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culture et histoire - Page 2002

  • Marx et les crises

    Marx considérait que les crises sont l’expression des contradictions 
internes au capitalisme, et qu’elles doivent conduire à son effondrement. Mais il a laissé sa théorie des crises inachevée. 
Dans quelle mesure peut-il donc éclairer la crise d’aujourd’hui ?

    « Un spectre hante l’Europe – le spectre du communisme. » Ainsi commence le Manifeste du parti communiste. Curieuse formule ! Ne faut-il pas être mort pour revenir à l’état spectral, fantomatique ? À la manière de Jean Baudrillard, faut-il penser un retour spectral du communisme ? Ou ce revenant est-il enterré, un pieu enfoncé dans le cœur ? Dans Spectres de Marx, Jacques Derrida fait de Karl Marx lui-même un perpétuel revenant. Après sa mort, sa pensée est revenue hanter l’Europe et l’Amérique à la fin du XIXe siècle, lors de la grande dépression, et encore dans les premières années après la Première Guerre mondiale ; elle est revenue en force au cours des années 1930, pendant la grande crise. Il y aurait donc un lien entre les grandes crises qui, elles aussi, sont des « revenants », et les retours de Marx. Ce n’est pas si simple.

    À la fin des années 1960, le spectre de Marx revient nous visiter, pas seulement dans les rues de Paris et dans les campus du monde entier. Or le monde est en expansion, dans la phase active des trente glorieuses. Marx hante les esprits et pourtant « même les tables ne tournent pas », comme il l’analysait. Le capitalisme triomphe un siècle après ses prédictions apocalyptiques : mieux, il produit un énorme accroissement de richesses dont jouissent aussi les masses populaires, la société de consommation explose, les inégalités ont régressé, « l’armée de réserve industrielle » (Marx nomme ainsi les chômeurs) a disparu ainsi que les crises périodiques avec leur cortège de misère, de chômage. À l’époque, de doctes et pourtant jeunes experts en marxisme se posaient sérieusement la question de la paupérisation en Europe, aux États-Unis, l’une des grandes prédictions de Marx. Était-elle absolue, alors que les PIB croissaient à des taux records, ou seulement relative, alors que la hausse des revenus des salariés n’avait jamais été aussi forte, que les inégalités régressaient ?

    Chômage, paupérisation 
et inégalités

    Notre époque offre un exemple similaire. Marx est mort, enterré sous une lourde pierre tombale. Reprendre telle formule marxienne fait sourire ; elles sont usées d’avoir tant servi. Au mieux, on jette quelques roses (pas nécessairement rouges) sur sa tombe. Et pourtant, rarement dans l’histoire ses enseignements ont eu une telle pertinence. Nous vivons une crise massive, mondiale, une crise capitaliste qui est aussi une crise du capitalisme.

    Marx a observé des crises financières qui ressemblent comme des sœurs à celles que nous connaissons, a précisé le rôle du « capital financier ». Il a analysé les conséquences de la suraccumulation du capital, expliqué les difficultés de la « réalisation », c’est-à-dire de la vente des valeurs produites.

    L’exploitation des travailleurs se durcit, « l’armée de réserve industrielle  » a retrouvé ses effectifs, la paupérisation relative est devenue un phénomène massif avec la remontée des inégalités au niveau de 1929, la paupérisation absolue sévit en Grèce, dans toute l’Europe du Sud, en Irlande, elle est à l’ordre du jour en France, en Grande-Bretagne, des populations entières se prolétarisent. « Le grand capital » (l’une de ces expressions rebattues, ridicules aujourd’hui) se renforce au détriment de ce que l’on n’appelait pas encore les PME.

    Marx n’avait pas bâti une théorie unifiée des crises, même s’il en est l’un des principaux théoriciens, même s’il fut l’un des premiers penseurs du cycle. Il avait même projeté de terminer son grand œuvre, Le Capital, par un livre dont le titre est d’une grande actualité : Le Marché mondial et les Crises. Pour lui, les crises sont endogènes, inhérentes au fonctionnement du capitalisme, nullement des chocs exogènes dus à des phénomènes contingents. C’est là son enseignement principal, en opposition aux théories libérales contemporaines qui présupposent un fonctionnement harmonieux de l’économie de marché seulement perturbé par des chocs stochastiques.

    Pour appréhender la pensée marxienne des crises, on peut distinguer trois niveaux : les agitations conjoncturelles de surface, les lourds mouvements en profondeur, les phénomènes économiques intermédiaires. Cette présentation au parfum braudelien me semble fidèle à la pensée de Marx (Fernand Braudel était d’ailleurs influencé par Marx, mais sa conception du capitalisme, un capitalisme à domination financière, n’était pas celle plus industrialiste de Marx). Ces trois niveaux ne sont pas clairement présentés, encore moins articulés. Marx ne livre que des éléments dispersés, disjoints, manquant de cohérence, parfois contradictoires. Il serait naïf d’en faire l’alpha et l’oméga de l’explication de la crise actuelle : le monde a changé, ce n’est plus le capitalisme de Marx, et les théories ont progressé depuis les années 1848 ou 1860.

    Une révolte des forces productives

    En surface, mais non pas superficiellement, nous trouvons les manifestations des crises de surproduction et les crises financières. Friedrich Engels et Marx sont de bons observateurs des crises économiques de leur temps (en particulier dans Neue Rheinische Zeitung), en Angleterre, en France et plus généralement en Europe, aux États-Unis. Souvent, dans ces descriptions presque au jour le jour, se trouvent le mieux exposés la dimension financière et spéculative, les excès de confiance et les paniques.

    Marx fait de la monnaie une condition des crises et la spéculation financière, inhérente aux périodes de surproduction, fournit « un palliatif momentané » et « hâte l’irruption de la crise, en augmente la violence ». Après les périodes de surcrédit, d’overtrading et de spéculation vient forcément le retournement brutal, avec ses conséquences déflationnistes, la « course au cash » : «  C’est là la phase particulière des crises du marché mondial que l’on appelle crise monétaire. Le bien suprême que l’on réclame à cor et à cri dans ces moments comme l’unique richesse, c’est l’argent, l’argent comptant » (Critique de l’économie politique).

    Au niveau le plus profond, celui de l’histoire longue, Marx fait des crises « une révolte des forces productives ». Les crises, comme les révolutions sociales sont les douleurs de l’enfantement d’un mode de production nouveau. Les forces productives sont entravées par les rapports capitalistes, par la contradiction majeure entre une production qui devient chaque jour plus collective et des rapports de propriété qui sont restés privés. Ces rapports de propriété, comme les rapports sociaux qui les fondent, sont devenus des entraves, ils seront éliminés.

    Jusqu’ici le capitalisme a permis un développement des forces productives plus puissant qu’aucun autre mode de production (il faut lire l’hymne aux succès du capitalisme dans le Manifeste). Mais, souligne Marx, les crises économiques, de plus en plus fortes, mettent en lumière ce fait majeur : le salariat et les « rapports de propriété bourgeois » sont devenus des entraves. Être communiste, pour Marx, ce n’est pas chercher à obtenir la justice sociale (il y a autant de conceptions de la justice que de modes de production), mais connaître l’imminente advenue d’un nouveau mode de production et participer aux luttes collectives pour l’accoucher.

    Reste l’essentiel pour l’économiste, l’analyse des mécanismes qui, dans ce mode de production capitaliste, produisent les crises. Marx, même s’il nuance, reste déterministe et sa théorie des crises endogènes s’en ressent. Pour simplifier, on trouve deux grands pans explicatifs, l’un du côté de l’offre – il s’agit des crises de suraccumulation –, l’autre du côté de la demande – il s’agit des crises de réalisation. Ces deux pans se croisent pour former les crises de surproduction.

    La baisse tendancielle 
du taux de profit

    La théorie des crises de suraccumulation du capital est livrée dans le livre iii du Capital, dans les chapitres consacrés à « la baisse tendancielle du taux de profit  ». Elle pourrait être présentée dans la syntaxe de la théorie classique ou néoclassique. Marx, d’ailleurs, n’innove pas complètement puisque beaucoup d’éléments sont chez son maître, David Ricardo, et chez John Stuart Mill.

    Poussés par la concurrence qu’ils se font les uns les autres, les capitalistes sont obligés, sans cesse, de réduire les coûts de production pour que leurs entreprises survivent ou pour empiéter sur le voisin. À cette fin, ils doivent continuellement investir en machines, accroître ce que Marx nomme le capital constant. Sous la plume d’un économiste néoclassique, on pourrait écrire que plus le volume du capital augmente, plus le rendement d’un nouvel investissement se réduit. C’est la loi générale de la productivité marginale décroissante.

    Dès lors, la rétribution du capital, le taux de profit, se réduit puisqu’elle dépend, avec plus ou moins de précision, de cette productivité. Marx raisonne avec une théorie de la valeur radicalement différente. Il explique la baisse du taux de profit comme le résultat d’un accroissement relatif de la fraction du capital qui ne produit pas de plus-value (le capital constant) par rapport au capital qui achète la force de travail (le capital variable) et produit seul de la plus-value par l’exploitation des travailleurs, une plus-value qui est la source unique du profit et de l’accumulation du capital.

    À l’arrière-plan de la théorie de Marx, comme d’ailleurs dans la théorie contemporaine, on trouve le circuit qui va du capital à davantage de capital en passant par l’accumulation du profit (ou de la plus-value) : le capital produit du capital, mais à chaque tour de roue, le rendement est plus faible. « Accumulez, accumulez, c’est la loi et les prophètes », écrit ironiquement Marx, mais en accumulant, les capitalistes scient la branche sur laquelle ils sont perchés puisqu’ils réduisent le taux de profit et la source de l’accumulation. La loi de l’accumulation capitaliste sape ses propres bases, une dialectique qui aboutira finalement à l’effondrement du capitalisme.

