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culture et histoire - Page 779

  • Grands textes [XXXIII] • PIERRE BOUTANG : Qui sera le Prince ?

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    2216125355.jpgPierre Boutang reprend ici, pour la France de 1952, mais tout autant pour la nôtre, le dilemme mis en lumière par L'Avenir de l'Intelligence, que Boutang appelle « cet immense petit livre», publié par Maurras en 1905.

    Maurras y oppose - un peu à la manière des tragédies de la Grèce antique - deux puissances ou personnages allégoriques, perpétuellement en lutte dans l'Histoire, pour le Pouvoir : l'Or, c'est-à-dire les puissances d'Argent et le Sang, c'est-à-dire l'ensemble des forces de la Tradition. On verra, en lisant Boutang - et en se reportant à L'Avenir de l'intelligence, comment elles s'identifient.   

    La Révolution, résume Maurras, « nous a fait passer de l'autorité des Princes de notre sang » sous celle « des marchands d'or ». Ils règnent maintenant sans partage, et nous vivons aujourd'hui cet âge de fer dont Maurras avait prévu l'avènement. 

    Cela durera-t-il toujours ? La victoire de l'Or sur le Sang est-elle définitive ? C'est, évidemment, une possibilité, et les apparences, aujourd'hui, semblent plaider en faveur de cette hypothèse.

    « A moins que... », dit Maurras, dans la conclusion de son « immense petit livre ». A moins d'un retournement de l'Intelligence et d'une renaissance du patriotisme français. C'est à quoi appelle Maurras dont la démarche est stratégique. Tout simplement, il invite l'Intelligence à rejoindre le camp de la Contre-Révolution. 

    Disciple et continuateur de Maurras, Boutang poursuit ici cette réflexion : les Soviets ont disparu, dans l'effondrement cataclysmique de l'utopie messianique marxiste ; certains événements, certains personnages dont il est fait mention dans ce texte appartiennent au passé. L'essentiel, la question centrale, demeure : Qui sera le Prince de ce temps ? Elle est au cœur de notre présent.    

    Paru dans Aspects de la France les 21, 28 novembre, et 12 décembre 1952 [Extrait] 

    Qui sera le Prince ? Telle est l'unique question du vingtième siècle méritant l'examen, capable de mobiliser les volontés. La fraude démocratique consiste à lui substituer celle de la société, la meilleure possible, et le débat sur son contenu spirituel et moral. Quelle est l'organisation la plus juste, la plus humaine, et d'abord quelle est la meilleure organisation du débat sur cette organisation ?  Voilà le chant des sirènes des démocrates.

    Fiez-vous y ! Le vent et les voleurs viendront.

    Les voleurs et le vent sont à l'œuvre. La diversion est plus que bonne : très sûre. Pendant ces beaux débats, toutes fenêtres ouvertes, le vent apporte sa pestilence. Et sous le masque de l'opinion reine, de la liberté de jugement des Lazurick ou des Lazareff, l'or triomphe ; il détient tout le réel pouvoir dont la presse a mission et fonction cher payée, de cacher la nature et de divertir dans le peuple la nostalgie croissante et le désir évident.

    Qui sera le Prince ? Il s'agit de l'avenir : il n'est pas de principat clandestin, de royauté honteuse de soi-même et qui puisse durer. Une société sans pouvoir qui dise son nom et son être, anarchique et secrètement despotique, sera détruite avant que notre génération ait passé. Pour le pire ou pour le meilleur elle disparaîtra. A la lumière très brutale et très franche de la question du Principat, de la primauté politique, les sales toiles des araignées démocratiques, les systèmes réformistes, les blagues juridiques, les ouvrages patients des technocrates européens ; seront nettoyés sans recours. Par quelles mains ? C'est le problème... Qui tiendra le balai purificateur ? Non pas quel individu, pauvre ou riche, de petite ou très noble extrace, mais quel type d'homme ? Incarnant quelle idée ? Réalisant quel type de la Force immortelle, mais combien diverse et étrangère par soi-même au bien et au mal ? 

    L'heure nouvelle est au moins très sévère, a dit le poète. Cette sévérité, aujourd'hui, tient à ce fait : nul ne croit plus à la meilleure structure sociale possible, la plus humaine et la plus juste. Tous voient qu'elle ne profite, cette question toujours remise sur le métier de l'examen, sans personne pour la tisser, qu'aux coquins et aux domestiques de l'argent. Les fédéralistes eux-mêmes, armateurs de débats sur les pactes volontaires, reconnaissent que la question du fédérateur est primordiale ; mais les uns tiennent que ce fédérateur doit être un sentiment, la peur panique inspirée par les soviets, les autres avec M. Duverger dont les articles du Monde viennent d'avouer la honteuse vérité, que l'or américain, l'aide en dollars, est le seul authentique fédérateur de l’Europe….

    Positivement, les malheurs du temps ont fait gagner au moins ceci à l'intelligence mondiale, et la vague conscience des peuples : à l'ancienne utopie succède l'inquiétude, la question chargée de curiosité et d'angoisse - qui, quelle force, quelle espèce de volonté humaine, va garantir ou réaliser un ordre politique et social, juste ou injuste, mais qui sera d'abord le sien ? Nos contemporains savent ou sentent qu'il n'y a pas de justice sociale sans société ni de société sans une primauté reconnue, établie en droit et en fait. La réelle nature de la force publique, du Prince qui garde la cité et y exerce le pouvoir, importe plus aux hommes qui ont été dupes si longtemps, que le jeu de patience et d'impatience des réformes sociales ; ces réformes sont innombrables dans le possible, imprévisibles dans leurs conséquences ; ce qui compte, ce qui est digne de retenir l'attention ou d'appeler l'espérance, réside dans la loi vivante de leur choix, dans la réalité organique, dans la volonté responsable qui les ordonne et les préfère.

