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entretiens et videos - Page 803

  • Récit d’un débat entre Alain de Benoist et Rémi Brague

    Sourcele Rouge & le Noir – « le christianisme et l’Europe : un mariage heureux ou contre-nature ? ». [RÉCIT] Duel païens vs. chrétiens au sommet.

    Le duel était prometteur. Sujet du débat : « le christianisme et l’Europe : un mariage heureux ou contre-nature ? » En ce quatrième jour du mois dédié au dieu Mars, s’affrontaient à Paris dans un duel intellectuel entre païens et chrétiens deux personnalités de haut niveau. Côté chrétien, Rémi Brague, écrivain, philosophe, universitaire à la Sorbonne et à la Ludwig-Maximilian Universität de Munich.
    Côté païen, Alain de Benoist, politologue, journaliste et cofondateur du Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE). Entre les deux, Louis Daufresne, rédacteur en chef à Radio Notre Dame.

    Dans la salle paroissiale de l’église Saint-Lambert de Vaugirard se presse un public composite, mêlant jeunes, trentenaires et cheveux gris. On croise Karim Ouchikh, conseiller politique de Marine Le Pen à la Culture. « Est-ce que les païens viendront nombreux ce soir ? » demande ingénument un étudiant catholique à ses voisins, comme s’il parlait d’australopithèques. « Moi, en tout cas, je suis là ! » lui répond vivement une jeune femme, qu’il avait sans doute confondue avec une paroissienne de ses semblables. Alain de Benoist, impérial dans son pardessus sombre, et Rémi Brague, l’étiquette de la Lufthansa encore accrochée à sa valise, prennent place.[...]

    Plutôt Homère que Torquemada

    Ouvrant les débats, Alain de Benoist donne des éléments sur son parcours personnel, décrivant son abandon de la foi catholique de son enfance, et son rejet de l’héritage chrétien. Il développe longuement l’éradication, criminelle selon lui, du paganisme par le christianisme en Europe, évoquant la « destruction de la culture gréco-romaine », et la « décapitation des chefs saxons » par Charlemagne. Il termine sa diatribe par un lapsus freudien : « le tribut du sang a été payé plus par les chrétiens que par les païens ». Le cofondateur du GRECE, en passant par un hommage appuyé à Nietzsche, « idéal indépassable, sauf par Heidegger », réfute le terme de « racines chrétiennes » de l’Europe. En effet, le christianisme est une religion importée du Moyen-Orient, et la culture européenne était préexistante à Jésus-Christ. Il conclut son intervention par un point Godwin : « Je me suis toujours senti plus proche d’Homère et d’Aristote que de saint Augustin, et a fortiori de Torquemada » Sentant que l’intervenant en profite pour lancer le débat à sa manière, Louis Daufresne le coupe alors, et donne la parole à Rémi Brague.

    Le christianisme : catalyseur de l’Europe

    Rémi Brague, en bon prof, rassemble ses notes et annonce, d’un air bonhomme et caustique : « revenons à la méthode ! » Il déclare écarter d’emblée du débat les éléments culturels : après tout, dit-il l’universalisme de saint Paul se retrouve dans le stoïcisme, tout comme la « règle d’or » de Jésus a un équivalent chez Confucius. Autre obstacle auquel il met en garde : « les hiers qui chantent ». « Les absents ont toujours raison : ce qui aurait pu se passer est forcément plus beau », prévient Brague, qui donne quelques exemples : « Ah, si le paganisme avait terrassé le christianisme ! » Signé Gibbon [1]. Ah, si Charles Martel n’avait pas arrêté les arabes à Poitiers ! Signé Nietzsche. » Un trouble traverse alors les rangs néo-païens, qui ne semblent pas apprécier ce rappel fort peu identitaire. [...]

    L’intégralité de ce récit est consultable sur le site Le Rouge & le Noir.

    http://fr.novopress.info/183530/recit-dun-debat-alain-benoist-remi-brague/

  • [Entretien exclusif] Charles Robin : “Mai 68 a permis la mutation du libéralisme en libéralisme-libertaire” (2/2)

    Venu de l’extrême gauche – de la LCR exactement – Charles Robin est l’un des esprits les plus vifs de cette jeune génération qui a transporté sa critique sociale du champ libertaire vers le camp de la résistance anti-libérale enracinée.

