Entre mépris, déni, et incompréhension, les politiques semblent hors jeu face à ce mouvement inédit.
Charlotte d’Ornellas, journaliste pour l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, et éditorialiste sur CNews nous propose ses clés de lecture.
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Entre mépris, déni, et incompréhension, les politiques semblent hors jeu face à ce mouvement inédit.
Charlotte d’Ornellas, journaliste pour l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, et éditorialiste sur CNews nous propose ses clés de lecture.
Ce gouvernement n’a plus aucune crédibilité :
Instant de flottement à l’Elysée. Pour lancer la « grande concertation » de trois mois voulue par Emmanuel Macron, Edouard Philippe devait recevoir ce vendredi 30 novembre une délégation de « gilets jaunes », pour trouver un semblant de terrain d’entente.
Problème : un seul représentant du mouvement est arrivé à Matignon, sur les coups de 14h30. Avant de repartir, à peine une demi-heure plus tard. Il s’agit de Jason Herbert, jeune Charentais de 26 ans, chargé de communication dans une médiathèque d’Angoulême, selon L’Express. A la sortie de son rendez-vous expédié, le jeune homme s’est expliqué sur BFM TV : « Je souhaitais que les 65 millions de Français puissent entendre nos discussions », a-t-il confié sur le perron de Matignon. « Par courtoisie, j’ai simplement laissé le Premier ministre se présenter, puis je l’ai informé ne pas souhaiter poursuivre la discussion, car il n’était pas possible de filmer l’entretien ». Pour ne pas « trahir » les Français, Jason Herbert a donc préféré ne pas « engager de discussion ».
https://www.lesalonbeige.fr/les-gilets-jaunes-mettent-une-veste-a-edouard-philippe/
L’État semble ne pas en avoir fini avec les gilets jaunes et le gouvernement paraît inflexible, à défaut de savoir comment gérer ce mouvement de colère désordonné et insaisissable, sans doute plus politique dans sa signification que dans sa formulation. Bien sûr, cette colère retombera ou s'épuisera, et ce que l'on pourrait qualifier de « pays légal », qu'il soit syndical ou politicien, respirera, tandis que la mondialisation poursuivra sa marche en avant, néanmoins ralentie et plutôt déconsidérée ses dernières années dans nos contrées : mais rien ne sera réglé, et le ressentiment des classes populaires et moyennes les moins aisées ira croissant, s'exprimant dans les urnes (sans menacer vraiment l'ordre des choses établi depuis longtemps par la République) et sur les réseaux sociaux, déversoirs de la colère et, en définitive, nouveaux amortisseurs de cette dernière après en avoir été le catalyseur et l'éphémère organisateur.
Pour l'heure, le gouvernement joue la carte du pourrissement du « conflit », en espérant que « ceux qui se lèvent tôt » se fâchent contre les « fâchés des taxes » : les boulangers privés de farine à cause des blocages alors que les commandes non traitées s'accumulent et profitent aux grandes surfaces, mieux achalandées et préparées à ce genre de situation (au moins pour les premiers jours), ou les commerciaux obligés de patienter des heures dans les ralentissements et perdant parfois de précieux clients, entre autres, n'apprécient guère les formes du mouvement même si, eux aussi, se plaignent de la pression fiscale trop forte. « Diviser pour mieux régner » reste la stratégie privilégiée par une République à court d'idées et d'arguments, mais indique aussi sa fragilité, confirmée par quelques sondages qui, au-delà du président Emmanuel Macron, signalent une sorte de « démotivation démocratique » plutôt inquiétante car possiblement nihiliste.
Ce qui est certain, c'est que ce mouvement mérite considération et, au moins sur la question du « terreau des révoltes », réflexion, voire approbation et soutien. Cela ne signifie ni aveuglement ni suivisme, bien au contraire, et ce serait gravement impolitique de se contenter de slogans et de ne pas penser des pistes de propositions et de solutions, au-delà de la seule question du diesel ou de celle, plus large, des modes de déplacement motorisés. Plusieurs thèmes peuvent ainsi être abordés sans sortir du sujet : les mobilités et les types d'énergies nécessaires à celles-ci ; la localisation de l'habitat et le lieu du travail (et les formes que peut revêtir celui-ci pour réduire l'éloignement entre ceux-ci) ; l'aménagement du territoire (des territoires, devrait-on dire) et les circulations, et leur gestion, publique comme privée, corporative comme politique ; etc. Dans ces réflexions, les monarchistes ont leur mot à dire et des idées à avancer, et il serait dommage qu'ils restent en marge des discussions.
