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géopolitique - Page 870

  • La stratégie des nouvelles routes de la soie – un modèle de paix pour l’Eurasie

    Pour que les Européens ne restent pas à la traîne du courant de l’histoire – au sujet de l’analyse brillante de la situation géopolitique par Franz Betschon

    Ex: http://www.horizons-et-debats.ch/

    Pendant que les Etats-Unis titubent d’une crise à l’autre, et que l’Europe n’arrive pas à détourner son regard de son ancienne puissance protectrice dans l’espoir de ne pas être entraîné dans l’abîme, il règne en Asie et en Amérique latine une atmosphère de renouveau. Des auteurs comme Kishore Mahbubani essaient depuis un certain temps de démontrer aux contemporains de l’hémisphère occidental qu’on se trouve de toute évidence devant un tournant historique. Mais que faire, surtout en Europe? Avec qui coopérer si ce n’est pas avec la puissance guerrière en déclin?
    Ne serait-il pas tout naturel de tourner le regard vers l’Est? Puisque l’Europe se trouve bien au bord de la grande île mondiale de l’Eurasie. Un regard, cependant pas dans le sens impérialiste de Bismarck qui a localisé «son Afrique» en Europe de l’Est, et pas non plus dans le sens du cliché de la guerre froide, qui appartient heureusement au passé depuis plus de 20 ans. Mais pourquoi pas un rapprochement en partenariat, en amitié et avec considération des mérites des peuples des pays respectifs?
    Si nous ne voyons pas comment l’Asie se développe, l’Asie se développera aussi sans nous en un nouveau centre de gravitation de l’économie mondiale: c’est ce qu’un analyste ayant beaucoup voyagé, ouvert au monde, formé et ancré dans la meilleure tradition suisse, nous soumet à réfléxion: «Das eurasische Schachturnier» [Le tournoi d’échec eurasien], c’est le titre que Franz Betschon donne à son livre, qui sera présenté ci-dessous. Avec ce titre il fait allusion à un livre de Zbigniew Brzezinski qui porte un titre semblable. Mais son ton, le fondement de son analyse et sa perspective sont heureusement en totale contradiction avec l’ouvrage de référence négatif de la géostratégie impériale et de l’outrecuidance de la puissance mondiale.

    «The Empire is over.» L’empire américain, la suprématie de la seule puissance mondiale serait du passé, un ordre mondial centré sur l’Eurasie serait en train de s’installer, uniquement centré sur l’Asie, si l’Europe ne s’avance pas vers l’Asie. C’est la quintessence de ce livre éclairant qui mérite d’être lu: «Das eurasische Schachturnier. Krisen Hintergründe und Prognosen» de Franz Betschon1. Ce citoyen suisse est docteur en sciences techniques et ingénieur mécanique diplômé de l’EPFZ, en plus diplômé de la Harvard Business School à Boston, colonel d’état-major de l’aviation à l’armée. Un scientifique formé dans la meilleure tradition suisse, ouvert au monde et économiste disposant d’une intelligence analytique aigüe. En tant que personne ayant vu du pays et qui, entre autre, a été conseiller d’administration d’une entreprise high-tech israélienne, qui, construite avec de l’aide suisse, appartient actuellement aux entreprises de pointe de son genre dans le monde, l’auteur essaie de comparer et d’approfondir ses expériences et ses observations au moyen de l’étude de sources publiquement accessibles pour comprendre l’actualité et pour ne pas rester en arrière du développement. Betschon a recours à des sources de beaucoup de pays, car dans son activité, il s’est aperçu que le regard européen sur le monde s’est pas mal rétréci pendant les décennies de la guerre froide, et que dans d’autres parties du monde, les mêmes problèmes sont considérés sous un autre jour. Reconnaître les signes du temps veut dire également s’adapter à temps aux nouveaux développements pour mieux contrer des dangers éventuels.
    Comme grand modèle, qui manque dans le monde moderne, surtout en Suisse, et cela douloureusement, Betschon évoque Jean Rodolphe von Salis. Ce que ce citoyen du monde suisse a réussi lors de la Seconde Guerre mondiale depuis la Suisse, et ce qui lui a procuré ainsi qu’à la Suisse l’estime mondiale, c’est-à-dire un jugement cohérent de la situation de guerre, von Salis n’avait pu le faire que sur la base d’un large réseau. Avec des conversations téléphoniques avec ses connaissances dans différents pays, il s’est procuré un grand savoir et cela malgré l’écoute des services secrets.
    Pour nous, c’est plus facile aujourd’hui. Aux temps du World Wide Web, un clic de souris nous amène des journaux de l’espace asiatique, africain, et de l’Amérique latine.

    À partir de quel moment les Etats-Unis sont-ils devenus tellement violents ? Mot-clé : «QDR»

    L’analyse de Betschon sur 200 pages, culminant dans la citation ci-dessus, est passionnante et met de l’ordre dans les idées qui, dans les flots du «tittytainment du mainstream», ont tendance à être incohérents.
    Lorsque l’auteur arrive à la conclusion que les jours de la dominance américaine sont définitivement passés, ce n’est pas sur un fond de ressentiments antiaméricains comme on pourrait le penser. Tout au contraire, l’auteur rend hommage à l’engagement désintéressé des Etats-Unis en Europe pendant les heures les plus noires de la Seconde Guerre mondiale – mais pas sans se poser la question de savoir à partir de quel moment l’Amérique est soudain devenue si violente: qu’elle ait rendu la torture de nouveau acceptable, qu’elle ait mené des guerres préventives sans penser aux principes de Nuremberg, dans lesquels une guerre d’agression est déclarée comme le pire des crimes et à l’occasion desquels le procureur principal Robert ­Jackson avait exigé publiquement qu’à l’avenir les USA veuillent aussi être jugés à la même aune.
    Il est devenu évident que les choses vont mal aux Etats-Unis lors de la publication du plan de 5 ans du Pentagone, le «Quadrennial Defence Review Report (QDR)» des années 2001 à 2006. A l’encontre du droit international, ce rapport exige le droit à la guerre préventive. Afin que le lecteur puisse comprendre cette monstruosité, l’auteur transpose cette mentalité dans la cohabitation de voisins qui s’exprimeraient de la façon suivante: tu peux fusiller ton voisin sans autre s’il te dérange. Tu ne dois remplir que deux conditions: tu dois prétendre que tu t’es senti menacé et viser de telle sorte qu’il ne puisse ensuite plus témoigner.» (Betschon, p. 52) L’auteur donne à réfléchir que, si ce mépris sans pudeur de toutes les valeurs pour lesquelles l’Occident s’est battu pendant des décennies, porte préjudice aux êtres humains au Moyen-Orient en premier lieu, mais à moyen et long terme aussi à la société civile des agresseurs.

    Le principe des États souverains versus le principe du «Diviser pour régner !»

    L’auteur classe cette politique étrangère de l’Empire, agressive et méprisante pour le genre humain, sur la base de deux principes: le principe d’Etats souverains et le principe du «diviser pour régner». Ce que la génération ayant vécu la guerre froide ne pouvait jamais tenir pour possible, et ce qui rend si difficile un regard clair sur notre présent, c’est le fait que le premier des deux principes, le principe des Etats nations souverains, établi après la guerre de Trente Ans lors de la Paix de Westphalie, ne soit plus représenté aujourd’hui par la démocratie des USA autrefois louée, mais par la Russie autrefois proscrite, pendant que le principe machiavélique du «diviser pour régner», est brandi par George W. Bush et aujourd’hui par le Prix Nobel de la paix Obama. Même si l’auteur ne peut pas vraiment ce réjouir de ce résultat surprenant, il faut reconnaître qu’il présente les faits comme ils sont sans œillères et sans égard pour ses préférences personnelles.
    Ce qui avait déjà été visible en 2007, lors de la Conférence de Sécurité de Munich, à savoir que la Russie sous Poutine n’était plus ce pays postsoviétique faible et à exploiter, mais de nouveau une grande puissance, capable et décidée à se défendre, et cela aussi bien économiquement que militairement, est devenu saisissable pour tout le monde lors de la même conférence en 2008: le Premier ministre russe, Sergueï Ivanov, a présenté un pays sûr de lui tout en soulignant que cela ne signifiait pas de nouveaux blocs et confrontations, mais une cohabitation pacifique d’Etats souverains. Alors qu’au camp opposé, le ministre de la Défense des USA, Robert Gates, a présenté le point de vue d’une hégémonie agressive. Avec cela Gates s’est positionné selon le modèle de l’Empire britannique à la Churchill et pas selon celui de Franklin Delano Roosevelt. Ces deux conceptions opposées de la politique, Betschon les fait très bien ressortir: alors que l’Empire britannique présente une politique de conflits et de manipulation, donc le «diviser pour régner», le président des USA d’avant et pendant la guerre a répondu de l’autre modèle de la coopération, celui des nations souveraines. En raison du décès prématuré de Roosevelt, le pur et dur Truman a rejoint la ligne britannique, et ainsi il a déployé, sans aucun égard, la bombe nucléaire.

