (14) Ibid., [E] « A propos de mai 68 », p.95n2.

    (15) Dans Orwell éducateur, Michéa pointe ainsi « la différence entre une libération authentique (qui accroît, par définition, notre puissance de vivre humainement) et une simple libéralisation des mœurs, qui, selon la formule de Lasch, n’autorise les individus à s’émanciper de la Tradition que pour les soumettre aussitôt à la tyrannie de la Mode. », scolies II, [E], p.48. C’est Michéa qui souligne.

    (16) « Quant aux fondements psychologiques réels de l’ « antiracisme » perpétuellement affiché par les stars du showbiz ou les professionnels des médias, Rousseau, dans l’Emile, avait déjà tout dit : « Défiez-vous – écrivait-il – de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leur livre des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d’aimer ses voisins. » Quiconque a fréquenté de près ces gens-là ne peut avoir aucun doute là-dessus. », L’empire du moindre mal, p.83n. C’est Michéa qui souligne.

    (17) Ibid., p.36.

    (18) Ibid., p.39.

    (19) Ibid., p.15n.

    (20) Impasse Adam Smith, pp.28-29.

    (21) L’enseignement de l’ignorance, p.47n1.

    (22) Ibid., p.48.

    (23) Michéa (J.-C.) in Lasch (C.), La révolte des élites – et la trahison de la démocratie, preface, p.12.

    (24) Ibid., [C] « La Caillera et son intégration », pp.79-86.

    Source: Scriptoblog

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • MAURRAS : L'aristocratie du travail, une véritable élite

    Les meilleurs des « ouvriers d'état » appartiennent « à la véritable élite de la nation », nous dit Maurras, selon lequel chacun d'entre eux « est beaucoup plus qu'un individu et plus même qu'une personne ».
    L'ARISTOCRATIE du travail : tel est le titre d'un article de Chartes Maurras paru dans Le Soleil du 21 septembre 1900. L'auteur y met en avant la qualité de l'ouvrier, qu'il appelle, à la suite de Frédéric Amouretti, « ouvrier d'état », par opposition au manœuvre.
    Le fruit d'un long apprentissage
    Il s’explique : « L'ouvrier d'état travaille dans un atelier. [...] Serrurier, menuisier, mécanicien-constructeur, typographe, l'ouvrier d'état a fait un long apprentissage. Il est instruit d'une profession particulière. [...] C'est beaucoup plus qu'un individu et plus même qu'une personne. [...] Les meilleurs de ce groupe des ouvriers d'état appartiennent donc à la véritable élite de la nation. Ils forment les éléments d'un patriciat. [...] Leur rôle est vraiment capital et, par l'importance croissante du machinisme non seulement dans l'industrie la plus technique, mais aussi dans la vie générale, ce rôle ne cesse de s'accroître. [...] L'intérêt bien entendu de nos ouvriers d'état [...] se trouve donc du côté de la royauté. Et que peuvent-ils donc attendre de ta démocratie ? C'est leur ennemi nécessaire. Elle est le règne du nombre ; ils sont la qualité puisqu'ils sont beaucoup plus que de simples éléments numériques. Ils sont de vivantes fonctions. [...] L'aristocratie du travail, comme toutes les aristocraties nouvelles, qui cherchent, forment et conspirent à se donner des points d'appui, sera sans doute, un jour, la plus vivace et la plus agile ouvrière du rétablissement de la monarchie. » Ce texte, fort peu connu, qu'hélas, nous avons dû abréger, m'a paru prémonitoire mais surtout s'adapter remarquablement à notre époque. En effet on ne nous parle qu'emplois, que force du travail. On amalgame tous les hommes actifs dans une même catégorie, sans distinctions, que l'on place face au capital. Notre discours politique actuel a éliminé l'homme au profit du groupe qui soutient l'idéologie que l'on veut dominante. On met sur le même plan le migrant qui cherche un emploi pour survivre et celui qui a un métier qu'il aime et qu'il défend.
    On a trop souvent tendance à mélanger les notions de noblesse et d'aristocratie. La noblesse est une classe dont les membres ont acquis leurs titres par les services qu'ils ont rendus au pays et au roi. Ils ont plus de devoirs que de droits, noblesse oblige. L'aristocratie regroupe les meilleurs. Ainsi, bien qu'on ne le fasse que très peu, on peut parler d'aristocratie intellectuelle, militaire, artistique, etc. Il y a donc une aristocratie du travail, comme nous le dit Maurras, qui est constituée par tous ceux qui, dans leur métier, sont devenus les meilleurs, ceux qui ont un savoir-faire particulier. Les techniques modernes n'ont pas fait disparaître cette aristocratie. Au contraire, elle ont créé de nouveaux champs d'action dans lesquels les "meilleurs" peuvent exercer leurs talents.
    Folie égalisatrice
    Le drame actuel est que dans la folie égalisatrice que nous a léguée la Révolution, on ne veut même plus reconnaître qu'il y a des hommes qui, par leur métier, leur spécialité et leur talent, sont meilleurs que d'autres et forment une véritable aristocratie du travail. La démocratie, ne pouvant donner du talent à ceux qui n'en ont pas, a préféré ramener tout le monde au niveau le plus bas ; pour elle, un travailleur en vaut un autre. Ils ont tous les mêmes droits, les mêmes devoirs.
    Ils convient de rendre ceux les meilleurs dans leur travail conscients qu'ils appartiennent à une aristocratie et qu'à ce titre ils doivent réagir et ne pas se laisser assimiler à une "plèbe" qui, hélas pour elle, ne peut lutter que pour survivre. Ces aristocrates du travail sont peut-être ceux par qui notre pays retrouvera sa fierté et qui feront comprendre aux autres que seule la monarchie peut engendrer une société dans laquelle chacun à son niveau fait son devoir et vit heureux.
    Louis de Galice Action Française 2000 février 2013

