culture et histoire - Page 1966
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Documentaire : Le camp de Conlie : 1er camp de la mort :
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Congo ex-belge : « Sire, ils vous ont cochonné votre Congo »
La Belgique sans vrai gouvernement a pris la présidence de l'Union européenne le 1er juillet alors que son roi participait la veille aux festivités de l'indépendance du Congo ex-belge. Un roi muet qui n'a pas plus parlé de Tintin au Congo que de la querelle linguistique au plat pays. Un roi trop absent estiment certains Belges et présent là où il aurait pu tout de même se dispenser d'aller. Car si l'indépendance est fêtée en tant que telle, elle fut le début de cinquante ans de malheur pour le centre de l'Afrique francophone non française et un calvaire pour certains Belges et Africains.
Lorsque Léopold II avait été forcé de remettre l'État indépendant du Congo, jusqu'alors possession personnelle de la Belgique. il avait murmuré : « J'espère qu'ils ne vont pas me le cochonner ! » Le général Janssens, quelques jours après l'indépendance, de retour du chaos congolais. convoqua les journalistes devant la statue équestre de Léopold II à Bruxelles, près du Palais Royal, déposa une gerbe et s'écria : « Sire, ils vous l'ont cochonné ! »
L'indépendance du Congo était déjà alors indiscutablement un naufrage sanglant, l'un des pires de la décolonisation.
UN VOYAGE DU ROI POUR LE MOINS INOPPORTUN
Mais il faut remonter à un autre Congo. L'État indépendant du Congo était un territoire sur lequel le roi Léopold II de Belgique exerça une souveraineté de fait de 1885 à 1908. Cet État était constitué par le territoire actuellement connu sous le nom de République démocratique du Congo. Le Congo belge fut le nom porté par le même territoire de l'actuelle RDC entre la fin de l'État indépendant du Congo et l'accession à l'indépendance congolaise effective le 30 juin 1960.
La controverse historique sur ces deux possessions belges personnelles puis étatiques est toujours d'actualité et, sous la pression de l'anticolonialisme triomphant, dans la recherche historique orientée. Il convient cependant d'admettre que tout ne fut pas toujours pour le mieux dans la meilleure des colonies possibles. Mais depuis c'est pire.
L'actuel roi des Belges a cru devoir participer cependant aux commémorations du 50e anniversaire d'une indépendance marquée par des actes de sauvagerie dans la plus pure tradition de cette Afrique au « cœur des ténèbres » Les massacres de Belges, le calvaire des religieuses, les épurations ethniques semblent passés par profits et pertes. Ce n'est pas cela en tout cas qui trouble les media quant à la présence du roi des Belges. Le voyage royal est plutôt perçu comme un soutien au pouvoir en place, qui se caractérise par des assassinats et de la corruption, rien de bien nouveau sur le fleuve Congo.
Un pouvoir qui n'est même plus souverain sur l'ensemble du territoire puisque des troupes angolaises sont toujours basées à la frontière et que la guerre civile fait rage dans certaines régions de l'immensité congolaise. Marquée par un grand défilé militaire devant un parterre d'invités, dont des chefs d'Etat africains, le secrétaire général de l'ONU et le roi des Belges, ex-puissance coloniale, la cérémonie était en effet d'importance pour le pouvoir du président Kabila. Parmi les chefs d'État africains présents figurent le Rwandais Paul Kagame, réconcilié depuis 2009 avec son homologue congolais, l'Ougandais Yoweri Museveni, le Centrafricain François Bozize, le Congolais Denis Sassou Nguesso. Robert Mugabe (Zimbabwe), Idriss Deby Itno (Tchad), Paul Biya (Cameroun), Ali Bongo Ondimba (Gabon), étaient également présents à cette cérémonie. Initialement annoncé, le président sud-africain Jacob Zuma n'est pas venu. Rien que des protecteurs de la démocratie. Environ 15 000 militaires et policiers congolais, 400 chars et véhicules ont défilé sur le « boulevard Triomphal », totalement refait à neuf, qui jouxte le stade des "Martyrs". Excusez du peu ! Des Casques bleus des Nations unies, dont le patron Ban Kimoon est arrivé le mardi 29 juin au soir à Kinshasa, ont participé également au défilé militaire. Bruxelles en a, en revanche, exclu la présence de soldats belges. Tout de même.
ÇA COMMENCE MAL ...
Dans l'armée du nouvel État indépendant, en effet, les officiers belges blancs gardent le contrôle. La radio accuse alors les anciens colons de complot contre le nouvel État, ce qui provoque la colère des soldats bangalas et balubas qui se mettent à persécuter la communauté blanche. Le tribalisme n'aura pas attendu longtemps pour imposer ses lois de la jungle. La Belgique menace alors d'intervenir militairement. Sur ce, le premier ministre Lumumba appelle l'Union soviétique à l'aide. Les soldats balubas et bangalas n'étant pas représentés dans le gouvernement, ils commettent alors un coup d'État et renversent le Premier ministre. Au sein de l'armée, devenue complètement africaine, le général Mobutu Sese Seko prend les rênes et installe un gouvernement de commissaires. Mobutu est bientôt soutenu par les États-Unis, qui voient d'un mauvais œil le socialisme de Lumumba. C'est de ce coup d'État que profiteront, le 11 juillet 1960, les dignitaires du Katanga, sous la direction de Katenga Tshombé Moïse, pour faire sécession. (On peut relire sur cette sécession la formidable Chimère noire de Jean Lartéguy). Les autorités du Katanga créent alors leur propre monnaie et leur propre police. Lumumba accepte la venue des Casques bleus. Le Sud Kasaï proclame également son indépendance. Ainsi le gouvernement central perd-il ses deux provinces minières et Lumumba se retrouve-t-il sans argent. Les troupes de l'ONU censées intervenir pour mettre fin à la sécession n'agissent pas, tandis que Lumumba, prisonnier de Mobutu, est déporté au Katanga où il trouvera la mort.
La première guerre du Congo commence en 1962. Le gouvernement central s'attelle à reconquérir les provinces sécessionnistes. L'assassinat de Patrice Lumumba en 1961 et la reprise du Katanga et du Sud-Kasaï marqueront le début de l'ascension du général Mobutu Sese Seko.
Le titre « République démocratique », un nouveau drapeau et une nouvelle devise sont adoptés. En 1964, Stanleyville, aujourd'hui Kigaliville, est occupée par les guerriers Simbas qui prennent la population en otage. Stanleyville est reprise au cours de l'opération Dragon rouge menée par le 1er régiment para commando de l'armée belge.
En 1965, le Congo est pacifié. Toutes les révoltes tribales, ethniques ou des partisans de Lumumba ont été matées. Mais ce n'est qu'une parenthèse. Toute la région de Kigali vit des atrocités qui firent au moins 500 000 morts, civils et militaires. Il faudra l'intervention de troupes étrangères pour mettre fin à ce carnage .
... ET ÇA CONTINUE
En fait, des provinces entières (par exemple l'Équateur, le Katanga, le Kivu du Nord, le Kivu du Sud, le Maniema et le Kasaï oriental) sont passées progressivement sous contrôle étranger, c'est-à-dire presque la moitié du territoire national. Beaucoup de Congolais constatent que ces provinces sont désormais gérées par l'Ouganda et le Rwanda comme des "protectorats" mis à leur disposition. Des colonies de peuplement tutsis s'y sont constituées et un plan secret prévoyait une réduction des populations autochtones bantoues.
En plus du Rwanda, de l'Ouganda, de l'Angola, du Zimbabwe et de la Namibie, plusieurs autres pays sont intervenus directement ou indirectement dans le conflit au Congo-Kinshasa : le Burundi, le Tchad, le Soudan, l'Érythrée et même le Maroc. La France, pour sa part, a été accusée d'apporter une assistance alimentaire aux rebelles sous forme d'« aides humanitaires » et les États-Unis, de leur côté, de former les militaires rwandais, ougandais et rebelles, auxquels ils apportent une aide logistique et financière. Enfin, l' Afrique du Sud est accusée d'assurer un appui militaire important au Rwanda et aux rebelles du Congo. Pour bien des observateurs, la présence des 40 000 soldats angolais, zimbabwéens, namibiens et tchadiens (sans oublier l'appui logistique de la Libye) aux côtés des Congolais rappellerait celle des soldats français, belges et marocains aux côtés des Zaïrois à l'époque de Mobutu ; on pourrait évoquer aussi la participation des milices togolaises, maliennes et sénégalaises à l'époque de Léopold II. Ce pays est un trou noir.
FÊTER QUELLE INDÉPENDANCE ?
Après quelques jours de désarroi et de tension autour de la mort de Kabila 1er surnommé depuis le Mzee (le "Sage"), le « Parlement provisoire » du Congo-Kinshasa choisit alors la « solution dynastique » et proclama, le 24 janvier 2001, en tant que « président de la République », le général-major Joseph Kabila, fils aîné du président assassiné. Depuis son arrivée au pouvoir, Kabila II a vu son pays s'enfoncer dans les guerres ethniques. Le Congo-Kinshasa est aux prises avec des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants en train de se faire massacrer parce qu'ils ne sont pas de la « bonne ethnie ». Cet immense pays semble trop grand au point que cela devient son drame. Les cérémonies du mercredi 30 juin avaient un côté surréaliste.