    L’Europe et l’Asie se soudent économiquement

    Même si la politique étrangère avant Truman n’a pas toujours été exemplaire comme présenté ci-dessus, il est tout de même bienfaisant que l’auteur se soustraie au dénigrement antirusse de l’Occident et ouvre de nouvelles manières de voir. Car c’est seulement en remettant en question le spectre russe que la voie se libère pour une coopération des pays européens avec les grandes nations du Proche et de l’Extrême-Orient nécessaire depuis longtemps.
    Dans le chapitre «megatrends» [tendances mégas], l’auteur ose émettre quelques pronostics extrêmement passionnants et au fait très convaincants du développement futur: sans se fixer sur une date et un ordre, on pourrait s’attendre aux développements suivants:
    1.    L’Europe et l’Asie se souderont économiquement sans retour.
    2.    L’Eurasie développera une politique fédéraliste de commerce, d’extérieur et de sécurité.
    3.    La notion d’«Occident» deviendra superflue: L’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Nord et Israël ne formeront plus une unité.
    4.    L’Europe continentale s’orientera vers l’Est. L’Amérique du Nord ne sera intéressante plus que pour le commerce.
    5.    L’UE et l’OTAN devront être reconsidérés et remplacés par quelque chose de nouveau.
    Et qu’est-ce qui se passerait si les institutions de Bretton Woods et l’ONU étaient transférées vers le nouveau centre de gravité du monde économique, par exemple à Shanghai? Ou bien si les pays asiatiques arrivaient à la conclusion de ne plus avoir besoin de ces institutions dominées par les Etats-Unis et de pouvoir très bien vivre sans elles et même mieux? Et avec l’Europe, on a déjà cohabité depuis 2000 ans – longtemps avant que le double continent américain ait été défiguré par les Anglo-Saxons? Il a fallu beaucoup de temps dans le soi-disant nouveau monde avant que les blancs se soient arraché une excuse concernant le génocide de la population locale.
    Betschon n’est pas sûr que les Européens aient vraiment déjà reconnu les signes du temps et se dirigeront vers l’Asie – néanmoins les Asiatiques viendraient déjà à notre rencontre. Il ne parle pas seulement du tourisme et des boutiques de montres en plein essor à Lucerne et Interlaken, volontiers fréquentées par la classe moyenne chinoise en hausse, mais aussi des investisseurs de Chine et d’Inde qui sauvent de la ruine en Europe de plus en plus d’anciennes marques, comme par exemple le groupe de sociétés indien Tata, qui a repris en 2007 le groupe d’acier britannique Corus, mais aussi les usines d’automobiles Jaguar et Landrover.

    Le monde de demain : L’Amérique latine, l’Asie, l’Europe et à part les États-Unis, sur la touche

    Que nous sommes au beau milieu d’un tournant d’époque est évident notamment en Afrique, où de plus en plus d’entreprises chinoises font ce qui a été réservé aux Européens: établir des relations commerciales, effectuer des investissements, exploiter des matières premières – à la différence près que les Chinois sont capables de lier leurs profits à de vrais bienfaits pour les populations locales. Un fait qu’on n’a jamais rencontré dans le colonialisme européen, dans l’impérialisme et dans le néocolonialisme actuel.
    Alors que l’Occident fixe plein de méfiance le dragon chinois et se demande s’il fonctionne comme l’aigle américain – sur la base d’un militarisme agressif –, nous ne voyons pas que ce monde s’est mué en un monde rectangulaire: aujourd’hui, il est composé de l’Amérique latine, l’Asie, l’Europe et à part encore les Etats-Unis, sur la touche. A part? Nos médias occidentaux omettent volontiers de nous le dire: de plus en plus de décisions importantes sont prises sans l’unique ancienne superpuissance. Horizons et débats a parlé récemment de cette humiliation à Phnom Pen2. Comme cet événement s’est avéré tout simplement inexistant dans les médias du mainstream occidental, on a dû avoir recours à un article de l’«Asia Times» qui a montré clairement que l’Occident à une longueur de retard sur le développement actuel réel. Il y a eu Obama, qui a été décommandé d’une rencontre des Etats Asean. Les USA qui voulaient créer une fissure entre les Etats asiatiques, avant tout entre les petits et la Chine, se sont retrouvés mis à l’écart. Le monde est devenu autre, tout comme Kishore Mahbubani tente de nous l’expliquer depuis longtemps – aimablement, mais avec fermeté. Et si l’Occident ne veut pas en prendre connaissance, la rupture sera irréversible. Cependant, il serait meilleur pour tous d’avancer ensemble vers le futur. Mais pour cela, l’Occident devrait vivre réellement ses valeurs, en haute estime dans le reste du monde, au lieu de faire une politique d’intérêts impitoyable sous couvert de valeurs affichées.

    Le FMI et l’hégémonie du dollar proches de leur fin

    Betschon cite plusieurs événements qui illustrent ce tournant :
    Les dix États de l’Asie du Sud-Est de l’ASEAN – comme on ne les connaît que très peu en Occident, ils seront cités ici: le Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam –, ces dix États ont créé avec la Chine, le Japon et la Corée du Sud l’Asian Monetary Fund avec les RMB/Yen comme monnaie centrale – un processus qui rendra superflu le FMI dominé par les États-Unis.
    La même chose se passe en Amérique du Sud: la fondation du Latin American Monetary Fund a pour résultat que le FMI doit fermer ses bureaux dans les États l’un après l’autre. Le Venezuela donne aux membres les crédits nécessaires pour pouvoir désintéresser le FMI.
    En Europe, l’euro, prévu comme alternative au dollar, vit une attaque massive et cela pas depuis la Chine ! Mais il y a aussi la Russie, qui ne danse plus aux sons de Washington : là-bas, peu à peu se font les adieux au FMI et à l’hégémonie du dollar en se fiant davantage aux propres ressources et à l’or.
    Ce sont ces processus qui, à long terme, empêcheront les États-Unis, à l’aide de leur planche à billets, de mettre leurs propres dettes sur le dos des autres pays du monde. Avant tout parce que les dépenses pour l’armée doivent être réduites, et que par la suite leur bonne vieille diplomatie de canonnière à la mode des bandes de brigands ne fonctionnera plus.
    Une année centrale pour la diminution de l’influence des USA a été l’année 2008: C’est en même temps que l’effondrement de Lehman Brothers qu’ont eu lieu les événements suivants, sans la contribution des États-Unis, trop occupés par leurs propres problèmes :
    •    À Lima, environ 60 nations se sont rencontrées pour un sommet mondial sur l’alimentation, avec la présence d’Angela Merkel, la Chine, mais sans les USA.
    •    En même temps se sont réunis les ministres des Affaires étrangères des Etats BRICS à Iekaterinbourg en Russie. Étaient invités le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. Mais pas les USA.
    •    Fin mai, le nouveau président russe a effectué son premier voyage à l’étranger. Jadis on allait d’abord aux USA, mais cette fois, la Chine a été la première destination.
    •    En même temps un sommet important a eu lieu entre le Japon et la Chine – et cela sans les USA, ce qui aurait été impensable auparavant.

    Europe : sortir de l’étau des États-Unis, retour aux propres valeurs

    Dans cette situation d’un monde s’organisant sans problèmes sans l’Empire, l’Europe se retrouve devant la question de savoir si elle ne devrait pas renouer avec ses valeurs éprouvées, lesquelles avaient été désignées avec mépris par les néoconservateurs américains comme celles d’une «vieille Europe»: cela signifierait, d’un côté, abandonner les idées colonialistes tardives, ensuite respecter la souveraineté des autres Etats et la non-ingérence dans leurs affaires internes – donc faire preuve d’un refus de la stratégie douteuse du R2P, ce concept de «Responsability to protect», en effet, cette responsabilité de protéger, comme Hans-Christof von Sponeck3 l’a démontré, a toujours été utilisée comme prétexte pour intervenir dans d’autres pays pour s’assurer les matières premières et pour garder la Chine à l’écart, comme par exemple au Soudan, en Libye, et presque aussi en Syrie, si la Russie et la Chine n’avaient pas déposé leur «niet» courageux. Ou bien, comme l’a expliqué très clairement le politologue russe Fursov:4 en Syrie, les Croisés occidentaux se sont heurtés au Mur chinois !
    Finalement, Betschon conseille à l’Europe de ne pas utiliser de doubles critères de qualité au niveau des valeurs. Il y en aurait déjà assez d’exemples, énumérés dans le livre de Kishore Mahbubani,5 mais aussi dans les exposés du spécialiste en droit international, Hans Köchler,6 qui a entre autre sévèrement critiqué la pratique d’accusation dominée par l’Occident de l’International Criminal Court (ICC).

    Des corridors de développement avec des centres de développement en chaîne perlée

    L’Europe, sur cet ancien et nouveau sol des meilleures traditions occidentales, aurait un allié à l’Est qui comprend déjà aujourd’hui environ un quart de la population mondiale: la Shanghai Cooperation Organisation (SCO). Ses membres que sont la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Russie, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan se rencontrent régulièrement dans ce cadre avec des Etats au statut d’observateur, comme la Mongolie, l’Inde, le Pakistan et l’Iran. Celui en Europe qui croit que rien ne peut là se souder ni ne s’accorder devrait reconsidérer sa façon de voir le monde, remontant à l’antiquité euro-centrée. Une frontière intérieure de l’Eurasie n’existe pas réellement du point de vue géographique et géologique, elle n’est qu’historique et culturelle. Mais là aussi, les frontières s’estompent déjà très tôt, rappelons-nous les interdépendances russes avec l’Europe occidentale en ce qui concerne les échanges d’art artisanal, de scientifiques et de gens au sang bleu. Et derrière la Russie, il y a la Chine qui œuvre déjà depuis le milieu des années 1990 à la création de cinq corridors d’infrastructure qui devront relier l’Asie à l’Europe : les chemins de fer en constitueront seulement l’épine dorsale. Betschon souligne que ces corridors de développement, semblables aux anciennes routes de la soie, créent des centres de développement en chaîne perlée avec un fort rayonnement.