  • La pensée de Keynes aujourd'hui

    Il y a globalement trois grands courants de la pensée économique de nos jours :
    la pensée libérale et sa variante néolibérale qu'on peut aussi nommer la théorie néo-classique,
    la pensée marxiste,
    la pensée keynésienne.
    La pensée libérale (ou néolibérale) et la pensée keynésienne ont en commun d'accepter le capitalisme. A part cela, on peut dire que beaucoup de points les différencient. Keynes est l'ennemi du mercantilisme (ce qui est par exemple la politique économique de l'Allemagne, c'est-à-dire avoir une balance commerciale très excédentaire, la richesse étant considérée comme la possession importante de monnaie). Keynes est aussi l'ennemi du libre-échange (politique de l'OMC, du FMI et de la Banque Mondiale) et du monétarisme (politique actuelle de la BCE). L'intervention de l'Etat parfois massive dans la politique économique l'oppose fortement au libéralisme (le laissez-faire) qui prône un Etat minimal, c'est-à-dire garant du cadre institutionnel.
    Le monétarisme reprend la théorie quantitative de la monnaie et dont la pratique consiste à juguler l'inflation, maintenir la stabilité des prix. Le libre-échange rejette le protectionnisme ou à défaut cherche à le minimiser.
    Ces dernières années, il faut reconnaître qu'il n'est guère à la mode d'être keynésien pour différentes raisons.
    La raison principale est que les économies sont devenues de plus en plus ouvertes et qu'une politique économique dans le cadre national a de moins en moins d'effets. La construction européenne, la mondialisation ont considérablement rabaissé l'idée de frontière et son efficacité vis-à-vis d'une politique économique.
    Une des idées keynésiennes étant l'ajustement par les quantités (et non par les prix), que signifie-t-elle lorsque les entreprises délocalisent à tout-va ? Ce qui est le cas en France qui a connu la plus forte désindustrialisation depuis 1998 après la crise de 2008.
    Keynes voulait corriger le capitalisme, le rendre plus humain et pour cela il fallait à tout prix combattre le chômage. L'objectif de la théorie keynésienne est donc le plein-emploi. Sur ce point il faut reconnaître que le libéralisme s'assoit dessus et peut même considérer le chômage comme nécessaire puisqu'il fait pression sur les salaires et jugule l'inflation. Il fragilise les salariés, donc permet aux financiers de s'enrichir encore plus.
    Nous allons étudier la pensée keynésienne sans utiliser d'équations mathématiques qui créent un rejet chez beaucoup. Le principal livre de Keynes, « La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie », ne contient quasiment pas de formules mathématiques. La mathématisation de Keynes et le fameux modèle IS-LM ont été élaborés après.
    Nous allons présenter les principales idées de la théorie keynésienne.
    L'influence de la monnaie dans l'économie
    Keynes rejette la loi de Say « l'offre crée sa propre demande », ce qui avait comme conséquence que la monnaie n'était qu'un voile. On appelle cela aussi la neutralité de la monnaie dans l'économie, thèse qui était celle des classiques anglais. Il y avait donc une dichotomie dans l'économie.
    Keynes s'oppose donc à cette idée ; la monnaie pour lui n'est pas neutre. Nous sommes dans une économie monétaire de production. On retrouve Marx pour qui les entrepreneurs transforment de la monnaie en marchandises pour récupérer encore plus de monnaie. De plus la monnaie est un réservoir de valeur et ne sert pas qu'à l'échange. Ce que Keynes nomme « la préférence pour la liquidité » a trois raisons :
    la transaction : l'argent liquide pour les dépenses courantes,
    la précaution : on garde l'argent liquide pour des besoins imprévus,
    la spéculation : on espère de meilleurs placements.
    Lorsque le taux d'intérêt baisse, « la préférence pour la liquidité » augmente. Les individus peuvent augmenter leur encaisse de précaution car le monde est « incertain » et donc moins consommer. On distingue en effet trois sortes de mondes :
    le monde certain,
    le monde probabiliste,
    le monde incertain.
    En économie selon Keynes, le monde est incertain. On ne peut pas prévoir de façon certaine, ni même en probabilité, la valeur du dollar de l'année prochaine.
    Une caractéristique importante de la théorie keynésienne est aussi une analyse en termes de circuit et non de marché.
    La demande effective
    Les entreprises décident de leur investissement en fonction des profits anticipés. Les agents économiques ne sont pas égaux puisque l'on remarque l'importance des prévisions des entrepreneurs. On a ce qu'on appelle la confiance ou non et la monnaie est responsable de l'incertitude. La demande effective se décompose en deux : la consommation qui dépend de l'emploi, et l'investissement.
    La demande effective est une variable anticipée. Lorsque les entreprises ont anticipé cette demande, ils embauchent le nombre de travailleurs nécessaires.
    L'emploi dépend donc de la demande prévue et non pas de la main d'œuvre disponible.
    On pourra jouer sur la demande effective qui est l'ensemble des dépenses qui peuvent être accomplies.
    Epargne et investissement
    Dans la théorie classique, l'épargne est première. Il faut d'abord épargner pour investir et récupérer les profits qui s'ensuivent. C'est ce qu'énonçait le Chancelier Helmut Schmidt lorsqu'il disait que l'épargne d'aujourd'hui crée l'investissement de demain et les profits d'après-demain. Ce raisonnement est totalement anti-keynésien. Dans la théorie générale, le livre de Keynes, l'investissement est premier. L'épargne ne fait que suivre.
    « L'épargne globale est en effet commandée par l'investissement global ».
    On a donc ex-post (après) toujours égalité entre épargne et investissement.
    S = I (S : saving - épargne , I : investissement)
    De nouveau, il faut souligner le rôle des entrepreneurs qui décident d'investir dans un contexte le plus souvent incertain.
    Les instruments de la théorie générale
    Le taux d'intérêt
    Dans la théorie classique, le taux d'intérêt se détermine à l'intersection de l'offre d'épargne et de la demande d'investissement.
    Keynes, une fois de plus, refuse la théorie classique. Pour lui, le taux d'intérêt « est le prix qui équilibre le désir de détenir de la richesse sous forme de monnaie et la quantité de monnaie disponible ».
    Le taux d'intérêt se détermine en comparant l'offre de monnaie (qui vient de la banque centrale) et la demande de monnaie des agents économiques qui dépend des raisons de détenir de la monnaie liquide (motifs de transaction, précaution et spéculation).
    Le multiplicateur - La propension à consommer
    Le multiplicateur a été une invention d'un élève de Keynes : Kahn. Tout accroissement de l'emploi dans les biens d'équipement entraîne un accroissement d'emploi dans les autres secteurs. L'argent, en passant de main en main, va multiplier les revenus dans l'économie. Plus la propension à consommer sera forte, c'est-à-dire que les agents économiques épargneront moins, plus le multiplicateur sera élevé.
    La propension à consommer s'explique de la façon suivante : « une proportion de plus en plus importante du revenu est épargnée à mesure que le revenu réel croît ». Une autre façon de le dire est qu'un accroissement du revenu disponible d'un agent économique entraînera un accroissement moindre de sa consommation.
    Le rendement escompté de l'investissement
    L'investissement étant une variable clé dans la théorie keynésienne, qu'est ce qui engendre la décision d'investir ?
    Dans la théorie générale, de l'emploi de l'intérêt et de la monnaie, l'investissement dépend des profits escomptés et de l'anticipation de la demande globale. Les anticipations du futur dépendent de l'état de la confiance.
    « Les évaluations des rendements futurs sont fondées en partie sur des faits actuels, qu'on peut supposer être connus avec plus ou moins de certitude et en partie sur des événements futurs qui ne peuvent qu'être prévus avec plus ou moins de confiance. »
    Comme les initiatives privées sont sujettes à l'aléa, il faut donc le contrôler entre autres par une intervention de l'Etat. « On ne peut sans inconvénient abandonner à l'initiative privée le soin de régler le flux courant de l'investissement ». De là peut résulter la nécessité d'une politique budgétaire venant de l'Etat.
    Nous allons citer deux exemples de pratiques keynésiennes. La politique économique de ce courant a généralement été utilisée soit par des gouvernements nationalistes (voire fascistes ou nazis) soit par la gauche ou des gouvernements proches de cette sensibilité.
    En Allemagne, sous l'action du président de la Reichbank Hjalmar Schocht, on a fait marcher la planche à billets dans un système économique proche de l'autarcie avec le contrôle des changes qui empêchait toute fuite de capitaux. En cinq-six ans, le nombre de chômeurs est passé de six millions à 400.000 et le revenu national a doublé (de 1932 à 1937). Tout ceci s'est réalisé alors que le livre de Keynes n'avait pas encore été publié.
    En France en 1953, Edgar Faure étant Président du conseil, la France a pratiqué une politique keynésienne : incitations fiscales à l'investissement, baisse du taux de l'intérêt. Le pays a alors connu une très forte expansion sans inflation.
    Conclusion
    La force du modèle keynésien est d'être opératoire ou tout au moins de l'avoir été. Nous verrons pourquoi il l'est moins.
    La principale idée de cette pensée est que les marchés ne sont pas autorégulateurs. La théorie classique ou même libérale n'est pas valide. Le laissez-faire aboutit la plupart du temps à du chômage et il faut donc une intervention de l'Etat puisque le plein-emploi est accidentel. Pourtant on a assisté à ta victoire idéologique du libéralisme et du néolibéralisme sans doute due aux soutiens financiers gigantesques reçus par les départements universitaires américains qui prônaient le néolibéralisme. Ce financement venait souvent des multinationales.
    L'inefficacité d'une politique keynésienne vient surtout que l'on se trouve dans une économie ouverte. Cette économie est d'autant plus ouverte que les pays européens ont perdu leur monnaie nationale. Il ne peut donc plus y avoir une politique monétaire comme la non possibilité d'une politique de taux de change abolit l'idée de frontière sur le plan économique.
    Pour de nouveau mettre en place une politique keynésienne, il faudrait que la France retrouve sa monnaie et mette en place une politique autonome sur le plan énergétique. Une politique du taux de change permettrait aussi de limiter les importations et à la France d'être à nouveau compétitive pour une ré-industrialisation. Quant à ceux qui disent que sortir de l'Euro reviendrait à rembourser la dette à un taux plus élevé, on s'aperçoit maintenant que « sauver » l'Euro coûtera à la France de plus en plus cher.
    Résumons par un schéma la politique économique keynésienne
    Patrice GROS-SUAUDEAU Statisticien-Economiste

