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géopolitique - Page 853

  • Le butin de l'intervention française au Mali : uranium, or, diamants et pétrole !

    En l’état actuel, les forces engagées au Mali coutent 400’000 euros par jour. Une dépense qui va devoir, pour raison d’enlisement, être rapidement revue à la hausse en doublant au moins les effectifs engagés.

    Egalement, il est surprenant d’entendre le ministre de Défense, Jean-Yves Le Drian, défendre cette intervention sous le prétexte que « la France est en guerre contre le terrorisme », une terminologie dont on sait que, en terme tactique, elle ne veut par définition rien dire, ce qu’a d’ailleurs largement démontré les dix dernières années de guerre en Afghanistan, qui auront couté plus de 2’400 milliards de dollars. Un conflit qui, non seulement, aura fait le bonheur du complexe militaro-industriel, mais également celui des Taliban, puisque tous les observateurs ont d’ores et déjà admis que le gouvernement fantoche de Karazaï explosera dès le départ des troupes étrangères, et que les islamistes reprendront alors le contrôle total du pays.

    Mais M. Le Drian semble aimer fanfaronner puisque que, après nous avoir annoncé vaillamment samedi que la ville de Konna avait été reprise grâce à la France, il a du, ce mardi soir, faire marche arrière, et admettre ce que nous écrivions déjà il y a 48h : Konna est toujours aux mains des islamistes.

    Nous expliquerons prochainement en détail pourquoi cet engagement français ne peut aboutir qu’à un échec sur le terrain des combats, en plus d’autres conséquences dramatiques sur le sol Français mais, pour l’heure, nous allons nous concentrer sur les intérêts réels de cette guerre, qui ne peuvent être, sauf pour les imbéciles et les complices (l’un n’est d’ailleurs pas incompatible avec l’autre), ceux affichés par le gouvernement Hollande.

    La France connaît une situation de chômage dramatique. Officiellement, selon l’Insee, le ministère du travail et Pôle Emploi : c’est 10 % de la population active, soit environ 3 millions de personnes. Mais si l’on compte tous les « inscrits à Pôle Emploi » qui n’apparaissent pas dans les statistiques Insee, on est à plus de 5 millions. Certains, comme David Bornstein, qui a récemment réalisé un reportage pour Arte intitulé « France : les chômeurs invisibles », estiment que ces chiffres sont largement sous évalués et que c’est en réalité 30% de la population active française qui serait touchée. En plus de cela, l’Unedic vient d’annoncer, pour 2013, une augmentation de 180’000 chômeurs, soit 500 par jour.

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    La situation économique est plus catastrophique encore, puisque l’on sait que la France a été le pire cancre de la zone euro sur les 9 premiers mois de 2012 (il faut attendre encore un peu pour avoir un résultat sur l’ensemble de l’année) avec un déficit de sa balance commerciale de 62,5 milliards d’euros. Pendant le même laps de temps, l’Allemagne réalisait un… bénéfice de 144,7 milliards.

    Dans cette situation de quasi faillite, il va être difficile de faire croire très longtemps que la France se lance dans une guerre au Mali sans avoir des visées très précises sur ce que cette opération pourrait économiquement rapporter.

    Dans la continuité de l’excellent article de notre camarade Spencer Delane, placé sur Mecanopolis samedi soir, nous vous proposons la lecture de ce rapport édifiant sur le secteur minier du Mali.

    Frédéric Courvoisier, Mecanopolis

    Le secteur minier du Mali, un potentiel riche mais inexploité

    L’Or: Mali: Le troisième plus grand producteur d’or de l’Afrique avec une exploration à grande échelle en cours

    Le Mali est connu pour son or depuis le Grand Empire malien et le pèlerinage à la Mecque de l’Empereur Kankou Moussa en 1324, dans sa caravane, il transporta plus de 8 tonnes d’or! Le Mali a donc traditionnellement toujours été un pays minier et cela depuis un demi millénaire.

    Le Mali compte actuellement sept mines d’or en exploitation, parmi lesquelles: Kalana et Morila dans le sud du Mali, Yatela, Sadiola et Loulo à l’ouest du Mali et les mines qui ont récemment repris la production, notamment Syama et Tabakoto. Parmi les projets avancés d’exploration d’or, on compte : Kofi, Kodieran, Gounkoto, Komana, Banankoro, Kobada et Nampala.

    Uranium: signes encourageants et exploration en plein essor

    L’exploitation est actuellement menée par différentes entreprises ayant des indications claires sur les dépôts d’uranium au Mali. Le potentiel en uranium se situe dans la région de Falea qui recouvre une superficie de 150 km² du bassin de Falea – Guinée du nord, le potentiel en uranium de Falea devrait être de 5000 tonnes. Le projet Kidal, au nord est du Mali, sur une superficie de 19 930 km2 est un projet qui couvre une vaste province géologique cristalline connue sous le nom de L’Adrar Des Iforas. Le potentiel en uranium du dépôt de Samit dans la seule région de Gao devrait atteindre les 200 tonnes.

    Diamants:

    Le Mali a le potentiel de développer son exploitation de diamants : dans la région administrative de Kayes (région minière 1), trente (30) diatrèmes (pipes) kimberlite ont été découverts et parmi ceux-ci huit ont montrés des traces de diamant. Huit petits diamants ont été récupérés dans la région administrative de Sikasso (dans le sud du Mali).

    Les pierres précieuses sont les suivantes et elles se situent dans :

    • Dans les environs de Nioro et Bafoulabe: grenats et minerais magnétiques rares

    • Dans les environs de Bougouni et dans le bassin de Faleme: minerais de pegmatite

    • Au Gourma – grenats et corindons

    • A L’Adrar des Ilforas – pegmatite et minerais métamorphiques

    • Dans la zone de Hombori Douentza: quartz et carbonates

    Minerai de fer, Bauxite et Manganèse: des ressources importantes sont présentes au Mali mais toujours inexploitées

    Le Mali a, selon les estimations, plus de 2 millions de tonnes de potentielles réserves en minerai de fer, situées dans les zones de Djidian-Kenieba, Diamou et Bale.

    Les réserves de bauxite sont estimées à 1,2 millions de tonnes et elles sont situées à Kita, Kenieba et Bafing- Makana. Des traces de manganèse ont été découvertes à Bafing – Makana, Tondibi et Tassiga.

    Autres ressources minières et potentielles au Mali

    • Dépôts de roches calcaires : 10 millions de tonnes estimées (Gangotery), 30 millions de tonnes estimées (Astro) et Bah El Heri (Nord de Goundam) 2,2 millions de tonnes estimées.

    • Cuivre: potentiel à Bafing Makan (région de l’ouest) et Ouatagouna (région du nord)

    • Marbre: Selinkegny (Bafoulabe) 10,6 millions de tonnes de réserves et de traves estimées à Madibaya

    • Gypse: Taoudenit (35 millions de tonnes estimées), Indice Kereit (nord de Tessalit) 0,37 millions de tonnes estimées.

    • Kaolin: réserves potentielles estimées (1million de tonnes), situées à Gao (région du nord)

    • Plomb et zinc: Tessalit dans la région du nord (1,7 millions de tonnes de réserves estimées) et des traces à Bafing Makana (région de l’ouest) et à Fafa (nord du Mali)

    • Lithium: indications à Kayes (région de l’ouest) et potentiel estimé à 4 millions de tonnes à Bougouni (région du sud)

    • Schiste de bitume: potentiel estimé à 870 millions de tonnes, indications découvertes à Agamor et Almoustrat dans la région du nord.

    • Lignite: potentiel estimé à 1,3 millions de tonnes, indications découvertes à Bourem (région du nord)

    • Pierre de sel: potentiel estimé à 53 millions de tonnes à Taoudenni (région du nord)

    • Diatomite: potentiel estimé à 65 millions de tonnes à Douna Behri (région du nord)

    Le potentiel pétrolier du Mali attire déjà beaucoup d’intérêt de la part des investisseurs

    Le potentiel pétrolier du Mali est répertorié depuis les années 1970 où des séismes sporadiques et des forages avaient permis de découvrir des traces de pétrole. Avec l’augmentation globale du prix du pétrole et du gaz, le Mali a accéléré la promotion et la recherche de nouvelles explorations, productions et exportations pétrolières. Le Mali pourrait offrir une route privilégiée stratégique pour les exportations de gaz et de pétrole de la région sub-saharienne vers les pays de l’ouest et de plus, il y a toujours la possibilité de relier le bassin de Taoudeni au marché européen, en passant par l’Algérie.

    Un travail de réinterprétation de données géologiques et géophysiques précédemment recueillies a déjà débuté, se focalisant sur cinq bassins de sédiments dans le nord du pays, y compris ceux de: Taoudeni, Tamesna, Ilumenden, Ditch Nara et Gao

    En juillet 2008, le gouvernement malien a modifié la loi sur l’exploration pétrolière, faisant passer la période d’exploration de 10 à 12 ans. Cette nouvelle loi a pour objectif d’augmenter l’attractivité de l’exploration pétrolière, du transport et du raffinage au Mali.

    L’Autorité de promotion de l’exploration pétrolière (AUREP) est l’organisme au sein du gouvernement malien qui est responsable du respect des engagements des entreprises de part la signature de différentes conventions.

    L’intérêt suscité par les parcelles pétrolières et gazières au Mali est fort, avec actuellement 15 parcelles sur les 29 proposées qui ont déjà été attribuées.

    http://www.mecanopolis.org

    Sources :

    Ministère des Mines, de l’Energie et de l’Eau, Mali :

    http://www.mines.gouv.ml/

    Autorité pour l’Avancement de l’Exploration Pétrolière(AUREP) :

    http://www.aurep.org/aurepfr/

    DNGM :

    http://dngm.org

    Site Officiel de la Présidence :

    www.koulouba.pr.ml

     

  • Claude Covassi ne pourra pas publier son enquête sur le PJAK et l’UCK

     

    Claude Covassi, fondateur du site Mécanopolis est décédé à l’âge de 42 ans.

    Officier du renseignement intérieur suisse (Service d’analyse et de prévention), il avait été chargé d’infiltrer la confrérie des Frères musulmans (Opération Memphis). Par la suite, ses supérieurs lui auraient demandé d’organiser un attentat à la bombe qui eut été attribué à Hani Ramadan, directeur du Centre islamique de Genève. Il s’était alors rebellé, refusant de commettre un acte contraire à l’honneur. Traqué, il avait obtenu —à la suite d’une course-poursuite en Espagne et en Égypte— que la Délégation des commissions de gestion du Parlement enquête sur cette affaire. En définitive, les députés s’étaient appliqués à clore le dossier à l’amiable, évitant des poursuites judiciaires aussi bien pour lui que pour le SAP.

    Claude Covassi travaillait désormais pour une société de sécurité et organisait des stages de formation de survie.

    Depuis un an et demi, il utilisait sa formation pour enquêter sur le rôle du PJAK et de l’UCK dans le narco-trafic en Europe. Le PJAK est une organisation kurde qui revendique de nombreux attentats terroristes en Iran. Il est financé par les USA, Israël et l’Allemagne et dispose d’un cabinet de lobbying à Bruxelles. L’UCK est une organisation kosovare dont le leader est devenu Premier ministre de l’État non-reconnu du Kosovo. Il a entrepris une campagne terroriste en Serbie (1997-99), dont la répression servit de justification à l’intervention de l’OTAN. Ses commandos étaient formés par les Forces spéciales allemandes sur une base de l’OTAN en Turquie.

    Depuis quatre mois, Claude Covassi faisait l’objet de vives pressions pour le dissuader de poursuivre son enquête. Le 19 novembre, le quotidien Le Temps le prenait à partie en "une", sans aucune raison liée à l’actualité, juste pour souligner que Thierry Meyssan l’avait invité en Iran (où il avait débuté ses recherches sur le PJAK).

