Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 769

  • Passé Présent n°215 – La chasse aux sorcières de la guerre froide

    – La “chasse aux sorcières” aux États-Unis pendant la guerre froide.
    – L’invité Stéphane Koechlin présente son ouvrage “La mort n’était pas au rendez-vous” sur les rescapés les plus chanceux du XXe siècle.

  • Tombeaux.

    tombeaux.jpgChaque 11 novembre depuis une dizaine d'années, je relis quelques pages de "Tombeaux", recueil d'articles nécrologiques écrits par Charles Maurras et qui présente quelques figures d'une génération royaliste disparue dans la fournaise de la guerre de 1914-1918. Des noms aujourd'hui oubliés par le plus grand nombre, y compris dans les milieux monarchistes: Henri Lagrange, "le prince de la jeunesse" royaliste du Quartier Latin entre 1911 et 1914; Léon de Montesquiou, véritable théoricien de la raison d'Etat et l'un des plus brillants intellectuels de l'Action française; Henry Cellerier, auteur d'un livre passionnant mais aux nombreuses pages censurées lors de sa publication en 1916, "La Politique fédéraliste"; Jean-Marc Bernard, poète dauphinois auteur d'un des plus beaux poèmes, un des plus poignants aussi, sur les tranchées dans lesquelles, d'ailleurs, il trouvera la mort; etc. Quel cimetière de jeunes intelligences! 

    Cette guerre terrible est, à nos yeux de contemporains, absurde. Mais elle a mobilisé 65 millions de personnes sur tous les champs de batailles (9 millions, je crois, de Français) sans vraiment de révoltes ni de mutineries, à quelques exceptions près. "Quand la guerre est là, qu'il y a danger aux portes de la Cité, il n'y a plus qu'à la faire, et à la gagner", expliquaient alors les monarchistes, pourtant méfiants à l'égard de la IIIème République qui gouvernait alors le pays. Les générations d'après-40 reprocheront beaucoup à ceux de 1940 de n'avoir pas su la faire, et la gagner... L'Occupation montra, avec toutes les horreurs liées à l'application de l'idéologie nazie, que la défaite ou la soumission (même au nom du pacifisme), est la pire des catastrophes pour les "occupés". Cela permet aussi de mieux comprendre l'acharnement des soldats de 1914-1918 "à ne pas céder", malgré l'horreur de cette première "guerre industrielle".

    Mais lorsque retentit le clairon de l'armistice, les combattants espèrent que leur souffrance, le sacrifice de leurs compagnons et de leurs ennemis, n'ont pas été vains. Malheureusement, la Paix des traités de 1919-1920 était déjà grosse des guerres suivantes, de celles de 1939-1945 et des Balkans dans les années 1991-1999, comme le soulignait dès 1920 dans son ouvrage "Les conséquences politiques de la paix" l'historien Jacques Bainville, le spécialiste des affaires étrangères de l'Action française.

    Aujourd'hui, la guerre a pris d'autres formes et, si elle s'est apparemment "absentée" du continent européen, elle reste un risque, y compris pour nos vieilles nations désormais amies, confrontées à des périls qu'elles n'arrivent pas encore à exactement cerner. Aussi ne faut-il pas baisser la garde et maintenir notre défense à un niveau d'excellence qui lui permette de dissuader toute agression extérieure. La paix est un bien trop précieux pour que l'on néglige de la préserver.

    http://nouvelle-chouannerie.com/

     

  • [Vidéo] L’Europe face aux invasions – La Mémoire assiégée

    Robin Terrasse, auteur de La Mémoire assiégée, a récemment publié une vidéo, très partagée sur Facebook, traitant des tentatives multiples d’invasions du territoire européen par des envahisseurs extra-européens.

    Une vidéo qui permet notamment de mieux comprendre les positions identitaires de pays comme la Pologne ou la Hongrie.

  • Opposer nationalisme et patriotisme n’a aucun sens !

    unnamed-2-845x456.jpg

    Dimanche 11 novembre, le décor de l’Olympe était à nouveau dressé autour de l’Arc de Triomphe puis à la Villette. Chefs d’État et de gouvernement se pressaient autour du Président français. Ils entendirent un discours impeccable sur le plan rhétorique, dans le fond, la forme et la diction. Mais là encore, la remémoration du passé était entièrement tournée vers le présent et le futur proche. Comme l’itinérance mémorielle avait surtout voulu désamorcer la colère populaire qui monte, plus préoccupée de la pluie de taxes actuelles que de celle des obus de 1914-1918, la liturgie mémorielle du 11 Novembre visait les échéances européennes qui apparaissent de plus en plus comme les élections de mi-mandat d’Emmanuel Macron.