    Après plusieurs livres publiés en autoédition, il vient de signer aux éditions Krisis un remarquable ouvrage de synthèse sur la convergence libérale-libertaire qui a pris le contrôle de nos sociétés. Indispensable pour quiconque veut saisir les racines philosophiques de ce grand raz-de-marée qui souhaite gommer toutes les différences, les identités ; rompre toutes les filiations et les solidarités ancestrales, pour installer définitivement le règne du Même au service de la superclasse mondiale.

    Si l’on peut ne pas partager toutes les options de Charles Robin, sur l’importance secondaire des identités ethniques, religieuses et culturelles dans notre société française, on ne saurait se priver d’une telle synthèse, à mettre dans notre bibliothèque aux côtés des récents ouvrages d’Alain de Benoist ou Hervé Juvin.

    Propos recueillis par Pierre Saint-Servant

    Mai 1968 a été un formidable point de convergence de l’extrême gauche libertaire et du capitalisme américanisé. Au-delà des slogans et de l’imagerie d’Epinal, quelle est l’importance réelle de ces « événements » ?

    Dans son livre Néo-fascisme et idéologie du désir (1973), le philosophe Michel Clouscard décrivait les événements de Mai 68 comme une « contre-révolution ». Il voulait dire par là que ces événements avaient fourni au libéralisme l’occasion de sa mutation en une forme nouvelle, celle qu’il désigne sous le précieux concept de « libéralisme libertaire ».

    Ainsi, à l’esprit du capitalisme autoritaire et traditionaliste hérité du fordisme et du taylorisme (marqué par la parcellisation des tâches et la mécanisation de l’industrie) allait désormais succéder un nouvel esprit du capitalisme, orienté non plus sur la répression du désir et l’interdit (incarné par le producteur), mais sur sa libération et la permissivité (incarné par le consommateur). En confondant ainsi tragiquement lutte anticapitaliste et lutte anti-autoritariste, les acteurs de Mai 68 allaient ainsi apporter une caution « libertaire » (donc « moderne ») à l’exploitation capitaliste de la liberté et du désir individuels. L’hypersexualisation de nos sociétés contemporaines (pour ce qui concerne, du moins, la présentation médiatique des choses) est évidemment symptomatique de cette opportunité du « lâcher-prise » pulsionnel pour la domination marchande. En sollicitant en permanence la participation à la machine capitaliste de notre bas-ventre, on s’assurait ainsi – si j’ose dire – de maintenir le centre gravitationnel de notre manière d’être et de notre rapport au monde en-dessous de la ceinture. Une forme paradoxale de la domination, puisqu’elle tend à convertir tous nos désirs individuels en ressource énergétique au service de l’industrie de la consommation.

    Vous parlez d’économie libidinale pour caractériser l’étape d’extension du marché que nous connaissons actuellement. Que recouvre ce terme ?

    Pour bien comprendre cette idée, il est absolument nécessaire de rompre avec cette opinion courante qui voudrait que toute domination politique emprunte obligatoirement les voies de l’autoritarisme et de la « soustraction de jouissance ».

    En réalité, le libéralisme aura accompli cet exploit, inédit au regard de l’Histoire, d’avoir su articuler et tenir ensemble la plus complète des dominations avec la plus absolue – mais aussi la plus abstraite – des libertés pour les individus. Il aura suffi, pour ce faire, d’introduire méthodiquement dans nos esprits l’idée (héritée de la philosophie empiriste) que c’est dans la satisfaction de nos désirs pulsionnels que se manifeste le signe ultime de la liberté humaine.