  • La Notion d'Empire, de Rome à nos jours

    (avec un appendice sur la "subsidiarité")
    Dans la mémoire européenne, souvent confuse voire inconsciente, l'Empire romain demeure la quintessence de l'ordre. Il apparaît comme une victoire sur le chaos, inséparable de la pax romana. Le fait d'avoir maintenu la paix à l'intérieur des limes et d'avoir confiné la guerre sur des marches lointaines (Parthes, Maures, Germains, Daces) pendant plusieurs siècles, pour notre inconscient, est une preuve d'excellence. Même s'il est difficile de donner une définition universelle du terme d'Empire — l'Empire romain n'étant pas comparable à l'Empire inca, l'Empire de Gengis Khan à l'Autriche-Hongrie des Habsbourgs — Maurice Duverger s'est efforcé de souligner quelques caractéristiques des Empires qui se sont succédé sur la scène de l'histoire (dans son introduction au livre du Centre d'analyse comparative des systèmes politiques, Le concept d'Empire, PUF, 1980) :
    D'abord, comme l'avait déjà remarqué le linguiste français Gabriel Gérard en 1718, l'Empire est un « État vaste et composé de plusieurs peuples », par opposition au royaume, poursuit Duverger, moins étendu et reposant sur « l'unité de la nation dont il est formé ». De cette définition, nous pouvons déduire, avec Duverger, 3 éléments :
        * a) L'empire est monarchique, le pouvoir suprême est assumé par un seul titulaire, désigné par voie d'hérédité et présentant un caractère sacré (une fonction sacerdotale).
        * b) L'étendue du territoire constitue un critère fondamental des empires, sans que l'on ne puisse donner de mesure précise. La grandeur du territoire est ici subjective.
        * c) L'Empire est toujours composé de plusieurs peuples, sa grandeur territoriale impliquant d'office la diversité culturelle. Selon Karl Werner, « un royaume, c'est un pays ; un empire, c'est un monde ».
    L'Empire, qui est donc un système politique complexe qui met un terme au chaos, et revêt une dimension sacrée précisément parce qu'il génère l'ordre, a une dimension militaire, comme nous allons le voir quand nous aborderons le cas du Saint-Empire romain de la Nation Germanique, mais aussi une dimension civile constructive : il n'y a pas d'Empire sans organisation pratique de l'espace, sans réseau de routes (les voies romaines, indices concrets de l'impérialité de Rome), les routes étant l'armature de l'Empire, sans un commerce fluvial cohérent, sans aménagement des rivières, creusement de puits, établissement de canaux, vastes systèmes d'irrigation (Égypte, Assyrie, Babylone, "l'hydraulisme" de Wittfogel). Au XIXe siècle, quand la nécessité de réorganiser l'Europe se fait sentir, quand surgit dans les débats une demande d'Europe, l'économiste allemand Friedrich List parle de réseaux ferroviaires et de canaux pour souder le continent. Le grand espace, héritier laïque et non sacré de l'Empire, réclame aussi une organisation des voies de communication.
    « Dans tout ensemble impérial, l'organisation des peuples est aussi variée que l'organisation de l'espace. Elle oscille partout entre deux exigences contraires et complémentaires : celle de la diversité, celle de l'unité » (Duverger, op. cit.). « Les Perses ont soumis plusieurs peuples, mais ils ont respecté leurs particularités : leur règne peut donc être assimilé à un empire » (Hegel). Par nature, les Empires sont donc plurinationaux. Ils réunissent plusieurs ethnies, plusieurs communautés, plusieurs cultures, autrefois séparées, toujours distinctes. Leur assemblage, au sein de la structure impériale, peut prendre plusieurs formes. Pour maintenir cet ensemble hétérogène, il faut que le pouvoir unitaire, celui du titulaire unique, apporte des avantages aux peuples englobés et que chacun conserve son identité. Le pouvoir doit donc à la fois centraliser et tolérer l'autonomie : centraliser pour éviter la sécession des pouvoirs locaux (féodaux) et tolérer l'autonomie pour maintenir langues, cultures et mœurs des peuples, pour que ceux-ci ne se sentent pas opprimés.
    Il faut enfin, ajoute Duverger, que chaque communauté et chaque individu aient conscience qu'ils gagnent à demeurer dans l'ensemble impérial au lieu de vivre séparément. Tâche éminemment difficile qui souligne la fragilité des édifices impériaux : Rome a su maintenir un tel équilibre pendant des siècles, d'où la nostalgie de cet ordre jusqu'à nos jours. Les imperfections de l'administration romaine ont été certes fort nombreuses, surtout en période de déclin, mais ces dysfonctionnements étaient préférables au chaos. Les élites ont accepté la centralisation et ont modelé leur comportement sur celui du centre, les masses rurales ont conservé leurs mœurs intactes pratiquement jusqu'à la rupture des agrégats ruraux, due à la Révolution industrielle (avec la parenthèse noire des procès de sorcelleries).
    Duverger signale aussi l'une des faiblesses de l'Empire, surtout si l'on souhaite en réactualiser les principes de pluralisme : la notion de fermeture, symbolisée éloquemment par la Muraille de Chine ou le Mur d'Hadrien. L'Empire se conçoit comme un ordre, entouré d'un chaos menaçant, niant par là même que les autres puissent posséder eux-mêmes leur ordre ou qu'il ait quelque valeur. Chaque empire s'affirme plus ou moins comme le monde essentiel, entouré de mondes périphériques réduits à des quantités négligeables. L'hégémonie universelle concerne seulement « l'univers qui vaut quelque chose ». Rejeté dans les ténèbres extérieures, le reste est une menace dont il faut se protéger.
    Dans la plupart des empires non européens, l'avènement de l'empire équivaut au remplacement des dieux locaux par un dieu universel. Le modèle romain fait figure d'exception : il ne remplace pas les dieux locaux, il les intègre dans son propre panthéon. Le culte de l'imperator s'est développé après coup, comme moyen d'établir une relative unité de croyance parmi les peuples divers dont les dieux entraient au Panthéon dans un syncrétisme tolérant. Cette République de divinités locales n'impliquaient pas de croisades extérieures puisque toutes les formes du sacré pouvaient coexister.
    Quand s'effondre l'Empire romain, surtout à cause de sa décadence, le territoire de l'Empire est morcellé, divisé en de multiples royaumes germaniques (Francs, Suèbes, Wisigoths, Burgondes, Ostrogoths, Alamans, Bavarois, etc.) qui s'unissent certes contre les Huns (ennemi extérieur) mais finissent par se combattre entre eux, avant de sombrer à leur tour dans la décadence (les "rois fainéants") ou de s'évanouir sous la domination islamique (Wisigoths, Vandales). De la chute de Rome au Ve siècle à l'avènement des Maires du Palais et de Charlemagne, l'Europe, du moins sa portion occidentale, connaît un nouveau chaos, que le christianisme seul s'avère incapable de maîtriser.
