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entretiens et videos - Page 800

  • Entretien avec Sébastien Ausserre, responsable des jeunes de la Droite Populaire du Var

    Sébastien Ausserre est responsable départemental des jeunes de la Droite Populaire du Var, un des courants de l’UMP. Il a récemment reçu un courrier de l’UMP l’informant d’une procédure d’exclusion car il aurait enfreint la fameuse règle du “ni-ni” (ni FN, ni gauche), en appelant à voter pour les candidats du Front National face à la gauche lors des dernières élections départementales dans le canton de La Seyne 1 dans le Var.

     

    Novopress : Sébastien Ausserre, vous avez reçu il y a quelques jours une lettre de menace d’exclusion de l’UMP. Pouvez-vous nous expliquer l’objet de cette lettre et la motivation de l’UMP à vous exclure, et avant cela, pouvez-vous nous résumer votre profil et parcours politique ?

    Sébastien Ausserre : Bonjour, merci à vous de me donner la parole. J’ai 21 ans, je suis étudiant en droit, responsable départemental des Jeunes de la Droite Populaire pour le Var et adhérent UMP depuis 2010. J’ai également été Conseiller Académique et colistier de Philippe Vitel (responsable de ma suspension du parti) aux municipales de mars 2014 à La Seyne-sur-Mer.
    La fédération UMP du Var m’a suspendu du parti pour non-respect de la ligne du « ni-ni » à La Seyne 1 et m’a invité à démissionner pour éviter une procédure d’exclusion, ce que j’ai refusé. Le second tour de l’élection départementale opposait le FN à l’Union de la gauche. Devant ce choix, j’ai donc appelé à voter contre cette gauche apatride, pour la candidature patriote de Virginie Sanchez et Damien Guttierez, candidats du binôme Front National.

     

    N : Pourquoi avez-vous choisi le FN ?

    Sébastien Ausserre : Parce que je suis de droite tout simplement. Je ne pouvais pas voter pour la candidature PS/PCF/NPA/MRC qui comprenait la plus extrême des gauches. La candidature de Damien Guttierez et Virginie Sanchez était beaucoup plus proche de mes idées et de mes valeurs. Et quand j’ai vu que, entre autres, Jean-Sébastien Vialatte (Député-Maire de Six Fours), Nathalie Bicais et Joseph Mulé (Conseillers Départementaux de la Seyne 2) et Hubert Falco (Sénateur-maire de Toulon) appelaient d’une même voix à un Front Républicain qui n’a de républicain que le nom, je n’ai pas hésité une seconde à prendre mes responsabilités.

    N : Comment avez-vous choisi d’organiser votre défense ?

    Sébastien Ausserre : Je n’ai pas à me défendre. Philippe Vitel, Député du Var et Secrétaire départemental de l’UMP, me reproche de ne pas avoir respecté la ligne du « ni-ni ». C’est vrai et je peux comprendre que je sois sanctionné pour ça. Mais à la condition expresse que les élus et militants ayant appelé à voter pour la gauche écopent de la même sanction que moi. Je m’oppose au « deux poids deux mesures » de la fédération UMP du Var qui valide elle-même l’argument “UMPS”.
    C’est d’ailleurs assez cocasse de voir que subitement les dirigeants locaux souhaitent appliquer, même si ce n’est qu’à moitié, les directives du parti. Eux qui ont refusé de respecter l’article 38 des statuts pour ne pas demander l’avis des adhérents pour l’investiture UMP à La Seyne 1 afin de se coopter entre eux. C’est d’ailleurs la raison principale du rejet massif par les électeurs dès le premier tour du binôme UMP/UDI qui comprenait trois parachutés sur quatre candidats. (UMP/UDI : 26%, UG : 32%, FN 42%)

    N : Si vous êtes effectivement exclu, allez-vous rejoindre le Front National par exemple ? Avez-vous déjà eu des contacts avec ses responsables locaux ?

    Sébastien Ausserre : Je ne pense pas être exclu. Ils ne peuvent pas. Je n’ai rien fait de mal. J’ai fait un choix sincère et responsable au bénéfice de La Seyne-sur-Mer qui est une des villes les plus endettées de France avec une fiscalité confiscatoire. Soit on s’oppose à la gauche, soit on est avec elle. J’ai choisi mon camp, celui d’une opposition sans relâche. Toutefois, si je suis exclu, je ne sais pas encore ce que je ferai. Je pense que je prendrai du temps pour réfléchir à mon avenir politique. Ce que je peux vous dire c’est que je ne rejoindrai jamais l’UDI.
    Bien sûr, je suis en contact avec des militants, des responsables et des élus locaux du FN qui m’ont témoigné leur soutien dans cette affaire. Et je les en remercie.

    N : Que pensez-vous de la situation actuelle de l’UMP ?

    Sébastien Ausserre : La situation de l’UMP est incompréhensible. Ses responsables sont atteints d’un véritable strabisme. Les militants et une majorité de Français nous attendent à la Droite de nos valeurs, que nous renouons avec notre identité, notre héritage gaulliste. Que nous soyons la Vraie Droite. Mais les barons de l’UMP, Nicolas Sarkozy compris font de l’UMP un parti centriste. Comme nous le prouve le nouveau nom de l’UMP, Les Républicains, qui n’est qu’une opération de communication sans fond politique ni débats d’idées. Aujourd’hui à l’UMP c’est la minorité centriste qui fait la pluie et le beau temps.

    N : L’immigration, l’insécurité et la défense de notre identité sont les principales raisons mises en avant par les électeurs qui votent Front National, qu’elle est votre position ?

    Sébastien Ausserre : Je me revendique clairement des positions du RPR de 1990. C’est à dire la fermeture des frontières en revenant sur Schengen afin d’avoir une immigration zéro, une justice qui dissuade les criminels, et protéger notre identité en refusant le communautarisme en sauvegardant notre mode de vie. Sans identité, il n’y a plus de France. Ce n’est pas tabou de parler d’identité nationale car c’est ce qui nous façonne. Je suis également favorable à la préférence nationale pour les aides sociales, le logement… Mais voilà le RPR a changé et est devenu l’UMP, s’éloignant toujours un peu plus des attentes des Français contrairement au FN.