    Une réduction de la liberté à la pulsion, quand les Anciens voyaient justement dans la « retenue » à l’égard de ses passions et de ses affects la forme accomplie de la liberté et de la sagesse. Camus disait : « Un homme, ça s’empêche ». Autrement dit, un être humain se définit d’abord par sa capacité à dire « non », à refuser, à résister. N’est-il pas significatif, à cet égard, que le verbe « succomber » désigne à la fois le fait de céder à la « tentation » et de « rendre l’âme » ? L’économie libidinale du capitalisme – c’est-à-dire la stimulation et l’exploitation de notre libido au profit des intérêts du Marché – débordant évidemment le seul cadre de l’industrie du sexe, puisqu’il conditionne désormais l’ensemble de notre rapport à la marchandise : une marchandise déifiée, sacralisée et fétichisée, par laquelle se manifeste le règne de l’Avoir et du Signe, qui s’édifie sur les décombres de l’Être et du Sens.

     

    Quelle dette a l’idéologie du marché envers les libertaires Bourdieu et Foucault ?

    Le dénominateur commun des travaux de Bourdieu et de Foucault réside dans leur prétention commune à mettre au jour les mécanismes de la domination, tout en participant, dans les faits, à leur assomption et à leur légitimation. Ainsi, Foucault – qui ne dissimulait pas sa fascination pour la « fièvre généreuse du délinquant » – contribua-t-il, par ses travaux, à entretenir la conception d’un système capitaliste répressif et prohibitif, dont la prison, l’école et l’hôpital représenteraient les structures d’exercice privilégiées. Un capitalisme répressif et anti-hédoniste qui appellerait comme réponse philosophique la promotion d’un individualisme permissif et jouisseur comme horizon pratique de toute émancipation. De même, en faisant de l’École le lieu d’exercice d’une « violence symbolique » à l’égard de l’élève, Bourdieu allait apporter une caution « philosophique » et « libertaire » à la destruction de l’enseignement du savoir critique comme arme effective d’émancipation et de libération à l’égard de l’ordre « bourgeois ». D’où le développement, ces dernières années, des méthodes d’apprentissage basées sur le principe de la « pédagogie différenciée », à partir duquel les élèves sont désormais invités à « construire » leur propre savoir, à l’encontre d’un enseignement traditionnel fondé sur l’instruction et la transmission, vues comme intrinsèquement oppressives et contraires à l’individualité créatrice de l’enfant. Ce qui se vérifie dans ce constat simple que jamais les connaissances élémentaires n’ont été si peu maîtrisées par les jeunes générations, alors même que le savoir n’a jamais été aussi disponible et accessible par tous, le développement récent des technologies de l’information et de la communication – au premier rang desquelles Internet – permettant de vérifier qu’il n’est nul besoin de restreindre l’accès au savoir pour obtenir que la population s’en détourne.

    Vous insistez sur le fait que la faillite de notre système éducatif ne doit rien au hasard. L’économie libidinale a-t-elle donc besoin de n’avoir face à elle que des individus déracinés et décérébrés, anomiques ?

    L’intérêt principal de ce que Michéa nomme, dans l’un de ses livres, l’ « enseignement de l’ignorance », est qu’il tend à produire des individus déliés et amputés d’une part considérable de leur être, à savoir l’intelligence critique.

    Qu’on le veuille ou non, l’enseignement « traditionnel » avait au moins cette supériorité sur l’enseignement « différencié » qu’il rendait possible l’accès de tous à une culture commune, à partir de laquelle seulement peut s’édifier un monde commun.

    La séparation des individus de cette sphère immatérielle et transcendante par excellence que représente le savoir (au motif, par exemple, que la connaissance du théorème de Pythagore ou des règles de la conjugaison du subjonctif n’aurait, de nos jours, pas la moindre « utilité ») est parfaitement emblématique, de ce point de vue, de l’entreprise d’élimination systématique de tout savoir qui ne déboucherait pas directement sur un « profit » objectivement mesurable. Ce faisant, on fabrique à la chaîne des individus auxquels on aura préalablement inculqué le mépris de la culture, favorisant ainsi leur réduction à l’état d’« atomes » sensibles, coupés de leur passé et de leurs origines, réceptacles passifs et intégralement disponibles aux sollicitations de la marchandise.

