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entretiens et videos - Page 811

  • Chesterton et “sa guérilla contre le monde moderne” – Entretien avec Philippe Maxence 1/3

    Journaliste et écrivain, rédacteur en chef du bi-mensuel catholique conservateurL’Homme nouveau, Philippe Maxence est également l’un des meilleurs connaisseurs français de l’œuvre de Gilbert Keith Chesterton (photo). C’est afin de mieux connaître ce penseur original et profondément iconoclaste que nous avons souhaité interroger Philippe Maxence.

    Propos recueillis par Pierre Saint-Servant


    Vous êtes à l’initiative de l’association des Amis de Chesterton, comment se fit votre rencontre avec l’œuvre de ce dernier ? 

    Ma découverte de l’œuvre de G.K. Chesterton s’est effectuée en deux temps. Adolescent, j’avais croisé ce nom en lisant des auteurs comme Henri Massis, Gustave Thibon, Jacques Maritain, Paul Claudel ou dans des lectures consacrées à l’histoire de la droite française d’avant-guerre ou au renouveau catholique à la même période. Étudiant, je suis tombé par hasard sur son essai Orthodoxie que j’ai lu avec curiosité et avec une réelle incompréhension concernant certains passages. De ce fait, je me suis obligé à relire ce livre et j’y ai finalement découvert, au-delà d’un propos souvent déconcertant au premier abord pour un Français, une véritable cohérence et l’expression d’une réelle philosophie. La lecture d’autres ouvrages de GKC a ensuite confirmé cette découverte émerveillée qui permettait de rompre avec une certaine approche cartésienne et d’exprimer les vérités éternelles sous un mode tout à fait différent.

    Chesterton est depuis plusieurs décennies tombé en Purgatoire – dont vous vous efforcez de l’en faire sortir – alors qu’il était dans la première moitié du XXème siècle un auteur largement connu et apprécié en France. Comment l’expliquer ?

    Jusqu’aux années 1950, Chesterton est encore un auteur lu, traduit et apprécié. Mais il est déjà en perte de vitesse. Mort en 1936, il n’a connu ni la Seconde Guerre mondiale, ni la Guerre froide et moins encore, comme catholique, le Concile Vatican II. Il ne semble plus alors en phase avec les problèmes du temps. La bombe atomique lui est inconnue, tout comme la Chine communiste ou le rock n’roll. Son style et certaines de ses idées, qui rencontrent aujourd’hui une nouvelle faveur, semblent alors passéistes. Pour beaucoup, ces raisons expliquent le désamour rencontré par Chesterton.

     

    En m’efforçant de trouver un équivalent français à Chesterton, Léon Bloy me vient à l’esprit, qu’en pensez-vous ? Feriez-vous d’autres rapprochements ?

    Chesterton n’est pas imprécateur comme Bloy. Malgré les malheurs qui ont touché sa vie personnelle, c’est un homme heureux et qui s’émerveille chaque matin devant la Création. Il a plus de sympathie ou d’intérêt pour le coq sur le fumier que pour le fumier lui-même. Parce qu’il est catholique, journaliste, joyeusement polémiste, il est possible de le mettre en rapport avec plusieurs auteurs français. Notre association a organisé des colloques pour montrer les parallèles possibles avec des écrivains comme Péguy, Claudel ou Bernanos. On pourrait en évoquer beaucoup d’autres. Il y a par exemple chez Jacques Perret une proximité d’écriture qui mériterait d’être étudiée.

    Par son obsession de ce qui est beau, gratuit, durable, Chesterton est à classer sans aucun doute parmi les anti-modernes. Pourtant, rien n’évoque chez lui le “contre-révolutionnaire”, cela tient-il à son humour ? A sa pensée très incarnée – charnelle même ?

