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géopolitique - Page 629

  • A Moscou, Kirchner scelle son rapprochement avec Poutine par des accords dans l’énergie

    La présidente argentine, Cristina Kirchner (photo à Fête de la Patrie), a signé jeudi à Moscou une série d’accords ouvrant la voie à la participation d’entreprises russes à des projets dans le nucléaire, l’hydroélectricité et le gaz en Argentine, au moment où la Russie, en froid avec l’Occident, cherche à renforcer ses liens avec d’autres états non‑alignés.

    La Russie tente de se rapprocher de l’Amérique latine et d’y augmenter son influence depuis qu’elle a mis en place un embargo sur la majorité des produits alimentaires provenant de l’Union européenne et des Etats‑Unis, qui avaient adopté une série de sanctions contre Moscou en raison de la crise ukrainienne.

    Cristina Kirchner, qui se bat de son côté contre la justice des Etats‑Unis dans son litige l’opposant à deux fonds spéculatifs, affiche une proximité de vues avec Moscou.

    Arrivée à Moscou mardi, elle a souligné mercredi la force des liens entre l’Argentine et la Russie, qui entretiennent des relations diplomatiques depuis 130 ans.

    « Nous sommes deux pays qui, au-delà d’une longue histoire d’amitié, ont des économies complémentaires », a‑t‑elle déclaré, lors d’une rencontre avec des hommes d’affaires russes et argentins.

    http://fr.novopress.info/

  • Face aux massacres anti‑chrétiens de l’Etat islamique, la France ne réagit toujours pas

    Cette semaine, l’organisation islamiste a diffusé une nouvelle vidéo de propagande. On y montre d’abord la vie de dhimmi, c’est‑à‑dire de chrétiens vivants dans un pays islamique jouissant d’une très relative liberté en l’échange d’une taxe annuelle. La vidéo s’achève sur des images d’une dizaine de chrétiens éthiopiens abattus par balles, tandis que 16 autres ont été égorgés, dans une mise en scène similaire à celle des coptes ayant subi le même sort en février dernier. A la fin, l’un des bourreaux, tenant à la main un couteau encore ensanglanté, s’adresse aux chrétiens du monde entier en déclarant « L’Etat islamique va s’étendre par la permission d’Allah, et celui qui refuse, il n’aura que le tranchant de l’épée ». Les chrétiens de Libye n’en finissent plus de payer le prix de l’intervention désastreuse de Nicolas Sarkozy…

    …Et leur sort n’est guère plus enviable en Syrie et en Irak

    Ils continuent d’être persécutés par les islamistes, à qui la France a fourni des armes, comme l’a rappelé cette semaine le président Bachar al‑Assad dans un entretien pour France 2. On se demande si la France finira par se souvenir de ses racines chrétiennes, et s’engager vraiment pour venir en aide aux chrétiens d’Orient comme elle l’a toujours fait par le passé. Cela pourrait lui redonner de la crédibilité sur le plan international, qu’elle semble avoir bien perdu actuellement, à force de suivre servilement le grand frère américain, du moins aux dires de Bachar al‑Assad et Vladimir Poutine.

    http://fr.novopress.info/

  • Les sanctions unilatérales violent les accords internationaux

    Interview du professeur Alfred de Zayas, spécialiste du droit international, Genève*

    Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

    A la fin de sa session printanière, le président du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a nommé un rapporteur spécial pour mener des investigations au sujet des violations des droits de l’homme lors de mesures coercitives unilatérales (par exemple des sanctions économiques). Cette nomination fut précédée de longues années de débats concernant la mise en cause du droit international par de telles sanctions. (cf. «Horizons et débats» no 6/7 du 9 mars 2015) 
    Le spécialiste du droit international Alfred de Zayas explique dans l’interview ci-dessous à quel point des sanctions unilatérales portent atteinte au droit international.

    Horizons et débats: Dans votre rapport adressé au Conseil des droits de l’homme que vous avez déposé personnellement le 10 septembre 2014, vous mentionnez les mesures coercitives unilatérales, comme par exemple les sanctions économiques, comme étant non-pacifiques et pas en accord avec les objectifs et les principes des Nations Unies. Que vouliez-vous dire par là?

    Alfred de Zayas: Non seulement les mesures coercitives unilatérales, mais souvent aussi les mesures multilatérales, violent autant la lettre que l’esprit de la Charte des Nations Unies, notamment le Préambule et les articles 1 et 2. L’organisation repose sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres. Les sanctions unilatérales et les embargos violent de nombreux accords internationaux et «les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées» (Statuts de la Cour internationale de justice, art. 38).

    De quels principes de droit s’agit-il là?

    Ce sont notamment le principe de la souveraineté étatique, le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats, la liberté de commerce internationale et, entre autres, la liberté de navigation. En outre, elles violent des principes de droit international, pacta sunt servanda, car les sanctions et les embargos empêchent l’exécution de traités de droit international en vigueur. L’application extraterritoriale de lois nationales représente une nouvelle forme de colonialisme qui revient à l’usurpation de compétences, presque une sorte d’annexion d’autres juridictions par le biais de moyens d’extension de la juridiction nationale.

    Y a-t-il aussi des résolutions de l’ONU violées par les mesures coercitives unilatérales?

    Plusieurs résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU sont violées, entre autres la Résolution 2625 (du 24 octobre 1970) concernant les relations amicales et la coopération entre les Etats, dont le préambule stipule que les Etats ont l’obligation «de s’abstenir d’intervenir dans les affaires de tout autre Etat». C’est «une condition essentielle à remplir pour que les nations vivent en paix les unes avec les autres». En outre, ils ont le devoir «de s’abstenir, dans leurs relations internationales, d’user de contrainte d’ordre militaire, politique, économique ou autre, dirigée contre l’indépendance politique ou l’intégrité territoriale de tout Etat.»
    Et l’Assemblée générale de préciser: «Aucun Etat ni groupe d’Etats n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre Etat. En conséquence, non seulement l’intervention armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d’un Etat ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels, sont contraires au droit international. Aucun Etat ne peut appliquer ni encourager l’usage de mesures économiques, politiques ou de toute autre nature pour contraindre un autre Etat à subordonner l’exercice de ses droits souverains et pour obtenir de lui des avantages de quelque ordre que ce soit.»

    Que faut-il entendre par mesures de toute autre nature?

    Par exemple un «blocus des ports ou des côtes d’un Etat par les forces armées d’un autre Etat» représente une agression contre le droit international (Assemblée générale, Résolution 3314, article 3?c).

    Y a-t-il des prises de position de la communauté internationale à ce sujet?