On peut dire aussi que le conflit linguistique belge s'est invité dans le Congo d'aujourd'hui ou ce qu'il en reste. Les Wallons investissent dans ce territoire alors que les Flamands préfèrent de loin l'Afrique du Sud. Où le racisme, linguistique ne va-t-il pas se cacher ? Le Congo est aussi dans le jeu de la France-Afrique et pas besoin même de parler du Katanga ou du Rwanda. Sur le terrain diplomatique, Mitterrand puis Chirac ont encouragé leur ami Mobutu, au grand dam de Bruxelles. D'un point de vue financier, la percée spectaculaire de grands groupes français comme Thomson montre que Paris veut s'imposer dans la région. Enfin, Kinshasa a été intégrée dans la politique de francophonie par la France et non par la Belgique.
Mais aujourd'hui la Chine pourrait mettre tout le monde d accord, l'ancien colonisateur comme le parrain francophone, sans toutefois répondre à la question : le Congo ex-belge est-il viable en tant qu'État indépendant ? Et plus généralement, la colonisation a-t-elle été une fatalité ou une nécessité ?
Pierre-Patrice BELESTA. Rivarol du 16 juillet 2010 -
Criminels contre l'humanité
Lénine par qui tout a commencé
Bien avant le nazisme, Lénine a inauguré le génocide de masse et instrumentalisé les moyens pour y parvenir. Dès 1891, il confie à son ami Béliakov la nécessaire éradication de la classe paysanne. « En détruisant l'économie paysanne attardée, la famine nous rapproche objectivement de notre but final, le socialisme ». En 1914, trois ans avant le déclenchement de la révolution d'Octobre, il jette les bases de la guerre civile : « pas de révolution sans bain de sang ». « Le tribunal ne doit pas éliminer la terreur, il faut la justifier et la légitimer sur le plan des principes, clairement, sans fausseté, sans fard ». « Nous ne faisons pas la guerre contre les personnes en particulier. Nous exterminons la bourgeoisie comme classe. Ne cherchez pas, dans l'enquête des documents et des preuves sur ce que l'accusé a fait, en actes ou paroles, contre l'autorité soviétique. La première question que vous devez lui poser, c'est à quelle classe il appartient, quelles sont ses origines, son éducation, son instruction, sa profession ». Toute la pensée léniniste tourne autour de la négation de l'individu de son élimination physique et d'une culture discriminatoire : « Il y a des cafards et des punaises contre-révolutionnaires », les « paysans sont proches de la condition animale ». Une idéologie par essence anti-démocratique au service d'une dictature délibérément terroriste et sanglante « Il serait vain d'attendre une majorité formelle en faveur des bolcheviks. Aucune révolution n'attend ça. L'Histoire ne nous pardonnera pas si nous ne prenons pas maintenant le pouvoir ».
Staline, au service de son clan
Culte de la personnalité et culture du clan. En succédant en 1924, à Lénine, Joseph Staline s'entoure d'hommes entièrement dévoués à sa cause qui constitueront le bras armé de la « transformation radicale de la société » souhaitée par Staline. Premières victimes du génocide de classe, les paysans. En 1931-1933, la collectivisation des terres et l'élimination des Koulaks en tant que classe saigne à blanc le pays. « Le grand assaut contre la paysannerie » souhaité par le petit père des peuples fera 6 millions de morts et plus de deux millions de déportés principalement en Ukraine*. Cette folie meurtrière touchera rapidement les groupes sociaux qualifiés de « socialement étrangers à la nouvelle société soviétique ». Membres du clergé, commerçants, artisans toutes personnes ayant une origine sociale suspecte, puis sous la Grande terreur, en 1936-1938, cadres et dirigeants du Parti, fourniront les quotas d'éléments contre-révolutionnaires à réprimer ! Des 200 membres du Comité central du Parti communiste ukrainien, 3 survécurent à l'épuration... Les militaires qui avaient mené les campagnes bolcheviques des années vingt contre les «Blancs» et héritiers de la pensée léniniste, vont être eux aussi purement et simplement éliminés. Une paranoïa obsessionnelle qui n'épargne pas les partis communistes étrangers jugés déviants. Pendant la guerre civile d'Espagne, Staline charge le NKVD de liquider ceux qui se mettent en travers de sa stratégie internationale. Le pacte germano-soviétique permet à Staline d'occuper fin septembre 1939 l'Est de la Pologne. Dès 1942 une note interne du Comité central, commandée par le maître du Kremlin dénonce la « place dominante des juifs dans les milieux artistiques, littéraires et journalistiques ». En 1949, Staline ordonne l'arrestation et la déportation de centaines d'intellectuels juifs, coupables d'alimenter la propagande antisoviétique et le prétendu complot des « Blouses blanches » contre des dignitaires du régime, visera à mener une nouvelle purge sanglante contre les Juifs, que seule la mort du dictateur en 1953 évitera.
Trotski instaure le goulag et la famine organisée
Léon Trotski, père de l'Armée rouge aura été le cerveau de la politique d'extermination du régime soviétique. Grand artisan de la terreur, il prône inlassablement l'éradication de la bourgeoisie « classe vouée à périr ». Cet idéologue fanatique instaure rapidement à travers tout le pays des camps de concentration destinés aux « éléments douteux » qui y seront systématiquement déportés dès 1918. A la tête des armées Rouges avec son ami, il martyrise la Volga, traque chaque opposant et planifie la liquidation en masse d'adversaires politiques ou de groupes sociaux entiers. La guerre civile à outrance et la politique de la terre brûlée qu'il mène d'une main de fer entraînent une famine sans précédent dans les années 1921-1922 : 5 millions de personnes, dont une majorité d'enfants en sont les victimes. La mort de Lénine, la stalinisation du pouvoir, les divergences idéologiques, poussent inexorablement Trotski dans l'opposition résolue au nouveau maître du Kremlin. Il est assassiné sur l'ordre de Staline en 1940 au Mexique.
Mao : le plus grand assassin de l'histoire du monde
Mao Zedong partage indubitablement avec ses homologues soviétiques ce culte de la personnalité et cette même folie meurtrière. La violence érigée par Mao en système de règne fera ses premières victimes au sein même des apparatchiks communistes. Dès 1931, des milliers de cadres du Parti et de l'Armée populaire de Libération sont exécutés. Selon le principe arbitraire : « Nous devons tuer tous ces éléments réactionnaires qui méritent d'être tués », 800 000 « contre-révolutionnaires » sont liquidés au lendemain de son arrivée au pouvoir en 1950-1951. L'aveuglement idéologique de Mao, sa frénésie à vouloir construire un socialisme triomphant et son obsession du développement industriel débouchent en 1958 sur le cataclysmique « Grand bond en avant ». En 4 ans, 30 millions de paysans sont victimes de la famine organisée par le régime et poussés pour une grande partie d'entre-eux au cannibalisme. Sa main mise sur le parti et la forte influence dont il jouit au sein d'une jeunesse endoctrinée, lui permet encore de lancer en 1966 la « Révolution culturelle », énième purification révolutionnaire menée par les « Gardes Rouges » contre les intellectuels, et autres « esprits reptiliens ». Pendant dix ans, répondant aux injonctions psychopathiques de Mao, ses miliciens (parfois de jeunes enfants) détruiront, humilieront, lyncheront, assassineront près d'un million de personnes «déviantes».
Eric Domard
* cf L'Ukraine n° 247-248 déc. 97
LES COMMUNISTES INVENTENT L'EXTERMINATION AU GAZ
1921 : le maréchal Toukhatchevski, bras droit de Lénine et Trotski, décide d'intensifier la répression contre les paysans, jugés anticommunistes. Sa directive 171, retrouvée dans les Archives soviétiques précise : « les bandits (sic) continuent à se rassembler dans les forêts. Elles doivent être nettoyées au moyen de gaz asphyxiants. Tout doit être calculé pour que la nappe de gaz pénètre dans la forêt et extermine tout ce qui s'y cache ». Le génocide de classe sociale a précédé le génocide de race...
Durant la période stalinienne, un ancien gradé du KGB a confirmé récemment* que le régime avait eu recours à des gaz mortels pour éliminer certains prisonniers. Ainsi les déportations vers les camps du goulag s'accompagnaient d'une extermination chimique de certains groupes à l'aide de « camions à gaz ».
*France 3, La Marche du siècle, déc.97
Français d'abord ! Numéro spécial 2e quinzaine janvier 1998 -
Les héros du 20 juillet 1944
Le Figaro Magazine - 24/01/2009
Au moment où sort « Walkyrie », le film qui met en scène l’attentat raté contre Hitler, de nombreux livres brossent le portrait de Stauffenberg et relatent un complot qui aurait pu changer le cours de l’Histoire.