    Nous assistons à une accélération de l’extension du libéralisme : destruction de la famille traditionnelle, idéologie du genre, suppression de larges pans de l’enseignement de l’histoire, extension de la novlangue et de l’arsenal répressif contre ceux qui « pensent encore le réel ». Comment envisagez-vous les années à venir ?

    Une autre vertu de la dialectique hégélienne est qu’elle permet d’envisager tout processus historique d’aliénation et de dépossession de soi à grande échelle comme engendrant de lui-même sa propre réfutation. Pour le dire simplement, je pense que l’accélération actuelle des mesures de libéralisation entraînera d’elle-même l’amplification des réactions à son encontre. C’est ce qu’on commence à voir un peu partout, avec l’émergence et la constitution de groupes de réflexion et d’action pour lesquels il apparaît désormais évident que la destruction libérale du monde doit appeler des modalités de résistance organisées et structurées, c’est-à-dire plaçant au cœur de leur engagement la notion de « lien ». Bien qu’un tel chantier puisse être vu comme « utopique » au regard de l’extraordinaire avancement du projet libéral d’atomisation, je suis personnellement convaincu qu’une telle entreprise deréunification porte les germes de notre salut collectif. À condition que nous soyons capables de sortir de cette tyrannie de l’Ego, qui constitue, à n’en pas douter, l’arme d’oppression la plus redoutable – car la plus invisible – du Système.

    Retrouvez la première partie de l’entretien

    http://fr.novopress.info/183486/entretien-exclusif-charles-robin-mai-68-permis-mutation-du-liberalisme-en-liberalisme-libertaire-22/#more-183486

  • « La question identitaire est fondamentale »

    Entretien avec André Bercoff

    Depuis quarante ans, sa plume sans pitié trace le portrait de notre époque dans Le Monde, Libé, Le Nouvel Observateur, mais aussi dans… Playboy et Lui. Figure de la presse française, mais aussi de la télévision, où il intervient régulièrement, homme de gauche à l’ancienne, Bercoff prône le retour du courage en politique.

    Dans votre dernier livre,  Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi, vous envisagez « l’implosion de notre société »..

    C’est une possibilité, à plus ou moyen terme. Il y a de nombreux facteurs aggravants. Les politiques au pouvoir se foutent de plus en plus de la gueule du peuple, on l’a vu avec le référendum de 2005. Si on continue à ne jamais écouter les gens, il faut s’attendre à une réaction violente… Je pense que nous devons tous agir, sans forcément se contenter des élections. Il y a d’autres formes d’action que peuvent avoir les citoyens à l’heure d’Internet. À chacun de s’en servir. Le soulèvement peut venir d’en bas, comme je l’ai raconté dans ma série de politique-fiction publiée l’été dernier dans Valeurs actuelles. Cela peut être soudain, et prendre de court les princes qui nous gouvernent.

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  • [Entretien exclusif] Charles Robin : “Le libéralisme prospère sur les ruines de la ‘common decency’” (1/2)

    Venu de l’extrême gauche – de la LCR exactement – Charles Robin (photo) est l’un des esprits les plus vifs de cette jeune génération qui a transporté sa critique sociale du champ libertaire vers le camp de la résistance anti-libérale enracinée.

    Après plusieurs livres publiés en autoédition, il vient de signer aux éditions Krisis un remarquable ouvrage de synthèse sur la convergence libérale-libertaire qui a pris le contrôle de nos sociétés. Indispensable pour quiconque veut saisir les racines philosophiques de ce grand raz-de-marée qui souhaite gommer toutes les différences, les identités ; rompre toutes les filiations et les solidarités ancestrales, pour installer définitivement le règne du Même au service de la superclasse mondiale.

    Si l’on peut ne pas partager toutes les options de Charles Robin, sur l’importance secondaire des identités ethniques, religieuses et culturelles dans notre société française, on ne saurait se priver d’une telle synthèse, à mettre dans notre bibliothèque aux côtés des récents ouvrages d’Alain de Benoist ou Hervé Juvin.