    La baisse du taux de profit n’est que tendancielle. Les capitalistes réagissent à cette baisse de plusieurs manières. Ils peuvent allonger la durée du travail ou accroître sa productivité (plus d’intensité du travail et le recours à davantage de machines, mais cela renforce encore le processus) afin d’élever le taux d’exploitation, ils peuvent faire baisser le prix des biens de consommation consommés par les travailleurs (importations bon marché, productivité) ou abaisser les coûts de production du capital constant (à nouveau en élevant la productivité du travail et en recourant à des importations de matières premières moins chères). Le recours au marché mondial est l’un des moyens essentiels de contrecarrer l’effectivité de la loi. Mais le fait d’y recourir fait remonter le taux de profit, donc l’accumulation rebondit, ce qui relance la tendance à la baisse du taux de profit.

    Nous avons là l’amorce d’une théorie du cycle économique. Dans la phase d’expansion, l’accumulation du capital est vive, la tendance à la suraccumulation s’affirme, le taux de profit baisse (la part du capital constant s’accroît au détriment du capital variable) et donc le taux d’accumulation et le taux de croissance, l’expansion s’amortit, l’économie entre en récession.

    Dans la récession, les contre-tendan­ces sont mises en œuvre, le taux d’exploitation augmente, le recours au marché mondial se renforce. Surtout dans la crise elle-même, la valeur du capital se réduit fortement et donc le taux de profit augmente.

    Dans la crise… Le passage d’une phase à l’autre, en effet, ne se fait pas par une baisse continue, régulière du taux de profit. Les capitalistes, cherchant à éviter les conséquences d’une baisse du taux de profit, se lancent dans un recours aux crédits de plus en plus risqués, dans la spéculation, l’overtrading, « l’aventurisme  », concentrent le capital (au détriment des fractions les plus faibles). Ainsi, artificiellement, le capital réussit à maintenir ses profits, mais à la façon où, dans les cartoons, le héros dans sa course folle continue d’avancer au-delà de la falaise pour dégringoler brutalement quand il constate qu’il n’a plus d’assise réelle ! Alors « le retournement subi du système de crédit en système au comptant ajoute à la panique pratique l’effroi théorique » (Critique de l’économie politique). La crise est donc expliquée à la fois par la loi tendancielle et par la phase finale spéculative de l’expansion, le temps des excès du capital financier.

    La monnaie rend possibles 
les crises

    La crise du début du XXIe siècle peut s’inscrire dans cette analyse. Dans les années 2000, la suraccumulation du capital est mondiale, elle affecte surtout un secteur, l’immobilier, et une nation, la Chine. La suraccumulation du capital en Chine a été exportée vers l’Europe et les États-Unis essentiellement sous forme d’exportations de marchandises, d’où une crise de surproduction dans ces régions (en Occident), les délocalisations, la désindustrialisation. Longtemps la baisse du taux de profit a été compensée par le recours exagéré au crédit, à la spéculation et à l’aventurisme, par les fusions-acquisitions d’entreprises, jusqu’à l’éclatement des bulles financière et immobilière et l’effondrement du taux de profit dès lors qu’il n’était plus soutenu par l’aventurisme financier.

    La crise de réalisation est l’autre dimension de la théorie marxienne des crises, du côté de la demande. Marx est un critique virulent de la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say, qui nie la possibilité d’une crise générale en posant que « les marchandises s’échangent contre des marchandises » ou que la monnaie n’est qu’un voile. Marx comprend que c’est faux, que la monnaie joue un rôle essentiel, qu’elle rend possibles les crises.

    Pourtant Marx va montrer qu’il existe une solution de croissance équilibrée dans une économie plurisectorielle et sa démonstration sera admirée par les plus grands économistes du xxe siècle. Dans une économie avec un secteur produisant des biens de production (section 1) et un secteur produisant des biens de consommation (section 2), la croissance équilibrée est possible, l’une achetant à l’autre, pourvu qu’une certaine proportion soit respectée.

    Il montre également qu’une disproportion entre ces sections conduit à la crise de surproduction sectorielle, et comment cette crise se généralise. On pourrait penser que le théoricien de l’exploitation des travailleurs invoquerait une théorie de la crise du fait de la sous-consommation ouvrière (du type de celle que Jean de Sismondi avant lui, et John A. Hobson après lui, ont développée). Ce n’est pas le cas. Marx, en effet, comprend que la demande d’investissement (l’achat de machines) peut être un substitut à la demande de biens de consommation. La tendance à l’accumulation soutient la demande effective.

    Mais il comprend aussi que ce soutien n’est pas sans limite, que la demande d’investissement finira forcément par chuter si la base de consommation est bloquée. Les débouchés sont donc limités non seulement par un problème de proportionnalité (ce que nous venons de voir), mais aussi par le pouvoir de consommation de la société, celui-ci restant entravé, du fait des rapports antagoniques de répartition : 1) par des salaires fixés à un minimum socialement nécessaire et 2) par la tendance des capitalistes à épargner pour accumuler.

    La faiblesse de la consommation imposée par les rapports sociaux capitalistes ne peut expliquer directement les crises, mais elle reste leur fondement et en définitive, « plus les forces productives se développent, plus elles entrent en conflit avec les fondements étroits sur lesquels reposent les rapports de consommation ». Marx retrouve la révolte des forces productives.

    Trop d’inégalités

    On retrouve avec la crise contemporaine cette dimension de crise de réalisation. La vive montée des inégalités a eu comme résultat, et particulièrement aux États-Unis, ou au Royaume-Uni, de réduire fortement le pouvoir d’achat des travailleurs.

    Certes, dans la demande effective, il y eut aussi accroissement des dépenses de luxe des plus riches, mais ceci ne peut compenser cela, la tendance à la croissance de l’épargne l’emportant dans ces catégories sur la dépense de consommation. La demande globale a longtemps été soutenue par le recours aux emprunts. Ce que les revenus réels ne permettaient pas d’acheter, l’ouverture de crédit le rendait possible.

    La crise financière, l’insolvabilité de nombre de ménages surendettés, les restrictions de crédit, la course à la liquidité font qu’aujourd’hui, la mer de l’endettement s’étant retirée, la crise de réalisation due aux inégalités se révèle. Le diagnostic de Marx reste d’actualité : à l’échelle mondiale, les salaires sont trop faibles et l’épargne trop élevée.

    SCIENCES HUMAINES  via http://fortune.fdesouche.com

  • De 622 à 987 Le haut Moyen Âge

    La fin de l'Antiquité

    Les historiens appellent Moyen Âge (ou période intermédiaire) la longue période de l'Histoire occidentale qui court de la fin de l'Antiquité à la découverte de l'Amérique (1492).

    Le haut Moyen Âge désigne les siècles les plus obscurs de cette période. Il débouche sur la division de l’ancien empire romain entre trois empires très différents :
    – l'empire byzantin, resté très proche du modèle antique,
    – l'empire arabo-musulman, en rupture avec le passé chrétien de l'Occident,
    – l'empire de Charlemagne, vague réminiscence de l'empire romain, marqué par ses racines germaniques et coupé de l'Orient antique du fait de l'invasion arabe.

    Vers l'An 800, tandis que règne à Bagdad le calife Haroun al-Rachid, Charlemagne règne à Aix-la-Chapelle, près du Rhin, sur l'Empire d'Occident. À Constantinople, sur le Bosphore, Irène gouverne l'empire byzantin.

    Haroun al-Rachid, Charlemagne, Irène... Ces trois personnages magnifiés par la légende symbolisent une période de transition. Sous les cendres de l'empire romain, un monde nouveau est en train de germer mais les contemporains n'en ont guère conscience.

    Autour de la Méditerranée, la paysannerie vit dans une extrême misère. La paix est sans cesse violée et, qui plus est, de nouvelles vagues d'envahisseurs se profilent au nord et à l'est (Vikings, Magyars).

    Le haut Moyen Âge se clôt aux alentours de l'An Mil avec l'émergence des États modernes et l'épanouissement en Europe d’une nouvelle civilisation, la nôtre.

    La tradition qui désigne l'année 476 comme marquant la fin de l'Antiquité n'a aucune signification historique en-dehors de l'Europe occidentale (l'année 476 se signale seulement par la déposition à Ravenne, en Italie, d'un enfant-empereur sans pouvoir). Cette tradition trouve son origine dans la volonté des historiens français du XIXe siècle de faire remonter les origines de leur pays à Clovis, roi des Francs et fondateur de la dynastie mérovingienne, qui vécut à cette époque (vers 465-511).

    L’empire arabe

    Après la mort de mort de Mahomet, les Arabes profitent des guerres et des querelles qui divisent Perses et Byzantins pour conquérir la Syrie, l’Égypte, la Mésopotamie (devenue Irak) et la Perse elle-même. Ils atteignent les portes de la Chine et l’Afrique du nord. Les populations se soumettent sans trop de difficultés à ces conquérants qui se contentent de leur imposer un tribut.

    Une troupe de musulmans, sous la conduite d’un chef dénommé Tarik, traverse le détroit qui sépare l’Afrique de l’Espagne. Le lieu du débarquement prend le nom de djebel al-Tarik (la montagne de Tarik), dont nous avons fait... Gibraltar. Les envahisseurs s’emparent de l’Espagne et peu après, un prince arabe fonde à Cordoue, en Andalousie, un émirat indépendant.

