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géopolitique - Page 903

  • L'offensive américaine sur les banlieues françaises (Partie 1)

    On le sait depuis plusieurs années, les Américains sont clairement engagés dans une stratégie d’influence de vaste ampleur vis-à-vis des minorités en France. Pour les lecteurs de Polémia, « il ne s’agit pas là d’une découverte mais d’une confirmation : oui, il y a une claire et nette entreprise de manipulation des minorités en France par les Américains. Les opérations mises en œuvre sont scrupuleusement planifiées, suivies et évaluées ». Aujourd’hui, c’est le Qatar, gonflé de ses dollars et de ses euros qui lance une nouvelle offensive vers nos banlieues. Nous conseillons vivement le lecteur à se rendre aux adresses indiquées en fin d’article.
    Polémia  

    « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique (...) sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. ». Ces mots surprenants sont ceux du défunt président français François Mitterrand.

    Ils pourraient prêter à sourire plus qu’à les prendre au sérieux, sauf pour ceux qui s’inquiètent de l’offensive du Qatar, qui vient de promettre au gouvernement français de s’occuper des quartiers défavorisés, en échange du rachat d’un peu de dette française. Pourtant les banlieues françaises ne sont pas seulement visées par le Qatar mais également par de nombreux stratèges du département d’état américain, qui ont développé une stratégie à long terme basée sur la démographie des jeunes français issus de l’immigration africaine qui implique, à terme, une prise progressive de pouvoir et d’influence en France pour ces minorités.

    C’est un câble datant du 25 janvier 2007 publié par Wikileaks qui révèle cette étonnante affaire. L’ambassade américaine y affirme clairement développer une politique active de soutien et de développement envers les communautés afro-arabes de France, en visant clairement les jeunes musulmans français. Les premiers éléments de cette politique furent fixés en 2001, juste après le 11 septembre, alors qu’il semblait vital au département d'état de tenter d'améliorer l'image de l’Amérique aux yeux des musulmans d'Europe.

    Mais c’est suite aux émeutes françaises de 2005, que le président Obama nomme en 2009 Charles Rivkin comme nouvel ambassadeur des États-Unis en France. Celui-ci va alors par le biais de l’ambassade développer une intense campagne de lobbying auprès de jeunes français issus de l’immigration. Cette campagne prendra différentes formes : l’organisation de voyages sponsorisés aux Etats-Unis dans le cadre de programmes politiques, des déplacements de l’ambassadeur dans des zones sensibles à forte concentration de population d’origine immigrée, l’organisation de visites de stars américaines issues de la diversité dans ces quartiers, ou encore l’organisation d’événements (politiques ou artistiques) avec des jeunes français issus de la diversité. L’ambassadeur est principalement assisté dans ses activités de lobbying en direction de ces minorités par Mark Taplin, un diplomate de carrière, spécialiste des méthodes d’influence et du soft-power. Ancien attaché de presse adjoint en 1994 à l’ambassade américaine à Moscou il a ensuite travaillé en Ukraine, Moldavie et Biélorussie de 1999 à 2004, année de la révolution de couleur en Ukraine.

    L’année suivante, en 2010, l’ambassade américaine à Paris rédige un câble dans lequel l’ambassadeur Charles Rivkin explique les activités américaines en direction des minorités. Le câble décrit la crise de la représentation nationale en France, la nécessité pour les américains de développer une stratégie pour la France, de s’engager dans un discours positif, de mettre en avant un exemple fort, lancer un programme agressif de mobilisation de la jeunesse, l’encouragement des voix modérées, une diffusion des meilleures pratiques, l’approfondissement des compréhensions du problème, et enfin le ciblage des efforts. Le câble a été traduit et il est consultable ici, il est plus qu’explicite et mérite d’être lu. Il y est clairement expliqué que l’opération n’a comme intérêt final que de faire progresser les intérêts américains en France via la prise de pouvoir progressive de jeunes français issus de la diversité. Bien sur de nombreuses associations et fondations américaines opèrent depuis longtemps pour s’assurer du soutien à l’Amérique au sein des élites françaises, que l’on pense à la très célèbre fondation Franco-américaine, au club Jean Moulin (destiné à créer un projet d’opposition au gaullisme) ou encore plus récemment au conseil national pour les visiteurs internationaux. Mais la nouveauté de cette politique de séduction est qu’elle est focalisée sur des communautés ethnico-religieuses en France et notamment sur les jeunes musulmans.

