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culture et histoire - Page 1967

  • La légende d'Ungern, le dernier général Blanc

    Wrangel (célèbre général de l'armée blanche, commandant en chef des armées du Sud), qui l'eut sous ses ordres durant la Guerre mondiale, a dit de lui : « Les hommes de sa trempe sont inappréciables en temps de guerre et impossibles en temps de paix ». Pour le baron Ungern, c'est toujours la guerre. Cadet du tsar, mercenaire en Mongolie, officier de cosaques en compagnie du futur ataman (chef des cosaques) Séménov en 1914, petit, malingre, il possède une santé de fer et une énergie farouche, mais son style n'est pas celui d'un officier traditionnel. « Débraillé, sale — dit Wrangel —, il dort sur le plancher parmi les cosaques, mange à la gamelle. Des contrastes singuliers se rencontraient en lui : un esprit original, perspicace, et, en même temps, un manque étonnant de culture, un horizon borné à l'extrême, une timidité sauvage, une furie sans frein, une prodigalité sans bornes et un manque de besoins exceptionnel ».

    Avec un tel tempérament, une belle carrière s'offrait à lui dans la première Armée rouge. Pourtant, quelque chose l'a retenu. Le hasard peut-être. À moins que ce ne soit son indépendance, rebelle à tout carcan. […] De surcroît, contrairement à un Toukhatchevski (bien qu'étant issu d'une famille noble, ce militaire a adhéré au parti bolchévique), Ungern n'est pas en révolte contre sa caste. Il est crasseux et débraillé, mais il tient à son titre de baron. C'est d'ailleurs ainsi que ses hommes l'appellent « le baron ». Ce marginal est une bête de guerre, ennemi des conventions, mais fidèle à lui-même et à son passé. Son biographe, Jean Mabire, place dans sa bouche ces paroles qui résument son choix : « Le désespoir est aussi menteur que l'espérance. Il n'y qu'une chose qui compte : devenir ce que l'on est et faire ce que l'on doit ».

    Cet homme porte au front le signe de la légende, Wrangel l'avait noté : « C'est un véritable héros de romans de Mayne-Reid ». Mais avant de devenir un héros de fictions et même de bandes dessinées, il avait inspiré plus d'une histoire folle que l'on colportait déjà sur lui, en Sibérie ou en Mandchourie, au temps de ses aventures.

    « Il arrivait au baron Unger-Stenberg de faire boire ses officiers et d'abattre ceux qui, ne pouvant supporter la même dose d'alcool que lui, tombaient ivres », rapporte le Dr Georges Montandon, à l'époque sympathisant bolchévique et délégué de la Croix-Rouge française en Sibérie. Fable qui valut au médecin-mémorialiste une cinglante réplique d'un correspondant de guerre français, présent en Sibérie à la même époque :

    « À moins que M. Montandon, per impossibile, ne nous donne des preuves irréfutables de ce qu'il avance, je matiens qu'il a enregistré ici, comme d'ailleurs si souvent dans son livre, une des ridicules inventions qu'on colportait en Sibérie. Quiconque a fréquenté les milieux des officiers gardes blanches en Sibérie en conviendra. Ceux-ci se conduisent souvent envers les civils avec un scandaleux manque de scrupules, mais leurs relations mutuelles étaient généralement empreintes de camaraderie et même d'honneur. Ce trait leur est d'ailleurs commun avec les pires bandes blanches de brigands. Quand, en décembre 1919, Séménov fit éxécuter, pour la première fois, quelques officiers pour indiscipline, la surprise et la fureur furent générales. Plusieurs Séménovsty me dirent "que l’ataman devait prendre garde, et qu'on pourrait bien lui préférer un chef plus important et qui, en toutes circonstances, protégeait ses subordonnés". Ce fut von Ungern-Sternberg, officier d'ancien régime, brave, dur, mais équitable envers ses troupes. Et c'est de ce général, vivant parmis ses officiers, partageant avec eux les mœurs et habitudes héritées de l'ancien régime, que M. Montandon veut nous faire croire qu'il a pu impunément tuer des camarades pour la seule raison d'avoir succombé à l'ivresse, c'est-à-dire pour une faiblesse que tous ces officiers étaient habitués à considérer plutôt comme la conclusion naturelle d'une orgie, que comme une inconvenance ? »

    Un tempérament frugal et aventureux

    Roman Feodorovitch von Ungern-Sternberg est né, pense-t-on, à Reval, en Estonie, le 29 décembre 1885, dans l'une des 4 familles baltes que l'on appelait les « Quatre de la Main réunie », les Ungern, les Uxkull, les Tisenhausen et les Rosen. Le nom des Ungern remonte au moins au XIIIe siècle quand les chevaliers teutoniques viennent se fixer en Courlande. Un des généraux de la Grande Catherine était un Ungern-Sternberg. Beaucoup d'autres hommes de guerre ont illustré cette lignée.

    Accepté au corps des Cadets de Saint-Pétersbourg en 1903, le jeune Roman veut s'engager quand éclate l'année suivante la guerre de Mandchourie (nom d'un vaste territoire au nord-est de l'Asie, dont la plus vaste extension couvre le nord-est de la Chine et l'est de la Russie sur l'océan Pacifique) au Japon. Le règlement des Cadets l'interdit, mais il se fait exclure et peut ainsi se joindre au 91e Régiment d'infanterie. Il découvre l'excitation d'une guerre qui n'est pourtant ni fraîche ni joyeuse. Il découvre aussi les sortilèges de l'Asie. Il ne cessera plus d'en rêver. Admis à l'École d'officiers d'infanterie Paul Ier, il en sort en 1909 avec son brevet en poche. Il s'ennuie en garnison, part en Sibérie avec un régiment de cosaques, se querelle après avoir bu avec un autre officier, ce qui lui vaut un coup de sabre sur la tête. Les mauvaises langues disent qu'il ne s'en est jamais tout à fait remis.

    Voulant retourner en Russie, il se décide à faire le trajet Vladivostock-Kharbine à cheval. Il plaque son régiment, se met en selle, siffle son chien et part, un fusil de chasse pour tout bagage. Se nourrissant du produit de la chasse, couchant à la belle étoile, il met une année entière pour parvenir à Kharbine. Autant dire qu'il a pris le chemin des écoliers aventureux. Sur place, il apprend qu'une guerre a éclaté entre les Chinois et les Mongols. Il remonte à cheval, pénètre en Mongolie et offre ses services. « Et le voilà chef de toute la cavalerie mongole ». C'est du moins ce qu'assure Wrangel dans son portrait coloré du baron, ce qui semble fort douteux.

    En 1913, Ungern est bien en Mongolie, mais pas en qualité de chef de la cavalerie. Il loue ses services à un ethnologue russe, Burdukov, qui parle de lui dans ses souvenirs : « Il avait le regard glacé d'un maniaque ». Peut-être, mais quel talent pour se retrouver dans les dangers de la steppe ! Partant d'Ourga (auj. Oulan-Bator), ils ont voyagé à cheval toute la nuit. Leur guide les égare. Ungern commence par le roser à coups de fouet, puis il prend la tête de la colonne pour traverser le marais. Avec une adresse incroyable, il repère dans l'obscurité un passage permettant aux chevaux d'avancer. Ayant atteint l'autre rive, Ungern hume l'air à la manière d'un chien de chasse. Un peu plus tard, humant toujours, il parvient à un campement de nomades qui leur donnent l'hospitalité.

    Vient la guerre mondiale. Il rejoint le régiment Nertchinsk des cosaques de l'Oussouri, que commandera Wrangel en 1916. Il y fait la connaissance de Séménov, un peu plus jeune que lui. Plusieurs fois blessé, décoré de la croix de Saint-Georges, il est, à la fin de 1914, capitaine en premier et commande un escadron.

    En 1917, le régiment se trouve en Transbaïkalie (région montagneuse à l'est du lac Baïkal). Il y est surpris par la révolution d'Octobre. Séménov prend le maquis en Mandchourie avec une partie de ses cosaques. Ungern le suit comme chef d'état-major. La grande aventure commence. Raids sur Mandchouria d'où sont chassés les bolchéviks, coup de main sur Karinskaïa, création du « gouvernement provisoire de Transbaïkalie » à Tchita. Soutien discret mais très efficace des Japonais, nous avons déjà raconté cela.

    Division de cavalerie asiatique et Grande Mongolie

    Le 28 février 1919, Ungern participe à une conférence entre les atamans cosaques, les Japonais, des autonomistes bouriates et des nationalistes mongols. Dans les fumées de la vodka, l'idée est lancée de créer une Grande Mongolie, du lac Baïkal au Tibet. S'intéressant à cette idée qui pouvait permettre de contrer l'influence chinoise, les Japonais vont lui apporter leur soutien. Un illustre bouddha de Mongolie inférieure est mis à la tête de l'État en création et Ungern est nommé chef de la « Division de cavalerie asiatique ».

    Le gouvernement de Pékin et celui de l'amiral Koltchak (chef suprême des armées blanches de novembre 1918 à sa mort en 1920, qui instaura un gouvernement militaire en Sibérie) sont hostiles à cette initiative et font pression sur le bogd (prince royal) d'Ourga qui finit par se récuser. En novembre 1919, un seigneur de la guerre chinois, le général Hsü, arrivé à Ourga avec 10.000 hommes comme « pacificateur de la Mongolie ». Il abolit l'autonomie mongole et signifie aux indigènes qu'ils sont désormais soumis à l'autorité de Pékin. Ce coup de force déchaîne par réaction un grand mouvement de nationalisme mongol. Quelques jeunes gens dirigés par un certain Soukhé Bator, qui ont constitué une société secrète, prennent contact avec les bolchéviks qui les assurent de leur appui.