    Reconnaître l'importance capitale de la question du Prince, considérer les autres problèmes politiques comme des fadaises ou des diversions vilainement intéressées, tel est le premier acte d'une intelligence honnête de notre temps. Car cette question du prince esttoujours essentielle, et toujours oubliée : mais elle était jadis oubliée parce qu'elle était résolue, et les utopies elles-mêmes s'appuyaient sur la réalité incontestée d'un pouvoir légitime. Depuis le dix-huitième siècle la puissance de l'or, clandestine, masquée par les fausses souverainetés du nombre et de l'opinion n'a pas comblé dans les esprits, les cœurs, les besoins, le vide laissé par la démission des Princes. Les balançoires, les escarpolettes constitutionnelles, dont les brevets continuent en 1952 d'être pris à Londres (ou dans les « démocraties royales » rétrogrades) ne satisfont pas, avec leurs recherches d'équilibre, le goût profond que gardent les peuples pour la stabilité et la connaissance des vraies forces qui soutiennent un gouvernement. L'homme du vingtième siècle n'a pas envie de se balancer à l'escarpolette démocratique et parlementaire : les expériences faites en Europe centrale lui montrent quel est l'usage probable des cordes libérales dont se soutenaient ces jolis objets et jouets des jardins d'Occident. Elles portent bonheur aux pendus...

    Quand on voit, quand on sait l'enjeu de cette guerre engagée sous nos yeux pour le Principat, l'inventaire des forces, des réalités naturelles et historiques, capables de répondre à la commune angoisse, s'impose rapidement. L'intellectuel, l'écrivain, disposent de l'outil du langage, dont la fonction est de distinguer des provinces de l'être. Ils font donc leur métier, lorsqu'ils dénombrent les prétendants au Principat. Ils peuvent faire leur salut temporel, en choisissant, en aidant, la force naturelle qui leur apparaît salutaire et légitime.

    La recherche de l'intelligence, dans ce domaine, est libre entre toutes. Elle ne doit de comptes qu'à la vérité, et lorsqu'elle se soumet à ses lois supérieures, à la patrie. Saliberté propre se moque du libéralisme doctrinaire. Que ses lois propres, et sa soumission la conduisent à vouloir le Principat du Prolétaire, ou celui du Sang dans l'ordre dynastique, son choix ne dépendra pas, par exemple, du retard que tel prolétaire ou tel groupe prolétarien peuvent avoir, dans leur opinion subjective, sur la réalité et la force que le Prolétaire incarne pour un monde nouveau. Les difficultés qui naissent de ces retards, de cesrétrogradations, ne sont pas inconnues des marxistes. Il eût été bien étrange qu’elles fussent épargnées au nationalisme. Leur caractère de phénomène aberrant et transitoire laisse intacte la vraie question : quelle force réelle, capable d'extension, douée d'un sens universel, assumera le Pouvoir que l'on occupe clandestinement, mais n'incarne ni n'accomplit ? Est-ce que ce sera le Prolétaire selon Marx, ou le Sang, le principe dynastique, selon Maurras ? Le reste est futilité, opportunisme naïf que l'histoire balaiera sans égards. 

    Non point selon l'ordre national, mais selon l'apparence, un premier Prince apparaît, prétendant du moins au Principat : le journal, le pouvoir de l'opinion. Prétention qui n'est monstrueuse que si l'on néglige les causes et les effets : si le peuple, si le nombre ou la masse - quelles que soient les définitions matérielles que l'on donne de ce Protée - était décrété souverain, l'évidence de son incapacité, de ses faibles lumières, de son enfance, selon le dogme du progrès, imposaient la régence pratique du pédagogue. Ce pédagogue du peuple souverain devait éclairer et former la volonté générale : l'extension rapide du pouvoir de lire rendait incertaine l'action des clubs et des assemblées : la presse seule pouvait se glisser partout en renseigner l'enfant Démos aux mille têtes folles, les mettre à l'abri de la séduction des anciennes autorités, de la mainmise de l'Eglise, de la séduction des Princes ou des généraux.

    Le combat du XIXème siècle pour la liberté de la presse apparaît ainsi comme le plus noble, le plus raisonnable qui pût être conduit, avec les prémisses de la démocratie. Des milliers d'hommes sont morts pour que nous ayons le droit d'accomplir, comme l'a dit Péguy, cette formalité truquée du suffrage universel. Mais la mort de millions n'eût pas été insensée pour que les conditions intellectuelles de cette formalité, la liberté de la presse, seule capable de vaincre le truquage, fût réalisée. Marx avait raison dans sa logique de démocrate radical, qui allait le conduire très loin du libéralisme formel : « La presse est la manière la plus générale dont les individus disposent pour communiquer leur existence spirituelle » (Gazette rhénane, 1842). Or, cette communication est le devoir démocratique majeur, où tout esprit doit enseigner sans cesse le peuple, innombrable héritier du Pouvoir, ayant une charge aussi certaine que celle dont Louis XIV accable un Bossuet. Il n'y a donc pas de limite démocratique à la liberté de la Presse, ce pédagogue des nations, mais dont la mission ne peut finir qu'avec la parfaite majorité de Démos.

    La difficulté commence (et commença !) avec la définition de l'enseignement ainsi donné : le pédagogue se révèle innombrable, indéfini, comme l'élève. A la limite théorique, Démos qui sait ou peut écrire enseigne Démos qui sait et peutlire. Les deux données quasi matérielles et de hasard, écrire et lire, se substituent au choix humain du précepteur, et à la présence naturelle de l'élève royal.