    N : Bientôt les élections régionales? Avez-vous l’intention de vous investir en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ? Seriez-vous prêt à rejoindre les listes conduites par le FN – RBM ?

    Sébastien Ausserre : Pour le moment ce n’est pas la première de mes préoccupations. Je veux qu’à l’UMP on reconnaisse à nouveau les valeurs de droite. C’est un peu David contre Goliath, je n’aurais peut-être pas gain de cause mais au moins je serai allé jusqu’au bout de ce combat. Apres il est vrai que je me sens relativement proche de la ligne défendue par Marion Marechal Le Pen au sein du FN.

    http://fr.novopress.info/185733/entretien-sebastien-ausserre-responsable-jeunes-droite-populaire-du-var/#more-185733

  • Il faut trouver le bon équilibre entre la dédiabolisation et la normalisation

    Déjà évoquée ici par de courts extraits, l'interview donnée par Bruno Mégret au Point de cette semaine (articleréservé aux abonnés) est très intéressante car, au-delà de commentaires sur la crise actuelle au FN, l'ancien numéro 2 du FN et président du MNR, aujourd'hui en retrait de la vie politique, développe une analyse très pertinente de la vie politique française à travers un prisme de droite clairement affiché. En voici de plus longs extraits :   

    Sommes-nous entrés dans l’ère du tripartisme ?

    Oui, mais un tripartisme où chacun des trois acteurs se trouve dans une impasse.

    Le PS est dans une impasse idéologique. Car dans le registre de gauche qui est le sien, il n’a plus rien de crédible à offrir : après la retraite à 60 ans, il ne va pas instaurer la retraite à 55 ans et après la semaine de 35 heures, il ne va pas proposer la semaine de 30 heures. Les frondeurs du PS qui voudraient continuer d’aller dans ce sens ne proposent d’ailleurs aucune mesure concrète car aujourd'hui plus rien n’est possible dans cette voie. Les socialistes ont dès lors essayé de trouver une issue idéologique par le truchement des réformes sociétales, comme le mariage homosexuel, mais cette stratégie a ses limites elle aussi, car elle se heurte aux résistances de fond de la société française. En réalité, le PS n'a plus d'identité politique claire.

    L'UMP de son côté est dans une impasse stratégique car, au moment où la société se droitise, elle cherche le salut dans l'union avec le centre. Tout en continuant à s'aligner sur le politiquement correct largement défini par une gauche pourtant défaite.

    Quant au FN, il va bientôt atteindre ses limites faute d'alliés et de crédibilité gouvernementale (...)

    Pensez-vous que la stratégie anti-UMPS du Front national est une stratégie gagnante?

    Il est logique de dénoncer l'UMPS dans la mesure où, depuis des décennies, les dirigeants de l'UMP et du PS mènent pratiquement la même politique. Mais on ne peut pas pour autant traiter les deux camps de la même manière car les militants, les sympathisants et les élus de base de l’UMP n’ont pas les mêmes valeurs que la gauche et s’avèrent idéologiquement beaucoup plus proches des électeurs du FNLa sagesse serait de leur tendre la main. Sinon, il se passera ce qui est arrivé au second tour des départementales : un vote de rejet de l'électorat UMP à l'égard du FN. La politique exige la désignation claire de l'adversaire principal, et pour moi, ce ne peut être que la gaucheQuant à la droite traditionnelle, elle a, au-delà de ses dirigeants, vocation à s'allier avec le FN. Aussi ce dernier, s’il veut la victoire, doit-il développer une stratégie d’alliance et d’union de la droite. Penser qu'on peut arriver seul au pouvoir est une grave erreur, personne n'y est parvenu.

    Mais la droite semble exclure toute alliance avec le FN…

    Cette attitude des dirigeants de l'UMP est absurde : ils se conforment au diktat de la gauche. C’est ce genre de comportement qui les coupe du peuple et les éloigne de leur électorat (...)

    Comment analysez-vous la progression électorale du Front national depuis que Marine Le Pen a pris les commandes ?

    Marine Le Pen a mis en œuvre une partie de la stratégie qui était la mienne. Elle a mené une action efficace de dédiabolisation comme celle que je souhaitais conduire et qui m'avait amené à entrer en conflit avec son père, conflit qui a provoqué la scission entre les partisans de Jean-Marie Le Pen et les miens en 1999. À l’époque, je voulais déjà en finir avec les dérapages et les références sulfureuses qui empêchaient le FN de progresser.

    Elle a aussi, comme je l’avais fait, engagé une stratégie d'enracinement territorial pour disposer partout en France d'élus et de structures qui puissent relayer l’action et le discours. Enfin, elle affiche l’objectif clair d’arriver au pouvoir. La politique en effet n'est pas faite pour témoigner. Elle n’a de sens que dans l’exercice du pouvoir pour servir un idéal au bénéfice de nos compatriotes et de notre nation.

    De ce point de vue, les résultats de Marine Le Pen sont au rendez-vous.

    Pourquoi Marine Le Pen a-t-elle réussi à mettre cette stratégie en place alors que vous avez échoué ?

    Elle a pu le faire parce qu’elle est la fille de son père. Le Pen a toléré de sa part ce qu'il refusait obstinément lorsque cela venait de moi.