    Pékin – Hambourg : les trains plus rapides que les bateaux

    Mais qui, dans cette Europe au regard toujours fixé sur les États-Unis, s’en est aperçu ? Le 9 janvier 2008 par exemple, un train pionnier a été mis en route pour la première fois avec des biens pour l’Europe, et cela depuis Pékin. Destination Hambourg ! Un trajet de 9800 km à travers six pays. Le résultat? Arrivée à Hambourg au bout de 18 jours – pour la même destination par voie maritime avec des porte-conteneurs on aurait mis presque 40 jours! Un événement qui ouvre de toutes nouvelles dimensions – et un regard sur la carte de l’Eurasie le montre : qu’est-ce qu’il y a de plus naturel que le renforcement des voies terrestres depuis la Chine vers l’Europe ? L’Eurasie est un continent en soi, une masse territoriale naturellement faite pour constituer une seule et même superficie – ce que l’on ne peut vraiment pas dire de la relation entre l’Europe et les Etats-Unis, séparés par deux océans.
    Naturellement, pour l’historien, il y a aussi des souvenirs sombres en ce qui concerne un corridor transeurasien: les pays de l’Europe continentale ont déjà une fois essayé d’établir un lien par voie terrestre avec l’Orient. Qu’on se rappelle le projet du «chemin de fer Berlin-Bagdad». Comme le démontre l’historien Daniele Ganser dans son livre «Europa im Erdölrausch» [L’Europe dans la fièvre pétrolière], on aurait pu transporter de façon peu coûteuse du pétrole depuis l’Irak jusque dans les centres économiques de l’Europe centrale. Et cela sans dépendre de la flotte britannique, donc de l’Empire mondial britannique. Nous savons tous, ce qui est arrivé alors: un petit bout de pays n’était pas intégré dans le pont terrestre germano-habsbourgeois-ottoman: la Serbie. Qu’il y ait eu par la suite ce coup de fusil dans le Sarajevo occupé par l’Autriche – qui devait assurer à la puissance maritime de la Grande-Bretagne le monopole pétrolier au Proche-Orient, et l’on parle là aussi de la Première Guerre mondiale – cela est connu, certes mais peut-être moins connu avec ladite toile de fond sus-mentionnée.
    Les pays européens, la Russie et la Chine doivent se tenir sur leurs gardes et empêcher puissance maritime encore numéro 1, les États-Unis, mettent en scène là quelque chose de semblable à ce que firent les Britanniques en 1914. Des essais de déstabilisation par le passé en Ukraine, en Azerbaïdjan, dans les républiques centrasiatiques pourraient être classifiés en prolongement de cet arrière-fond.

    L’empire marche à reculons – à lire quotidiennement dans les journaux

    Franz Betschon a publié son analyse en 2009. Tout comme von Salis, qu’il vénère, il n’a pas besoin de corriger quoi que ce soit. Au contraire, beaucoup de points problématiques qu’il a cités sont devenus encore plus évidents après trois ans. Que le président Obama ait pu faire admettre Hagl comme ministre de la Défense en dit long: qu’un ministre de la Défense des Etats-Unis mette en garde contre le lobby pro-Israël et aspire à des négociations avec l’Iran, qu’un ministre des Affaires étrangères, John Kerry, visite le Caire, Riad et Doha, mais laisse de côté Tel Aviv, c’est quelque chose. Que maintenant des négociations avec l’Iran soient possibles avec la présence des Etats-Unis, et en même temps aussi la Chine et la Russie, c’est encore autre chose. Que le Premier ministre turc mette sur le même plan le sionisme, le fascisme, l’antisémitisme et l’antiislamisme et les condamne, et se fasse vivement critiquer dans les médias israéliens,7 mais qu’il reste quand-même un allié étroit des Etats-Unis et qu’il veuille, malgré ou bien justement à cause de ces déclarations, adhérer à l’UE, est encore un troisième élément. Qu’un Kenneth Waltz veuille accorder, dans Foreign Affairs de juillet/août 2012,8 la bombe à l’Iran, parce que le monde deviendrait ainsi plus sûr, surtout le Proche-Orient, parce que la puissance nucléaire d’Israël aurait ainsi un adversaire – Israël qui, d’après ce «Grand old man» des sciences politiques américaines, représenterait le danger principal pour la paix dans la région –, voilà qui nous fait dresser l’oreille! Cela sonne un peu comme une stratégie d’échiquier d’un Brzezinski, auquel Betschon se réfère plusieurs fois, mais alors une stratégie de retrait des joueurs d’échec de l’Empire.

    Renouer avec le concept de Roosevelt du respect de la souveraineté des Etats-nations

    Il serait souhaitable pour les habitants de l’Eurasie, mais aussi du Proche-Orient, et cela de quelque nationalité et de quelque appartenance religieuse fussent-ils, que la stratégie chinoise des nouvelles routes de la soie puisse se réaliser et ainsi la cohabitation pacifique économique et politique, et cela sans manœuvres déstabilisatrices transatlantiques. Quels paysages florissants pourraient en résulter, si ce grand continent pouvait se ressouder, comme Kishore Mahbubani ne cesse de répéter. Si les anciens ennemis mortels, Japon et Chine, après les affres de la Seconde Guerre mondiale et après les plus de 30 millions de Chinois tués par les Japonais, peuvent aujourd’hui coopérer paisiblement, pourquoi cela ne devrait-il pas être possible au Proche-Orient? Et pourquoi les Etats-Unis ne devraient-ils pas s’orienter selon le modèle de Roosevelt du respect de la souveraineté des Etats-nations? Vu l’endettement exorbitant, c’est une nécessité de l’heure – et aussi celle du bon sens. Une tâche qui siérait bien au Prix Nobel Obama. Mais l’UE également pourrait se rendre digne de son prix Nobel et enterrer son hostilité en direction de l’Est. La population suisse pourrait alors, dans cette situation confuse et complexe, s’investir comme nation des bons services et vivre son fédéralisme comme exemple d’une cohabitation édifiante et pacifique, et cela sans lorgner du côté des grandes puissances.
    Si le livre de Franz Betschon peut diriger pensée, réflexion et action dans cette direction, il s’avérera riche en effets bénéfiques. On lui souhaite un large lectorat, et bien sûr pas seulement en Suisse.     •

    Tobias Salander, historien  http://euro-synergies.hautetfort.com/

    1    Franz Betschon: Das eurasische Schachturnier. Krisen, Hintergründe und Prognosen. Frankfurt/Main, 2009. ISBN 978-3-8301-1234-1.
    2    David P. Goldman: Un monde sans dominance des USA, né à Phnom-Penh. In: Horizons et débats no 53 du 28/12/12
    3    Hans-Christof von Sponeck: La tentative d’appliquer la responsabilité de protéger a lamentablement échoué en Libye. In: Horizons et débats no 18/19
    du 7/5/12
    4    Frappe contre la Syrie – cible: la Russie. Interview d’Andrej Iljitsch Fursov. In: Horizons et débats no 37 du 10/9/12
    5    Kishore Mahbubani: Die Rückkehr Asiens. Berlin 2008. ISBN 978-3549073513
    6    Hans Köchler: Weltgericht ohne Weltstaat. Strafjustiz unter dem Diktat der Realpolitik? Kommentar zu Idee und Wirklichkeit des Internationalen Strafgerichtshofes zehn Jahre nach dem Inkrafttreten des Römer Statutes. Vienne, 1/7/12.
    http://i-p-o.org/Koechler-ICC-Weltgericht-ohne-Weltstaat-IPO-OP-1July2012.htm
    7    At UN conference, Erdogan calls Zionism «crime against humanity». In: Haaretz du 28/2/13.
    www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/at-un-conference-erdogan-calls-zionism-crime-against-humanity.premium-1.506392
    8    Kenneth N. Waltz: Why Iran should get the bomb. Nuclear balancing would mean stability.
    In: Foreign Affairs July/August 2012. Ed.: Council on Foreign Relations. Traduction française in:
    Horizons et débats no 43/44 du 22/10/12

     

    Dans le chapitre «megatrends» [tendances mégas], l’auteur ose émettre quelques pronostics extrêmement passionnants et au fait très convaincants du développement futur: sans se fixer sur une date et un ordre, on pourrait s’attendre aux développements suivants:
    1.    L’Europe et l’Asie se souderont économiquement sans retour.
    2.    L’Eurasie développera une politique fédéraliste de commerce, d’extérieur et de sécurité.
    3.    La notion d’«Occident» deviendra superflue: L’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Nord et Israël ne formeront plus une unité.
    4.    L’Europe continentale s’orientera vers l’Est. L’Amérique du Nord ne sera intéressante plus que pour le commerce.
    5.    L’UE et l’OTAN devront être reconsidérés et remplacés par quelque chose de nouveau.

  • La diplomatie économique est-elle le seul avenir pour les relations Russo-européennes ?

    La visite du président russe en Europe la semaine dernière n’a pas seulement été d’une importance capitale, elle a aussi été très lourde de symboles dans le cadre des relations tortueuses entre la Russie et l’Europe.

    La visite de Vladimir Poutine en Allemagne a consacré la relation entre les deux pays qui semble se limiter à une fraiche mais fructueuse diplomatie économique. Angela Merkel a haussé le ton sur les ONG puisque notamment deux fondations politiques allemandes: Friedrich-Ebert (proche du SPD) et Konrad-Adenauer (proche de la CDU) ont été perquisitionnées en Russie. Celle-ci a donc ouvertement pris à partie le président russe sur ce sujet sensible, comme elle l’avait fait pour les Pussy Riot (sans obtenir l’effet escompté) ce qui devrait visiblement être aussi le cas dans ce dossier des ONG allemandes, dossier pour lequel on peut douter qu’elle ait trouvé une oreille réceptive en Vladimir Poutine.

    La polémique sur les Pussy Riot et les ONG fait suite à un échange un peu sec entre les deux leaders à propos de Chypre, lorsque Vladimir Poutine avait qualifié le plan Merkel “d’injuste, non professionnel et dangereux”.

    On s’étonne toujours de voir l’Allemagne donner des leçons de démocratie à ses voisins et peu de gens savent par exemple que la CDU est le parrain politique de partis d’opposition en Ukraine visant à accélérer et pousser le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’UE et à la communauté euro-atlantique, au passage en coopération directe avec des fondations oranges américaines comme l’IRI (républicains) et le NDI (démocrates).