Le 20 juillet 1944, Claus von Stauffenberg décolle de Berlin pour se rendre au quartier général de Hitler, la Wolfschanze (« la Tanière du loup »), en Prusse-Orientale. Alors chef d’état-major du commandant en chef de l’armée intérieure, le colonel doit assister à une conférence d’état-major présidée par le Führer. Son aide de camp transporte avec lui deux charges d’explosif. A leur arrivée, ils apprennent que la réunion a été avancée d’une demi-heure. Il faut faire vite. Déclarant vouloir se changer, Stauffenberg s’isole avec son aide de camp. L’irruption d’un sous-officier dans la pièce où ils se sont installés les empêche d’activer la totalité de l’explosif. Dans la salle de conférences, l’officier dépose sous la table la serviette qui contient la bombe, puis, au prétexte d’un appel téléphonique, quitte la réunion, puis la Tanière du loup.
Quelques minutes plus tard, c’est l’explosion. Treize personnes seront tuées ou gravement blessées. Parmi les rescapés, il y a Hitler, à peine contusionné. Rentré à Berlin, Stauffenberg, persuadé d’avoir atteint sa cible, déclenche l’opération « Walkyrie » : un plan de prise de contrôle du Reich par l’armée en cas d’insurrection. Certaines unités, commandées par des officiers liés au complot, marchent aussitôt. Les autres attendent la confirmation : Hitler est-il vraiment mort ? Il ne faudra que quelques heures pour que le dictateur prenne la parole à la radio.
Le soir même, Stauffenberg est appréhendé et fusillé, en compagnie des têtes du complot. Dans les jours qui suivent, 200 conjurés, civils ou militaires, sont arrêtés, torturés, condamnés à mort. Leurs femmes seront emprisonnées, leurs enfants, regroupés dans des centres de détention spéciaux. L’épuration de la Wehrmacht durera plusieurs mois, touchant plus de 7000 personnes et achevant la nazification de l’appareil militaire allemand.
Pour l’essentiel, Walkyrie, le film de Bryan Singer, relate bien la genèse et le déroulement du 20 juillet 1944. Au-delà du hasard, pourquoi l’affaire a-t-elle échoué ? L’historien britannique Ian Kershaw, dans un récit tiré de la biographie qu’il a consacrée à Hitler, n’hésite pas à parler de « dilettantisme » : trop de paramètres de calendrier, de coordination et de communication ont été négligés (1).
Claus Philipp Marie Schenk, comte von Stauffenberg, est la figure emblématique de cette aventure. Jean-Louis Thiériot, à qui l’on doit des biographies de François-Ferdinand d’Autriche et de Margaret Thatcher, raconte son itinéraire. Vieille aristocratie, esprit patriotique, carrière d’officier : comme des millions de ses compatriotes, Stauffenberg commence par subir l’attraction du nazisme. En 1939 et en 1940, il participe sans état d’âme à l’attaque contre la Pologne et la France. C’est la guerre contre la Russie, à partir de 1941, qui provoque son retournement.
Découvrant les erreurs stratégiques de Hitler et les crimes commis contre la population civile, notamment contre les Juifs de l’Est, l’officier est conduit à ce que Thiériot nomme le « choix d’Antigone » (2). Faisant appel à saint Thomas d’Aquin - qui a défini à quelles conditions une guerre peut être dite juste et dans quel cas tuer un tyran peut être légitime -, ce catholique conclut qu’il faut éliminer Hitler. Dans le film, cette profondeur du personnage, sa dimension spirituelle, est sans doute ce qui manque le plus.
Roland von Hoesslin, lui aussi livré au bourreau, avait suivi Stauffenberg parce qu’il était, explique August von Kageneck, « désespéré de la passivité des généraux devant Hitler » (3). Le complot du 20 juillet 1944, à quelques exceptions près (les généraux Beck, Stülpnagel, Witzleben, Olbricht ou Tresckow), est une entreprise menée par des colonels. Tel Philipp von Boeselager, qui aura l’incroyable chance de n’être pas pris et de survivre à la guerre (4).
Comment les rescapés et les familles ont-elles vécu les suites du complot ? Comment le 20 juillet 1944 a-t-il été reçu dans l’Allemagne de l’après-guerre ? Et aujourd’hui ? L’enquête menée par Jean-Paul Picaper, ancien correspondant du Figaro à Bonn, s’avère à cet égard passionnante. Non seulement l’auteur a interviewé les derniers témoins, mais il expose le long chemin parcouru pour que Stauffenberg et ses amis soient reconnus (5).
Joachim Fest, un historien allemand, montre la diversité des courants de ce qu’on a appelé après coup la « résistance allemande » : militaires, conservateurs, monarchistes, chrétiens-sociaux, libéraux, socialistes (6). Il souligne néanmoins que la seule entreprise sérieuse a été celle du 20 juillet 1944.
Et s’ils avaient réussi ? L’Europe de l’Est n’aurait pas échappé aux Soviétiques, mais la guerre aurait été écourtée, et des millions de victimes - soldats des deux camps, civils et déportés - auraient eu la vie sauve.
Songe-t-on au courage de ces hommes ? Il leur fallait affronter le danger qui menace tout rebelle au sein d’un État totalitaire, mais encore passer pour des traîtres, eux dont la vocation était de défendre leur pays. Avant de mourir, Peter von Wartenburg, un des conjurés, écrira ces lignes : « Peut-être viendra un temps qui nous jugera non pas comme des canailles, mais comme des prophètes et des patriotes. »
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com
(1) La Chance du diable, le récit de l’opération Walkyrie, de Ian Kershaw, Flammarion.
(2) Stauffenberg, de Jean-Louis Thiériot, Perrin.
(3) De la croix de fer à la potence, un officier allemand résistant à Hitler, d’August von Kageneck, Perrin, «Tempus».
(4) Nous voulions tuer Hitler, de Philipp Freiherr von Boeselager, Perrin, « Tempus ».
(5) Opération Walkyrie, de Jean-Paul Picaper, L’Archipel.
(6) La Résistance allemande à Hitler, de Joachim Fest, Perrin -
La libération d’Orléans (8 mai 1429)
Le siège d’Orléans (Vigiles de Charles VII).Lorsque naît Jeanne d’Arc en 1412, c’est au cœur d’un monde troublé : en 1378 s’est ouvert le Grand Schisme d’Occident qui voit s’installer un pape à Avignon et un autre à Rome (jusqu’en 1417) ; à l’Est, les Turcs menacent l’Occident ; et en France, le roi Charles VI est atteint de folie. Du fait de la maladie du souverain, ce sont les grands seigneurs qui tiennent la réalité du pouvoir (notamment les ducs de Bourgogne – Jean sans Peur à partir de 1404 – et d’Orléans).
Au début du XVe siècle c’est une guerre civile qui éclate entre les Armagnacs et les Bourguignons. Ces deux partis se sont formés autour de Louis puis Charles d’Orléans (pour le premier) et de Jean sans Peur (pour le second). Le premier parti défend l’idée d’un État fort et ferme envers ses ennemis, les seconds insistent plus sur les libertés et l’idée de réforme. Plus grave, les deux partis n’hésitent pas à faire appel aux Anglais.
I. Anglais et Français, Armagnacs et Bourguignons
Charles VI.En Angleterre, si Henri IV (1399-1413) incarne le parti de la guerre, les troubles intérieurs l’empêchent d’intervenir sur le continent. En revanche, avec l’avènement d’Henri V (1413), les hostilités reprennent. Revendiquant la couronne de France, il profite de l’anarchie politique française pour mener ses opérations. En 1415, il remporte la bataille décisive d’Azincourt puis conquiert la Normandie (1417-1419).
En 1420, l’assassinat de Jean sans Peur par les Armagnacs jette les Bourguignons dans le camp anglais. La même année, Henri V et Philippe de Bourgogne se jurent la paix à Troyes et déshéritent le dauphin (futur Charles VII), la couronne devant revenir à Henri V à la mort de Charles VI. Lorsque le roi « fou » meurt, la moitié nord du royaume et une partie de l’Aquitaine sont occupées, le dauphin n’étant que le petit « roi de Bourges ». Henri V meurt lui aussi en 1422, quelques semaines avant Charles VI. Son fils Henri VI doit assumer la double couronne, ce qui choque une partie de l’opinion française (le principe dynastique est violé) mais aussi anglaise (qui craint que le roi ne privilégie le continent au détriment de l’île).
Entre l’accession au trône de Charles VII en France et le siège d’Orléans, victoires et défaites alternent des deux côtés. A partir de 1427, le duc de Bedfort, chef de guerre anglais, se donne pour objectif de forcer le passage de la Loire, et pour cela de faire sauter le « verrou » que constitue Orléans (début du siège en octobre 1428). Charles VII songe alors à se réfugier en Dauphiné, voire hors de France.