Mais il y a une réflexion politique plus large à avoir en ces temps de colère : après tout, cette révolte des gilets jaunes n'est pas, comme le signale Christophe Guilluy une simple jacquerie : « C'est une confirmation de la confrontation entre la France périphérique et la France des métropoles. Nous ne sommes pas en face d'un mouvement marginal et catégoriel. C'est pourquoi le terme de « jacquerie » me semble inapproprié. La fronde dépasse le monde rural et touche l'ensemble des catégories modestes. (…) Surtout, je crois que nous sommes face à un processus de réaffirmation culturelle des classes moyennes. » Certains pourront y voir une définition sommaire du « pays réel » (définition incomplète, voire inexacte car trop limitée à des classes sociales), pays dont les contours restent d'ailleurs à préciser pour 2018, et il n'est pas scandaleux de l'évoquer si on veut bien, justement, le définir et en comprendre les potentialités et les limites, les unes et les autres nombreuses et non moins certaines... Mais, s'il faut la connaître et tenter de la comprendre, se contenter de voguer au gré de la vague jaune ne peut suffire pour ceux qui se targuent de vouloir changer de situation ou de régime politique : le « pays réel » n'est pas, en soi, une avant-garde, mais plutôt « ce pays qui vit, qui travaille, qui produit et consomme » dans un cadre relativement stable sans être immobile, ce pays enraciné qui se reconnaît, au-delà de ses différences multiples, dans une nation historique et « habituelle ». Il ne fait pas les révolutions, s'il peut les suivre et les confirmer, ou non. Dans nos démocraties, il donne droit, par son vote, au « pays légal » de faire la loi. Mais quand ce droit ne fait plus devoir au « pays légal » de respecter le « pays réel », la démocratie perd de sa consistance et, surtout, de sa légitimité : c'est alors le pouvoir de Créon, et cela peut bien encolérer les électeurs-contribuables qui se sentent floués et incompris, voire ignorés. Nous en sommes sans doute là, et le « pays réel », en ses parties les plus insatisfaites, se couvre alors de jaune fluo pour dénoncer l'illégitimité de certaines taxes ou l'usage abusif du recours étatique à l'impôt. Ses maladresses et ses emportements peuvent le décrédibiliser, certes, mais cela n'enlève rien au fond de la colère et au sentiment d'injustice qui le motive pour protester.
Le rôle des royalistes contemporains est, sans doute, de montrer que c'est par le moyen du politique et par la liberté affirmée et assumée de la magistrature suprême de l’État que les questions sociales, territoriales et environnementales peuvent trouver des débouchés plus favorables au « pays réel » (ou « réels », au pluriel, ce qui correspondrait sans doute mieux à la multiplicité des communautés et des points d'attaches, en particulier sociales et locales), tout en inscrivant l'action politique dans le long terme et la continuité nécessaire à la bonne mise en place des grandes stratégies écologiques, économiques et sociales, entre autres. Si l'instauration monarchique paraît lointaine, il n'en est pas moins utile de rappeler sa nécessité au regard des enjeux, des défis et des attentes de notre temps et pour cet avenir qui dure longtemps, selon l'heureuse expression du Comte de Paris. Loin d'être un « sceptre magique », la Monarchie ouvre la voie à des possibilités multiples que l'actuelle République ne peut développer, prisonnière de son calendrier et d'un « pays légal » sans imagination ni altitude mentale...
Loup Mautin, lui-même agriculteur, évoque sur Boulevard Voltaire le cas de cet éleveur de volailles de Bresse, criant sa détresse dans une vidéo, alors qu’il fournit les meilleures tables. Par ailleurs, il revient sur le lancement d’un forum de réflexion et de propositions au sein du Rassemblement national, Terres de France, sur la thématique de l’agriculture et de la ruralité.