    Cette activité diplomatique vise donc les élites françaises tout comme les sites internet de la communauté immigrée en France. Sont cités notamment comme relais les sites oumma et saphir, qui ont confirmé leurs bonnes relations avec l’ambassade des Etats-Unis en France (voir ici et la). Mais des personnalités publiques et politiques issues de la diversité ont également été visées, comme par exemple Rokhaya Diallo, Reda Didi (ex-responsable du mouvement socialiste écologiste français les Verts qui a notamment publié un ouvrage A nous la France racontant son expérience américaine). Il y a aussi Ali Soumaré (ancien candidat PS aux élections régionales), Almamy Kanouté, (militant associatif et à la tête d'une liste indépendante à Fresnes), Najat Belkacem, ancienne porte-parole de Ségolène Royal, et aujourd’hui membre du gouvernement français, ou encore Said Hammouche, fondateur du cabinet de recrutement Mozaïk RH, qui vise à favoriser la diversité dans les entreprises françaises. Enfin, le rappeur Axiom, qui a lui aussi participé à ce programme et publié un ouvrage intitulé J'ai un rêve, appelant à lancer, en France, une vraie dynamique de lutte des droits civiques, sur le modèle américain. Cette liste n’est pas exhaustive.

    Plus surprenant, ce travail de lobbying des minorités cible particulièrement les musulmans français. L’ambassade américaine a par exemple contribué à lancer une association nommée Confluences, destinée à promouvoir les minorités et particulièrement la minorité musulmane dans la région lyonnaise, tout autant qu’ à lutter contre les discriminations. L’attaché culturel du consulat américain à Lyon siège au conseil d’administration de l’association. Plus récemment, c’est une maison des Etats-Unis qui a été créée, destinée à informer les Lyonnais sur l’Amérique. Notre ambassadeur est aussi fortement intéressé par les « écoles de la seconde chance » destinées à favoriser l’intégration des jeunes défavorisés, souvent issus des agglomérations cosmopolites des grandes villes françaises. Ce travail en faveur des minorités défavorisées est plus limpide lorsque l’on lit le vibrant hommage rendu à l’ancien directeur de Sciences Politiques Richard Descoings, décédé dans des circonstances sordides aux Etats-Unis au début de cette année. On sait le travail énorme fourni par Richard Descoings pour ouvrir Sciences Po à la nouvelle diversité française, et aux minorités des quartiers dits défavorisés.

    Au passage, la presse française, qui a applaudi cette initiative au nom de l’égalitarisme social et républicain a curieusement passé sous silence la gestion financière catastrophique de l’établissement.

    Alexandre Latsa
    La Voix de la Russie
    3/11/2012, http://www.polemia.com/

  • Moyen Orient : Le plan américano-israelien

    "D’abord nous devons en finir avec les régimes terroristes, à commencer par les trois grands : Iran, Irak et Syrie. Puis nous nous occuperons de l’Arabie saoudite. … Nous ne voulons de stabilité ni en Irak, ni en Syrie, ni au Liban, ni en Iran ou en Arabie saoudite. Nous voulons que les choses changent. La question n’est pas de savoir s’il faut déstabiliser mais comment le faire." The War against the Terror Masters (Guerre contre les maîtres de la terreur), Sept 2002, de Michael Ledeen, membre du groupe des néoconservateurs de Georges Bush.

    1. Introduction. Au lendemain des attentats du 11 septembre à de New-York, les Etats-Unis et Israël, ayant désormais les coudées franches au nom de la lutte contre le terrorisme islamiste, entreprenaient, sur plusieurs années, un remodelage des pays arabo-musulmans, qui vont du Maghreb au Pakistan. Excipant divers prétextes pour convaincre la communauté internationale à les suivre – ou au moins à les laisser faire – cet « axe du Mal » allait utiliser la puissance militaire et les moyens subversifs pour réaliser cette recomposition au service de leurs intérêts géostratégiques bien compris. Dix jours après les attentats du 11 septembre, Donald Rumsfeld, le chef du Pentagone, présentait au général Wesley Clark (interview de celui-ci le 2 mars 2007) un mémo dans lequel il est précisé que sept pays arabo-musulmans devaient « passer à la casserole » : l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, le Liban, la Syrie, le Soudan et l’Iran.