    Claude Covassi devait publier cette semaine le résultat de son enquête. Il n’en a pas eu l’occasion. Il a été retrouvé chez lui, mort dans son lit. Selon la police genevoise, son décès serait imputable à une overdose de cocaïne. En état actuel, rien ne permet d’affirmer s’il l’a absorbée volontairement ou sous la contrainte, ni de savoir si cette drogue était acheminée ou non par le PJAK ou l’UCK.

    Claude Covassi était pour nous un ami très cher et un compagnon de lutte. Nous étions en contact régulier avec lui et suivions attentivement ses travaux. Le Réseau Voltaire présente ses condoléances à sa famille et à ses amis.

    http://www.voltairenet.org

  • Avez-vous lu Douguine ?

    Certains livres viennent à point, comme des fruits de saison.

     

    La question de la temporalité est évidemment cruciale, lorsqu’il s’agit de penser. Il arrive que des œuvres pourrissent en mûrissant. Je relisais dernièrement quelques bouquins d’Alexandre Zinoviev, et je m’étonnais qu’ils fussent si anachroniques, si peu en phase avec ce qu’était devenu le monde depuis 1989, et, faut-il le dire, si illisibles. Les discours sur la réalité, si l’on dissipe les fumets de la mode et des emballements du moment, pâtissent cruellement de la dérive des choses, fût-elle minime. Soudain, c’est une fissure, parfois un abîme, qui les séparent de l’expérience collective ou individuelle, et ils deviennent alors des bavardages, des vapeurs.

     

    Quel est donc le défaut heuristique des écrits de Zinoviev, de tous les dissidents qui s’opposaient à l’empire soviétique, et, plus généralement, de ceux qui étaient plongés dans cette gigantomachie mondiale, mettant en prise les tenants des première et deuxième théories, selon la classification métapolitique d’Alexandre Douguine, c’est-à-dire le libéralisme et le marxisme ? Comment des vérités de l’heure, bien qu’elles ne soient pas devenues pour autant des mensonges, constituent-elles néanmoins des erreurs épistémologiques ?

     

    Il se peut bien que certaines clairvoyances ne se manifestent, ne puissent se manifester, qu’à l’achèvement d’un processus historique. C’est au crépuscule, dit Hegel, que la chouette de Minerve prend son envol. Aussi est-ce lorsque la modernité parvient à son stade terminal, devant notre regard médusé, euthanasiant l’homme, après Dieu, que la conscience vient de ce qu’est la « chose », et qu’elle soit nommable pour tous. Il fallait que la deuxième théorie moderne, le marxisme, après la troisième, le fascisme, qui sont tous deux des tentatives de modernité, mais en même temps des réactions conservatrices au processus dissolvant du libéralisme, pour que la première théorie, le libéralisme, apparût tel qu’en vérité sa nature le fonde, à savoir un destin économique, une « gouvernance » des choses, et un démontage, accompagné d’un bricolage, de la matière humaine.

     

    Or, affirme Douguine avec réalisme, c’est de là qu’il faut partir. De la postmodernité.

     

    Qu’est-ce que peut nous apporter la postmodernité ? D’un point de vue « scientifique » et philosophique, elle est déconstruction théorétique des sociétés. À la suite des penseurs du « soupçon » comme Marx, Nietzsche, Freud, le structuralisme de grands anthropologues tels que Lévi-Strauss ou Foucault, a démontré que la notion de progrès n’était qu’un mythe, à proprement parler une mystification visant à légitimer l’hégémonie universelle de l’Occident, et qu’il n’existait pas, dans l’absolu, de « civilisations » inférieures, ou supérieures. Pire, ou mieux ! ce que l’on appelle « pensée », ou « raison », n’est qu’une construction relative, redevable de la philosophie hellénique, laquelle a « oublié », comme le démontre Heideggger, ce grand penseur capital, auquel se réfère Douguine, l’être, en promulguant la métaphysique occidentale.

     

    Le roi est donc nu. Brutalement, l’usurpation qui laisse croire à sa nature mécanique, irréductible, fatale, place l’entreprise libérale d’arraisonnement idéologique et guerrier du monde comme ce qu’elle est : un mensonge mortel, destructeur des altérités, de la multiplicité de l’être dans le monde.

     

    La première leçon d’Alexandre Douguine apparaît comme une évidence. Le paradigme du flux historique a changé, il faut donc transformer les paramètres, la logique, et le vocabulaire même de notre pensée, si nous voulons non seulement nous opposer à ce qui nous semble inacceptable, mais si nous désirons même avoir accès au monde, et y agir. Il rejoint, par là, l’aventure intellectuelle d’un Alain de Benoist, dont il est proche.

     

    Il va sans dire que toute une panoplie idéologique, comme le projet nationaliste, devient obsolète. Reprenant les analyses de Carl Schmitt, Douguine approfondit le concept de « Grand espace », d’ « Empire », et, particulièrement, d’eurasisme.

     

    Nous, Français, nous sommes nécessairement influencés, lorsque nous abordons la notion d’Empire, par l’épopée napoléonienne, de la même façon d’ailleurs que les Allemands peuvent l’être par le troisième Reich. En Russie, l’équivalent d’un grand ensemble homogène, centralisé, autoritaire et exclusif serait la Russie de Pierre le Grand, lequel ne fit qu’imiter l’Occident. Or, l’empire nationaliste n’est que l’hypertrophie de la nation, donc une manifestation de la modernité, au même titre que l’individu, l’État calculateur, machiavélien et « scientifique », et que la science galiléenne et cartésienne. La preuve est que son expression la plus pure fut la grande révolution de 1789, révolution bourgeoise par excellence.

     

    L’eurasisme, en tant que concept, pour Douguine, ne se cantonne pas à un territoire donné, comme la Russie et ses satellites européens et asiatiques. C’est une « Idée », presque au sens platonicien, générique, qui sert de concept opératoire pour penser les phénomènes postmodernes dans la dimension géopolitique et sociétale. En effet, dans sa course à l’abîme, l’Évangile des temps contemporains, prétendant porter le Bien, mais engendrant misère, désespoir et destruction, rencontre des résistances. Le noyau d’où partit l’expansion moderne, l’Europe, déplacé dans cette terre « purifiée » ethniquement, matrice de la pire utopie de l’histoire, les États-Unis d’Amérique, a été confronté durant deux ou trois siècle à une périphérie, qu’il s’agissait de « civiliser », c’est-à-dire de domestiquer, d’exploiter, d’aliéner, voire de génocider. Cependant, cette « périphérie » n’était rien, aux yeux des « civilisateurs », qu’un terrain vierge de culture, peuplé de sous-hommes, de sauvages ou de barbares.

     

    Or, il était, il est la Terre de plusieurs « civilisations », de « mondes » possédant leur propre manière de voir, de sentir, de raisonner, d’aimer, de haïr, de se confronter avec les aléas du monde. S’inspirant des thèses du penseur américain Huntington, sans faire sienne de manière dogmatique l’idée de « choc », Alexandre Douguine recense un certain nombre de noyaux civilisationnels, comme la Russie, l’Iran, le monde musulman, l’Amérique latine et indienne (l’Amérique bolivarienne et brésilienne), la Chine, l’Inde, peut-être l’Europe (nous y reviendrons). Ces entités enracinées, reposant sur une longue mémoire, présentent des formes disparates. Il n’est pas besoin de s’y attarder ici, il vaut mieux lire l’ouvrage de Douguine, qui analyse parfaitement, avec lucidité et rigueur, le tableau des conflits et des légitimités actuelles. Toutefois, il faut insister sur l’expérience, et l’énergie qui paraissent nous faire espérer un retournement du cours des choses.

     

    Ce qui frappe en effet, c’est que ce qui semblait aller de soi, surtout après la chute du mur de Berlin, devient hautement problématique. D’abord, l’étendue des désastres (économiques, humains, écologiques, culturels, sociaux, etc.). Un autre penseur, Fukuyama, qui, dans son livre La Fin de l’Histoire, proclamait une sorte de paradis consumériste, libéral, comme le fait remarquer Douguine, avec qui il eut des échanges, a reculé avec effroi devant les conséquences d’une machine qui s’emballe, transgresse tout, et ne semble avoir de finalité que le vide, le néant. D’autre part, chacun peut constater que ce qui s’annonçait comme une marche triomphale bute contre des obstacles de plus en plus rudes, aujourd’hui en Syrie, hier en Géorgie, demain dans le Pacifique… ou en Iran… La conquête libérale n’est pas un long fleuve tranquille ! Cela ne signifie pas qu’elle ne puisse réussir. Mais sur quelles ruines ?

     

    Il est aussi un autre aspect du livre de Douguine, outre les éclaircissements théoriques qui nous permettent de mieux appréhender le présent, ce sont toutes les informations qu’il nous livre sur les rapports de forces au sein du pouvoir russe, et des aspirations de l’oligarchie et du peuple russe. Pour ce faire, il lie la longue histoire russe aux événements récents, jusqu’à l’agression provoquée par Saakachvili contre l’Ossétie du Sud. Nous voyons très bien que la Russie, ou l’Eurasie, est à un moment pivot de son histoire, et probablement de celle du monde. Car ce qui se passe là-bas présente un intérêt vital pour nous.

     

    En effet, nous sommes devant un dilemme : être ou ne pas être. En arrimant l’Europe au vaisseau libéral amiral, l’oligarchie européenne a choisi le néant historique, la domesticité ou la complicité, et, pire, la « culture » de la destruction, la « destructivité » néo-libérale. Autrement dit, c’est un suicide, à tous les sens du terme. Il est évident que nous ne sommes pas Russes, bien que les Slaves aient souvent été très proche de notre cœur. Le projet eurasiatique nous met en demeure de réagir, et d’être. C’est une urgence, un devoir, un destin. Être de « bons Européens », comme disait Nietzsche… N’est-il pas trop tard ? Existe-t-il, ce substrat populaire, encore présent en Russie (pour combien de temps, peut-être ?), ce projet politique, autre que celui, vicié à la base, des bureaucrates de Bruxelles, et, surtout, cette spiritualité, cette métaphysique, cette théologie, cette liaison existentielle entre la terre et le ciel, les éléments du territoire, les rêves, les élans, qui se sont manifestés en Iran, qui soudent encore, par l’Orthodoxie, le peuple russe (sans qu’une cœxistence soit impossible avec d’autres spiritualités, d’autres ethnies), ou qui fortifient la foi des musulmans ? Car, s’inspirant du mystique iranien Sohravardî, Douguine nous rappelle que c’est en Orient que le Soleil se lève, et qu’en Occident, il se couche. Échapperons-nous à cette fatalité pour retrouver un destin historial ?

     

    Claude Bourrinet http://www.europemaxima.com/

     

    • Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique. La Russie et les idées politiques du XXe siècle, Éditions Ars Magna (B.P. 60 426, 44004 Nantes C.E.D.E.X. 1), 2012, 336 p. Pour recevoir le livre, écrire à l’éditeur, en accompagnant cette demande d’un chèque de 32 € franco.

     

    • D’abord mis en ligne sur Vox N.-R., le 4 novembre 2012.

  • Syrie : une guerre difficile contre les terroristes sunnites armés par l’Occident

    La vidéo qui suit présente un impressionnant documentaire, diffusé sur Russia 24, sur le coût humain du conflit syrien et l’échelle de dévastation qu’il a atteinte. La journaliste syrienne Yara Saleh témoigne notamment de son enlèvement.

    La réalisatrice Anastasia Popova, reporter spécial russe en Syrie, commente : « Mon équipe a réalisé des centaines de bulletins de nouvelles de Syrie. Ce film est une sorte de digression à partir des bulletins d’informations. Nous voulions exprimer nos émotions et nos sentiments envers les personnes que nous avons rencontrées, des choses que vous n’avez pas l’habitude de montrer dans les nouvelles« .