    Les califes, chefs suprêmes des musulmans, résident quant à eux à Damas, capitale de la Syrie. Enfin, ils se transportent sur les bords du Tigre, non loin de l’antique Babylone, dans une ville nouvelle dénommée Bagdad (en persan, Don de Dieu). La ville est aussi surnommée en arabe Dar as Salam (la Cité de la Paix).

    Toutes les richesses du monde méditerranéen affluent vers Bagdad, faisant de cette cité d’un à deux millions d’habitants la plus prestigieuse et la plus grande de son époque.

    Carrefour entre les mondes grec, persan et indien, Bagdad atteint son apogée sous le règne du calife Haroun al-Rachid (786-809). Elle offre alors l'exemple d'une civilisation raffinée dont les contes des Mille et une Nuits nous conservent le souvenir. Ses commerçants entretiennent des relations avec le monde entier. Ses poètes chantent le vin et l'amour. Ses mathématiciens empruntent aux Indiens la numérotation moderne et le zéro...

    Dans tout l’empire mais aussi dans l’émirat indépendant de Cordoue, en Espagne, et dans le royaume du Maroc, s’épanouit un artisanat prospère. Les Arabes développent l’irrigation et introduisent de nouvelles cultures en Occident : riz, haricot, chanvre, canne à sucre, mûrier,...

    L'empire de Bagdad décline très vite sous l'effet de l'incurie administrative, des injustices sociales, des révoltes d'esclaves et des tensions entre chiites et sunnites, deux formes rivales de l’islam apparues un demi-siècle après la mort de Mahomet.

    La prospérité de l’empire repose en effet sur des bases fragiles : l'oppression de la paysannerie par les dignitaires et l'esclavage.

    Les commerçants de Venise font fortune en livrant aux musulmans des prisonniers de guerre originaires des régions slaves de l'Est de l'Europe, encore païennes.

    C'est ainsi que le mot Esclavon (ou esclave), synonyme de Slave, se substitue au latin servus (que l'on retrouve dans servile et serf) pour désigner une personne privée de liberté. Mais ce commerce se tarit à mesure que les Slaves se convertissent au christianisme.

    Les Arabes se tournent vers l'Afrique noire, où l'esclavage est une institution solidement établie. Le trafic d'esclaves noirs vers l'Orient arabe va prospérer pendant plus d'un millénaire. Il va concerner dix à quinze millions d'individus, soit à peu près autant que la traite européenne entre 1500 et 1800. La plupart des esclaves sont émasculés pour empêcher qu'ils ne fassent souche et parce que le réapprovisionnement est facile et bon marché.

    De nombreux esclaves noirs travaillent très durement dans les zones marécageuses du sud de l'Irak. N'en pouvant plus d'être maltraités, ils s'insurgent mais leur révolte est réprimée sans concession au prix de 500.000 à 2,5 millions de victimes  ! Cette épreuve ébranle l’empire arabe.

    Un peu plus tard, le calife al Qadir interdit toute nouvelle interprétation du Coran (1019). C'est un coup d'arrêt brutal au développement de l'esprit critique et aux innovations intellectuelles et scientifiques dans l'empire arabe. C’est le début d’un inexorable déclin.

    Charlemagne

    Tandis que les premiers califes s’emparaient de l’Orient et atteignaient les Pyrénées, l’Occident chrétien sombrait dans la barbarie sous la conduite désordonnée des descendants de Clovis.

    Un sursaut se produit avec un chef énergique, Charles Martel, qui arrête une incursion arabe aux environs de Poitiers (25 octobre 732). Son petit-fils Charles reçoit la couronne royale à la place de l’héritier mérovingien. Et le 25 décembre 800, à Rome, le souverain pontife lui confère le titre inédit d'« Empereur des Romains ». L’Histoire le connaît sous le nom de Charlemagne (une déformation du latin Carolus Magnus, qui signifie Charles le Grand).

    Bien qu’illettré, Charlemagne révèle des qualités exceptionnelles comme chef de guerre et plus encore comme administrateur. C’est au point que certains historiens parlent de son long règne (774-814) comme d’une première Renaissance  ! À Aix-la-Chapelle, sa capitale, qu’il a choisie en raison d’une source thermale propice à sa santé, il fait venir des moines irlandais et anglo-saxons qui rétablissent l’enseignement du latin et son usage comme langue administrative. On leur doit d’utiliser encore beaucoup de mots d’origine latine dans notre langue de tous les jours. On leur doit aussi l’écriture caroline avec des lettres attachées.

    Chaque année ou presque, Charlemagne fait la guerre. Il court d’un bout à l’autre de son empire pour repousser les envahisseurs et soumettre les rebelles (Saxons, Lombards, Arabes d’Espagne, Aquitains, Bretons, Croates, Avars du Danube,…). Son empire s’étend de l’Elbe (Allemagne) à l’Ebre (Espagne). En Italie, il s’arrête du côté de Ravenne, là où commencent les États du pape.

    Charlemagne n’ayant qu’un fils survivant, celui-ci maintient l’unité de l’empire. Mais lorsqu’il décède à son tour, ses trois fils se déchirent l’héritage.

    À Strasbourg, Charles le Chauve et Louis le Germanique font serment d’alliance contre le cadet, Lothaire (14 février 842). Le premier s’exprime dans la langue tudesque des soldats de son frère et, réciproquement, le deuxième dans la langue romane. Le tudesque donnera le jour à l’allemand et le roman au français. Ces serments de Strasbourg la première trace que nous avons des langues modernes.

    Ces querelles d’héritage surviennent au plus mauvais moment, lorsque font irruption en Occident de nouvelles vagues d’envahisseurs. Les Vikings venus de Scandinavie sèment la terreur le long des grands fleuves (Seine, Loire,…). Les Sarrasins s'établissent en Sicile et en Provence. Ils poussent des razzias jusqu'à Rome et dans les Vosges. Les Magyars ou Hongrois, venus de Sibérie, effectuent des chevauchées jusqu'à... Nîmes.

    Fin des Carolingiens

    Moins d’un siècle après sa fondation, l’empire de Charlemagne est au plus mal. Les héritiers du grand empereur, incompétents, délèguent à chacun de leurs meilleurs guerriers la défense d'une portion du territoire. Ainsi, la plupart des terres passent sous la coupe d'un seigneur qui en perçoit les revenus. En échange d’une participation à la guerre, ces seigneurs obtiennent de leur souverain le droit de léguer leur terre à leur fils aîné.

    Mais dans cette atmosphère de fin du monde émergent les premiers signes d’un renouveau. Il va sans dire que les contemporains n’en ont aucune conscience. En Bourgogne, en un lieu inculte appelé Cluny , une poignée de moines obtiennent du duc d’Aquitaine le droit d’installer une abbaye qui, chose nouvelle, n’aura de comptes à rendre qu’au pape. Très vite, les abbés de Cluny acquièrent une autorité morale très forte dans toute la chrétienté occidentale. Ils en usent pour adoucir les mœurs des guerriers et des rois.

    Le roi carolingien Charles le Simple conclut un accord avec les Vikings et les établit à l’embouchure de la Seine, dans une région qui va prendre leur nom (Normandie). Les nouveaux-venus vont désormais mettre leur énergie au service de la chrétienté. Quant aux Sarrasins établis près de l’actuel port de Saint-Tropez, dans le massif des Maures, ils sont purement et simplement chassés.

    De l’autre côté du Rhin, les grands seigneurs, lassés par l’ineptie des héritiers carolingiens, élisent l’un des leurs à leur tête : Conrad de Franconie. Ils lui confèrent le titre de roi (24 septembre 911). Cette élection marque la naissance de l’Allemagne. Sur son lit de mort, Conrad 1er désigne pour successeur le duc Henri de Saxe, dit l'Oiseleur.

    Le fils et successeur de ce dernier, Otton 1er , se porte au-devant d’une bande de Hongrois. Il les défait sur le champ de bataille du Lechfeld, près de Vienne. Sa victoire a un immense retentissement dans la chrétienté occidentale. Elle met un terme définitif aux grandes invasions. Désormais, pendant plus de mille ans, l’Europe occidentale ne va plus connaître aucune immigration significative d’où que ce soit.

    Fort de sa victoire, Otton 1er ne se contente pas du titre de roi d’Allemagne. Il se fait couronner à Rome roi des Romains et… « Empereur et Auguste ». Le Saxon prétend de la sorte restaurer l'empire carolingien.

    Comme tous ses successeurs, il tient d’ailleurs à s'asseoir sur le trône de pierre de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle, à la place de Charlemagne. L’empire d’Otton, ou 1er Reich allemand, sera plus tard connu sous le nom de Saint Empire romain germanique. Il sera supprimé par Napoléon 1er en 1803.

    En Francie occidentale, ancien nom de la France, les grands seigneurs suivent l’exemple de leurs homologues d’Outre-Rhin. Ils élisent à leur tête l’un des leurs, le comte de Paris Hugues Capet, et lui confèrent le titre de roi (3 juillet 987). Les héritiers directs de Charlemagne passent à la trappe. Une page se tourne.

    Renouveau en Chine

    En Chine, où la dynastie des T’ang a depuis longtemps laissé la place à la division et à l’anarchie, un guerrier du nom de T’ai-tsou s’empare du pouvoir en 960. Il restaure l’unité de l’empire et fonde la grande dynastie des Song.

    http://www.herodote.net

  • Le populisme face à la haine du peuple

    Entretien avec Christophe Boutin*
    « Populisme ambiant », comme écrivait avec mépris Libération. Toujours ce même fantasme de la bête immonde qui guette, la même idéologie en carton-pâte pour effrayer l'électeur au fond de sa chaumière. Que recouvre vraiment « l'irrésistible montée des populismes », de la France à l'Amérique du Sud, des États-Unis à la Suisse (la Suisse ! rendez-vous compte) ?