La presse locale s’est largement fait l’écho de cet éleveur de volailles du pays de Bresse. Il a beau nourrir les grands de ce monde, il peine à dégager 500 euros chaque mois pour vivre. Cette situation vous interpelle-t-elle ?
Ce témoignage est vraiment très poignant et touchant. En réalité, cet éleveur vit ce que vivent une grande majorité des agriculteurs. Ils travaillent nuit et jour, y compris les jours fériés et le dimanche. Il n’est pas rare qu’ils travaillent 70 heures par semaine. Et tout cela pour un revenu très misérable. 40 % des agriculteurs, selon les chiffres de la MSA, gagnent 350 euros par mois.
C’est assez étonnant, puisque cet éleveur fournit les tables présidentielles. On pourrait penser que son carnet de commandes est plein et que ce ne sont pas les clients qui manquent. Pourtant, il n’arrive pas à dégager de bénéfices suffisants pour se payer. À quoi cela est-il dû ?
Il y a une explication qui est typique de la situation agricole. Entre lui et l’Élysée, il y a un intermédiaire, un industriel.Les agriculteurs au bout de la chaîne n’y arrivent pas. En revanche, l’industriel qui sert d’intermédiaire et qui commercialise le produit, lui, s’en sort très bien. Monsieur Macron a beau dire qu’il va leur tordre le bras et qu’il va signer des accords avec eux pour que la marge et la valeur ajoutée reviennent au producteur, en réalité il n’en sera rien. Le plus puissant est l’industriel. C’est lui qui commercialise. Cette situation n’est donc pas du tout étonnante. C’est la même chose pour le lait, pour la viande et à plus fort degré, pour les salaires.
C’est un cas emblématique de l’État de la paysannerie française…
Tout à fait. On retrouve à un bout de la chaîne des gens qui meurent de faim et n’arrivent pas à s’en sortir et à l’autre bout, des gens qui mangent bien. Les uns mangent de mauvais produits achetés en grandes surfaces parce qu’ils n’ont pas les moyens, et les autres mangent de bons produits.
C’est une problématique que vous connaissez bien, puisque vous êtes vous même paysan. Vous avez notamment créé Terres de France au sein du Rassemblement national. Quel est le but de ce collectif et quelle est son ambition à long terme ?
Nous avions eu l’idée de lancer le forum Terres de France depuis longtemps. Il tombe fortuitement en pleine actualité. L’idée était de fédérer toutes les bonnes volontés et les énergies pour défendre la ruralité, l’environnement et l’agriculture. On y retrouve des élus, des maires, des conseillers régionaux et des agriculteurs du Rassemblement national et non encartés.
L’objectif est d’être force de propositions pour le Rassemblement national et de se faire l’écho ensuite des décisions qui seront prises par le parti de Marine Le Pen.
Loup Mautin, lui-même agriculteur, évoque le cas de cet éleveur de volailles de Bresse, criant sa détresse dans une vidéo, alors qu’il fournit les meilleures tables.
Par ailleurs, il revient sur le lancement d’un forum de réflexion et de propositions au sein du Rassemblement national, Terres de France, sur la thématique de l’agriculture et de la ruralité.
La presse locale s’est largement fait l’écho de cet éleveur de volailles du pays de Bresse. Il a beau nourrir les grands de ce monde, il peine à dégager 500 euros chaque mois pour vivre.
Cette situation vous interpelle-t-elle ?
Ce témoignage est vraiment très poignant et touchant. En réalité, cet éleveur vit ce que vivent une grande majorité des agriculteurs. Ils travaillent nuit et jour, y compris les jours fériés et le dimanche. Il n’est pas rare qu’ils travaillent 70 heures par semaine. Et tout cela pour un revenu très misérable. 40 % des agriculteurs , selon les chiffres de la MSA, gagnent 350 euros par mois.
C’est assez étonnant, puisque cet éleveur fournit les tables présidentielles. On pourrait penser que son carnet de commandes est plein et que ce ne sont pas les clients qui manquent. Pourtant, il n’arrive pas à dégager de bénéfices suffisants pour se payer.
À quoi cela est-il dû ?