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    Philippe Carhon

  • « La postmodernité marque la fin de la République une et indivisible. »

    Michel Maffesoli est sociologue et professeur émérite à l’université Paris Descartes. En 2014, il a publié L’ordre des choses : penser la postmodernité (CNRS Éditions). Nous avons tenté de cerner avec lui les contours de cette nouvelle époque et d’appréhender sa spécificité.
    PHILITT : Certains, comme Marcel Gauchet ou Antoine Compagnon, affirment qu’on peut se passer du concept de postmodernité, qu’en pensez-vous ?
    Michel Maffesoli : Je ne sais pas ce que pense précisément chacun des intellectuels français de l’idée de postmodernité, mais j’estime qu’un grand nombre d’entre eux demeure prisonnier d’une certaine bien-pensance, d’un certain attachement affectif à un monde qui les a nourris, de leur enfance à l’Alma Mater. Ils se crispent sur l’idée que la modernité existe encore, parce qu’ils veulent se persuader qu’elle doit encore exister. C’est une attitude qui peut se comprendre : on n’abandonne pas aisément ce en quoi l’on a cru, ce qui vous a apporté certitude et sécurité tout au long de votre vie. Les grandes idéologies du siècle dernier, dont le marxisme, agissaient de la même manière. Il est extrêmement complexe d’y renoncer.
    PHILITT : Qu’appelez-vous exactement postmodernité ?
    Michel Maffesoli : Il me semble important de préciser qu’il ne s’agit pas tant d’un concept à proprement parler, que d’un terme un peu bricolé que l’on emploie pour parler d’une réalité qui, même si d’aucuns continuent encore à le nier, existe déjà. Il suffit de descendre dans la rue pour le constater. Quelle est cette réalité ? L’architecte Roberto Venturi a publié, à la fin des années 1960, un ouvrage intitulé De l’ambiguïté en architecture : il s’agit d’un manifeste du postmodernisme, un texte fondateur et fascinant. Venturi s’opposait au rationalisme exacerbé du Bauhaus, où prédominent le fonctionnel et les angles droits, ainsi qu’une esthétique minimaliste. Il rejette ces grands blocs statiques, gris et raisonnables, et conçoit, pour la communauté italo-américaine, des bâtiments postmodernes où se combinent deux aspects essentiels. La diversité des citations est la première d’entre elles. Une porte gothique par ici, une fenêtre romane par là. Il refuse l’unité architecturale, le monolithisme du style unifié… C’est à la fois novateur et profondément visionnaire, car c’est exactement le même rejet qui est à l’œuvre dans la société postmoderne. Je ne veux plus seulement m’identifier à une seule image, ni me limiter à une référence unique. J’aspire à une diversité, changeant et évolutive, autant dans mes références que dans mon identité. C’est là qu’intervient la deuxième caractéristique de ce postmodernisme architectural de Venturi : l’anamnèse. C’est à dire des éléments évoquant l’origine italienne de cette communauté, répondant à l’injonction célèbre : « Souviens-toi d’où tu viens !». On essaie de rappeler le lieu d’origine des émigrés, en reprenant des motifs de l’architecture florentine, ou sicilienne… Vous conviendrez qu’il s’agit là d’une approche radicalement nouvelle de l’architecture, mais également de la société. Pour ma part, je considère que ce sont deux facettes de la postmodernité : une mosaïque où coexistent d’innombrables tribus, loin de la République une et indivisible, et traversée par une très forte référence aux origines, qui rompt avec l’idéologie du Progrès, inlassablement tournée vers des lendemains parfaits. Il n’y a plus de référence monolithique à un idéal, que viendraient cimenter les droits de l’homme. Désormais, les individus évoluent dans un monde où foisonnent les références. Chacun est libre d’y piocher à son gré, de se constituer une nouvelle identité, voire plusieurs. J’emploie volontiers l’oxymore « enracinement dynamique » pour illustrer ces caractéristiques.
    Bien avant moi, Jean-François Lyotard, avec La Condition Postmoderne, et Jean Baudrillard, avaient ouvert ce champ de réflexion par leurs travaux. L’un et l’autre ont contribué à mettre en évidence cette réalité nouvelle, celle-là même que j’explore à travers mes recherches. En France, et c’est très regrettable, nous sommes en train d’accumuler un triste retard sur la question de la postmodernité, notamment si on prend comme point de comparaison le Japon, le Brésil ou encore la Corée du Sud, pays que je connais bien. Il y a là-bas, en gestation, un dépassement des grands prototypes de la modernité, et la question de l’identité y est abordée de manière beaucoup plus sereine, de manière plus intelligente aussi je crois. Dans ces pays, on ne se crispe pas sur la vieille identité nationale fédératrice. Même dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne ou l’Espagne, le jacobinisme, moins fort, permet une plus grande souplesse quant à l’idée de postmodernité. Le mot de postmodernité importe peu d’ailleurs. On l’emploie parce qu’il est commode, et qu’il permet de nommer ce qui est en train de se passer. Peut-être un jour trouverons-nous un autre mot ? Je ne me risquerais pas à un pronostic là-dessus, il serait bien impossible de prévoir ce qui, a posteriori, constituera la caractéristique principale de cette époque, suffisamment du moins pour que l’on juge pertinent d’en tirer un nom. Mais il convient de garder à l’esprit que la postmodernité n’est pas un concept, figé et immobile.

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  • Résumé de l’entretien donné par JMLP à Rivarol

    Marine et les dirigeants du parti s’étranglent à nouveau après la dernière interview de Jean-Marie Le Pen à Rivarol. Balayage des sujets abordés.

    Pétainisme

    Jeudi, il assurait à BFM-TV et RMC qu’il y a au sein du Front national «d’ardents pétainistes». Dans Rivarol, il ajoute: «J’ai toujours oeuvré à la réconciliation des Français. (…) Pour ma part, comme je l’ai déjà dit, je n’ai jamais considéré le maréchal Pétain comme un traître. L’on a été très sévère avec lui à la Libération. Et je n’ai jamais considéré comme de mauvais Français ou des gens infréquentables ceux qui ont conservé de l’estime pour le Maréchal». «Selon moi ils ont leur place au Front national comme l’ont les défenseurs de l’Algérie française, mais aussi les gaullistes, les anciens communistes et tous les patriotes qui ont la France au coeur», explique le fondateur du FN.