    De Nicolas Sarkozy à Marine Le Pen, Ségolène Royal ou Jean-Luc Mélenchon : tous ont en commun cette marque infâme d'être dénoncés comme populiste. Est-ce que ce terme garde une signification ? En a-t-il déjà eu une ?
    Le terme de « populisme » moderne, le seul qui nous intéresse ici, celui qui est utilisé depuis maintenant vingt ans, est essentiellement une marque stigmatisante, une hétéro-définition infligée à un mouvement politique pour le discréditer. Ce n'est qu'une fois imposé par l'adversaire qu'il est repris par certains mouvements qui tentent d'en retourner le contenu négatif, se flattant alors de leur lien supposé avec un peuple difficilement contournable en démocratie.
    Ce terme permet de dénoncer un démagogue flattant l'opinion publique en ce qu'elle a de plus mauvais et usant des bas instincts de la plèbe pour parvenir au pouvoir. Un mouvement dont le discours est nécessairement « simpliste », incapable de rendre compte de la complexité des enjeux du pouvoir dans le monde moderne ; incapable aussi de sortir des préjugés pour affronter la modernité.
    Si l'on se place maintenant sur les quelques invariants des populismes, on retrouve, populismes de droite ou de gauche confondus, quelques thématiques simples. La première est le présupposé que la politique est menée dans nos démocraties par une élite coupée des réalités, une classe fermée sur elle-même, mêlant politique, finance et médias. Cette classe se projetterait dans un avenir où disparaissent les identités nationales, ethniques, culturelles, pour ne laisser subsister qu'une différence sociale exacerbée. La seconde est le présupposé de l'existence d'un peuple formant encore une communauté cohérente - groupe national à droite, mélangé de classe sociale à gauche -, dont les valeurs doivent pouvoir structurer à nouveau le discours politique. En quelque sorte, nous nous trouvons en face d'un discours qui reprend la distinction maurrassienne classique du « pays légal » opposé au « pays réel ». S'y ajoute enfin la revendication d'un double lien entre le leader populiste et le peuple. Le premier passe par une identité de discours et par l'incarnation du peuple dans le leader ; le second se traduit par la référence appuyée à une démocratie directe au moins partielle, se concrétisant notamment autour de votations référendaires sur les grands sujets de société.

    De Jean-Claude Michéa à Alain de Benoist, nous trouvons la même analyse de cette invention récente du « populisme » : un concept fourre-tout, bien pratique pour discréditer tout mouvement ou idée, qui prendrait le peuple à témoin pour remettre en cause les abus et les privilèges de l'hyper-classe mondialisée ? Tous ceux qui n'adhèrent pas à « l'idéologie d'une démocratie radicale déracinée » ?(1)
    Pour nombre d'adversaires du populisme, il s'agit simplement de discréditer tout mouvement, de gauche ou de droite, qui met en cause la domination d'un pouvoir auquel ils participent directement ou indirectement. La politique serait une chose bien trop sérieuse pour être laissée au peuple, et l'histoire de la construction européenne a ici valeur d'exemple caricatural, des discours des « pères fondateurs » aux référendums contournés. Le populisme remplace ainsi dans son rôle délégitimant le terme de "fascisme" largement usité dans la fameuse « reductio ad hitlerum », devenu trop éloigné des réalités des mouvements accusés et trop daté pour jouer pleinement son rôle de repoussoir.
    D'autres adversaires du populisme ne se situent pas sur cette approche cynique. Leur conception de la démocratie postule l'existence d'un citoyen abstrait, pouvant vivre coupé de ses sphères d'appartenance, qui vont de la famille à la nation et aux analyses purement rationnelles. Un citoyen qu'ils ne trouvent pas, et pour cause, dans la réalité. En attendant le moment où l'homme sera capable de dépasser son intérêt personnel pour penser en citoyen idéal, ils se défient des mouvements populaires - des « émotions populaires » comme on disait. Et de ce que le registre de l'émotion et de l'irrationnel permet de déclencher les mouvements des foules, on conclut par une défiance envers tout sentiment, suspectant jusqu'à la philia aristotélicienne, nécessaire pourtant à la vie de la Cité, mais qui définit nécessairement un Autre.

    En retournant cette question du populisme, qu'apprend-on sur les adversaires du populisme ?
    Vous le voyez, il n'y a pas un, mais des adversaires du populisme. Cela va de l'héritier de Sieyès, cherchant dans une élection à plusieurs degrés la solution à des débordements populaires dont il faut sans doute toujours se méfier, jusqu'au dirigeant infatué de son pouvoir. Mais si le second méprise le peuple, ce n'est pas le cas du premier.

    « Selon l'usage commun, un gouvernant élu qui écoute un bon peuple est populaire, mais s'il écoute un mauvais peuple, il est populiste. » (1) Drôle de conception de la démocratie, non ?
    D'où l'importance de la démocratie sondagière, pour nous donner à toute force les images de ce « bon peuple » qui valideraient les choix de la modernité. Mais l'instrument semble cassé, et il devient de plus en plus délicat de camoufler l'écart actuel entre une opinion publique revue et corrigée par les questions, et les panels, tandis que se multiplient par ailleurs les actions répressives (textes nouveaux, institutions ad hoc, actions en justice) contre la liberté d'expression d'une tout autre opinion publique.

    Car, pour finir, en tant qu'expert de l'abstention (2), ne peut-on lier les deux phénomènes de désengagement populaire à l'égard de la politique et cette défiance extrême - certains populistes diraient ce mépris - envers le peuple par une partie des élites ?
    Le vote suppose que le citoyen se reconnaisse dans un discours présenté par un homme ou une formation, en sachant qu'il est impossible de trouver une adéquation parfaite. Un choix se fait alors entre les offres politiques en fonction de priorités qui peuvent être analysées de manière rationnelle ou triées en fonction de ressentis. Encore faut-il que l'offre politique soit réelle, c'est-à-dire qu'elle permette aux formations présentes sur la scène politique de participer par des élus à l'élaboration de la norme. Lorsque l'offre n'est que de pure forme et que le citoyen n'a pas l'impression de pouvoir peser par son vote sur les choix politiques, il se tournera vers d'autres formes de participation, qui vont des associations à la grève, mais peuvent aussi déboucher sur la violence. La démocratie suppose le débat non seulement lors du choix des dirigeants, mais aussi lors de l'établissement de la norme. Si un système électoral permet de confiner ce débat en excluant de manière systématique certaines problématiques et en le resserrant entre deux approches presque identiques, l'électeur se sent dépossédé de sa parcelle de souveraineté... et n'est guère tenté de venir cautionner par sa présence aux urnes un système dont il se sent exclu.
    Propos recueillis par David Sellos LE CHOC DU MOIS moi 2011
    1) Chantal Delsol, La nature du populisme ou les figures de l'idiot. Les éditions Ovadia, Nice, 2008, 218 p.
    2) Christophe Boutin, L'abstentionnisme électoral ; apaisement ou épuisement. Actes du colloque des 29 et 30 novembre 2001, F.-X. de Guibert.
    *Christophe Boutin est politologue, professeur des Universités. Dernier ouvrage paru : Les grands discours politiques du XXe siècle (Flammarion, 2009).

  • La grande Albanie : un projet américain contre le monde orthodoxe ?

    La grande Albanie : un projet américain contre le monde orthodoxe ? Mercredi dernier, le Premier ministre albanais Sali Berisha a prôné l’octroi de la nationalité albanaise à tous les albanais, ou qu’ils résident. Cette déclaration a été faite lors d’une visite de la ville de Vlora où l’indépendance de l’état Albanais a été prononcée, il y a juste 100 ans. A l’époque l’Albanie se libérait juste du joug Ottoman.
    Cette déclaration fait suite a une autre déclaration, commune cette fois, que Sali Berisha avait fait avec son homologue Kosovar Hashim Thaçi il y a quelques semaines, promettant l'union de tous les Albanais. L’endroit était, il faut le dire bien choisi, puisque l’immense majorité des habitants du Kosovo y est aujourd’hui d’origine albanaise, ce qui n’a pas toujours été le cas.

    Lors de la guerre des Balkans en 1913, les serbes constituent encore la majorité de la population. En 1941, le Kosovo est rattaché à la Grande Albanie (déjà) sous protectorat fasciste italien. Après la guerre, le maréchal Tito interdira l’immigration albanaise car la Yougoslavie ne pouvait selon lui être forte qu’avec une Serbie la plus faible possible. En 1974, c’est du reste lui qui attribue au Kosovo le statut de province autonome, statut qui sera supprimé par Slobodan Milosevic en 1989, alors que les Serbes ne représentent déjà plus que 15 % de la population.

    Lorsqu’en 2008 le Kosovo se déclare indépendant, prés d’une décennie après l’intervention militaire occidentale, peu de commentateurs mettent le doigt sur l’Albanité dominante de ce nouveau petit état. L’heure est au contraire à la fête pour ce peuple soi disant oppressé et qui accède enfin à la liberté. Au sein de la plupart des pays Occidentaux et de l’Union Européenne, la reconnaissance est instantanée, sans que ne se pose la question du traitement de la minorité serbe et de l’avenir qui lui était réservé, malgré le terrible précédent de 2004, lorsque les chrétiens avaient été victimes de pogroms, les églises brulées, et les droits humains les plus élémentaires bafoués. Il est vrai que l’Europe, pardon l’UE, avait à cette époque d’autres priorités : l’organisation essentielle d’une gaypride a Belgrade.