II. D’un petit village de Lorraine à la Cour du Roi
Lieu de naissance de Jeanne d’Arc.Jeanne d’Arc est née en 1412 à Domrémy de l’union de Jacques d’Arc, laboureur aisé et d’Isabelle Romée. Le village est alors tenu par le capitaine de Vaucouleurs Robert de Baudricourt et est resté dans le giron du Valois. A 12 ou 13 ans, elle entend des voix célestes lui demandant d’obéir à Dieu : l’Archange saint Michel et les saintes Catherine et Marguerite. Ces voix lui révèlent qu’elle doit chasser les Anglais hors de France mais elle décide de les ignorer dans un premier temps. C’est lorsqu’elle en parle à son oncle que celui-ci décide de l’emmener chez Baudricourt.
Incrédule, le châtelain la renvoie chez elle. Ce n’est qu’un an plus tard, lorsque l’on commence à parler du siège d’Orléans par les Anglais, que le capitaine fait revenir la jeune fille, cette-fois escortée par des villageois qui ont pris cause pour elle.
Après une entrevue avec le duc Charles de Lorraine, le capitaine décide de l’emmener à Chinon. Elle y est le 6 mars 1429. Jeanne aurait reconnu le roi déguisé en courtisan et mêlé à sa Cour. Elle le rassure quant à sa légitimité : « De Messsire, je te dis que tu es le vrai héritier de France, et fils du roi. Et Il m’envoie à toi pour te conduire à Reims ». D’abord prudent, le roi, poussé par son confesseur Gérard Machet (qui prend l’affaire au sérieux), et après avoir pris l’avis de théologiens et de docteurs, décide de laisser à Jeanne sa chance. Elle reçoit une armure, une épée, et fait peindre sur un étendard le Christ entre deux anges et fait inscrire « Jésus, Maria ! ». Plusieurs hommes de guerre (le duc d’Alençon, La Hire, Gilles de Rais, …) offrent leurs services.
Ce qui reste de l’armée royale est alors à Blois. L’armée venue de Chinon s’y agrège puis fait route vers Orléans, sur le point de tomber dans les mains anglaises. Les eaux de la Loire sont importantes : Jeanne gagne la ville en barque le 29 avril, tandis que l’armée royale l’accompagnant retourne à Blois.
III. Jeanne d’Arc à Orléans
Carte du siège d’Orléans. Cliquez pour agrandir (la carte s’ouvrira dans un nouvel onglet).Jeanne d’Arc adresse à Henri VI, Bedford et Talbot un message : « Rendez à la Pucelle ci envoyée de par Dieu les clés de toutes les bonnes villes que vous avez prises et violées en France… Je suis ci venue de par Dieu le roi du Ciel, corps pour corps, pour vous bouter hors de toute France ! » A ce moment-là, la Pucelle n’a pas fait ses preuves et le message déclenche l’hilarité chez l’ennemi.
Jeanne d’Arc au siège
d’Orléans (Lenepveu, 1886-1890).C’est le 4 mai que l’armée royale est de retour avec des vivres, avec à sa tête Boussac. Elle contourne la ville par le Nord et attaque la bastide Saint-Loup (à l’Est d’Orléans) tenue par John Talbot. Jeanne d’Arc, lorsqu’elle apprend que le combat fait rage, fait une sortie et donne une victoire aux Français sur les Anglais qui commençaient alors à redresser la situation. Jeanne est cependant furieuse qu’on ait pris l’initiative de l’attaque à son insu, et le fait savoir.
Pourtant c’est encore sans elle que les chefs de guerre se concertent le 5 et prennent la décision d’attaquer la bastide des Augustins (au Sud). Jeanne finit pourtant par deviner le projet, et c’est elle qui donne l’assaut le 6 au matin qui se conclut, après une heure de combats, par une nouvelle victoire. Jeanne envoie alors une nouvelle lettre à l’ennemi mais il lui répond sans détour d’aller garder ses vaches, sans quoi elle serait livrée aux flammes.
Le 7 mai est décisif : le capitaine de la ville Raoul de Gaucourt refuse de sortir pour un nouvel assaut, prétextant l’attente de renforts supplémentaires, mais Jeanne n’est pas de cet avis et ordonne l’assaut des Tourelles (qui verrouille le pont au Sud). Elle part en première ligne, saisit une échelle qu’elle place contre la muraille et y grimpe. Un carreau d’arbalète lui transperce l’épaule et la jette à terre. Elle se croit morte et pleure. Les Français déferlent alors sur l’enceinte anglaise tandis que Jeanne leur cri : « Tout est à vous, et y entrez ! ». Le lendemain (8 mai), les Anglais lèvent le siège.
IV. Après Orléans
En 1429, la levée du siège d’Orléans paraît être le premier coup d’arrêt donné depuis longtemps à l’expansion anglaise. La nouvelle des exploits de Jeanne d’Arc (Orléans, Patay,…) parviendra aux oreilles de Christine de Pisan, retirée dans un couvent, qui versifiera sur ce renouveau attendu : « L’an mil quatre cent vingt et neuf / reprit à luire le soleil. / Il ramène le bon temps neuf / Que on n’avait vu du droit oeil / Depuis longtemps… » Réfugié à Lyon, le chancelier de l’Église de Paris se demande si l’on peut soutenir la Pucelle et conclut positivement « parce que sa cause finale est des plus justes : rendre le roi à son royaume, repousser et vaincre justement les plus odieux des ennemis. »
Après la libération d’Orléans, les chefs de guerre se posent la question de la poursuite de la campagne pour l’année. Frileux après les déboires passés (Azincourt…), la plupart entendent se contenter d’Orléans. Jean de Dunois, bâtard d’Orléans, arrive néanmoins à convaincre les chefs à poursuivre l’équipée, qui mènera au sacre de Charles VII à Reims…
Bibliographie :
FAVIER, Jean. La guerre de Cent Ans. Fayard, 1980.
GOBRY, Ivan. Charles VII, la reconquête de la France. Tallandier, 2001.
KERHERVÉ, Jean. Histoire de la France : la naissance de l’État moderne, 1180-1492. Hachette, 1998. -
La Commune de Paris (18 mars – 27 mai 1871)
Incendie du palais des Tuileries (24 mai 1871).En guerre depuis juillet 1870 contre la Prusse, le Second Empire tombe à la défaite de Sedan, le 2 septembre 1870 et Napoléon III se voit contraint de s’exiler en Grande-Bretagne. En effet, à peine deux jours plus tard, la République est proclamée à Paris, après que celle-ci ait été proclamée à Lyon et Marseille. Mais la guerre continue, et les Prussiens atteignent, victoires après victoires, les bords de la Seine. Le siège de la capitale débute le 19 septembre.
La Prusse entendant traiter avec un gouvernement légitime, des élections législatives sont organisées en février 1871 et, à la surprise générale, aboutissent à la victoire des monarchistes (près de 400 sièges, plus de 58 % des voix) : si les grandes villes accordent leurs voix aux républicains, les campagnes sont restées attachées aux valeurs traditionnelles. Le blanquiste Gaston Crémieux s’exclame : « Majorité rurale, honte de la France ! »
La paix est signée par le nouveau gouvernement royaliste (1er mars), qui appelle Adolphe Thiers au pouvoir en tant que président, en attendant un accord pour une Restauration monarchique. Les Parisiens ultra-républicains, ayant subi le dur siège des Prussiens, sont scandalisés par le résultat des urnes et par cette « lâche » capitulation.I. La révolution parisienne
Le 1er mars, en échange de la conservation du territoire de Belfort, qui s’est vaillamment défendu, Adolphe Thiers accepte que les Prussiens défilent sur les Champs Elysées, événement vécu comme une humiliation par les Parisiens. La nouvelle Assemblée prend d’autres mesures impopulaires : suppression du moratoire des effets de commerce, des loyers et des dettes, qui acculent à la ruine plusieurs milliers d’artisans ou d’ouvriers. Ultime humiliation : l’Assemblée décide de s’installer à Versailles, symbole de l’Ancien Régime, se méfiant d’une capitale instable (« chef-lieu de la révolte organisée » dit un orateur).
Dès la mi-mars, l’agitation se fait croissante et commence à se structurer. La Garde nationale (180 000 hommes), recrutée lors du siège, a gardé ses fusils et canons, et est plus importante en effectifs que les troupes officielles commandées par le général Aurelle de Paladines. Cette Garde nationale s’organise et forme un Comité central. Au programme, la défense de la République : « La République est le seul gouvernement possible. Elle ne peut être mise en discussion […]. La République française d’abord, puis la République universelle [...] ».
Adolphe Thiers voit le danger venir (un peu tard) et, le 18 mars, demande à 4000 hommes de récupérer les canons placés pour l’essentiel sur la butte Montmartre, alors non surveillée. Mais l’opération prend du retard, et les Parisiens sont alertés. C’est un échec. Les généraux Lecomte et Thomas sont faits prisonniers puis massacrés dans un local par la foule parisienne. A la suite de ce double assassinat, Thiers déclare la guerre à Paris : « On ne traite pas avec des assassins ». Le 18 mars, le Comité central s’installe à l’Hôtel de Ville et y dresse le drapeau rouge.
Dans la capitale, le 21 mars, une manifestation de soutien aux Versaillais est écrasée dans le sang par les révolutionnaires. Le 23 mars, l’Assemblée versaillaise vote à 433 voix contre 29 la création en province de bataillons de volontaires pour marcher sur Paris.