    La shoah

    Jean-Marie Le Pen revient sur la polémique réouverte jeudi suite à ses propos sur la Shoah, toujours considéré à ses yeux comme «un détail de l’histoire». Des propos condamnés par les ténors du FN. «L’on est jamais trahi que par les siens», s’agace-t-il. «Je ne suis pas homme à changer d’avis ni à ramper», lance Jean-Marie Le Pen qui tient ces propos sur l’Holocauste depuis 1987. «J’ai sur cette question une opinion que je crois justifiée. Ceux qui s’appuient sur ce genre d’opérations pour porter jugement ont le plus grand tort. J’ai cessé de marcher à quatre pattes depuis l’âge de 18 mois. Je ne suis pas l’homo a plat ventrus», explique l’eurodéputé.

    Les homosexuels

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  • Axel Tisserand : « Un état fort est respectueux du pays réel »

    Essayiste et historien, Axel Tisserand a publié Charles Maurras, soixante ans après et une biographie de Pierre Boutang.

    Monde et vie : Axel Tisserand, les notions de droite et de gauche vous paraissent-elles avoir un sens aujourd’hui ?

    Axel tisserand : A l’origine, la droite, c’est, au début de la Révolution, la place occupée par rapport au président de la Constituante, par les députés royalistes favorables à un exécutif fort, incarné par le Roi, dont le droit de veto n’était plus qu’un succédané de l’indépendance. Dès lors, en système républicain, seuls les royalistes incarnent théoriquement la « droite ». Mais avec le temps et son reniement progressif de la figure du roi, la droite parlementaire a perdu toute identité et donc toute légitimité : elle ne se définit plus que par rapport à la gauche, qui représente le mouvement perpétuel et a imposé son ordre moral. On dira qu’aujourd’hui la gauche a rejoint les valeurs du libéralisme. Justement ! Les libéraux ont méthodiquement sapé la Restauration, puis une Monarchie de Juillet qu’ils avaient pourtant portée sur les fonts baptismaux. Le libéralisme libertaire n’est qu’un retour à une gauche authentique, longtemps occultée par le marxisme, maladie infantile du libéralisme - leur origine matérialiste et consumériste est la même. S’il s’agit d’évoquer l’UMP et le PS, l’opposition entre une droite et une gauche également européistes, oligarchiques et mondialistes n’a effectivement aucun sens. Revenir aux notions fondamentales implique de dépasser les faux clivages qui engraissent le pays légal.

    Vous avez écrit une biographie du philosophe royaliste Pierre boutang. Lui-même estimait que « notre société n’a que des banques pour cathédrales ; elle n’a rien à transmettre qui justifie un nouvel « appel aux conservateurs ». » Comment se positionnait-il par rapport aux conservateurs ?

    Les conservateurs - « un mot qui commence mal » pour le duc d’Orléans - dégoûtaient profondément Pierre Boutang. Il voyait dans ces adeptes de la peau de chagrin l’incarnation de l’imposture. Si de cette société minée par l’usure, « rien n’est à transmettre » et donc, à conserver, quel peut être le rôle des conservateurs, sinon de servir, comme au royaume-Uni avec Thatcher, de caution au règne de l’argent et à la dissolution de la société ? Thatcher a aidé, dans l’opposition, les travaillistes alors au pouvoir à légaliser l’avortement et c’est Cameron qui a dénaturé le mariage. L’oeuvre de mort de Giscard pour la France doit-elle être rappelée ? Dans son Précis de Foutriquet, Boutang rappelle que Thiers « avait inventé, sur le tas, la « république conservatrice » comme notre Foutriquet a inventé la « société libérale avancée ». » Boutang opposait évidemment aux conservateurs la figure révolutionnaire du Prince chrétien. Engagée au premier rang du printemps français de 2013, toute une jeunesse renie aujourd’hui les reniements de ses ainés. Espérons qu’elle aille jusqu’au terme de sa contre-révolution spontanée. d’ailleurs, où sont aujourd’hui les conservateurs ?

    Que peut attendre de l’Etat un homme de droite ?

    Un homme de droite ? Je ne le sais que trop bien, s’il est membre de l’UMP : l’effacement progressif de l’Etat français au profit du Léviathan européen, la forfaiture du traité de Lisbonne en 2008 puis celle du traité budgétaire européen en 2011, sans oublier au milieu le retour dans le commandement intégré de l’OTAN : trois traités de Troyes en trois ans, cela fait tout de même beaucoup ! Il n’y en a eu qu’un en mille ans de monarchie française. Et encore, Charles VI était fou : autant dire qu’il ne pouvait plus « raison garder » - la devise des Capétiens. En revanche, s’il s’agit d’évoquer l’Etat pour un royaliste, alors je rappellerai ce mot de Maurras ! « L’Etat est le fonctionnaire de la société ». Autant dire que le Prince est là non pas pour fonder la société qui lui préexiste, mais pour lui donner forme et dépasser, en les hiérarchisant, le faux clivage entre intérêt général et intérêts individuels - on sait comment, d’un côté, les libéraux et, de l’autre, les fascistes et les communistes, le résolvent : soit en donnant tout à l’intérêt privé, le public étant chargé de solder les comptes, soit en donnant tout à l’Etat ou au parti, censés « incarner », ou plutôt désincarner, la société : c’est la définition du totalitarisme. Alors que l’Etat est là pour assurer le Bien commun, qui peut prendre différentes formes selon les époques, tout en ayant le devoir de laisser la personne, créée à la ressemblance et à l’image de Dieu, faire son salut. En ce sens, l’ »homme de droite » est thomiste. Assurer les conditions vivre-ensemble, comme on dit aujourd’hui, sans empiéter sur les droits fondamentaux, qui sont avant tout d’ordre moral et spirituel. Les questions relatives au statut de la fonction publique, à l’Etat stratège ou au périmètre de son sont d’ordre simplement technique. Nos rois ont toujours fait preuve, en la matière, du plus grand pragmatisme. C’est ainsi qu’un royaliste ne sera ni favorable ni opposé, par principe, à une nationalisation ou à une privatisation : ne prévaut que la nécessité du moment. En revanche, il sera attaché à une véritable décentralisation - Maurras fut royaliste parce que fédéraliste - et au respect de l’autonomie éducative des familles. Un état fort est respectueux du pays réel.