    Il aura donc fallu seulement quatre ans pour que la farce de l’indépendance du Kosovo apparaisse enfin publiquement. Seulement quatre ans pour que le Premier ministre albanais donne raison aux nationalistes serbes qui ont eux toujours affirmé affronter non pas les Kosovars (les habitants de la région du Kosovo étant des serbes) mais bel et bien des Shqiptars, dans un nouvel épisode du conflit ancestral qui oppose depuis prés de 6 siècles dans les Balkans les Slaves orthodoxes aux fils de convertis de l’empire Ottoman. Le soutien occidental à la création du Kosovo et l’acharnement contre la Serbie peuvent sembler complètements inexplicables. Pourtant de 1991 à 2008, une seule et même logique a animé les stratèges américains: la destruction de la Serbie, afin que celle-ci soit la plus faible possible a l’avenir, au moment historique inévitable ou elle allait de nouveau se tourner vers la Russie. Bien sûr, il fallait dans le même temps une Russie également affaiblie au maximum. Si de 1991 à 2000 une guerre militaire et médiatique a été menée contre la Serbie de Milosevic en vue de son anéantissement, dans le même temps, c’est une guerre économique et morale qui était menée contre la Russie d’Eltsine. La croisade contre le monde communiste s’est transformée en croisade contre le monde orthodoxe, et contre son centre névralgique et politique le plus souverain : la Russie. Le théoricien du containment russe en Eurasie, Zbigniew Brezinski, affirmait lui-même en 2007 que: « Le principal ennemi de l’Amérique était désormais l’église orthodoxe russe». La création de la grande Albanie peut sans doute être vue dans ce sens historique et géostratégique. Elle est une nouvelle allumette jetée, une allumette qui pourrait créer une étincelle et déclencher un nouvel incendie dans le brasier balkanique. Cet incendie aurait pour conséquence d’affaiblir un peu plus l’Europe, mais aussi de déstabiliser un peu plus le monde orthodoxe (Macédoine, Grèce, Monténégro, Serbie…) et de freiner son rapprochement avec la Russie. Par ricochet, c’est donc l’influence russe en Europe de l’Est qui serait remise en cause, et donc son rapprochement avec l’Europe de l’Ouest. Ce faisant, l’Amérique aurait atteint une nouvelle fois son objectif essentiel : éviter un rapprochement continental et européen entre les mondes catholiques et orthodoxes.

    Alexandre Latsa http://www.voxnr.com

  • Conférence donnée par Aymeric Chauprade à Funglode, St Domingue, le 27 novembre 2012. Texte intégral.

    Aymeric Chauprade, vient de donner une interview au Quotidien de la Jeunesse de Chine sous le titre : « L’énergie, but inavoué des Etats-Unis et de l’Europe en Syrie. » C’est le thème qu’il a développé lors de sa conférence à Saint-Domingue le 27 novembre dernier, dont on trouvera le texte ci-après. Dans une brillante analyse, il a très clairement expliqué les différents aspects des événements de Syrie, leurs causes et leurs effets, sans omettre la nature réelle du lien entre le dollar et le pétrole ni les déboires qu’encourraient les Etats-Unis si ce lien venait à être rompu. Quant à la Syrie, il démontre le rôle stratégique – que les Européens focalisés sur la tragique guerre civile ignorent généralement – que ce petit pays « joue dans les logiques pétrolières et gazières au Moyen-Orient ». La démonstration est imparable !
    Polémia 

    Comprendre la géopolitique du Moyen-Orient c’est comprendre la combinaison de multiples forces. Nous allons voir qu’il faut envisager au moins la combinaison de 3 logiques :

    • - les forces intérieures qui s’affrontent à l’intérieur d’un même État, comme la Syrie, l’Irak ou la Libye. Des conflits ethniques (Kurdes et Arabes), ou confessionnels anciens (chiites, sunnites, Alaouites, chrétiens…).
    • - les logiques d’influence des grands acteurs de puissance régionaux (l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Qatar, Israël, la Turquie, l’Égypte…) et la façon dont ces acteurs utilisent les logiques communautaires dans les États où ils essaient d’imposer leur influence (Liban, Syrie, Irak)
    • - le jeu des grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine, France, UK…) et en particulier la géopolitique du pétrole et du gaz.

    A cette analyse géopolitique, il faut être capable de marier une analyse de science politique, et de comprendre en particulier ce qui se passe sur le plan des nouveaux courants idéologiques du monde arabe ou bien sur le plan de la légitimité des régimes politiques qui tremblent.

    Par ailleurs il ne faut surtout pas avoir l’idée que les dynamiques qui secouent le Moyen-Orient sont très récentes. Il n’y a jamais eu de stabilité au Moyen-Orient dans les frontières que nous connaissons aujourd’hui. Si les Anciens parlaient à propos des colonisations et protectorats de pacification ce n’est pas pour rien. Seules les structures impériales, que ce soit l’Empire ottoman ou les Empires occidentaux, ou même dans une certaine mesure la Guerre froide entre l’Ouest et l’Est, ont en réalité gelé momentanément les affrontements claniques, tribaux, ethniques et confessionnels du Sahara jusqu’aux déserts d’Arabie en passant par le Croissant Fertile.

    En réalité, il y a là une constante à peu près universelle. Là où de véritables États-nation homogènes n’ont pu se former, la guerre civile est devenu une sorte d’état instable permanent.

    Lire le texte intégral (version Pdf) de la conférence en cliquant ici

    Eric Chauprade http://www.polemia.com
    27/11/2012

  • Le cardinal de Retz, le vaincu de l’histoire sauvé par ses Mémoires

    La vie de Jean François-Paul de Gondi, cardinal de Retz (1613-1679), fut une succession d’intrigues, de complots, de conspirations et de luttes pour le pouvoir. Libertin, lui qui se décrivait comme « l’âme peut-être la moins ecclésiastique qui fût dans l’univers », n’en rechercha pas moins avec ardeur le chapeau de cardinal. A défaut d’avoir eu la destinée d’homme d’Etat dont il rêvait, c’est surtout comme écrivain que sa renommée a traversé les siècles.

    Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre.

    Ses Mémoires dans lesquelles il décrit les péripéties de sa vie agitée sont une ode à l’esprit de révolte. Les portraits des grands de son temps et le récit de ses aventures écrits dans un style éblouissant en font  un des plus beaux textes de la littérature française du XVIIe siècle.

    Le cardinal de Retz, dresse de son ennemi  Mazarin, un portrait au vitriol saisissant, bien que fort peu objectif :

    «Sa naissance était basse et son enfance honteuse. Au sortir du Colisée, il apprit à piper, ce qui lui attira des coups de bâtons d’un orfèvre de Rome appelé Moreto. Il fut capitaine d’infanterie en Valteline ; et Bagni, qui était son général, m’a dit qu’il ne passa dans sa guerre, qui ne fut que de trois mois, que pour un escroc. Il eut la nonciature extraordinaire en France, par la faveur du Cardinal Antoine, qui ne s’acquérait pas, en ce temps-là, par de bons moyens. Il plut à Chavigny par ses contes libertins d’Italie, et par Chavigny à Richelieu, qui le fit cardinal, par le même esprit, à ce que l’on a cru, qui obligea Auguste à laisser à Tibère la succession de l’Empire. La pourpre ne l’empêcha pas de demeurer valet sous Richelieu. […] »

     

    Né à Montmirail dans une famille d’origine italienne, Jean François-Paul de Gondi, est appelé à succéder à son oncle, archevêque de Paris. Il fait de brillantes études théologiques, tout en cultivant son penchant pour les histoires de conspirateurs et de héros. Très tôt, il est mêlé  aux intrigues politiques.

    Il conspire contre Richelieu aux côtés du comte de Soissons en 1636.  Il dut attendre la mort du cardinal et de Louis XIII pour être nommé coadjuteur de l’archevêque de Paris par la régente Anne d’Autriche, en 1643. Mais c’est la  période de la Fronde (1648-1651) avec ses troubles et ses renversements d’alliances qui va lui permettre de donner toute sa mesure d’agitateur et de conspirateur. Au premier rang des frondeurs contre Mazarin en 1648, il tente de prendre la tête des émeutiers parisiens. Il obtient son chapeau de cardinal au début des années 1650 et s’allie à la reine Anne d’Autriche contre le prince de Condé.

    Le retour de Mazarin au pouvoir sonne la fin de ses ambitions. Emprisonné au château de Nantes, il s’évade, part Espagne, s’exile en Italie puis en Flandre avant d’accepter de démissionner du siège d’archevêque en 1662,  qui lui revenait en droit depuis la mort de son oncle, contre l’abbaye de Saint-Denis et l’autorisation de revenir en France.

    La fin de sa vie est consacrée à la rédaction de ses Mémoires. Il meurt le 24 août 1679, après s’être retiré dans son abbaye de Saint-Denis où  il sera inhumé. Louis XIV interdit qu’on y dresse un monument, ce qui évitera d’ailleurs la profanation de sa tombe en 1793.

    Ses Mémoires publiées en 1717, si elles sont loin d’être impartiales, n’en révèlent pas moins un écrivain brillant, une des grandes plumes de son siècle et de la littérature française.