    En fait, par la simple existence d'un commerce de la librairie, une merveilleuse possibilité s'ouvrait ainsi aux forces secrètes qui disposeraient de l'or. Vainement, Marx s'écriait-il, dans la même Gazette de Francfort, à l'occasion des extraordinaires débats de la Diète rhénane qui devaient jouer un rôle décisif dans la formation de son mythe révolutionnaire « la première liberté consiste pour la presse à n'être pas une industrie ! »  La presse était une industrie, ou le devenait à toute vitesse.

    Si l'or ne renonçait pas, avec les organes de corruption des partis et les truquages électoraux, à gouverner directement le peuple et lui imposer des représentants, du moins les Pourrisseurs les plus scientifiques s'aperçurent très vite de l'existence d'un moyen économique et supérieur : il suffisait de tenir « le quatrième pouvoir » inconnu de Montesquieu, et d'agir sur le pédagogue de Démos. La divisibilité infinie de l'or, sa séduction aux mille formes s'adaptaient naturellement au maître divers, au pédagogue polycéphale.... On pouvait y aller. On y alla !

    Le pédagogue de Démos ne pouvait prétendre, au départ, à un enseignement si bien assimilé par son élève que le choix des meilleurs en résultât, automatiquement, à l'heure des votes. Était-il écouté, suivi ? Les gouvernements considéraient qu'ils avaient, eux, atteint leur majorité en obtenant la majorité ; ils s’émancipaient ; ils agissaient à leur tour, par des lois ou par des fonds secrets, sur la presse écœurée de cette ingratitude. Mais il y avait une ressource : c'était la fameuse opposition. L'opposition au parlement pouvait être méconnue ; elle se composait en somme de vaincus. S'appuyait-elle sur une presse vivace, expression du citoyen contre le Pouvoir du moment, éducatrice de son successeur inévitable, alors les chances de la liberté étaient maintenues, on était encore en république !

    Hélas ! La presse d'opposition, précisément parce qu'elle pouvait influer sur la décision prochaine de Démos, tant qu'elle acceptait le système et ses profits glorieux, tenait à l'or autant que l'autre. Du moins sauvait-elle les apparences.

    Il fallut attendre une déclaration vraiment décisive de l'éditorialiste du quotidienFigaro, feuille conformiste à l'immense tirage, pour que cette dernière décence, cette ultime réserve et pudeur de la putain Démocratie fût gaillardement sacrifiée. Nous commentons dans la Politique de cette semaine ce texte monumental (auro, non aere, perennius !) dû à l'ingéniosité perverse de Mauriac. Citons-le ici pour mémoire :

    « Je sais, on reproche souvent au Figaro d'être toujours du côté du gouvernement. Dans une démocratie, je prétends qu'un grand journal ne peut être un journal d'opposition. Un journal comme Figaro, en raison même de son audience ne peut fronder. Il a des responsabilités sur le plan patriotique. J'admire les gens qui peuvent trancher de tous les problèmes dont ils ignorent les difficultés. Or, le nom du président du Conseil peut changer, les difficultés restent les mêmes au gouvernement. »  

    L'abdication définitive et publique du quatrième pouvoir en démocratie entraîne la ruine de la démocratie elle-même. Le pédagogue de Démos abdique avec son élève devant l'idole d'un gouvernement qui a toujours raison, infaillible et sans principe, girouette prise pour gouvernail du monde, vaine paille au vent de l'histoire consacrée comme grain des choses et substance de la Société....

    La voie est libre alors pour notre dénombrement des forces qui aspirent à la primauté du Prince.

    Qui sera le Prince ? L'or, la puissance financière toute pure et impure ? La technique et ses terribles dévots ? Le Prolétaire dans la dictature révolutionnaire ? Ou le Sang, la force dynastique tels que les définit le merveilleux petit livre de 1905  : « La force lumineuse et la chaleur vivante, celle qui se montre et se nomme, celle qui dure et se transmet, celle qui connaît ses actes, qui les signe, qui en répond. »   

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2017/06/07/grands-textes-xxxiii-%C2%A0-pierre-boutang-qui-sera-le-prince-5951939.html

  • Le capitaine Genevoix ou le maréchal Philippe Pétain ?

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    Bernard Plouvier

    Notre distingué Président, toujours sur la brèche et entre deux voyages, décide de panthéoniser le capitaine Maurice Genevoix (ci-dessus), courageux combattant de la Grande Guerre.

    C’est son droit de chef d’État. On pourrait objecter que la prose haineuse, « anti-boche », du normalien n’est peut-être pas la meilleure façon de préparer l’unité des Nations européennes, qui doit passer la réconciliation et l’oubli des griefs.

    C’est singulièrement le cas des Nations française et allemande qui ont beaucoup à se pardonner mutuellement. Et pour ceux qui l’auraient oublié, l’on peut rappeler que les Allemands doivent faire un trait sur les horreurs et le génocide de la Guerre de Trente Ans, dont Richelieu puis Mazarin furent les grands argentiers, sur le ravage du Palatinat et le sac d’Heidelberg sous Louis XIV, sur les exactions innombrables des soldats de la Ière république puis du Ier Empire... sans compter le comportement odieux des Français en Rhénanie durant les années 1919-25 ou en Zone d’Occupation française, durant les années 1945-47. Lorsque le Président Truman a exigé d’Eisenhower qu’il chasse les Français de Stuttgart, il avait d’excellentes raisons humanitaires de le faire.  

    Manifestement, notre actuel Président connaît mal l’histoire de la Grande Guerre. Car s’il est un homme dont la mémoire doit être honorée, c’est bien celle de Philippe Pétain, le seul tacticien de cette guerre à s’être montré avare du sang de ses hommes et soucieux de leur procurer un minimum de confort de vie, tout en exaltant leur moral.