    2. Diviser pour régner. L’idée maîtresse du plan, qui est de balkaniser le Monde Arabo-musulman « utile » est aujourd’hui ouvertement admise par des membres ou des conseillers importants des gouvernements américain et israélien. Cette politique du « diviser pour régner » nous rappelle une autre période noire de notre histoire : c’est l’époque des taïfas andalouses (1031 à 1492), qui annonçait l’élimination totale des arabo-berbères d’Andalousie. Une taïfa (mot arabe) est un petit royaume andalou. Durant les périodes d’instabilité politique et de décadence, l’Andalousie a été, sous les coups de boutoir des rois catholiques espagnols, morcelée en plusieurs taïfas, sortes de micros émirats. Le roitelet d’une taïfa est généralement faible et dépend de la protection d’un suzerain catholique. Il est aussi souvent concurrent, voire ennemi, de ses voisins musulmans. Les armées chrétiennes y effectuent périodiquement des razzias pour tirer butin, otages, esclaves ou encore, imposer aux taïfas de payer un paria (tribut).

    3. Un objectif de domination mondiale. Dans son livre « Le Grand Échiquier » Zbigniew Brzezinski (politologue américain , conseiller à la sécurité nationale US de 1977 à 1981) divise le monde en « zones dures » ou « acteurs géostratégiques » tels que les États-Unis, l’Inde, la Chine, la Russie, etc., alors que les « zones molles » désignent soit « l’ensemble des nations non souveraines » à l’image des nations africaines ou latino-américaines, soit les puissances ou civilisations anciennes (européennes, islamiques, etc.). La nature « molle » de l’Europe de l’Ouest est vitale pour les États-Unis dans la mesure où elle empêche qu’un bloc anti-hégémonique continental européen ne se constitue autour de l’Allemagne ou de la Russie. Il s’agit donc pour les États-Unis d’imposer leur politique unipolaire en s’opposant à toute velléité d’expansion des autres « acteurs géostratégiques » tels que la Russie ou la Chine en les encerclant jusqu’à l’étouffement. L’Europe de l’Ouest, L’Europe centrale, les anciennes républiques socialistes, l’Afrique, le monde arabe, les Balkans eurasiens et jusqu’aux bordures de la Mer Caspienne, tout cet espace couvrant la production et la circulation des hydrocarbures est condamné à ne constituer qu’un vaste ensemble de « zones molles » sous la tutelle de l’Empire israélo-américain, dénommé simplement « l’Empire » dans ce qui suit.

    Après la chute du bloc de l’Est, Brzezinski réactualise sa théorie en s’inspirant du principe de l’« arc de crise » (zone géopolitique allant de l’Egypte au Pakistan) de l’islamologue britannique juif et sioniste, Bernard Lewis. Il préconise une stratégie « islamiste » dans la zone d’influence russe allant de la Turquie à l’Afghanistan, proposant de « balkaniser » le Moyen-Orient musulman pour créer des mini Etats pétroliers plus faciles à contrôler que les Etats souverains à forte identité. De la même manière, établir des régimes islamistes en Afrique du Nord permettrait d’ériger un autre rempart entre l’Europe d’une part, et l’Afrique-Asie de l’autre. Cerise sur le gâteau, des régimes pro-terroristes aux flancs de l’Europe, de la Russie, de la Chine et de l’Inde ne peuvent qu’affaiblir ces grands concurrents des USA.

    Au vu de cette théorie politique sous-jacente qui défend une sorte de nouvelle Guerre Froide, on comprend mieux les positions défendues par les Etats-Unis au Moyen-Orient et leurs véritables motivations à long terme dans la région. De ce point de vue, les récentes demandes de l’administration Obama rentrent parfaitement dans le cadre de la politique Brzezinski.