    Entre-temps, la Sibérie blanche de l'amiral Koltchak s'est effondrée sous les coups de l'armée rouge et de ses propres contradictions. Ignominieusement abandonné par les Alliés (principalement les Français et les Britanniques), l'amiral est fusillé le 7 février 1920. Les rescapés de son armée se sont dispersés en Mandchourie. Certains rejoindront Vladivostok et l'Europe, d'autres resteront en Mandchourie et iront même en Chine. Quelques-uns se joindront aux bandes de Séménov.

    Placée sous l'attention vigilante des Japonais, la Transbaïkalie échappe en partie à l'autorité de Moscou qui accepte en avril 1920 la création d'un « État-tampon », la République d'extrême-Orient. Les Japonais tentent de mettre Séménov à sa tête. Mais les partisans rouges qui forment des bandes puissantes passent à l'offensive. L’ataman est contraint de fuir Tchita vers la Mandchourie à l'automne 1920.

    C'est à ce moment qu'Ungern, prévoyant que son camarade ne pourra tenir face aux Rouges, a pris le parti de s'enfoncer en direction de la Mongolie à la tête de ses troupes personnelles, cette « Division de cavalerie asiatique » initialement créée avec l'appui des Japonais. On lui impute d'avoir exterminé en cours de route la population de plusieurs villages réputés "rouges". Mais les confins de la Sibérie, à cette époque, ne sont pas à un massacre près. En mars 1920, par exemple, la garnison japonaise de Nikolaevsk, à l'embouchure de l'Amour, et une bonne partie des civils ont été massacrés par les partisans rouges. Il y eut 700 morts parmi les Japonais et plus de 6.000 hommes, femmes et enfants parmi les civils, abattus sur ordre de Triapitsyne, le chef des partisans.

    « L'un de ses ordres prescrivait de tuer tout les enfants de plus de cinq ans, qui, autrement, pourraient garder des souvenirs et nourrir des idées de vengeance. Le chef d'état-major de Triapitsyne, qui était aussi sa maîtresse, Nina Lebedeva, une communiste de 25 ans, était censée veiller à ce que les partisans de Nikolaevsk agissent conformément à la politique soviétique ; caracolant sur son cheval, armée jusqu'aux dents et généralement habillée de cuir rouge, c'était un personnage de mélodrame. Quand une expédition punitive japonaise apparut sur les lieux, Triapitsyne rasa Nikolaevsk et se retira à l'intérieur du pays, où ses partisans, écœurés, bien qu'un peu tard, par ses cruautés, l'arrêtèrent. Lui, Nina et quelques-uns de ses acolytes les plus vils furent exécutés, après un jugement sommaire ».

    Dès qu'ils apprennent qu'Ungern est entré en Mongolie, les bolchéviks accentuent leur soutien aux jeunes révolutionnaires mongols de Soukhé Bator (le « petit Staline ») qui reçoivent une instruction politique et militaire à Irkoutsk. Ils seront bientôt envoyés à la frontière mongole avec des armes et des conseillers soviétiques.

    Ungern lui-même est accueilli en libérateur. De nombreux princes mongols voient en lui celui qui peut libérer le pays de l'occupation chinoise. L'un d'eux, Tsevenn devient même le commandant en chef des troupes mongoles d'Ungern. Celui-ci semble être partout. On signale sa présence simultanément en plusieurs points éloignés du territoire.

    À la fin du mois d'octobre 1920, il lance une première offensive sur Ourga pour en chasser les Chinois. Il dispose alors, semble-t-il, de 2.000 hommes de toutes origines, dont 800 cosaques. Les forces chinoises sont cinq fois plus nombreuses et l'attaque est repoussée. Mettant l'hiver à profit pour renforcer ses troupes, il s'empare aussi de la personne du bogd, par un coup d'audace, et l'emmène sous bonne escorte au monastère de la Montagne Sacrée.

    La deuxième offensive d'Ungern, en janvier 1921, prend les Chinois par surprise. Après quelques jours de combat, Ourga est prise le 2 février dans une orgie de sang. Tout ceux qui sont soupçonnés de sympathie bolchéviques sont exécutés. Le baron rétablit le bogd sur son trône, et se fait accorder les pleins pouvoirs. D'autorité, il recrute les Russes antibolchéviques réfugiés à Ourga dans son armée. Un peu inquiet des débordements de son protecteur, le bogd finira par demander à Pékin d'être libéré du « baron fou ».

    Mort du dernier général Blanc

    De leur côté, les bolchéviks tentent d'obtenir une intervention chinoise contre Ungern. Un rapport du capitaine japonais Sassaki explique l'inquiétude des bolchéviks :

    « Bien que les troupes d'Ungern soient insuffisantes pour renverser la République d'extrême-Orient, leur présence obligerait cette dernière à déployer constamment toute son armée le long de la frontière mongole. Par ailleurs, si un important mouvement antibolchévique venait à naître en Extrême-Orient, Ungern, avec ses troupes, pourrait créer la secousse initiale qui préluderait à l'écroulement de la République et à l'ébranlement des fondations de la Russie soviétique ».

    C'est bien ce que craignent Lénine et les dirigeants bolchéviques qui décident d'intervenir en force. Au printemps 1921, les partisans de Soukhé Bator sont moins de 500. C'est suffisant pour s'emparer de Khiagt, une bourgade où ils fondent aussitôt un « gouvernement populaire provisoire de Mongolie ». Suivant un schéma déjà utilisé plusieurs fois en Ukraine et dans les Pays Baltes, ce "gouvernement" fait appel au grand frère soviétique qui expédie ses forces armées sous une apparence légale.

    Le 21 mai, Ungern quitte Ourga à la tête de son armée. Son intention est de passer à l'offensive vers le nord en direction de la Transbaïkalie. Il escompte un soulèvement antibolchévique dans l'Oussouri. On signale en effet plusieurs guérillas antibolchéviques dans les provinces maritimes. L'armée réunie par Ungern compte semble-t-il 10.000 hommes. Se lancer à l'assaut de la Sibérie rouge avec une telle force relève pour le moins de la témérité.

    Le 12 juin, Ungern attaque Troitskosavsk que défendent des troupes soviétiques beaucoup plus nombreuses. À la suite d'une journée indécise, le baron se replie en Mongolie, ayant essuyé de lourdes pertes. Les troupes soviétiques pénètrent en Mongolie pour lui faire la chasse. L'armée rouge d'Extrême-Orient compte 78.000 hommes. Les troupes d'intervention sont commandées par Rokossovski, un excellent chef militaire. Ungern disperse ses troupes en petits détachements et fait le vide devant l'envahisseur, ne cherchant pas à défendre Ourga qui occupée par l'armée rouge le 11 juillet. Par un vaste mouvement tournant, il vient attaquer les arrières des Rouges. Le 24 juillet, il pénètre en territoire soviétique. Ayant subi un nouveau revers en aôut, il se retire vers le sud, échappant par miracle à l'encerclement, pendant que ses poursuivants s'entretuent…

    Il reste insaisissable, toujours bouillonnant d'idées. Mais son escorte est fourbue. Ses hommes sont démoralisés. Une nuit, ses propres cosaques attaquent sa tente. Profitant de l'obscurité, il saute sur un cheval et parvient à fuir. Cette fois, il est seul, ce qui ne l'effraie pas. Il en a vu d'autres. D'ailleurs les Rouges ont perdu sa trace.

    Un prince mongol, Sundui, qui lui est resté apparemment fidèle, le rejoint. Le baron est toujours sur ses gardes, la main sur le révolver. Un jour, profitant d'un instant de distraction, les hommes de Sundui le jettent à bas de son cheval et parviennent à le ligoter. Peu après, Sundui le livrera à Rokossovski.

    Sous bonne garde, Ungern est conduit à Novonikolaïevsk (future Novossibirsk). Condamné d'avance (1), il est fusillé le 17 septembre 1921. Ainsi disparaît le dernier général blanc, ce « baron fou » qui croyait à un axe entre l'Extrême-Orient et l'Extrême-Occident. Ce qui montre que, dans sa "folie", l'audacieux baron était en avance sur son temps.

    ► Dominique Venner, extrait de : Les Blancs et les Rouges : histoire de la guerre civile russe, 1917-1921, Pygmalion, 1997, p. 314-320.  

    Notes :

    1. Au cours de la séance du Politburo du 27 août 1921, Lénine fit une proposition aussitôt acceptée : « Mener un procès public à une vitesse maximum et le fusiller aussitôt »
  • Une jeunesse militante...