    Certes, le lobby de la haine continue de lamenter les années 1940-45 et d’accumuler les mensonges sur le général Pétain des années 1914-18. Mais un Français de souche n’a que faire de ces inepties. Si l’on n’ose l’admettre aux Invalides (il serait trop dépaysé au Panthéon), qu’au moins l’on honore sa mémoire à l’ossuaire de Douaumont. 

     http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2018/11/06/le-capitaine-genevoix-ou-le-marechal-philippe-petain-6102914.html

  • Europa

    996394669.jpgGeorges Feltin-Tracol

    Europa : c’est sous ce titre que les Éditions Bios ont publié à la fin de l’année 2017 trois volumes de géopolitique écrits par Robert Steuckers, infatigable animateur du site Euro-Synergies et ancienne cheville ouvrière des revues Orientations, Vouloir et Nouvelles de Synergies européennes. Le premier tome (338 p., 25 €) aborde les « Valeurs et racines profondes de l’Europe », le deuxième (316 p., 25 €) traite « De l’Eurasie aux périphéries, une géopolitique continentale » et le troisième (342 p., 25 €) s’intéresse à « L’Europe, un balcon sur le monde ».

    Il est bien sûr impossible de résumer les quarante-six articles qui portent sur les grands enjeux géopolitiques. Notons cependant que l’Amérique latine, l’Afrique noire et l’Océanie en sont quelque peu écartées. Il faut reconnaître que plusieurs textes évoquent sur la très longue durée les puissantes interactions politico-culturelles entre le continent européen, l’Asie Centrale et le Moyen-Orient. Persophile avoué, Robert Steuckers rappelle que les Perses ont fondé le premier empire indo-européen de l’histoire et que la révolution islamique de 1979 fut à l’origine encouragée par Washington…

    Les confrontations entre civilisations, États, peuples et nations ne manquent pas dans ce vaste panorama. Ainsi peut-on lire une étude magistrale de la bataille de Lépante du 7 octobre 1571, cette victoire navale qui préserva la civilisation occidentale européenne de l’invasion ottomane. Polyglotte belge d’esprit européen, Robert Steuckers se sait sujet de l’Empire, résultat géopolitique de la « Grande Alliance » à la fin du Moyen Âge, à savoir la transmission de l’héritage bourguignon à la jeune Maison royale des Espagnes par l’intermédiaire de la dynastie impériale élective des Habsbourg. Malheureusement, l’unité continentale ne put s’opérer autour de cette dynastie en raison du Grand Schisme d’Orient de 1054, des dissensions religieuses récentes (la Réforme de 1517) et des détestables manigances de Henry VIII et François Ier.

    En géopolitologue avisé, l’auteur rappelle que l’intention de l’islam demeure la conquête de Constantinople – effective depuis 1453 -, de Rome et de Vienne. Il considère le monde turc comme une vraie menace au même titre d’ailleurs que les États-Unis d’Amérique. Par leur hypertrophie militaire, économique et financière, ceux-ci ne peuvent pas ne pas verser dans un messianisme puéril, abscons et dangereux pour l’équilibre du monde. Il importe donc d’avoir toujours à l’esprit leur habile tactique : susciter partout la révolte des musulmans afin de museler définitivement une civilisation européenne décatie.

    Ces trois tomes paraissent ardus; il n’en est rien ! En effet, avec un rare talent narratif exigeant, Robert Steuckers nous plonge dans la longue trame des millénaires pour mieux en discerner les données fondamentales. Il n’oublie jamais l’impératif de notre identité, « l’identité politique européenne, seule identité vraiment concrète […] réside donc, aujourd’hui, en cette époque de calamités, à prendre conscience de nos déboires géopolitiques […] et à agir pour promouvoir une politique spatiale, maritime et militaire claire (t. I, p. 19) ». Ce n’est hélas ! pas gagné pour l’instant.

    Bonjour chez vous !

    • « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n°97, diffusée sur Radio-Libertés, le 2 novembre 2018.

    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2018/11/05/europa-6102570.html

  • Entre deux guerres : précisions

    6a00d8341c715453ef022ad3bdb210200b-320wi.jpgNotre précédente chronique mérite sans doute d'être précisée. Et parmi les commentaires pertinents[1], deux lecteurs me reprochent de ne pas voir, au rebours de ce que suggère l'illustration Godwin, deux traits qui rapprochent selon eux notre époque et celle des années 1930. Indiscutablement en effet la médiocrité du personnel politique français saute aux yeux dans les deux cas et les dangers inhérents à la situation internationale, et aux intrigues perverses des puissances actuellement ou potentiellement ennemies, ne doivent pas nous échapper

    Si j'ai donné, au fil de ces "Insolent" l'impression de ne pas m'en rendre compte, je veux bien qu'on me fustige.

    Il existe en effet de fortes ressemblances entre toutes les avant-guerres.

    Ce que je critique dans le prétendu discours historiciste du jeune Macron c'est justement l'erreur, d'autant plus choquante, qui suggère de nous mobiliser contre des forces qui n'existent plus de la même manière : où est le front populaire ? où sont nos ligues et nos journaux de droite ? où sont nos anciens combattants ? où est notre armée qui, rappelons-le, passait jusqu'en 1939 pour la plus puissante du monde ? quels sont nos ennemis de demain ?

    "Dans une Europe qui est divisée par les peurs, le repli nationaliste, croit donc pouvoir affirmer l'actuel président de la république, les conséquences de la crise économique, on voit presque méthodiquement se réarticuler tout ce qui a rythmé la vie de l'Europe de l'après-Première Guerre mondiale à la crise de 1929,… Il faut l'avoir en tête, être lucide, savoir comment on y résiste". Et de lancer un appel à la "vigueur démocratique."

    Ne nous y trompons pas cependant. Ce prétendu petit philosophe ne cherche pas à nous faire remarquer, à l'instar de M. de La Palice, combien la paix correspond à l'intervalle séparant deux guerres.

    De ce point de vue toutes les entre-deux guerres se ressemblent.