    Le souvenir de la guerre servait avant tout à désigner et à stigmatiser l’adversaire caricaturé de demain : le nationalisme. C’est lui qui avait provoqué la Première Guerre mondiale. C’est lui qui avait ressurgi pour conduire à la seconde. Et c’est encore lui qui menace aujourd’hui la paix, puisqu’il est bien entendu que le 11 Novembre, c’est la paix qui est fêtée et non la victoire. Sans doute, en partie, celle-ci fut engendrée par le nationalisme ancré au cœur des Français et qui s’est bien émoussé dans l’entre-deux-guerres, mais c’est un point qu’il est préférable de laisser dans l’ombre. Le nationalisme, voilà le mal. Il s’oppose au patriotisme. Le premier exprime l’égoïsme d’un peuple qui ne regarde que ses intérêts, le second serait l’amour qu’on porte à une nation qui porte l’universel, qui serait un « soldat de l’idéal ».

    Cette opposition déclamatoire est habituelle dans la rhétorique française. Elle n’a aucun sens. Les relations internationales consistent à confronter les États-nations et leurs intérêts. La diplomatie consiste souvent à envelopper les intérêts immédiats dans de grands principes qui les dissimulent. Ainsi, qu’on approuve ou non la politique du général de Gaulle vis-à-vis de l’Algérie, on voit bien, en lisant le C’était de Gaulle de Peyrefitte, que l’obsession du Général n’était nullement la liberté des Algériens et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais la volonté de se débarrasser au plus vite d’un boulet qui compromettait le développement de la France et son rôle sur la scène internationale. Ses propos sur la nécessité de freiner l’immigration et de favoriser les naissances en France ( tome II, page 436) ne laissent aucun doute sur le nationalisme de De Gaulle, sur le fait qu’il mettait les intérêts de la nation française au-dessus de tout, comme Trump, non comme Macron.

    La vraie distinction entre patriotisme et nationalisme devrait reposer sur le caractère agressif et expansionniste de ce dernier. Lorsqu’il ne l’est pas, qu’on l’appelle patriotisme ou nationalisme n’a aucune importance. La défense des intérêts d’une nation, de « l’intérêt supérieur de la patrie », comme disait l’homme du 18 juin, est le devoir de tout homme d’État. Ce n’est pas une option. La présence de chefs d’État – et les plus importants, comme par hasard : Donald Trump, Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdoğan ou encore Benyamin Netanyahou, tous viscéralement attachés à l’intérêt national – pouvait faire sourire en entendant le Président français. D’ailleurs, Donald Trump, particulièrement visé, notamment par une sortie intempestive sur l’armée européenne, n’a pas daigné participer au forum de l’après-midi.

    Ainsi les grands discours, et la mise en valeur d’Angela Merkel, avaient des objectifs beaucoup plus immédiats que la paix dans le monde ou la lutte commune contre le spectre du réchauffement climatique. Cette dernière est, d’ailleurs, bien compromise par le choix allemand du charbon américain. Mme Merkel et M. Macron ont perdu beaucoup de crédit auprès de leurs peuples respectifs. Or, il leur est indispensable de faire gagner le fédéralisme européen lors des prochaines échéances pour que la « libre circulation des personnes et des biens », c’est-à-dire notamment l’immigration et le mondialisme des échanges, continue à prospérer. Entre les chefs d’État qui privilégient l’intérêt national et ceux qui poursuivent des buts idéologiques et partisans, parce qu’ils pensent profondément que la nation est dépassée et appelée à disparaître, l’opposition westernienne de Macron entre le bien et le mal mérite sans doute d’être inversée.

    Christian Vanneste

    http://www.bvoltaire.fr/opposer-nationalisme-et-patriotisme-na-aucun-sens/

  • Quand la France perd à gagner

    2609763134.jpgGeorges Feltin-Tracol

    Il y a cent ans, le 11 novembre 1918, s’achevait la première phase de la « Guerre civile européenne » du XXesiècle. Euphoriques après tant d’années de souffrances, d’efforts et de sacrifices, les survivants ignoraient que la tragédie recommencerait plus d’une vingtaine d’années après en raison des calamiteux traités de paix de 1919 – 1920 voulus par trois incontestables ordures : Georges Clemenceau, Thomas Woodrow Wilson et Lloyd George.