    Les mesures coercitives unilatérales sont régulièrement désignées par la plupart des Etats comme étant contraires au droit international, comme par exemple dans les 23 résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU concernant l’embargo contre Cuba (cf. résolution 69/5 du 28 octobre 2014). A l’occasion de l’adoption de cette résolution – 188 Etats étaient en faveur, deux se sont opposés (USA et Israël) et 3 se sont abstenus – plusieurs Etats ont désigné l’embargo explicitement d’«illégal».

    C’est une majorité écrasante …

    Lors des débats devant l’Assemblée générale, les représentants du continent sud-américain ont tous soutenu Cuba. Au nom de la Communauté d’Etats latino-américains et caraïbes (CELAC), qui comprend les 33 pays des deux Amériques sauf les Etats-Unis et le Canada, l’ambassadeur du Costa Rica auprès de l’ONU, Juan Carlos Mendoza, a dénoncé l’effet ex-territorial des lois de blocus américaines dont sont concernés également des Etats tiers. «Les mesures unilatérales prises dans le contexte du blocus portent atteinte à de nombreuses entreprises qui, en accord avec le droit international, y compris les règles établies par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ont des relations commerciales avec Cuba.» Les représentants du Mouvement des Etats non-alignés ont également précisé que les sanctions contre Cuba étaient «illégales».

    Les Etats-Unis sont-ils l’acteur principal en matière de sanctions?

    Selon les informations du Trésor américain, les Etats Unis entretiennent actuellement 26 «Sanctions Programs» (www.treasury.gov/resource-center/sanctions/Programs).
    L’application ex-territoriale de lois nationales, tel par exemple le Helms-Burton Act du 12 mars 1996, violent également les droits de nombreux d’Etats tiers et ont souvent été condamnées par la communauté des Etats comme violant le droit international.

    Selon vos explications, il est évident que les sanctions unilatérales portent massivement atteinte au droit international.

    Oui, la question de leur illégalité est claire. Le problème reste de savoir comment le droit international peut être appliqué de façon effective. Jusqu’à présent, il n’y a pas de possibilité pour l’ONU de forcer l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité à se comporter en conformité avec le droit international. Ils ont une impunité de fait. 
    On pourrait toutefois lancer une procédure de réclamation d’un Etat auprès du Comité des droits de l’homme de l’ONU, selon l’article 41 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ce qui forcerait l’ONU à prendre la chose en main, au moins pour discuter la situation et trancher, même si rien ne change. Une condamnation a quand même une certaine valeur morale.

    Quelles normes relatives aux droits de l’homme peuvent être violées par des sanctions?

    Le droit à la vie (article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Les sanctions contre l’Irak, l’Iran, Cuba, le Soudan, le Venezuela, le Zimbabwe, etc. ont aggravé la situation de l’approvisionnement dans ces pays. Des gens sont morts par manque de nourriture, d’eau potable, de soins médicaux et de médicaments. Par ailleurs, l’exercice des droits économiques et sociaux, protégé par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, se voit ainsi bafoué. Les sanctions peuvent également être en violation des Conventions de Genève et d’autres traités de droit international humanitaire.

    Dans ce cas, les nouvelles sanctions contre la Russie sont également problématiques?

    Une décision juridique éclairante sur cette question serait souhaitable comme, par exemple, un avis de la Cour internationale de justice conformément à l’art. 96 de la Charte des Nations Unies. Cela serait utile pour l’analyse plus détaillée des divers aspects des sanctions et de leurs implications pour les droits de l’homme.

    Si les sanctions sont illégales, qu’est-ce que cela signifie pour les Etats qui les soutiennent?

    Il en naît le devoir de se racheter, en particulier lorsque les droits de l’homme sont violés; quand, par exemple, les sanctions mènent à une famine, à l’utilisation de la force, à une immigration de masse ou au nettoyage ethnique. Selon le principe erga omnes (concernant tous les Etats), les Etats n’ont pas le droit de reconnaître les violations du droit par d’autres Etats ou d’y apporter un quelconque soutien, par exemple financier. Mais comme je l’ai dit ci-dessus, le droit international n’est pas automatiquement mis en application. Pour cela, nous avons besoin de la volonté politique de la communauté internationale. Mais hélas, la solidarité internationale n’est pas coutume et la plupart des medias jouent le jeu des puissants.

    Quand peut-on dire que des sanctions sont «légales»? Cette notion ne se cristallise-t-elle pas toujours dans une zone grise?

    Bien qu’il existe de nombreuses «zones grises» dans le droit international, la situation est un peu plus claire ici. Conformément à l’article 41 de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité peut imposer des sanctions économiques, mais seulement après s’être assuré, sous l’égide de l’article 39 de la Charte, que la paix a été compromise. Celles-ci ont été utilisées avec succès par exemple dans la lutte contre le colonialisme, le racisme et l’apartheid en Rhodésie/Zimbabwe et en Afrique du Sud.
    Un embargo sur les armes pourrait être absolument légal si le but final est de promouvoir la paix et de permettre une solution diplomatique à un conflit. Un embargo sur les armes devrait être imposé à toutes les parties d’un conflit, et la communauté internationale doit s’engager activement pour un cessez-le-feu et des négociations de bonne foi. Mais la plupart des sanctions ne sont pas efficaces ou s’avèrent même contre-productives. Les sanctions par le Conseil de sécurité des Nations Unies peuvent dégrader considérablement non seulement la situation des droits de l’homme dans un Etat, mais aussi faciliter ou y mener à la corruption et à la criminalité.

    Qu’est ce qu’on peut dire en conclusion jusqu’à présent?

    Tout régime de sanctions – unilatéral ou multilatéral – doit être soumis aux contrôles réguliers et sa conformité avec le droit international doit être jugé par un système légal compétent. En outre, il ne suffit pas que les sanctions soient juridiquement légales; elles doivent également poursuivre un but concis, légitime, servir la paix et respecter le principe de proportionnalité. Les régimes de sanctions doivent être vérifiés régulièrement – et s’ils violent les droits humains et n’apportent aucun effet positif, ils doivent être supprimés. Dans un monde globalisé, les sanctions ne peuvent être imposées en raison d’intérêts géopolitiques ou économiques, et si elles blessent les droits des personnes et des Etats, c’est alors qu’émerge pour l’émetteur le devoir de compensation adéquate envers les victimes de ces sanctions.

    Quels sont les derniers développements sur cette question à l’ONU?