    Je n’ai que deux souvenirs de Mai 68 : l’image aperçue à la télévision (en noir et blanc) d’une façade d’immeuble léchée par les flammes d’une barricade en feu et un barrage de manifestants à la sortie de Dinan, devant une usine sans doute occupée, qui tapaient joyeusement sur le capot de la R16 familiale avec le plat de la main… Mais les années qui suivirent furent celles de mon ébauche de réflexion politique puis de mon engagement militant, d’abord hésitant et surtout anticommuniste (le communisme était encore, à l’époque, une opinion courante…), puis enfin royaliste, définitivement, à partir de l’été 19

    Le film « Après Mai », sur les écrans depuis quelques jours et qui retrace le parcours de quelques lycéens gauchistes au début des années 70, ne m’a pas vraiment surpris et je l’ai vu comme un bon résumé du parcours de nombreux jeunes engagés politiquement, qu’ils soient, d’ailleurs, d’extrême-gauche ou d’autres obédiences ! Oui, notre jeunesse fut « folle », et militante, éminemment « intellectuelle et violente » selon la formule de Maurras, en fait passionnée, dirait-on aujourd'hui ! Quand Olivier Assayas, l’auteur du film, était mao ou je ne sais quoi, j'étais tout aussi révolutionnaire, mais nationaliste et royaliste, et nous, nous aussi, de l’autre côté de la barricade, voulions changer le monde, mais aussi restaurer la monarchie, sauver la France dont, comme l'écrivait Bernanos, le monde avait besoin... Nous couvrions les murs de slogans, de fleurs de lys : en une nuit du printemps 84, nous avons usé 17 bombes de peinture ! Certains de nos slogans couvraient une cinquantaine de mètres de mur, à Villejean ou à Beaulieu, à Sciences éco., place Hoche (déjà !) ! Nous sautions par dessus les murs des lycées (Jean-Macé, Chateaubriand, et j’en oublie !) et des facs, affirmant en lettres gigantesques que « Marianne n’aime personne mais elle b... tout le monde » ou déclarant, dans un style très doctrinal « Pour l’auto-organisation des peuples de France sous l’arbitrage d’un exécutif héréditaire et successible : le Roi ! » (si, si, je l’ai écrit !), nous élevions des barricades rue d'Estrées un soir de mai 83 et nous passions notre temps à courir, à crier, à haranguer, parfois à nous battre pour protéger « notre » point de vente, sur le marché des Lices ou place de la Mairie... Ça ne s'arrêtait jamais, nous tenions meeting à la Maison du Champ de Mars ou nous faisions des manifestations (y compris de nuit) en criant « Monarchie populaire », nous affichions sur les grandes baies vitrées de Villejean parfois toutes les nuits ! Chaque soir ou presque, j’écrivais un nouveau texte de tract que je photocopiais le lendemain matin avant de l’afficher sur les panneaux de la Fac de Droit ou dans les couloirs de celle d’Histoire, ou que nous distribuions sur les tables du Restaurant Universitaire de Villejean avant que les étudiants ne s’installent pour manger ! Lors des grèves ou des Assemblées générales étudiantes, nous prenions la parole, parfois sous les huées et les insultes, mais j’avoue que je n’avais pas du tout peur, grisé par cette ambiance électrique et houleuse dans laquelle je me sentais vivre pour convaincre autrui ! C'était fou, et c'était bon ! Et on clamait « vive le roi » sur le marché des Lices quand les « autres » nous chargeaient, à dix contre un ! Il m’est arrivé de me retrouver ensanglanté, le nez sur le trottoir… Oui, c'était notre jeunesse, et c'était les plus belles années de ma vie : cela valait le coup de vivre cette folle jeunesse militante, j'en ai encore des souvenirs plein la tête et, surtout, plein le coeur... 

    Il me faudra écrire, un jour, sur ces années militantes, principalement rennaises, et qui m’ont fait ce que je suis et ce que je suis resté, envers et contre tout, même si les formes ont parfois changé et que les enjeux ne sont plus forcément les mêmes.

    Les années ont passé… Le roi n’est pas là, c’est vrai, et il tarde à venir, mais, plus que jamais, le combat royaliste me semble opportun, parfois sur des chantiers idéologiques nouveaux, en appliquant aussi la formule maurrassienne de « la tradition critique », nécessaire pour éviter les erreurs, voire les errements d’une autre époque qui ont tant coûté au royalisme français, parfois à son honneur, souvent à sa crédibilité et à son efficacité…

    Ce qui est certain, c’est que c’est bien au contact des autres, les tracts à la main ou lors des débats dans la rue ou sur la Toile, que le royalisme est visible, et qu’il a des chances de prouver qu’il est crédible : la recherche intellectuelle et l’attention portée aux enjeux de notre temps ; la discussion argumentée avec autrui, sympathisant, adversaire ou simple curieux ; l’action militante « par tous les moyens même légaux », sont nécessaires pour faire advenir cette monarchie qui n’est pas un « sceptre magique » mais le moyen institutionnel « le moins mauvais » pour assurer la pérennité de notre Etat et de la France comme nation historique et éminemment politique. Difficile ? Lointaine ? Sans doute…

    Mais, au moins, la faire connaître et la rendre possible, et, si ce n’est pour nous, pour les générations à venir qui pourraient bien, d’ailleurs, retrouver l’élan et l’ardeur de « notre jeunesse », celle qui ne m’a, en définitive, jamais quitté…

    http://jpchauvin.typepad.fr/

  • La France, fille aînée de la franc-maçonnerie ?

    Première partie – Par Simone Choule

    Comme l’immobilier ou les néo-réacs, ce sujet fait un bon marronnier dans la presse, la franc-maçonnerie ayant tout pour séduire : prétendue secrète, organisation impalpable et orientant en coulisses certaines orientations politiques... Les deux erreurs principales à ne jamais faire concernant la maçonnerie étant pour un journaliste : de la voir partout et la voir nulle part. Mais aujourd’hui, alors que près de huit magazines hebdomadaires consacrent une fois l’an leur couverture à ce sujet, comment évaluer ses idées et faire un bilan historique de son action, si elle doit rester secrète, et surtout : quel avenir pour ce club très privé ?

    Histoire d’un réseau

    La Franc-maçonnerie naît le 24 juin 1717 en Grande-Bretagne, et devient rapidement à la mode, surtout chez les bourgeois et les marchands. De plus en plus de hautes personnalités nobles y adhèrent ou sont cooptées. En 1723, les premiers maçons s’installent en France, soutenus par des budgets anglais, et 1725 marque la naissance officielle de ce mouvement à Paris. Il se centralise autour du rite écossais, rituel prétendant remonter aux cathédrales mais se sachant mythologique et faux (nulle preuve n’est apportée par la maçonnerie ; en fait ce goût du prestige par la filiation est un calque de la noblesse d’épée pour en singer le prestige).

    La loge est le lieu où l’on pratique le rituel, faisant référence aux loges des maçons qui construisaient les cathédrales et avaient un lieu où se rassasier après une journée de chantier. La loge n’a aucune fenêtre pour faire passer la lumière et est décorée de quincaillerie ésotérique, cosmologique et l’entrée pour le profane s’y fait par parrainage et initiation, par des serments impliquant jusqu’à la vie de ce dernier, pour un secret qu’il ne connaît pas, secret qui ne se dévoile aux derniers degrés de la hiérarchie. Hiérarchie divisée en trois grades : apprenti, compagnon et maître, puis les hauts ateliers où l’on compte jusqu’à 33 degrés sans qu’aucun maçon ne sache ce qui se passe dans le degré supérieur (comme dans la Scientologie ou la secte du Forum Landmark). Si un maçon rechigne à exécuter les ordres venant d’en haut, on lui rappellera que c’est le prix à payer pour pouvoir bénéficier le moment venu de la solidarité des « frères trois points ».

    La noblesse de l’époque (sous Louis XV puis Louis XVI) n’y voit qu’un club « philanthropique » organisant bals et dîners, voire parties fines. Cette noblesse est cependant très occupée par le pouvoir d’un parlement de plus en plus séditieux avec le Roi, parlement assujetti aux idées encyclopédistes dominatrices de cette époque qui installeront les conditions favorables à l’insurrection populaire de la fin du règne des Bourbons (réformes de Turgot, montée du prix du pain, libéralisme « voltairien » montant). Mais il est étonnant de constater que dans le mouvement de la Révolution française, absolument tous les acteurs sont maçons (Maurice Talmeyr en fait la liste) et bien que la France ne veuille changer ni de régime ni de religion – ce qui n’est dans aucun des cahiers de doléances à cette époque –, elle se retrouvera avec un roi décapité et des églises saccagées.

    Des loges d’agitateurs – frères insinuants, frères scrutateurs – sont instituées pour accélérer le mouvement révolutionnaire (dont le slogan était « liberté, égalité, ou la mort ! », la « fraternité » arrivera plus tard on l’espère) qui ne sont apparues qu’en 1787 : crocheteurs, portefaix, rôdeurs, flotteurs de bois, tapes-durs, brigands de rue ou de grand chemin, assassins et malfaiteurs de profession entrent pour y devenir des émeutiers actifs auprès de ceux qui veulent renverser le Roi.

    Un grand nombre de soldats sont recrutés (avec toujours la promesse de carriérisme qu’un tel club implique) et telle une pièce bien répétée et contrevenante aux intentions réelles du peuple de France, produit ainsi : l’apparition du club des Jacobins, du club de propagande, les incendies des châteaux, les paniques de la province, les journées d’Octobre, le 20 juin, le 10 Août, les massacres de Septembre, l’emprisonnement du Roi, sa condamnation et sa mort.

    Derrière la maçonnerie (ou au 33e degré) l’illuminisme d’Adam Weishaupt : quelques cérémonies où l’on verse dans le macabre (toute loge a son squelette) allant jusqu’à répéter la vengeance des templiers à l’égard de Philippe le Bel. Les régicides de Louis XVI et du roi de Suède auraient été répétés dès 1785 et le président du Parlement (M. Maire de Bouligney) et l’inspecteur des Postes (M. de Reymond) ainsi que M. Leroy, comte de Virieu, témoignent tous qu’ils auraient été choqués et écœurés de ces appels au meurtre au sein de ces loges de haut degré.