    Cela tient essentiellement à son itinéraire et au fait qu’il est anglais. Chesterton est un contre-révolutionnaire qui s’ignore et qui se croit révolutionnaire alors même que sa guérilla contre le monde moderne rencontre en beaucoup d’endroits la pensée contre-révolutionnaire. Chesterton, qui s’est beaucoup exprimé par paradoxe, jonglant avec les mots et les concepts, était lui-même un « paradoxe ambulant ». Par son poids, au physique (130 kg quand même) comme au moral, il casse les catégories toutes faites et faciles chères à nos cerveaux de Français.

    Le contact de chaque homme avec la beauté de la nature semblait essentiel à Chesterton, il se faisait ainsi le disciple de Thoreau et le prédécesseur de Thibon. Y a-t-il une pensée écologique chez Chesterton ?

    Au sens strict, la nature n’intéresse pas Chesterton. Ce qu’il aime, c’est la Création, ce magnifique cadeau du Créateur dont l’homme a la charge et la responsabilité. Ce que nous appelons aujourd’hui la crise écologique tient essentiellement à ses yeux au fait que l’homme a perdu le lien avec Dieu et qu’il ne respecte plus de ce fait la Création.

    http://fr.novopress.info/178272/chesterton-guerilla-contre-monde-moderne-entretien-philippe-maxence-13/

  • Immigration : Besancenot-Laurence Parisot, même combat !

    Entretien avec Alain de Benoist

    Autrefois, il y avait l’infernal tandem libéral-libertaire incarné par Daniel Cohn-Bendit et Alain Madelin. Il y a aujourd’hui celui formé par Najat Vallaud-Belkacem et Emmanuel Macron, avec cette particularité qu’ils appartiennent l’un et l’autre au même gouvernement. Alliance contre-nature ?

    Alliance parfaitement naturelle, au contraire, puisque le libéralisme économique et le libéralisme sociétal dérivent tous deux de la même conception d’un « homme économique » fondamentalement égoïste ayant pour seul but de maximiser rationnellement son utilité, c’est-à-dire son meilleur intérêt. Ce qu’on appelle l’axiomatique de l’intérêt n’est rien d’autre que la traduction en termes philosophiques de cette disposition naturelle de l’être humain à l’égoïsme. Le libéralisme pose l’individu et sa liberté supposée « naturelle » comme les seules instances normatives de la vie en société, ce qui revient à dire qu’il fait de l’individu la seule et unique source des valeurs et des finalités qu’il se choisit. La liberté libérale suppose ainsi que les individus puissent faire abstraction de leurs origines, de leur environnement, du contexte dans lequel ils vivent et où s’exercent leurs choix, c’est-à-dire de tout ce qui fait qu’ils sont tels qu’ils sont, et non pas autrement. La vie sociale, dès lors, n’est plus affaire que de décisions individuelles, de négociations procédurales et de choix intéressés.

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  • Le discours conservateur en France est particulièrement dynamique

    Gaël Brustier, docteur en sciences politiques, se penche sur La Manif pour tous dans « Le Mai 68 conservateur ». Il répond au Journal de Saône et Loire. Extraits :

    "Ceux qui ont manifesté en 2013, et tous les mouvements qui se sont créés, avaient dans l’envie de faire leur contre-mai 68, de combattre son idéologie tout en réutilisant ses codes. On a vu des jeunes qui faisaient des partis de cache-cache avec la police et des rassemblements plutôt joyeux. Mais tout cela s’est fait sur fond d’idéologie conservatrice alors que mai 68 était marqué par le marxisme et un esprit libertaire.

    Vous parlez de droitisation de la société et de retour au premier plan de la frange catholique de la population. La Manif pour tous a-t-elle déclenché ce phénomène, ou bien celui-ci était-il déjà présent ?

    C’est un phénomène de reconfiguration de long terme. D’abord il y a ce qui s’est passé depuis une quarantaine d’années au sein de la France la plus catholique avec l’émergence des communautés charismatiques : un rapport différent à l’engagement et à la foi est né. Il est très présent chez les jeunes militants de la Manif pour tous.