    En mai 2014, le Conseil des droits de l’homme a organisé une conférence sur les sanctions unilatérales et multilatérales, à laquelle j’ai participé activement. Denis Halliday, ancien coordinateur humanitaire en Irak, y a dénoncé les sanctions insensées contre l’Irak de 1991 à 2003, ayant coûté la vie à plus d’un million de personnes. Le rapport de cet atelier a été discuté lors de la 27e session du Conseil des droits de l’homme en septembre 2014. Par la suite, le Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a été invité à réaliser une étude et à préparer des recommandations, qui viennent maintenant d’être présentées au Conseil dans sa 28e session. Le 28 mars, en outre, Idriss Jazairy (ancien Ambassadeur de l’Algérie auprès des Nations Unies) a été nommé Rapporteur spécial sur les conséquences négatives des mesures coercitives unilatérales par rapport aux droits de l’homme.

    Sinon, que peut-on faire contre de telles sanctions?

    Les médias doivent également participer. Dans la plupart des cas, les populations ne savent pas quels crimes sont commis en leur nom, quelles mesures nos Etats prennent, causant alors des conséquences terribles pour les populations d’autres pays. Il est aussi de notre responsabilité, en tant que citoyens, de protester là-contre: «Pas en notre nom!» Le 19 mars 2015 a eu lieu une réunion scientifique à Londres, où j’ai participé avec plusieurs professeurs d’Oxford, de Londres, de Paris, etc. Le consensus était que les régimes de sanctions soulèvent davantage de problèmes qu’ils ne peuvent en résoudre et que le dialogue et la médiation de l’ONU sont meilleurs que des mesures punitives affectant principalement les populations civiles et causant beaucoup de souffrances.

    Monsieur le Professeur, merci beaucoup de cette interview.    

    (Interview réalisée par Thomas Kaiser)

    *    La conversation correspond à l’opinion personnelle  du professeur de Zayas et n’a pas été officiellement tenue en sa qualité de Rapporteur spécial. 
    Cf. www.alfreddezayas.com et  http://dezayasalfred.wordpress.com

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Une guerre civile occultée en Libye

    De février à octobre 2011 a eu lieu ce qui a été couramment qualifié par les média du Système de « Guerre de Libye », c'est-à-dire la lutte entre l'armée officielle et les services de sécurité du régime du colonel Kadhafi, et divers groupes de rebelles armés. Ces derniers, très divisés et militairement peu professionnels, auraient été balayés dès le mois de mars sans le soutien aérien, logistique, et même au sol — via les forces spéciales — massive des pays de l’Otan, avec en pointe la France de Sarkozy et le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ainsi que le Qatar. Les foyers de rébellion ont été principalement la Cyrénaïque, la grande province historique orientale de la Libye, opposée à l'occidentale, la Tripolitaine. Puis au sein même de la province occidentale, globalement fidèle à Kadhafi, ont basculé dans l'insurrection les tribus berbères de l'Ouest de la Tripolitaine, par opposition à l'arabisation forcée, ou encore la ville arabe de Misrata, probablement par islamisme radical.

    LE RENVERSEMENT CRIMINEL DE KADHAFI, IL Y A TROIS ANS

    Le colonel Kadhafi, au pouvoir depuis 1967, après le renversement de la monarchie sénoussite originaire de Cyrénaïque, d'où une rancune très durable des populations locales, avait donc gouverné la Libye, jusqu'en 2011. Il avait assuré, au prix d'une dictature certes pas particulièrement douce, la paix civile en Libye. Dans les années 2000, il avait su assurer une certaine prospérité, du fait d'une gestion plutôt avisée globalement des recettes des hydrocarbures, à opposer à la gabegie algérienne. Toutefois la République des Masses n'a pas tout à fait été exempte de quelques coûteuses fantaisies, ou négligences dans les infrastructures. Ainsi ont été gaspillées des nappes d'eau fossiles pour une agriculture dans le désert. De même a toujours manqué une voie ferrée côtière.

    Kadhafi avait inventé un socialisme et un islamisme très personnels mais indiscutables, unifiés symboliquement dans ses concepts de « Révolution Verte » et « d'Etat des Masses ». Ils ont été l'objet d'ailleurs de variations significatives dans le temps, dont des combinaisons avec le panarabisme puis le panafricanisme, ou le soutien à de multiples organisations terroristes d'extrême-gauche dans les années 1970-80, au nom de la solidarité socialiste. Il avait invité solennellement à d'innombrables reprises les peuples européens à se repentir des supposés "crimes" du colonialisme, et à se convertir à l'Islam. Ainsi, il n'inspirait strictement aucune sympathie au nationaliste français d'extrême-droite. Il reste difficile de ne pas voir en Kadhafi un ennemi constant de l'Occident blanc et chrétien. A quoi s'ajoutait un rôle durable de perturbateur de l'Afrique, par un soutien à de multiples rébellions dans les pays voisins, sans plan cohérent à long terme, en particulier le Tchad, le Niger, le Mali, et au-delà.

    Tout ceci n'empêche pas de constater la légèreté, l'inélégance et, disons-le, la sauvagerie avec lesquelles a été conduites son renversement Une guerre doit s'accomplir suivant un programme politique clair, constitue le prolongement d'une vision politique construite, en paraphrasant Clausewitz, impliquant un projet et des acteurs mobilisés, conscients, motivés. Or, après pourtant le désastre de l'expédition américaine en Irak de 2003 et ses suites, il n'en a rien été, avec un résultat semblable, sauf à considérer qu'a été délibérément mise en place en Irak comme en Libye une stratégie du chaos. En Libye aussi a succédé au dictateur un vide politique, que tentent de remplir sans y parvenir depuis trois ans de multiples acteurs antagonistes.

    UNE GUERRE CIVILE CONTINUE DEPUIS 2011

    La disparition de Kadhafi, assassiné quelques heures après sa capture en octobre 2011, a été suivie d'une accalmie provisoire des combats à l'hiver 2011-2012, accompagnée d'une tentative de gouvernement de coalition entre tous les vainqueurs, et d'élections à peu près libres. Ces dernières n'ont certes pas vu le triomphe des candidats islamistes les plus excités, de la mouvance salafiste, mais la victoire d'une mosaïque de candidats élus sur des critères tribaux, chaque tribu votant pour l'un des siens ; à l'exclusion des Berbères, et encore, tous participent d'un conservatisme islamique tel que le qualificatif d'islamiste ne serait pas malgré tout usurpé ; ces députés, pour une fois d'accord, ont d'ailleurs voté l'instauration de la charia, loi islamique en Libye en décembre 2013. Si la Libye est composée à 100 % ou quasiment de musulmans, son territoire est divisé entre ethnies rivales.