    Les premières lignes des Mémoires :

    « Madame, quelque répugnance que je puisse avoir à vous donner l’histoire de ma vie, qui a été agitée de tant d’aventures différentes, néanmoins, comme vous me l’avez commandé, je vous obéis, même aux dépens de ma réputation. Le caprice de la fortune m’a fait honneur de beaucoup de fautes ; et je doute qu’il soit judicieux de lever le voile qui en cache une partie. Je vais cependant vous instruire nuement et sans détour des plus petites particularités, depuis le moment que j’ai commencé à connaître mon état ; et je ne vous cèlerai aucunes des démarches que j’ai faites en tous les temps de ma vie. Je vous supplie très humblement de ne pas être surprise de trouver si peu d’art et au contraire tant de désordre en toute ma narration, et de considérer que si, en récitant les diverses parties qui la composent, j’interromps quelquefois le fil de l’histoire, néanmoins je ne vous dirai rien qu’avec toute la sincérité que demande l’estime que je sens pour vous. Je mets mon nom à la tête de cet ouvrage, pour m’obliger davantage moi-même à ne diminuer et à ne grossir en rien la vérité. La fausse gloire et la fausse modestie sont les deux écueils que la plupart de ceux qui ont écrit leur propre vie n’ont pu éviter. […] »

    http://histoire.fdesouche.com

    Bibliographie :
    Les Mémoires du cardinal de Retz sur wikisource
    Larousse
    BERTIÈRE Simone, La vie du cardinal de Retz, Paris, Ed. de Fallois, 1990, réédité en Livre de poche.
    LORRIS Pierre-Georges Lorris, Le cardinal de Retz. Un agitateur au XVIIème siècle, Paris, Albin Michel, 1956.

  • La psychologie

    La psychologie au sens premier est la connaissance de l'âme ; on dit maintenant la science du psychisme. La psychologie fait peur car les hommes ont peur d'être dévoilés aussi bien aux autres qu'à eux-mêmes.
    Le « Connais-toi toi-même » grec est difficile à assumer. Le mystère est plus rassurant. Les hommes plus que les femmes affichent une hostilité ou un mépris face à ce « savoir ». Les femmes ont-elles plus la fibre psychologique ?
    Il suffit d'observer les amphithéâtres où l'on enseigne cette matière pour découvrir un public essentiellement féminin, la population masculine étant quasi-inexistante. Kant déjà donnait une importance mineure à cette matière car elle n'était pas mathématisable. Le doute sur la scientificité de la psychologie subsiste encore de nos jours pour certains. On fait encore la distinction entre sciences dures et sciences molles. Même si ces critiques sont essentiellement masculines, les fondateurs de la « science » psychologique ont été des hommes.

    Wundt et l'introspection
    L'introspection est l'analyse par soi-même de ce qui se passe en nous-mêmes. Kant la critiquait car pour lui on ne peut s'observer soi-même.
    On ne peut à la fois être celui qui analyse et celui qui est analysé. Pourtant elle a été développée par le psychologue allemand Wundt. L'intérêt au-delà des critiques est la description par exemple des conflits intérieurs.
    Le fait de se connaître permet aussi de mieux connaître autrui. L'introspection pour un freudien ne peut accéder à l'inconscient. L'intériorité est aussi difficile à exprimer par le langage.
    L'analyse de notre introspection est liée à notre intelligence, intuition, perspicacité et culture donc très subjective ainsi que de nos jugements moraux et sociaux.
    Pour la phénoménologie de Husserl « Toute conscience est conscience de quelque chose » donc tournée vers le monde extérieur et non vers soi-même.
    L'introspection a donc ses limites pour la connaissance de soi-même. On peut par exemple aussi se découvrir par nos actes.

    Le behaviorisme
    C'est la psychologie du comportement ou de la réaction liée à l'environnement. On l'associe à John Watson qu'on résume ainsi à « stimulus-réponse ». Certains l'appliquèrent pour l'apprentissage comme Thorndike.
    Le psychologue ne tient pas compte de la conscience.
    Les psychologues de la réaction les plus connus furent Bechterew et Pavlov. Le behavioriste ne tient pas compte des états mentaux.
    L'étude du « réflexe conditionné » de Pavlov est bien connue (le chien de Pavlov).
    La philosophie du behaviorisme est de ne se tenir qu'à l'observable et au mesurable. On étudie la réponse à des stimuli :
    S -------► R             ou                   S-------►              1------- ► R
                  S : Stimuli        I : Individu       R : Réponse

    Le cognitivisme
    Le cognitivisme va se déterminer en opposition au behaviorisme. Cette remise en cause a commencé avec un article de George Miller. La capacité humaine ne pouvait estimer ou mémoriser des stimuli au-delà de sept.
    On se mit à étudier la structure interne de l'esprit. Von Neumann fera un parallèle entre l'ordinateur et le cerveau.
    Le cognitivisme, né au milieu du XXeme, siècle devient un processus de traitement de l'information.

    Piaget
    Après une formation de biologiste le savant suisse s'intéressera aux processus cognitifs de l'enfance.
    Pour le psychologue, les catégories fondamentales de la connaissance (espace, temps, ...) ne sont pas données mais construites ce qui le différencie de Kant. Piaget est aussi un structuraliste. Il a, à partir de l'observation de ses enfants, beaucoup étudié le développement intellectuel et cognitif de l'enfance. Il définira l'assimilation (les éléments du monde entrent dans la structure cognitive de l'enfance) et l'accommodation (on modifie sa structure cognitive). On arrive ainsi à « l'équilibration ».
    Piaget distinguera plusieurs stades de l'intelligence :
    l'intelligence senso-motrice jusqu'à un an et demi,
    l'intelligence opératoire jusqu'à 11/12, et ensuite le stade des opérations formelles (adolescence).
    Avec Piaget, la psychologie de l'enfance s'est très développée.

    John Bowlby
    Le psychologue anglais a étudié les souffrances enfantines. La « carence des soins maternels » peut aboutir à de graves conséquences.
    Bowlby étudiera l'attachement d'un enfant à sa mère et l'angoisse de la séparation.
    Plus que la sexualité, Bowlby mettre l'accent sur l'affectif: « la propension des êtres humains à établir des liens affectifs puissants avec des personnes particulières ».

    Jung et la psychologie analytique
    La psychologie analytique se distingue de la psychanalyse freudienne puisque Jung s'est séparé de son maître. Elle s'appuie sur des concepts jungiens dont les plus caractéristiques sont :
    - l’archétype « forme instinctive de représentation mentale » présente chez tout individu. Ces archétypes conditionnent les comportements ;
    - l’inconscient collectif. Jung se différencie de Freud qui n'analysait que l'inconscient personnel ;
    - l’introversion et l’extraversion ;   
    - la synchronicité, ....

    La psychologie sociale
    L'individu agit dans une société et on ne peut séparer les deux. Serge Moscovici (père du ministre de l'Economie) définit la psychologie sociale comme la science du conflit entre l'individu et la société. Il donne plusieurs exemples comme la résistance aux pressions conformistes, le conflit entre un leader et son groupe ...
    Les domaines d'étude de la psychologie sociale sont vastes comme la conformité et l'obéissance, le suivisme, la conversion ...
    En tout cas, on retrouve dans cette discipline la vieille opposition entre l'individu et le collectif. Il y a interconnexion entre la psychologie et la sociologie, ne serait-ce que l'homme ne se comporte pas de la même façon en groupe.

    Conclusion
    À côté de la psychologie « savante », chacun a une fibre psychologique propre qui lui permet de juger et reconnaître certains traits de caractère à partir de son propre vécu. On se fie souvent plus à son jugement qu'à celui d'un professionnel qui est un avis parmi d'autres. Il faut aussi parler de la psychologie clinique dont le but est de soigner les souffrances psychiques. Il existe une concurrence entre les psychologues et les psychiatres, ces derniers ayant l'avantage d'avoir leur consultation remboursée par la sécu, tout au moins en France, ce qui pour le public est un gage de véracité ! Le soin psychologique peut aussi être pharmaceutique. La psychologie nous apprend que l'homme n'est pas uniquement un être rationnel. Elle permet aussi de différencier les individus qui nous entourent et nous protège en les identifiant par exemple les pervers narcissiques ou les psychopathes.
    Patrice GROS-SUAUDEAU

  • André Gandillon : « N'ayons pas peur de défendre la vérité du christianisme ! »

    Philosophe, historien et économiste, André Gandillon, qui est aussi rédacteur en chef de la revue nationaliste Militant depuis 2003, est l'auteur de quatre ouvrages : Les fondements du XXe siècle (2 volumes, Roudil, 1992), Nouvelles considérations sur la raison (François-Xavier de Guibert, 1997), Solutions nationales à la crise (Ed. Dualpha, 2010) et Grandeur du christianisme (448 pages, 30 euros, François-Xavier de Guibert, 10 rue Mercœur, 75011 Paris. Tél. : 01-40-46-54-47. Site : < www.fxdeguibert.com >, ce dernier livre d'apologétique est préfacé par l'abbé Claude Barthe. Il nous a paru intéressant d'interroger André Gandillon sur ce dernier ouvrage en cette veille de Pâques.