Les révolutionnaires organisent des élections le 26 mars pour s’asseoir sur une certaine légitimité : si les révolutionnaires l’emportent avec 66 sièges sur 85, l’abstention est supérieure à 50 %, ce qui s’explique par le fait que près de 100.000 Parisiens aient quitté la capitale depuis le début des événements. Les élus les plus modérés démissionnent rapidement. Le 28 mars, la Commune de Paris est proclamée place de l’Hôtel de Ville. Le 16 avril se tiennent des élections complémentaires (70 % d’abstentions) et douze élus rejoignent le Conseil.
Quelques personnalités cherchent à trouver un compromis entre Versailles et la Commune (Gambetta, Clémenceau, Victor Hugo,…) mais ils se heurtent aux deux partis.
Quant à Adolphe Thiers, il préfère attendre avant de prendre d’assaut la capitale. Il a retenu la leçon des révolutions de 1830 et de 1848 et sait qu’il ne faut pas épuiser la troupe dans des escarmouches et guet-apens. Comme Morny l’avait fait pour Louis-Napoléon Bonaparte après le 2 décembre 1851, il préfère laisser se développer l’insurrection pour mieux l’écraser ensuite.
● La mise en place d’un gouvernement parisien
Le Conseil de la Commune se comporte en un gouvernement ayant rompu avec le gouvernement légal de Versailles, se dotant par exemple d’une commission des relations extérieures. Il est composé de membres de tendances idéologiques diverses : un certain nombre d’internationalistes (17), une douzaine de socialistes proches des internationalistes, 9 blanquistes sans Blanqui (arrêté le 17 mars et prisonnier à Cahors) et une majorité de républicains de gauche. Il s’y trouve le peintre Gustave Courbet, le romancier Jules Vallès et le chansonnier Jean-Baptiste Clément. Dans ce Conseil, des fanatiques comme Raoul Rigault, chef de la police, qui se refuse de prononcer le mot « saint » et que l’on dit capable de citer le jour et l’heure de n’importe quelle réplique de Robespierre ou de Saint-Just. Un certain Allix entre d’office au Conseil pour son projet (pris au sérieux) de communiquer avec la province par le biais des escargots, auxquels il confère des dons télépathiques (il ne sera pas exécuté mais finira ses jours dans un asile psychiatrique).
Quelques mesures fortement symboliques sont prises : rétablissement du calendrier républicain, adoption du drapeau rouge, destruction de la colonne Vendôme (qualifiée de « monument de barbarie ») entamée le jour du 50e anniversaire de la mort de Napoléon Ier (5 mai 1871).
Gustave Courbet dirige l’opération de destruction de la colonne Vendôme. Lorsque les événements seront passés, celui-ci sera condamné à intégralement payer la reconstruction.● La Commune et les francs-maçons
Les francs-maçons s’impliquent largement dans la défense de la Commune de Paris. Le 26 avril, le Grand Orient de France envoie une délégation pour adhérer à la révolution. Le 29, ils plantent une bannière de paix puis clament que si Versailles refuse cette paix ils prendraient parti pour la Commune, les armes à la main. Louise Michel parle dans ses Mémoires de 6000 francs-maçons défilant à Paris, représentant plusieurs milliers de loges !
Le 5 mai, les différentes loges se mettent d’accord sur une déclaration commune : « Les francs-maçons sont des hommes de paix, de concorde, de fraternité, d’étude, de travail ; ils ont toujours lutté contre la tyrannie, le despotisme, l’hypocrisie, l’ignorance. […] Attendus que les efforts des francs-maçons ont été trois fois repoussés par ceux-là mêmes qui ont la prétention de représenter l’ordre, et que leur longue patience est épuisée, tous les francs-maçons et compagnons doivent prendre l’arme vengeresse et crier : « Frères debout ! Que les traîtres et les hypocrites soient châtiés. » […] Frères en maçonnerie et frères compagnons, nous n’avons plus à prendre d’autre résolution que celle de combattre et de couvrir de notre égide sacrée le côté du droit.
Sauvons Paris ! Sauvons la France ! Sauvons l’humanité ! […]
Vive la République ! Vivent les Communes de France fédérées avec celle de Paris ! »II. L’idéologie communarde : socialisme, anticléricalisme et décentralisation
● Quelques réalisations sociales
Le 19 avril, la Commune annonce son programme dans sa Déclaration au peuple français : « C’est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l’exploitation, de l’agiotage, des monopoles et des privilèges auxquels le prolétariat doit son servage. » Le Comité central adopte plusieurs mesures sociales dont la réduction de la journée de travail à 10 heures, la fin du travail de nuit dans les boulangeries, le rétablissement du moratoire des loyers et des effets de commerce, l’abolition des amendes patronales et des retenues sur salaire. La Commune procède à une réquisition des ateliers abandonnés par leurs patrons (assimilés à des déserteurs). Un cahier des charges avec indication de salaire minimum est institué. L’union libre est reconnue pour les hommes et les femmes.
● L’anticléricalisme communard
Le 24 mai 1871, à la Roquette, Mgr Darboy, l’abbé Deguerry, trois jésuites et le président de la Cour d’appel de Paris, Bonjean, sont exécutés par un peloton de volontaires.Pour les Communards, l’Église apparaît à tous points de vue dans le camp de la contre-révolution versaillaise. Cette haine anticléricale se manifeste par des humiliations à l’égard des membres du clergé revêtant plusieurs formes : parodies de culte ou vases sacrés utilisés comme des gobelets. Certains crimes sont imputés à l’Église comme ces ossements découverts à l’église Saint-Laurent que l’on interprète arbitrairement comme des restes de femmes violées puis assassinées par des prêtres. A partir du 24 mai, un certain nombre de clercs passent par les armes, à commencer par Mgr Daboy, archevêque de Paris et l’abbé Deguerry, ancien confesseur de l’impératrice Eugénie. Le décret du 2 avril 1871 de la Commune supprime le budget des Cultes et sépare l’Église de l’État. L’enseignement confessionnel est interdit, les signes religieux chrétiens sont retirés des salles de classe et les biens du clergé sont confisqués.
● La France des Communes
Si le Conseil compte une majorité de jacobins, les girondins et les internationalistes semblent être les plus influents. La Déclaration au peuple français proclame : « Nos ennemis se trompent ou trompent le pays quand ils accusent Paris de vouloir imposer sa volonté ou sa suprématie au reste de la nation, et de prétendre à une dictature qui serait un véritable attentat contre l’indépendance et la souveraineté des autres communes. Ils se trompent ou trompent le pays quand ils accusent Paris de poursuivre la destruction de l’unité française, constituée par la Révolution, aux acclamations de nos pères, accourus à la fête de la Fédération de tous les points de la vieille France. L’unité, telle qu’elle nous a été imposée jusqu’à ce jour par l’empire, la monarchie et le parlementarisme, n’est que la centralisation despotique, inintelligente, arbitraire ou onéreuse. »
Événement moins connu, des Communes naissent à Lyon (22 au 25 mars puis 30 avril et 1er mai) et à Marseille (du 22 mars au 4 avril), rapidement étouffées par Versailles. La Commune de Marseille écrit le 30 mars : « Nous voulons la décentralisation administrative, avec l’autonomie de la Commune, en confiant au conseil municipal élu de chaque grande cité les attributions administratives et municipales. » La Commune de Marseille est matée le 5 avril par le général Espivent, chargé de l’opération. Celui-ci écrit au ministre de la Guerre : « J’ai fait mon entrée triomphale dans la ville de Marseille avec mes troupes ; j’ai été beaucoup acclamé. […] Les délégués du comité révolutionnaire ont quitté la ville individuellement hier matin. » A Saint-Étienne, une Commune est également proclamée le 24 mars. Le préfet Lespée s’exclame que « la canaille ne lui fait pas peur » : l’ordre est ramené le 28 mars mais le préfet est capturé par le girondin Vitoire et mis à mort.
Autres villes qui connaissent des troubles : Bordeaux, Montpellier, Cette, Béziers, Clermont, Lunel, Marseillan, Marsillargues, Montbazin, Gigan, Maraussan, Abeilhan, Villeneuve-lès-Béziers, Thibery.
III. La Semaine sanglante (21-27 mai)
La destruction de l’Hôtel de Ville le 24 mai (image d’Epinal).Le 21 mai dans la soirée, les troupes versaillaises commandées par Mac-Mahon pénètrent par surprise dans Paris par la porte de Saint-Cloud et le Point-du-Jour. Le Nord et l’Est de la capitale sont tenus par les Prussiens qui assistent en spectateurs aux événements. A l’Ouest, les fédérés sont repoussés mais des barricades se hissent. Dans la soirée du 22, les troupes gouvernementales ont atteint la gare Saint-Lazare et Montparnasse. Le 23, Montmartre que les insurgés croyaient citadelle imprenable est reprise. Le 24, les troupes gouvernementales s’emparent du Panthéon. Le 25, l’ensemble de la rive gauche est contrôlée. Les derniers combats se jouent le 27 mai entre les tombes au cimetière du Père-Lachaise.