    Et le chef de l'État aurait pu aussi bien évoquer les années qui ont précédé n'importe quel conflit. La médiocrité et l'aveuglement du personnel dirigeant sous la cinquième république peut, d'ailleurs, parfaitement être comparée dans ce contexte avec celle de la troisième ou de la quatrième.

    Il cherche tout juste à nous effrayer par le spectre des seules années 1930. Et il enjambe avec aisance, au gré de son évocation historique, et la crise américaine de 1929 et la main mise définitive de Joseph Staline sur le pouvoir soviétique en 1931.

    Pas la peine de faire un dessin pour identifier, dans son scénario, les méchants du film.

    Les propos que nous incriminions ont été tenus en marge d'une visite de l'exposition consacrée à Georges Clemenceau. Ne tenons pas ceci pour un point de détail fortuit. On nous invite encore à rejoindre les rangs des admirateurs du Tigre.

    Clemenceau, célébré longtemps comme "le Père la Victoire". Voilà bien une statue virtuelle à déboulonner. Tâche nécessaire mais lourde. Même Beau de Loménie, ordinairement plus sévère, lui trouve, en tant que combattant de la Grande Guerre, des qualités.

    Impossible pourtant d'oublier les méfaits de ce radical-socialiste, aggravé d'un tempérament autoritaire.

    Son sectarisme anticatholique prolongea la guerre alors même que les propositions de paix séparée défendues par Sixte de Bourbon-Parme et par le pape Benoît XV auraient permis d'y mettre fin en 1917. Elles auraient épargné à l'Europe des dizaines de milliers de vies humaines, mais aussi les catastrophes historiques dont toute l'Europe, France comprise, n'est pas remise.

    Il fallait à tout prix dans son esprit détruire l'Autriche-Hongrie, – ce qui allait aboutir à la création de deux États non-viables, la Tchéco-Slovaquie et la Yougoslavie, – le traité de Trianon amputant de moitié le territoire naturel de la Hongrie, etc.

    Ne parlons même pas du traité de Versailles, injuste, absurde, mensonger, inapplicable, etc.

    Ses obstinations jacobines dans la confection bancale des mauvais traités de 1919 et 1920 portent une large part de responsabilité dans la réapparition de la guerre en 1939…

    Faudra-t-il attendre des commémorations du Onze-Novembre qu'elles évoquent ces erreurs, si "républicaines", à ne pas reproduire ? La "lèpre nationaliste" y verrait sans nul doute une Divine surprise.

    JG Malliarakis  

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    Apostilles

    [1] cf. commentaires du 4 novembre

    https://www.insolent.fr/

  • Le réel, arme de destruction massive des idéologies progressistes, par Anthony Grange (Les Identitaires)

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    En quoi le populisme est-il différent des autres ismes ? Qu’est-ce qui différencie un Matteo Salvini ou un Donald Trump d’un Emmanuel Macron ou d’une Angela Merkel ? Le rapport au peuple, c’est évident. Mais, sans doute Emmanuel Macron pense-t-il sincèrement agir pour le bien du peuple français. Personne ne dit vouloir le malheur du peuple, ou aller contre ses intérêts.

    Alors quelle est la différence entre les populistes et les autres ?

    Celle-ci est en fait assez évidente. Un socialiste, un libéral, etc., va agir pour une idée. Le populiste, lui, va agir pour le réel.

    Emmanuel Macron pense sincèrement qu’il est bon d’ouvrir encore plus la France à la mondialisation. Il est persuadé qu’intégrer les circuits économiques internationaux permettra d’améliorer la situation du plus grand nombre. À travers la croissance économique, un plus grand nombre de Français accédera au travail, à la richesse, au progrès. À travers l’immigration massive, la France deviendra plurielle, ouverte, tolérante, métissée, ce qui, dans son esprit, est positif.

    Sans doute Emmanuel Macron a-t-il conscience des « dommages collatéraux » provoqués par sa politique. Il est trop intelligent pour ne pas voir les dégâts immenses causés par la désindustrialisation à des régions entières. Il sait que, sous l’effet de l’immigration massive, la France est aujourd’hui fracturée, divisée et au bord de l’explosion.

    Mais, dans l’esprit d’Emmanuel Macron, ce ne sont jamais que des mauvais moments à passer. Grâce aux forces du progrès, les ouvriers licenciés, ou à défaut leurs enfants, suivront des formations et pourront s’insérer sur un marché du travail nouveau. Grâce aux forces du progrès, les communautés parviendront à cohabiter les unes à côté des autres et formeront un patchwork cohérent et fraternel.

    Le populiste, lui, voit les choses différemment. Il ne se contente pas d’une idée de progrès, d’une idée de bien-être, d’une idée d’amélioration. Il n’accepte qu’une amélioration réelle et préfère, somme toute, maintenir l’existant plutôt que le sacrifier au bénéfice d’une simple idée. Le populiste n’est hostile ni au progrès, ni au changement, mais il demande que celui-ci soit concret, réel, qu’on puisse le voir et le toucher.

    Certains reprochent aux populistes de manquer de réflexion, de ne pas agir selon de grands principes. Les « élites » reprochent aux populistes de ne rien comprendre aux théories économiques (une accusation de plus en plus remise en question lorsqu’on voit les résultats économiques de Donald Trump ou même de Viktor Orban, qui feraient pâlir d’envie nos gouvernants français…).

    Mais les populistes ont pour eux de faire passer le réel avant l’idéologie, le concret avant la théorie. Le bilan de ceux qui les attaquent est désastreux : tant sur l’économie, dont ils prétendent pourtant être experts, que sur le sociétal et la fracture ethnique. Sans parler de leur taux de popularité. Tandis que Macron ne décolle pas des 30 % d’opinions favorables, un Matteo Salvini en Italie en cumule plus de 60 % !