    RIVAROL : Qu'est-ce qui vous a donné l'idée d'écrire ce livre dressant l'apologie de la religion chrétienne, vous qui êtes un laïc, marié et père de quatre enfants, engagé dans le combat politique depuis plusieurs décennies car on se serait plutôt attendu à ce que cet ouvrage soit le fait d'un ecclésiastique ?
    André Gandillon : D'abord tout baptisé catholique se doit de défendre sa religion. Cette mission n'est pas l'apanage exclusif des clercs. Si j'ai écrit ce livre, c'est à la suite des contacts, d'ailleurs très courtois, que j'ai eus dans les années 1990, à l'occasion de la publication de mon premier livre Les Fondements du XXe siècle, avec des néo-païens. Je me suis rendu compte que tous les arguments que je leur donnais en faveur du christianisme ne les convainquaient pas.
    Est-ce parce que je ne savais pas leur en parler ? Parce que mes idées n'étaient pas suffisamment claires ? Je me suis interrogé : comment se faisait-il que ce qui me paraissait évident ne l'était pas pour eux qui semblaient sincères dans leur scepticisme ? J'ai donc entrepris de mettre mes idées à plat, de réfléchir à la manière de savoir comment l'on peut penser, ce qui m'a conduit à écrire le livre Nouvelles considérations sur la raison et, dans le prolongement de cette réflexion, à rédiger un autre ouvrage afin de démontrer que le christianisme est la seule et vraie religion. Le christianisme est authentique car c'est une religion qui s'inscrit dans l'histoire et qui s'exprime sous forme de preuves expérimentales, à savoir le prophétisme hébreu, lequel s'est réalisé dans la venue du Christ.
    Il s'agissait également de démontrer que le christianisme est la seule religion qui n'entre pas en contradiction avec les demandes de l'intelligence humaine, autrement dit qu'elle ne contient aucune contradiction rationnelle telle que peuvent en connaître les religions matérialistes, païennes ou les religions orientales asiatiques. 
    Il s'agissait enfin de prouver la vérité du christianisme par les fruits nombreux qu'il a pu apporter à l'homme, notamment le développement économique et industriel, tout en le mettant en garde sur le fait que, sans le respect de la morale chrétienne, ce développement transforme les hommes en apprentis sorciers et est vecteur de destructions.

    R. : Vous appuyez-vous sur les fameuses cinq voies de saint Thomas d'Aquin pour prouver l'existence de Dieu ?
    A.G. : Non, car lorsque je les ai citées à des néo-païens, ceux-ci ont toujours trouvé des réfutations assez convaincantes. Dans Nouvelles considérations sur la raison, je consacre d'ailleurs un chapitre aux cinq voies de saint Thomas en montrant leurs limites pour les hommes d'aujourd'hui. Ce qui m'a conduit à chercher une preuve réaliste, matérielle, c'est-à-dire une preuve par l'expérience, par le prophétisme hébreu réalisé par la venue du Christ lui-même, par sa vie, par ses miracles, par sa résurrection qui est attestée par nombre de témoins et qui est même vérifiée aujourd'hui par ce que certains appellent un cinquième Evangile, à savoir le Saint Suaire de Turin. Car, n'oublions pas que, comme l'écrit saint Paul : « Si le Christ n'est pas ressuscité, vaine est notre foi. »

    R. : En quoi les autres religions sont-elles selon vous déficientes et donc fausses ?
    A. G. : Au contraire du christianisme, les autres religions considèrent que les principes créés et incréés sont confondus l'un dans l'autre. Précisons que ce que l'on appelle le principe incréé est le principe éternel d'existence des choses, lequel a toujours existé et existera toujours. En revanche, le principe créé, c'est quelque chose qui a son commencement et qui nécessairement aura une fin. Or, dans le christianisme, on distingue bien le principe incréé, c'est-à-dire l'Esprit créateur qui existe de toute éternité et qui existera à jamais et le principe créé qui est la matière, laquelle a un commencement et une fin, chose que l'on peut d'ailleurs observer actuellement dans l'univers.
    À l'inverse, les matérialistes pensent que c'est la matière elle-même qui est éternelle, qu'elle n'a ni commencement, ni fin. Or, comment organiser la matière à partir d' elle-même s'il n'y a pas un Esprit qui informe la matière et qui lui permette de s'organiser ? Dans cette perspective, on en arrive alors aux théories d'Epicure qui parlait du hasard, de la déclinaison des atomes, en utilisant un nom savant, le clinamen, lequel fait que les atomes providentiellement s'agencent par eux-mêmes et que le monde prend sa forme par une organisation qui lui est propre. C'est l'une des raisons pour lesquelles le darwinisme a aujourd'hui tant de succès car, finalement, il s'accorde assez bien avec cette vision matérialiste des choses qui fait l'économie du principe incréé, c'est-à-dire en vérité de Dieu lui-même.
    Quant aux religions asiatiques comme l'hindouisme, elles considèrent que ce que nous vivons n'est qu'illusion, que la réalité n'existe pas en elle-même mais que c'est simplement la représentation que nous nous en faisons. Or, nous nous rendons bien compte par l'expérience qu'un morceau de bois, c'est bel et bien un morceau de bois que l'on peut toucher, qu'une montagne n'est pas une simple illusion mais bien une montagne, etc.
    De plus, ces religions font intervenir des phénomènes extraordinaires pour expliquer l'origine du monde, tel un démiurge sortant de la matière chaotique pour l'organiser. Alors que le christianisme, lui, apporte une intention rationnelle en nous disant qu'il y a un esprit, une intention originelle qui organise le monde tout en laissant à l'homme la liberté d'agir pour contribuer à former ce que Berdiaev appelait « le huitième jour de la Création ».

    R. : Quel est le principal apport du christianisme ?
    A. G. : Le christianisme a eu cet immense mérite de dédiviniser l'univers. Les Pères grecs que les néo-païens ont critiqués ultérieurement, ont démontré que les étoiles, les astres n'étaient pas des dieux mais simplement des corps créés qui avaient un commencement et une fin, qui faisaient partie de la Création, qu'ils étaient des corps matériels. Et à partir de là, on a commencé à pouvoir analyser le monde, non pas comme une simple manifestation d'objets divins, mais comme une combinaison d'objets qui avaient une loi propre d'existence.
    Le christianisme a permis d'étudier la matière pour elle-même et, parallèlement, en donnant une loi de vie à l'homme, c'est-à-dire une loi morale fondée sur le Décalogue mais aussi sur le sens de l'existence qui va d'un commencement imparfait à une fin perfectible en union avec Dieu, il a incité les hommes à se perfectionner, à donner le meilleur d'eux-mêmes, à corriger leurs défauts pour s'élever au-dessus de leur quotidien, selon une loi propre qui est la loi révélée par Dieu, laquelle leur permet de découvrir progressivement un certain nombre de lois, de comportements qui les a amenés à sortir de la stagnation dans tous les domaines : intellectuel, artistique, technique, spirituel. Mais il ne faut jamais oublier de dire que le christianisme n'a pu arriver à féconder de manière si admirable la pensée humaine que parce qu'il était tombé sur un terrain extrêmement fertile, la pensée grecque.

    R. : En quoi le christianisme a-t-il favorisé l'éclosion des arts et le développement des techniques ?
    A. G. : Disons d'abord que la pensée grecque pouvait s'accorder facilement avec le christianisme car, déjà chez Aristote, il est question d'un premier moteur, d'un principe organisateur du monde. Mais évidemment, à l'époque, Aristote ne connaissant pas la Révélation, il ne pouvait qu'émettre une hypothèse. Mais toute la philosophie était en place. Les Grecs avaient ainsi déjà commencé à étudier l'univers car cet étonnement devant ses merveilles les poussait à penser que le monde avait un ordre et qu'il pouvait être compris. Tandis que dans d'autres civilisations comme les civilisations orientales ou éthiopienne où le christianisme est arrivé également très tôt -, l'on faisait sienne une vision contemplative du monde en pensant que l'homme était soumis à un ordre mais ne pourrait pas intervenir à l'intérieur de cet ordre.
    La pensée grecque, avec la logique d'Aristote, a permis à l'homme d'expliciter, de comprendre, d'approfondir l'enseignement du Christ, de le structurer et de le porter à un niveau élevé de compréhension de l'homme conduisant ce dernier à mener des recherches en accord avec les préceptes du christianisme. Aux XIIe-XIIIe siècles, face à l'irruption de philosophies venues de l'islam comme l'averroïsme, dans lesquelles on retrouve des systèmes de pensée orientaux qui nient l'individualité de l'homme en considérant qu'il n'y a qu'une âme unique de l'univers à laquelle l'homme lui-même se trouve soumis, saint Thomas d'Aquin et la Sorbonne ont immédiatement réagi. En condamnant les propositions d'Averroes et les propositions d'Aristote qui pouvaient servir de caution. On a alors édicté des interdictions qui ont orienté la pensée des théologiens, de ce qu'on n'appelait pas encore des scientifiques, dans des voies qui finalement ont fécondé la pensée, notamment en mathématiques.
    À l'inverse, dans toutes les autres civilisations, y compris dans la civilisation grecque antique, lorsque certaines trouvailles techniques avaient été utilisées, leur fécondité était rapidement épuisée, on n'arrivait plus à les renouveler. Si l'on prend aussi bien la civilisation chinoise que les civilisations hindoues, on s'aperçoit qu'après un ou deux siècles de progrès, elles stagnent indéfiniment à travers les siècles tandis que le christianisme, lui, a apporté à l'Europe un accroissement permanent de savoirs, de développements, de découvertes. Par exemple, il y a eu d'abord l'art roman, puis le gothique, puis le baroque. Ultérieurement, nous avons pu construire de grands ouvrages d'arts inconnus par ailleurs et avec un renouvellement permanent des techniques qui permettaient à l'homme d'accroître sa puissance et son pouvoir.
    Si l'on s'intéresse à la musique, l'on voit pareillement de très grandes différences. La musique chinoise, les musiques arabes et hindoues ont connu une évolution pendant un siècle ou deux, puis elles ont stagné : depuis deux millénaires pour la musique chinoise, depuis plus de mille ans pour la musique arabe, depuis plus de deux mille ans pour la musique hindoue. On n'observe aucun renouvellement, on tourne toujours autour des mêmes thèmes musicaux, on n'innove absolument en rien, on n'a enrichi en rien la musique. Alors que chez nous on est parti du chant grégorien pour réussir à développer la polyphonie, le contrepoint, l'harmonie qui nous a donné les magnifiques constructions musicales d'un Jean-Sébastien Bach, d'un Haydn, d'un Beethoven ou d'un Mozart. Je parle notamment de la musique religieuse car c'est certainement dans ce domaine que les progrès se sont réalisés le mieux dans toute leur complexité et leur beauté.