    Une presse poussant l’opinion à l’insurrection et à l’émeute permanente, (L’Ami du Peuple) entre les mains de ces jacobins, et Lafayette, un autre initié, à la tête de la garde nationale pour « encadrer » cela, toujours au service des mêmes. Ceux qui essaieront la sédition seront broyés, et l’on façonnera l’opinion en instrumentalisant le patriotisme de manière à faire passer toute contre-révolution comme étant une attaque du parti de l’étranger (entrainant ainsi une série de guerres civiles malvenues). Parti de l’étranger ? Pour un Rotary d’origine outre-manche et se référant au temple de Salomon, c’était plutôt gonflé.

    Le plus connu de ces épisodes maçonniques prévus dans les loges reste la dite « prise » de la Bastille, évènement sans aucune gloire selon tous les historiens sérieux, mais surtout opération immobilière impliquant Pierre François Palloy, prévenu dans la nuit du 13 au 14 de l’assaut du lendemain. Une heure après la saisie des canons à De Launey et après avoir joué avec sa tête aux Invalides, 400 hommes montrent leur silhouette dans le quartier armés d’une pioche, et payés 26 sous (environ 4 euros). L’on a retrouvé les papiers de l’entreprise avec une note griffonnée de Palloy lui-même, stressé : « Il fallait équiper 700 hommes, j’ai failli manquer de pelles et de pioches. » Les pierres de la Bastille servirent à la construction du pont de la Concorde et à du merchandising révolutionnaire (pierre taillées en forme de mini Bastille). Le couronnement de tout cela s’est fait par un symbole maçonnique, place de la Bastille, où un petit « génie » ou « Porteur de Lumière » surmonte aujourd’hui le monument au centre la place, marquant définitivement l’influence maçonnique pour l’Histoire dans ce symbole révolutionnaire.

    Sous la IIIe République, la maçonnerie revient encore plus puissante (l’Empire et les monarchies constitutionnelles, par leur centralisation d’un exécutif fort, freine ces corps intermédiaires qui s’immiscent dans tous les corps de pouvoir) et impose la laïcité. Dès 1900, la république maçonnique radicale a été concurrencée par le socialisme marxiste léniniste qui voyait en elle une classe petite bourgeoise à l’humanisme désuet, contraire à la vision scientifique marxiste (le socialisme utopique de Léon Bourgeois, moqué dans le Manifeste du parti communiste). Il était notamment interdit à toute personne du parti d’entrer en loge jusqu’au début des années Mitterrand. La Seconde Guerre mondiale ayant créé une parenthèse où le pouvoir français, sous tutelle allemande, s’affranchissait de son influence jusqu’en 1944.

    La GLNF [Grande Loge nationale de France, ndlr] vivote jusque dans les années 60 mais bénéficie d’un coup de fouet significatif sitôt que l’OTAN installe son siège à Paris en 1952 : à partir de là, les demandes de l’obédience affluent et le succès est tel que Frédéric Zeller, Maître du Grand Orient de France, dira qu’elle n’a jamais été aussi puissante. Mégalomanie ? Orgueil démesuré ? En tout cas de plus en plus de carrières dans les administrations, mairies, conseils régionaux ou généraux, entreprises publiques ne se font plus seulement sur les qualités objectives de compétence mais sur l’obédience à ces réseaux (place Beauvau, un commissaire sur deux est franc-maçon). Depuis la fin du bloc communiste, et la ringardisation du communisme, la maçonnerie a retrouvé une nouvelle jeunesse : le solidarisme revenu au XXe siècle est promu par Vincent Peillon au sein de son parti, par exemple.

    La maçonnerie contraire à la démocratie ?

    On savait que la maçonnerie tient en détestation la France catholique et monarchique dont elle a été la subversion – son Histoire le prouve par les actes commis – et lui préfère notamment l’abstraction d’une République universelle inscrite dans toutes les chartes officielles des loges. Une République universelle discutable dans la mesure où les nations se retrouvent uniformément globalisées, perdant ainsi leur diversité dans la singularité de ce type de régime. Néanmoins au sein de l’État français, on favorise une doctrine qui justifie qu’une poignée d’initiés dirigent la société. Cela ne saurait signifier qu’elle est démocratique : où est la séparation des pouvoirs lorsque l’on pratique l’entrisme dans les administrations d’État, le Parlement, le gouvernement, les syndicats ou les associations ? Où est la défense de la France, de son peuple et de ses intérêts quand on prépare un gouvernement mondial dont les États maçonniques auront préparé les conditions ?

    Les maçons ont d’ailleurs attaqué une institution purement démocratique : le référendum. En 1934, les référendums voulus après les manifestations furent transformés dans l’opinion par le parti radical socialiste en « plébiscite napoléonien ». De Gaulle aura retenu ces polémiques et tâchera d’appliquer le référendum, y compris à ses dépens. L’utilisation des référendums a montré que les Français en avaient cure des « avancées » (celui sur l’UE par exemple, très « république universelle » touch’).

    Les loges ont compris pour leur part qu’il ne faut plus éclairer le peuple par un débat public explicite et sincère précédent les décisions, mais les conduire vers la lumière les yeux bandés ! Malgré la défense de la démocratie représentative dans les débats, les maçons lui préfèrent un ordre d’initiés connaissant seul le secret délivré et qui masquent leur intentions réelles à l’égard des profanes, à savoir le peuple de France. Le secret maçonnique est l’anneau de Gygès qui permet à l’ordre, grâce à la dissimulation de qui en est ou pas, de rester invisible et donc insaisissable et user ainsi de ce singulier privilège. En 1789, les privilèges furent « abolis », dites-vous ?

    Anthropologie et petite fabrique de l’opinion maçonnique

    Rotary de carriéristes, gnomes fourrés dans leurs intrigues et obsédés par une guerre de ruses, vaniteux notables en manque de reconnaissance tutoyant l’affairisme véreux, têtes d’œuf longtemps charriées à l’école, passe-droits, corps intermédiaires, conflits d’intérêts, corporatisme, substitution aux pouvoirs, cooptation de gens ayant prise sur les manettes (magistrats, juges, avocats, inspecteurs des finances) dans les hauts grades maçonniques, les exemples affluent de ces « hommes sans qualités », à la Robert Musil, qui ne veulent se distinguer dans l’existence qu’en trichant avec le réel. Mais à l’ère de la transparence, me direz-vous, quid du secret maçonnique ? Cela appartient à la vie privée, nous répondent-ils...

    Mais parmi ceux qui s’avouent maçons, c’est aux postes-clé du gouvernement Ayrault que nous les retrouvons : Anne-Marie Escoffier à la Décentralisation, Marc Mancel et Vincent Peillon à l’Éducation, Christophe Chantepy à Matignon, Jean-Yves le Drian et Cédric Lewandowski à la Défense, Aquillino Morelle à l’Élysée, Manuel Valls, Renaud Vedel, Alain Bauer et Yves Colmou à l’Intérieur, André Vidalies aux relations avec le Parlement, Victorin Lurel à l’Outre-Mer, Alain Simon et Jérôme Cahuzac à l’Économie, François Rebsamen, Jean Pierre Sueur, Claude Domeizel, Gérard Collomb, Michèle André et Robert Navarro au Sénat, Henri Emmanuelli, Christian Bataille, Pascale Crozon, Pascal Terrasse, Olivier Dussopt, Brigitte Bourguignon, Odile Saugues, Patrick Menucci et Paul Giacobbi à l’Assemblée nationale... Il est manifeste qu’un nouveau clergé remplace aujourd’hui l’ancien. Mais qui dit clergé dit « Bonne Parole » : voyons comment elle « évolue dans les mentalités ».

    En démocratie de marché, le marché achète l’opinion et l’opinion fait l’élection ; observons donc en détail le trajet de l’opinion maçonnique dans l’équation marché/politique/média, collusion que dénonçaient déjà Balzac, Maupassant, Zola et Alexandre Dumas sans être traités de conspirationnistes, et dont l’élément maçonnique manquait à l’analyse de Paul Nizan dans ses Chiens de garde : on fait descendre l’instruction dans le réseau (par exemple sur « l’avortement » ou le « mariage pour tous ») puis, quelques jours plus tard, un article apparaîtra dans le journal du Midi libre suggérant la mesure (ou tout autre journal ayant « libre » dans son titre ou sous-titre).

    Puis, il y aura une station locale FR3 délivrant le même message, ensuite un article à la une d’un grand quotidien national parisien ou la couverture d’un grand hebdomadaire. Bientôt un sondage paraîtra, qui montrera que précisément, en cette matière, et contrairement à ce que l’on a toujours cru jusqu’ici, l’opinion « évolue ». À quelques temps de là paraîtront un ou plusieurs livres dont l’écho sera amplifié par des critiques favorables dans les journaux, et par le fait que ces journaux seront en haut de pile chez les libraires.

    Des associations venues de nulle part s’exprimeront à leur tour sur le sujet, et comme par hasard, leurs communiqués seront largement relayés dans les médias. Il y aura, le cas échéant, quelques manifestations de rue ou quelques autres actions spectaculaires saisies par des caméras de télévision, opportunément présentes. Entretemps seront prononcées des déclarations ou des « petites phrases » d’hommes politiques ou parlementaires de l’opposition ou de la majorité. Le gouvernement aura commandé un rapport et une proposition de loi sera proposée au Sénat ou à l’Assemblée.