    Les Arabes sont de loin les plus nombreux, de l'ordre de 85 à 90 % de la population, présents sur toutes les côtes, et aussi une partie de l'immense désert intérieur. Mais s'opposent clairement entre eux Arabes de Tripolitaine, au dialecte arabe tunisien, et Arabes de Cyrénaïque, au dialecte arabe égyptien. Ils ont connu des histoires différentes entre la conquête arabe au VIIe siècle et la conquête turque-ottomane au XVIe siècle, les rattachant soit à Tunis, soit au Caire. Les Berbères de l'Ouest de la Tripolitaine, dans les montagnes, s'opposent aux Arabes de la plaine côtière. La troisième grande province historique de la Libye, purement désertique, ponctuée d'oasis, le Fezzan, voit s'affronter trois ethnies majeures, Arabes au Nord, Touaregs, des Berbères sahariens, au Sud-Ouest, Toubous, des Noirs soudanais, au Sud-Est. Les Toubous s'étendent aussi sur le tiers méridional désertique de la Cyrénaïque, et le Nord du Tchad. Depuis trois ans, les ethnies présentes en Libye s'affrontent durement, avec des massacres significatifs réguliers, de plusieurs milliers de morts au total, et il en résulte des mouvements significatifs de population, les minoritaires fuyant le territoire contrôlé par l'adversaire majoritaire, le plus souvent vainqueur.

    Cette guerre se complique par les rivalités sanglantes entre tribus, au sein de la même ethnie ou de la même région, suivant des rivalités ancestrales ravivées, ou des intérêts récents, comme le contrôle des puits de pétrole et des oléoducs, ou des voies de trafic transsahariens, de marchandises de contrebande, de drogue, d'armes, d'êtres humains, c'est-à-dire les clandestins qui s'échouent à Lampedusa, en attendant la France. A quoi s'ajoute encore la pression des islamistes les plus purs, djihadistes salafistes, équivalents de ceux du Califat Islamique en Irak et en Syrie, qui estiment ce chaos libyen lamentable — constat indéniable —, et l'expliquent par l'insuffisance de la piété islamique, laquelle permettrait de restaurer la concorde. Certains avouent plus ou moins pour modèle les Tribunaux Islamiques Somaliens des années 2000, ou les Talibans afghans des années 1990, qui avaient réussi à établir une forme de paix, au prix de la dictature de la charia dans toute sa dureté — amputations judiciaires, lapidations systématiques, etc. —. Les salafistes contrôlent actuellement Syrte, au cœur du territoire de la tribu de feu Kadhafi, en Tripolitaine, ainsi que Derna. Ils viennent de se rassembler dans la confédération de « Fajr Libya » ou « Aube Libyenne », avec comme élément d'élite les milices salafistes de Misrata. Ces salafistes ont pris en juillet 2014 Benghazi, et en août Tripoli, capitales de la Cyrénaïque et de la Tripolitaine. Ils développent un projet de réunification de la Libye autour d'une vision de la société wahhabite, avec le soutien financier du Qatar. Ils disposent de chances sérieuses de réussite.

    Les salafistes sont aussi présents de manière diffuse dans tout le territoire libyen, dont des repères difficilement accessibles du Fezzan. De là, ils soutiennent leurs frères d'arme en lutte contre le Niger voisin et le Mali proche, soit désormais aussi l'armée française, engagée là encore fort légèrement dans la longue durée, si loin des quelques semaines ou quelques mois tout au plus promis par François Hollande en janvier 2013. Des insurgés touaregs ont repris Kidal en mai 2014, chassant l'armée malienne ; les forces françaises essaient de négocier un compromis bancal plutôt que de lancer un assaut potentiellement très coûteux en vies humaines.

    LES INTERVENTIONS ÉTRANGÈRES INAVOUÉES, EXISTANTES OU ENVISAGÉES

    L'échec de l'Otan en 2011 s'avère donc total. Le gouvernement libyen théorique a fui Tripoli. Les recettes pétrolières s'effondrent du fait du chaos ambiant, d'où des conséquences économiques et sociales très douloureuses pour une économie surtout rentière. Le seul point positif pour les libyens est que les 1 à 2 millions d'immigrés noirs subsahariens importés par Kadhafi, dans sa dernière phase politique panafricaniste, sont majoritairement partis. Beaucoup sont rentrés chez eux, dans les pays noirs voisins, beaucoup sont aujourd'hui en Europe, ou sur le chemin via la Tunisie. Dans le relatif abandon populaire en 2011 du Guide, sa promotion de l'immigration-invasion de la Libye, très impopulaire, a joué un rôle essentiel.

    La seule des trois provinces historiques à ne pas avoir sombré pour l'instant dans le chaos total, est celle de Cyrénaïque, à l'Est Le gouvernement autonomiste local revendique de plus en plus nettement l'indépendance, ou quasiment, dans une confédération libyenne vidée de toute réalité, et avec un entier contrôle des ressources pétrolières. Or les principaux gisements libyens se situent en Cyrénaïque. Son indépendance constituerait un coup économique très dur pour la Tripolitaine. Toutefois, les sécessionnistes de Cyrénaïque ont été obligés d'évacuer Benghazi, leur capitale, devant la pression salafiste de l'Aube libyenne cet été. Curieusement le gouvernement central fantôme a trouvé refuge aussi dans la province orientale, à Tobrouk.

    La France interviendrait déjà actuellement en Libye. A partir de l'aéroport aux pistes refaites ces derniers mois à nos frais évidemment — de Niamey, capitale du Niger, sont menées des missions de reconnaissance aérienne du Fezzan, en complément de la reconnaissance satellitaire. Des débarquements en force américains en Cyrénaïque ou une intervention terrestre franco-tchadienne au Fezzan auraient été annulées cet été du fait de l'absence totale de soutien des opinions publiques, difficiles à manipuler à nouveau après l'échec total précédent, ou de toute perspective politique claire, prudence de bon aloi qui eût été fort salutaire il y a trois ans. L'armée française vient d'installer une base avancée, au Nord du Niger, à Madama, petite oasis au cœur du désert, surtout à seulement 200 kilomètres de la frontière libyenne. La seule utilité est d'organiser depuis ce point des raids des forces spéciales dans le Fezzan libyen, probablement à venir. Dans le cadre de "Barkhane", l'opération de long terme de stabilisation du Mali, qui échoue d'ailleurs comme l'illustre le cas de Kidal, des centaines seulement de soldats français sont dispersés sur des millions de kilomètres carrés de déserts, de l'Atlantique au Lac Tchad, ce qui multiplie les occasions d'embuscades catastrophiques, et ce qui reste un effectif trop faible pour sécuriser de telles immensités. La Mauritanie, le Mali, le Niger demeurent plus vulnérables que jamais face à des raids djihadistes salafistes sahariens, voire face à de franches invasions de milliers de guerriers coraniques déterminés.