    C’est dans le contexte des commémorations de ce centenaire que les éditions Fayard sortent L’autre siècle(2018, 314 p., 22,50 €), une uchronie dirigée par Xavier Delacroix. Réunissant écrivains et historiens, l’ouvrage s’interroge sur la suite du conflit si les Allemands avaient gagné la bataille de la Marne en septembre 1914. On pouvait craindre le pire, car les participants communient avec régularité dans la plus haute des corrections politiques. Or, exceptées quelques incohérences narratives et une tendance à vouloir conserver un déterminisme comportemental anachronique, L’autre siècle constitue une bonne surprise. Les auteurs sortent des sentiers battus et éprouvent presque une nostalgie rétroactive pour un hypothétique monde issu de la victoire des Empires centraux en 1915.

    Malgré la violence des combats de l’année 1914 et les 400 000 morts français souvent dus à l’incompétence criminelle de généraux français républicains, laïques et francs-maçons, le conflit ne provoque pas une vaste saignée démographique si bien que la France garde un tissu rural vivant qui se caractérise par un bilinguisme effectif entre la langue de Molière et les patois. Victorieux, le Kaiser Guillaume II organise le continent autour de la Mitteleuropa, matrice d’une Union européenne plus efficace à venir… Dans ce monde apaisé dans lequel les Alsaciens – Lorrains ont exprimé par plébiscite leur volonté de rester allemands, le conservatisme aristocratique de Berlin, de Munich, de Vienne et de Budapest se concilie avec la modernité technique et scientifique.

    L’engagé volontaire Adolf Hitler épouse la nièce de son médecin, le Dr. Edmund Forster, et devient le brillant directeur de l’École des Beaux-Arts de Berlin. Depuis les États-Unis, François Truffaut lance la New Wave cinématographique. Les auteurs auraient-ils oublié que le cinéma français d’avant 1945 était le premier au monde ? Pourquoi alors plonger des réalisateurs français dans la fange de Hollywood ? On y croise aussi les figures d’Ernst Jünger, de Louis Aragon et de Pierre Drieu la Rochelle. En Orient, le baron von Ungern-Sternberg gouverne la Mongolie et aspire à unir autour de lui tous les peuples sibériens tandis que le Caucase est dirigé par le « national-communiste » Iossif Djougachvili…

    Par cette intéressante uchronie, les treize auteurs prouvent par l’irréel que John Maynard Keynes et Jacques Bainville avaient pleinement raison de dénoncer les conséquences désastreuses de l’illusoire « paix » de 1918. On a tendance à dire que les courageux « Poilus » sont morts pour la liberté. Grossier mensonge ! Un siècle plus tard, on sait que leur sacrifice fut vain, car l’Empire allemand était tout aussi libre, sinon plus, que la putride IIIe République française. Il y a dans l’histoire des victoires qu’il aurait fallu perdre.

    Bonjour chez vous !

    • « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n°98, diffusée sur Radio-Libertés, le 9 novembre 2018.

    http://synthesenationale.hautetfort.com/

  • Zoom – Philippe de Villiers :”Le mystère Clovis”

    Le nouveau livre de Philippe de Villiers “Le mystère Clovis” est à double lecture : l’histoire du roi fondateur, fierté de notre passé. Et derrière cela, un ouvrage politique où les invasions de l’époque évoquent les arrivées massives d’étrangers extra-européens au cœur d’une civilisation qui s’affaisse.

    https://www.tvlibertes.com/2018/11/12/26730/philippe-de-villiers-mystere-clovis

  • Comment Jacques Bainville avait envisagé la guerre et la paix future au soir du 31 décembre 1914 ...

    1487830565.JPG

    Hindenburg, Guillaume II et Ludendorff, 1917  

    Comme j'écrivais ces lignes, l'aiguille des pendules a franchi minuit ...

    31 décembre 1914 - L'année s'achève. Et qui ne fera son compte, sa récapitulation, ce soir ?

    Guillaume II à son quartier-général, qui est, dit-on, Mézières, nos ministres dans leurs palais fragiles, les soldats dans leurs tranchées, à leur foyer les femmes et les mères... Cinq mois d'une guerre dont on ne saurait entrevoir la fin, des événements qui, selon la coutume de tous les grands événements de ce monde, ont trompé les calculs les plus savants, tourné contre l'attente de tous. La France est encore envahie mais Paris est inviolé, en sûreté complète. Les Russes ne sont pas arrivés à Berlin pour la Noël, mais les Autrichiens sont chassés de Belgrade. Qui oserait, après cela, oser une prophétie ?...

    Cependant ce jour-ci incite à tenter de lire l'avenir. On se défend mal de pronostiquer. Et des faits accomplis, de la situation générale, de l'avis, du sentiment donné par tels ou tels qui ont pris part aux batailles, qui ont éprouvé le fort et le faible de l'ennemi, voici ce qu'après réflexion mûre il est peut-être permis d'induire. Voici ce qu'on croit entrevoir... 