    Pour ce qui est des ONG, on pourrait demander à la chancelière allemande ce qu’elle dirait si un État étranger, disons la Chine ou la Russie, soutenait financièrement et logistiquement des associations (par exemple Golos) pour se mêler des processus politiques intérieurs de l’Allemagne (voir par exemple ici, la et la). On ne peut que s’étonner du reste que les sponsors de Golos (Usaid, Ned, Iri..) soient les mêmes que ceux du parti Ukrainien précité Udar.

    Mais la chancelière Merkel, qui est en précampagne sait parfaitement qu’elle soit se démarquer de son opposition de centre gauche (SPD) qui est beaucoup moins regardante sur les droits de l’homme, le principal opposant à Angela Merkel, Peer Steinbrück ayant récemment affirmé que “Les critères occidentaux de la démocratie n’étaient pas immédiatement transposables à la Russie” ou encore que la Russie est un “partenaire incontournable et qu’il convenait de ne pas l’humilier”.

    Un minimum alors que le commerce entre les deux pays a atteint en 2012 un record de 80 milliards de dollars et que la grande dépendance énergétique européenne devrait augmenter via l’Allemagne avec le renforcement du gazoduc North Stream.

    En Hollande, l’atmosphère de la visite du président Russe a été on ne peut plus fraiche, et le terme de simple diplomatie économique semble là aussi plus qu’adéquat. Les Pays-Bas sont le premier partenaire économique européen pour la Russie puisque le niveau des échanges entre les deux pays a en 2012 atteint 82,7 milliards de dollars. Pour autant, là encore, le président russe a été accueilli par des questions sur les inspections des locaux d’ONG ou sur les droits des homosexuels, et par une manifestation de collectifs pour la défense des droits sexuels des minorités.

    On essaye d’imaginer ce que diraient les autorités hollandaises si elles étaient accueillies à Moscou par des manifestations de russes hostiles aux lois libertaires qui existent en Hollande et permettent par exemple l’existence d’un parti pédophile souhaitant légaliser la pornographie enfantine et la zoophilie.

    Doit-on imaginer que les Pays-Bas puissent prétendre sur certains points, et dont celui-là, être un modèle pour le monde? Il faut quand même avouer que sur ce dernier point on est très loin, sur le plan des atteintes aux libertés individuelles, de la loi russe contestée interdisant non pas d’être homosexuel, mais d’en faire la promotion publiquement.

    Pendant ces déplacements russes en Europe occidentale qui ont été fructueux au moins sur le plan économique, la Serbie a elle fait un pas de plus vers le bloc russo-centré et l’union eurasiatique (comme annoncé il y a 6 mois dans ma tribune “l’Union Eurasiatique entre deux mondes“), en rejetant l’injonction bruxelloise d’accepter sans discussion l’indépendance du Kosovo. Le pays est ainsi cette semaine devenu le premier état européen et non issu de l’ex-bloc soviétique, à devenir membre observateur de l’OTSC.

    Dans le même temps, en parallèle de ce fort rapprochement politique, la Russie a consenti un prêt de 500 millions de dollars à la petite Serbie, confirmé un accord militaire renforcé, étendu le régime de libre échange entre les deux pays, et surtout confirmé prendre en charge le financement du tronçon South Stream qui passera par la Serbie.

    Je rappelle que South Stream est un gazoduc russe qui passera sous la Mer Noire en direction de l’Europe, en complément du gazoduc North Stream qui relie la Russie à l’Allemagne en passant sous la Mer Baltique. Ce nouveau tube permettra surtout à la Russie de ne pas dépendre uniquement de l’Allemagne pour l’alimentation énergétique de l’Europe, comme elle dépendait autrefois uniquement de l’Ukraine.

    Les relations Russie-UE sont donc visiblement cantonnées à une diplomatie économique stable et sans trop de surprises, maintenue surtout par le haut niveau d’interdépendance économique. La question de la morale, si elle n’interfère pas trop à ce jour dans les relations, reste pourtant le principal point de désaccord.

    La Russie, de son côté, cherche toujours à augmenter son niveau d’intégration politique avec ses voisins proches mais aussi avec le bloc orthodoxe.

    Une politique dont il conviendra de voir, dans un avenir proche, si elle est payante.

    Ria Novosti  http://fortune.fdesouche.com

  • En route vers la 3ème Guerre Mondiale

    Ce qui suit est une vidéo tout à fait instructive sur la perspective d'une Troisième Guerre Mondiale et les forces qui sont à l’œuvre dans l'ombre. Cette vidéo est tellement riche qu'il semblait nécessaire d'en réaliser la transcription et de sourcer au maximum les affirmations qui y sont mentionnées. C'est entre autre l'objet de cet article qui espérons-le permettra d'éveiller le plus de consciences possibles...

    http://www.youtube.com/watch?v=BKLJHHIi9N4&feature=player_embedded

    Pourquoi les États-Unis ont-ils attaqué la Libye [1], l'Irak [2], l'Afghanistan [3] et le Yémen [4] ?

    Pourquoi les agents américains participent-ils à la déstabilisation de la Syrie [5] ?

    Et pourquoi le gouvernement américain cherche-t-il tant à détruire l'Iran, en dépit du fait que l'Iran n'a attaqué aucun pays depuis 1798 [6] ?

    Qui sera le prochain ? Vers quoi allons-nous ?

    Quand vous regardez la trajectoire vers laquelle nous nous dirigeons, cela est incompréhensible si vous vous basez sur ce que l'on vous a enseigné à l'école. Et cela n'a absolument aucun sens si vous fondez votre vision du monde sur la propagande que les médias dominants tentent de faire passer pour de l'information. Mais c'est parfaitement sensé une fois que vous connaissez les réelles motivations des pouvoirs en place. Pour comprendre ces motivations, nous devons d'abord regarder l'Histoire.

    En 1945, l'accord de Bretton Woods a fait du dollar la monnaie de la Réserve Mondiale [7], ce qui revenait à libeller en dollars les produits internationaux. Cet accord, qui donne aux Etats-Unis un avantage financier, a été établi à condition que l'argent puisse être convertible en or, au taux constant de 35$ l'once. Les États-Unis ont promis de ne pas imprimer beaucoup d'argent, mais il ne s'agissait que d'un accord verbal, puisque la FED a refusé de permettre toute vérification ou surveillance de son processus d'impression.

    Au cours des années ayant précédé les années 70, les dépenses de la guerre du Vietnam [8] ont fait prendre conscience à de nombreux pays que les États-Unis ont imprimé beaucoup plus d'argent qu'ils n'en avaient en or. Ils ont donc commencé à réclamer de l'or en retour. Évidemment, cela a déclenché une baisse rapide de la valeur du dollar.

    http://www.youtube.com/watch?v=xmpkkDGTGKw&feature=player_embedded

    La situation a atteint son paroxysme en 1971, lorsque la France a tenté de retirer ce qu'elle possédait en or, et que Nixon a refusé [9].

    Le 15 août 1971, il prononça le discours suivant : "J'ai chargé le Secrétaire au Trésor de prendre les mesures nécessaires pour défendre le dollar contre les spéculateurs. J'ai chargé le Secrétaire Connally de suspendre temporairement la convertibilité du dollar en or ou les autres actifs en réserve, sauf pour des sommes et conditions jugées dans l'intérêt de la stabilité monétaire ainsi que pour les meilleurs intérêts des États-Unis."

    http://www.youtube.com/watch?v=mAMnyWl2GCY&feature=player_embedded

    Ce n'était évidemment pas une suspension temporaire comme il le prétendait, mais un changement permanent, et pour le reste du monde qui avait confié aux États-Unis son or, il s'agissait purement et simplement d'un vol.

    En 1973, le Président Nixon demanda au roi Faysal d'Arabie Saoudite de n'accepter les paiements pour le pétrole qu'en dollar et d'investir les profits dans les bons du Trésor et les billets américains [10]. En échange, Nixon garantissait une protection militaire des champs de pétrole saoudiens. L'offre a été étendue à l'ensemble des pays clefs producteurs de pétrole dans le monde, et en 1975, tous les membres de l'OPEP ont accepté de ne vendre leur pétrole qu'en dollars américains [11].

    Le mouvement consistant à détacher le dollar de sa parité-or en le rattachant au pétrole étranger, ce qui a instantanément forcé tous les pays importateurs de pétrole du monde à maintenir un approvisionnement constant de billets de la Réserve Fédérale. Et pour avoir ce papier vert, ils doivent envoyer des biens physiques à l'Amérique. Voici comment les pétrodollars sont nés.

    Les billets s'en allaient et tout ce dont les États-Unis avaient besoin arrivait. C'est ainsi que les États-Unis sont devenus très très riches. Ce fût la plus grande escroquerie financière de l'Histoire.

    La course à l'armement de la Guerre Froide était un jeu de Poker. Les dépenses militaires étaient les jetons et les États-Unis avaient un approvisionnement en jetons infini.

    Avec les pétrodollars à leur actif, ils ont réussi à faire monter les enchères de plus en plus haut, et dépenser plus que tous les autres pays du monde, jusqu'à ce que finalement les dépenses militaires américaines dépassent celles de toutes les nations du monde réunies [12].

    L'Union Soviétique, n'a jamais eu la moindre chance. L'effondrement du bloc communiste en 1991 [13] a éliminé le dernier adversaire de taille face à la puissance militaire américaine. Les États-Unis étaient désormais une superpuissance incontestée, sans rival.

    Beaucoup espéraient que cela marquerait le début d'une nouvelle ère de paix et de stabilité. Malheureusement, ceux au sommet avaient d'autres idées. La même année, les États-Unis ont envahi l'Irak, lors de la première guerre du Golfe [14].

    Et après avoir anéanti l'armée irakienne et détruit leurs infrastructures, dont des stations d'épuration et des hôpitaux, des sanctions paralysantes ont été imposées, lesquelles empêchaient aux infrastructures d'être reconstruites. Ces sanctions qui ont été initiées par Bush père et soutenues tout au long par l'administration Clinton, ont duré plus d'une décennie. Et on estime qu'elles ont tué plus de 500 000 enfants. L'administration Clinton était parfaitement au courant de ces chiffres [15].