    L’autre phénomène c’est la chute des identités politiques traditionnelles à droite, que ce soit la démocratie chrétienne ou le gaullisme. On note une crise des partis de droite qui peinent à avoir le monopole de la représentation du peuple de droite et plus largement de la France conservatrice. [...]

    Sur la question du Mariage, la Manif pour tous a perdu politiquement. Le camp conservateur ne parviendra pas à revenir dessus. Néanmoins, cet objet politique lui a permis de se cristalliser, d’apparaître au grand jour comme un grand mouvement conservateur qui s’occupe de tous les aspects de la vie, de la naissance à la mort. En passant par les sujets de « l’écologie humaine », de l’alimentation, de la fin de vie, de la PMA de la GPA, ou de l’éducation via la théorie du « gender ».

    Ce courant peut-il avoir une existence réelle dans les urnes ? Aux Européennes les listes Force vie n’ont fait que des scores confidentiels…

    La question de la traduction de la Manif pour tous en partis politiques est caduque. En revanche, l’émergence d’une génération de cadres politiques, de personnes investis dans les champs culturels, intellectuels et médiatiques, qui portent ce message est une réalité. Certains des anciens de La Manif pour tous vont à l’UDI, à l’UMP ou au Front National, où ils diffusent cette pensée conservatrice. Cette tendance était la même après mai 68 mais avec une idéologie inverse.

    La communauté de l’Emmanuel et Paray-le-Monial ont selon vous joué un rôle majeur dans l’émergence d’une génération Manif pour tous ?

    Il est indéniable que beaucoup des jeunes qui se sont mobilisés pour la Manif pour tous sont passés par Paray-le-Monial. C’est une expérience fondatrice pour eux. La communauté de l’Emmanuel est un important centre de formation et diffuse une pensée authentiquement conservatrice sur la bioéthique. Nombre d’activistes chez les Homen, les Veilleurs, ou autres de ces mouvements, sont passés par Paray-le-Monial. La communauté de l’Emmanuel, comme toutes les communautés postconciliaires charismatiques, est un des moteurs actuels de l’Église de France. C’est d’ailleurs un ancien chapelain de Paray, Monseigneur Rey, qui a le plus travaillé à faire des synthèses qui ont préparé le terrain à la mobilisation des catholiques contre le mariage pour tous. Il y a aussi eu à Paray-le-Monial cette fameuse rencontre de la Toussaint 2012 sur les chrétiens engagés en politique. Sans oublier la figure de Jean-Marc Nesme qui est certes discrète mais qui est très respectée et compte beaucoup chez ces conservateurs. D’une certaine manière, Paray-le-Monial est la capitale de la Manif pour tous.

    Peut-on dire aujourd’hui que les idées défendues par la Manif pour tous sont majoritaires dans l’opinion ?

    Il faut distinguer l’idée de « majorité dans l’opinion » et les dynamiques culturelles. Aujourd’hui, le discours conservateur en France est particulièrement dynamique. La question c’est : quelle est la capacité de ce mouvement à imposer ces thèmes, à en faire le socle de la discussion de la société française ? Incontestablement depuis deux ans, l’avantage est au côté conservateur. C’est en ça qu’ils ont gagné une victoire culturelle, mais cela ne veut pas dire qu’ils sont majoritaires dans l’opinion."

    Michel Janva

  • Cardinal Barbarin : la loi Taubira finira pas être abolie

    Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon et primat des Gaules, parraine la neuvaine de prière pour la Franceneuf mois à partir du 15 novembre 2014. Il répond à Famille chrétienne :

    F"Pourquoi est-il important de prier pour la France ? La situation est-elle particulièrement grave ?

    N’inversons pas les choses : la prière n’est pas un dernier recours, mais le premier devoir du chrétien. Vous connaissez le passage où Jésus « dit une parabole pour montrer à ses disciples qu’il faut prier sans cesse et sans jamais se décourager »(Luc 18, 1). Dans les demandes que nous adressons à Dieu, il y a d’abord ce qui est de première nécessité : « le pain de chaque jour », puis l’essentiel (un toit, la santé, le travail…), puis ce à quoi nous sommes le plus attachés (la famille, notre pays, la paix dans le monde…). Nous ne prions pas parce que la situation serait catastrophique, mais par amour pour cette terre, pour cette culture dont nous avons tant reçu.