Il y a une explication qui est typique de la situation agricole. Entre lui et l’Élysée, il y a un intermédiaire, un industriel. Les agriculteurs au bout de la chaîne n’y arrivent pas. En revanche, l’industriel qui sert d’intermédiaire et qui commercialise le produit, lui, s’en sort très bien. Monsieur Macron a beau dire qu’il va leur tordre le bras et qu’il va signer des accords avec eux pour que la marge et la valeur ajoutée reviennent au producteur, en réalité il n’en sera rien. Le plus puissant est l’industriel. C’est lui qui commercialise.
Cette situation n’est donc pas du tout étonnante. C’est la même chose pour le lait, pour la viande et à plus fort degré, pour les salaires.
C’est un cas emblématique de l’État de la paysannerie française…
Tout à fait. On retrouve à un bout de la chaîne des gens qui meurent de faim et n’arrivent pas à s’en sortir et à l’autre bout, des gens qui mangent bien. Les uns mangent de mauvais produits achetés en grandes surfaces parce qu’ils n’ont pas les moyens, et les autres mangent de bons produits.
C’est une problématique que vous connaissez bien, puisque vous êtes vous même paysan. Vous avez notamment créé Terres de France au sein du Rassemblement national.
Quel est le but de ce collectif et quelle est son ambition à long terme ?
Nous avions eu l’idée de lancer le forum Terres de France depuis longtemps. Il tombe fortuitement en pleine actualité. L’idée était de fédérer toutes les bonnes volontés et les énergies pour défendre la ruralité, l’environnement et l’agriculture. On y retrouve des élus, des maires, des conseillers régionaux et des agriculteurs du Rassemblement national et non encartés.
L’objectif est d’être force de propositions pour le Rassemblement national et de se faire l’écho ensuite des décisions qui seront prises par le parti de Marine Le Pen.
Le gouvernement et les Gilets jaunes sont dans des logiques irréconciliables. D’un côté un pouvoir entièrement formaté par le capitalisme, de l’autre, une population qui refuse la gestion purement comptable de son destin. Ces Gilets jaunes – c’est-à-dire une large majorité de Français de souche - sont les premiers à payer la note des ajustements structurels du capitalisme dont ils sont les sempiternels perdants. Cette révolte est symptomatique d’un état du monde où le capitalisme est en train de détruire tout ce qui constitue le socle de nos cultures et de notre civilisation. Car le capitalisme est un terrorisme qui gave une minorité au détriment de la majorité. Le capitalisme a réduit toute l’activité humaine à une pure marchandise où seul compte la loi du marché et dont l’unique but est d’accroître encore et toujours le capital.
Or, le capital n’est autre que l’argent en tant qu’il se produit lui-même. Il se définit aussi par cette automatisation du processus de production qui ne cherche que sa propre croissance. La figure de l’homme n’est plus seulement celle du Travailleur, c’est aussi et surtout celle du consommateur. L’homme en est réduit à n’être plus qu’une machine à produire de l’argent. Le Gilet jaune est la version moderne de l’esclave au service de son maître : le capital. L’huile de coude a été remplacée par la machine, raison pour laquelle on peut aussi parler de techno-capitalisme qui est aussi l’autre figure du totalitarisme.
Emmanuel Macron n’a donc rien compris au film qui est en train de se dérouler sous ses yeux. Le capital l’aveugle. Les Gilets jaunes veulent le retour à une authentique justice sociale et militent donc pour un pouvoir qui sait redistribuer la richesse et non l’accaparer au profit d’une minorité.
Il est par ailleurs révélateur que la révolte des Gilets jaunes soit un mouvement bien Gaulois, Français de souche si l’on préfère, vu que les immigrés sont trop heureux de bénéficier des avantages sociaux et des trafics divers et variés que notre « démocratie » autorise pour acheter la paix sociale. Notamment celle des banlieues. A ce sujet, on remarquera que les baroques politiques de la ville qu’on nous vend depuis des décennies ont bénéficié massivement à ces banlieues au détriment du rééquilibrage des territoires. Or, ces fameuses politiques de la ville se sont révélés être un échec cuisant. L’association du capital et de la démocratie, c’est la dépense qui consiste essentiellement à déminer les conflits et à protéger le capital. C’est donc une impasse.