    Quels peuvent être les rapports entre une vraie droite et le peuple ?

    Une vraie droite… C’est-à-dire, si je comprends bien, une droite qui aurait recouvré ses fondamentaux et, de plus, réussi à restaurer le Roi… « Je pense en principe chrétien, j’agis en prince français » : telle est la devise du dauphin de France. Le reste viendra par surcroît. En attendant, il s’agit de tenir, aux Français, un discours de vérité. C’est la seule façon d’être démocrate, ou plutôt démophile.

    Propos recueillis par Eric Letty monde&vie de décembre 2014

    Boutang, coll. Qui suis-je ? éd. Pardès, 2013, 12€

     

    Charles Maurras, soixante ans après, éd. Pierre Téqui, 2013, 20€

  • Adinolfi aux « Ronchons » : « Il faut plus d’Europe ! » par M.A.S. – SUD-OUEST

    La petite salle des « Ronchons » était bien remplie, ce jeudi 5 mars au soir, et aucune table n’était plus libre pour le dîner-débat organisé autour d’Années de plomb et semelles de vent, les mémoires d’exil de Gabriele Adinolfi dont nous avons déjà commenté la parution dans notre article du 17 décembre dernier. 

    Après une rapide présentation de l’auteur, les convives ont été invités à partager un excellent repas (dont le plat principal, délicieux et inhabituel, traduisait le bon goût et la créativité de la sympathique équipe de ce petit restaurant typiquement parisien), puis à poser leurs questions à l’invité du soir (sur le plan de l’organisation, peut-être eût-il été préférable de commencer les questions pendant le repas, certains camarades habitant loin de Paris ayant été obligés de quitter le restaurant avant la fin des débats). 

    Nous présentons ci-dessous, de mémoire, en le structurant, ce que nous avons retenu des réponses apportées par Adinolfi à ces questions, qui, pour l’essentiel, ont porté sur trois thèmes :

    1 – Du fascisme mussolinien à CasaPound Italia

    « Qui y a-t-il de plus difficile lorsque l’on est en cavale ? », fut l’une des premières questions posées à l’auteur de ces mémoires de cavale, essentiellement en France et pendant vingt ans, que sont Années de plomb et semelles de vent. « C’est le retour, répondit immédiatement Adinolfi, parce que l’on est alors contraint de renouer avec une certaine routine ». Et l’esprit routinier n’est pas précisément la caractéristique principale du fondateur et animateur de Terza Posizione, mouvement phare de la droite radicale italienne des années 70, laquelle était apparue dans le cadre d’une évolution historique en trois phases :

    — la première avait été celle du fascisme mussolinien, mis sur pied et développé par des militants qui appartenaient au camp des vainqueurs de la Première Guerre mondiale; 

    — la seconde fut celle du M.S.I., après la Seconde Guerre mondiale, dont les dirigeants appartenaient, cette fois-ci, au camp des vaincus et cherchaient une revanche; Adinolfi estime que, si l’extrême droite italienne d’alors a pu se maintenir à un niveau d’audience relativement important, ce n’est pas grâce à la qualité de ses propositions, mais parce que les réalisations de la période fasciste, dont cette extrême droite se réclamait, avaient laissé un souvenir positif dans la mémoire du peuple italien;

    — la troisième fut celle d’une tentative de dépassement révolutionnaire de la précédente, tentative dontTerza Posizione fut l’une des illustrations les plus emblématiques, qui reprenait à son compte l’ensemble de l’héritage fasciste, tout en lui adjoignant des éléments idéologiques issus de l’expérience péroniste, comme, par exemple, la nécessité de soutenir la lutte des peuples contre l’impérialisme.

    Malheureusement, Terza Posizione n’eut guère le temps d’approfondir l’originalité de ses choix idéologiques. Les années 70 en Italie furent en effet celles d’une quasi-guerre civile, qui fit des centaines de victimes. Dans ce contexte, il fallait faire face au jour le jour et il n’était pas question de prendre le temps de « s’asseoir pour réfléchir ».

    Après les « Années de plomb », les années d’exil et le retour d’Adinolfi en Italie, les esprits étaient un peu plus apaisés, et c’est donc dans une ambiance plus favorable au travail idéologique que fut mis au point le projet de la CasaPound. On connaît la magnifique réussite dudit projet et son énorme impact au sein de toutes les droites radicales européennes. On sait également que C.P.I. (CasaPound Italia), la structure de coordination de cette initiative militante sur l’ensemble du territoire italien, a conclu, fin 2014, un accord avec l’ex-Ligue du Nord, devenue la « Lega », accord dont la première application concrète a été la réussite d’une imposante manifestation, le 18 octobre dernier à Milan (cf. notre commentaire du 24 octobre 2014), contre la politique d’immigrationnisme forcené que subit le peuple italien, dont la patrie est l’une des premières destinations favorites des immigrants clandestins. Où en est-on, à l’heure actuelle, de ce rapprochement entre la Lega et C.P.I., et que peut-on en attendre ?

    2 – L’impasse populiste

    À ces deux questions, Adinolfi n’apporte pas, hélas, de réponses incitant à l’optimisme, alors qu’il avait considéré avec faveur le rapprochement entre la Lega et la CasaPound et estimé que les premières actions menées en commun allaient dans le bon sens. Si, en effet, la mobilisation de Milan a été une réussite, il n’en a pas été de même, plus récemment, de celle de Rome, où le leader de la Lega, Matteo Salvini, pourtant un homme intelligent, a cru bon de montrer une certaine distance avec le fascisme, alors que rien ne l’obligeait à adopter une telle attitude. Une attitude qui risque évidemment de créer assez vite des tensions avec C.P.I., d’autant plus que la Lega est soumise à d’évidentes influences sionistes.