    La recette de la réussite politique apparaît de plus en plus clairement : protéger le peuple, dans tous les domaines. Faire du protectionnisme économique mais aussi migratoire. En somme, revenir aux fondements de la politique, c’est-à-dire la défense du peuple et de ses intérêts.

    Anthony Grange  

    https://www.les-identitaires.com/2018/10/le-reel-arme-de-destruction-massive-des-ideologies-progressistes/

  • SAMEDI APRÈS-MIDI, LA DROITE NATIONALE A RENDU HOMMAGE À JEAN-PIERRE STIRBOIS

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    A l'initiative du Parti de la France, une forte délégation de responsables et militants nationaux et nationalistes s'est rendue samedi après-midi au cimetière Montparnasse à Paris sur la tombe de Jean-Pierre Stirbois, secrétaire général du Front national, prématurément décédé il y a 30 ans, dans la nuit du samedi 5 novembre 1988 à Pontchartrain dans les Yvelines, en revenant de Dreux où il venait de tenir un ultime meeting pour la défense de la Calédonie française.

    Au cours de cette émouvante cérémonie, Carl Lang, Président du Parti de la France, qui, rappelons-le, lui succéda au secrétariat général du FN, souligna le rôle éminent joué par Jean-Pierre Stirbois, aux côtés de Jean-Marie Le Pen, dans l'émergence au début des années 80 du Front national. Il rappela aussi que Jean-Pierre fut l'un des premiers à dénoncer ce danger grandissant que représente pour notre peuple l'immigration incontrôlée et à réaliser, lors de l'élection municipale partielle de Dreux en septembre 1983, l'union victorieuse de la droite contre la liste socialo-communiste.

    Notons la présence de nombreux anciens proches collaborateurs et amis de Jean-Pierre à cet acte hautement symbolique ce qui prouve, s'il en était encore besoin, que dans notre camp la fidélité n'est pas un vain mot...

    S.N.

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    Pour information, sachez que dans quelques semaines, pour marquer le trentième anniversaire de sa disparition, sortira le n°15 des Cahiers d'Histoire du nationalisme consacré à Jean-Pierre Stirbois.

    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2018/11/04/samedi-apres-midi-la-droite-nationale-a-rendu-hommage-a-jean-6102367.html

  • Michel Goya : Ce sont les Français qui ont gagné la guerre de 14-18

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    Entretien avec le colonel Michel Goya, propos recueillis par Philippe Mesnard 

    « Jamais une organisation française, comptant plusieurs millions d’individus, ne s’est aussi radicalement et rapidement transformée que l’armée française pendant la première guerre mondiale.»

    Qu’est-ce qui vous a le plus surpris en préparant votre livre ?

    La faiblesse américaine, le décalage entre l’historiographie américaine et la réalité du terrain. Si le conflit avait duré, l’armée américaine, en 1919, aurait été la plus puissante – et on peut d’ailleurs se demander si signer l’armistice en novembre 18 était pertinent. Mais les Américains n’interviennent véritablement qu’en septembre 1918, sans d’ailleurs être remarquables, comme la bataille de l’Argonne en témoigne. Ils en tireront beaucoup d’enseignements, d’ailleurs, sur l’organisation, l’équipement… Les Américains sont le seul pays à avoir eu plus de morts par accident et par maladie qu’au combat. L’autre surprise, c’est l’état de déliquescence de l’armée allemande, alors que l’historiographie reprend l’argument politique d’une armée invaincue, rentre en bon ordre, trahie par l’arrière : le fameux « coup de poignard dans le dos ». Ni Ludendorff ni Hindenburg ne seront là pour signer l’armistice, ce n’est pas l’armée qui capitule. Mais c’est faux. L’état-major allemand le sait bien qui s’est discrètement retiré de la conduite du pays dans les dernières semaines et a remis en avant, pour négocier la paix, un pouvoir civil très falot jusque-là. Dans les faits, les Allemands ne se battent plus, en novembre 1918. La Belgique est peuplée de centaines de milliers de déserteurs allemands qui ne résistent plus – au point, une fois encore, que certains combattants ne comprennent pas que les opérations ne soient pas allées jusqu’en Lorraine, au Rhin . Choses qu’on fera pendant la Seconde Guerre mondiale : pas d’armistice puis de longs pourparlers de paix. Et ce sont les maréchaux allemands qui viendront signer la capitulation. En 1918, sans aucun doute, l’armée allemande avait été vaincue sur le terrain, en France et en Belgique.

    Cent ans après l’armistice du 11 novembre 2018, les Français ne retiendraient de la Grande Guerre que la souffrance, l’horreur… Les trois premières années, pour ainsi dire, faites de défaites et de désillusions. Un voile sinistre recouvre désormais la guerre de 14-18.

    Sur “l’objet guerre” lui-même, il y a une dépolitisation, alors que la guerre est un acte politique : il y a des morts mais ce n’est ni une épidémie, ni une catastrophe naturelle. Des entités politiques s’affrontent par les armes, et il n’y avait aucune ambiguïté dans l’esprit des gens de l’époque : les soldats savaient qu’ils devaient défendre leur pays contre l’invasion allemande, et que cela nécessitait des efforts et des risques. Les tranchées n’étaient pas un méchant hasard qui les contraignait à vivre une vie de souffrances. Quand on regarde l’historiographie telle qu’elle a évolué, on voit que le 11 novembre n’est plus la célébration de la victoire, mais seulement celle de la fin des souffrances, comme si la seconde ne dérivait pas de la première… Et il faut pointer un autre phénomène : cette victoire est d’abord une victoire française. Ce sont les Français qui, durant la guerre et jusqu’à la fin, ont supporté le principal effort. L’historiographie efface peu à peu cette contribution française à la victoire finale. On peut le comprendre chez les historiens britanniques, qui n’ont aucun scrupule à survaloriser le rôle de leurs forces armées, c’est plus surprenant chez les Français : à les lire, on a l’impression que, passées l’offensive Nivelle et les mutineries, l’armée française n’existe plus. J’ai voulu montrer à quel point la France avait eu un rôle capital dans la victoire, et à quel point cette victoire n’était pas seulement due aux efforts et aux sacrifices des combattants mais aussi à l’intelligence : jamais une organisation française, comptant plusieurs millions d’individus, ne s’est aussi radicalement et rapidement transformée que l’armée française pendant la première guerre mondiale. L’armée de 1918 a plus à voir avec l’armée d’aujourd’hui qu’avec celle de 1914.