Aujourd’hui, nous en sommes arrivés à une telle dégradation de nos démocraties que celles-ci sont désormais aux mains du seul capital. D’où cette réaction populiste que l’on constate dans toute l’Europe qui n’est autre que le refus par l’homme de n’être qu’une variable d’ajustement du capital et de son corollaire, le marché. La révolte des Gueux que nous sommes ou des "ploucs émissaires" comme l'écrit François Bousquet* !
(*) François Bousquet est le rédacteur en chef de la revue Eléments.
Ils ont gagné parce qu’ils ont rendu leur fierté à la France.
Ils ont gagné parce qu’ils prouvent qu’on avait tort de désespérer du peuple.
Ils ont gagné parce que tout redevient possible et qu’ils nous rendent foi et espoir.
Ils ont déchiré le voile de la duplicité du pouvoir et de ses affidés : l’indigence des gouvernants, la non-représentativité coupable des intermédiaires sociaux, la futilité des pseudo-« élites », retranchées dans leurs alcôves, se terrant, marginalisées, mais se rendant enfin compte qu’elles sont nues, que leurs discours, pétitions, marches blanches ou violettes ne sont que du vent qui souffle bien au-dessus du pays réel.
Ils ont gagné parce qu’ils sont soutenus par 80 % du pays réel, et non 18 % comme Macron, et qu’ils ont mis au jour les dessous du système. Les appareils syndicaux sont à la ramasse, juchés sur leurs avantages acquis, voyant passer les immenses cortèges porteurs des revendications qu’ils n’ont pas su porter, et sont réduits à compter sur le système pour les réintroduire dans un deuxième tour de rattrapage pour partenaires sociaux « présentables », à défaut d’être représentatifs.
Ils ont gagné car l’indigence des dirigeants ne peut plus être masquée. Je ne m’appesantis pas, ici, sur les bassesses des Damartin, Griveaux et autres comparses, ni sur ceux qui pointent aux abonnés absents, ni sur le surnuméraire de Beauvau, réduit à mentir, toujours davantage mentir, sur le nombre des manifestants, la sincérité de la colère, le profil des casseurs… Ni sur ce Macron de pacotille, inconscient de l’abîme de ses délires.
Tant de bassesses, d’incompétence, tant de morgue plombent définitivement leurs auteurs, désormais acculés.
Ils ont gagné parce que les autres piliers de l’ancien régime, PS-PC-Verts-Centristes-LR…, qui ont permis aux actuels liquidateurs d’accomplir leurs forfaits en les portant au pouvoir, savent désormais que jouer au Bisounours a un prix. Et qu’ils sont coreponsables du désastre actuel.
Ils ont gagné parce que Ludovine de La Rochère ici-même, à qui l’on doit la précédente marée humaine, y a vu des convergences.
Mais, quoi qu’il en soit de ce que le pouvoir pourrait concéder, les gilets jaunes auront complètement gagné s’ils sont capables de transformer l’essai en favorisant le rassemblement de ce qu’il reste, dans ce pays, de forces républicaines, soucieuses de l’intérêt du peuple. Il leur faudra un gigantesque effort de lucidité pour sublimer l’enthousiasme en perspective opérationnelle, c’est-à-dire politique. Qu’ils y prennent toute leur place.
Tous pourris ? Vraiment ? Ceux qui les ont soutenus dès l’origine ne l’ont pas fait par opportunité. Le peuple des gilets jaunes n’a pas brandi le drapeau de la République comme un gadget, mais pour manifester la conviction que c’est bien sur les valeurs fondamentales de la patrie, qui régissent notre volonté de « vivre ensemble », qu’il faut s’arc-bouter pour en sortir. Cette juste conviction est partagée. Ils ne sont pas seuls.
Je ne doute pas que c’est la compréhension de cette deuxième partie de l’enjeu qui les fera définitivement gagner !
« Cette marginalisation des Français de souche, personne ne voulait la voir »
Minute : Qui sont ces Gilets jaunes, sortis de nulle part ?