    [Journaliste à Madeleine Albright] : Nous avons entendu dire qu'un demi-million d'enfants sont morts... c'est plus que les enfants morts à Hiroshima. Cela en valait-il le prix ?

    [Madeleine Albright] : Je pense que c'était un choix très difficile, mais nous pensons que cela en valait la peine.

    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=lbLCY4iHDRE

    Mme Albright, qu'est-ce qui vaut la peine de tuer 500 000 enfants ?

    En novembre 2000, l'Irak a commencé à vendre son pétrole exclusivement en euros [16]. Il s'agissait d'une attaque directe contre le dollar et envers la domination financière américaine, et cela n'allait pas être toléré.

    En réponse, le gouvernement américain avec l'aide des médias dominants, a commencé à mettre en place une campagne de propagande massive affirmant que l'Irak possédait des armes de destruction massive et qu'elle avait l'intention de les utiliser [17].

    En 2003, les États-Unis ont envahi l'Irak, et une fois qu'ils eurent pris le contrôle du pays, les ventes de pétrole ont été de nouveau adossées au dollar [18]. Ceci est particulièrement remarquable car revenir au dollar entraînait une perte de 15 à 20% sur les revenus en raison de la valeur élevée de l'euro. Cela n'a aucun sens, sauf si vous prenez en compte les pétrodollars.

    [General Wesley Clark] : Alors je suis revenu le voir quelques semaines plus tard, et à ce moment-là, nous bombardions l'Afghanistan. J'ai demandé : "Prévoyons-nous toujours d'aller en guerre contre l'Irak ?". Il a dit : "Oh, c'est pire que ça." Il s'est baissé et a pris un document rangé au bas de son bureau, et il a dit : "Je viens de récupérer ça d'en haut" ; l'équivalent aujourd'hui du bureau du Secrétaire à la Défense. "Il s'agit d'un mémo qui décrit comment nous allons détruire 7 pays en 5 ans, en commençant par l'Irak, puis la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan, et en finissant avec l'Iran."

    http://www.youtube.com/watch?v=vE4DgsCqP8U&feature=player_embedded

    Jetons un coup d’œil sur les événements de la dernière décennie et voyons si nous pouvons en tirer un modèle. En Libye, Khadafi était en plein processus d'organisation d'un bloc de pays africains visant à créer une monnaie basée sur l'or appelée le Dinar [19], qu'ils souhaitaient utiliser pour remplacer le Dollar dans cette région.

    Les forces américaines et l'OTAN ont déstabilisé puis renversé le gouvernement libyen en 2011, et après avoir pris le contrôle de la région, les États-Unis ont armé les rebelles, exécuté Khadafi, et immédiatement mis en place la Banque Centrale Libyenne [20].

    L’Iran mène depuis un certain temps une campagne active visant à mettre fin aux ventes de pétrole en dollar [21]. Et l'Iran a récemment passé des accords afin de commencer à vendre son pétrole contre de l'or [22].

    En réponse, le gouvernement américain avec l'aide des médias dominants a tenté de créer un soutien international pour encourager des attaques militaires sous le prétexte d'empêcher l'Iran de construire une arme nucléaire [23]. En attendant, ils ont mis en place des sanctions visant à provoquer un effondrement économique de l'Iran [24].

    La Syrie est le plus proche allié de l'Iran et ils sont liés par des accords de défense mutuelle [25]. Le pays est actuellement en train d'être déstabilisé avec l'aide secrète de l'OTAN [26]. Et si la Russie et la Chine ont mis en garde les États-Unis de ne pas se lancer dans cette aventure [27], la Maison Blanche à quant à elle fait des déclarations au cours des derniers mois indiquant qu'elle envisage une intervention militaire [28].

    Il est évident que l'on ne réalise pas ce qu'une intervention militaire en Syrie et en Iran signifie. La conclusion de tout ceci est évidente, tout comme pour l'Irak et la Libye. Les États-Unis travaillent activement pour créer le contexte qui leur donnera la couverture diplomatique pour faire ce qu'ils ont déjà prévu de faire.

    Le motif de ces invasions et actions clandestines devient clair lorsqu'on les regarde dans leur contexte global. Ceux qui contrôlent les États-Unis comprennent que si quelques pays commencent à vendre leur pétrole dans une autre monnaie, cela déclenchera un effet domino, et le dollar s'effondrera. Ils ont conscience du fait qu'il n'y a absolument rien d'autre qui maintienne la valeur du dollar en ce moment, et le reste du monde aussi.

    Mais plutôt que d'accepter le fait que le dollar se rapproche de la fin, les pouvoirs en place ont mis en œuvre une manœuvre bien réfléchie. Ils ont décidé d'utiliser la force brute de l'Armée US pour écraser toute résistance au Moyen-Orient et en Afrique.

    Le dinar à lui seul serait suffisamment nuisible, mais ce que vous devez comprendre, c'est que cela ne va pas se terminer avec l'Iran. La Chine et la Russie ont déclaré publiquement dans des termes sans équivoques, qu'ils ne toléreront pas une attaque contre l'Iran ou la Syrie. L'Iran est l'un de leurs principaux alliés et l'un des derniers producteurs de pétrole indépendants dans la région.

    Et ils ont conscience que si l'Iran s'effondre, alors ils n'auront aucun autre moyen d'échapper à la valeur du dollar que de mener la guerre. Et pourtant, les États-Unis poussent à cela en dépit des mises en garde.

    Ce que nous voyons ici, c'est une trajectoire qui mène tout droit à l'impensable. C'est une trajectoire qui a été cartographiée il y a des années en ayant conscience des conséquences humaines que cela implique.

    Mais qui sont ceux qui nous mènent dans le mur ?

    Quel genre de psychopathe est prêt à déclencher un conflit mondial qui entraînerait des millions de morts juste pour protéger la valeur d'une monnaie papier ?

    Évidemment, ce n'est pas le Président. La décision d'envahir la Libye, la Syrie ou l'Iran, a été prise des années avant qu'Obama soit sous le feu des projecteurs. Et pourtant, il ne fait qu'exercer ses fonctions tout comme l'on fait les marionnettes qui l'ont précédé.

    Alors, qui tire les ficelles ?

    Bien souvent, la meilleure réponse se trouve dans une autre question : "Cui bono ?" [A qui cela profite ?]

    Bien sûr, ceux qui ont le pouvoir d'imprimer le dollar à partir de rien ont le plus à perdre si le dollar s'effondre. Depuis 1913, ce pouvoir est détenu par la Réserve Fédérale. La FED est une entité privée détenue par un conglomérat des banques les plus puissantes au monde [29] et les hommes qui contrôlent ces banques sont ceux qui tirent les ficelles. Pour eux, c'est juste un jeu.

    Votre vie ainsi que celle de ceux que vous aimez ne sont que des pions sur leur échiquier.

    Et tel un enfant gâté de 4 ans qui jetterait l'échiquier au sol dès qu'il commence à perdre, les pouvoirs en place sont prêts à déclencher une 3ème guerre mondiale pour garder le contrôle sur le système financier mondial.

    Rappelez-vous en lorsque les guerres s'étendront et s'accélèreront. Rappelez-vous en lorsque votre fils ou celui du voisin rentrera dans un cercueil couvert d'un drapeau. Rappelez-vous en lorsqu'ils pointeront du doigt le nouveau Ben Laden. Parce que ces aliénés qui dirigent ce spectacle iront aussi loin que vous le leur permettrez.

    Alors, combien de temps nous reste-t-il ? J'entends ça constamment, mais c'est la mauvaise question. Demander combien de temps il nous reste est une posture passive. C'est l'attitude d'un prisonnier qui attend qu'on le sorte d'un fossé et qu'on lui tire une balle dans la tête.

    Quelles sont nos chances ? Peut-on changer le cours des choses ? Mauvaise question encore ! Les chances n'ont plus d'importance. Si vous comprenez ce à quoi nous sommes confrontés, alors vous avez une responsabilité morale de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour changer le cours des choses, sans regarder quelles sont nos chances. C'est seulement lorsque vous arrêtez de baser votre participation sur les chances de réussite que la réussite devient réellement possible.

    Pour éradiquer la force maladive de ce projet financier et traîner ces cartels criminels en justice, nous n'avons pas d'autre choix qu'une révolution.

    Le gouvernement ne va pas vous sauver car il est complètement infiltré et corrompu jusqu'à l'os. Compter sur lui pour trouver une solution est à ce stade totalement naïf.

    Il y a 3 étapes pour mener une révolution, et celles-ci se suivent.

    La phase 1 est déjà en cours. C'est la résistance idéologique. A ce stade, nous devons travailler activement pour réveiller le maximum de personnes possible, à propos de ce qui est en train de se passer, et ce vers quoi nous nous dirigeons. Toutes les révolutions débutent par des bouleversements dans les mentalités, et aucune autre résistance significative n'est possible sans cela.

    Le succès à cette étape du "jeu" peut être mesuré par la contagion des idées. Lorsqu'une idée atteint une masse critique, elle se répand d'elle-même dans toute la société. Pour parvenir à cette contagion, nous avons besoin de plus de gens dans ce combat. Nous avons besoin de plus de personnes qui s'expriment, font des vidéos, des articles, propagent ces informations, à l'échelle nationale et internationale. Et nous avons surtout besoin d'atteindre la Police et l'Armée.

    La phase 2 est la désobéissance civile plus connue sous le nom de résistance non-violente. A ce stade, vous déposez votre argent là où se trouve votre intérêt, ou plus précisément, vous retirez votre argent ainsi que votre obéissance envers le gouvernement, et vous faites tout ce qui est possible pour mettre l'Etat à l'arrêt. Pratiquée massivement, cette méthode à elle seule est souvent suffisante pour mettre un régime à genoux.