    La foi chrétienne y est présente depuis si longtemps : la France a donné tant de saints, a envoyé tant de missionnaires dans le monde… C’est un pays que de nombreux étrangers admirent. Jean-Paul II au Bourget avait parlé de « la France éducatrice des peuples ». [...] Mais il est vrai que cette prière redouble en période de guerre, de violence ou, aujourd’hui, de grande fragilité. [...]

    Revenons à l’urgence de la situation. La comparaison avec les apparitions de L’Île-Bouchard, en 1947, vous semble-t-elle pertinente ?

    Depuis 1947, les circonstances ont changé, certes, mais la réaction spirituelle n’est peut-être pas si différente. À l’époque, le pays était bloqué par les communistes. Aujourd’hui, nous sommes face au bouleversement introduit par des lois dites « sociétales ». Nous avons été heureusement surpris du ressort spirituel de la France. Quand la loi autorisant le mariage entre deux personnes de même sexe s’est annoncée en Espagne, nous avons vu un million de personnes rassemblées pour une messe sur une place de Madrid. Nous savions bien que cela n’aurait pas lieu à Paris. Mais nous espérions que ce ne serait pas comme au Portugal, au Canada ou en Belgique… où il n’y a rien eu ! [...]

    Ce sursaut est donc d’ordre spirituel ?

    Oui, et ce fut, je crois, un sursaut typiquement français. Nous avions beaucoup travaillé sur le plan intellectuel, rassemblant juristes et pédagogues, politiques et médecins, représentants des différentes religions… Le nonce me disait que ça n’avait rien à voir avec ce qu’il avait vu quelques années plus tôt, au Canada. Et tout à coup ont surgi des manifestations gigantesques. On a fait semblant d’ignorer leur impact, mais ce fut une surprise pour tous, pour nous comme pour beaucoup d’autres pays qui regardent la France. Au conclave de mars 2013, les cardinaux de Boston, Munich ou Madrid, me demandaient : « Mais que vous est-il arrivé, en France ? » Ils avaient sans doute l’image d’un pays spirituellement assoupi… Tout le monde alors a pris conscience qu’il y avait, en France, un ressort incroyable !

    Même si la loi Taubira est passée, tout n’est pas perdu pour autant. D’ailleurs, le Seigneur ne nous a pas dit que nous gagnerions ; il nous a simplement laissé comme dernière consigne : « Vous serez mes témoins » (Ac 1, 8). Nous avons donné un témoignage, et le message a été bien compris : « Il ne faut pas cette loi pour la France. Vous en avez le pouvoir, mais vous n’en avez pas le droit. C’est un mensonge dont les conséquences seront graves ». C’est le signe que ce pays n’est pas si endormi que cela. Spirituellement, il est bien vivant. Plus qu’on ne l’imaginait !

    Est-ce véritablement un témoignage chrétien ? La Manif pour tous se dit aconfessionnelle…

    Tout le monde sait que les catholiques étaient la cheville ouvrière de ce mouvement. [...] L’Église, toujours brocardée, reste regardée et, en un certain sens, respectée, qu’elle agisse pour sauver le mariage et la famille ou qu’elle s’occupe des Roms, des SDF et, intensément depuis l’été, des chrétiens d’Orient. Les gens voient la cohérence de son témoignage et de ses engagements. [...] Faut-il se décourager maintenant que la loi Taubira est passée ? Certainement pas ! Notre mission continue. Je ne vais pas m’arrêter d’évangéliser ni de célébrer la messe. Il faut arrêter de penser en termes de stratégie. Jésus ne nous assure pas la victoire. Aux yeux des hommes, sa vie s’est terminée par un échec… Il nous demande de témoigner de la vérité avec amour. [...]