    Le résultat de tout ceci est que les observateurs de la vie publique verront que la société « bouge » qu’il ne faut pas aller contre elle, et l’on dira que la loi répond à une vraie attente du corps social. Les sociologues d’état diagnostiqueront l’existence d’une demande sociale. Des orateurs avec une rare éloquence défendront cette loi, qui sera votée par les deux chambres, à une courte majorité peut-être selon la logique du « marché politique » bien analysée par les théoriciens américains du « public choice ». La loi deviendra celle du pays et celle que les juges conviendront d’appliquer « au nom du peuple français », alors qu’elle n’aura été voulue au départ que par 15 personnes ; et ceux qui l’ont votée se féliciteront d’avoir fait « évoluer les mentalités », s’enorgueillissant derechef.

    Si un politicien décide de s’opposer, il recevra en premier lieu un recadrage du chef de son parti puis, s’il persiste, un article surgira pour révéler ses liens avec un dictateur étranger, un financement de campagne occulte, une résidence secondaire suspecte. Même s’il gagne son procès en diffamation, le mal aura été fait et la carrière de l’opposant aux idées maçonniques brisée (non-renouvellement d’un mandat, non-recrutement dans un gouvernement…), il gagnera une étiquette de « mauvais républicain ».

    Voici le pouvoir de censure des pouvoirs séculiers de la maçonnerie, qui rapproche cette secte d’un certain cléricalisme auquel on pensait qu’ils étaient opposés ! En tout cas, quelle manière malhonnête d’imposer aussi insidieusement et non loyalement ses vues sur la société. Évolution des mentalités, dites-vous, ce retour au cléricalisme ?

    (Fin de la première partie)

    http://www.egaliteetreconciliation.fr

  • De la sainte alliance à l'union européenne

    121015On ne saurait, par respect, comparer le compagnon de Madame Twitter au roi Louis XVIII. Au moins la Restauration mit-elle de l'ordre dans les finances publiques. Et, une fois Laurent Fabius définitivement démonétisé, ne pouvant faire appel à Chateaubriand, on espère qu'au moins Monsieur Normal ne commettra pas la sottise de recourir à Bernard Henri Lévy.

    Comparaison n'est donc pas raison. Mais les parallèles ne relèvent pas que du paradoxe.

    Ainsi l'actuel président va bientôt se trouver dans le dilemme du roi revenu d'exil. Leurs légitimités formelles oubliées, leur force politique les rattachent l'un comme l'autre à un ordre européen voué à l'éclatement.

    La Sainte-Alliance est morte en tant qu'institution vers 1823.

    Ces derniers mois, en regard, ont souligné le déséquilibre explosif entre les deux principaux piliers de l'Union européenne, telle qu'elle avait été conçue à Maastricht. Et cela va remettre en cause l'ensemble des institutions.

    N'en doutons pas en effet. Le système s'est développé sur la base d'un cafouilleux traité négocié en 1991. À cette époque, il y a plus de 20 ans, on pouvait espérer que les ambiguïtés seraient levées. Il n'en a rien été, bien au contraire. On a empilé de nouveaux textes, de faux accords, d'irréalisables promesses.

    Le projet ambitionnait de dépasser le cadre rustique, mais infiniment plus clair du traité de Rome de 1956. Un tournant pestilentiel avait certes été pris en 1979, avec l'élection du prétendu "Parlement européen" (1)⇓ au suffrage universel. C'est à ce moment-là qu'il fallait dire "non".

    Or, la plupart des politiciens hexagonaux, ayant fait de cette institution illusoire et factice leur mangeoire, n'ont jamais su ni la réfuter ni la réformer.

    Dans cet écheveau et cet échafaudage complexe de pactes contradictoires, on doit observer que celui de 1991 est allé beaucoup plus loin dans la direction tracée par la série des conventions qui se sont conclues à partir de 1813 au sein de la sixième coalition. Un texte bien intentionné de 1814 a permis d'englober l'ensemble sous le nom de Sainte Alliance. Celle-ci réunira après Vienne (novembre 1814-juin 1815) les congrès d'Aix-la-Chapelle (1818), Troppau (1820) et Vérone (1822).

    De cette Europe conservatrice du XIXe siècle on regrettera sans doute certains bienfaits. La paix européenne qui en résulta dura au moins jusqu'à la guerre de Crimée.

    De l'Europe issue du traité de Rome puis de l'Acte Unique sont également sortis un certain nombre de bénéfices dont il faut se féliciter.

    Il advient, dans tous les systèmes un moment où, malheureusement, les effets pervers l'emportent. Talleyrand déplorera un jour, quand les arrières pensées du tsar romantique Alexandre Ier lui apparurent dévoilées : "Malheureuse Europe".

    Or la véritable liquidation de la Sainte Alliance advint le jour où l'Angleterre, en 1822-1823, préféra le Grand Large, la relation avec l'Amérique, les Indes à son implication dans les affaires du Continent. Cette participation active aux diverses coalitions et combinaisons européennes, financées par Londres, avait été rendue inévitable, à partir de janvier 1793, par les crimes de la Révolution française. Après Waterloo, elle était devenue moins nécessaire. L'attitude des puissances continentales et la persistance des absolutismes anachroniques la rendaient de plus en plus impopulaire outre-Manche.

    Aujourd'hui nous rentrons, à bien des égards, sans qu'on puisse certes comparer ni François Hollande à Napoléon ni Angela Merkel à Guillaume II, dans une époque comparable.

    À Londres David Cameron s'oriente résolument vers une politique de redressement de la Grande Bretagne. Elle l'éloignera de plus en plus de la technocratie européenne.

    Et de l'autre côté de l'Atlantique un virage non moins considérable semble se dessiner.

    Certains croient pouvoir demeurer indifférents aux élections états-uniennes de novembre. La quasi-unanimité des moyens de désinformation parisiens applaudit d'ailleurs à l'avance à la réélection du président Obama.

    Il convient par conséquent de dissiper plusieurs illusions.

    Commençons par celle d'un retour des États-Unis à ce que nous considérons comme de l'isolationnisme. Rappelons que le dernier brillant représentant de ce courant Pat Buchanan lui consacra un livre axé sur les principes fondateurs de son pays "une république et non un empire" (2)⇓. Lors de l'élection présidentielle de 2000, il fut candidat du parti de la réforme et rassembla 450 000 voix soit 0,4 % des suffrages. Après s'être opposé à la guerre d'Irak en 2003, il se ralliera à nouveau aux républicains en 2004 et soutiendra la deuxième candidature de George Bush.

    Quant à l'origine de l'isolationnisme des États-Unis une légende tenace l'attribue à la présidence de Monroe en 1823. Il s'agirait d'une sorte d'idéologie de l'indépendance réciproque. "Chacun chez soi" pense-t-on volontiers, l'Amérique aux Américains, et par conséquent l'Europe aux Européens.

    Le texte de la proclamation de cette fameuse "doctrine" en 1823 mérite dès lors d'être relu à nouveaux frais. Or, il se borne à réfuter une hypothèse. À la faveur de la décomposition des empires espagnol et portugais, il s'agissait d'empêcher que d'autres puissances européennes viennent à s'établir sur le continent sud-américain. Cela visait essentiellement la France bourbonnienne qui intervenait avec l'appui diplomatique de la Russie afin de rétablir l'absolutisme en Espagne. À partir de cette date le rapprochement l'Angleterre et l'Amérique allait devenir plus fort que l'intérêt de Londres pour l'Europe continentale.

    On doit noter ainsi que le document fut rédigé par John Quincy Adams, secrétaire d'État. Il agissait alors en accord avec le nouveau maître du Foreign Office, George Canning.

    Jusqu'en 1822 la diplomatie britannique avait été dirigée de haute main par Castlereagh devenu lord Londonderry. La mort, d'ailleurs très étrange, de ce ministre, l'un des rares Britanniques, dans l'Histoire des Temps modernes, à avoir cru en l'Europe, laissa le champ libre à son ennemi personnel de toujours (3)⇓ et à un renversement assez rapide des orientations du cabinet de Saint-James.

    La répugnance des Américains pour les alliances permanentes, surmontée par la signature du pacte atlantique de 1949, remonte beaucoup plus loin. Elle se rattache dans son principe aux fondations mêmes de leur Fédération. La lettre de Washington de 1796 à ses concitoyens à la fin de son deuxième et dernier mandat évoque ainsi l'existence de deux hémisphères.

    La période d'entente entre Canning et John Quincy Adams, loin d'écarter toute ingérence "européenne" permit à la Grande Bretagne de multiplier par 15 en 10 ans son commerce avec l'Amérique du sud accédant à l'indépendance. À ces pays, les exportateurs anglais vendaient en 1825, 3 fois plus de marchandises que ne le faisaient les Américains du nord.

    Ce qu'on appelle la mondialisation ne date pas d'hier.

    La voie que semble prendre l'Europe n'incite pas à l'optimisme. La crise pourrait au moins nous rendre lucides.