Pendant l’avancée versaillaise, les Communards incendient en représailles le palais des Tuileries (« repaire des rois »), le ministère des Finances, la Cour des Comptes et le Conseil d’État (nuit du 23 au 24 mai). Le 24, ce sont au tour de l’Hôtel de Ville, du Palais-Royal et du Palais de Justice de s’embraser. La cathédrale Notre-Dame de Paris est sauvée par l’intervention d’élèves infirmiers de l’Hôtel-Dieu. Le Louvre et ses collections sont sauvés in extremis par l’action des troupes du gouvernement (le feu allait se propager aux bâtiments). Mais il n’y a pas que des bâtiments qui ont disparu : les registres de l’état civil des Parisiens depuis le XVIe siècle, les archives hospitalières, 120 000 ouvrages de la bibliothèque de la Ville, 70 000 autres à la bibliothèque du palais, une centaine de tapisseries aux Gobelins.
La répression est impitoyable. Toute trace de poudre sur les mains vaut l’exécution. Le nombre de morts n’est pas connu mais les historiens s’accordent sur le chiffre de 20 000 communards tués durant la Semaine sanglante, contre un millier de morts pour les troupes versaillaises. 38 000 personnes sont arrêtées et jugées, 10 000 d’entre elles sont condamnées (93 à la peine de mort, dont 23 seulement sont effectivement exécutées ; 3500 à la déportation simple, 1200 à la déportation dans une enceinte fortifiée ; le reste est condamné à diverses peines de prison).
Bibliographie :
MICHEL, Louise. La Commune, Histoire et souvenirs. La Découverte, 1999.
ROUGERIE, Jacques. Paris insurgé, la Commune de 1871. Gallimard, 1995.
WINOCK, Michel. La fièvre hexagonale : les grandes crises politiques de 1871 à 1968. Points, 1999. -
Contre l'édifice du mondialisme et de la pensée unique
À l'heure de la crise économique mondiale qui est inséparable de la crise morale de l'Occident, deux livres d'aspect anodin arrivent à point nommé. Apparemment hors sujet tous les deux, puisqu'il s'agit, pour l'un, d'un recueil (inédit) d'essais de Chesterton datés de 1926 que les éditions de l'Homme nouveau viennent de publier sous le titre Plaidoyer pour une propriété anticapitaliste (1); pour l'autre, des actes de la XIXe université d'été de Renaissance catholique en juillet 2005 : La pensée unique (2).
Et pourtant, chacun à sa manière éclectique et diversement datée, ils disent déjà quasiment tout, d'une part des causes profondes de notre grande crise économique et de ses « enfers sociaux », d'autre part des effets intrinsèquement pervers de la crise morale liée à ce funeste économisme. Alors que Benoît XVI s'apprête aussi à publier sa grande encyclique sur la doctrine sociale de l'Église, on en a eu un aperçu spectaculaire lors de son récent voyage en Afrique. « Si le Pape a été si contesté, c'est qu'en quelques mots, il a déstabilisé l'édifice de la pensée unique qui s'impose à la planète », résume bien Mgr Bagnard .
◊ « Ce que je reproche au capitalisme, ce n'est pas qu'il y ait trop de capitalistes mais précisément qu'il n'y en ait pas assez », disait Chesterton. C'est tout le « distributisme » chestertonien, cher à Philippe Maxence, qui est (si l'on y réfléchit bien) le seul moyen politique de « moraliser le capitalisme » contre l'édifice malsain du mondialisme. Louis Salleron en a lui-même développé le principe en France, en prônant non seulement la diffusion de la propriété individuelle mais l'organisation de la diffusion de la propriété collective privée, comme rempart de liberté personnelle, facteur de justice sociale et de développement économique maîtrisé. La propriété est pour la personne « un besoin vital de l'âme » (Simone Weil) - et non la personne pour la propriété !
Nicolas Sarkozy a par exemple jugé inacceptable que « Laurence Parisot dise qu'elle n'a pas le désir d'évoquer le partage des profits ». Mais de la distribution de la propriété, selon le principe clef de la destination universelle des biens, il n'en aura jamais été question, comme remède politique et durable à cette crise (dont le G20 ne vient finalement que de «réguler» et renouveler virtuellement les tares). Or, note Philippe Maxence, « ce n'est pas une mince surprise de constater qu'en usant des mots qui sont les siens, Chesterton avait déjà pensé la crise de l'environnement, la faillite des banques, la perversité du système de la grande distribution, la destruction de l'agriculture » !
Et Louis Salleron qu'il faudrait aussi relire : « Parce que le capitalisme individualiste et libéral a privé de propriété un trop grand nombre d'individus, le communisme propose d'en priver tout le monde... Il est évident que la bonne solution est inverse: assurer la propriété à tout le monde. Patrimoine familial, patrimoine corporatif, patrimoine national et universel - voilà la vraie formule. L'argent ne fait obstacle à la propriété normale que si on le laisse évoluer en liberté. Mais rien n'est plus facile que d'assigner des règles à ses fantaisies. Le capitalisme n'a pris ce caractère odieux que parce qu'il est né et s'est développé dans une philosophie utilitariste. Un esprit nouveau et des structures modifiées peuvent parfaitement sauver les vérités qu'il contient en matière de propriété. » (Diffuser la propriété, NEL) .
◊ On ne peut servir deux maîtres à la fois : Dieu et Mammon. On passe ainsi de l'économie à sa religion nouvelle, en arrivant à la pensée unique qui prétend gérer « correctement » le « nouvel ordre mondial » à la manière de Babel, par un seul langage analogue à la novlangue d'Orwell : « Faisons des briques... Bâtissons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre ! » (Genèse XI). Il s'agit toujours de sauver et unifier l'homme sans Dieu, en se passant de sa loi (morale) naturelle, en donnant le primat à l'action sur la contemplation.
Onze historiens, journalistes, universitaires réunis par Renaissance catholique explorent les facettes (politiquement, moralement, religieusement, historiquement, économiquement, artistiquement correctes !) de cet impératif néo-totalitaire. Ils dénoncent paradoxalement, dans l'hégémonie de cette pensée unique, une dictature du relativisme née de la disparition de la vérité objective (sous la novlangue la confusion des mots et des idées !). Le laïcisme (ouvert ou fermé) est donc le cadre et même le temple (panthéon) de cette pensée unique. On pourrait dire de lui ce que disait le P. Molinié du pharisien : « C'est celui qui condamne la pensée de Dieu quand elle se présente trop nettement, parce que cette pensée condamne ses œuvres et sa propre pensée. Alors, mis au pied du mur, il est acculé à condamner Dieu pour ne pas céder ; c'est le péché contre le Saint-Esprit. »
RÉMI FONTAINE Présent du 8 avril 2009 -
Contre la désinformation : L'antidote Volkoff
« Plus un mensonge est gros, et plus les gens y croient », aurait un jour déclaré Joseph Goebbels. On peut reprocher de nombreux méfaits au ministre de la Propagande du IIIe Reich. On ne peut pas lui faire grief d'avoir manqué de franchise. Ce n'est pas le cas de tous ceux qui, depuis sa disparition, agissent le visage dissimulé sous le masque de la désinformation. À l'Est comme à l'Ouest.
Propagande. Publicité. Intoxication. Désinformation. Les quatre termes sont souvent utilisés comme s'ils recouvraient la même réalité. Or, s'ils peuvent être proches, ils ne se recoupent pas exactement Vladimir Volkoff, dans sa Petite histoire de la désinformation, du cheval de Troie à Internet (Editions du Rocher, 2003), a très bien démontré la différence existant entre ces quatre concepts.
Le mot propagande, qui date de 1689, vient de la formule latine congregatio de propadanda fide, « congrégation pour la propagation de la foi ». Il suppose la transmission d'une information à un public, information devant être salutaire pour lui et qui n'est pas perçue comme mensongère par l'informateur, mais au contraire comme l'expression de la seule vérité qui soit. À partir de 1792, la propagande est définie « comme, l'action exercée sur l'opinion pour l'amener à avoir certaines idées politiques et sociales, à vouloir et soutenir une politique, un gouvernement, un représentant ».
Le propre de la désinformation est de viser les foules
Sur le fondement de cette définition, l'action du docteur Goebbels mérite bien son nom. À travers les grandes messes païennes de Nuremberg, avec leurs étendards et leurs torches, les nazis prêchaient ouvertement l'adoration du Führer. La propagande s'exprime ainsi au grand jour. Elle ne dissimule pas son but. Elle affiche la couleur. Elle n'est pas sournoise. En ce sens, elle se distingue fondamentalement de la désinformation.
La publicité, qui est définie comme « le fait d'exercer une action psychologique sur le public à des fins commerciales », se rapproche de la propagande. Toutefois, celle-ci cherche à persuader, tandis que celle-là tente uniquement de séduire. Elle n'est pas non plus la désinformation car elle va droit au but. L'intoxication, quant à elle, peut être définie comme « une action insidieuse sur les esprits, tendant à accréditer certaines opinions, à démoraliser, à dérouter ». L'intoxication est une redoutable arme de guerre. Intoxiquer l'ennemi pour le prendre par surprise est une technique courante chez les stratèges.