    La persistance de celles-ci est le signe que la Lega a du mal à se défaire de ses racines populistes, comme le prouve son programme qui, mis à part son refus de l’immigrationnisme, se caractérise par des thèmes très négatifs, représentés par des slogans comme « Non à l’euro ! », « Non à l’Union européenne ! », etc., c’est-à-dire des thèmes qui sont non seulement contraires à l’intérêt bien compris de l’Italie et de l’Europe (laquelle doit être défendue et développée, même si ses institutions et sa monnaie doivent, entre autres choses, être profondément réformées), mais aussi peu susceptibles de mobiliser l’opinion italienne, d’autant plus que Matteo Renzi, le Premier ministre italien, qui se présente en défenseur de l’U.E. et de l’euro, obtient des résultats et que l’opinion s’en aperçoit. Le seul thème positif à mettre au crédit de la Lega est donc la lutte contre l’immigrationnisme et la défense du droit du sang. Mais, comme il n’est pas du tout certain que Renzi s’aventure à promouvoir le droit du sol, on ne voit pas très bien ce qui pourrait amener laLega à percer durablement dans l’opinion. En l’état actuel, le populisme de la Lega n’est donc même pas une bonne machine de guerre contre le système en place en Italie. 

    Il en va différemment en France, où le Front national est devenu, à l’évidence, une excellente machine à détruire le système U.M.P.S., qui domine la vie politique française depuis des décennies. Mais pour faire quoi, une fois la destruction terminée ? Car c’est bien là, maintenant, la question centrale. Or, le F.N. est presqu’autant empêtré dans ses fantasmes populistes que la Lega, dont il est d’ailleurs l’allié au sein du Parlement européen. Et, en ce qui concerne l’Europe, justement, le Front affirme, tout comme son alliée italienne, qu’il faut sortir de l’euro et de l’Union européenne : est-ce bien cela que doivent souhaiter les Français, les Italiens et les autres peuples européens ? 

    3 – Une initiative européenne

    Pour répondre à cette question, il faut, remarque Adinolfi, commencer par constater que ce qui compte aujourd’hui dans le monde, ce sont les grands ensembles. Il est donc parfaitement illusoire d’espérer que les nations européennes puissent jouer un rôle quelconque sur la scène internationale si elles agissent en ordre dispersé. C’est si vrai que, même l’U.E. d’aujourd’hui, si imparfaite soit-elle, pèse, quasi-mécaniquement, d’un poids propre vis-à-vis des autres grands ensembles, de par sa seule existence. Il en va de même pour l’euro, que Wall Street combat de toutes ses forces, parce qu’il empêche le dollar de retrouver sa suprématie absolue. C’est d’ailleurs parce qu’il défendait l’euro que Strauss-Kahn a été politiquement éliminé par la finance new-yorkaise, alors qu’il disposait par ailleurs de tous les atouts, y compris son appartenance communautaire, pour continuer sa (trop) brillante carrière.

    À une auditrice qui lui indiquait que, de son point de vue, c’était l’U.E. qui bridait la France et l’empêchait de retrouver la voie de son identité et de son destin, Adinolfi répondit que, compte tenu de son poids au sein de l’U.E., la France serait tout à fait capable, si elle en avait la volonté, d’orienter différemment l’Union et d’y trouver les conditions d’un nouveau développement. Et d’ajouter que, si la France n’a pas la volonté de changer l’U.E., elle n’aura pas non plus celle d’accomplir les changements révolutionnaires qui s’imposent aussi chez elle-même. 

    Car c’est bien de révolution dont il s’agit ici. Si, en effet, les campagnes populistes contre l’Europe recouvrent, pour une bonne part, la volonté de charger un bouc émissaire pour dédouaner des impuissances nationales, cela ne signifie pas pour autant, bien entendu, qu’il faille se contenter de l’Union européenne telle qu’elle se présente aujourd’hui. Il faut, en fait, « plus d’Europe », mais en donnant à celle-ci une orientation enfin conforme à son identité et à ses intérêts légitimes; il est donc indispensable de provoquer la naissance, en Europe, d’une sensibilité révolutionnaire capable d’orienter les choses dans le sens souhaitable. Pour y parvenir, la seule solution est de créer une coordination entre tous les nationalistes qui, au sein de l’U.E., sont effectivement ouverts à l’idée impériale européenne. Un premier pas dans ce sens consisterait à les réunir autour d’un document de base accepté de tous, qui pourrait constituer une sorte de manifeste de la nécessaire révolution européenne. À cet effet, et comme nous l’annoncions déjà dans notre article du 17 décembre dernier, Adinolfi a lancé la traduction, pour commencer en français, en allemand, en anglais et en espagnol, de l’un de ses ouvrages de formation parus en italien et titré L’Europe.

    La parution de L’Europe, la version française de cet ouvrage, devrait intervenir prochainement et permettre le lancement, en France, de l’initiative de coordination des nationalistes d’Europe souhaitée par Adinolfi, une initiative qui paraît d’autant plus urgente et bienvenue que nombreux sont, en Europe, les terrains à déminer, d’où proviennent ces crises à répétition que savent si bien attiser les adversaires de notre continent : il est plus que temps que nos peuples se prémunissent contre ces pièges grossiers, mais efficaces, et retrouvent la voie de l’identité et du développement européens. Nous attendons donc avec impatience la parution de L’Europe, tout en conseillant vivement à ceux de nos lecteurs qui ne l’ont pas encore fait de se procurer Années de plomb et semelles de vent; il s’agit d’un livre très vivant, bien enlevé, plein d’humour et dont l’auteur a quand même vécu une aventure qu’il n’a pas été donné à tout le monde de vivre : 

    ALORS, BONNE LECTURE ET VIVE LA RÉVOLUTION EUROPÉENNE !

    M.A.S. – Sud-Ouest

    • D’abord mis en ligne sur M.A.S. – Sud-Ouest, le 23 mars 2015.