    De l'Empire d'Occident, face à un Empire d'Orient moins durement étrillé, ne demeurait intacte qu'une Romania italienne, réduite à une partie seulement de la péninsule. Cette Romania ne pouvait prétendre au statut d'Empire, vu son exigüité ; territoriale et son extrême faiblesse militaire. Face à elle, l'Empire d'Orient, désormais "byzantin", parfois appelé "grec" et un Regnum Francorum territorialement compact, militairement puissant, pour lequel, d'ailleurs, la dignité impériale n'aurait pu être qu'un colifichet inutile, un simple titre honorifique. À la Romania, il ne reste plus que le prestige défunt et passé de l'Urbs, la Ville initiale de l'histoire impériale, la civitas de l'origine qui s'est étendue à l'Orbis romanus. Le citoyen romain dans l'Empire signale son appartenance à cet Orbis, tout en conservant sa natio (natione Syrus, natione Gallus, natione Germanicus, etc.) et sa patria, appartenance à telle ou telle ville de l'ensemble constitué par l'Orbis. Mais la notion d'Empire reste liée à une ville : Rome ou Byzance, si bien que les premiers rois germaniques (Odoacre, Théodoric) après la chute de Rome reconnaissent comme Empereur le monarque qui siège à Constantinople.
    Si la Romania italienne conservait symboliquement la Ville, Rome, symbole le plus tangible de l'Empire, légitimité concrète, elle manquait singulièrement d'assises territoriales. Face à Byzance, face à la tentative de reconquête de Justinien, la Romania et Rome, pour restaurer leur éclat, pour être de nouveau les premières au centre de l'Orbis, devaient très naturellement tourner leur regard vers le roi des Francs (et des Lombards qu'il venait de vaincre), Charles. Mais les lètes francs, fiers, n'avaient pas envie de devenir de simples appendices d'une minuscule Romania dépourvue de gloire militaire. Entretemps, le Pape rompt avec l'Empereur d'Orient. Le Saint-Siège, écrit Pirenne, jusqu'alors orienté vers Constantinople, se tourne résolument vers l'Occident et, afin, de reconquérir à la chrétienté ses positions perdues, commence à organiser l'évangélisation des peuples 'barbares' du continent. L'objectif est clair : se donner à l'Ouest les bases d'une puissance, pour ne plus tomber sous la coupe de l'Empereur d'Orient. Plus tard, l'Église ne voudra plus se trouver sous la coupe d'un Empereur d'Occident.
    Le Regnum Francorum aurait parfaitement pu devenir un empire seul, sans Rome, mais Rome ne pouvait plus redevenir un centre crédible sans la masse territoriale franque. De là, la nécessité de déployer une propagande flatteuse, décrivant en latin, seule langue administrative du Regnum Francorum (y compris chez les notaires, les refendarii civils et laïques), les Francs comme le nouveau "peuple élu de Dieu", Charlemagne comme le "Nouveau Constantin" avant même qu'il ne soit couronné officiellement Empereur (dès 778 par Hadrien Ier), comme un "Nouveau David" (ce qui laisse penser qu'une opposition existait à l'époque entre les partisans de "l'idéologie davidique" et ceux de "l'idéologie constantinienne", plus romaine que "nationale"). Avant de devenir Empereur à Rome et par la grâce du Pape, Charlemagne pouvait donc se considérer comme un "nouveau David", égal de l'Empereur d'Orient. Ce qui ne semblait poser aucun problème aux nobles francs ou germaniques.
    Devenir Empereur de la Romania posait problème à Charlemagne avant 800, année de son couronnement. Certes, devenir Empereur romano-chrétien était intéressant et glorieux mais comment y parvenir quand la base effective du pouvoir est franque et germanique. Les sources nous renseignent sur l'évolution : Charlemagne n'est pas Imperator Romanorum mais Romanum imperium gubernans qui est per misericordiam Dei rex Francorum et Langobardorum. Sa nouvelle dignité ne devait absolument pas entamer ou restreindre l'éclat du royaume des Francs, son titre de Rex Francorum demeurant l'essentiel. Aix-la-Chapelle, imitée de Byzance mais perçue comme "Anti-Constantinople", reste la capitale réelle de l'Empire.
    Mais l'Église pense que l'Empereur est comme la lune : il ne reçoit sa lumière que du "vrai" empereur, le Pape. À la suite de Charlemagne, se crée un parti de l'unité, qui veut surmonter l'obstacle de la dualité franco-romaine. Louis le Pieux, successeur de son père, sera surnommé Hludowicus imperator augustus, sans qu'on ne parle plus de Francs ou de Romains. L'Empire est un et comprend l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse, la France et les États du Bénélux actuels. Mais, le droit franc ne connaissait pas le droit de primogéniture : à la mort de Louis le Pieux, l'Empire est partagé entre ses descendants en dépit du titre impérial porté par Lothaire Ier seul. Suivent plusieurs décennies de déclin, au bout desquels s'affirment deux royaumes, celui de l'Ouest, qui deviendra la France, et celui de l'Est, qui deviendra le Saint-Empire ou, plus tard, la sphère d'influence allemande en Europe.
    Harcelée par les peuples extérieures, par l'avance des Slaves non convertis en direction de l'Elbe (après l'élimination des Saxons par Charlemagne en 782 et la dispersion des survivants dans l'Empire, comme en témoignent les Sasseville, Sassenagues, Sachsenhausen, etc.), les raids sarazins et scandinaves, les assauts des Hongrois, l'Europe retombe dans le chaos. Il faut la poigne d'un Arnoulf de Carinthie pour rétablir un semblant d'ordre. Il est nommé Empereur. Mais il faudra attendre la victoire du roi saxon Othon Ier en 955 contre les Hongrois, pour retrouver une magnificence impériale et une paix relative. Le 2 février 962, en la Basilique Saint-Pierre de Rome, le souverain germanique, plus précisément saxon (et non plus franc), Othon Ier, est couronné empereur par le Pape. L'Empire n'est plus peppinide-carolingien-franc mais allemand et saxon. Il devient le "Saint-Empire".
    En 911 en effet, la couronne impériale a échappé à la descendance de Charlemagne pour passer aux Saxons (est-ce une vengeance pour Werden ?), Henri Ier l'Oiseleur (919-936), puis Othon (936-973). Comme Charlemagne, Othon est un chef de guerre victorieux, élu et couronné pour défendre l'œcumène par l'épée. L'Empereur, en ce sens, est l'avoué de la Chrétienté, son protecteur. Plus que Charlemagne, Othon incarne le caractère militaire de la dignité impériale. Il dominera la papauté et subordonnera entièrement l'élection papale à l'aval de l'Empereur. Certaines sources mentionnent d'ailleurs que le Pape n'a fait qu'entériner un fait accompli : les soldats qui venaient d'emporter la décision à Lechfeld contre les Hongrois avaient proclamé leur chef Empereur, dans le droit fil des traditions de la Germanie antique, en se référant au "charisme victorieux" (Heil) qui fonde et sanctifie le pouvoir suprême.