    Si vous échouez à ce stade, alors la phase 3 est inévitable.

    La phase 3, c'est la résistance physique directe. Elle est le dernier recours, et doit être écartée et retardée aussi longtemps que possible, et ne devra être invoquée qu'après que toutes les options auront été épuisées.

    Il y a ceux qui parlent virilement et qui affirment qu'ils résisteront le moment venu, mais il y a ceux qui ne réalisent pas que si vous êtes inactifs pendant les 2 premières étapes et économisez vos efforts pour la dernière phase de résistance, alors vous échouerez.

    Lorsqu'en Allemagne, les nationaux-socialistes allaient de porte en porte, traînant les gens hors de leur maison, c'était à ce moment là qu'il fallait se battre physiquement. Mais en raison d'un manque de résistance idéologique et de désobéissance civile avant cela, même un soulèvement armé aurait probablement échoué à ce moment là.

    Un soulèvement armé ne peut réussir que si les gens ont une attitude de résistance active. Et la résistance active n'est possible qu'après que leurs esprits se soient libérés de la propagande dominante. Si vous voulez vous battre, c'est maintenant ou jamais. Vous n'aurez pas d'autre chance plus tard. Les enjeux sont beaucoup plus importants qu'ils ne l'étaient durant l'Allemagne national-socialiste.

    Si vous souhaitez vous impliquer, rédiger des articles, produire des vidéos, ou faire des interviews sur ces sujets ou si vous êtes un militant ayant besoin d'un site web allez sur www.naturalrightsfoundation.org

    Source : www.NaturalRightsFoundation.org
    Traduction et sous-titrage : www.lejournaldusiecle.com
    Annotations : Kairos & Logos

    [1] Guerre en Libye : la chronologie des événements (Le Monde)

    [2] Guerre d'Irak : comment tout a commencé il y a dix ans (Le Figaro)

    [3] Chronologie des événements en Afghanistan depuis 2001 (La Croix)

    [4] Obama déclare la guerre à Al-Qaïda au Yémen (LCI)

    [5] Pacte USA-Al Qaeda sur la Syrie, 5 000 djihadistes devraient participer au renversement d’al-Assad (Réseau Voltaire)

    [6] The Wars of Iran

    [7] Accords de Bretton Woods (Wikipédia)

    [8] "Le coût direct de la guerre s'élève à 140 milliards de dollars et les coûts indirects sont évalués à 900 milliards." : guerre du Viêt-nam (L’Encyclopédie Canadienne)

    [9] De Gaulle, l’or et le Dollar (Geopolintel)

    [10] Petrodollar pumping US policy on Iran, backfire looms (Russia Today)

    [11] A New American Century? Iraq and the hidden euro-dollar wars (Centre de recherche sur la mondialisation)

    [12] Liste des pays par dépenses militaires (Wikipedia)

    [13] La fin de l'URSS en décembre 1991: des jours qui ébranlèrent le monde (Le Point)

    [14] Chronologie de la Guerre du Golfe 1990 - 1991 (Guerre du Golfe)

    [15] Iraq Sanctions Kill Children, U.N. Reports (New-York Times)

    [16] L'Irak va vendre son pétrole en euros (Le Parisien)

    [17] Colin Powell : comment la CIA m'a trompé (Le Nouvel Observateur)

    [18] Iraq returns to international oil market (Financial Times)

    [19] The mystery of Gaddafi’s gold (Voice of Russia)

    [20] Military Monetary Policy: Rebels Set Up Central Bank (CNBC)

    [21] L'Iran et la Russie suppriment le dollar de leurs échanges commerciaux (Radio Francophone Iranienne)

    [22] L'Iran vendra son pétrole contre de l'or, des monnaies locales et même par le troc (La Tribune)

    [23] Four scenarios on Iran nuclear program (CNN)

    [24] ‘Crippling’ U.S. Sanctions Aim to Topple Iran Regime, Mehr Says (Bloomberg)

    [25] Iran and Syria confront US with defence pact (Guardian)

    [26] Syrie : Regroupement de combattants étrangers aux frontières turque et jordanienne (Réseau Voltaire)

    [27] La Chine et la Russie font rempart autour de la Syrie et l'Iran (Libération)

    [28] Syrie: Obama évoque possible intervention militaire (Huffington Post)

    [29] Les Secrets de la Réserve Fédérale de Eustace Mullins

    SOURCE / http://kairoslogos.blogspot.fr/2013/04/en-route-vers-la-3eme-guerre-mondiale.html

  • Un manque de droiture juridique ! (archive 2008)

    Aperçu des bases juridiques dans lesquelles s’incarnent les Droits de l'Homme, parfois au mépris du politique évincé par le "gouvernement des juges"... Pour leur rendre la dignité qui leur revient, et que l'Église ne leur a jamais déniée, il conviendrait de réintégrer ces droits dans un ordre naturel.
    Les Droits de l'Homme ne seraient guère plus qu'une philosophie sans grand intérêt s'ils n'avaient pas pourri le droit international et, tout particulièrement, le droit français. En effet, religion séculière contemporaine, pour exister, ils ont besoin de s'incarner sur des bases temporelles, sur des bases juridiques.
    Recherche d'une efficacité
    La Déclaration universelle des Droits de l'Homme adoptée le 10 décembre 1948 n'avait alors aucune valeur juridique, en ce sens qu'aucune cour internationale ne pouvait s'y référer pour condamner un État. L'absence d'effet contraignant conduisit les pays membres de l'ONU à signer deux nouveaux pactes en 1966 : le Pacte des droits civils et politiques et le Pacte des droits économiques, sociaux et culturels, distinction requise surtout dans un contexte de guerre froide et d'opposition idéologique forte entre les démocraties libérales et les démocraties populaires.Il n'existe cependant, pour les deux pactes, aucun moyen juridictionnel pour rendre effectifs les droits énumérés. Ils font intervenir des solutions diplomatiques différentes mais peu efficaces pour mettre fin à une violation constatée.
    Les États membres du Conseil de l'Europe, issu du traité de Londres du 5 mai 1949, adoptèrent la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui entra en vigueur le 3 septembre 1953. Une cour fut instituée en 1959, accessible directement aux particuliers dans le cadre d'une procédure juridictionnelle débarrassée de tout aspect politique ou diplomatique depuis 1998 : la Cour européenne des Droits de l'Homme devenait ainsi une forme de "cour suprême", dont la mission consiste à juger les décisions des juridictions nationales au regard des droits contenus dans la Convention européenne des Droits de l'Homme.
    Concernant le droit national, le Conseil constitutionnel, sous la Ve République fondée en 1958, dispose, sous certaines conditions de procédure, d'un pouvoir de contrôle de constitutionnalité de la loi. Le contrôle s'exerce non seulement au regard du corps du texte constitutionnel, mais également, depuis 1973, du préambule de la Constitution de 1946, qui consacre quelques principes sociaux "nécessaires à notre temps" et, surtout, de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Cela a introduit une "révolution" dans le contrôle de constitutionnalité, ce dernier ayant été conçu par le général De Gaulle pour empêcher toute hégémonie du Parlement dont le pouvoir était strictement encadré : le Conseil constitutionnel, dès lors, ne se contentait plus de juger les lois d'un point de vue de compétence ou de procédure, mais sur le fond, par rapport à des principes vagues et désincarnés.
    La Cour européenne des Droits de l'Homme, quant à elle, a, ces dernières années, adopté une attitude que les juristes qualifient de téléologique voire finaliste. C'est-à-dire qu'elle ne va pas se contenter d'interpréter les droits énoncés simplement en fonction du contenu du texte ; elle va chercher un sens à ce droit, à son évolution.
    La démocratie balayée
    L'interprétation des juges est également dynamique : la cour s'attribue le droit de juger demain une affaire d'une manière différente d'hier, en se fondant sur l'évolution des mentalités par exemple. La Cour fait aussi appel au droit international et aux droits étrangers pour inspirer ses jugements. Comportement logique de la part d'un juge qui est appelé à émettre un jugement sur le fondement de droits biberonnés de libéralisme et donc vagues, imprécis, ouvrant toutes les portes et interprétations possibles. Ainsi, si la Cour européenne a refusé jusqu'à présent de condamner un État qui refuse l'accès au mariage aux couples homosexuels, ce n'est qu'au motif qu'aucun "consensus" n'était encore établi sur le sujet...
    Avec la "droit-de-l'hommisation" du droit, on assiste à une situation étrange où la démocratie est balayée par la "juridictionnalisation" de la politique. En France, le contrôle de constitutionnalité devient peu à peu une arme dont use l'opposition contre la majorité gouvernementale. C'est le droit, dont les Droits de l'Homme sont le sommet de la hiérarchie normative, qui est appelé peu à peu à régir la vie politique sous la forme d'un gouvernement des juges. Aux États-Unis d'Amérique, la Suprem Court est de plus en plus contestée car c'est elle qui tranche, et non plus le débat politique, les grands problèmes de société (vie privée, sécurité, avortement, peine de mort, sexualité...). Et il n'y a pas trop à se réjouir que la démocratie soit ainsi mise à mal puisqu'elle permettait encore un semblant de vie politique là où le droit machiniste, rationnel et désincarné imposera le triomphe du libéralisme - et ce au nom de la démocratie, c'est peut-être bien là le plus cocasse.
    Alors que faire ? Il ne s'agit pas de condamner par principe l'idée de "Droits de l'Homme", ni même de se renfermer dans un stupide conservatisme souverainiste contre la Convention européenne. Si l'Église catholique n'a pas condamné la déclaration de 1948, c'est bien parce que « le mouvement vers l'identification et la proclamation des Droits de l'Homme est un des efforts les plus importants pour répondre efficacement aux exigences irréductibles de la dignité humaine. » (1) À méditer au sortir du siècle de 1914, lui-même fils du siècle des "Lumières" qui vit, au nom des idéologies les plus abjectes, des gouvernements massacrer et brutaliser leurs peuples.
    Libéralisme
    Le problème des Droits de l'Homme ne vient pas de leur internationalisation (La dignité humaine n'est-elle pas universelle ?) ni même forcément de leur juridictionnalisation : c'est l'absence de contrôle qui avait permis aux gouvernements de la République de persécuter catholiques et royalistes durant le début du XXe siècle... Le problème est qu'ils sont imprégnés de libéralisme, parce qu'ils sont sécularisés, détachés de toute référence divine. Aussi, ils ne cherchent pas à tendre vers la Vérité mais vers la "liberté" conçue indépendamment du réel, en toute abstraction. Pourtant, Jean-Paul II n'hésitait pas à le rappeler aux théologiens de la Libération à Mexico : « c'est la Vérité qui rend libre », et non pas la "liberté" qui rend vrai.
    La source du mal
    Ainsi, l'interprétation courante que font les juges des droits humains est une interprétation tronquée, coupée du réel et du bon sens ; elle tend vers une liberté qui, n'ayant elle-même pas de sens, se propulse vers un infini destructeur. Alors que la liberté, au sens chrétien du terme, intègre l'homme en tant qu'animal politique, membre de corps sociaux, membre d'une famille, d'une patrie, attaché à une identité propre, la liberté des libéraux est une liberté totale, sans attaches, désincarnée et déshumanisée. C'est là la vraie source du mal.
    Pour rendre aux Droits de l'Homme la dignité qui leur revient, et que l'Église ne leur a jamais déniée, il conviendra de remettre ces droits dans le bon sens, c'est-à-dire les réintégrer dans un ordre naturel, ou les subordonner aux droits de Dieu, diront ceux qui ont la foi. Pour en finir avec le libéralisme juridique, il faudra bien une théologie du droit. (2)
    STÉPHANE PIOLENC L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 4 au 17 décembre 2008
    1 - Cf. Concile oeucuménique Vatican II, Décl. Dignitas humanae, 1 : AAS 58 (1966) 929-930. Cité dans le Compendium de l'Église catholique (Conseil pontifical Justice et Paix), éd. Bayard, Cerf et Fleurus-Mame, 530 p., 22 euros.
    2 - Juristes et profanes liront avec grand intérêt Jalons pour une théologie du droit par le père Philippe André-Vincent ; éd. Téqui, coll. Croire et Savoir, 356 p., 29,80 euros.