    En ce qui concerne la loi autorisant le mariage de deux personnes du même sexe, je ne doute pas que la vérité sera reconnue, et qu’un jour ou l’autre, elle finira par être abolie.Car c’est un mensonge qui en entraîne d’autres, comme de faire croire qu’un enfant peut avoir deux papas ou deux mamans ! Cela s’appelle même un mensonge d’État. [...]"

    Michel Janva

  • La « Monarchie populiste » russe: Interview d’Igor Strelkov, le héros charismatique de la Novorossiya (Vidéo)

    Intéressant préambule du Saker à l’interview d’Igor Strelkov sur la Monarchie populiste russe. On retrouve en filigrane cette pensée dans le discours de clôture de Vladimir Poutine au forum Valdaï 2014 , lorsqu’il affirme que chaque nation doit cultiver ses particularités et sa civilisation, qu’elle doit s’appuyer sur ses traditions et son patriotisme, tout en respectant ceux des autres pays. C’est en cela que le président russe avait déjà reproché dans son discours du Valdaï en 2013 à l’Occident de renoncer à ses racines chrétiennes. Ce souverainisme est très en vogue en Russie, il est une composante importante de la contre-révolution de la Russie contre la Révolution communiste. C’est ce nouvel ordre mondial, multipolaire, que Poutine promeut. C’est en cela qu’il s’oppose à la domination mondialiste, unipolaire des USA.

    Suite et video

  • "La gauche a beaucoup à apprendre du Mai 68 conservateur"

    Gaël Brustier, qui n'est pas précisément un allié de la Manif pour tous, lui consacre tout un ouvrage aux éditions du Cerf : "Un Mai 68 conservateur". Quand d'autres ont dépensé leur énergie à minimiser, ridiculiser, insulter le mouvement, cet universitaire proche de la gauche observe la lame de fond et s'en inquiète. Extraits de l'interview qu'il a accordé à La Vie :

    "(...) LMPT serait révélatrice de « paniques morales », dites-vous. De quoi voulez-vous parler ?

    Je préfère utiliser l'expression anglaise moral panic, qui est un concept en sociologie forgé par Stanley Cohen. En français, il peut paraître péjoratif. Ce sont des réactions disproportionnées de la population à l'égard d'une attitude minoritaire jugée dangereuse pour l'ordre social. (...) Jusqu'à présent, elles concernaient surtout la présence de l'islam. Quant aux catholiques, ils ont réagi au mariage pour tous, qui bouleversait un ordre symbolique clairement établi. Leur réaction s'explique aussi par le fait que les milieux catholiques engagés avaient déjà été travaillés par une vraie réflexion sur le rapport de l'homme à son avenir, à la naissance, à l'euthanasie, à la GPA et aussi à l’emprise du marché sur la vie humaine.

    Ce qui a donné la puissance à LMPT ?

    Oui. C'est d'autant plus évident quand on se rend compte que ceux qui ont manifesté représentent surtout la France la plus catholique, la plus messalisante et la plus socialisée. Une de ses matrices fut la critique de ladite théorie du gender ainsi que la question de la filiation. Par ailleurs, ce monde catholique pratiquant a aussi eu besoin de faire entendre sa voix au sein du catholicisme.

    Vous dites que LMPT carrément est « l'enfant paradoxal » de Vatican II et de Mai 68.

    Oui, les deux sont liés. Certains pensaient que LMPT allait à l'encontre de Vatican II. Je pense au contraire que c'est Vatican II et même Mai 68, qui l'ont permise. Pourquoi ? Parce que les deux correspondent à une même logique : l'autonomisation de l'individu et la mutation de la pratique, y compris des chrétiens engagés. Le Concile non seulement permet à l'Eglise de s'adapter à la mutation, il répond aussi à une aspiration des individus à être plus libres, à aller plus à fond dans leur engagement, ce qui a été accentué par Mai 68.

    Ainsi les communautés nouvelles, auxquelles vous accordez un rôle prépondérant au sein de LMPT.