    En Libye, il semble qu'une solution de rechange  soit  privilégiée, inavouable officiellement, celle d'un coup d'Etat militaire à Benghazi et Tripoli, avec des forces locales très aidées de l'extérieur : ainsi s'expliquerait l'action du général Khalifa Haftar, en cours depuis la mi-mai 2014, qui a échoué. Le général Khalifa Haftar avait été recruté par la CIA dès les années 1980, dans le cadre de projets terrestres d'invasion de la Libye de Kadhafi à partir du Tchad, à l'époque du président Reagan  (1981-1989). Il s'appuyait sur une armée libyenne "libre" fort réduite, d'où peut-être la non exécution de la manœuvre alors envisagée. Il pourrait servir aujourd'hui de dictateur militaire "présentable", un peu comme al-Sissi en Egypte, sur la Cyrénaïque à défaut de l'ensemble de la Libye. Mais ses partisans reculent nettement sur le terrain actuellement.

    Le Qatar, acteur essentiel trop oublié en Occident du renversement de Kadhafi, par son financement des rebelles et l'action de ses forces spéciales au sol, continue à intervenir massivement en Libye, à travers le soutien aux mouvements armés salafistes de l'Aube Libyenne. L'Arabie Séoudite, ancien soutien des salafistes, n'a plus de politique lisible aujourd'hui. Les sécessionnistes de Cyrénaïque, s'avèrent, dans leur projet sociétal, proches des Frères Musulmans égyptiens, à ne pas confondre avec leurs frères ennemis islamistes sunnites salafistes. Il en résulte la méfiance des autorités militaires égyptiennes actuelles.

    Le maréchal-président Al-Sissi serait tenté d'intervenir, militairement, afin d'empêcher la constitution d'une base arrière pour les Frères Musulmans égyptiens en lutte contre son pouvoir et pour renforcer son prestige. En effet, comme l'armée égyptienne a perdu toutes ses guerres depuis 1&8-49, il pourrait devenir le premier conquérant depuis des temps anciens, et éventuellement annexer la Cyrénaïque, très vieille revendication territoriale égyptienne, et province riche en pétrole. En outre, une telle invasion égyptienne à l'Ouest formerait une diversion efficace face aux critiques populaires contre sa passivité à l'Est concernant la nouvelle invasion sioniste de Gaza de juillet-août 2014. Après le Kossovo, ou la Crimée, pourquoi pas la Cyrénaïque ? L'occasion paraît exceptionnelle historiquement car ni Moscou ni Washington ne s'opposeraient concrètement à une telle invasion, ou même à une annexion, à défaut de l'approuver officiellement

    DES PERSPECTIVES INQUIÉTANTES

    L'avenir de la Libye paraît donc plus sombre que jamais, suivant une logique d'affrontements permanents, qui pourrait conduire soit à l'éclatement du pays suivant les trois grandes provinces historiques du Fezzan, de Tripolitaine, de Cyrénaïque, soit à une réunification unitaire autour des salafistes de l'Aube Libyenne. Les élections de juillet 2014, surréalistes, ont abouti à une assemblée des plus douteuses, reconnues par personne ou presque. Voter ne résout pas tous les problèmes, évidemment. Chacun des deux scénarios pourrait entraîner des interventions régionales ou internationales, source peut-être de davantage de problèmes que de solutions encore. Et ce chaos libyen contamine les Etats voisins.

     

    S. de S. Rivarol du 6 novembre 2015

  • Le courage de nos frères chrétiens d'Orient nous engage

    L'Abbé Pierre-Hervé Grosjean est interrogé par Valeurs Actuelles :

    "Manuel Valls et Bernard Cazeneuve ont récemment évoqué pour la première fois les menaces qui pèsent sur les chrétiens en France, est-ce une bonne chose d’en parler ?

    C'est la même haine qui massacre nos frères chrétiens en Irak, en Égypte, au Kenya ou en Libye et qui veut aujourd'hui nous viser en France. Pourquoi faudrait-il le taire ? Il faut au contraire prendre conscience qu'à travers les chrétiens, c'est une certaine "vision de l'homme, une vision de la vie collective" qui est visée, comme le disait le Cardinal Vingt-Trois. Cette vision, les terroristes veulent la nier, répandant ici et ailleurs la violence, la division, la mort. Le message de Paix que porte l'Evangile leur est insupportable. Raison de plus pour le proclamer et continuer à le transmettre ! [...]

    Les chrétiens doivent-ils faire plus attention ?

    Ces barbares terroristes veulent nous faire vivre dans la peur... Ne leur donnons pas ce plaisir. La meilleure réponse à leur haine est d'être encore plus nombreux à prier dans nos églises ! S'ils provoquent malgré eux notre réveil, un regain de ferveur chez les chrétiens, et l'unité de tous les français dans ce combat contre leur haine et pour la paix, ils auront tout perdu, quels que soient les coups qu'ils pourraient nous porter. Vigilance, oui. Peur, non. Le courage de nos frères chrétiens d'Orient, bien plus touchés pour l'instant, nous engage !"

    Michel Janva

  • La banque mondiale déporte et affame des millions de gens

    Les programmes de la Banque mondiale, qu’ils prétextent de la lutte contre le réchauffement climatique et la mise en œuvre des crédits carbone ou du développement, ou qu’ils correspondent à des contrats d’affaires bien juteux pour certains, ont conduit à l’éviction, la déportation, et la perte des moyens de subsistance de 3,5 millions de personnes parmi les plus pauvres de la planète. C’est ce qu’affirme l’International Consortium of Investigative Journalists qui tire ces chiffres des documents de la Banque mondiale elle-même.

    Déportation de millions de pauvres

    Ces données, incontestables puisqu’elles émanent des sources de la Banque mondiale, indiquent que les Asiatiques et les Africains sont les premiers à subir les effets néfastes de sa politique de « développement ». En Asie, trois millions de personnes ont perdu leur toit ou ont été déplacées, dont un million en Chine communiste et un autre million au Vietnam. En Afrique, près de 500.000 personnes ont été déplacées. Sur les autres continents, le nombre des victimes s’élève à quelques dizaines de milliers.

     

    Les données de la Banque mondiale montrent que les personnes déplacées ne reçoivent pas de compensation

    Les documents de la Banque mondiale sont incomplets et peu précis : ils ne permettent notamment pas de savoir si les personnes déplacées ont obtenu ou non une compensation, et encore moins si celle-ci correspondait au préjudice subi.

    L’étendue du préjudice n’est pas non plus précisée par les données relevées par la Banque mondiale : les victimes ont-ils perdu une part de leur terre ou de leurs biens, ou leur a-t-on tout pris ? La Banque mondiale « évite » en principe, lorsque c’est « possible » selon ses propres dires, la saisie de biens ou le déplacement des personnes concernées.