  • Côté livres

    le-monde-en-2013-vu-par-la-cia-.jpgLe monde en 2030 vu par la CIA est un livre qui n’échappera pas, entre autres, aux amateurs de géopolitique.
    Il permet de voir sous quel rapport la CIA, à l’influence si grande dans la marche du monde, envisage les prochaines décennies.
    « Le centre d’analyses stratégiques de la CIA a synthétisé toutes les informations en sa possession pour dessiner le monde en 2030 [...] Un rapport à l’influence significative et qui envoie un message clair à Obama ».
    302 p. 18 €. Disponible ici.

    Rescapé du camp 14 est un livre de Blaine Harden. Né « dans un des rescape-du-camp-14-blaine-harden.jpgredoutables camps de travail de Corée du Nord, il est le seul auteur connu d’une incroyable évasion [...]
    Un témoignage unique et hallucinant sur le pays le plus secret du monde, et notamment sur ces camps où sont enfermés à vie tous les opposants à la dynastie stalinienne. Un récit terrible, captivant et nécessaire. »
    287 p. 19,5 €. Disponible ici.

     http://www.contre-info.com/

  • La Route des Trolls

    Il me tient à coeur avant de finir cette série de mille billets de pousser à la réhabilitation (de l'absinthe, me dit-on dans l'oreillette). C'est vrai, j'ai gardé la cuiller percée en argent¹ de mon grand-père. De réhabiliter disais-je, la panse de brebis farcie écossaise proposée à Edimbourah sous le doux nom de Haggaisse ! Ouh là là ! "Tout d'abord j'ai cru que c'était de la crotte, puis après y avoir goûté, j'ai regretté que ça n'en fût pas" (Jacques Bodoin, 1958). Nous sommes condamnés au haggis par l'Auld Alliance que l'indépendance prochaine de l'Ecosse peut revivifier. Elle a déjà son site web, très bien fait dit en passant et bien sûr une association active, Le Lien franco-écossais : Auld Alliance, le lien Franco-Ecossais est une association de terrain, jeune et opérationnelle et qui a pour objectif de redonner à l’Auld Alliance ses lettres de noblesse et la place qui lui revient auprès du plus grand nombre, en France, en Ecosse et dans le reste du monde nous dit Patrick Gilles, son président.

    La vieille alliance, scellée en 1165 entre les rois de France, d'Ecosse et de Norvège contre l'Angleterre, a porté fruit de 1296 à 1560, année de sa révocation par l'Ecosse quand les chefs de clans passèrent à la Réforme. Certains effets du traité, comme la double nationalité, perdureront longtemps et le point final de 1906, au moment de l'Entente cordiale, n'en serait pas un². Signalons la compagnie écossaise du siège d'Orléans, la garde écossaise des rois de France, de Charles VII à François II, puis hors-traité, la première compagnie de la garde jusqu'à Charles X, et de nombreux combats ensemble ; signalons aussi le Collège des Ecossais de la rue Cardinal-Lemoine au Quartier latin, en la chapelle duquel repose le cerveau de Jacques II d'Angleterre (Stuart) ; pour finir, rappelons que les deux exils de Charles X furent écossais, à Haly Ruid (Edimburgh), avant que les frimas ne les convainquent de repartir la seconde fois pour l'Autriche. Tout atteste donc de la vigueur de ce lien spécial. La Wikipedia propose un article très complet sur l'Auld Alliance auquel nous vous adressons par ici.

    Bien qu'elle ne soit plus mère des arts, des armes et des lois, la France aurait tout intérêt à chercher un rapprochement avec certains pays du Nord qui ont encore un préjugé favorable à son égard, l'Ecosse et la Norvège en sont, l'Islande aussi. On peut discuter à l'infini de nos intérêts bien compris en Méditerranée ou en Afrique, mais ils nous coûtent finalement beaucoup sans parler de l'énergie diplomatique consommée à entendre chiens et chats, à vouloir sauver des positions indéfendables parce que abandonnées il y a longtemps, faute d'idées et de persévérance, quand ce n'est pas d'intelligence comme aux Echelles du Levant. Certes la pression démographique situe nos problèmes au sud, mais l'avenir de l'Europe est au nord, par le réchauffement climatique (si le GIEC a raison)

    Les trois empires du nord et leurs affidés les plus puissants vont commercer par la route des glaces avant la moitié de ce siècle. Fini le détroit de Malacca, le Bab el-Mandeb, le canal de Suez, le goulet de Gibraltar. Par exemple, le Nordic Barents de l'armement norvégien Tschudi a passé 41000 tonnes de fer vers la Chine par la route du nord-est à l'été 2010, en économisant 4000 milles nautiques. Son boss s'appelle Christian Bonfils. Le Monchegorsk russe a fait l'aller-retour Mourmansk-Shanghai pour du nickel et des diverses en fret retour en 58 jours sans assistance, chargement-déchargement compris. Le port industriel sibérien de Dudinka sur le Ienissei n'est maintenant qu'à vingt jours de mer de Shanghaï jusqu'à l'automne. La Chine veut faire à son tour les deux routes du nord³ pour ne pas être en reste et cet orgueil est bien placé. Les Russes enchantés repeignent les brise-glace. On va avoir besoin de points d'appuis techniques le long de la route jusqu'en Europe occidentale.


    Nous avons des antériorités au nord qui nous permettent de ne pas apparaître comme des intrus, du moins si nous remisons notre arrogance de roquets. Saurons-nous participer à la synergie boréale pleine de promesses ? Faisons feu de tout bois et appuyons-nous par exemple sur l'Auld Alliance pour mettre un pied industriel sur zone. Un seul exemple, un seul ? Creusot-Loire fut longtemps et le demeure peut-être, un producteur reconnu de virures pour brise-glace qu'il pétardait dans un cirque pyrénéen. Plus ? Nous sommes très bons en appareillage nautique et en réparation navale nucléaire, en optique laser et dans tous domaines au service des navires. N'attendons pas que l'Allemagne relance la vieille Hanse avant de proposer des joint-ventures sur des bases logistiques écossaises d'abord, norvégiennes voire islandaises ensuite à nos amis nordiques. Trouvons-nous de vrais ministres à la bonne taille et des industriels trempés. Les Nordmen ne savent pas encore qu'ils nous attendent.

    (1) La fée verte fut interdite en 1915 par la coalition des ligues de vertu, de l'Eglise catholique et des viticulteurs. Rocard a libéré l'absinthe en 1988.
    (2) Le Dr Siobhan Talbott de l'université de Manchester a passé le traité et sa révocation au broyeur de laboratoire en 2011 pour prouver qu'il était toujours en vigueur (clic). Le commerce particulier entre les deux pays fut florissant jusqu'au début du XX° siècle. Ce travail a valu au jeune docteur le Pollard Prize 2011 décerné par l'Institut de la recherche historique de l'université de Londres.
    (3) Les deux routes, Nord-est et Nord-ouest, cheminent respectivement le long des côtes sibériennes et canadiennes

     

  • « La Stratégie du choc/La montée d’un capitalisme du désastre » de Naomi Klein

    Nous sommes tous des ninjas ! Ni indemnités, ni jobs, ni actifs, seulement des dettes.
    Dans cette chronique Michel Geoffroy se livre avec son alacrité habituelle à l’analyse de l’essai de Naomi Klein « La Stratégie du choc/La montée d’un capitalisme du désastre », paru en 2007 au Canada et traduit en français en 2008  : un éclairage profond sur la nature des post-démocraties occidentales.
    Polémia.