    D'ores et déjà - on peut dire depuis la victoire de la Marne - l'entreprise de l'Allemagne a échoué : c'est un fait qu'elle-même ne discute plus. L'écrasement de la France, l'anéantissement de la « méprisable petite armée du général French»comme a dit l'empereur Guillaume, étaient la condition préalable et nécessaire d'une grande victoire sur la Russie. L'Allemagne ne peut plus gagner la partie, et son mot d'ordre, celui que le Kronprinz, Von Kluck et les autres chefs ont donné pour Noël à la nation allemande, c'était celui de la France au mois d'août : résister, tenir.  

    Quelle résistance peut fournir maintenant l'armée allemande ? Voilà la question. 

    Un pays qui est capable d'efforts pareils à ceux que l'Allemagne a faits jusqu'ici, un pays qui depuis cinq mois soutient sur deux fronts une rude guerre, qui tient tête à une coalition géante, ce pays-là peut sans doute mener loin ses ennemis. La grande machine de guerre allemande est encore sur pied. La masse de la population allemande est dans un état d'esprit qui permet aux dirigeants de compter sur des sacrifices durables. De ces dirigeants eux-mêmes, il serait fou d'escompter une défaillance.

    Leur volonté restera tendue jusqu'au bout. Ils ont eu manifestement quelques faiblesses : quand les Anglais leur ont déclaré la guerre, quand Guillaume II a dégarni le front ouest pour sauver Königsberg. Erreurs diplomatiques, erreurs militaires, ils ont tout de suite travaillé à les réparer. Ils ont en eux-mêmes la conviction que l'Allemagne est indestructible. Tant que cette conviction ne les aura pas abandonnés - et il faudrait pour cela des revers formidables - il n'y a pas à attendre que l'Allemagne officielle, armature du peuple allemand tout entier, vienne à mollir. 

    Mais cette même Allemagne officielle, elle sait aussi qu'elle ne peut plus compter sur une paix plus favorable que celle qu'elle arracherait en ce moment à la lassitude des alliés. Elle a trahi sa pensée secrète en faisant des ouvertures à la Belgique, à la France, on dit même à la Russie. Traiter tandis que ses armées occupent presque tout le territoire belge, plusieurs grandes villes et un large morceau du territoire français, tandis que les Russes sont encore contenus en Pologne, elle sait bien qu'elle ne peut pas obtenir une situation meilleure, que cette situation même ne peut plus être améliorée. Quand l'Allemagne parle du million d'hommes qu'elle jettera de nouveau contre nous au printemps, elle sait bien que ces hommes-là ne vaudront pas ceux qui étaient partis au mois d'août. L'idée profonde de l'Allemagne, c'est qu'elle a fait partie nulle. Tout son effort tend à obtenir que cette idée devienne celle de ses adversaires. 

    Quant à nous, la tâche qu'il nous reste à accomplir est lourde, la route est longue. Chasser l'envahisseur du territoire, on pensait, après la victoire de septembre, que ce serait une affaire de semaines. Quatre mois se sont écoulés. Nous « progressons », mais pas à pas, ligne à ligne. Nous faisons toujours le siège (c'est un vaste siège : un état-major a demandé l'autre jour à Paris, d'urgence, un traité de Vauban), nous faisons le siège des fortifications que l'ennemi a construites sur notre sol et même celui des forteresses inutilisées par nous lorsque l'invasion s'est produite et que l'envahisseur a su rendre formidables : Laon, Reims, Maubeuge aussi peut-être... Les difficultés à vaincre sont immenses, on en peut se le dissimuler. Il y a trois jours, L'Echo de Paris, non sans dessein d'instruire et peut-être d'avertir le public, en donnait cette idée : 

    « Dans cette guerre de positions, les Allemands ont fortifié leurs abris et tranchées avec les derniers perfectionnements, tant au point de vue de l'attaque que de la défense. Les engins les mieux appropriés à ces sortes de combats, ils les ont, et à foison. Rien ne leur manque. Ils ont les gros et petits projecteurs utilisés pour les combats de nuit et alimentés par des dynamos très puissantes . Ils ont des fusées éclairantes. Ils ont de véritables engins de place montés sur affûts ; ils ont des lance-bombes dernier modèle qu'ils appellent « Minenwerfer » (autrement dit lance-mines) de 245 millimètres. Ils se servent encore de canons de 50 millimètres protégés par des coupoles cuirassées, et de canons-révolvers de 57 millimètres. » 