    En hissant ce chef saxon à la dignité impériale, le Pape opère le fameuse translatio Imperii ad Germanos (et non plus ad Francos). L'Empereur devra être de race germanique et non plus seulement d'ethnie franque. Un "peuple impérial" se charge dès lors de la politique, laissant intactes les identités des autres : le règne des othoniens élargira l'œcumène franc/européen à la Pologne et à la Hongrie (Bassin danubien — Royaume des Avars). Les othoniens dominent véritablement la Papauté, nomment les évêques comme simples administrateurs des provinces d'Empire. Mais le pouvoir de ces "rois allemands", théoriquement titulaires de la dignité impériale, va s'estomper très vite : Othon II et Othon III accèdent au trône trop jeunes, sans avoir été véritablement formés ni par l'école ni par la vie ou la guerre.
    Othon II, manipulé par le Pape, engage le combat avec les Sarazins en Italie du Sud et subit une cuisante défaite à Cotrone en 982. Son fils Othon III commence mal : il veut également restaurer un pouvoir militaire en Méditerranée qu'il est incapable de tenir, faute de flotte. Mais il nomme un Pape allemand, Grégoire V, qui périra empoisonné par les Romains qui ne veulent qu'un Pape italien. Othon III ne se laisse pas intimider ; le Pape suivant est également allemand : Gerbert d'Aurillac (Alaman d'Alsace) qui coiffe la tiare sous le nom de Sylvestre II. Les barons et les évêques allemands finissent pas lui refuser troupes et crédits et le chroniqueur Thietmar de Merseburg pose ce jugement sévère sur le jeune empereur idéaliste : « Par jeu enfantin, il tenta de restaurer Rome dans la gloire de sa dignitié de jadis ». Othon III voulait fixer sa résidence à Rome et avait pris le titre de Servus Apostolorum (Esclave des Apôtres).
    Les "rois allemands" ne pèseront plus très lourd devant l'Église après l'an 1002, dans la foulée des croisades, par la contre-offensive théocratique, où les Papes vont s'enhardir et contester aux Empereurs le droit de nommer les évêques, donc de gouverner leurs terres par des hommes de leur choix. Grégoire VII impose le Dictatus Papae, par lequel, entre moultes autres choses, le roi n'est plus perçu que comme Vicarius Dei, y compris le "Rex Teutonicorum" auquel revient prioritairement le titre d'Empereur. La querelle des Investitures commence pour le malheur de l'Europe, avec la menace d'excommunication adressée à Henri IV (consommée en 1076). Les vassaux de l'Empereur sont encouragés à la désobéissance, de même que les villes bourgeoises (les "ligues lombardes"), ce qui vide de substance politique tout le centre de l'Europe, de Brême à Marseille, de Hambourg à Rome et de Dantzig à Venise.
    Par ailleurs, les croisades expédient au loin les éléments les plus dynamiques de la chevalerie, l'Inquisition traque toute déviance intellectuelle et les sectes commencent à prospérer, promouvant un dualisme radical (Concile des hérétiques de St. Félix de Caraman, 1167) et un idéal de pauvreté mis en équation avec une « complétude de l'âme » (Vaudois). En acceptant l'humiliation de Canossa (1077), l'Empereur Henri IV sauve certes son Empire mais provisoirement : il met un terme à la furie vengeresse du Pape romain qui a soudoyé les princes rebelles. Mort excommunié, on lui refuse une sépulture, mais le simple peuple le reconnait comme son chef, l'enterre et répend sur sa pauvre tombe des graines de blé, symbole de ressurection dans la tradition paysanne/païenne des Germains : la cause de l'Empereur apparaissait donc plus juste aux humbles qu'aux puissants.
    Frédéric Ier Barberousse tente de redresser la barre, d'abord en aidant le Pape contre le peuple de Rome révolté et les Normands du Sud. L'Empereur ne mate que les Romains. Il s'ensuivra six campagnes en Italie et le grand schisme, sans qu'aucune solution ne soit apportée. Son petit-fils Frédéric II Hohenstaufen, sorte de surdoué, très tôt orphelin de père et de mère, virtuose des techniques de combat, intellectuel formé à toutes les disciplines, doté de la bosse des langues vivantes et mortes, se verra refuser d'abord la dignité impériale par l'autocrate Innocent III : « C'est au Guelfe que revient la Couronne car aucun Pape ne peut aimer un Staufer ! » Ce que le Pape craint par-dessus tout c'est l'union des Deux-Siciles (Italie du Sud) et l'Empire germano-italien, union qui coincerait les États pontificaux entre deux entités géopolitiques dominées par une seule autorité. Frédéric II a d'autres plans, avant même de devenir Empereur : au départ de la Sicile, reconstituer, avec l'appui d'une chevalerie allemande, espagnole et normande, l'œcumène romano-méditerranéen.
    Son projet était de dégager la Méditerranée de la tutelle musulmane, d'ouvrir le commerce et l'industrie en les couplant à l'atelier rhénan-germanique. C'est la raison de ses croisades, qui sont purement géopolitiques et non religieuses : la chrétienté doit demeurer, l'islam également, ainsi que les autres religions, pour autant qu'elles apportent des éclairages nouveaux à la connaissance. En ce sens, Frédéric II redevient "romain", par un tolérance objective, ne cherchant que la rentabilité pragmatique, qui n'exclut pas le respect pieux des valeurs religieuses : cet Empereur qui ne cesse de hanter les grands esprits (Brion, Benoist-Méchin, Kantorowicz, de Stefano, Horst, etc.) est protéiforme, esprit libre et défenseur du dogme chrétien, souverain féodal en Allemagne et prince despotique en Sicile ; il réceptionne tout en sa personne, synthétise et met au service de son projet politique. Dans la conception hiérarchique des êtres et des fins terrestres que se faisait Frédéric II, l'Empire constituait le sommet, l'exemple impassable pour tous les autres ordres inférieurs de la nature. De même, l'Empereur, également au sommet de cette hiérarchie par la vertu de sa titulature, doit être un exemple pour tous les princes du monde, non pas en vertu de son hérédité, mais de sa supériorité intellectuelle, de sa connaissance ou de ses connaissances.
    Les vertus impériales sont justice, vérité, miséricorde et constance :
        * La justice, fondement même de l'État, constitue la vertu essentielle du souverain. Elle est le reflet de la fidélité du souverain envers Dieu, à qui il doit rendre compte des talents qu'il a reçus. Cette justice n'est pas purement idéale, immobile et désincarnée (métaphysique au mauvais sens du terme) : pour Frédéric II, elle doit être à l'image du Dieu incarné (donc chrétien) c'est-à-dire opérante. Dieu permet au glaive de l'Empereur, du chef de guerre, de vaincre parce qu'il veut lui donner l'occasion de faire descendre la justice idéale dans le monde. La colère de l'Empereur, dans cette optique, est noble et féconde, comme celle du lion, terrible pour les ennemis de la justice, clémente pour les pauvres et les vaincus.
        * La constance, autre vertu cardinale de l'Empereur, reflète la fidélité à l'ordre naturel de Dieu, aux lois de l'univers qui sont éternelles.