Jean-Yves Le Gallou : Les Gilets jaunes ? Permettez-moi de parler cru : c’est la France blanche, ce sont pour la plupart des Français d’origine européenne, qui habitent les périphéries des villes, ayant été chassés des hypercentres par les prix que l’on y pratique et des proches banlieues parce qu’elles sont devenues des quartiers immigrés. Alors les Gilets jaunes ont besoin de leur voiture pour travailler, pour aller faire leurs courses, pour amener leurs enfants à l’école. Et ils souffrent des mesures d’augmentation du gasoil, prises par un Gouvernement qui s’identifie à la clientèle des hypercentres villes, dans lesquels Emmanuel Macron, lors de la dernière Présidentielle, a fait des scores dignes de la Corée du nord, autour de 90 %. Ce que je vous explique là correspond aux développements, devenue classique aujourd’hui, du géographe Christophe Guilluy, inventeur de cette expression de France périphérique qui fait florès. Au début de ce processus, cette marginalisation des Français dits de souche dans leur propre pays, personne ne voulait la voir. Elle n’était pas conforme au Politiquement correct. Et pourtant elle était claire en Seine Saint-Denis par exemple, où le Front national, il y a trente ans, faisait ses plus gros scores. Aujourd’hui, cette population a quitté la Seine Saint Denis. C’est l’un des départements d’ailleurs où il y a eu le moins de blocage. Les actions des Gilets jaunes, on les trouve dans d’autres départements : de la petite couronne parisienne, en particulier la Seine et Marne, ou du grand bassin parisien, l’Yonne, l’Aube, l’Eure et Loir. La presse elle-même (Libé ou le Parisien) met en évidence cette fracture, quand elle montre presque exclusivement, pour ce week-end, des incidents entre automobilistes et manifestants au cours desquels, peut-être pour diaboliser les Gilets jaunes, on nous montre des immigrés qui refusent les barrages violemment. Les « Minorités » ont pris l’habitude d’être les seules entendues. Cette fois, avec les Gilets jaunes, de façon informelle, c’est la Majorité que l’on appelait silencieuse, qui prend la parole. D’après les chiffres du Ministère de l’Intérieur, qui n’a pas l’habitude de grossir les chiffres, cela donne 290 000 personnes dans la rue et près de 2000 barrages dans toute la France. Ce n’est pas un événement que l’on peut se contenter de minorer ou de culpabiliser dans les médias…
Minute : Vous refusez la culpabilisation des Gilets jaunes. Mais pourtant ce qui est au cœur des manifestations, c’est bien le refus de l’impôt ? Ce n’est pas très citoyen ? On peut quand même les culpabiliser pour cela…
Jean-Yves Le Gallou : Les Gilets jaunes ne refusent pas l’impôt, ils le paient comme tout le monde. Précisément, ils refusent la hausse massive de l’impôt sur le diesel. Pendant des années, on a incité les familles et les artisans à choisir un moteur diesel, en proposant ce carburant moins cher à la pompe. Aujourd’hui il est dix centimes plus cher que l’essence et vraisemblablement cela ne fait que commencer : au nom d’impératifs écologiques, on incite ceux qui ont acheté une voiture diesel à s’en détourner. Pourquoi s’en prendre aux petits consommateurs ? Il y a un sentiment d’injustice. On taxe les voitures particulières dites les plus polluantes, mais pour les avions, pour les cargos super containers, le carburant n’est pas taxé. Vous me direz : il n’est pas taxable. Et c’est vrai que si la France prélevait ce genre de taxe, les avions atterriraient (ou feraient le plein) ailleurs. Il faudrait des mesures internationales, que l’on ne prendra jamais, parce que l’avion ou le cargo super containers constituent des instruments de la mondialisation…
Minute : Les médias font beaucoup état d’une diminution assez notable du prix du brut, qui est tombé de 80 à 65 dollars le baril. Une telle chute ne suffirait-elle pas à absorber la hausse des taxes ?
Jean-Yves Le Gallou : La baisse du prix du pétrole est très spéculative, un coup il baisse, un coup, il monte. Et ce qui coute le plus ce sont les taxes prélevées en France !
Minute : Certains manifestants sont eux carrément dans le tout ou rien : ils revendiquent la démission du président. Est-ce possible ?