    Ainsi, faute de mieux, les Allemands s'efforcent d'éterniser le combat. Est-ce-à-dire qu'il sera éternel ? Pas du tout. Le commandement français se flatte, d'approche en approche, d'arriver à conquérir sur certains points (plateau de Craonne par exemple, je pense) des positions, des crêtes, des hauteurs, d'où notre artillerie rendra les tranchées allemandes intenables. Alors on ne « progressera » plus, on avancera. Jusqu'où ? C'est une autre affaire. Le chemin de l'Aisne et de l'Yser à la Meuse et au Rhin, le chemin est long, et les Allemands ont eu le loisir de préparer, aux endroits favorables, de nouvelles lignes de défense. Faudra-t-il recommencer la même lutte ? 

    Il semble que le commandement français, s'il le pense, ne s'en effraie pas. Il fait, au vu et au su d'éléments militaires qui ne sont nullement priés de garder le secret (peut-être même au contraire), des préparatifs pour une campagne sur le territoire allemand. Mais n'est-ce pas ce qu'il doit faire ? N'est-ce pas, tant que le gouvernement français est résolu à tenir « jusqu'au bout », son devoir étroit de prévoir l'écrasement de l'ennemi, de faire espérer la victoire complète à l'armée et à l'opinion ? 

    Eh bien ! surtout chez les combattants (certes je ne dis pas chez tous), une idée forte, une idée qui s'enfonce, c'est que la guerre est virtuellement finie : c'est que, lorsque les armées qui sont entrées en campagne avec leurs cadres, leur matériel, leur entraînement, se sont battues plusieurs mois et se sont usées, le résultat est acquis, rien d'essentiellement nouveau ne peut plus survenir : c'est qu'il y  a dès maintenant chose jugée, c'est que nous ne pourrons faire beaucoup plus que ce que nous avons déjà fait et que c'est très beau, c'est que la guerre se terminera sans solution décisive - avec une Allemagne humiliée, sans doute, mais non vaincue - par une paix qui ne changera rien d'essentiel à l'état de choses préexistant. Il a fallu la guerre de Trente Ans pour mettre à bas l'ancienne Allemagne. Comment en quelques mois se flatter d'anéantir l'Empire le plus formidablement préparé à la guerre qui ait surgi dans les temps modernes, de l'abattre sans reprendre haleine ? 

    Sans doute cette opinion ne tient pas compte des événements qui peuvent se produire : intervention de l'Italie, de la Roumanie, paix séparée de l'Autriche. Mais d'autres événements, moins heureux, peuvent survenir aussi... Ceux qui sont dans cet esprit (je répète que ce sont le plus souvent ceux qui, par le contact des armes, ont acquis le sentiment que, d'Allemagne à France, les forces se font équilibre et que cet équilibre ne saurait être rompu, essentiellement du moins, à notre profit), ceux-là définissent la paix future une « cote mal taillée ». Le mot s'est répandu. De divers côtés, je l'ai entendu dire. Et ceux qui le répètent ne le désirent pas, ne se cachent pas que ce serait pour notre pays une catastrophe, qu'il importe d'éviter, au moins d'atténuer par une persistance courageuse. 

    Car, dans cette hypothèse, chacun rentrant chez soi après cette vaine débauche de vies humaines, cette consommation d'énergies et de richesses, la carte de l'Europe étant à peine changée, les problèmes irritants demeurant les mêmes, on se trouve conduit à prévoir une période de guerres nouvelles où l'Allemagne humiliée, mais puissante encore et prompte à réparer ses forces, où l'Angleterre tenace, où les nationalités insatisfaites engageraient de nouveau le monde. 

    Cet avenir, est-ce celui auquel il faut s'attendre ? Comme j'écrivais ces lignes, l'aiguille des pendules a franchi minuit. Que de rêves se forment sans doute, sur les champs de bataille, aux foyers des absents, d'une Europe affranchie, d'une paix longue et sûre pour 1915. Bienfaisante illusion : y attenter serait un crime. C'est en secret que l'on confie au papier de pareils doutes. Que l'espèce humaine s'endorme donc, dans la croyance que les choses obéissent aux vœux des hommes ; qu'elle s'imagine conduire quand elle subit. Misereor super turbam, est le grand mot sur lequel doit se clore cette année 1914, où les peuples se sont déchirés en vertu de  causes lointaines, d'un passé presque oublié, de responsabilités héritées des ancêtres, et de forces obscures à peine connues d'eux-mêmes et qu'eux-mêmes pourtant auront déchaînées...

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • Patrick Buisson : Les effets de Mai 68 jusqu'à nos jours.