    Ce reportage de la télévision Russe au côté des soldats Syriens montre le combat que ces derniers mènent contre les terroristes Sunnites, armé par l’Occident. Les USA et F.Hollande y sont brièvement mis en cause :

    http://www.contre-info.com/

  • La Russie, l’Occident et l’Allemagne (entretien avec Alexandre Douguine)

     

    Zuerst ! : Monsieur Douguine, l’Occident ne se trouve-t-il pas dans une mauvaise situation ?

     

    Alexandre Douguine : Absolument. Mais la situation dans laquelle se débat l’Occident est différente de celle en laquelle se débat la Russie. Regardez l’Europe : l’Union européenne se trouve dans un état de crise profonde; la rue en Grèce se rebelle ouvertement, l’Europe centrale et septentrionale croupit sous les charges sociales, politiques et économiques apportée par l’immigration de masse depuis ces dernières décennies. Même les États-Unis sont plongés dans une crise profonde. Mais, pourtant, c’est cette crise qui va faire se corser la situation. Car dans de telles situations d’instabilité et de précarité, ce sont toujours les partisans de lignes dures qui finissent par avoir le dessus. Aux États-Unis, actuellement, on évoque ouvertement une guerre contre l’Iran, même si à New York un bon paquet de citoyens américains manifestent contre Wall Street. On ne discute plus que du moment idéal pour commencer la prochaine guerre. Lénine disait en son temps : hier, c’était trop tôt, demain ce sera trop tard.

     

    Zuerst ! : Vous défendez l’idée d’une alliance eurasiatique. Cette idée n’implique-t-elle pas que les États européens se détachent progressivement de l’Union européenne bruxelloise, un processus à prévoir pour le moyen voire le long terme, et se donnent de nouvelles orientations. Est-ce là une hypothèse réaliste ?

     

    A.D. : La Russie est l’allié naturel d’une Europe libre et indépendante. Il n’y a donc pas d’autres options. Bien sûr, l’Europe actuelle n’envisage pas cette option, car elle est systématiquement refoulée par le fan-club transatlantique des égéries des Pussy Riots. Mais cela pourrait bien vite changer. Qui imaginait, au début de l’été 1989, que le Mur de Berlin allait tomber en automne? Une poignée d’esprits lucides que l’établissement considérait comme fous ou dangereux.

     

    Zuerst ! : Comment voyez-vous l’avenir des relations germano-russes, tout en sachant que celles-ci ont été jadis bien meilleures ?

     

    A.D. : Il y a beaucoup de liens entre l’Allemagne et la Russie. Nous avons une longue histoire commune. On aime à l’oublier aujourd’hui, surtout dans le vaste Occident. Lors de la signature de la convention de Tauroggen en 1812, le Lieutenant-Général prussien Johann David von Yorck a négocié de son propre chef un armistice entre le corps prussien, contraint par Napoléon de participer à la campagne de Russie, et l’armée du tsar Alexandre. La Russie a soutenu la révolte prussienne contre les Français, ce qui a permis de lancer la guerre de libération des peuples contre Napoléon. La diplomatie russe a permis aussi en 1871 que le Reich allemand de Bismarck puisse devenir réalité sur l’échiquier européen. La Russie a toujours soutenu le principe d’une Allemagne forte sur le continent européen. Otto von Bismarck recevait souvent l’appui de Saint-Pétersbourg. Ce ne sont là que deux exemples : la liste des coopérations germano-russes est longue et, à chaque fois, les deux protagonistes en ont bénéficié. Sur le plan culturel, les relations sont tout aussi étroites : philosophes russes et allemands s’appréciaient, se sentaient sur la même longueur d’onde. Mais nous nous sommes également opposés dans des guerres sanglantes mais, Dieu merci, cette époque est désormais révolue.

     

    Zuerst ! : Et aujourd’hui ?

     

    A.D. : L’Allemagne est le pilier porteur de l’économie européenne. L’économie européenne, c’est en réalité l’économie allemande. L’idée sous-jacente de l’économie allemande diffère considérablement de l’idée qui sous-tend la praxis économique du capitalisme occidental et britannique. En Allemagne, on mise sur l’industrie, de même que sur une création de valeurs réelles par le biais de la production de biens et non pas sur le capitalisme financier et bancaire qui, lui, ne repose sur rien de matériel. Aujourd’hui l’Allemagne est contrôlée par une élite exclusivement imprégnée d’idéologie « transatlantique », qui empêche tout rapprochement avec la Russie. En Russie, on a aujourd’hui des sentiments pro-allemands. Poutine, on le sait, passe pour un grand ami de l’Allemagne. Mais malgré cela, le gouvernement de Berlin, et aussi l’opposition à ce gouvernement, essaie d’intégrer encore davantage l’Allemagne dans une U.E. en mauvaise posture, tout en renonçant à de larges pans de la souveraineté allemande. Pour l’Allemagne, une telle situation est dramatique !

     

    Zuerst ! : Dans quelle mesure ?

     

    A.D. : L’Allemagne est aujourd’hui un pays occupé, déterminé par l’étranger. Les Américains contrôlent tout. L’élite politique allemande n’est pas libre. Conséquence ? Berlin ne peut pas agir pour le bien du pays comme il le faudrait, vu la situation. Pour le moment, l’Allemagne est gouvernée par une élite qui travaille contre ses propres intérêts. Nous, les Russes, pouvons aider l’Allemagne parce que nous comprenons mieux la situation de votre pays, en état de servilité, et parce que nous travaillons à créer des réseaux germano-russes en divers domaines. Nous pourrions travailler avec divers groupes au sein de la République fédérale, nous pourrions améliorer nos relations culturelles. Je crois fermement qu’un jour se recomposera une Allemagne libre, forte et autonome en Europe, qui lui permettra de jouer un rôle d’intermédiaire entre l’Est et l’Ouest du sous-continent. Le rôle que jouent actuellement les vassaux de l’eurocratie bruxelloise et de Washington ne permet pas de forger un vrai destin pour l’Allemagne.

     

    Zuerst ! : Monsieur Douguine, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien.

     

    • Entretien paru dans le magazine allemand Zuerst ! paru en octobre 2012, cf. http://www.zuerst.de.

     

    • D’abord mis en ligne en français sur Vox N.-R., le 19 novembre 2012, puis repris par Euro-Synergies.

    http://www.europemaxima.com/

  • Merah, Merkel, mariage, Mali : Tranches de vie pour une époque normale

    Les rebondissements de l’affaire M. Merah montrent que les services spéciaux surveillaient aussi sa sœur qui « entretenait des liens avec la mouvance salafiste toulousaine » (Le Monde du 1er février 2013). Tiens ! Il y a donc une « mouvance salafiste » à Toulouse ? On pensait jusque-là les Toulousains surtout célèbres pour le rugby, le cassoulet ou l’aéronautique. Aujourd’hui c’est donc aussi pour le salafisme. Normal.

    Gérard Depardieu a rejoint la Russie car il en avait assez du fiscalisme. Il faudrait donc le plaindre au lieu de le traiter de « minable » puisque, comme nous le disent chaque jour les médias, la Russie serait un pays terrifiant : un pays barbare où les féministes, les musulmans, les journalistes et les homosexuels sont assassinés ou jetés en prison, où les mafias gouvernent et où l’on méprise la démocratie. Notre Obélix national devait donc déprimer quand il a choisi de rejoindre non pas le paradis (fiscal) mais l’enfer (russe) ? Normal.

    On a salué comme il se doit l’anniversaire du Traité de l’Elysée car il paraît que les Français et les Allemands s’aiment donc beaucoup, notamment François et Angèle. Normal. Mais on a omis de nous dire qu’à l’origine de ce traité, la France dominait et l’Allemagne, réduite au surplus à sa portion Ouest, quémandait un soutien. Aujourd’hui c’est l’inverse. Le duo franco-allemand ressemble à un couple à la Dubout : avec un petit monsieur ridicule au bras d’une grosse dame. Et puis il ne faut pas oublier que Madame Angèle aimait aussi beaucoup Nicolas et bien d’autres hommes en Europe, également. Cela devrait quand même faire réfléchir François qui s’intéresse tellement aux couples en ce moment.

    Près d’un million de personnes dans la rue à Paris pour la manifestation contre le mariage homo en janvier mais la préfecture de police n’a vu que 350.000 manifestants. Une myopie normale.

    L’armée française à conquis Tombouctou sans combat… les islamistes ayant quitté les lieux avant. Saluons cette extraordinaire victoire du « chef de guerre » François Hollande, qui serait pour cela devenu très « populaire »… au Mali ! Ce fut aussi, paraît-il, la décision la plus difficile de sa présidence. Voilà en tout cas ce que nous disent les médias et cela doit nous rassurer. En France, par contre, sa popularité ne semble pas aussi évidente mais c’est normal.

    La campagne de recrutement pour ladite armée française s’intitule d’ailleurs : « S’engager, pour moi, pour les autres ». Un message très en phase avec l’implosion individualiste de la société contemporaine : je m’engage pour moi d’abord, en effet. Plus question non plus de faire référence à la nation française : non, on s’occupe des « autres », c’est-à-dire de tout le monde désormais. Quoi de plus normal, en somme, puisque l’armée de métier est devenue une annexe de Pôle Emploi et qu’elle mène des missions qui ressemblent à celles des ONG. Car on conduit des opérations (on ne dit plus « guerre ») humanitaires, que diable !

    Le Sénat envisage de créer des « zones de protection renforcée contre le loup ». Tiens ! Les loups sont de retour en France et il faudrait s’en protéger ? C’est sans doute cela le progrès. Normal.

    Il faudra aussi éteindre les lumières dans les commerces et les bureaux la nuit à compter du 1er juillet prochain. La France des Lumières se met donc à l’heure du black-out. Tout un symbole de la post-modernité ! Nous revoilà plongés dans les « heures sombres de notre histoire ».

    Après la promotion du vélo et des produits recyclés, bientôt l’éclairage à la bougie et peut-être aussi les tickets de rationnement comme au bon vieux temps. Normal.

    Et puis l’Union européenne entend lancer un vaste programme d’implantation d’éoliennes. C’est bien normal pour une Europe aux semelles de vent.

    Tout est normal, circulez !

    Michel Geoffroy
    11/02/2013

    Correspondance Polémia – 15/02/2013

  • “Comprendre la mondialisation en 10 leçons”

    Présentation du livre “Comprendre la mondialisation en 10 leçons”, de Gilles Ardinat (Ellipses, sept. 2012) par Philippe Conrad sur realpolitiktv.


    Géopolitique en livres : "Comprendre la... par realpolitiktv

  • « Cafouillage industriel, oeuvre d'Etat » archive 2007

    En cinq ans, le gouvernement Jospin (1997 - 2002) a largement ouvert au « privé » le capital des entreprises qui relevaient de l’Etat. La démagogie électorale permanente de la Vème République dévoyée implique l’appauvrissement et l’affaiblissement de l’Etat.