    JG Malliarakis http://www.insolent.fr

    Apostilles

    1. cf. à ce sujet "Le Parlement européen, une utopie, une imposture, un danger" Jacques Bordiot 1978. cf. à ce sujet "Le Parlement européen, une utopie, une imposture, un danger" Jacques Bordiot paru en 1978.
    2. "A Republic, Not an Empire: Reclaiming America's Destiny "Patrick J. Buchanan, 1999, disponible sur Amazon.com
    3. La Jeune Angleterre de Disraëli jugeait sévèrement l'un et l'autre comme deux "médiocres" dans son livre culte "Coningsby ou la nouvelle Génération". Les lecteurs de L'Insolent peuvent se procurer ce livre, en le commandant
      - directement sur le site des Éditions du Trident
      - ou par correspondance en adressant un chèque de 29 euros aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris.
  • Le Grand Orient contre le Vatican

    Il y a presque un an, le 18 décembre 2008, le Saint-Siège et la France ont signé, « dans une discrétion voulue » écrivait Emile Poulat (La Croix, 7/8 février 2009), un accord « sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l’enseignement supérieur ». L’accord est simple : la France rejoint enfin la pratique des autres pays européens en validant officiellement les études universitaires poursuivies dans les établissements supérieurs catholiques. En d’autres termes, une licence de lettres ou un doctorat en théologie préparés, par exemple, à l’Institut catholique de Paris seront désormais reconnus au niveau européen pour poursuivre d’autres études dans d’autres universités (publiques ou privées) ou postuler à des emplois dans les autres pays européens. Ce qui n’était pas le cas jusque-là.
    Mais cet accord reste très limitatif dans sa portée. La délivrance des diplômes universitaires reste interdite aux établissements supérieurs catholiques, l’Etat garde le monopole de l’attribution des grades et titres universitaires. Comme par le passé, soit la faculté catholique passe une convention avec une université d’Etat voisine qui valide la formation et délivre le diplôme, soit un jury d’Etat viendra évaluer les candidats et conférer le diplôme.
    L’accord du 18 décembre 2008 n’a été publié au Journal officiel que le 19 avril 2009. Le retard est dû, sans doute, à la colère et au mécontentement qu’ont exprimés plusieurs organisations laïques et certains milieux universitaires. Au printemps dernier, un « Collectif pour la promotion de la laïcité » s’est constitué contre cet accord. Il est composé d’instances maçonniques (au premier rang, le Grand Orient de France), d’organisations laïques, toutes paramaçonniques, et de quelques députés (tous francs-maçons, tel Michel Charasse  et Jean-Luc Mélanchon). Ce Collectif a lancé une pétition et préparé un recours « pour excès de pouvoir », déposé devant le Conseil d’Etat, demandant l’annulation du décret.
    Jean Baubérot, spécialiste de sociologie religieuse, chantre de la laïcité, a protesté, lui aussi, contre l’accord de décembre 2008 : « c’est un des fondements de la laïcité de l’enseignement qui est mis en cause, car celle-ci repose sur la collation des grades par les universités publiques ».
    Venu du protestantisme, partisan d’une « laïcité inclusive », foncièrement anticlérical sous son apparence historienne (« la nocivité des Jésuites a été pendant près de deux siècles une évidence sociale » a-t-il écrit récemment), Jean Baubérot rejoint la franc-maçonnerie dans sa dénonciation du « repli identitaire réofficialisant de façon rampante des ”racines chrétiennes” » (Le Monde, 11 mai 2009).

    Contre la « théocratie »


    Le Conseil d’Etat ne s’est pas encore prononcé sur le recours déposé par le Grand Orient et ses supporters. Aussi, les instances maçonniques montent à nouveau au créneau. Le G. O. vient de lancer une nouvelle publication Franc-Maçonnerie magazine, diffusée en kiosque. Dans le premier numéro, Pierre Lambicchi, le président du Conseil de l’Ordre du Grand-Orient de France, signe un article offensif intitulé : « Quand le Saint-Siège impose ses diplômes en France ». Il s’insurge contre l’accord de décembre qui, selon lui, « attribue un véritable pouvoir d’ingérence au Saint-Siège sur le territoire français ».
    Avec cet accord, il ne s’agirait de rien moins que d’ « une violation de la souveraineté de la République sur son territoire » : « Le Saint-Siège se retrouverait donc, si ce décret n’était pas annulé, dans la situation où une théocratie absolutiste et dogmatique dicterait à la République la reconnaissance des ”bons” diplômes et le rejet des “mauvais” diplômes, selon une appréciation purement religieuse et réduite au champ d’appréciation du dogme romain. »
    C’est, bien sûr, une lecture fausse de l’accord du 18 décembre que fait le Grand-Orient. Émile Poulat l’a souligné: cet accord «ne se prononce pas sur la valeur et les effets civils des grades et titres délivrés par ces établissements [catholiques], qui continuent de n’en pas avoir au regard du droit français. Pour exercer certaines professions ou accéder à la fonction publique, rien n’est changé aux dispositions en vigueur, même si rien n’est dit.»

    Yves CHIRON http://yveschiron.blogspot.fr/

  • Evola ou le conservatisme révolutionnaire

    L'expression de conservatisme révolutionnaire ou de révolution conservatrice n'est pas d'Evola ; il l'a empruntée aux intellectuels allemands du lendemain de la première guerre mondiale, qui refusaient à la fois la voie traditionnelle et la République de Weimar, signe de décadence, Parti du dadaïsme et de l'art abstrait, Evola évolua dans le sens d'une réflexion qui le rapprocha de R. Guénon, ainsi que l'indiquent ses ouvrages, La tradition hermétique, La doctrine de l'éveil ou Le Yoga tantrique. Ce qui nous intéresse ici, c'est le théoricien du déclin du monde occidental et le critique de la civilisation contemporaine: « Il y a des maladies qui couvent longtemps, mais dont on ne prend conscience que lorsque leur oeuvre souterraine est presque arrivée à terme. Il en est de même pour la chute de l'homme le long des voies d'une civilisation qu'il glorifia comme la civilisation par excellence. Si ce n'est qu'aujourd'hui que les modernes sont parvenus à éprouver le pressentiment qu'un sombre destin menace l'Occident, depuis des siècles déjà certaines causes ont agi qui ont provoqué un tel état spirituel et matériel de dégénérescence que la plupart des hommes se trouvent privés, non seulement de toute possibilité de révolte et de retour à la normalité et au salut, mais également et surtout de toute possibilité de comprendre ce que normalité et salut signifient ». Son intention est donc à la fois critique et édificatrice. D'une part il s'agit de montrer que l'homme moderne est incapable d'assumer sa civilisation, non point seulement dans certains de ses aspects particuliers, mais en bloc, d'autre part d'indiquer l'autre voie, encore qu'un petit nombre d'hommes soit vraiment apte à résister à la prostitution intellectuelle courante. Contre les prétentions de ceux qui affirment « la supériorité du monde moderne », il faut au contraire reconnaître « la nature décadente du monde moderne », ce qui veut dire qu'il est appelé à disparaître comme tout genre de vie prisonnier de l'histoire, à la différence de la vie traditionnelle dont le fondement est métaphysique, parce qu'il est dans l'être et non dans le transitoire de l'historicité. 

    Tout comme Guénon, Evola place son analyse sous le signe de ta conception hindouiste de la décadence, celle des quatre âges: satvâ-yuga, tretâ-yuga, dvâpara-yuga et kali-yuga. Les temps modernes correspondraient au dernier âge, l'âge sombre, qui précéderait la renaissance d'un autre et nouveau cycle de quatre âges. Indiquons brièvement que pour Evola le premier âge est celui de l'être, le second celui de la mère, le troisième celui de l'héroïsme et le quatrième celui du déclin. Il y aurait dégénérescence progressive d'un âge à l'autre, de sorte que, contrairement aux théories du contrat social et du progrès, communes à l'Occident, le premier âge ne serait pas celui du sauvage ou du barbare, mais l'âge d'or de la plénitude de l'homme. D'une façon générale, « de même que les hommes, les civilisations ont leur cycle, un commencement, un développement, une fin, et plus elles sont plongées clans le contingent, plus cette loi est fatale. Même si elle devait disparaître définitivement, la civilisation moderne ne serait certes pas la première qui serait éteinte, ni la dernière. Les lumières s'éteignent ici et se rallument ailleurs, selon les contingences de ce qui est conditionné par le temps et par l'espace. Des cycles se ferment et des cycles se rouvrent. Comme nous l'avons dit, la doctrine des cycles fut familière à l'homme traditionnel, et seule l'ignorance des modernes leur a fait croire, pour un temps, que leur civilisation, plus enracinée que ne le fut toute autre dans le temporel et le contingent, put avoir un destin différent et privilégié ». 

    Seul le dernier âge, le kali-yuga, celui de la décadence nous intéresse ici directement. Pour décrire le décrochage qu'il opère par rapport aux précédents, Evola utilise volontiers le procédé dichotomique: il oppose presque une à une ses caractéristiques à celles des âges antérieurs. Ces dichotomies ont leur source dans la séparation fondamentale entre l'être et le devenir, la surnature et la nature, le spirituel et le matériel: « Pour comprendre aussi bien l'esprit traditionnel que la civilisation moderne, en tant que négation de cet esprit, il faut partir de cette base fondamentale qu'est l'enseignement relatif aux deux natures. Il y a un ordre physique et il y a un ordre métaphysique. Il y a la nature mortelle et il y a la nature des immortels. Il y a la région supérieure de l'être et il y a la région inférieure du devenir ». Le monde moderne est celui de l'irréalisme, comme on peut le reconnaître à son goût pour l'artificialité technique, face à la réalité supérieure et transcendante de la vérité métaphysique de l'être. Cette conviction ne donne pas lieu à des théories discursives des sciences, limitées à l'espace et au temps, mais elle est une connaissance d'ordre intuitif, à laquelle on accède par l'initiation et la méditation. Or, le monde moderne tourne le dos à ce genre de connaissance, il renie l'être; il est une « époque de dissolution », fragmentant la réalité dans une multitude de débris qu'on proclame autonomes, mais jetés dans l'errance et l'oubli de l'Unité qui leur donne un sens. 