    Propos recueillis par Pierre Saint-Servant

    Vous accomplissez un travail fondamental de retour aux sources philosophiques du libéralisme, pourquoi ? En quoi la critique économique du libéralisme est-elle insuffisante voire inopérante ?

     

    En bon disciple de Hegel, je suis absolument convaincu des vertus philosophiques de ce qu’on appelle la « phénoménologie », terme qui désigne – pour le dire vite – la recherche d’une logique sous-jacente aux phénomènes à l’œuvre (qu’ils soient d’ordres économique, politique, mais aussi culturel, moral ou anthropologique). Produire la phénoménologie du libéralisme, c’est donc tenter de remonter de ses effets quotidiens les plus manifestes (la précarité économique grandissante, la détérioration du lien social, Nabilla, etc.) à ses origines historiques et intellectuelles primordiales, pour espérer pouvoir en extraire – suivant la formule consacrée – la quintessence philosophique. Or, sur ce point, l’étude des auteurs libéraux classiques fournit à l’analyse de solides points d’appui. Ainsi, il est intéressant de noter que, dès le XVIIIème siècle, on trouve déjà formulées – notamment à travers la figure d’un Voltaire – les principales implications politiques et culturelles du projet libéral. Notamment (pour ne prendre que cet exemple) l’idée selon laquelle la libre poursuite par les individus de leurs intérêts et de leurs désirs (fondement pseudo-anthropologique de notre actuelle idéologie « libertaire ») constituerait le gage le plus puissant de la prospérité économique des nations capitalistes. L’exemple le plus emblématique (et aussi le plus caricatural !) étant probablement la fameuse Fables des abeilles (1714) de Bernard Mandeville, censée démontrer, sous une forme allégorique, que « les défauts des hommes, dans l’humanité dépravée, peuvent être utilisés à l’avantage de la société civile, et qu’on peut leur faire tenir la place des vertus morales ». Il s’agit donc, à travers cette image, de promouvoir la libre expression des égoïsmes comme source et condition de la croissance économique. Une allégorie écrite il y a trois siècles, et qui anticipait, de façon quasi prophétique, sur les métamorphoses contemporaines de nos sociétés. Soit – pour le dire d’une manière à la fois pédagogique et synthétique – la complémentarité et l’unité fondamentales du libéralisme économique et du libéralisme culturel, qui trouve son incarnation ultime dans l’actuelle fusion idéologique de la Gauche « internationaliste » et de la Droite « mondialiste ».

    Le refus de toute verticalité est pour vous caractéristique de l’idéologie libérale, qui privilégie l’individu à la communauté, la logique de l’intérêt au sens du sacrifice. Pouvez-vous illustrer cette opposition entre transcendance et immanence ?

    L’hypersensibilité hallucinante de la classe politique sur la question de la laïcité (loi de séparation de l’Église et de l’État adoptée en 1905) suffit à vérifier – de l’opportunisme politique d’une Marine Le Pen à la transe mystique d’un Vincent Peillon, pour lequel (rappelons-le tout de même) : « La laïcité [...], c’est une religion de la liberté, c’est une religion des droits de l’Homme » – l’allergie philosophique des libéraux à toute authentique notion de « transcendance », c’est-à-dire qui ne soit pas celle du fétichisme de la marchandise. Il faut en effet comprendre que, selon l’anthropologie libérale, l’Homme se définit d’abord comme un être sensible, c’est-à-dire capable d’éprouver du plaisir et de la douleur. Dans cette conception (fondement de l’empirisme de Locke, puis de l’utilitarisme de Bentham), c’est donc dans sadimension corporelle et immanente que se situerait l’essence de l’être humain, quand les traditions philosophiques antérieures voyaient davantage dans sa dimension spirituelle et transcendante la qualité spécifique et le lieu d’accomplissement ultime de l’Homme. Par ce renversement dans la hiérarchisation classique des attributs humains (Corps/Esprit), c’est la vision de l’Homme elle-même qui allait se trouver transformée. En refusant d’accorder le moindre crédit philosophique à la notion de « sacré » (hormis à l’occasion de quelques processions sacrificielles telle que la dernière Charlie’s Pride nous en fournit le modèle), la doctrine libérale entérine ainsi, de fait, la réduction de l’être humain à un simple « carrefour de sensations », soumis aux seules lois gravitationnelles de l’intérêt et du désir. Un individu libéral atomisé, amputé de sa partie symbolique (celle qui produit du sens, c’est-à-dire à la fois unesignification et une direction) au profit de l’Ego matérialiste triomphant. La transcendance n’est rien d’autre, sous cet angle de vue, que le surpassement effectif (c’est-à-dire réellement incarné) de la cellule de notre ego, condition constitutive de toute émancipation individuelle et collective. C’est la raison pour laquelle je pense qu’aucun socialisme authentique ne peut se concevoir sans cette assise symbolique primordiale, à défaut de laquelle rien ne viendrait justifier (conformément au mot d’ordre du NPA, auquel je souscris pleinement) que « nos vies valent plus que leurs profits ».