Pierre Nord, alias le colonel André Brouillard du Deuxième Bureau, en a donné un bel exemple dans L'Intoxication (Rencontre, 1971). En 1943, les Alliés, qui ont déjà débarqué en Afrique du Nord, préparent l'invasion de la Sicile. Les Allemands les y attendent. Le choc risque d'être meurtrier. Les Américains vont alors les intoxiquer, en montant un stratagème, pour leur faire croire que leur action portera sur la Sardaigne et le Péloponnèse. Hitler tombe dans le panneau. Il concentre ses troupes sur ces deux lieux devenus stratégiques. Le 10 juillet, les Américains débarquent en Sicile sans difficulté. Pour Vladimir Volkoff, l'intoxication vise un groupe restreint de décideurs, comme un état-major. En revanche, la désinformation vise l'opinion publique.
Si Soljenitsyne a de l'écho, il faut le discréditer
Ces différences étant établies, Volkoff considère que la désinformation suppose trois éléments ; une manipulation de l'opinion publique, sinon ce serait de l'intoxication ; des moyens détournés, sinon ce serait de la propagande ; des fins politiques, sinon ce serait de la publicité. D'où la définition selon laquelle la désinformation est une manipulation « de l'opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés ». La désinformation ainsi définie, si elle est plus que jamais présente dans notre société de l'image, a connu son heure de gloire au cours de la guerre froide. Aux premières heures du 4 novembre 1956, un millier de chars soviétiques, soutenus par l'aviation, investissent Budapest. L'armée occupe bientôt tous les points stratégiques de la capitale hongroise. La radio du pays magyar, avant de tomber entre les mains des troupes d'occupation, a le temps d'adresser un appel au secours en direction de l'Occident incrédule et immobile : « Nous n'avons plus beaucoup de temps. Vous savez ce qui arrive. Aidez la nation hongroise, ses travailleurs, ses paysans et ses intellectuels. À l'aide ! À l'aide ! À l'aide ! » Qui s'est soulevé derrière le rideau de fer ? Le peuple ? Non, uniquement des réactionnaires. Des bourgeois. Des fascistes. La désinformation fonctionne. L'Occident ne bouge pas.
La machine à désinformer se mettra en marche à chacune des interventions militaires soviétiques survenues au cours de la guerre froide. Lorsqu'en 1980 l'Union soviétique entre en Afghanistan, Georges Marchais pourra, en toute sérénité, approuver le principe d'une «intervention» qui va se solder par des milliers de victimes et l'occupation d'un pays qui avait tout autant le droit qu'un autre à sa souveraineté. À chaque fois, l'Union soviétique, relayée en Occident par de puissants réseaux de désinformation, parviendra à banaliser ses aimes et tentera de discréditer ses adversaires, tel Alexandre Soljenitsyne, qui fit l'objet, en 1981, d'un ouvrage, signé d'un certain A. Flegon, au titre évocateur : Autour de Soljenitsyne et dont le but était de le faire passer pour antisémite.
Le communisme continue d'imprégner les esprits
Dernier exemple : le 1er septembre 1983, un Boeing sud-coréen est abattu par l'Urss. Celle-ci doit trouver une excuse à ce qui semble être une dramatique erreur. La campagne de désinformation se met en marche. Auprès de certains gogos occidentaux, l'opération est une réussite. Le 3 octobre, le premier ministre socialiste grec déclare que l'avion « exécutait une mission d'espionnage pour la CIA et avait violé l'espace aérien soviétique pour espionner certains objectifs ». Lorsque, le 9 février 1984, Youri Andropov, secrétaire général du parti communiste soviétique et ancien chef du KGB, s'éteindra, au Parlement européen, tous les députés, à la demande du ministre français des Relations extérieures, Claude Cheysson, observeront une minute de silence en sa mémoire. L'hommage des naïfs au virtuose ?
Nous pourrions multiplier les exemples à l'infini. La désinformation pendant la guerre froide a été telle qu'il n'est pas certain que les Soviétiques l'aient réellement perdue. À première vue, l'Occident a gagné. Militairement et économiquement. Mais intellectuellement, le communisme n'a-t-il pas triomphé ? Il est probable que oui. Même peur ceux qui le condamnent, le communisme demeure un mal relatif, lorsque le nazisme est à jamais catalogué comme le mal absolu. L'idée communiste reste une grande idée qui a été dévoyée, notamment par Staline. Les communistes repentis tiennent le haut du pavé. Ils ne sont plus communistes, mais ils ne regrettent rien. Ils y croyaient. Ils étaient jeunes. Ils avaient un bel idéal. Tentez de soutenir ces niaiseries en racontant que vous êtes un nazi repenti. Le résultat ne sera sans doute pas le même.
Les communistes, malgré les travaux de Stéphane Courtois, sont parvenus à faire oublier leurs méfaits. Cent millions de victimes. L'invention des camps de concentration. La déportation de populations. La torture pratiquée au cours des interrogatoires. La faillite économique des pays qu'ils ont dirigés. Le recours à la terreur. Le mensonge comme moyen de gouvernement. La pollution de pays entiers. Le nazisme, qui a fait moins de victime que le communisme, a été définitivement, et à juste titre, rejeté dans les poubelles de l'Histoire. Le communisme, lui, parade toujours sur le haut de l'estrade. Tel est le résultat de soixante-dix ans de désinformation.
« L'espoir des peuples occidentaux est d'apprendre à vivre sans s'en laisser compter », écrivait Volkoff en 1986, alors que l'Union soviétique paraissait pouvoir durer mille ans et était l'ennemi principal de tous les instants. Il ne croyait pas alors à la capacité des Américains de pratiquer la désinformation et donnait trois raisons à cela : l'impossibilité de mener une action sur les médias de l'ennemi (qui étaient, dans son esprit et dans le contexte historique, ceux du bloc soviétique contrôlés par un système totalitaire) ; l'« intention politique précise et ferme » (la formule est de Pierre Nord), qui, selon Volkoff, fait défaut de façon structurelle aux démocraties : le manque de temps (en raison des élections entraînant des changements de majorité) alors que la désinformation « nécessite une action prolongée, s'étendant sur plusieurs années au moins ».
Le premier obstacle ayant sauté, qu'en est-il des deux autres ? Les événements de ces dix ou quinze dernières années ont montré que, par-delà les scrutins et parfois contre eux, subsistaient dans les démocraties, et notamment dans la démocratie américaine, des appareils d'Etat qui, eux, ont tout le temps pour planifier, sont mus par une volonté « précise et ferme » et n'ignorent rien des techniques exposées par Volkoff, notamment dans sa préface à La Désinformation, arme de guerre (L'Age d'homme, 1986). « À condition qu'un temps suffisant soit accordé à l'opération et qu'un nombre suffisant d'individus "massifiés" aient été touchés, écrivait-il, l'opération se déroulera d'elle-même, grâce aux truchements subalternes qu'on appelle caisses de résonance », à savoir ceux qui, croyant propager de l'information, « colportent la désinformation ».
Le meilleur des mensonges est parfois la vérité
Depuis l'effondrement de l'« Empire du Mal », les Américains sont devenus, à leur tour, des mièvres en matière de désinformation. La manière dont ils ont vendu à l'opinion publique les deux guerres du Golfe et l'agression de la Serbie en constitue la plus belle illustration. À coup d'images tronquées, de faux témoignages et de rumeurs soigneusement entretenues, ils sont parvenus à construire deux épouvantails, Saddam Hussein et Slobodan Milosevic, dont l'élimination est devenue, dans l'inconscient de tous, une œuvre de salubrité publique. Même les Soviétiques, au temps de leur splendeur, n'étaient pas parvenus à une telle perfection dans le machiavélisme le plus sournois.
La désinformation étant devenue l'outil essentiel de la manipulation des foules, il est essentiel de conserver un esprit critique devant tout événement. Surtout s'il paraît évident. Anodin. Avéré. Car comme l'a dit l'écrivain américain Isaac Asimov : « The closer to the truth, the better the lie, and the truth itself, when it can be used, is the best lie. » « Plus un mensonge est proche de la vérité, plus il est efficace ; et la vérité elle-même, lorsque l'on peut en faire usage, est le meilleur des mensonges.. »
Thierry Normand Le Choc du Mois février 2007 -
Arnaud de LASSUS : CONNAISSANCE ÉLÉMENTAIRE DE LA FRANC-MAÇONNERIE
Fin connaisseur de la franc-maçonnerie, du judaïsme et de la doctrine sociale de l'Eglise, Arnaud de Lassus dirige depuis plusieurs décennies l'Action familiale et scolaire qui, dans ces différents domaines, propose à ses lecteurs une information étayée, des analyses solides, des références précises et une doctrine claire.