    Le monde moderne est en dissidence par rapport à la Tradition (Evola utilise en général la majuscule pour bien marquer qu'il ne s'agit pas des us et coutumes au sens ordinaire). La Tradition est l'ensemble des connaissances portant sur l'être et ses manifestations dans le monde, telles qu'elles nous ont été léguées par toutes les générations antérieures. Elle porte non pas sur ce qui a été donné une fois dans un temps et un espace déterminés, mais sur ce qui est toujours!, en Orient aussi bien qu'en Occident. On ne saurait donc la confondre avec la seule tradition religieuse, car elle concerne la totalité des activités humaines, ni avec le traditionalisme des écoles de pensée opposées à la Révolution française, bien qu'Evola reconnaisse l'importance de leur rôle. De son point de vue, « une civilisation ou une société est « traditionnelle » quand elle est régie par des principes qui transcendent ce qui n'est qu 'humain et individuel, quand toutes ses formes lui viennent d'en haut et qu'elle est tout entière orientée vers le haut ». La Tradition est ce qui consolide une société à travers tous les temps, à l'opposé des points de vue particuliers qui peuvent dominer une époque. En effet, la tradition au sens ordinaire se fait et se défait, tandis que la Tradition est consubstantielle à l'homme dans tous les temps. Elle oriente sa vie religieuse aussi bien que sa vie politique, économique et autre. 

    La décadence se manifeste à tous les niveaux de la vie et de l'organisation de la civilisation occidentale actuelle. Tout d'abord celle-ci fait de l'homme un individu abstrait limité à ses droits et qui n'est qu'un sujet de revendications, à la différence de l'être de la Tradition qui est personne, en constante relation horizontale avec les autres et verticales avec le Tout. L'individu est l'atome perdu dans une collectivité, la personne est l'être original d'une même humanité organisée organiquement. En conséquence, Evola rejette le libéralisme individualiste en tant qu'il proclame l'égalité des hommes à tous les points de vue. Il est en contradiction avec le principe des indiscernables, « en vertu duquel un être qui serait à tous points de vue parfaitement identique à un autre ne formerait qu'un seul et même être avec lui »II. Ainsi compris, l'individualisme est une manifestation de la décadence par décomposition de l'être et par dissociation de ses caractères propres: il est une subversion à la fois de la raison logique et de l'ordre naturel des choses. Une pareille conception ne peut que précipiter l'individu soi-disant libre dans le totalitarisme où l'égalité devient anonymat sous prétexte de nous libérer encore davantage. 

    Il va de soi que dans ces conditions, Evola voit un autre signe de décadence dans l'écrasement des structures hiérarchiques et, partant, dans la dissolution de l'autorité. Peu importe la manière dont on a historiquement conçu la hiérarchie - caste, lignage, famille - ce qui est important, c'est le respect de l'idée hiérarchique, de l'articulation des groupes selon les fonctions qu'ils remplissent dans l'ensemble social. Dans la civilisation occidentale la société devient une simple juxtaposition d'intérêts et de désirs divergents qui entretiennent entre eux une lutte sans merci, sous les dehors d'une prétendue fraternité. On assiste au primat de l'idée de série. S'opposant à toute « statolâtrie », qui est le propre de tout totalitarisme, dont le jacobinisme a été le précurseur, il fait un plaidoyer en faveur de l'Etat organique. « L'idée d'Etat organique est une idée traditionnelle, si bien que l'on peut dire que tout véritable Etat a toujours eu un certain caractère d'organicité. Un Etat est organique lorsqu'il a un centre et que ce centre est une idée qui modèle efficacement, par sa propre vertu, ses diverses parties; lorsqu'il ignore la scission et 1'« autonomatisation » du particulier, et que, grâce à un système de participations hiérarchiques, chacune de ses parties, dotées d'une relative autonomie, remplit une fonction et se trouve intimement reliée au tout ». Dès que l'on perd le sens de l'organique on perd également celui de l'élite, non point parce que l'élite disparaîtrait, mais parce que, au lieu d'être au service de la communauté sociale, elle se transforme en oligarchie uniquement soucieuse de défendre ses idées et intérêts partisans au détriment de l'ensemble de la société. Il s'agit pour l'oligarchie partisane de faire passer coûte que coûte ses idées, la société dût-elle en pâtir dans sa substance. 

    Evola s'en prend aussi à un aspect plus insidieux que les autres de la décadence, parce qu'on le fait passer pour la conquête essentielle de la civilisation occidentale: le développement économique. C'est ce qu'il désigne par « démonie de l'économie ». Son attaque se dirige aussi bien contre le capitalisme que contre le socialisme, les deux sacrifiant au même mythe de la productivité salvatrice. « Le concept de civilisation se confond, à peu de chose près, avec celui de production. On n'entend parler que d'économie de consommation, de travail, de rendement, de classes économiques, de salaires, de propriété privée ou socialisée, de marché du travail, ou d'exploitation des -travailleurs, de revendications sociales, etc. Pour les uns comme pour les autres on dirait vraiment qu'il n'existe que cela au monde... Tout cela témoigne d'une véritable pathologie de la civilisation ». L'aberration à repousser au premier chef est celle qui présente l'économie comme un phénomène « neutre ». Elle ne l'est pas puisqu'elle sacrifie l'esprit à la matière et réduit toutes les valeurs à celle de la prospérité : « Les vraies valeurs n'ont aucun rapport nécessaire avec des conditions sociales et économiques meilleures ou pires ». Le primat que l'on attribue à l'économie n'est que l'appât destiné à rendre l'homme prisonnier de son corps en le coupant des valeurs spirituelles, plus essentielles, parce qu'elles ne concernent pas seulement son animalité, mais son humanité, c'est-à-dire sa spécificité ineffaçable. 

    Ce dépistage des signes de la décadence, Evola l'a mené dans toutes les sphères de la civilisation occidentale, dans l'art, la science, la religion, la philosophie, la politique européenne, etc. Il serait trop long de le suivre indéfectiblement sur toutes ces traces. Relevons seulement encore deux points de son enquête. En premier lieu il met en cause la démographie, le phénomène de la surpopulation. Il se prononce pour la limitation des naissances - le natalisme n'étant à ses yeux qu'une autre manière de privilégier le quantitatif et le matériel contre le spirituel. En second lieu, il est un des rares théoriciens de la décadence à avoir mis l'accent sur la gynécocratie, la féminisation de la vie moderne - en référence à J . Bachofen. Cette orientation déjà amorcée dans sa Métaphysique du sexe, s'exprime plus nettement dans Chevaucher le tigre. Il n'est pas anti-féministe - son chapitre sur la « civilisation de la mère » dans Révolte contre le monde moderne en témoigne - mais il s'élève contre l'équivoque matérialiste du sexualisme. Celui-ci constitue une forme de dissolution qui a son origine dans la prééminence revendicative des femmes d'aujourd'hui. 

    La conséquence en est une licence érotique qui détruit les mreurs, les rites et les règles tout en intoxiquant les esprits avec des frustrations, des névroses et des complexes. Ce qu'il déplore, c'est l'égalitarisme des sexes qui signifie « le renoncement de la femme à son droit d'être femme », ainsi que la promiscuité qui s'ensuit, qu'il condamne également dans d'autres domaines. Le sexualisme actuel est à ses yeux quelque chose d'inauthentique, d'artificiel, contraire à l'ordre de la nature. La question n'est pas d'être rigoriste ou, suivant l'expression de Pareto, vertuiste, mais de reconnaître que le sexe ne constitue pas une valeur à privilégier, étant donné qu'il a son rang dans une hiérarchie des valeurs. 

    Dans le fond, la raison essentielle de la décadence réside dans la perte du sens de la transcendancel! Cette perte entraîne tout le reste: la mise en question de l'autorité, l'hostilité à la hiérarchie, la méconnaissance de la signification du rite, l'atomisme individualiste, le mépris de la patrie et l'abandon à la prospérité économique. Dans cet esprit, Evola s'oppose même au courant du traditionalisme moderne, dans la mesure où celui-ci ne vise qu'une restauration politique et non la redécouverte des valeurs spiritl1elles. Tout se passe comme si Dostoievsky avait raison par le truchement de Kirillov, lorsque celui-ci exprimait le désarroi de l'homme moderne en proclamant que l'homme n'a inventé Dieu que pour pouvoir vivre sans se tuer. C'est mettre le doigt sur la fissure du monde actuel qui ne croit en Dieu que pour des motifs purement utilitaires et pragmatiques. La transcendance est absente de ce genre de réflexion. Tout ce que la philosophie existentialiste a trouvé pour répondre au vide laissé par la perte du sens de la transcendance, c'est la notion de projet, au sens où l'homme serait son propre projet. Or, celui-ci reste vide de contenu tant que l'on n'est pas capable de donner une signification à la mort. 

    Pour Heidegger l'existence est conçue comme une « vie pour la mort ». C'est encore demeurer dans l'immanence de la civilisation actuelle. En effet, pour la Tradition les choses se présentent évidemment d'une façon différente, lorsqu'on ne cherche pas directement la mort, mais qu'on la fait entrer, pour ainsi dire, dans la vie, sans que mort et vie coïncident. Evola rappelle à ce propos le dicton oriental « La vie sur terre est un voyage de nuit », un voyage entre deux lumières, celle qui se trouve « avant » l'existence empirique et celle qui se trouve « après », ce qui veut dire que « la naissance est un changement d'état et la mort un autre changement d'état ; l'existence dans la condition humaine sur la terre n'est qu'une section limitée d'un continuum, d'un courant qui traverse des états multiples ». Encore faut-il ne pas confondre cette conception avec le mysticisme frelaté du néospiritualisme occidental. Ses manifestations « représentent quelque chose d'hybride, de déliquescent et de subintellectuel. Ce sont comme les fluorescences qui se manifestent lors de la décomposition d'un cadavre ; c'est pourquoi il faut voir dans ces tendances non pas l'opposé de la civilisation crépusculaire d'aujourd'hui, mais (...) comme une de ses contreparties qui pourrait même, si ces tendances se confirmaient, être le prélude d'une phase régressive et dissolutive plus poussée ». La Tradition n'est pas un moyen de consolation pour des âmes inquiètes, mais la certitude de communier dans le Tout que certaines religions appellent Dieu dans un esprit de sérénité. 