    (...) Dans LMPT, on retrouve leurs mécanismes, par exemple un fort investissement personnel, individualisé et démonstratif des militants. On y retrouve aussi le conservatisme philosophique sur les questions bioéthiques et la famille. Ces thématiques ont été brassées depuis très longtemps par les rencontres et les sessions du Renouveau charismatique. Concrètement, des milliers de personnes ont participé pendant des semaines à des sessions à Paray-le-Monial sous la houlette de la communauté de l'Emmanuel, qui est la plus importante dans son genre. Parmi ces catholiques, on retrouve surtout des jeunes. Ce ne sont pas des chrétiens passifs. Ils vivent l'évangélisation au quotidien et ils apprennent à s'exprimer en public. Toute cette matrice trouve sa concrétisation dans des diocèses comme ceux de Toulon et de Bayonne, où se trouvent respectivement Mgr Rey, issu de l'Emmanuel, et Mgr Aillet, de la communauté Saint-Martin. Les deux se sont impliqués dans le mouvement. Au total, on peut soutenir que LMPT illustre la mutation du catholicisme.

    (...) « La gauche a beaucoup à apprendre du Mai 68 conservateur » estimez-vous dans la dernière phrase du livre. C'est-à-dire ?

    La gauche a à apprendre ce qu’est le combat culturel. Elle me semble « faiblarde » par rapport aux nouveaux conservateurs qui se sont mobilisés parce qu’ils ont, eux, une vision du monde, qui va de la naissance – voire de la conception - à la mort de l'individu, voire au-delà. Ils expliquent que le social n’est pas fait que de marché, de discussions techniques sur l’économie et de politiques publiques.

    Certains, à gauche, partagent cette vision du monde et militent au sein de LMPT. Et d'ailleurs, celle-ci ne se définit pas comme un mouvement de droite.

    Bien sûr, mais la matrice idéologique de LMPT qui répond à la nouvelle configuration sociale aujourd’hui est inscrite dans une lignée de pensée conservatrice. Même si certains, à gauche, ont été influencés par ce mouvement. Par ailleurs, le propre d’un mouvement conservateur est de nier le clivage gauche-droite.

    On a l'impression que l'UMP y est particulièrement représentée. Est- ce exact?

    Oui, mais on y retrouve surtout ceux qui sont historiquement issus des familles UDF, plus que des familles RPR, qui s’est largement et très tôt déchristianisé. Beaucoup d'élus au sein du mouvement appartiennent à l'UDI. Certains militants sont frontistes. LMPT n'est pas un parti, mais un mouvement culturel, qui va essayer d'imposer ses thématiques, sa vision du monde et provoquer le consentement des gens. Dans l'immédiat, on peut constater que Sarkozy s'est inspiré dans ses discours des Veilleurs, un courant issu de LMPT. D’autre part, des cadres de l’UMP qui n’ont jamais été marqués par le catholicisme prennent soudainement la défense de ce mouvement. Ainsi Xavier Bertrand. Il dit maintenant qu’il reviendra sur le mariage pour tous. Même Alain Juppé fait des concessions. A travers Sens commun, associé à l'UMP, des jeunes issus de LMPT semblent vouloir faire de l'entrisme.

    En résumé, que dit LMPT sur notre pays?

    La France est plongée dans un état d’anxiété extrême. Dans le débat public, des solutions conservatrices sont avancées. Le pays est aujourd’hui plus enclin à écouter ce message qu’il y a quelques années. Ces conservateurs sont en position de domination culturelle. En ce qui concerne les catholiques français, on peut penser qu'il s'agit d'un paradoxe. On a l’impression que l’évolution prend une direction inverse au sein du Vatican, au vu du synode sur la famille, où les « progressistes » semblent avoir joué un rôle important. Mais la France a souvent cultivé sa particularité..."

    Louise Tudy

  • Jean-Marie Le Pen: «L’Union Européene est le Radeau de la Méduse»