Mathieu Bock-Côté
La polarisation autour du passeport sanitaire et le vaste mouvement de protestation qu’il suscite pourraient dérégler en profondeur les paramètres de la prochaine élection présidentielle. La question du passeport sanitaire, qui a reçu le nihil obstat du Conseil constitutionnel, sous quelques réserves, soulève assurément des questions fondamentales sur le modèle de société qu’il risque d’engendrer. Mais l’émergence en temps réel d’un clivage autour de cet enjeu est d’une autre nature et canalise les passions politiques dans une impasse, et cela plus encore lorsqu’il s’exprime dans sa formule plus extrême, avec le clivage entre pro-vaccins et antivax. Ce dernier habille dans un langage nouveau l’affrontement depuis un bon moment ritualisé entre les «républicains» et les « populistes », entre la « démocratie » et l’« extrême droite » entre les « progressistes » et les « lépreux ». Les schémas politiques les plus stériles des dernières années sont réactivés pour accueillir cette nouvelle querelle tout en écrasant la complexité du monde : on en vient presque à oublier qu’on peut être tout à la fois partisan de la vaccination massive tout en confessant de vraies réserves devant la société du traçage généralisé.