    Pour Evola il ne fait pas de doute que nous vivons dans un « monde qui se défait », dans la « phase terminale d'un cycle », celle de l'âge sombre du kali-yuga. La dissolution est générale. En tout cas, il n'y a aucune raison de regarder « la civilisation moderne comme la civilisation par excellence, l'apogée et la mesure de toute autre ». Faut-il tourner les regards vers l'Orient, comme le recommande Guénon ? Tout en reconnaissant la validité d'une telle démarche, Evola pense cependant qu'on pourrait « trouver des exemples et des références valable, en partie du moins, dans notre propre passé traditionnel, sans avoir à se tourner vers une civilisation non européenne ». D'ailleurs, les civilisations orientales sont déjà infectées par le virus de la dégénérescence qui affaiblit l'Occident, de sorte qu'on peut penser qu'elles nous rejoindront bientôt dans le déclin et qu'elles seront confrontées aux mêmes problèmes de la dissolution. « Le désert croît » et il n'existe plus de civilisation actuelle qui puisse servir de référence ou d'appui. On peut cependant formuler, sur la base des cycles, l'hypothèse suivante: « le processus descendant de l'âge sombre dans sa phase finale a commencé chez nous; c'est pourquoi il n'est pas exclu que nous soyons aussi les premiers à dépasser le point zéro à un moment où les autres civilisations, entrées plus tardivement dans le même courant, se trouveraient au contraire plus ou moins au stade qui est le nôtre actuellement ». 

    Cette perspective commande une attitude, même si elle doit aller à contre-courant : faire face à la subversion en se déclarant franchement traditionaliste, et s'il le faut réactionnaire. Bien que le mot soit chargé d'infamie, au point que ceux qui sont de cette famille d'idées se disculpent d'en être, il faut faire front. Toute l'histoire est faite de réactions à des situations antérieures. « Si la partie n'est pas encore perdue, l'avenir n'appartiendra pas à ceux qui se complaisent dans les cogitations hybrides et déliquescentes propres à certains milieux qui ne se déclarent pas à proprement parler de gauche. Il appartiendra à ceux qui auront le courage d'adopter une attitude radicale ». Dans le même esprit, il ne faut pas avoir peur de se dire conservateur, la meilleure manière étant de se réclamer du conservatisme révolutionnaire. Cette expression est particulièrement bien adaptée, puisque chaque cycle représente dans la pensée traditionnelle une révolution au sens originel du terme. « Pour le vrai conservateur révolutionnaire il s'agit d'être fidèle, non à des formes et à des institutions du passé mais à des principes dont elles ont pu être l'expression particulière et adéquate pendant une période et dans un pays déterminé. Autant ces expressions particulières doivent être, en soi, tenues pour caduques et changeantes, car elles sont liées à des situations historiques qui, souvent, ne peuvent se répéter, autant les principes correspondants gardent leur valeur propre que n'affectent pas de telles contingences, autant ils demeurent, au contraire, d'une permanente actualité ». Pour sortir de la confusion présente des idées il est indispensable d'afficher également ses idées en ne rougissant pas de se présenter sous leur bannière. La crise actuelle est suffisamment dramatique pour qu'on s'efforce de mettre en harmonie ses idées et ses attitudes, quitte à devoir affronter les quolibets des conformistes d'une intelligentsia insipide à force de ronronner dans ses répétitions et rodomontades.

    Auteur inconnu http://agedefer.over-blog.net

  • Le manque d’eau pourrait briser le règne des énergies fossiles

    L’année 2012 s’achève dans le gris. Les discussions sur le réchauffement climatique se sont enlisées et se terminent dans l’épuisement collectif. Les climato-sceptiques ont gagné la seconde manche.

    Sécheresse aux Etats-Unis, été 2012

    Ils avaient perdu la première, lorsque l’immense majorité de la communauté scientifique, une bonne partie des pays de l’OCDE, l’Agence internationale de l’énergie et beaucoup d’ONG étaient parvenues à inscrire le risque climatique à l’agenda régulier des nations. A Doha, c’est l’échec et peut-être la triste réalité décrite dans ce journal (LT du 19.12.2012) par Raphaël Arlettaz, professeur d’écologie à l’Université de Berne : «[…] Nous sommes dans le déni des dommages que l’on cause à la biosphère et, par ricochet, à notre propre espèce. […] Même lorsque nous sommes conscients de notre impact, l’action nécessaire pour en éviter les conséquences n’est que rarement mise en œuvre.»

    Raphaël Arlettaz parle d’une incapacité intellectuelle à intégrer une menace à laquelle l’humanité n’a jamais été confrontée, «un mismatch évolutif». Au plan économique, cela se traduit par des prix d’énergies polluantes ou dangereuses pour l’évolution des espèces qui n’intègrent pas le futur, en dépit du lourd tribut déjà payé par l’humanité.

    Au contraire, l’impensable imaginé lors de l’élaboration du Traité de Kyoto est en train de se produire. Le charbon fait son retour en Europe, en Allemagne notamment, aux Etats-Unis et progresse fortement en Asie. Selon les derniers scénarios de l’Agence internationale de l’énergie, la consommation de houille, la forme la plus sale des énergies fossiles, pourrait surpasser celle de pétrole en 2017. Un cauchemar pour le climat et les maladies respiratoires, une source de pollution au mercure et, moins connue, de radioactivité.

    Autre révolution imprévue : l’abondance de gaz et de pétrole non conventionnels repousse sans doute d’une ou deux décennies la pénurie tant annoncée, le fameux «pic» pétrolier. Si l’on applique la thèse du biologiste, il est quasi certain que ce risque quantitatif ne soit détecté par les prix que la veille des mauvaises nouvelles. C’est les limites des bienfaits de la spéculation: dans le déni, les acteurs économiques ne changeront pas leurs pratiques.

    Le moment gris devient carrément sombre, à tel point que beaucoup imaginent déjà que la seule voie raisonnable est de jeter l’éponge et de se préparer à affronter frontalement les conséquences du réchauffement. Il existe pourtant une lueur d’espoir. Le développement des hydrocarbures pourrait être contrecarré par le manque d’eau et les coûts de plus en plus exorbitants du refroidissement.

    Michael Lieb­reich, directeur de Bloomberg Energy Finance, livre quelques chiffres intéressants dans l’une de ses dernières études. Les chaudières thermiques (gaz, charbon et nucléaire) utilisent des quantités phénoménales d’eau.

    Ainsi, une centrale à gaz de taille moyenne aux Etats-Unis (450 mégawatts, soit la moitié de la puissance d’une centrale nucléaire) consommera 74 millions de mètres cubes d’eau durant l’entier de son activité; une centrale au charbon de 1,3 gigawatt (1300 mégawatts) en engloutira 1,4 milliard de mètres cubes, soit sept fois la consommation annuelle d’eau de la ville de… Paris.

    Le bilan du nucléaire est encore plus sévère. Certes, il existe des tours de refroidissement. Une partie de l’eau est évaporée et retourne au cycle naturel, mais elle aura été prélevée à un autre endroit. Quant aux usines proches des rivières ou de la mer, leurs rejets «chauds» perturbent de plus en plus les écosystèmes. A tel point que des réacteurs nucléaires américains sont aujourd’hui à l’arrêt. Personne n’a oublié les très graves difficultés d’EDF à l’été 2003, contraint de stopper l’équivalent de 16 gigawatts de son parc nucléaire et thermique.

    De fait, selon un autre rapport que vient de publier l’Agence internationale de l’énergie, plusieurs projets de centrale nucléaire ou au charbon sont stoppés en Inde ou en Chine en raison des difficultés à les alimenter en eau.

    Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Rien qu’en Europe, on estime le secteur de l’énergie responsable pour 44% des prélèvements d’eau ou 8% de la consommation, principalement par les tours de refroidissement visibles au loin par leur grand panache blanc. En Asie, selon l’un des directeurs de General Electric, cité par Michael Lieb­reich, plusieurs grands projets de centrale thermique devront être tout simplement abandonnés, alors même que le risque de pénurie d’électricité est patent. Même en Arabie saoudite, pays qui regorge de pétrole, les besoins pour le refroidissement des centrales thermiques nécessaires à la dessalinisation de l’eau sont tels que le royaume va investir massivement dans l’éolien, contraint de réduire ses coûts liés à l’usage d’eau.

    Pour Michael Liebreich, la molécule bleue pourrait bien devenir le meilleur avocat des énergies vertes, solaire ou vent, qui consomment très peu d’eau. Mais le combat, une fois de plus, est inégal. Selon le New York Times, le lobby des énergies fossiles a dépensé, durant la campagne américaine, 153 millions de dollars pour promouvoir les énergies fossiles, contre à peine 41 millions pour les énergies propres. Au final, le facteur déterminant, ce sera celui des prix. Et là, les nouvelles sont plutôt rassurantes. Ce sera l’objet d’une chronique en 2013. De joyeuses Fêtes d’ici là.

    Le Temps (21 décembre 2012) http://fortune.fdesouche.com