    Mais les habitants de bidonvilles, les petits fermiers pauvres, les pêcheurs, habitants des forêts et autres indigènes le plus souvent coupés du monde et des médias n’ont pas été à l’abri de ces pratiques. Un ancien responsable de la Banque mondiale, Navin Rai, a ainsi indiqué que les directives, pour laxistes qu’elles soient, n’ont pas été systématiquement suivies d’effet : « Il n’y avait souvent aucune intention de la part des gouvernements de s’y conformer, et souvent aucune intention de la part des responsables exécutifs de la Banque de les faire respecter », a-t-il déclaré. C’est lui qui était chargé, entre 2000 et 2012, de surveiller la mise en œuvre de ces protections… « C’est ainsi que l’on jouait ce jeu », a-t-il dit selon le consortium de journalistes.

    Des millions de pauvres condamnés à la misère par des programmes de la Banque mondiale

    Jim Yong Kim a reconnu en mars dernier que la Banque a évalué sa propre pratique de « ré-établissement » des personnes déplacées à la faveur de ses programmes et qu’elle s’est révélée défaillante : « Cela m’a beaucoup inquiété », a-t-il dit, avouant que l’organisation mondiale n’a pas fait assez pour surveiller les projets impliquant des déplacements de population.

    Si la Banque mondiale s’est – du coup – engagée à mieux se comporter à l’avenir dans ce domaine, des militants des droits de l’homme comme Jessica Evans de Human Rights Watch observe que rien n’est prévu pour vérifier la situation des personnes déjà lésées par des programmes en cours, ni même pour les identifier.

    Le Huffington Post donne l’exemple de l’éviction de centaines de personnes d’un bidonville de Lagos, au Nigeria, par 100 policiers armés qui les ont évacués sous la menace avant de détruire leurs baraques, sans même leur donner le temps d’y récupérer leurs biens. Aucune compensation n’a été donnée. La zone est vouée à la « rénovation urbaine » financée par la Banque mondiale.

    Celle-ci est également accusée de « corruption » : des organisations de défense des indigènes pointent ainsi sa propension à mettre en place des projets de destruction des zones d’habitation pour y planter des forêts qui rapportent aux industries des pays développés les « crédits carbone » aux retombées financières intéressantes.

    Reinformation.tv

    http://www.contre-info.com/la-banque-mondiale-deporte-et-affame-des-millions-de-gens#more-37642

  • Attaque sous faux drapeau, Un Message aux Musulmans Français - Sheikh Imran Hosein - 13 Janvier 2015

  • Politico, un nouvel outil d’influence de Washington débarque à Bruxelles

    L’un des médias les plus influents outre-Atlantique a ouvert son antenne bruxelloise. Politico, c’est côté pile un journalisme de qualité, fait de scoops et d’analyses pénétrantes. Côté face se cache une myriade de lettres professionnelles, autant d’agents d’influence au service des multinationales yankees et de l’ultralibéralisme.

    Le magazine en ligne qui fait trembler le Tout-Washington s’implante à Bruxelles.Politico, fort de ses huit ans d’existence, de ses 7 millions de visiteurs uniques mensuels, d’une version papier diffusée à 35 000 exemplaires et de ses 320 salariés va venir scruter et décrypter les arcanes de la politique européenne. Fondé en 2007 par deux signatures du service politique du prestigieux quotidien The Washington Post, John Harris et Jim VandeHei, le média s’est imposé par ses scoops, la qualité de ses informations et sa lettre matinale sur les coulisses de la politique américaine,Playbook, scrutée avec attention par toute la classe politico-médiatique américaine. La bonne nouvelle, c’est que l’on peut compter sur le professionnalisme et la qualité des journalistes recrutés par Politico pour nous dévoiler les coulisses de la Commission, que nos journalistes habituels laissent volontiers dans l’ombre, par ignorance ou complicité. D’ailleurs, l’ambition affichée du titre est de devenir la référence des décideurs européens et de détrôner ainsi The Financial Times.

    Journalisme de qualité… mais connoté “conservateur”

    La moins bonne nouvelle, c’est que Politico, bien qu’il s’en défende, est tout sauf neutre. La Maison-Blanche et des démocrates, régulièrement épinglés par la rédaction en savent quelque chose. Son PDG, Frederick J. Ryan, fut en effet un proche collaborateur de Ronald Reagan pendant toute sa carrière. Et la branche européenne du média est montée en collaboration avec le groupe de médias allemand Axel Springer, dont les titres phares, Die Welt et surtout Bild, sont classés du côté de la droite eurosceptique. De même, Ryan Heath, responsable du pendant bruxellois de Playbook, est un technocrate, ancien porte-parole l’ultralibérale néerlandaise Neelie Kroes, l’ex-commissaire responsable de la Concurrence puis du Numérique sous Barroso.

    Voilà pour le contexte politique, mais le plus gênant n’est pourtant pas encore là. En effet, Politico tire 40 % de ses revenus de lettres professionnelles, qui couvrent aux USA 14 secteurs, de l’agriculture, aux services financiers, en passant par les transports. La division européenne de Politico Pro proposera « trois thématiques, les mêmes qu’aux États-Unis à nos débuts : l’énergie, les technologies et la santé. Le prix d’un abonnement se situe en moyenne autour de 7000 dollars par an, en fonction du profil de l’abonné et du nombre de lecteurs », explique Shéhérazade Semsar, directrice générale de Politico Europe.

    Implanté à la demande des multinationales US

    Selon The Center for Responsive Politics, les lobbies ont dépensé outre-Atlantique 3,2 milliards de dollars l’an dernier afin d’influencer les décisions des élus. À Bruxelles, les trois plus grands lobbyistes sont actuellement Philip MorrisExxon Mobil et Microsoft. Est-ce un hasard si ces multinationales américaines travaillent justement dans les secteurs-clés cités par Shéhérazade Semsar ? « Ce sont nos abonnés, nos annonceurs qui nous ont demandé de venir nous installer ici », explique John Harris. Cela a le mérite d’être clair, les transnationales Yankees ont besoin de relais d’influence de ce côté de l’Atlantique. Politico se défend pourtant d’être un bras armé des groupes américains, ce qui reviendrait à se couper de la clientèle des grandes sociétés européennes.