    Les médias ont endoctriné l’opinion afin qu’elle s’élève contre « trop d’Etat ». Paradoxalement, alors que les Français veulent « moins d’Etat, ils ne lui ont jamais demandé de leur répartir autant de ressources et de les assister dans toutes les activités, de la crèche à la maison de retraite.
    En somme, plus l’Etat est affaibli (par la « construction européenne ») et appauvri par les lois du marché (et les privatisations) plus les Français en exigent les magnificences, largesses et libéralités dont seul serait capable un Etat souverain, riche et puissant.
    Les gouvernements successifs de la Vème République se sont révélés incapables de faire la différence entre les activités nationales qui gagnent à relever du « privé » et celle qui assurant un service public essentiel, doivent être la propriété de tous les Français et donc dépendre du gouvernement qu’ils se sont donné.
    Poursuivant la politique de privatisation des gouvernements Chirac (1986–1988), des socialistes (de Rocard à Bérégovoy 1988 – 1993) de la droite avec Balladur et Juppé (1993 – 1997), le gouvernement Jospin (1997 – 2002) a non seulement ouvert au privé le capital d’une demi-douzaine de banques, préparé la privatisation d’importantes entreprises publiques (France Télécom, Air France, GDF, EDF, autoroutes du sud de la France…) mais bradé l’industrie aérospatiale de la France.
    S’il est bien une activité scientifique, technique et industrielle qui devrait relever uniquement de l’Etat, c’est bien celle qui conçoit et forge les armes de la France. Il est d’ailleurs malsain que les armements offrent au secteur privé l’occasion de réaliser d’importants profits. Compte tenu de la culture particulière de la France et de ce qu’attendaient les ressortissants de ses gouvernements successifs, non seulement les armements mais l’énergie, les infrastructures terrestres, ferroviaires, maritimes, aériennes, spatiales – et pourquoi pas, l’eau indispensable à la vie – devraient être gérés par l’Etat. Le libéralisme économique, les lois du marché, devenus en France également prioritaires, ont transformé ses équilibres politiques, financiers, économiques, l’Etat, c’est-à-dire la représentation nationale n’y étant plus qu’une symbolique représentation du passé.
    Au cours des années 1998 et 1999 le gouvernement Jospin a été emporté par la générosité. Générosité facile aux dépens des Français.
    Rappelons d’abord qu’en 1996 les activités de la société nationale « Aérospatiale » dans le domaine des satellites (6 % de son chiffre d’affaires) avaient été transférées à Thomson CSF. En revanche, l’Etat cédait à « l’Aérospatiale » les 45,7 % du capital de Dassault aviation qu’il détenait. C’était un réarrangement industriel qui préparait le désengagement de l’Etat, car au cours des années suivantes, des interventions comptables auront pour effet de mettre en question la rentabilité de « l’Aérospatiale »: augmentation de ses charges de recherche et de développement et aussi du remboursement des aides de l’Etat, accroissement des provisions pour aléas de change, Airbus vendant en dollars mais payant ses factures en euros. Au privé de s’en accommoder, l’Etat se désintéressant d’une de ses missions prioritaires : l’armement de la nation.
    En 1999, sa hotte bien emplie le gouvernement Jospin peut jouer les pères Noël.
    En février, Jean-Luc Lagardère est l’heureux bénéficiaire d’un cadeau fastueux. En échange de l’apport de « Matra Haute Technologie » (MHT) il reçoit 31.45 % du capital de la future entreprise « Aérospatiale Matra ». Cependant Lagardère verse à l’Etat 850 millions de francs, soit moins de 2 % du capital de la nouvelle entreprise. Toutefois, il avait été stipulé dans le contrat qu’une somme maximum de 1.150 millions de francs, variant avec les performances boursières évaluées sur 2 ans pourrait compléter l’apport de « Matra ». Mais si le cours du titre – après privatisation – monte de 10 % par rapport à sa valeur au CAC 40, cette dette serait annulée. (Ce qui fut, parait-il le cas).
    Les méchantes langues ont estimé qu’au nombre des opérations préparant la privatisation de l’ « Aérospatiale » figurait un échange de bons procédés : au somptueux cadeau fait à J.L. Lagardère, celui-ci répondrait en faisant campagne pour le PS dans les médias qu’il contrôlait. De surcroît, l’accord du 3 mars 1999 donnait à Lagardère plus de 20 % de droits de vote de la nouvelle entreprise. Il avait licence d’acquérir les actions cédées par l’Etat si celui-ci réduisant sa participation, passait à moins de 20 % du capital. Ce qu’il fit.
    Mais en octobre 1999, le gouvernement français se surpasse. C’est un cadeau impérial qu’il fait à l’Allemagne. Celle-ci pressait Paris pour qu’il « privatise » son industrie d’armement, menaçant même d’exclure la France de toute entreprise européenne si son gouvernement ne cessait pas de contrôler les activités nationales d’armement. Toujours à la remorque de Berlin, Paris obtempéra.
    Le 13 octobre 1999 « l’Aérospatiale-Matra » privatisée largement et la firme automobile Daimler-Chrysler annoncèrent leur fusion afin de former un groupe aérospatial européen capable de rivaliser avec chacune des plus puissantes firmes correspondantes des Etats-Unis.
    La nouvelle entreprise portera une désignation britannique « European Aeronautic, Defense and Space », ou « EADS » en abrégé. Elle rassemble près de 100.000 techniciens et son chiffre d’affaires devrait être de l’ordre de 22 à 23 milliards d’euros. Elle siégera aux Pays-Bas, sera de droit hollandais et l’anglais y sera la langue de travail.
    Le gouvernement français a accepté de réduire de 47,5 % à 15 % sa participation au capital de l’entreprise. Et dans un élan de générosité supplémentaire, M. Raffarin annoncera même qu’il était prêt à renoncer à ces 15% ainsi que le réclamaient les Allemands, qui avaient admis de patienter jusqu’en 2003.
    Autre cadeau et non des moindres, la nouvelle entreprise contrôlera à 80 % le consortium « Airbus Industrie ». Des quatre partenaires du consortium, la France, l’Allemagne, l’Espagne et la Grande-Bretagne, les trois premiers acceptèrent la fusion, « British Aerospace » affichant ses réticences et se détournant de l’accord de 1997 spécifiant que France, Allemagne et Grande-Bretagne formeraient une seule entité aérospatiale et de défense en Europe. Et voici l’Allemagne un des quatre participants à Airbus, devenue à demi propriétaire de l’entreprise.
    Et le 14 octobre 1999 Lionel Jospin, Dominique Strauss-Khan et Jean-Luc Lagardère rencontrent à Strasbourg Gerhard Schröder et Jurgen Schremp, directeur de la DASA, filiale aéronautique de Daimler-Chrysler – Dasa étant une bien modeste entreprise au regard de « l’Aérospatiale » et dont la firme automobile allemande souhaitait se délester grâce à la création d’ « EADS ».

     

    Aux ordres, les médias célèbrent l’opération. Le « Nouvel Observateur » daté du 21-27 octobre présentait cette capitulation française comme « un retournement inespéré ». A peu près seul, l’économiste Elie Cohen disait la vérité.

    « Le seul point fort de la spécialisation industrielle de la France qui était l’aéronautique (voir Annexe) est en train d’être bradé ». Mais pour le « Nouvel Observateur » à Strasbourg la « France avait raflé la mise » et J.L. Lagardère, principal bénéficiaire et Dominique Strauss- Khan qui avait négocié la reddition de la France étaient les « gagnants ». Et Claude Imbert écrivait dans le « Point » du 22 octobre 1999 : « dans le trousseau de l’Europe on ne peut trouver plus français ». Ainsi désinformée, l’opinion française souscrivit à la démarche de son gouvernement.

    On est en droit de se demander par quelle aberration Paris a accepté, et favorisé, la mainmise à plus de 30 % du groupe « Lagardère-Matra »sur « l’Aérospatiale » Celle-ci a été l’aboutissement des travaux des bureaux d’études et des usines de Sud Aviation, Nord Aviation, Centre et Sud Ouest Aviation qui avaient conçu la « Caravelle », « l’Airbus » et, en coopération avec les Britanniques, « Auparavant, ou parallèlement, avaient été étudiées et construites les séries d’avions de transport militaire « Noratlas », « Transall » et une cinquantaine d’appareils subsoniques et supersoniques.

    En outre « l’Aérospatiale » étudia et fabriqua des hélicoptères, des engins stratégiques et tactiques, des satellites, des systèmes de défense. On saisit mal à quel titre la très modeste firme « Matra » obtint officiellement le droit de détenir la majorité de blocage de « l’Aérospatiale » privatisée et…. bradée à la DASA allemande, société ne présentant d’autre intérêt que d’être une filiale du groupe automobile « Daimler-Chrysler ». La « Deutsch Bank » détenait à l’époque, 12 % de son capital, le Koweit, 7 % et Dubaï 2 %. Quant à la participation de Lagardère elle demeurait dépendante des attraits politiques et financiers des techniques de communication et du pouvoir qu’elle exerçait sur le gouvernement en mettant l’opinion publique « en condition ».
    Le gouvernement français se désintéressant des armes de la France, et de son avenir spatial, il ne faut plus compter sur ses cadres politiques pour réfléchir aux impératifs de sa défense et même de sa sécurité. Et pour entreprendre les travaux de recherche fondamentale sans rapport financier immédiat. Désormais c’est à « la corbeille » de pourvoir aux besoins de la sécurité du pays.
    A l’évidence, ainsi qu’elle venait d’être structurée « EADS » se souciera comme d’une guigne de l’intérêt national et ne recherchera que le profit commercial afin de satisfaire ses actionnaires.

    Comme pour toutes les entreprises menées en coopération avec l’Allemagne, avec « EADS » la France perd de sa substance au profit de son partenaire. Elle lui a apporté l’ « Airbus », ses succès en matière d’hélicoptère, son savoir en engins stratégiques en ce qui concerne les lanceurs de satellites grâce aux travaux nécessités par la force nucléaire de dissuasion. Elle lui a aussi abandonné le marché des avions de combat qu’elle avait conquis au cours des « vingt glorieuses » 1955-1975. (Voir annexe).

    Les média ont encore amplifié les témoignages de satisfaction en spéculant sur la complexité de « l’arrangement » EADS et des cadeaux – ou renoncements nationaux – qu’il a imposé.

    La presse a insisté sur les mérites d’un groupe industriel censé être capable de rivaliser avec les firmes américaines. Or, lors de la signature de Strasbourg, la capitalisation boursière des entreprises concurrentes d’outre-Altantique atteignait 1500 milliards de dollars et celle de EADS moins de 10 milliards. L’« effet de taille » recherché n’était guère évident. D’ailleurs avec moins de 20.000 cadres et ouvriers une entreprise aéronautique française avait gagné plus de la moitié du marché mondial des avions de combat. Avec des effectifs cinq fois plus nombreux « EADS » l’a irrémédiablement perdu. Ce qui réjouit, outre-Atlantique et outre-Rhin.

    « La plus récente campagne que le Pentagone ait menée cette année est celle qui a forcé les industriels européens de l’armement à se fondre dans un ensemble transatlantique avec les firmes des Etats-Unis au lieu de s’en tenir à la notion de forteresse Europe », a écrit Jim Hoagland dans le « Herald Tribune » du 25 octobre 1999. A l’ « effet de taille » raté, s’ajoutent le cheval de Troie américain et la fin du rêve européen, du moins en ce qui concerne l’aviation militaire définitivement conquise par les constructeurs d’outre-Atlantique.
    Qu’il s’agisse du montage financier ou de l’organisation fonctionnelle d’EADS les mesures adoptées en 1999 étaient contraires à l’intérêt national.

    Le montage financier d’abord :
    -Daimler-Chrysler et Dasa ont été tirés d’affaire par la mise sur pied d’EADS. La firme automobile germano-américaine s’est attribuée 30,2 % de l’actionnariat.
    -l’Etat espagnol y figure pour 5,52 %.
    -J.L. Lagardère y détient, initialement 11,1 % mais doit recevoir la participation temporaire de la Banque BNP Paribas et d’Axa, soit 3,9 %, ce qui portera à 15 % la part officielle de Lagardère à parité avec l’Etat français. Plus intéressé par les médias que par l’aéronautique et l’espace, Lagardère pourrait céder tout ou partie de son actionnariat s’il en vient à douter de la rentabilité d’une organisation administrative et technique défaillante. Ce qu’il fera, à hauteur de 7,5 % en 2006. Quant au marché, il était initialement de 34,26 % du capital et ses variations permettent de modifier les rapports de force au détriment de la France qui annonce son intention de se désengager des affaires d’armement, Raffarin dixit.
    L’Allemagne l’emporte à nouveau grâce à une firme automobile en difficulté et une modeste entreprise aérospatiale, Dasa, la voici contrôlant l’ « Aérospatiale » qui, en Europe, détient le secteur des avions de transport militaires et civils, 80 % du consortium « Airbus », 100 % d’Eurocopter, 45 % du projet d’avion de combat « Eurofighter », 37,5 % de la société de missiles « MBDA. »

    Le montage politico-administratif :
    I il repose sur un principe défini lors de la création d’ « EADS » : une stricte parité franco-allemande devra être respectée. Bicéphale la présidence du conseil d’administration, bicéphale également le comité exécutif.