    • Gabriele Adinolfi, Années de plomb et semelles de vent. 20 ans de cavale !, Les Bouquins de Synthèse nationale, 227 p., 27 €, frais d’envoi inclus, chèque à l’ordre de Synthèse nationale, 116, rue de Charenton, 75012 Paris.

    http://www.europemaxima.com/?p=4282

  • Eric Letty : « La réflexion politique se porte mieux à droite qu’à gauche »

    Journaliste, mauricien et catholique militant, Eric Letty a été longtemps Rédacteur en chef de Monde et Vie. Il avait alors lancé cette enquête sur la droite, à laquelle il se soumet aujourd’hui.

    Monde et Vie : Pensez-vous que le clivage droite-gauche demeure pertinent aujourd’hui où l’on a de plus en plus de mal à voir les effets concrets d’une véritable alternance politique, lorsque l’on a signé pour être dans le Machin européen.

    Eric Letty : ce clivage entre la droite et la gauche ne passe plus par les partis politiques, en particulier ceux qui adhèrent à la conception d’une Europe fédérale au sein de laquelle les peuples seront appelés à disparaître. les différences entre ces mouvances sont artificielles et d’autant moins significatives que les politiciens français, en bradant la souveraineté nationale, ont abdiqué l’essentiel de leurs pouvoirs.

    Il existe pourtant une différence presque ontologique entre l’homme de gauche et l’homme de droite, qu’a soulignée Henri de Lesquen dans sa réponse à notre enquête : le premier est un utopiste, le second un réaliste. Il en résulte deux conceptions du monde radicalement différentes. L’homme de gauche est un optimiste, qui veut le bonheur ici-bas et tente d’y parvenir en construisant un système utopique. Si les réalités ne « collent » pas à son système, il fera en sorte de les y contraindre ; et si l’homme réel ne s’y insère pas non plus, il recréera l’homme à son idée : c’est ainsi que se construisent les totalitarismes. Le relativisme procède du même primat de l’Idée sur la réalité. L’homme de droite, lui, raisonne à partir des faits, en essayant d’en dégager des lois. Cette démarche, plus humble, le conduit, le conduit à admettre qu’il existe une vérité objective, qui lui faut chercher. Il ne développe pas une conception révolutionnaire, mais au contraire traditionnelle de la société, parce que les traditions sont construites sur des réalités évolutives. C’est aussi ce qui explique, à mon sens, qu’il n’existe pas d’ « intellectuels » de droite comparables aux intellectuels de gauche. Ce n’est pas une posture : l’intellectuel est un constructeur de système, ce qui n’est pas conciliable avec le mode de pensée de l’homme de droite. Mourras, par exemple, qui appuie sa réflexion politique sur « l’empirisme organisateur », n’a pas construit de système : beaucoup de ses autres ouvrages sont difficiles d’accès parce qu’ils font référence à des faits qui relevaient à son époque d’une actualité plus ou moins récente, mais appartient aujourd’hui à l’histoire. J’ajoute que, parce qu’il est subjectiviste, l’homme de gauche est individualiste ; je pense que le personnalisme, qui favorise l’épanouissement de l’individu par les liens humains qu’il tisse au sein des communautés auxquelles il appartient, correspond mieux à l’homme de droite. L’oeuvre des non-conformistes des années trente me paraît, à cet égard, très intéressante.

    S’il est chrétien, le regard que l’homme de droite porte sur la nature humaine peut sembler pessimiste, parce qu’il sait que cette nature est marquée par la chute ; mais il est dans le fond profondément optimiste, puisque l’unique sens de l’histoire aboutit à un royaume qui n’est pas de ce monde et dans lequel l’humanité sera restaurée. Le péché défigure l’homme, mais il n’abolit pas la Parole divine, rapportée dans la Genèse : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon. »

    Est-ce que François hollande ne serait pas, lui, un véritable homme de gauche ?

    Hollande reste un premier secrétaire du PS entré à l’Elysée à la faveur d’un concours de circonstances. Pour autant qu’il ait une politique, elle est mondialiste, pro-américaine, socialiste dans ses déclarations et de plus en plus libérale dans ses choix économiques, par manque de volonté et d’imagination. Il tente de se concilier sa gauche par des réformes « sociétales » comme le « mariage » entre personnes de même sexe, ou la légalisation de l’euthanasie, mais Alain Juppé accomplirait les mêmes réformes et Nicolas sarkozy également- au prix d’une nouvelle trahison de son électorat. Tous ces gens-là appartiennent à une gauche opportuniste, qui a fait sienne l’utopie mondialiste.

    On parle de droitisation de la vie politique. Quels seraient les événements qui ont marqué ce mouvement « dextrogyre » , N’assiste-t-on pas plutôt à une disparition de la politique au sens traditionnel d’art du gouvernement des hommes au profit d’un système auto-administré d’une part et de lobbying d’autre part ? 

    Concernant ce mouvement dextrogyre, je citerai évidemment le succès de la Manif pour tous, qui échappe pour l’instant, me semble-t-il, aux partis politiques comme l’a montré le faible score réalisé par Hervé Mariton lors des primaires de l’UMP ; et la montée spectaculaire du Front national, qui correspond à un besoin de retrouver leur identité collective, menacée de dilution dans l’Europe bruxelloise et par l’immigration de masse.

    Quant au système auto-administré, il est propre à un système politique qui érige le fonctionnaire en garant de la durée, tandis que les politiques jouent les courants d’air de ministère en ministère. Les lobbying sectoriels se développent alors d’autant plus qu’ils qu’ils donnent au politicien l’impression d’exister. Les groupes de pression les plus efficaces sont plus anciens, comme la franc-maçonnerie.

    Qu’est-ce que votre enquête auprès de « vrais » gens de droite vous a appris sur la droite ou sur la vie politique en général ?

    Elle m’a montré que non seulement la réflexion politique n’est pas morte à droite, mais qu’elle s’y porte plutôt beaucoup mieux qu’à gauche, ce qui est une promesse d’avenir. En effet, la pensée de droite échappe au politiquement correct, ce qui lui confère une liberté et une diversité beaucoup plus grandes qu’à gauche - ainsi qu’une vraie tolérance. 