La quatrième édition, revue et augmentée, de la Connaissance élémentaire de la franc-maçonnerie devrait figurer dans toutes les bibliothèques tant elle donne, en moins de deux cents pages, une vision complète et actualisée de ce phénomène. Arnaud de Lassus, qui souligne, exemples, citations et références à l'appui, la place primordiale des frères dans les diverses institutions, rappelle fort opportunément l'origine de la franc-maçonnerie, en dresse un historique très éclairant, détaille par le menu les deux courants, rationaliste et occultiste, qui la composent. L'auteur s'attache également à montrer les objectifs de cette société secrète, son fonctionnement interne, ses modes d'action. Il ne cèle pas les liens nombreux et convergents entre la maçonnerie et le judaïsme dont l'organisation des B'nai B'rith est une parfaite illustration puisque ses membres sont obligatoirement israélites et maçons.
Arnaud de Lassus évoque également la lutte séculaire des loges contre l'Eglise catholique et constate que, si les papes ont toujours condamné de manière claire et ferme la maçonnerie au point d'excommunier tout baptisé qui s'affilierait à une loge, quelle qu'elle soit, depuis Vatican II en 1962-1965 et la promulgation en 1983 du nouveau code de droit canon, la discipline a considérablement changé sur ce point : l'excommunication a été levée par la nouvelle église œcuménique et mondialiste et la secte maçonnique n'est même plus nommée. Au reste, le cardinal Decourtray a été couronné en 1991 par le B'nai B'rith, organisation que Jean Paul II a souvent reçue au Vatican tandis que Benoît XVI décore de grands rabbins quand il ne se fait pas bénir par eux comme lors de son voyage au Brésil le 10 mai 2007.
Enfin l'auteur, après avoir développé les quelques points faibles de la maçonnerie (querelles de clans, rivalités et purges, absence de relations avec les supérieurs inconnus, ridicule des titres, grades, costumes et cérémonies, lenteur d'action du processus d'infiltration et surtout implication croissante dans des scandales financiers), donne des clés pour lutter efficacement contre ce phénomène subversif et mortifère : prier, mieux connaître la question et son importance, contre-attaquer intelligemment en refusant le libéralisme moral, philosophique et politique tant sur un plan personnel que familial et social et enfin avoir la passion du combat pour la vérité, le bien et la justice.
J. B. Rivarol du 14 mars 2008
189 pages, avec sept annexes, une copieuse bibliographie et un index très bien fait, 15 euros (AFS, 31 rue Rennequin, 75017 Paris. Tél.: 01-46-2233-32. Fax: 01-46-22-65-61). -
Condamnation d’Ante Gotovina, l’Union européenne impose sa loi à la Croatie (2011)
Le 16 avril dernier, près de 50.000 Croates se sont rassemblés sur la place Ban Jelacic, la plus grande de Zagreb, pour protester contre le verdict du Tribunal pénal international pour la Yougoslavie qui avait condamné, la veille, le « héros national » Ante Gotovina à 24 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Les manifestants, des anciens combattants, parfois en uniforme, des jeunes, parfois des familles entières, ont conspué le TPIY et l’Union européenne qui imposent leur loi à la Croatie et leur gouvernement qui trahit les intérêts nationaux.
De quoi était donc accusé Ante Gotovina ? Tout simplement d’avoir, en 1995, alors qu’il était général de division et commandant du district militaire de Split, organisé l’opération Tempête dont le but était de reprendre le contrôle de la région croate de Krajina au main de séparatistes Serbes depuis 1991. Cette « reconquête » militaire entraîna l’exil d’une partie de la population serbe, ainsi que de multiples destruction, quelques pillages et la mort de trente-deux civils… C’est pour ces « crimes », que dans d’autres circonstances on désigne sous l’appellation plus neutre de « dommages collatéraux », que Gotovina, qui n’était nullement sur le terrain mais qui supervisait les opérations depuis son état-major, fut poursuivi et vient d’être condamné.
Ceci serait tristement banal si l’affaire Ante Gotovina ne présentait pas une particularité singulière : ce Croate était aussi … Français, et qui plus est un discret serviteur de la France !
Pour comprendre ceci, un flash-back s’impose.
Nous sommes en 1973, Ante Gotovina a 18 ans et il choisit ce qu’il croit alors être la liberté : il quitte clandestinement la Yougoslavie communiste et « passe à l’Ouest ». Après quelques péripéties, il se retrouve en France où il décide de s’engager dans la Légion étrangère. Il est affecté au 2e REP et rejoint le groupe de commandos de recherche et d’action en profondeur. Après cinq ans de service, durant lesquels il participe à l’opération Kolwezi, son contrat avec la légion arrive à son terme. Il quitte donc l’uniforme, en 1979, et reçoit, en récompense de ses bons et loyaux services, la nationalité française.
Si, à partir de cette date, Gotovina n’appartient plus à l’armée française, il n’en continue pas moins de servir la France. Au REP, il s’est lié aux frères Erulin et donc à la DGSE pour laquelle il va travailler à l’international, assurant discrètement des missions de formation militaire en Amérique latine.
En 1990, c’est sans doute la DGSE qui lui demande de rentrer en Yougoslavie. Il y est « l’homme des Français » dans le camp croate. L’opération Tempête et la manière dont elle est menée, ne nuit d’ailleurs nullement à sa carrière et il est dans la foulée nommé général de corps d’armée, avant d’être de mars 1996 à septembre 2000 inspecteur général de l’armée croate.
Mais, en septembre 2000, le nouveau président de Croatie, Stjepan Mesic, pour favoriser l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne, demande la collaboration de l’armée avec le TPIY. Devant le refus d’Ante Gotovina, le président le raye des cadres et le met d’office à la retraite. Or Gotovina est alors très influent et très hostile à l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne. Chacun comprend qu’il peut jouer un rôle politique de premier plan et être le grain de sable dans la mécanique bien huilée de l’intégration de la Croatie. Il faut donc l’abattre. Tout d’abord, il est accusé de conspirer pour organiser un coup d’État, puis, en juin 2001, il est inculpé par le TPIY, accusé « de persécutions pour des motifs d’ordre politique, racial et religieux, de meurtre, de déplacement forcé de population, et de destructions sans motif de villes et villages »
Sentant que l’affaire tourne au vinaigre, l’ambassade de France à Zagreb s’empresse de fournir un passeport français au militaire, tandis que d’autres services se chargent de l’exfiltrer. De son côté, Interpol émet un mandat d’arrêt international en août et les États-Unis offrent une récompense de 5 millions de dollars pour sa capture. Une capture qui ne se produira que quatre ans plus tard, en Espagne, en décembre 2005. Entre temps, les frères d’armes de l’ombre de Gotovina auront organisé sa cavale.
L’émotion que soulève l’arrestation est grande en Croatie. 70.000 personnes manifestent à Split et un sondage d’opinion montre qu’Ante Gotovina a le soutien de 60 % de la population. Le cardinal-archevêque de Zagreb quant à lui accuse le TPIY d’être « politisé et à la solde des grandes puissances » et se dit convaincu de « l’innocence d’Ante Gotovina » alors que le Commissaire européen à l’élargissement, Olli Rehn, se félicite pour sa part de la capture et déclare qu’« un obstacle majeur a été levé à l’adhésion de la Croatie ».
Personne n’ayant intérêt à ce qu’elle fasse trop de remous trop tôt, l’instruction du procès Gotovina va durer cinq années pleines. Durant celle-ci, la France veilla soigneusement à faire oublier qu’elle avait tenté de mener une politique indépendante dans l’ex-Yougoslavie. En Croatie, par contre, Ante Gotovina n’a pas été oublié et il est devenu une figure de référence pour les mouvement nationalistes et anti-européens et la manifestation du 16 avril dernier montre bien son importance symbolique car elle équivaudrait en France, vu le rapport de population, à 650.000 personnes descendant dans les rues.
S’il est le plus célèbre des militaires ou civils, serbes ou croates, condamnés par le TPIY en raison des événement de Krajina, Ante Gotovina n’est pas le seul. Jugé en même temps que lui le général Mladen Markac a été lui-aussi lourdement condamné et cent soixante dix autres prévenus sont encore en attente de jugement pour la même affaire… Quand au fondateur de la République serbe de Krajina, Milan Babic, il s’est suicidé dans la cellule de La Haye où il attendait son procès. Quelque soit les actes que les uns et les autres, qu’ils soient Serbes ou Croates, aient commis ou ordonnés, on ne peut s’empêcher de penser que les humaniste de notre « justice internationale » leur font surtout payer le fait d’avoir été des hommes de conviction, animés par des valeurs qu’il faut faire disparaître - nationalisme, sens du devoir, virilité, engagement total, etc. – car elles sont incompatibles avec le monde que nous concocte l’Occident libéral.
C’est d’ailleurs ce qu’à très bien compris Ante Gotovina qui a été à l’initiative, après le décès de Slobodan Milosevic, d’une lettre de condoléances commune des prisonniers serbes et croates du TPIY de La Haye, une manière d’affirmer clairement que s’ils avaient été adversaires, ils n’avaient jamais été des ennemis.
Loic Baudoin http://www.voxnr.com/