        * La fidélité est la vertu des sujets comme la justice est la vertu principale de l'Empereur. L'Empereur obéit à Dieu en incarnant la justice, les sujets obéissent à l'Empereur pour lui permettre de réaliser cette justice. Toute rébellion envers l'Empereur est assimilée à de la "superstition", car elle n'est pas seulement une révolte contre Dieu et contre l'Empereur mais aussi contre la nature même du monde, contre l'essence de la nature, contre les lois de la conscience.
        * La notion de miséricorde nous renvoie à l'amitié qui a unit Frédéric II à Saint-François d'Assise. Frédéric ne s'oppose pas à la chrétienté et à la papauté, en tant qu'institutions. Elles doivent subsister. Mais les Papes ont refusé de donner à l'Empereur ce qui revient à l'Empereur. Ils ont abandonné leur magistère spirituel qui est de dispenser de la miséricorde. François d'Assise et les frères mineurs, en faisant vœu de pauvreté, contrairement aux Papes simoniaques, rétablissent la vérité chrétienne et la miséricorde, en acceptant humblement l'ordre du monde. Lors de leur rencontre en Apulie, Frédéric II dira au "Poverello" : « François, avec toi se trouve le vrai Dieu et son Verbe dans ta bouche est vrai, en toi il a dévoilé sa grandeur et sa puissance ». L'Église possède dans ce sens un rôle social, caritatif, non politique, qui contribue à préserver, dans son "créneau", l'ordre du monde, l'harmonie, la stabilité. Le "péché originel" dans l'optique non-conformiste de Frédéric II est dès lors l'absence de lois, l'arbitraire, l'incapacité à 'éthiciser' la vie publique par fringale irraisonnée de pouvoir, de possession.
    L'Empereur, donc le politique, est également responsable du savoir, de la diffusion de la "vérité" : en créant l'université de Naples, en fondant la faculté de médecine de Salerne, Frédéric II affirme l'indépendance de l'Empire en matière d'éducation et de connaissance. Cela ne lui fut pas pardonné (destin de ses enfants).
    L'échec du redressement de Frédéric II a sanctionné encore davantage le chaos en Europe centrale. L'Empire qui est potentiellement facteur d'ordre n'a plus pu l'être pleinement. Ce qui a conduit à la catastrophe de 1648, où le morcellement et la division a été savamment entretenue par les puissances voisines, en premier lieu par la France de Louis XIV. Les autonomies, apanages de la conception impériale, du moins en théorie, disparaissent complètement sous les coups de boutoir du centralisme royal français ou espagnol. Le "droit de résistance", héritage germanique et fondement réel des droits de l'homme, est progressivement houspillé hors des consciences pour être remplacé par une théorie jusnaturaliste et abstraite des droits de l'homme, qui est toujours en vigueur aujourd'hui.
    Toute notion d'Empire aujourd'hui doit reposer sur les quatre vertus de Frédéric II Hohenstaufen : justice, vérité, miséricorde et constance. L'idée de justice doit se concrétiser aujourd'hui par la notion de subsidiarité, donnant à chaque catégorie de citoyens, à chaque communauté religieuse ou culturelle, professionnelle ou autre, le droit à l'autonomie, afin de ne pas mutiler un pan du réel. La notion de vérité passe par une revalorisation de la "connaissance", de la "sapience" et d'un respect des lois naturelles. La miséricorde passe par une charte sociale exemplaire pour le reste de la planète. La notion de constance doit nous conduire vers une fusion du savoir scientifique et de la vision politique, de la connaissance et de la pratique politicienne quotidienne.
    Nul ne nous indique mieux les pistes à suivre que Sigrid Hunke, dans sa persepective "unitarienne" et européo-centrée : affirmer l'identité européenne, c'est développer une religiosité unitaire dans son fonds, polymorphe dans ses manifestations ; contre l'ancrage dans nos esprits du mythe biblique du péché originel, elle nous demande de réétudier la théologie de Pélagius, l'ennemi irlandais d'Augustin. L'Europe, c'est une perception de la nature comme épiphanie du divin : de Scot Erigène à Giordano Bruno et à Gœthe. L'Europe, c'est également une mystique du devenir et de l'action : d'Héraclite, à Maître Eckhart et à Fichte. L'Europe, c'est une vision du cosmos où l'on constate l'inégalité factuelle de ce qui est égal en dignité ainsi qu'une infinie pluralité de centres, comme nous l'enseigne Nicolas de Cues.
    Sur ces bases philosophiques se dégageront une nouvelle anthropologie, une nouvelle vision de l'homme, impliquant la responsabilité (le principe "responsabilité") pour l'autre, pour l'écosystème, parce que l'homme n'est plus un pécheur mais un collaborateur de Dieu et un miles imperii, un soldat de l'Empire. Le travail n'est plus malédiction ou aliénation mais bénédiction et octroi d'un surplus de sens au monde. La technique est service à l'homme, à autrui.
    Par ailleurs, le principe de "subsidiarité", tant évoqué dans l'Europe actuelle mais si peu mis en pratique, renoue avec un respect impérial des entités locales, des spécificités multiples que recèle le monde vaste et diversifié. Le Prof. Chantal Millon-Delsol constate que le retour de cette idée est due à 3 facteurs :
       1. La construction de l'Europe, espace vaste et multiculturel, qui doit forcément trouver un mode de gestion qui tiennent compte de cette diversité tout en permettant d'articuler l'ensemble harmonieusement. Les recettes royales-centralistes et jacobines s'avérant obsolètes.
       2. La chute du totalitarisme communiste a montré l'inanité des "systèmes" monolithiques.
       3. Le chômage remet en cause le providentialisme d'État à l'Ouest, en raison de l'appauvrissement du secteur public et du déficit de citoyenneté. « Trop secouru, l'enfant demeure immature ; privé d'aide, il va devenir une brute ou un idiot ».
    La construction de l'Europe et le ressac ou l'effondrement des modèles conventionnels de notre après-guerre nécessite de revitaliser une "citoyenneté d'action", où l'on retrouve la notion de l'homme coauteur de la création divine et l'idée de responsabilité. Tel est le fondement anthropologique de la subsidiarité, ce qui a pour corollaire : la confiance dans la capacité des acteurs sociaux et dans leur souci de l'intérêt général ; l'intuition selon laquelle l'autorité n'est pas détentrice par nature de la compétence absolue quant à la qualification et quant à la réalisation de l'intérêt général.
    Mais, ajoute C. Millon-Delsol, l'avènement d'une Europe subsidiaire passe par une condition sociologique primordiale : la volonté d'autonomie et d'initiative des acteurs sociaux, ce qui suppose que ceux-ci n'aient pas été préalablement brisés par le totalitarisme ou infantilisés par un État paternel (solidarité solitaire par le biais de la fiscalité ; redéfinition du partage des tâches). Notre tâche dans ce défi historique, donner harmonie à un grand espace pluriculturel, passe par une revalorisation des valeurs que nous avons évoquées ici en vrac au sein de structures associatives, préparant une citoyenneté nouvelle et active, une milice sapientiale.
    Robert Steuckers (conférence prononcée à la tribune du "Cercle Hélios", Île-de-France, 1995). VOULOIR