     

    Dès lors, que vaut une société alternative qui ne serait pas portée par des hommes verticaux, c’est-à-dire structurés par une spiritualité forte ? Pour notre vieille Europe, le retour à ses racines ancestrales (un paganisme fécondé par le christianisme) n’est-il pas une condition nécessaire ?

    Dans une perspective politique, la notion de « retour en arrière » n’a, à mes yeux, pas le moindre sens – du seul fait que le temps est un phénomène à sens unique ! En revanche, cela ne signifie pas qu’il faille vouloir refonder en faisant – comme le préconise le chant de l’Internationale – « table rase du passé ». À la suite des Humanistes, je suis profondément convaincu que la sagesse se trouve généralement plus près des enseignements des Anciens que de ceux des Modernes (lesquels n’ont d’ailleurs fait, le plus souvent, que les actualiser en les trafiquant).

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  • « Si tout le monde peut être Français, le communautarisme est inévitable »

    Le mot « Français » est souvent complété d’une appartenance communautaire… Que veut-il dire ?

    Il existe deux sens très différents au mot « Français » aujourd’hui.

    Un sens administratif, d’abord : être Français, c’est avoir une carte d’identité française.

    Un sens historique et culturel, ensuite, pour les Français de civilisation européenne et d’expression française.

    De ces deux définitions découlent une série de confusions devenues récemment caricaturales avec l’expression « djihadistes français ». Cette appellation est juridiquement vraie mais elle n’a aucun sens si l’on considère la définition culturelle et historique du mot « Français ».

    Quelle évolution du Code de la nationalité a permis un tel fossé entre différents « Français » ?


    Depuis 1803 (Première République !), la base de la nationalité est la filiation et, donc, le droit du sang : un expatrié a, par exemple, des enfants français.

    Mais cette règle a été progressivement déviée par l’ajout d’éléments de droit du sol : un enfant né en France de parents étrangers peut devenir automatiquement français entre 13 et 18 ans, et un enfant né en France de parents eux-mêmes nés en France est automatiquement français… S’ajoutent à cela des naturalisations de masse sans sélection. Résultat : on fabrique chaque année autour de 150.000 « Français » dont beaucoup ne sont absolument pas assimilés.

    Il y avait eu un grand débat en 1986 autour de la suppression de ces éléments de droit du sol. Le slogan du FN était : « Être Français, cela s’hérite ou se mérite », mais ce point de vue était aussi défendu par le RPR et l’UDF !

    Malheureusement, cette même année, de nombreuses manifestations étaient organisées contre la loi Devaquet qui voulait réformer l’Université et, à cette occasion, un jeune manifestant d’origine immigrée, Malik Oussekine, était mort… Victime d’une campagne de sidération médiatique, le gouvernement Chirac avait alors abandonné sa loi sur l’Université et la réforme de la nationalité.

    Il créait à la place la Commission de la nationalité qui a théorisé la conception « citoyenne » de la nationalité contre la volonté du peuple qui avait soutenu à 55 % des partis opposés à celle-ci.

    Comment en est-on arrivé à parler de « Français de souche » ?