    La politique a escamoté l’efficacité et l’on imagine mal une entreprise aussi ambitieuse qu’ « EADS » devenue l’objet de rivalités de personnes, d’intérêts nationaux divergents alors qu’il eût fallu qu’à sa tête gouverne une équipe homogène menée par un « patron » compétent, appuyé par un gouvernement fort. EADS a été une « construction européenne » caractérisée, et ses difficultés de gestion ont démontré, une fois de plus, les carences de cette politique européenne. Au cours des six dernières années, les désaccords sur le partage des responsabilités, les intrigues entre nationaux et internationaux, les ambitions individuelles et nationales ont secoué l’organisation, inquiété les actionnaires, déconsidéré l’ensemble de l’entreprise.

    A l’issue du conseil d’administration réuni le 29 avril 2005 à Amsterdam, la présidence d’Airbus a fait l’objet de profonds désaccords entre Allemands et Français.

    Aussi, en Comité exécutif, les Allemands ont imposé Thomas Enders, l’adjoint de Manfred Bischoff lorsque celui-ci dirigeait Daimler-Chrysler. On voulait, outre Rhin, équilibrer ainsi un Noël Forgeard qui avait dirigé Airbus, qui était devenu le représentant français au Comité exécutif et qui aurait volontiers cumulé ses fonctions au Comité et à Airbus. Ce que les Allemands ne pouvaient admettre, le pacte d’actionnaires précisant qu’un dirigeant du groupe ne peut diriger une filiale, Airbus en l’occurrence. (L’année suivante Mme Merkel exigera l’éviction de Forgeard et la France s’inclinera).

    Quant à Thomas Enders, ancien parachutiste, membre de la CDU, étudiant la stratégie aux Etats-Unis, il affiche son « atlantisme » si bien qu’il est également un gage donné par l’Allemagne à l’Amérique quant à la gestion future d’EADS – notamment dans le domaine des activités militaires que la firme européenne entend développer afin de moins dépendre des avions de transport commerciaux.

    Airbus, en effet, assurait à EADS 60 % de son chiffre d’affaires et 78 % de ses bénéfices, ce qui inquiétait le Comité exécutif sachant que le coût du développement de l’A 380 de 555 places avait augmenté de 1,5 milliard d’euros, que la série des A 340 subit le choc de l’accroissement du prix du pétrole au profit du 777 américain tandis que le nouveau 787 de Boeing surclasse, en consommation le futur A 350 de EADS.

    Dès le mois de décembre 2004 la Bourse sanctionne la gestion hasardeuse de la direction bicéphale d’EADS.
    Et au début du mois de mars 2006, il n’est question que du retrait de Lagardère, cédant partiellement sa participation (en accord avec le groupe allemand afin de maintenir la fameuse parité).

    Toutefois, le 8 mars 2005, Noël Forgeard et Thomas Enders annoncèrent les succès commerciaux de l’année 2005 : une hausse de 8 % du chiffre d’affaires et un niveau exceptionnel de prises de commandes d’avions. Mais cet optimisme de commande avait sans doute eu pour objet de masquer les effets de l’« allègement » au capital d’EADS , la part cédée en Bourse pouvant atteindre 6 et même 10 %. Du côté allemand c’était le redressement de Daimler-Chrysler (Mercedes et Smart) qui devait justifier ces ventes d’actifs. Lagardère se tournait vers la « communication » négociant l’achat de 20 % de Canal Plus et de Time Warner Book récupérant 3 milliards d’euros de ses 15 % dans EADS.
    Ainsi se prépare la débandade des stock-options par Noël Forgeard et les chefs des départements techniques J.P. Gut, Francis Auque et Jussi Itavuori, l’action EADS perdant près de 8 %, l'ensemble représentant une perte de 5,8 milliards d’euros.

    C’était la sanction d’une avalanche de mauvaises nouvelles, que n’avait pas effacé le bilan enchanteur présenté le 8 mars par Noël Forgeard, la veille de l’affaire des stock-options et qui rassemblées, inclinaient au pessimisme :
    -Désengagements financiers des grands actionnaires.
    -Retrait des Britanniques cherchant à céder leur participation (20 %) dans Airbus.
    -Echec commercial de l’A 350 à redessiner et devenant l’A 370 au prix de 8 milliards d’euros d’études et de reconstruction.
    -Dépassement du coût de l’industrialisation de l’A 380 de 555 places.
    -Retards réitérés des livraisons de l’A 380 aux compagnies aériennes qui en avaient passé commande. Le 13 juin 2006 les Singapour Airlines apprenaient qu’elles devraient attendre 6 ou 7 mois la livraison des premiers A 380 (ce qui décide Singapour à acquérir 20 Boeing Dreamliner pour 4,52 milliards de dollars).
    -La certification de l’A 380 n’est pas acquise, outre-Atlantique l’on s’efforce de compliquer l’ « accueil » de l’A 380 sur les aérodromes nationaux.

    - Les acquéreurs de l’appareil réclament des réacteurs moins bruyants, plus économes en carburant et toutes sortes d’installations censées attirer la pratique et qui exigent des câblages nombreux, d’autant plus malaisés à connecter que les tronçons de fuselage sont fabriqués dans diverses usines. D’où un retard général des fabrications et des livraisons tardives qui, outre les indemnités réclamées par les acquéreurs, représenteront un manque à gagner de 500 à 600 millions d’euros annuellement jusqu’en 2010/2012.

    - Le 12 mai 2006 est annoncée la fermeture de la Sogerma à Mérignac. Cette société employait plus d’un millier de spécialistes de l’entretien des matériels aériens de transport (alors que l’usine EADS de Dresde croule sous la charge de travail). Relevant de l’Allemand Gustave Humbert, alors président d’Airbus la Sogerma fortement endettée est condamnée dans le même temps que Tom Enders déclarant qu’en 2005 l’industrie aérospatiale allemande avait créé 6000 emplois et que ses revenus avaient augmenté de 6 %. La CFTC protesta contre le bilan social d’Airbus : « la filiale allemande dilapide impunément, et sans vergogne les efforts draconiens d’économie réalisés par la filiale française ».
     Le gouvernement français est indigné », déclara M. Gérard Larcher, oubliant que c’est ce gouvernement qui a préféré passer à une firme portugaise l’entretien des Lockheed C 130 de l’armée de l’air privant ainsi de travail les spécialistes de la Sogerma. EADS s’est engagé à réindustrialiser le site en préservant ainsi la moitié des effectifs.

    Au début de janvier 2006 la presse annonce que EADS supprimerait 670 emplois dans son département « Défense Aéronautique », cela après avoir déclaré qu’il était envisagé d’assembler des Airbus en Chine (avec les suppressions en Europe des emplois correspondants).

    On comprend qu’entre le 15 et le 20 mars les cadres français d’EADS aient vendu quelque 520.000 actions qu’ils détenaient et ce serait en humoriste qu’Arnaud Lagardère a déclaré au « Monde » daté du 16 juin 2006 : « Nous avons été Manfred Bischoff, co-président d’ EADS et moi très surpris par la réaction aux retards, avec la chute du titre… Notre décision de vendre 7,5 % du capital de EADS a été prise à la rentrée de 2005… ». (L'action EADS a plongé de 26,32 %, mercredi 14 juin 2006. Note des Manants du Roi).

    « Nous n’étions pas informés » plaident les coupables pourtant largement rétribués pour bien connaître le bilan de leur gestion… EADS est un exemple de la politique industrielle communautaire à éviter. Avant que les exigences de la « construction européenne » conduisent à une pareille aberration, les industriels de l’armement avaient su concilier coopération et efficacité. Ils s’en étaient remis au principe des « maîtrises d’œuvre croisées ». Un maître d’œuvre – national – des sous traitants étrangers associés et, à titre de compensation, d’autres nations assurant la maîtrise d’œuvre de projets semblables.

    Ainsi ont été éliminées les rivalités de personnes et écartées les prétentions nationales.

    Aux Etats, qui entendaient se désengager politiquement et financièrement, de venir à la rescousse d’une entreprise qu’ils ont mise en perdition.

    Général Pierre Marie Gallois
    Juillet 2006

    *********

    Annexe à la note relative à EADS

    - Au cours de ces trente dernières années la Vème République a pratiquement renoncé à exercer la plus régalienne des ses missions : assurer dans l’indépendance, la Défense et la Sécurité de la nation. Elle n’a pas soutenu son industrie d’armement sans laquelle, dans l’indépendance, il ne peut y avoir recours aux armes, ou même à la menace d’en user.

    -Elle a démantelé son industrie aérospatiale en privatisant la « société nationale aérospatiale » et en la transformant en une société germano-française, au siège hollandais, et dont la quête de profit est le principal objectif.
    -Elle a perdu le marché des avions de combat qu’elle avait quasi mondialement conquis au cours des « vingt glorieuses » (1955 - 1975).
    -Elle a laissé aux constructeurs d’outre-Atlantique les approvisionnements en matériels terrestres notamment en réduisant les activités de GIATT Industries.
    Aux origines de ce désengagement en matière de Défense et de Sécurité se trouvent la « construction européenne », qui vise à effacer la nation, des Institutions démagogiques et une surprenante carence politique et technique du pouvoir.
    La crise profonde dont souffre aujourd’hui EADS est justifiée par les erreurs des gouvernements successifs ignorant les conséquences du progrès technique notamment en matière aéronautique, discipline à évolution rapide, dont les responsables politiques n’ont su en tenir compte.
    Un certain nombre de données techniques et opérationnelles ont pourtant été déterminantes :
    1° - Après qu’une vitesse double de celle du son eut été franchie (en juillet 1956, soit près de 700 mètres/seconde à 15° centigrades) tous les avions de combat piétinent devant le mur de la chaleur, la chaleur de friction.
    2° - Avant cette performance, chaque année ou presque, les ingénieurs gagnaient quelques kilomètres/heure périmant rapidement les appareils moins rapides, la vitesse étant le critère essentiel au combat. D’où le nombre élevé des bureaux d’études, la multiplication des programmes, les générations d’avions se succédant à une cadence rapide.
    3° - Depuis que le « mur de la chaleur » aligne les appareils sur la même performance de vitesse, la vie opérationnelle d’un même appareil a été considérablement prolongée, le progrès visant l’équipement et l’armement et non plus un gain de vitesse.
    C’est ainsi que conçu en 1956, le Mirage III est encore en service outre-mer. Soit un demi siècle au lieu d’une quinzaine d’années de vie opérationnelle effective.
    4° - Hier, entre la conception d’un nouvel avion et sa mise en service en unité, six ou sept années de travail étaient nécessaires. Valable dix ou quinze ans, l’appareil devait être remplacé par un matériel plus performant si bien que les bureaux d’études et que les usines ne demeuraient pas sans travail. Aujourd’hui c’est sur 40 ou 50 ans que se renouvelle le matériel.
    5° - Les industriels pallient les inconvénients de cette nouvelle réalité par une longue gestation de leurs projets – de plus en plus complexes – et par l’exportation en spéculant sur l’étalement des commandes, les gouvernements étrangers ayant des besoins spécifiques à des moments différents.
    En France, dès le début des années 80 il n’a été tenu nul compte de cette mutation dans la durée d’utilisation des avions de combat.
    6° - Soucieux de donner des successeurs aux familles Mirage III et Mirage IV, en décembre 1976, M. Marcel Dassault se rendit à l’Elysée y proposer le lancement de deux nouveaux prototypes :
    -un monomoteur, le Mirage 2000 version très améliorée des Mirage III et F 1.