     

    Propos recueillis par l’abbé G.de Tanoüarn monde&vie de janvier 2015

  • François Huguenin : « La droite doit devenir force de proposition »

    François Huguenin a publié A l’école de l’Action française (J-C. Lattès, 1998) et Le Conservatisme Impossible (La Table ronde,2006). Il répond à l’enquête sur la droite de Monde et vie.

    Monde et Vie : François Huguenin, pour vous, les notions de droite et de gauche ont-elles encore un sens ?

    François Huguenin : La différence entre la droite et la gauche s’est estompée pour deux raisons essentielles : d’une part, la gauche s’est massivement ralliée - c’est l’analyse de Michéa - à un libéralisme triomphant dans tous les domaines, économique, philosophique ou moral ; d’autre part, sur la question très importante de l’Europe et de la nation, le clivage passe à travers la droite et à travers la gauche. La différence subsiste pourtant, mais elle s’est déplacée, comme le montre les réformes sociétales, présentées par la gauche comme des avancées sociales, ce qui est typique de sa démarche. En effet, la gauche, en France, c’est le camp du « progrès » et de la révolution. Quand elle n’arrive plus à faire la révolution politique, elle s’emploie à réaliser la révolution sociale, et quand elle ne peut plus faire la révolution sociale, faute de moyens pour l’entreprendre, elle passe à la révolution sociale. Elle se situe ainsi dans une perspective de révolution permanente, que la droite cherche à freiner, sans bien y parvenir car elle adhère elle aussi au libéralisme des mœurs et répugne à se prononcer contre ces mesures sociétales. Néanmoins, le fait qu’un mouvement comme la Manif pour tous ait rassemblé un public globalement situé droite, manifestant contre un gouvernement de gauche, montre que le clivage perdure.

    En se cantonnant à un rôle de frein, la droite ne se condamne-t-elle pas à perdre? Cette stratégie évoque le tir à la corde : entre ceux qui cherchent à rester sur une position et ceux qui veulent les en faire bouger, ce sont les seconds qui gagnent.

    C’est le problème de la vie politique depuis la révolution, où le camp du « progrès » s’oppose toujours à celui pas toujours aisément définissable, du conservatisme ou de la réaction, qui se trouve en effet en position d’infériorité dialectique. En France, lors des débats télévisés, par exemple, l’intervenant de gauche part avec une cote de sympathie par rapport à l’intervenant de droite, qui a d’ailleurs souvent du mal à se présenter comme tel. Il n’en va pas de même dans les grandes démocraties comme l’Angleterre, l’Allemagne ou les Etats-Unis. Chez nous s’est développé un mythe du progrès, lié à notre histoire : c’est par la violence révolutionnaire que nous sommes entrés dans la modernité et la démocratie. C’est pourquoi la droite, pour parvenir à rétablir l’équilibre dans le jeu de tir à la corde politique que vous évoquiez, ne doit pas camper sur des positions strictement défensives, mais devenir force de proposition, en particulier sur le champs social que la gauche a aujourd’hui déserté. Il lui revient de s’en emparer en conjuguant un pragmatisme économique et un volontarisme social. Elle pourrait être porteuse d’un projet et de valeurs fortes sur l’éducation, l’école, la famille, en les présentant comme des avancées et pas seulement comme des mesures protectrices et défensives.

    Dans votre livre Le conservatisme impossible, vous expliquez l’impossibilité de résister au progressisme par le divorce entre la pensée libérale et la pensée réactionnaire. S’agit-il aussi d’une exception française ?

    Il me semble qu’en effet la France est le seul pays, parmi les grandes démocraties occidentales, dans lequel il n’existe pas à droite de force capable de faire pendant à la gauche et d’être source de propositions, comparable au républicains, aux conservateurs anglais ou à la CDU allemande. La Révolution française a représenté une telle violence qu’il a été ensuite très difficile de trouver un consensus entre les libéraux qui surfent sur la vague de la libération politique apportée par la Révolution - et à laquelle les autres pays sont parvenus moins brutalement - et es conservateurs ou réactionnaires. Les uns ont essayé de prendre ce qu’il y avait de bon dans cet immense mouvement en essayant de ne pas être emporté par la vague- mais ils n’étaient pas assez fort pour y résister ; les autres, ayant compris qu’ils ne résisteraient pas à la vague, ont tout refusé. Ils ne se sont pas fait emporter comme les premiers, mais se sont mis hors-jeu. L’histoire politique française est catastrophique, au sens propre du mot : on se demande s’il était possible de résister à l’onde de choc révolutionnaire. Peut-être arrivera-t-on à repenser une autre configuration des forces politiques en France le jour où cette onde choc aura fini de produire ses effets. A l’inverse de François Furet, que j’admire beaucoup, je ne pense pas que la Révolution française soit encore terminée, et les lois sociétales que la gauche élabore aujourd’hui le prouvent : il s’agit encore d’une illusion révolutionnaires.

    Selon vous, les notions de liberté et de bien commun se concilient-elles ou s’opposent-elles ?

    Le pape François a dit récemment que les libertés, politique, religieuse ou d’expression, sont obligations. On ne peut d’ailleurs parvenir que librement à la Vérité ultime, qui pour un chrétien est le Christ- et qui nous rend libres. La liberté est donc une valeur fondamentale de notre société, mais elle n’est pas le dernier mot de toute chose : comme le demandait Léo Strauss, « la liberté, pour quoi faire ? » Or, certains ont voulu l’absolutiser, en la coupant des autres valeurs fondamentales comme le bien, ou la vérité. Pour moi qui suis profondément chrétien, se pose la question de la conversion personnelle de chacun - au Christ, mais aussi à une éthique personnelle fondamentale, qui conduit à savoir pourquoi l’on fait de la politique, pourquoi l’on s’engage, à quoi l’on fait servir sa liberté. Ce sont les hommes qui font l’histoire et l’on attend qu’ils aient cette conscience du bien commun.

     

    propos recueillis par Eric Letty monde&vie février 2015

  • Drac/Adinolfi "Les stratégies de la tension" Partie 1


    Drac/Adinolfi "Les stratégies de la tension... par erlorraine