  • La gauche guidant le peuple

    Le Figaro Hors-Série, « 8 mai 1945, la victoire finale » - 01/05/2005
     Quand les communistes français profitent du rôle joué par l’URSS dans la victoire contre le nazisme pour développer un véritable terrorisme intellectuel.
     Le 6 juin 1944, les Anglo-américains débarquent en Normandie. Le 15 août, c’est en Provence que les Alliés prennent pied sur le continent. Le 25 août, Paris est libéré. Au même moment, sur le front Est, les troupes du Reich reculent. Le 1er août, alors que les Allemands commencent à évacuer Varsovie, l’armée secrète polonaise se soulève. Ce sont les SS qui sont chargés de réprimer l’insurrection. L’armée rouge n’est qu’à 20 km de la ville, mais elle ne bouge pas. Les plans de Staline sont formels : il faut laisser les nazis écraser les patriotes polonais, ce qui épargnera aux Soviétiques de le faire. Le 28 août, les derniers résistants se réfugient dans les égouts de Varsovie, où ils tiendront un mois encore. A Paris, à la mi-septembre, l’IFOP (institut de sondage fondé juste avant la guerre) reprend ses activités. Une de ses premières enquêtes, publiée dans le courant du mois, révèle que pour 61 % des Français, l’URSS est la puissance qui a le plus contribué à la défaite allemande, 29 % attribuant ce mérite aux Etats-Unis...
    Un an plus tard, en octobre 1945, lors des premières élections législatives d’après-guerre, le parti communiste remporte plus de 26 % des suffrages, devançant les démocrates-chrétiens du MRP et les socialistes de la SFIO. En 1946, ce score monte à 28 % des voix. De 1945 à 1947, les communistes siègent au gouvernement. Le PCF, auréolé de sa participation à la Résistance (« le parti des 75 000 fusillés », chiffre mythologique, supérieur au nombre total des fusillés sous l’Occupation), atteint alors son apogée. Son prestige s’augmente du crédit accordé à l’URSS, ce pays ami dont l’opinion pense qu’il a joué le plus grand rôle dans la défaite de Hitler.
    Un trou de mémoire collectif engloutit ce qui s’est passé quelques années auparavant. En août 1939, les communistes français ont approuvé le pacte germano-soviétique, et pendant que Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF, désertait son régiment pour rejoindre l’URSS, le gouvernement Daladier a interdit le Parti et l’Humanité. Six jours après l’entrée des Allemands dans Paris, les communistes ont sollicité l’autorisation de faire reparaître leur quotidien auprès de la Propagandastaffel. C’est en 1941 seulement, quand Hitler a attaqué l’URSS, qu’ils sont entrés dans la Résistance. A la Libération, qui oserait rappeler ces faits ? Thorez a été amnistié, l’entente Hitler-Staline est occultée, et les 4 500 officiers polonais dont les dépouilles ont été exhumées par les Russes à Katyn, selon la version officielle, ont été tués par les nazis.
    Tragique ambiguïté de 1945. La victoire sur l’Allemagne nationale-socialiste, victoire indispensable, victoire vitale, a été remportée grâce au concours de l’Union soviétique. Stratégiquement, il n’existait pas d’autre solution. Mais voilà l’URSS rangée dans le camp de la liberté, et le silence de se faire sur la nature totalitaire de son régime. Comparer le nazisme et le communisme est interdit : s’y risquer, c’est être suspecté de sympathie rétrospective pour Hitler.
    Le résistant Jean Paulhan est un des premiers à en faire l’expérience. Membre du Conseil national des écrivains, il en démissionne, effrayé par la tournure prise par l’épuration. Dès février 1945, le journal communiste Le patriote lance l’accusation : « Monsieur Jean Paulhan, trahissant les Lettres françaises qu’il avait servies durant l’occupation nazie, se met au service de la pensée fascisante. »
    « L’antifascisme : avec ce mot, tout est dit de ce qui va faire le rayonnement du communisme dans l’après-guerre », écrira François Furet dans Le passé d’une illusion. La technique, pour autant, date de l’avant-guerre. Dans les années 30, l’anticléricalisme étant passé de mode, l’antifascisme est le creuset de toutes les gauches. Il sert de dénominateur commun à l’alliance ébauchée, le 12 février 1934, lors de la première manifestation réunissant communistes et socialistes, alliance concrétisée, en juillet 1934, par la signature d’un pacte d’unité d’action entre le parti communiste et la SFIO. C’est aussi l’antifascisme qui prépare la coalition formée entre communistes, socialistes et radicaux, un an plus tard, en vue des élections de 1936 qui donneront la victoire au Front populaire.
    Pour les communistes, ces retrouvailles avec les socialistes obéissent à un choix tactique opéré à Moscou. Après l’écrasement des communistes allemands par les nazis, échec d’une stratégie qui consistait, pour Staline, à laisser Hitler démolir la République de Weimar dans l’espoir que les communistes ramassent le pouvoir, le Kremlin, abandonnant la ligne « classe contre classe », donne consigne aux partis affiliés à la IIIe Internationale de s’allier aux socialistes, afin de former, au nom de la défense de la paix, un front commun contre le fascisme. A Paris, Willi Münzenberg, un agent du Komintern, chef d’orchestre de la propagande pour l’Europe de l’Ouest et l’Allemagne, met cette tactique en oeuvre, pendant qu’Eugen Fried, un Tchèque qui est le véritable chef clandestin du PCF, veille à son application. Il s’agit de faire passer la cause de la paix par la défense de l’URSS, donc du communisme : être pour la paix, c’est être contre Hitler ; être contre Hitler, c’est être pour Staline ; a contrario, être contre Staline, c’est donc être pour Hitler.
    Après-guerre, les communistes resservent cette thématique antifasciste. Le communisme incarne le bien absolu, et le nazisme le mal absolu. A gauche, ceux qui veulent servir la « classe ouvrière » doivent suivre les communistes (le Bien). A droite, l’hostilité à l’encontre du Bien (le communisme) trahit une connivence implicite avec le Mal (le nazisme). La droite libérale et la droite nationale sont complices dans l’anticommunisme ; la droite nationale est en réalité fasciste ; or le paradigme du fascisme est le nazisme. Donc un libéral peut glisser vers le fascisme, car l’anticommunisme conduit au nazisme.
    Immense sophisme, mais d’une puissance d’attraction considérable : qui ne serait pas révulsé par Hitler ? Afin de donner consistance au danger fasciste, il faut donc inventer des fascistes. De Gaulle fonde le Rassemblement du peuple français ? C’est un fasciste. Certains prétendent que l’URSS abrite des camps de concentration ? Ce sont des fascistes. Raymond Aron dénonce le communisme international ? C’est un fasciste.
    Les accords de Yalta, en 1945, ont prévu en Europe de l’Est des élections libres qui n’auront jamais lieu : la nuit du stalinisme tombe sur les démocraties populaires. « De Stettin, dans la Baltique, à Trieste, dans l’Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent », constate Churchill le 5 mars 1946. La guerre froide commence, mais la propagande communiste invente un ennemi fictif : l’impérialisme américain. Et ceux qui se hasardent à mettre en garde contre l’adversaire réel tombent sous le coup de l’accusation suprême, colportée non seulement par les communistes mais par leurs compagnons de route : « L’anticommunisme est la force de cristallisation nécessaire et suffisante d’une reprise du fascisme », affirme Emmanuel Mounier en 1946.
    Le terrorisme intellectuel culmine en 1949, lors du procès Kravchenko. Dans son livre J’ai choisi la liberté, ce citoyen soviétique, réfugié politique aux Etats-Unis, a exposé la nature totalitaire du régime soviétique. À Paris, un procès l’oppose aux dirigeants des Lettres françaises, hebdomadaire communiste qui l’accuse d’être un faussaire. Kravchenko produit des témoins qui sont tous des rescapés des camps soviétiques, et parfois, comme Marguerite Buber-Neumann, doublement rescapés, puisque cette dernière est passée directement du goulag à Ravensbrück, livrée par Staline à Hitler après le pacte germano-soviétique. Devant le récit de leurs souffrances, l’avocat des Lettres françaises n’a qu’un commentaire : « La propagande nazie continue ». « Un anticommuniste est un chien », s’écriera encore Jean-Paul Sartre en 1961.
    Pour que la vérité sur le système soviétique se fasse jour, il faudra attendre longtemps encore. Mais d’ailleurs, a-t-elle jamais été vraiment faite ?
    Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com/

  • Le Vatican, l’éclair et les Illuminati

    Le pape, combien de divisions ?

    Staline (Oncle Joe, pour les Alliés)

    Le 11 février (11.02.13), le pape démissionne dans des circonstances pas très claires, comme on dit chez les illuminés des médias. Est-il un homme de Dieu lassé par un temps pas très divin comme le pense Pat Buchanan ? Ne le savait-il pas avant d’être élu, que la météo était chargée d’éclairs et que le temps n’était ni divin, ni chrétien ni rien ?

    Cela intervient en tout cas au pire moment pour nous, puisque les catholiques encore chrétiens (tous les catholiques ne sont pas des chrétiens) découvrent leur impuissance totale face au mâle qui veut adopter des enfants préfabriqués et brevetés. On nous a dit qu’Hitler avait eu un papa et une maman et cela suffit à détruire la famille. Comme toujours cet argument suffit, même si Hitler finalement a surtout été élevé par une mère vite célibataire et qu’il a vécu une jeunesse fauchée dans une société multiraciale ; sans compter qu’il se moquait comme d’une guigne qu’un enfant fût élevé par ses parents.

    Je rappelle qu’on brevète le vivant au Spitzberg en ce moment. On nous fait plein de reportages, c’est rigolo, on évoque Noé et les vaisseaux spatiaux. C’est 2012 en 2013 ! Mais que nous prépare-t-on en haut lieu, à part des tempêtes boursières, des tempêtes sociales, des cataclysmes météo et des tsunamis scientifiques ?

    Bref le pape abandonne son poste au moment où un million de chrétiens dans la rue cela ne suffit pas, au moment où un demi million de signatures cela ne suffit pas, au moment où l’on est revenu aux temps romains (c’est le cas de le dire !). Nous sommes avant une prochaine vague de persécutions, qu’on se le dise. Notre société n’a été que trop bonne jusque là, disait Debord. Mais voyons les Illuminati en action.