    Mirage 2000

    -un bimoteur (Mirage 4000) à long rayon d’action éventuel successeur du Mirage IV.

    Mirage 4000

     L’industrie prendrait à sa charge le développement du monomoteur, l’Etat finançant les mêmes opérations pour le bimoteur qui eût été l’avion de la projection de la force à distance de la nouvelle stratégie française.
    M. Giscard d’Estaing inversa la proposition prenant à la charge de l’Etat le développement du Mirage 2000 et s’en remettant aux ressources de M. Dassault pour réaliser la mise point et l’industrialisation du bimoteur Mirage 4000.
    C’était condamner ce deuxième appareil trop coûteux pour l’industriel. En dépit de ses très hautes performances le 4000 sera envoyé au Musée de l’air, y demeurant à l’état d’unique prototype.
    Prise en 1977, la décision relative au Mirage 2000 assurait à la France, pendant une quarantaine d’années – c’est-à-dire jusqu’en 2010/2015 un excellent monomoteur de combat.
    Mais en 1981, Charles Hernu devient ministre de la Défense et cherche à attacher son nom à un nouveau programme. C’était devancer d’au moins une vingtaine d’années la satisfaction des besoins de l’Armée de l’air, c’était bousculer le projet de MD 2000 en cours de réalisation, la France n’ayant pas les moyens de conduire simultanément deux programmes d’études et de fabrication de deux appareils voisins.
    Hernu voulait prendre l’initiative d’un projet européen avec la participation de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, du Benelux, voire de l’Italie et de l’Espagne.
    C’était ne pas tenir compte des réalisations antérieures de l’Allemagne et du Royaume Uni. Allemands et Anglais voulaient que le nouvel appareil soit propulsé par les réacteurs de l’avion « Tornado », réacteurs développés par les 2 pays et réacteurs à la forte poussée qui eussent équipé un avion plus lourd jugé trop coûteux pour les Français. De surcroît, c’eût été un coup fatal porté à la SNECMA qui, en liaison avec General Electric étudiait un réacteur à la mesure du projet français d’avion Rafale.
    Mais Londres et Bonn s’assurèrent la coopération de Rome et de Madrid, soit la commande de plus de 600 appareils fabriqués en 3 tranches. Ainsi est né l’avion Eurofighter anglo-allemand, concurrent du Rafale commandé en France, en petit nombre, faute de crédits. De surcroît, EADS fait campagne pour l’Eurofighter au détriment du Rafale français. Et l’Etat détient encore 15 % du capital d’EADS si bien qu’il finance un avion concurrent de celui qu’ont payé les contribuables français et qui correspondait aux futurs besoins de l’Armée de l’air.
    Ainsi a été perdu le vaste marché des avions de combat gagné jadis par la France. Ses matériels aériens étaient utilisés dans de nombreux pays, cités pêle-mêle ci-dessous : Allemagne, Afrique du Sud, Argentine, Belgique, Brésil, Inde, Irak, Israël, Libye, Maroc, Pakistan, Pays-Bas, Turquie etc…
    Ainsi ont été privés de travail des centaines de milliers de spécialistes et mis en sommeil un des meilleurs bureaux d’études aéronautiques.
    Et EADS et le mythe européen ne sont pas étrangers à ce sinistre de notre avenir aérospatial.
    Le Rafale a été dessiné en 1982 - 1983. Il devait être initialement l’ « avion européen » des années 1995 - 2000. Il avait été défini comme avion de combat polyvalent (supériorité aérienne et attaque au sol) remplaçant les versions différentes du Mirage 2000 lancé vingt ans plus tôt. C’est dire qu’il se superposait au programme 2000. Le premier vol du prototype eût lieu en 1991 et il était envisagé de produire 294 Rafale en 30 ans, 59 ayant été commandés en décembre 2004. Faute de crédits, la mise au point de l’appareil aux équipements sans cesse perfectionnés a été fort longue si bien que l’Armée de l’air a attendu plus de vingt ans la mise sur pied d’une première unité de Rafale (mai 2006).
    En 2003, le Ministère n’a pu financer que la fabrication de deux Rafale dans l’année. Tous les programmes qu’ils soient français ou européens traînent en longueur.
    - Le GPS européen a 30 ans de retard sur l’américain. Et encore ce sont des fusées russes qui mettent ses premiers satellites sur orbite.
    - Le besoin d’un avion cargo militaire a été manifesté en 1990. Seize ans plus tard le premier prototype n’avait pas encore effectué son vol initial.
    - La mise au point de l’avion Eurofighter n’a pas été aisée non plus (alors que, d’emblée, le Rafale s’est révélé particulièrement réussi).
    -Les constructions navales travaillent également au ralenti. Peut-être commandé en 2009, après des années de tergiversation, le porte-avion destiné à remplacer le Foch n’entrera guère en service qu’en 2015 après un chantier de 5 à 6 ans (et une vie opérationnelle d’une quarantaine d’années). Il emportera une trentaine de Rafale Marine qui remplaceront les Super Etandard (dont le prototype remonte à 1957) et qui, modifiés, auront servi près de deux tiers de siècle.

    L’armée de terre n’a pas été mieux servie.
    La triste déconfiture de GIATT Industries accompagne le renoncement en matière aérospatiale.

    Canon GIAT

    A partir de 1990 le gouvernement entama la liquidation de GIATT Industries : arrêt des commandes d’artilleurs, réduction de production annuelle des chars Leclerc (de 100 à une vingtaine), baisse des commandes de munitions.

    Canon de 120 mm –faible recul-

    - Liquidation de Métal Europe.
    - Mainmise norvégienne sur Alstom - St Nazaire.
    - Contraction d’Eromet et d’Embert et Duval (alliages spéciaux).
    - Mainmise sur Péchiney par Alcan, de Mittal sur Arcelor.
    - Suppression de 3750 emplois à GIATT Industries et de 1000 emplois chez Schneider Electric.

    - 3000 emplois en moins chez S.T Micro Electronique qui délocalise en Chine

     - En 10 ans la France a perdu 60.000 emplois dans la chimie.