    Mais, au-delà de la concurrence commerciale qu’ils se livrent, les objectifs stratégiques de ces groupes transnationaux diffèrent-ils ? Qu’ils soient basés sur les rives du Pacifique, de ce côté de l’Atlantique ou de l’autre, tous visent à saper les identités et les réglementations nationales qui constituent autant de barrières au grand marché mondial composé d’individus acculturés, hors-sol, malléables aux sirènes de la consommation à outrance. À l’heure des négociations sur le projet de traité de libre-échange transatlantique (TTIP) entre les États-Unis et l’Union européenne, qui vise à harmoniser (sur des bases américaines) les normes relatives aux exportations, droits de douane ou à la résolution de conflits commerciaux devant des tribunaux, l’arrivée de cet agent d’influence majeur de l’ultralibéralisme américain ne doit laisser personne indifférent.

    http://fr.novopress.info/186139/nouvel-outil-dinfluence-washington-debarque-bruxelles/

  • Quatre livres concernant l’Ukraine, la Russie et l’Occident

    Ce ne sont pas seulement quelques sites Internet et des petits éditeurs alternatifs mais également un certain nombre de maisons d’éditions qui se sont décidées de fournir des informations critiques complémentaires aux contributions usuelles des médias sur l’Ukraine, la Russie et l’Occident. Nous présentons brièvement quatre d’entre eux, en en conseillant la lecture, car il ne suffit pas de les recommander. Malheureusement, il n’y a pour le moment pas de traductions françaises sur le marché.

    Krone-Schmalz: comprendre la Russie

    Ce livre, paru il y a quelques semaines, ayant rencontré un important écho, est le premier à recommander. «Comprendre la Russie. La lutte concernant l’Ukraine et l’arrogance de l’Ouest» est l’unique livre à avoir été publié par une maison d’édition allemande importante. L’auteure est Gabriele Krone-Schmalz, ancienne correspondante allemande bien connue, de la première chaîne de télévision allemande ARD. Actuellement, elle est professeure de TV et de journalisme et membre du comité directeur du Dialogue de Saint-Pétersbourg. Son nouveau livre occupe la deuxième place de la liste des meilleures ventes de la revue Der Spiegel. 
    Mme Krone-Schmalz, journaliste corps et âme, est sidérée par la façon dont les médias allemands informent sur la Russie. L’obligation de diligence et les principes de l’éthique journalistiques sont violés de manière fondamentale. Mme Krone-Schmalz le démontre par de nombreux exemples, pas seulement depuis la crise ukrainienne, et confirme ce que le Conseil consultatif de l’ARD lui-même, avait constaté en été 2014: «A la suite de ses observations, les reportages de la première chaîne de télévision concernant la crise en Ukraine donnaient l’impression, du moins partiellement, de parti pris s’orientant essentiellement contre la Russie et les prises de positions de ce pays. […] Des constats fondamentaux pour comprendre les tenants et les aboutissants du développement de cette crise n’apparaissaient pas dans les reportages ou n’étaient qu’à peine évoqués.»
    Mais le livre «Comprendre la Russie» est beaucoup plus qu’un débat sur la façon des médias occidentaux de traiter le sujet. C’est même plus que les excellents conseils donnés à la fin du livre pour illustrer ce que pourrait être un véritable reportage. Le livre respecte son titre en tentant de faire comprendre la position russe au lecteur de langue allemande. Et réfléchir à une phrase comme celle tirée de l’avant-dernier chapitre, est vraiment judicieux: «Si l’on avait pris au sérieux à temps les intérêts russes et si l’on avait choisi une attitude coopérative plutôt qu’agressive, il n’y aurait pas eu de morts et de blessés, de personnes traumatisées, ruinées et en fuite.»
    Dans les chapitres «L’Ukraine, la Russie et l’Occident» ainsi que «Le combat pour l’Ukraine», elle rappelle soigneusement les faits ayant mené le pays depuis 1991 à la situation actuelle.

    Espoirs déçus – chances manquées

    Les chapitres «Espoirs déçus – chances manquées» et «L’idée de la paix» sont particulièrement marquants. Mme Krone-Schmalz met en relief les réussites de la direction du pays au temps de l’Union soviétique dans la deuxième moitié des années 80 en précisant que «Ce fut une réussite particulière de mener l’Union soviétique à l’effondrement sans faire couler la moindre goutte de sang. Mais au lieu de soutenir ce processus, on renvoya cette partie du monde vers le néant.» La Russie n’obtint «aucune chance de repartir avec quelque succès et se trouva en butte aux feux croisés de la ‹communauté internationale› qui voulait à tout prix imposer ses règles à cette partie du monde.»
    Mme Krone-Schmalz rappelle une fois de plus la confiance initiale de la Russie envers l’Occident, après 1991 et combien cette confiance fut bafouée, transformée en humiliation et pillage du pays, en lui refusant toute égalité politique et économique, réduisant ainsi la confiance à néant: «Les gens devaient affronter un capitalisme sauvage et non pas bénéficier de l’économie sociale de marché qui aurait permis un passage en douceur. […] La situation avait pris un caractère pervers du fait qu’on n’osait pas introduire des mesures de protection sociale en Russie, de crainte que l’Occident n’y voie une renaissance du socialisme ou du communisme et se retire entièrement.»

    Poutine a cherché la collaboration avec l’Occident mais n’a pas été pris au sérieux

    Lorsque Vladimir Poutine fut nommé président du pays, son objectif était de remettre le pays sur pied, et cela en collaboration avec l’Occident. Mais toutes ses propositions pour une collaboration plus intense et plus étroite furent ignorées: «Poutine fut un des premiers à parler d’un monde multipolaire et d’un ‹Espace commun de sécurité› de Vladivostok à Vancouver. Mais ni l’une ni l’autre de ces propositions ne fut retenue, ce qui lui aurait donné l’impression d’être entendu.» Finalement: «La longue série de refus occidentaux et d’ignorance parfaite des intérêts russes est comprise du côté russe de la manière suivante: l’OTAN bombarde la Yougoslavie, donc la Serbie, à la fin des années 90, bien que la Russie ait protesté là-contre au Conseil de sécurité; les Etats-Unis et la Grande-Bretagne lancent une offensive contre l’Irak en 2003 sur la base de preuves falsifiées; en 2011, l’Occident abuse d’une résolution de l’ONU destinée à la protection des populations, pour faire tomber Kadhafi. En Syrie, on soutient des bandes de rebelles peu crédibles en leur fournissant des armes pour se débarrasser du régime d’Assad. A chaque fois que le ‹coup d’Etat› sous l’intitulé ‹démocratisation› réussit, la Russie est éliminée de tous les anciens accords et le plus souvent les nations industrielles occidentales, notamment les Etats-Unis, s’approprient les affaires les plus lucratives.»

    «C’est pourquoi il n’y a qu’une solution: la paix» – et qu’a fait l’OTAN?