    ***

    Quels sont ces serpents qui sifflent sur ma tête ?

    Le 12 un éclair frappe le dôme de Saint-Pierre et le 12 toujours un commando de filles nues et bien tatouées envahit Notre-Dame pour hurler à la mort contre le pape, le mariage et la famille traditionnelle, sans parler du reste ; et l’on était à deux doigts de la troisième guerre mondiale contre la Russie (toujours à convertir) pour l’affaire des petites putains subventionnées et noyautées de la Pussy riot ! Si l’on voulait nous indiquer que les forces obscures Illuminati qui dirigent la planète ont décidé de passer à la vitesse supérieure, et qu’elles ne supportent plus aucune contestation, on ne pouvait pas mieux faire. J’ignore si le ciel en colère a projeté son éclair ou si derrière tout cela on peut dénicher le savoir-faire du projet HAARP de manipulation du climat. Rappelez-vous qu’en tout cas le tremblement de terre de 1992 dont l’épicentre était à Maastricht. La contre-initiation adore ces clins d’oeil, comme disait un de mes vieux amis spécialiste du royaume du Graal et ses avanies.

    Les filles tatouées et déchaînées, les groupies et les courtisanes, les hétaïres et les bacchantes, je ne sais comment elles ont fait, mais elles ont été filmées bien tranquillement. Un vrai film pour Youtube ! Elles hurlaient, elles profanaient, elles jouissaient, elles éructaient, elles détruisaient, les défenderesses de la démocratie et de la tolérance et de la lutte contre la discrimination. Personne chez les bons cathos (car il faut bien les appeler comme ils le méritent) n’ose plus défendre ses lieux saints et l’on se contente d’assister à la projection, comme si on était à un festival de film. Je me souviens des types d’Act up, stars des télés aussi, qui venaient gueuler contre le pape et contre l’Eglise pendant la messe à Notre-Dame, dans le silence gêné des fidèles.

    ***

    Hollande a interdit la manifestation prochaine et l’on reste les bras croisés, c’est tellement mieux aussi de demeurer passif et d’envoyer des SMS. Pourquoi se battre ? On a oublié que le Christ commence par la violence à la table de change qui est en train de détruire l’Europe. Mais qui est encore un chrétien dans la salle ? Nietzsche aurait-il raison qui disait il y a déjà plus de cent ans qu’il n’y a plus de prêtres, seulement des menteurs et des acteurs ? Et le public dans la salle (et non les fidèles dans la nef), que fait-il ? Il attend la fin de la séance (de l’office) pour envoyer des SMS ? Ou il fait pendant ? Elle en est où sa liberté au chrétien de France, depuis qu’il laissa la troisième république chasser impunément ses ordres religieux avant de l’envoyer se faire tuer à Verdun ou ailleurs ? Car elle a su en profiter de son obéissance au chrétien, la république.

    ***

    « Il se vante d’avoir, lui et les siens, supprimé la liberté, dans le dessein de rendre les hommes heureux. »

    Dostoïevski, "le Grand Inquisiteur"

    ***

    Je m’occupe de symboles et ce n’est pas pour rien. L’histoire du monde est un ensemble de signes dit Léon Bloy dans "l’Ame de Napoléon", le livre fastueux qui fascinait Borges.

    Le syndrome Illuminati aurait dû éveiller un peu plus la conscience de ces cathos qui n’ont plus grand-chose à voir avec ceux qui bâtissaient Notre-Dame ou la cathédrale de Séville. Dan Braun s’est bien moqué d’eux, Dan Braun a bien préparé le terrain, les gardes suisses, l’Opus Dei, l’espionnage à trois sous et la passivité postmoderne. Tout cela en bon ordre, il ne manquait plus que l’éclair qui tonne dans un ciel noir de cet hiver interminable et sombre. On pense à un autre Illuminati, Benjamin Franklin dont la devise en latin était « eripuit caelo fulmen sceptrumque », il a arraché au ciel le sceptre et la foudre : car le vieil oncle Ben aurait inventé le paratonnerre ! Quelques années la royauté tombait en France et les pires persécutions depuis l’Antiquité commençaient dans une indifférence relative des Français et des Européens, il faut bien le dire. Un million de vrais catholiques ou même moins (dans cette manif du 13 janvier, ils étaient moins aussi), cela ne pèse pas lourd face aux agents de la destruction et à la lâcheté humaine. La lâcheté c’est de se faire tuer, si le martyre c’est de mourir pour le Christ. Il faudra faire un jour la différence.

    Le prochain pape pourrait être noir, Malachi sera content. Il faudra faire un peu plus de place aux africains, peut-être cette fois à hauteur de cent millions de personnes. On la fera cette place. Comment ne pas être antiraciste et charitable ? Oui, comment ?

    Et il leur dit : Je voyais Satan tombant du ciel comme un éclair.
    Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info

  • Quand le roi numide Jugurtha achetait à prix d’or la trahison des élites romaines

    La guerre de Jugurtha (112 à 105 av J.-C.) par l’historien Salluste.

    Jugurtha
    Jugurtha (v. 160-104).

    Jugurtha est un roi numide, c’est à dire berbère, qui vivait au IIe siècle avant J.-C. : il avait découvert qu’il suffisait de verser beaucoup d’or à un certain nombre de patriciens pour qu’ils soient prêts à trahir leur patrie. Il en avait conclu que tout était à vendre à Rome. Ces traîtres manigançaient ensuite pour obtenir du Sénat qu’il fasse la volonté de Jugurtha.

    Selon l’historien Salluste, « À cette époque, notre armée comptait un grand nombre de nobles et d’hommes nouveaux, toujours prêts à préférer la richesse à la vertu et à l’honneur. »

    Cependant un certain C. Memmius, tribun de la plèbe, épris de liberté et d’indépendance, exhorte le peuple à défendre la République, en même temps que sa liberté, dans un beau discours :

    « Bien des raisons m’éloignent de vous, citoyens : la puissance de la faction (des patriciens), votre résignation, la justice bafouée, et, surtout, les périls réservés à la vertu au lieu de l’honneur. Mais mon zèle pour la chose publique prime tout, et c’est avec douleur que je me vois obligé de vous rappeler à quel point, durant ces quinze dernières années, vous êtes devenus un jouet entre les mains de quelques ambitieux, avec quelle lâcheté vous avez vu périr vos défenseurs sans avoir songé à aucun moment à les venger, jusqu’à quel degré d’avilissement et de turpitude vous avez laissé s’abaisser vos âmes. …
    Au cours de ces dernières années vous vous êtes montrés discrètement indignés de voir le trésor public dilapidé… toutes les richesses et tous les honneurs accaparés par les mêmes hommes …

    ils ont vendu à l’ennemi vos lois, votre honneur, tout ce qu’il y a de sacré aux yeux des hommes et des dieux immortels


    Mais qui sont-ils donc ceux qui ont saisi la République à la gorge ? De pires scélérats dont les mains dégouttent de sang, tout dévorés de la soif de l’or, des monstres orgueilleux et pervers, des hommes qui trafiquent de la probité, de la vertu, de la piété, de tout enfin, honneur ou déshonneur.
    … Plus ils sont criminels plus ils sont sûrs d’eux. L’horreur qu’auraient dû leur inspirer leurs crimes, ils la font peser sur votre lâcheté. … Ah ! si vous preniez autant de soin de votre liberté qu’ils déploient d’ardeur pour vous asservir, – assurément la République ne serait pas livrée au pillage comme elle l’est et vos faveurs iraient aux plus méritants et non aux plus insolents. »

    Source : Salluste, Guerre de Jugurtha, Gallimard, La Pléïade, 1968, p. 695.

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