    Vous soulignez dans votre livre deux évolutions : technique, avec tous les nouveaux matériels inventés en fonction des nouveaux impératifs du combat (inventés et améliorés en permanence) ; stratégique, avec une doctrine qui évolue sans cesse : on conceptualise la troisième dimension, par exemple, et c’est la stratégie qui sert de moteur à la technologie.

    Comme dans toute bonne stratégie, il y a une rencontre entre la doctrine et les moyens. À la fin de 1917, la première armée de renfort des Français, ce ne sont pas les Américains mais les machines. Au deuxième semestre 1917, l’industrie française produit autant que dans toutes les années précédentes. L’arsenal des démocraties, c’est la France : c’est elle qui équipe les Balkans, les Américains – au détriment des Français : Patton a des troupes et des chars français sous ses ordres. Alors même que les Allemands ont envahi plusieurs régions industrielles françaises. De nouvelles unités de combat sont créées : 80.000 camions (autant que toutes les armées du monde réunies) transportent des troupes, très vite, sur n’importe quel point du front, et, à partir de mai 1918, des chars légers, l’aéronautique est puissante (en ratios, une division française d’infanterie est appuyée par quarante avions, là où les Allemands ne peuvent en aligner que vingt), trente-sept régiments sont équipés en canons de 75 tirés par des camions et non plus par des chevaux – alors qu’en 1914, la logistique était quasi-napoléonienne. La doctrine Pétain, qui renonce au mythe de la grande offensive décisive, exige qu’on puisse multiplier les “coups”, les batailles, donc exige une grande mobilité rapide : à la fin de la guerre, on est capable d’imaginer et de réaliser en deux-trois semaines une opération nécessitant de déplacer plusieurs dizaines de milliers d’hommes ; c’est un miracle de management. Les Britanniques sont bons aussi, mais leur corps expéditionnaire ne représente que 40% des forces françaises ; les Américains aussi, mais ils n’auront de véritable impact sur la conduite de la guerre qu’au deuxième semestre 1918.

    C’est le paysage français lui-même qui change : les chemins de terre où vont les charrettes sont remplacés par des routes goudronnées à deux voies. Même les populations civiles ont gagné la guerre : elles se sont adaptées.

    Les Français ont eu le taux de mobilisation le plus élevé de toutes les nations combattantes mais on parle assez peu du million de travailleurs étrangers qui sont venus renforcer l’appareil industriel. Tout le réseau ferré est modifié, on crée des routes, avec des nœuds de communication, pour fluidifier tous les mouvements au plus près du front. Là aussi, tout se fait sur un pied inédit et même inimaginable en 1914, au point que l’organisation de la France pendant la Première Guerre mondiale (et celle de l’Allemagne dans une moindre mesure) servira de modèle aux économies planifiées d’après-guerre, comme celle de l’URSS : l’État a fait la preuve qu’il était capable d’organiser la production à très grande échelle.

    Votre livre débute en 1917, au moment où les choses basculent : le commandement prend conscience qu’il faut changer de méthodes. Foch devient généralissime, les Anglais – et les autres généraux français – ayant enfin accepté l’idée d’un commandement unique.

    Au-delà des rivalités nationales et des rivalités de personnes, le commandement est réorganisé, les fronts sont dissociés et le gouvernement choisit Nivelle comme commandant des armées – choix technique pertinent, car c’est lui le vrai vainqueur de Verdun, mais surtout choix politique, car c’est le plus jeune des généraux, le plus “contrôlable”. Ce sera désastreux, avec la boucherie du Chemin des Dames, qui déclenchera les mutineries. Pétain s’impose alors comme le meilleur des généraux du moment, celui qui a le mieux compris la nouvelle nature du conflit. C’est lui qui va réorganiser l’armée, imposer une doctrine et créer l’instrument de la victoire. Fin 1917, alors que les Allemands bénéficient du retrait de la Russie et sont donc capables de jeter de nouvelles forces sur le front français, Foch remet sur la table la question du commandement général des armées. Il suffit d’une percée allemande sur les positions britanniques pour convaincre tout le monde de cette nécessité. Entre un Foch agressif et un Pétain placide, l’armée française devient encore plus efficace.

    Vous décrivez la manière dont l’amirauté allemande pousse à la guerre sous-marine à outrance en mésestimant les risques d’entrée en guerre des États-Unis. On a l’impression que les états-majors sont perpétuellement surpris par les conséquences de leurs décisions, leurs effets secondaires, à cause de l’ampleur du phénomène  « guerre totale » : mécanique, nombreuse, étendue comme aucune guerre ne l’a jamais été ?

    Les Allemands surestiment en effet leurs forces et les effets de leurs actions, et sous-estiment les réactions de leurs ennemis. L’Allemagne aura manqué d’une véritable conduite stratégique de la guerre, alors que les Alliés réussissent mieux à coordonner les instruments de puissance. Les Allemands laissent les Britanniques débarquer en France sans que leur marine intervienne, ou envahissent la Belgique sans se poser la question des conséquences diplomatiques (croyant que la guerre se gagnera en quelques semaines). L’ambassade allemande va jusqu’à organiser des sabotages sur le sol même des États-Unis ! ou propose une alliance au Mexique s’il désire déclarer la guerre à leur voisin… A la fin de la guerre, quand Ludendorff gère, dans les faits, le pays, il consacre toutes les ressources à l’effort de guerre, allant jusqu’à réquisitionner tous les chevaux, ce qui ruinera ce qui reste d’agriculture allemande… Toute la conduite de la guerre est une série de paris perdus.