    Dans le chapitre «L’idée de la paix», l’auteure décrit de manière émouvante la mentalité de la population, telle qu’elle l’a connue à la fin des années 80 lors qu’elle travaillait en Russie. En premier lieu sa volonté de paix: «Sans la paix rien n’a de la valeur, exprima une étudiante en économie de 22 ans. […] Pour une retraitée de 64 ans seule comptait la volonté commune de paix de ‹notre Michail Sergejevitch [Gorbatchev] et le président des Etats-Unis›. Elle déclara: ‹La jeunesse ne peut pas s’imaginer ce que nous avons souffert pendant la guerre. J’ai été horriblement maltraitée, mais je m’en suis sortie. C’est pourquoi, il n’y a qu’une solution: la paix.›»
    Peu après la fin de la guerre froide, il y a eu des tentatives d’aller à l’encontre des vœux de paix des populations, en concluant des accords. Mais ces derniers restèrent lettre morte du fait de la volonté d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. «C’est ainsi que l’Occident se conduisit comme le vainqueur de la guerre froide, s’imaginant pouvoir ignorer les intérêts de la Russie.» Mme Krone-Schmalz cite d’un discours qu’elle a présenté en 1998: «Nous avons donc survécu avec peine à la guerre froide, sans toutefois nous en débarrasser, et voilà qu’on prépare déjà une nouvelle mouture, avec des frontières légèrement modifiées. Tout en comprenant parfaitement le désir de sécurité des Polonais, mais aussi des Lituaniens, et d’autres – c’est un très mauvais signal que de vouloir intégrer ces pays dans l’OTAN. Rien que d’en parler a déjà causé un tort incommensurable.»
    Mme Krone-Schmalz rappelle aussi le «péché originel»: «La guerre du Kosovo a eu une importance énorme en ce qui concerne la relation de la Russie avec l’Occident. La Russie a dû vivre le fait que le Conseil de sécurité de l’ONU a été totalement ignoré et que personne ne s’en est ému dans la communauté des Etats occidentaux.» En ce qui concerne la guerre en Géorgie de 2008, l’auteure fait appel à une citation personnelle: «En tant qu’observateur politique, on ne peut s’étonner qu’il y ait eu une guerre en Géorgie, mais en raison du fait que la Russie ait toléré si longtemps les provocations et les humiliations occidentales sans réagir.»
    «Comprendre la Russie» est destiné avant tout au public allemand. Dans le texte de la jaquette, on peut lire que «Les ressentiments antirusses ont une longue tradition en Allemagne et ont été renforcés par deux guerres mondiales. On le remarque aussi dans la crise ukrainienne. En fait, il ne s’agit pas seulement de la relation entre la Russie, l’Occident et l’Ukraine, comme le prétend la presse, mais de l’histoire depuis la fin de la guerre froide. Il est de toute première importance pour l’UE d’avoir la Russie comme partenaire. Dans la mesure où on s’en passerait, l’Europe risque d’être écrasée dans les conflits de pouvoir opposant les grandes puissances futures.»

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  • Les Etats-Unis préoccupés par... ce que va faire l'Allemagne

    George Friedman, fondateur et PDG de Stratfor, société privée américaine qui œuvre dans le domaine du renseignement, fondée en 1996, était invité le 4 février dernier du The Chicago Council. Il explique comment Washington peut conserver sa domination sur la planète. Partisan d'une géopolitique cynique, selon l'adage "diviser pour régner", il explique :

    "La politique que je recommande est celle adoptée par Ronald Reagan envers l’Iran et l’Irak : il a financé les deux côtés pour qu’ils se battent entre eux afin de ne pas nous combattre. C’était cynique, et ce n’était certainement pas moral, mais ça a marché. Et c’est le point essentiel. Les Etats-Unis ne peuvent pas occuper l’Eurasie : dès le moment où les premières bottes touchent le sol, la différence démographique est telle que nous sommes totalement en infériorité numérique. Nous pouvons vaincre une armée, nous ne pouvons pas occuper l’Irak. L’idée que 130 000 hommes puissent occuper un pays de 25 millions… eh bien, le ratio policiers/civils à New York est supérieur à celui déployé en Irak. Donc nous n’avons pas la capacité d’aller partout mais nous avons la capacité de, premièrement, soutenir diverses puissances rivales afin qu’elles se concentrent sur elles-mêmes, en leur procurant le soutien politique, quelques soutiens économiques, un soutien militaire, des conseillers et, en dernière option, faire comme avec le Japon, je veux dire au Vietnam, en Irak et en Afghanistan, par des mesures de désorganisation. L’objectif des mesures de désorganisation n’est pas de vaincre l’ennemi mais de le déstabiliser.

    "C’est ce que nous avons fait dans chacune de ces guerres : en Afghanistan, par exemple, nous avons fait perdre son équilibre à Al Qaïda. Notre problème, car nous sommes jeunes et stupides, est que, après avoir déstabilisé l’ennemi, au lieu de nous dire « C’est bon, le travail est fait, rentrons chez nous », nous nous disons : « Ce fut si facile ! Pourquoi ne pas y construire une démocratie ?! » Et c’est à ce moment que la démence nous frappe. La solution est que les Etats-Unis ne peuvent pas constamment intervenir dans toute l’Eurasie. Ils doivent intervenir de manière sélective et très rarement ; cela doit être fait en dernier recours. L’intervention militaire ne peut pas être la première mesure à appliquer. Et en envoyant les troupes américaines, nous devons bien comprendre en quoi consiste notre tâche, nous limiter à elle et ne pas développer toutes sortes de fantasmes psychotiques. Donc j’espère que nous avons retenu la leçon cette fois : il faut du temps aux enfants pour apprendre les leçons. [...]

    Alors, comment cela va-t-il se jouer ? Eh bien, les Etats-Unis ont déjà joué cartes sur table : c’est la ligne de la Baltique à la mer Noire. Quant aux Russes, leurs cartes ont toujours été sur table : ils doivent avoir au moins une Ukraine neutre, pas une Ukraine pro-occidentale. La Biélorussie est une autre question.Maintenant, celui qui peut me dire ce que les Allemands vont faire me dira ce que seront les vingt prochaines années de l’histoire. Mais, malheureusement, les Allemands n’ont pas pris leur décision. Et c’est toujours le problème récurrent de l’Allemagne, avec son économie très puissante, sa géopolitique très fragile, et qui ne sait jamais trop comment concilier les deux. Depuis 1871, la question de l’Europe a été la question allemande. Comme la question allemande ressurgit, c’est bien la question que nous devons régler, et nous ne savons pas comment l’aborder, nous ne savons pas ce qu’ils vont faire."

    Voici son intervention sous-titrée : 

    Michel Janva