    http://www.lesmanantsduroi.com

  • La Notion d'Empire, de Rome à nos jours

    (avec un appendice sur la "subsidiarité")
    Dans la mémoire européenne, souvent confuse voire inconsciente, l'Empire romain demeure la quintessence de l'ordre. Il apparaît comme une victoire sur le chaos, inséparable de la pax romana. Le fait d'avoir maintenu la paix à l'intérieur des limes et d'avoir confiné la guerre sur des marches lointaines (Parthes, Maures, Germains, Daces) pendant plusieurs siècles, pour notre inconscient, est une preuve d'excellence. Même s'il est difficile de donner une définition universelle du terme d'Empire — l'Empire romain n'étant pas comparable à l'Empire inca, l'Empire de Gengis Khan à l'Autriche-Hongrie des Habsbourgs — Maurice Duverger s'est efforcé de souligner quelques caractéristiques des Empires qui se sont succédé sur la scène de l'histoire (dans son introduction au livre du Centre d'analyse comparative des systèmes politiques, Le concept d'Empire, PUF, 1980) :
    D'abord, comme l'avait déjà remarqué le linguiste français Gabriel Gérard en 1718, l'Empire est un « État vaste et composé de plusieurs peuples », par opposition au royaume, poursuit Duverger, moins étendu et reposant sur « l'unité de la nation dont il est formé ». De cette définition, nous pouvons déduire, avec Duverger, 3 éléments :
        * a) L'empire est monarchique, le pouvoir suprême est assumé par un seul titulaire, désigné par voie d'hérédité et présentant un caractère sacré (une fonction sacerdotale).
        * b) L'étendue du territoire constitue un critère fondamental des empires, sans que l'on ne puisse donner de mesure précise. La grandeur du territoire est ici subjective.
        * c) L'Empire est toujours composé de plusieurs peuples, sa grandeur territoriale impliquant d'office la diversité culturelle. Selon Karl Werner, « un royaume, c'est un pays ; un empire, c'est un monde ».
    L'Empire, qui est donc un système politique complexe qui met un terme au chaos, et revêt une dimension sacrée précisément parce qu'il génère l'ordre, a une dimension militaire, comme nous allons le voir quand nous aborderons le cas du Saint-Empire romain de la Nation Germanique, mais aussi une dimension civile constructive : il n'y a pas d'Empire sans organisation pratique de l'espace, sans réseau de routes (les voies romaines, indices concrets de l'impérialité de Rome), les routes étant l'armature de l'Empire, sans un commerce fluvial cohérent, sans aménagement des rivières, creusement de puits, établissement de canaux, vastes systèmes d'irrigation (Égypte, Assyrie, Babylone, "l'hydraulisme" de Wittfogel). Au XIXe siècle, quand la nécessité de réorganiser l'Europe se fait sentir, quand surgit dans les débats une demande d'Europe, l'économiste allemand Friedrich List parle de réseaux ferroviaires et de canaux pour souder le continent. Le grand espace, héritier laïque et non sacré de l'Empire, réclame aussi une organisation des voies de communication.
    « Dans tout ensemble impérial, l'organisation des peuples est aussi variée que l'organisation de l'espace. Elle oscille partout entre deux exigences contraires et complémentaires : celle de la diversité, celle de l'unité » (Duverger, op. cit.). « Les Perses ont soumis plusieurs peuples, mais ils ont respecté leurs particularités : leur règne peut donc être assimilé à un empire » (Hegel). Par nature, les Empires sont donc plurinationaux. Ils réunissent plusieurs ethnies, plusieurs communautés, plusieurs cultures, autrefois séparées, toujours distinctes. Leur assemblage, au sein de la structure impériale, peut prendre plusieurs formes. Pour maintenir cet ensemble hétérogène, il faut que le pouvoir unitaire, celui du titulaire unique, apporte des avantages aux peuples englobés et que chacun conserve son identité. Le pouvoir doit donc à la fois centraliser et tolérer l'autonomie : centraliser pour éviter la sécession des pouvoirs locaux (féodaux) et tolérer l'autonomie pour maintenir langues, cultures et mœurs des peuples, pour que ceux-ci ne se sentent pas opprimés.
    Il faut enfin, ajoute Duverger, que chaque communauté et chaque individu aient conscience qu'ils gagnent à demeurer dans l'ensemble impérial au lieu de vivre séparément. Tâche éminemment difficile qui souligne la fragilité des édifices impériaux : Rome a su maintenir un tel équilibre pendant des siècles, d'où la nostalgie de cet ordre jusqu'à nos jours. Les imperfections de l'administration romaine ont été certes fort nombreuses, surtout en période de déclin, mais ces dysfonctionnements étaient préférables au chaos. Les élites ont accepté la centralisation et ont modelé leur comportement sur celui du centre, les masses rurales ont conservé leurs mœurs intactes pratiquement jusqu'à la rupture des agrégats ruraux, due à la Révolution industrielle (avec la parenthèse noire des procès de sorcelleries).
    Duverger signale aussi l'une des faiblesses de l'Empire, surtout si l'on souhaite en réactualiser les principes de pluralisme : la notion de fermeture, symbolisée éloquemment par la Muraille de Chine ou le Mur d'Hadrien. L'Empire se conçoit comme un ordre, entouré d'un chaos menaçant, niant par là même que les autres puissent posséder eux-mêmes leur ordre ou qu'il ait quelque valeur. Chaque empire s'affirme plus ou moins comme le monde essentiel, entouré de mondes périphériques réduits à des quantités négligeables. L'hégémonie universelle concerne seulement « l'univers qui vaut quelque chose ». Rejeté dans les ténèbres extérieures, le reste est une menace dont il faut se protéger.
    Dans la plupart des empires non européens, l'avènement de l'empire équivaut au remplacement des dieux locaux par un dieu universel. Le modèle romain fait figure d'exception : il ne remplace pas les dieux locaux, il les intègre dans son propre panthéon. Le culte de l'imperator s'est développé après coup, comme moyen d'établir une relative unité de croyance parmi les peuples divers dont les dieux entraient au Panthéon dans un syncrétisme tolérant. Cette République de divinités locales n'impliquaient pas de croisades extérieures puisque toutes les formes du sacré pouvaient coexister.
    Quand s'effondre l'Empire romain, surtout à cause de sa décadence, le territoire de l'Empire est morcellé, divisé en de multiples royaumes germaniques (Francs, Suèbes, Wisigoths, Burgondes, Ostrogoths, Alamans, Bavarois, etc.) qui s'unissent certes contre les Huns (ennemi extérieur) mais finissent par se combattre entre eux, avant de sombrer à leur tour dans la décadence (les "rois fainéants") ou de s'évanouir sous la domination islamique (Wisigoths, Vandales). De la chute de Rome au Ve siècle à l'avènement des Maires du Palais et de Charlemagne, l'Europe, du moins sa portion occidentale, connaît un nouveau chaos, que le christianisme seul s'avère incapable de maîtriser.
    De l'Empire d'Occident, face à un Empire d'Orient moins durement étrillé, ne demeurait intacte qu'une Romania italienne, réduite à une partie seulement de la péninsule. Cette Romania ne pouvait prétendre au statut d'Empire, vu son exigüité ; territoriale et son extrême faiblesse militaire. Face à elle, l'Empire d'Orient, désormais "byzantin", parfois appelé "grec" et un Regnum Francorum territorialement compact, militairement puissant, pour lequel, d'ailleurs, la dignité impériale n'aurait pu être qu'un colifichet inutile, un simple titre honorifique. À la Romania, il ne reste plus que le prestige défunt et passé de l'Urbs, la Ville initiale de l'histoire impériale, la civitas de l'origine qui s'est étendue à l'Orbis romanus. Le citoyen romain dans l'Empire signale son appartenance à cet Orbis, tout en conservant sa natio (natione Syrus, natione Gallus, natione Germanicus, etc.) et sa patria, appartenance à telle ou telle ville de l'ensemble constitué par l'Orbis. Mais la notion d'Empire reste liée à une ville : Rome ou Byzance, si bien que les premiers rois germaniques (Odoacre, Théodoric) après la chute de Rome reconnaissent comme Empereur le monarque qui siège à Constantinople.
    Si la Romania italienne conservait symboliquement la Ville, Rome, symbole le plus tangible de l'Empire, légitimité concrète, elle manquait singulièrement d'assises territoriales. Face à Byzance, face à la tentative de reconquête de Justinien, la Romania et Rome, pour restaurer leur éclat, pour être de nouveau les premières au centre de l'Orbis, devaient très naturellement tourner leur regard vers le roi des Francs (et des Lombards qu'il venait de vaincre), Charles. Mais les lètes francs, fiers, n'avaient pas envie de devenir de simples appendices d'une minuscule Romania dépourvue de gloire militaire. Entretemps, le Pape rompt avec l'Empereur d'Orient. Le Saint-Siège, écrit Pirenne, jusqu'alors orienté vers Constantinople, se tourne résolument vers l'Occident et, afin, de reconquérir à la chrétienté ses positions perdues, commence à organiser l'évangélisation des peuples 'barbares' du continent. L'objectif est clair : se donner à l'Ouest les bases d'une puissance, pour ne plus tomber sous la coupe de l'Empereur d'Orient. Plus tard, l'Église ne voudra plus se trouver sous la coupe d'un Empereur d'Occident.
    Le Regnum Francorum aurait parfaitement pu devenir un empire seul, sans Rome, mais Rome ne pouvait plus redevenir un centre crédible sans la masse territoriale franque. De là, la nécessité de déployer une propagande flatteuse, décrivant en latin, seule langue administrative du Regnum Francorum (y compris chez les notaires, les refendarii civils et laïques), les Francs comme le nouveau "peuple élu de Dieu", Charlemagne comme le "Nouveau Constantin" avant même qu'il ne soit couronné officiellement Empereur (dès 778 par Hadrien Ier), comme un "Nouveau David" (ce qui laisse penser qu'une opposition existait à l'époque entre les partisans de "l'idéologie davidique" et ceux de "l'idéologie constantinienne", plus romaine que "nationale"). Avant de devenir Empereur à Rome et par la grâce du Pape, Charlemagne pouvait donc se considérer comme un "nouveau David", égal de l'Empereur d'Orient. Ce qui ne semblait poser aucun problème aux nobles francs ou germaniques.
    Devenir Empereur de la Romania posait problème à Charlemagne avant 800, année de son couronnement. Certes, devenir Empereur romano-chrétien était intéressant et glorieux mais comment y parvenir quand la base effective du pouvoir est franque et germanique. Les sources nous renseignent sur l'évolution : Charlemagne n'est pas Imperator Romanorum mais Romanum imperium gubernans qui est per misericordiam Dei rex Francorum et Langobardorum. Sa nouvelle dignité ne devait absolument pas entamer ou restreindre l'éclat du royaume des Francs, son titre de Rex Francorum demeurant l'essentiel. Aix-la-Chapelle, imitée de Byzance mais perçue comme "Anti-Constantinople", reste la capitale réelle de l'Empire.
    Mais l'Église pense que l'Empereur est comme la lune : il ne reçoit sa lumière que du "vrai" empereur, le Pape. À la suite de Charlemagne, se crée un parti de l'unité, qui veut surmonter l'obstacle de la dualité franco-romaine. Louis le Pieux, successeur de son père, sera surnommé Hludowicus imperator augustus, sans qu'on ne parle plus de Francs ou de Romains. L'Empire est un et comprend l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse, la France et les États du Bénélux actuels. Mais, le droit franc ne connaissait pas le droit de primogéniture : à la mort de Louis le Pieux, l'Empire est partagé entre ses descendants en dépit du titre impérial porté par Lothaire Ier seul. Suivent plusieurs décennies de déclin, au bout desquels s'affirment deux royaumes, celui de l'Ouest, qui deviendra la France, et celui de l'Est, qui deviendra le Saint-Empire ou, plus tard, la sphère d'influence allemande en Europe.
    Harcelée par les peuples extérieures, par l'avance des Slaves non convertis en direction de l'Elbe (après l'élimination des Saxons par Charlemagne en 782 et la dispersion des survivants dans l'Empire, comme en témoignent les Sasseville, Sassenagues, Sachsenhausen, etc.), les raids sarazins et scandinaves, les assauts des Hongrois, l'Europe retombe dans le chaos. Il faut la poigne d'un Arnoulf de Carinthie pour rétablir un semblant d'ordre. Il est nommé Empereur. Mais il faudra attendre la victoire du roi saxon Othon Ier en 955 contre les Hongrois, pour retrouver une magnificence impériale et une paix relative. Le 2 février 962, en la Basilique Saint-Pierre de Rome, le souverain germanique, plus précisément saxon (et non plus franc), Othon Ier, est couronné empereur par le Pape. L'Empire n'est plus peppinide-carolingien-franc mais allemand et saxon. Il devient le "Saint-Empire".
    En 911 en effet, la couronne impériale a échappé à la descendance de Charlemagne pour passer aux Saxons (est-ce une vengeance pour Werden ?), Henri Ier l'Oiseleur (919-936), puis Othon (936-973). Comme Charlemagne, Othon est un chef de guerre victorieux, élu et couronné pour défendre l'œcumène par l'épée. L'Empereur, en ce sens, est l'avoué de la Chrétienté, son protecteur. Plus que Charlemagne, Othon incarne le caractère militaire de la dignité impériale. Il dominera la papauté et subordonnera entièrement l'élection papale à l'aval de l'Empereur. Certaines sources mentionnent d'ailleurs que le Pape n'a fait qu'entériner un fait accompli : les soldats qui venaient d'emporter la décision à Lechfeld contre les Hongrois avaient proclamé leur chef Empereur, dans le droit fil des traditions de la Germanie antique, en se référant au "charisme victorieux" (Heil) qui fonde et sanctifie le pouvoir suprême.
    En hissant ce chef saxon à la dignité impériale, le Pape opère le fameuse translatio Imperii ad Germanos (et non plus ad Francos). L'Empereur devra être de race germanique et non plus seulement d'ethnie franque. Un "peuple impérial" se charge dès lors de la politique, laissant intactes les identités des autres : le règne des othoniens élargira l'œcumène franc/européen à la Pologne et à la Hongrie (Bassin danubien — Royaume des Avars). Les othoniens dominent véritablement la Papauté, nomment les évêques comme simples administrateurs des provinces d'Empire. Mais le pouvoir de ces "rois allemands", théoriquement titulaires de la dignité impériale, va s'estomper très vite : Othon II et Othon III accèdent au trône trop jeunes, sans avoir été véritablement formés ni par l'école ni par la vie ou la guerre.