    Ce qui amène la victoire française, c’est la volonté de gagner, au point de se réinventer de fond en comble, du matériel au moral. En 1919, l’armée française est victorieuse et est devenue le gendarme de l’Europe. Vingt ans plus tard, c’est une armée qui n’a plus envie de gagner, et vous dites que la campagne de France aurait pu être gagnée si le désir de victoire avait été aussi vif qu’en 1918.

    Gamelin, en 1940, a l’âge de Foch en 1918 : on ne réécrit pas l’histoire mais un Foch en 40 n’aurait sans doute pas donné la même chose… Surtout, l’outil militaire s’est rigidifié, a perdu de son inventivité. Le gouvernement a d’autres priorités que ses armées suréquipées, il gèle la production. Les compétences techniques se perdent, notamment en aéronautique. Et la doctrine a évolué : la France est un vainqueur qui a peur du vaincu, au potentiel humain et industriel bien plus fort. Ceux qui préconisent la normalisation des rapports avec l’Allemagne, comme les Anglo-Saxons, gagnent contre ceux qui préconisent une vigilance sans faille, les Français, et préconisent donc d’occuper et de démilitariser l’Allemagne et de garder une armée française très mobile. La détente prévaut, la stratégie devient défensive, la durée du service se réduit (sans qu’on puisse, donc, former des techniciens), l’armée ne se soucie plus que d’établir des lignes et non plus d’aller porter rapidement la guerre chez l’ennemi. Au moment de l’arrivée au pouvoir d’Hitler, le gouvernement français réduit considérablement les budgets militaires. On se réveillera en 1937, trop tard.   

    Le colonel Michel Goya, enseignant et auteur français, est spécialiste de l’histoire militaire et de l’analyse des conflits. Il vient de publier :

    4000712156.2.jpgLes Vainqueurs – Comment la France a gagné la Grande Guerre. Tallandier, 2018, 320 pages, 21,50€.

    Philippe Mesnard 

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2018/11/03/histoire-actualite-michel-goya-ce-sont-les-francais-qui-on-6102117.html

  • Action Française • Le Bien commun, un nouveau mensuel ... « Soyons Charlie » ! Soyons Français !

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    687119300.jpgPour le bien commun 

    Le Bien Commun ?
    Parce qu’il est ce qui manque le plus aux Français et ce à quoi ils aspirent le plus.

    Il est ce qui manque le plus aux Français, à l’heure où le semble-État, au service d’intérêts oligarchiques ennemis de l’intérêt national, est devenu la proie d’élites dénationalisées ; à l’heure aussi où le régime républicain, fidèle à sa tradition, les oppose comme jamais les uns aux autres en divisant la nation en autant de factions rivales.

    Mais il est aussi ce à quoi les Français aspirent le plus, lorsqu’ils refusent la logique mortifère de la dépossession de soi dans lequel le régime les a installés afin de les contraindre à accepter un changement de civilisation qui signera leur mort en tant que peuple libre. Négation des racines chrétiennes de la France, destruction jumelle des repères anthropologiques et de la famille, immigration galopante, insécurité, zones de non-droit devenues le foyer de la barbarie islamiste, négation de la culture française, précarité économique, perte de toute souveraineté politique, financière et juridique au profit d’un pays légal supranational, tels sont les multiples visages de Gorgones de cette dépossession. Ne nous laissons pas pétrifier par la peur de les combattre !

    Le Bien Commun, donc, parce qu’il faut nous opposer à cette œuvre de mort et parier pour la pérennité d’un miracle français auréolé de quinze siècles d’histoire. Parce que nous pensons que, par-delà leur légitime diversité, les Français partagent un héritage vivant, appelé à féconder leur avenir. Parce que, tout simplement, nous croyons à l’existence d’un peuple français.

    Le Bien Commun, parce que ce qui nous réunit est plus important que ce qui nous divise, parce que nous refusons «  le désordre établi  » et que nous pensons que l’apparente décadence du peuple français « est surtout le fait de fausses élites qui l’aveuglent d’un écran de grossiers mensonges et l’étourdissent de modes et de mots »*.

    Le Bien Commun, parce que nous adressant, comme nos aînés, « au Peuple français tout entier », nous « prenons ce qu’il y a de commun entre nous et nous demandons au lecteur de se placer au même point de vue fraternel ». Parce que « nous savons qu’il y a partout du patriotisme et que la raison peut se faire entendre partout »**. Parce que nous voulons être les porte-paroles des gens qui ne sont rien, les porte-paroles du pays réel.

    Le Bien Commun, en un mot, parce que, résolument patriotes et héritiers critiques d’une longue tradition au service du seul intérêt national, il nous faut promouvoir un nationalisme pour le XXIe siècle. Parce que, résolument patriotes et résolument nationalistes, nous sommes résolument d’Action française. Parce que, résolument d’Action française, nous sommes résolument royalistes et réaffirmons, contre tous les facteurs de dissolution et de mort, notre confiance inébranlable dans les fils d’Hugues Capet pour restituer la France aux Français.  

    Le Bureau politique de l’Action française
    François Bel-Ker, Stéphane Blanchonnet, Charles du Geai, Pierre Marchand, François Marcilhac, Philippe Mesnard

    *  Manifeste de L’Action Française – 21 mars 1908
    ** Manifeste de La Nation Française – 12 octobre 1955

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/