    Dans Wall Street : L’argent ne dort jamais, film américain réalisé par Oliver Stone sorti en 2010, l’acteur Michael Douglas incarne un banquier peu scrupuleux qui jette cependant un regard critique sur l’évolution de sa profession… après sa sortie de prison.

    La génération « ninja »

    S’adressant au public venu écouter une de ses conférences il lui lance : vous êtes la génération NINJA. Ce qui veut dire que votre génération n’aura Ni INdemnités, ni Jobs ni Actifs : seulement des dettes à rembourser !
    La formule, qui fonctionne en anglais comme en français, fait mouche car elle résume parfaitement le résultat des politiques néo-libérales mises en œuvre partout dans le monde depuis la fin des années 1970 : l’augmentation des avantages pour les uns – les seuls gagnants du système –, l’appauvrissement pour le reste de la population : aux uns les bonus, les bénéfices, les placements au rendement mirobolant, et les parachutes dorés ; aux autres la baisse des rémunérations, le chômage, la diminution des services publics et des prestations sociales, l’augmentation des impôts, des tarifs et des taxes.
    Si la formule est juste il faut néanmoins la compléter. Car la mise en œuvre de ces politiques régressives suppose aussi une réduction de la liberté des peuples. Les « ninjas » perdent aussi partout leur liberté.
    Telle est la trame de la brillante démonstration que fait l’essayiste Naomi Klein dans son livre La Stratégie du choc/La montée d’un capitalisme du désastre, paru en 2007 au Canada et traduit en français en 2008*, dont on recommandera la lecture.
    Naomi Klein montre en effet que la mise en œuvre des théories néo-libérales de l’école de Chicago dont Milton Friedman fut le pape et qui ont les Etats-Unis pour champion suppose de soumettre la société à un choc préalable destiné à annihiler toute réaction du corps social.
    En effet, le néo-libéralisme friedmanien préconise la déconstruction de tout secteur public, de toute protection sociale et de toute intervention de l’Etat afin de laisser le marché se réguler tout seul : cela a fatalement un coût social élevé en termes de chômage, de baisse du niveau de vie, d’accès aux soins qui risque de provoquer des réactions violentes de la population. Pour s’en prémunir il faut donc appliquer un électrochoc à la société. D’où le fait que la mise en œuvre de ces politiques s’accompagne fatalement d’une certaine violence politique : mise entre parenthèses des parlements, instauration de mesures d’urgence, de dictatures, sidération de l’opinion, par la peur notamment.

    Le néo-capitalisme contre la démocratie

    Naomi Klein nous accompagne ainsi dans un voyage terrifiant qui part du Chili pour se terminer en Irak, en passant par la Russie d’Eltsine, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, la Chine, les Etats-Unis d’après le 11 septembre 2001 et bien d’autres pays encore.
    Elle montre que, contrairement à ce que prétend la doxa néo-libérale, démocratie et libéralisme radical ne vont pas de pair : au contraire, ils s’opposent radicalement. Car il faut imposer la potion néo-libérale, sinon les peuples la rejettent.

    Le capitalisme du désastre

    La Stratégie du choc tire aussi son nom du fait que les néo-libéraux en viennent à souhaiter la survenance de crises afin de pouvoir plus facilement imposer leur dogme. Les désastres nourrissent le nouveau capitalisme. Et pour Naomi Klein non seulement les docteurs néo-libéraux exploitent les crises pour imposer leurs idées, mais ils n’hésitent pas non plus à les provoquer s’ils le peuvent.
    L’auteur pointe notamment le rôle plus qu’ambigu joué par les institutions financières internationales – en particulier le FMI et la Banque mondiale –  dans la survenance des crises, ainsi que le chantage qu’elles exercent sur les pays en difficulté financière pour leur imposer la potion néo-libérale : et, au premier chef, des privatisations qui vont procurer de fructueux bénéfices au secteur privé, en particulier américain. Les entreprises en question financent les économistes, conseillers et think-tanks libéraux dans une belle logique d’intégration verticale…

    Le paravent des intérêts marchands

    Naomi Klein montre en effet comment les intérêts marchands privés bénéficient de la doxa néo-libérale. Celle-ci ne serait-elle finalement qu’un rideau de fumée idéologique destiné à justifier la captation par les grandes entreprises privées des actifs publics ? Car cette captation constitue la nouvelle frontière du capitalisme à la fin du XXe siècle qui, comme le montrent les Etats-Unis après le 11 septembre 2001, accède désormais au cœur des missions régaliennes : avec la privatisation croissante des fonctions militaires et de sécurité.
    Cette captation n’améliore en rien le sort du plus grand nombre, au demeurant, puisqu’elle aboutit en général à commercialiser des services plus coûteux.

    Un livre prophétique

    Paru en 2007, c’est-à-dire juste avant la crise des dettes souveraines, le livre de Naomi Klein se veut rétrospectif mais en réalité il apparaît comme terriblement prophétique.
    Comment ne pas songer, en effet, à l’utilisation faite par l’oligarchie de la question de l’endettement public pour sidérer l’opinion européenne et lui imposer une « rigueur » infinie ? Comment ne pas voir que le sort réservé aux Grecs ou au Chypriotes par la « troïka » ressemble à celui des Argentins, des Indonésiens voire des Irakiens ?
    Certes, en Europe on n’utilise pas encore l’armée pour mâter la population récalcitrante comme au Chili ou en Chine. Mais on utilise déjà la police, la peur du chômage, la peur de l’insécurité et la peur de voir les économies de toute une vie partir en fumée. Sans parler du bâillon médiatique et du mépris post-démocratique des électeurs. Les moyens diffèrent, pour un effet de sidération recherché identique.
    Les « ninjas » se voient priver partout de leurs libertés politiques, pour le plus grand bénéfice de l’oligarchie financière et marchande. La collusion entre les intérêts économiques et politiques n’est donc pas accidentelle mais structurelle, consubstantielle à l’oligarchie et à la philosophie qui l’anime.
    Ninjas de tous les pays, unissez-vous !

    Michel Geoffroy http://www.polemia.com
    8/04/2013

     Naomi Klein, La Stratégie du choc/La montée d’un capitalisme du désastre, Actes Sud, collection Babel, sept. 2010, 861 pages.

  • France : pourquoi tant de haine à l’égard de la Russie ?

    Depuis ces derniers mois, il règne en France une solide défiance à l’égard de la Russie. Sans doute parce que certains mouvements protestataires, des Femen aux Pussy Riot, ont décidé de faire de notre pays le théâtre privilégié de leur expression contestataire. Aussi actifs l’un que l’autre au sein de la galaxie féministe, se parant des vertus de la bonne conscience politique, ils ont choisi de porter le fer contre la Russie de Poutine en ciblant plus particulièrement l’église orthodoxe : ses membres bénéficient parmi l’intelligentsia française d’un écho grandissant et ses soutiens, aussi nombreux que complaisants, viennent essentiellement de la gauche morale.

    Dans ce climat antirusse, il n’est guère étonnant d’assister à la multiplication, sur notre sol, d’actes de vandalisme. En février dernier, le monument parisien, honorant le corps expéditionnaire russe ayant combattu en France aux côtés des Alliés lors de la Première Guerre mondiale, a été saccagé dans l’indifférence générale : situé non loin du Grand Palais, cet ouvrage s’est retrouvé maculé de peinture, emmailloté d’une ridicule cagoule et badigeonné du sempiternel slogan « Free Pussy Riot ». Voici quelques jours, un autre symbole parisien de l’amitié franco-russe a été dégradé : deux splendides décorations de bronze qui ornaient jusqu’ici le vénérable pont Alexandre-III ont été dérobées, dans des circonstances qui ne laissent guère planer de doute sur l’origine du larcin…

    Comment expliquer pareil activisme russophobe ? La haine viscérale nourrie à l’égard de la personne et de la politique autoritaire du président Poutine — cultivée ad nauseam par les élites françaises — y est certainement pour beaucoup : ce sentiment profond structure de longue date une opposition idéologique de principe au Kremlin et alimente une permissivité durable à l’endroit de tout ce qui peut, de près ou de de loin, incarner le pouvoir russe sur notre sol. Pour preuve encore de cette hostilité lancinante, le feuilleton symbolique de la construction à Paris, à proximité de la tour Eiffel, de la future église orthodoxe russe : fort du soutien du ministre de la Culture, Bertrand Delanoë vient de retoquer cet édifice emblématique voulu en 2007 par Nicolas Sarkozy et Vladimir Poutine au motif que sa démesure présumée ne s’inscrirait que peu dans le paysage architectural des berges de la Seine…

    Habitués jusqu’à présent aux fortes accolades entre Vladimir Poutine et Jacques Chirac — auxquelles Nicolas Sarkozy devait demeurer fidèle —, nos deux pays doivent désormais constater que le courant ne passe plus entre Paris et Moscou : la saga Depardieu, le dossier syrien mais aussi la condamnation par le Président français du sort réservé aux Pussy Riot sont passés par là. Gageons que le locataire de l’Élysée ne cherchera pas plus à réchauffer en 2013 les relations culturelles franco-russes, notamment lors du centenaire de la création à Paris du Sacre du Printemps, qu’il ne le fit en 2012 lorsqu’il évita consciencieusement de célébrer le souvenir de la campagne de Russie…

    Cette animosité persistante est profondément affligeante et somme toute inopérante : tout en tenant un langage de vérité à l’égard de Vladimir Poutine sur la question de l’État de droit en Russie, l’Allemagne ne parvient-elle pas, en évitant soigneusement de mépriser son partenaire, à mieux doser ses relations avec Moscou, non sans entretenir intelligemment un profitable courant d’affaires ? Question de savoir-faire de la diplomatie allemande, dira-t-on ! Sans doute. Un immense gâchis, à coup sûr, pour les intérêts bien compris de la France.

    Karim Ouchikh dans Boulevard Voltaire

    http://fr.altermedia.info