Jean-Yves Le Gallou : Je suis convaincu qu’Emmanuel Macron aura du mal à aller au terme de son mandat. A force d’exaspérer les Français comme ses partenaires internationaux, ce vilain garçon pourrait finir par être lâché par les soutiens qui l’ont fait élire (médias et finance). Et s’il parvient à finir ce sera en plus mauvais état encore que François Hollande. Vous savez, c’est la loi des présidents de la Vème République depuis le début : le suivant est toujours pire que le précédent, il n’y a pas eu d’exception. Mais les institutions le portent. Alors, pour en revenir aux Gilets jaunes, soit le mouvement finit par s’épuiser à l’usure, soit le gouvernement devra capituler sur le prix de l’essence. Je ne vois pas d’autres solutions. Les mesures techno – le chèque énergie, les encouragements sur le financement de véhicules électriques – tout cela est inaudible pour les manifestants. En tablant sur de tels remèdes, Macron et Edouard Philippe montrent juste ce qu’ils sont : des technos sélectionnés par le Bilderberg. Quant au mépris des médias pour les Gilets jaunes, il ne fait que mettre de l’huile sur le feu.
Minute : Que dites-vous à ceux qui invoquent les nécessités de la transition écologique ? Plus précisément, que dites-vous de la manière dont nos gouvernants se réfèrent à l’urgence écologique pour justifier la hausse des carburants ?
Jean-Yves Le Gallou : Je pense qu’ils se moquent du monde. Leur discours est : je suis obligé d’augmenter le prix du pétrole pour sauver la Planète. A ce moment-là, il est urgent avant tout de limiter le commerce mondial et les effets écologiques pervers de la mondialisation. Voilà d’où vient la pollution ! Vous savez la France représente 1 % des rejets carbonés dans le monde. Et la pollution par les véhicules automobiles représente le dixième de ce 1 %. Autant dire que quelques centimes par litre à la pompe, cela a une incidence réelle sur le pouvoir d’achat des Français modestes qui travaillent. Cela n’a et n’aura aucune incidence ni sur les rejets carbonés ni sur le climat de la Planète…
Minute : Y a-t-il d’autres exemples d’un tel mouvement, spontanéiste et sans chef ?
Jean-Yves Le Gallou : Parmi les mouvements auxquels on peut penser, quand on parle des Gilets jaunes, vient immédiatement le mouvement des Bonnets rouges. Certes ce mouvement, sous la présidence de François Hollande, n’a pas la dimension nationale des Gilets jaunes. Il s’est développé surtout en Bretagne. Notons quand même qu’il a obtenu la fin de l’écotaxe non seulement en Bretagne mais partout en France. La mobilisation était locale, le résultat national. Autre précédent ? Il y a aussi le mouvement poujadiste bien sûr. Sur ce point on repère des constantes inattendues. Poujade avait, en Isère, un véritable fief électoral, et cette fois encore, à Pont de Beauvoisin à Voiron, à Grenoble aussi les Gilets jaunes ont été particulièrement nombreux. Cela dit, si on analyse la situation en termes d’opposition entre des classes sociales, et non pas simplement en termes de défense d’intérêts corporatifs, le présent mouvement est bien plus important que ne l’était le vote Poujade. Il ne s’agit pas seulement de défendre telle catégorie de la population (les commerçants pour Poujade) ou de crier au Tous pourris. Je crois qu’il y a eu peu de moments d’opposition aussi forte, parce que les privilégiés, l’hypercentre n’est plus relié avec les périphéries dans son Pays. Il se sent relié uniquement aux autres superclasses dans le monde. Si le peuple se lève aujourd’hui, c’est dans le sentiment diffus des craquements de la sociologie française actuelle, c’est aussi de façon plus ou moins consciente parce qu’il y a cette masse des banlieues sous perfusion financière et médiatique et que la classe moyenne a l’impression de payer pour tout le monde : les très riches ne paient pas l’impôt en France et le produit de l’impôt payé par les autres, bref les Français de base est déversé sur les banlieues de l’immigration. Dépenses sociales, de logement, de sécurité, de justice, d’enseignement, d’aides aux associations : c’est le tonneau des Danaïdes !
Minute : Le fait qu’il n’y a pas de chef apparaît comme une faiblesse pour les Gilets jaunes ?