    Othon II, manipulé par le Pape, engage le combat avec les Sarazins en Italie du Sud et subit une cuisante défaite à Cotrone en 982. Son fils Othon III commence mal : il veut également restaurer un pouvoir militaire en Méditerranée qu'il est incapable de tenir, faute de flotte. Mais il nomme un Pape allemand, Grégoire V, qui périra empoisonné par les Romains qui ne veulent qu'un Pape italien. Othon III ne se laisse pas intimider ; le Pape suivant est également allemand : Gerbert d'Aurillac (Alaman d'Alsace) qui coiffe la tiare sous le nom de Sylvestre II. Les barons et les évêques allemands finissent pas lui refuser troupes et crédits et le chroniqueur Thietmar de Merseburg pose ce jugement sévère sur le jeune empereur idéaliste : « Par jeu enfantin, il tenta de restaurer Rome dans la gloire de sa dignitié de jadis ». Othon III voulait fixer sa résidence à Rome et avait pris le titre de Servus Apostolorum (Esclave des Apôtres).
    Les "rois allemands" ne pèseront plus très lourd devant l'Église après l'an 1002, dans la foulée des croisades, par la contre-offensive théocratique, où les Papes vont s'enhardir et contester aux Empereurs le droit de nommer les évêques, donc de gouverner leurs terres par des hommes de leur choix. Grégoire VII impose le Dictatus Papae, par lequel, entre moultes autres choses, le roi n'est plus perçu que comme Vicarius Dei, y compris le "Rex Teutonicorum" auquel revient prioritairement le titre d'Empereur. La querelle des Investitures commence pour le malheur de l'Europe, avec la menace d'excommunication adressée à Henri IV (consommée en 1076). Les vassaux de l'Empereur sont encouragés à la désobéissance, de même que les villes bourgeoises (les "ligues lombardes"), ce qui vide de substance politique tout le centre de l'Europe, de Brême à Marseille, de Hambourg à Rome et de Dantzig à Venise.
    Par ailleurs, les croisades expédient au loin les éléments les plus dynamiques de la chevalerie, l'Inquisition traque toute déviance intellectuelle et les sectes commencent à prospérer, promouvant un dualisme radical (Concile des hérétiques de St. Félix de Caraman, 1167) et un idéal de pauvreté mis en équation avec une « complétude de l'âme » (Vaudois). En acceptant l'humiliation de Canossa (1077), l'Empereur Henri IV sauve certes son Empire mais provisoirement : il met un terme à la furie vengeresse du Pape romain qui a soudoyé les princes rebelles. Mort excommunié, on lui refuse une sépulture, mais le simple peuple le reconnait comme son chef, l'enterre et répend sur sa pauvre tombe des graines de blé, symbole de ressurection dans la tradition paysanne/païenne des Germains : la cause de l'Empereur apparaissait donc plus juste aux humbles qu'aux puissants.
    Frédéric Ier Barberousse tente de redresser la barre, d'abord en aidant le Pape contre le peuple de Rome révolté et les Normands du Sud. L'Empereur ne mate que les Romains. Il s'ensuivra six campagnes en Italie et le grand schisme, sans qu'aucune solution ne soit apportée. Son petit-fils Frédéric II Hohenstaufen, sorte de surdoué, très tôt orphelin de père et de mère, virtuose des techniques de combat, intellectuel formé à toutes les disciplines, doté de la bosse des langues vivantes et mortes, se verra refuser d'abord la dignité impériale par l'autocrate Innocent III : « C'est au Guelfe que revient la Couronne car aucun Pape ne peut aimer un Staufer ! » Ce que le Pape craint par-dessus tout c'est l'union des Deux-Siciles (Italie du Sud) et l'Empire germano-italien, union qui coincerait les États pontificaux entre deux entités géopolitiques dominées par une seule autorité. Frédéric II a d'autres plans, avant même de devenir Empereur : au départ de la Sicile, reconstituer, avec l'appui d'une chevalerie allemande, espagnole et normande, l'œcumène romano-méditerranéen.
    Son projet était de dégager la Méditerranée de la tutelle musulmane, d'ouvrir le commerce et l'industrie en les couplant à l'atelier rhénan-germanique. C'est la raison de ses croisades, qui sont purement géopolitiques et non religieuses : la chrétienté doit demeurer, l'islam également, ainsi que les autres religions, pour autant qu'elles apportent des éclairages nouveaux à la connaissance. En ce sens, Frédéric II redevient "romain", par un tolérance objective, ne cherchant que la rentabilité pragmatique, qui n'exclut pas le respect pieux des valeurs religieuses : cet Empereur qui ne cesse de hanter les grands esprits (Brion, Benoist-Méchin, Kantorowicz, de Stefano, Horst, etc.) est protéiforme, esprit libre et défenseur du dogme chrétien, souverain féodal en Allemagne et prince despotique en Sicile ; il réceptionne tout en sa personne, synthétise et met au service de son projet politique. Dans la conception hiérarchique des êtres et des fins terrestres que se faisait Frédéric II, l'Empire constituait le sommet, l'exemple impassable pour tous les autres ordres inférieurs de la nature. De même, l'Empereur, également au sommet de cette hiérarchie par la vertu de sa titulature, doit être un exemple pour tous les princes du monde, non pas en vertu de son hérédité, mais de sa supériorité intellectuelle, de sa connaissance ou de ses connaissances.
    Les vertus impériales sont justice, vérité, miséricorde et constance :
        * La justice, fondement même de l'État, constitue la vertu essentielle du souverain. Elle est le reflet de la fidélité du souverain envers Dieu, à qui il doit rendre compte des talents qu'il a reçus. Cette justice n'est pas purement idéale, immobile et désincarnée (métaphysique au mauvais sens du terme) : pour Frédéric II, elle doit être à l'image du Dieu incarné (donc chrétien) c'est-à-dire opérante. Dieu permet au glaive de l'Empereur, du chef de guerre, de vaincre parce qu'il veut lui donner l'occasion de faire descendre la justice idéale dans le monde. La colère de l'Empereur, dans cette optique, est noble et féconde, comme celle du lion, terrible pour les ennemis de la justice, clémente pour les pauvres et les vaincus.
        * La constance, autre vertu cardinale de l'Empereur, reflète la fidélité à l'ordre naturel de Dieu, aux lois de l'univers qui sont éternelles.
        * La fidélité est la vertu des sujets comme la justice est la vertu principale de l'Empereur. L'Empereur obéit à Dieu en incarnant la justice, les sujets obéissent à l'Empereur pour lui permettre de réaliser cette justice. Toute rébellion envers l'Empereur est assimilée à de la "superstition", car elle n'est pas seulement une révolte contre Dieu et contre l'Empereur mais aussi contre la nature même du monde, contre l'essence de la nature, contre les lois de la conscience.
        * La notion de miséricorde nous renvoie à l'amitié qui a unit Frédéric II à Saint-François d'Assise. Frédéric ne s'oppose pas à la chrétienté et à la papauté, en tant qu'institutions. Elles doivent subsister. Mais les Papes ont refusé de donner à l'Empereur ce qui revient à l'Empereur. Ils ont abandonné leur magistère spirituel qui est de dispenser de la miséricorde. François d'Assise et les frères mineurs, en faisant vœu de pauvreté, contrairement aux Papes simoniaques, rétablissent la vérité chrétienne et la miséricorde, en acceptant humblement l'ordre du monde. Lors de leur rencontre en Apulie, Frédéric II dira au "Poverello" : « François, avec toi se trouve le vrai Dieu et son Verbe dans ta bouche est vrai, en toi il a dévoilé sa grandeur et sa puissance ». L'Église possède dans ce sens un rôle social, caritatif, non politique, qui contribue à préserver, dans son "créneau", l'ordre du monde, l'harmonie, la stabilité. Le "péché originel" dans l'optique non-conformiste de Frédéric II est dès lors l'absence de lois, l'arbitraire, l'incapacité à 'éthiciser' la vie publique par fringale irraisonnée de pouvoir, de possession.
    L'Empereur, donc le politique, est également responsable du savoir, de la diffusion de la "vérité" : en créant l'université de Naples, en fondant la faculté de médecine de Salerne, Frédéric II affirme l'indépendance de l'Empire en matière d'éducation et de connaissance. Cela ne lui fut pas pardonné (destin de ses enfants).
    L'échec du redressement de Frédéric II a sanctionné encore davantage le chaos en Europe centrale. L'Empire qui est potentiellement facteur d'ordre n'a plus pu l'être pleinement. Ce qui a conduit à la catastrophe de 1648, où le morcellement et la division a été savamment entretenue par les puissances voisines, en premier lieu par la France de Louis XIV. Les autonomies, apanages de la conception impériale, du moins en théorie, disparaissent complètement sous les coups de boutoir du centralisme royal français ou espagnol. Le "droit de résistance", héritage germanique et fondement réel des droits de l'homme, est progressivement houspillé hors des consciences pour être remplacé par une théorie jusnaturaliste et abstraite des droits de l'homme, qui est toujours en vigueur aujourd'hui.
    Toute notion d'Empire aujourd'hui doit reposer sur les quatre vertus de Frédéric II Hohenstaufen : justice, vérité, miséricorde et constance. L'idée de justice doit se concrétiser aujourd'hui par la notion de subsidiarité, donnant à chaque catégorie de citoyens, à chaque communauté religieuse ou culturelle, professionnelle ou autre, le droit à l'autonomie, afin de ne pas mutiler un pan du réel. La notion de vérité passe par une revalorisation de la "connaissance", de la "sapience" et d'un respect des lois naturelles. La miséricorde passe par une charte sociale exemplaire pour le reste de la planète. La notion de constance doit nous conduire vers une fusion du savoir scientifique et de la vision politique, de la connaissance et de la pratique politicienne quotidienne.
    Nul ne nous indique mieux les pistes à suivre que Sigrid Hunke, dans sa persepective "unitarienne" et européo-centrée : affirmer l'identité européenne, c'est développer une religiosité unitaire dans son fonds, polymorphe dans ses manifestations ; contre l'ancrage dans nos esprits du mythe biblique du péché originel, elle nous demande de réétudier la théologie de Pélagius, l'ennemi irlandais d'Augustin. L'Europe, c'est une perception de la nature comme épiphanie du divin : de Scot Erigène à Giordano Bruno et à Gœthe. L'Europe, c'est également une mystique du devenir et de l'action : d'Héraclite, à Maître Eckhart et à Fichte. L'Europe, c'est une vision du cosmos où l'on constate l'inégalité factuelle de ce qui est égal en dignité ainsi qu'une infinie pluralité de centres, comme nous l'enseigne Nicolas de Cues.
    Sur ces bases philosophiques se dégageront une nouvelle anthropologie, une nouvelle vision de l'homme, impliquant la responsabilité (le principe "responsabilité") pour l'autre, pour l'écosystème, parce que l'homme n'est plus un pécheur mais un collaborateur de Dieu et un miles imperii, un soldat de l'Empire. Le travail n'est plus malédiction ou aliénation mais bénédiction et octroi d'un surplus de sens au monde. La technique est service à l'homme, à autrui.
    Par ailleurs, le principe de "subsidiarité", tant évoqué dans l'Europe actuelle mais si peu mis en pratique, renoue avec un respect impérial des entités locales, des spécificités multiples que recèle le monde vaste et diversifié. Le Prof. Chantal Millon-Delsol constate que le retour de cette idée est due à 3 facteurs :
       1. La construction de l'Europe, espace vaste et multiculturel, qui doit forcément trouver un mode de gestion qui tiennent compte de cette diversité tout en permettant d'articuler l'ensemble harmonieusement. Les recettes royales-centralistes et jacobines s'avérant obsolètes.
       2. La chute du totalitarisme communiste a montré l'inanité des "systèmes" monolithiques.
       3. Le chômage remet en cause le providentialisme d'État à l'Ouest, en raison de l'appauvrissement du secteur public et du déficit de citoyenneté. « Trop secouru, l'enfant demeure immature ; privé d'aide, il va devenir une brute ou un idiot ».
    La construction de l'Europe et le ressac ou l'effondrement des modèles conventionnels de notre après-guerre nécessite de revitaliser une "citoyenneté d'action", où l'on retrouve la notion de l'homme coauteur de la création divine et l'idée de responsabilité. Tel est le fondement anthropologique de la subsidiarité, ce qui a pour corollaire : la confiance dans la capacité des acteurs sociaux et dans leur souci de l'intérêt général ; l'intuition selon laquelle l'autorité n'est pas détentrice par nature de la compétence absolue quant à la qualification et quant à la réalisation de l'intérêt général.
    Mais, ajoute C. Millon-Delsol, l'avènement d'une Europe subsidiaire passe par une condition sociologique primordiale : la volonté d'autonomie et d'initiative des acteurs sociaux, ce qui suppose que ceux-ci n'aient pas été préalablement brisés par le totalitarisme ou infantilisés par un État paternel (solidarité solitaire par le biais de la fiscalité ; redéfinition du partage des tâches). Notre tâche dans ce défi historique, donner harmonie à un grand espace pluriculturel, passe par une revalorisation des valeurs que nous avons évoquées ici en vrac au sein de structures associatives, préparant une citoyenneté nouvelle et active, une milice sapientiale.
    Robert Steuckers (conférence prononcée à la tribune du "Cercle Hélios", Île-de-France, 1995). VOULOIR

  • La Serbie ne reconnaîtra pas le Kosovo, même pour intégrer l’Union européenne

    BELGRADE (NOVOpress via le Bulletin de réinformation) - C’est une annonce faite par Slavenko Terzic, ambassadeur de Serbie en Russie, au cours d’une conférence de presse, et alors que les négociations d’adhésions de son pays à l’Union européenne doivent s’ouvrir l’année prochaine.

    Le diplomate a ajouté que « la Serbie est prête à accorder la plus large autonomie aux Albanais kosovars, mais ne reconnaîtra jamais l’État artificiel du Kosovo ».

    Rappelons que le Kosovo, séparé du territoire serbe par les forces occidentales, n’a pas été reconnu par l’ONU, une majorité de pays défendant l’intégrité territoire de la Serbie.

    http://fr.novopress.info/