    En 1987, la conception de la nationalité française dite « citoyenne » est donc adoptée.

    En clair, tout le monde peut être français s’il réside en France et adhère à un minimum de « valeurs » républicaines (ce qui n’est même pas vérifié ni réellement défini). Une coquille vide, conception très abstraite, cache-sexe d’une communautarisation du pays. On s’est mis alors à parler de Français juifs, de Français noirs, de Français musulmans… Et le Français « moins », c’est-à-dire le Français tout court, s’est alors retrouvé dans l’expression de « Français de souche », résultat d’une conscientisation qui a débuté dans les années 2000 grâce au site François Desouche.

    Le Français de souche, c’est un Français blanc, de civilisation européenne et de religion ou d’héritage chrétien.

    Le problème, c’est que les Français « plus » sont particulièrement protégés : interdiction de les « stigmatiser », et des associations soi-disant représentatives (CRIF, CRAN, CFCM) font valoir leurs exigences. À partir du moment où l’on refuse toute spécificité d’origine, de culture, d’histoire, de civilisation au concept de Français, il ne reste plus rien et les revendications identitaires de toutes sortes divisent la France. Parler de « vivre ensemble » dans cette situation est totalement hors-sol : il n’existe nulle part, ni dans les habitudes alimentaires, ni dans le choix du lieu de vie, de l’établissement scolaire ou des références culturelles. Il est le cache-sexe d’une société éclatée puisqu’il ne peut y avoir de communauté nationale sans communauté de civilisation. Le problème n’est pas nouveau, Aristote le disait déjà !

    Qui pourrait représenter les Français de souche ?

    Pour les Français de souche, le vote FN est la voie politique la plus évidente pour exprimer leur « cri de douleur ». Mais les dirigeants du FN entendent, eux, s’adresser aux « Français de toutes origines » – ce qui peut se comprendre – et ne sont pas loin d’adhérer à la conception citoyenne de la nationalité…

    Il y a, là encore, un fossé qui se creuse : les deux principaux dirigeants rejoignent cette conception citoyenne de la nationalité alors que les militants, les adhérents et une très grande partie des cadres et des élus défendent une conception civilisationnelle de la nationalité. Les Français de souche sont encore en grande majorité, mais ils sont les véritables orphelins de la République.

    On ne parle plus que de « République ». Où est passée la France ?


    Le mot République est effectivement devenu un mot-valise pour désigner tout ce qui est politiquement correct : il a remplacé les mots « nations » et « identité ».

    On ne parle plus de France mais de République. Rappelons-nous pourtant que si la guerre de 1914 a été conduite par des « nationaux républicains » (Poincaré, Clemenceau, les généraux), les soldats, eux, sont morts pour la France ! On meurt pour quelque chose de charnel, pas pour une idée abstraite.

    Quelles solutions ?

    Même si l’expression « Français de souche » est sortie de la bouche du président Hollande dans un contexte ultra-stigmatisant puisqu’il s’agissait de qualifier le profanateur du cimetière juif de Sarre-Union (qui, par ailleurs, est d’extrême gauche), il s’est imposé quand même. C’est une première victoire sémantique pour tous ceux qui développent une volonté de réappropriation de leur identité.

    Ce combat trouve désormais un relai intellectuel chez Zemmour, Juvin, Finkielkraut, Camus, Millet mais également dans LMPT, les Veilleurs ou les propos de Béatrice Bourges.

    Ces discours permettent une conscientisation des origines de la France. Il y a donc une demande populaire et une expression intellectuelle : les Français de souche sont encore très largement majoritaires, l’enjeu est donc désormais de tenter un renversement politique malgré la dictature médiatique. Il faut enfin s’affranchir de la culpabilisation imposée dans la sphère publique : ce système communautaire qui détruit la France ne tient plus que grâce à une propagande intense qu’il faut contrer. Et à laquelle, surtout, il ne faut pas céder !

    Entretien avec Jean-Yves Le Gallou réalisé par Charlotte d’Ornellas

    Boulevard Voltaire :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EukVkApAkltAafAxMi.shtml