Jean-Yves Le Gallou : L’absence de chef est très difficile à gérer non seulement pour les manifestants, certes, mais aussi pour le pouvoir, qui ne trouve pas de prise. Cette impression de panique que donnent les autorités, elle est due aussi au fait que les autorités civiles ne trouvent pas d’interlocuteurs et donc qu’ils ne peuvent pas exercer de pression pour calmer le mouvement. Il n’y a pas un syndicat des Gilets jaunes que l’on pourrait satisfaire en douce. Dans les manifestations elles-mêmes, personne ne déclare de regroupements. On ne peut pas faire pression sur les manifestants, leur indiquer qu’ils auront à changer de lieu de manifestation et exercer un contrôle sur les foules à travers un appareil policier qui sait exactement ce qu’il doit faire et un appareil judiciaire qui interviendrait si les conditions retenues au préalable avec les organisateurs n’étaient pas respectées. Officiellement, il n’y a pas d’organisateurs, il n’y a pas non plus de déclaration de manifestation. Ce sont les Réseaux sociaux qui tiennent lieu de puissance invitante : Rendez-vous à la Concorde. C’est ainsi qu’a émergé le projet « Tous à Paris », par la suggestion de simples internautes. L’absence de chef est donc aussi une force : le mouvement est diffus, spontané, donc difficile à réprimer. D’un autre côté la faiblesse est évidente : quel est le message ? Qui le porte ?
Minute : Croyez-vous à l’émergence d’un chef ?
Jean-Yves Le Gallou : Un chef pourrait émerger de trois manières me semble-t-il : s’il y a élection de représentants. Cela paraît long et difficile à organiser, mais c’est un peu l’histoire de l’émergence du mouvement italien Cinq étoiles, qui a fini par gagner sa légitimité par les urnes. Les élections européennes de 2019 pourraient servir de banc d’essai. Il y a deux autres moyens pour faire émerger un chef : on peut penser que le grand nombre de suivants (followers) sur Internet peut conférer une légitimité à tel individu. La pire des solutions serait la troisième : la sélection par les médias. En tout cas il est clair aujourd’hui qu’aucun parti politique, qu’aucun politique en place n’est capable de récupérer le mouvement.
Minute : Est-ce que tout de même Nicolas Dupont-Aignan ne joue pas les récupérateurs ?
Jean-Yves Le Gallou : Tous les partis politiques d’opposition aimeraient récupérer le mouvement. Il est vrai que Nicolas Dupont-Aignan apparaît comme le seul qui fait pleinement le job. Il a été plus réactif, il peut compter sur des troupes aguerries, qui se mêlent au mouvement et il est un peu moins clivant que Marine Le Pen, dont on sait par ailleurs qu’elle n’aime pas beaucoup aller dans la rue. Raison pour laquelle, en ce moment elle a l’air de dire « Oui » et « Non » en même temps.
Minute : Que pensez-vous des derniers développements du Mouvement et en particulier de ce slogan qui se répand comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux : Tous à Paris le 24 novembre ? C’est une Révolution ?
Jean-Yves Le Gallou : Un petit peu. Les gens s’estiment victimes du pouvoir. Ils vont chercher à Paris ce pouvoir qui les a fait souffrir. On ne peut pas leur donner tort : c’est à Paris que se sont prises les décisions qu’ils contestent. Que va-t-il arriver ? Si l’on compare la futur Manif en gestation avec les mobilisations de la Manif pour tous, il y a une grande différence. La Manif pour tous était cornaquée par un ancien haut responsable militaire le général Dary, banané comme un maréchal soviétique. Il était convenu entre le pouvoir et les responsables de la Manif pour tous qu’il n’y aurait pas de descente des Champs Elysées. Quelques manifestants sont passés, mais c’est l’Organisation elle-même qui a empêché le déferlement des manifestants sur la Concorde et sur l’Elysée surtout. Cette fois, il n’y a aucun accord préalable avec la Police et d’ailleurs il n’y a personne pour conclure cet accord, comme je vous l’expliquais tout à l’heure. Autant dire que si les manifestants ont accès à la Place de la Concorde, comme ils le revendiquent sur les Réseaux sociaux, on entre dans une grande incertitude. On peut s’attendre à tout, même au meilleur !
Propos recueillis par Lionel Humbert
https://www.polemia.com/jean-yves-le-gallou-gilets-jaunes-france-blanche-souffre/