    R. : Pourquoi alors y a-t-il eu déclin du christianisme ?
    A.G. : Dans la société européenne il y a toujours eu des gens et des mouvements opposés au christianisme. Si ont été écrits les livres de réfutation de saint Thomas d'Aquin, sa Somme contre les gentils, c'est que déjà à l'époque il fallait répondre aux courants qui critiquaient le christianisme. À cette différence près que l'Église tenait alors suffisamment bien la pensée pour pouvoir réfuter amplement toutes les oppositions. Aux XVe et XVIe siècles, avec la redécouverte du monde païen antique et des philosophies matérialistes comme celle d'Epicure, ou celles des stoïciens ou des platoniciens et néoplatoniciens comme Plotin, on a flatté l'ego de l'homme, une certaine facilité de vie et beaucoup ont alors préféré s'intéresser à la vie courante plutôt qu'à leur salut éternel. Face au développement des États modernes, à la sécularisation de la société, l'Église a perdu progressivement son emprise sur les intelligences et sur les âmes. Après la Réforme qui a développé des idées très anciennes et, contrairement à ce que disent d'aucuns, bien plus orientales et sémitiques qu'européennes dans la mesure où elles se caractérisent par une soumission aveugle à Dieu, comme on la retrouve d'ailleurs dans l'islam voire dans le premier judaïsme, l'homme s'est détourné graduellement de la saine morale qui lui permettait de s'élever de l'imperfection à la perfection.
    De plus, au XVIIIe siècle l'Église n'a pas été en mesure de répondre immédiatement aux nouvelles découvertes scientifiques. Rappelons toutefois que l'Église n'a pas condamné Galilée parce qu'il refusait d'admettre que la terre tournait autour du soleil comme on le répète encore aujourd'hui mais parce qu'il avait falsifié des documents en essayant d'obtenir l'aval du clergé pour des théories qui, à l'époque, en toute bonne foi, n'étaient pas totalement prouvées. L'Église a été l'objet d'attaques violentes, notamment à partir des pays protestants, et elle n'a pas toujours su trouver la manière d'y répondre, sinon en condamnant plutôt qu'en apportant des solutions positives.
    Et aujourd'hui, l'homme, se dégageant de plus en plus de toute référence divine, de tout sens du sacré, de toute transcendance, en vient à utiliser les progrès techniques que le christianisme lui a permis d'atteindre puisque tout le développement de la science n'est que la conséquence des déblocages métaphysiques apportés par la religion chrétienne - pour assouvir ses propres envies, ses pulsions, ses instincts, fussent-ils de destruction. De sorte que la société déchristianisée dans laquelle nous évoluons est une société totalement déboussolée, désorientée, démente. Chesterton avait bien vu les choses, lui qui disait que la société moderne était fondée sur des idées chrétiennes devenues folles, autrement dit des idées vidées de leur sens et de leur substance.
    C'est à un christianisme offensif, intégral, sans compromission avec l'esprit du monde, intérieurement vécu, loin de toute forme de repentance, qu'il faut revenir si l'on veut sauver la civilisation, rétablir l'ordre moral et renouer avec la grandeur des siècles passés.
    Propos recueillis par Jérôme BOURBON. Rivarol du 2 avril 2010

  • AFGHANISTAN : L'héroïne complice du terrorisme (arch 2009)

    L'Afghanistan produit 93 % de l'opium mondial. Cette manne vénéneuse génère quatre milliards de dollars par an, dont le quart au moins est raflé par les taliban. La drogue prospère sur la corruption, l'arrogance des trafiquants, la désunion des Occidentaux et les réticences face aux cultures de substitution.
    Mélange explosif en Afghanistan : une "démocratie" s'est glissée dans les hardes du plus gros producteur d'héroïne. Les deux ne pourront coexister longtemps. Malgré les Américains et les troupes de l'OTAN, tôt ou tard, soit le nouveau régime, soit la poudre blanche l'emportera. Le combat a commencé dès la chute des taliban en 2002. Pour l'instant, l'avantage est à la drogue.
    Narco-state
    L'Afghanistan produit 93 % de l'opium mondial, d'où est extraite la morphine, puis l'héroïne. Cette manne vénéneuse engendre 4 milliards de dollars par an, dont le quart au moins est raflé par les taliban. Chiffres d'autant plus inquiétants que plus de 100 000 hectares de terres sont toujours couverts de pavot, jolies fleurs blanches bordées de rose d'où, après une incision, s'échappe une substance noirâtre et gluante.
    L'Afghanistan est devenu un narco-state. Dans les coulisses de la diplomatie, l'étiquette infamante circule de plus en plus... C'est que l'héroïne finance le terrorisme, la subversion, la guerre tribale. À terme, elle menace le pays, son gouvernement, son économie, les intérêts de l'Europe et des États-Unis.
    Mais pour le rugueux et madré paysan afghan, l'opium, c'est d'abord un moyen d'échapper à la misère. Lorsqu'il cultive du blé, de l'orge ou des légumes, il arrive à gagner péniblement, en afghanis, la monnaie locale, l'équivalent de 800 dollars par an ; lorsqu'il se met à cultiver du pavot sur la même superficie, il peut espérer empocher plus de 3 000 dollars. Un expert de l'ONU basé à Kaboul était récemment de passage à Washington. Il y raconta l'histoire d'Abdul, trente ans, un paysan dont le village se trouve à une centaine de kilomètres au sud de la capitale. Le grand-père et, après lui, le père d'Abdul ont toujours cultivé du blé et de l'orge sur leur lopin de terre. La famille (quatorze personnes) était pauvre comme beaucoup d'autres. À la mort de son père, Abdul s'endette : il achète une pompe d'irrigation, fait réparer la toiture et bâtir un hangar. Si bien que lorsqu'un inconnu lui apporta un jour une poignée de graines de pavot en affirmant qu'une seule récolte lui permettrait de rembourser tous ses créanciers, Abdul ne réfléchit pas longtemps.
    Les paysans comme Abdul se comptant par dizaines de milliers. Le défi lancé par l'héroïne n'est pas près d'être relevé. Thomas Schweich fut pendant deux ans, à l'ambassade américaine à Kaboul, le grand patron de la lutte antidrogue. Pour lui, ce défi consiste, avant de s'attaquer aux gros cartels locaux, à neutraliser quatre obstacles : la corruption des rouages gouvernementaux, l'arrogance des trafiquants locaux, la désunion des Occidentaux et les réticences face aux cultures de substitution. L'obstacle de la corruption au sommet apparaît le plus sérieux.
    Invulnérables
    Détail révélateur : le frère du président Hamid Karzai maintient à Kandahar, non sans un cynisme très oriental, des liens étroits avec les fournisseurs d'opium - malgré les pressions de Washington pour qu'il soit arrêté. Quant aux ministres en exercice et aux hauts fonctionnaires, ceux qui n'ont jamais touché à l'argent sale de la drogue doivent se compter sur les doigts d'une main. Une liste d'une centaine de noms circule à Kaboul : des responsables à des fonctions clés qui ferment les yeux sur les circuits de l'héroïne et protègent les caïds. Jusqu'à présent, aucun n'a été inquiété.
    Le deuxième obstacle - celui des trafiquants locaux - apparaît comme la conséquence du premier. Ces trafiquants, on les connaît presque tous. Ils sont une douzaine avec des milices, des fiefs, des réseaux. Leur immense richesse et leurs appuis politiques les rendent invulnérables. « Pour les anéantir, souligne Schweich, il faudrait monter de vastes opérations à l'échelle nationale, coincer leurs complices le long de la frontière pakistanaise, détruire une à une les mailles de leur système. Les dirigeants afghans traînent les pieds et les alliés ne parviennent pas à s'entendre. »
    Carte de la drogue
    Cette désunion est le troisième obstacle. Les Américains souhaiteraient que l'offensive antidrogue soit menée avec un maximum d'agressivité. Or, l'Allemagne, la Pologne, l'Italie et l'Espagne renâclent, craignant des procès qui, chez eux, pourraient les mettre en cause si leurs soldats tuaient des non-combattants - même si ceux-ci ne sont que des "fourmis" de l'héroïne.
    Le quatrième et ultime obstacle - les résistances à l'éradication du pavot - est celui qui semble s'éroder un peu, permettant de timides espoirs. À Kaboul, les rapports des agents du Narcotic Bureau affirment que sur les trente-quatre provinces afghanes, vingt se sont débarrassées en 2008 des fleurs blanches à collerette rose pour les remplacer par du safran ou de la pomme de terre. Le pavot se maintient dans les provinces méridionales où les taliban sont rois. Désormais, la carte militaire se confondra avec la carte de la drogue.
    De notre correspondant aux États-Unis
    PHILIPPE MAINE  L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 19 mars au 1er avril 2009