    Cette politique rejoint celle de l’autre camp, les républicains, et qui a été définie par un autre politologue, Henry Kissinger, et appliquée par les présidents Bush, père et fils (voir plus loin).

    Sur les ruines des états démantelés, arabes (Irak, Syrie, Arabie, Soudan, Libye, Algérie,…) et non arabes (Iran, Afghanistan, Pakistan, etc.), on installera des micro-califats islamistes et sous protection américaine, à l’instar des émirats du Golfe (Qatar, Koweït, EAU, Oman) ou des taïfas andalouses. On comprend pourquoi tous les islamistes travaillent de concert avec cette politique US : abrutissement systématique des populations, élimination des présences européennes au profit de l’Amérique et de ses agents arabes. Chaque chef islamiste se voit comme le calife de son bout de territoire que va lui concéder l’oncle Sam, à la condition qu’il soit aussi sage et avisé que les émirs et les rois du pétrole actuels.

    4. Le plan israélien de remodelage du Proche Orient. Le plan Oded Yinon (analyste du ministère israélien des Affaires étrangères) préconisait, en 1982, le démantèlement pur et simple des Etats arabes. Le plan passe en revue dix-neuf Etats arabes en répertoriant leurs principaux facteurs centrifuges, annonciateurs de désintégration. Après une ultime recommandation qui invite Israël à « agir directement ou indirectement pour reprendre le Sinaï en tant que réserve stratégique, économique et énergétique », Yinon conclut : « La décomposition du Liban en cinq provinces préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier, y compris l’Egypte, la Syrie, l’Irak et toute la péninsule arabe. Au Liban, c’est déjà un fait accompli. La désintégration de la Syrie et de l’Iraq en provinces ethniquement ou religieusement homogènes, comme au Liban, est l’objectif prioritaire d’Israël sur son front Est. A court terme, l’objectif est la dissolution militaire de ces Etats. La Syrie va se diviser en plusieurs Etats, suivant les communautés ethniques, de telle sorte que la côte deviendra un Etat alaouite chiite ; la région d’Alep, un Etat sunnite ; à Damas, un autre Etat sunnite hostile à son voisin du nord verra le jour ; les Druzes constitueront leur propre Etat, qui s’étendra sur notre Golan, dans le Hourane et en Jordanie du Nord ».

    D’autre part, Avi Dichter, ministre israélien, avait déclaré à Al-Ahram des 5 et 11 novembre 2009 : « La déstabilisation du Soudan est un objectif stratégique pour Israël, alors qu’un Soudan stable et fort renforcerait les Arabes et leur sécurité nationale…. Eliminer le rôle du Soudan pourrait être mené à bien par la continuation de la crise au Darfour, maintenant que la gestion du Sud a été réglée. »

    On ne peut pas être plus explicite quant à l’implication des sionistes dans les guerres civiles qui déstabilisent les pays arabes. Après le démantèlement de la Syrie et des autres pays arabes, le plan israélien vise à construire le grand Israël ci-dessus.

    5. Le Pentagone redessine le monde arabe. Michael Collins Piper, écrivain américain, abordait déjà la question de la déstabilisation et de la « destruction créatrice » du Moyen Orient dans son livre The high priests of war, paru en 2004. Il écrit : « La guerre contre l’Irak est menée à des fins beaucoup plus larges qu’un simple « changement de régime » ou une « élimination des armes de destruction massive » ; mais d’abord et avant tout dans le cadre d’un effort global pour établir les États-Unis comme l’unique superpuissance internationale, … ; ce n’est qu’une première étape d’un plan de longue durée et de grande envergure visant à déployer des frappes encore plus agressives contre l’ensemble du Moyen-Orient arabe, afin de « refaire le monde arabe » pour assurer la survie – et élargir la puissance – de l’état d’Israël ».

    En juin 2006, une carte fort parlante du futur Moyen-Orient a été publiée par la prestigieuse revue militaire américaine AFJ (Armed Forces Journal), intitulée « Redrawing the Middle East Map », voir ci-dessous. Elle recompose le Moyen-Orient sur des critères ethniques et religieux. La carte inclut tout ce qui se trouve dans un triangle Turquie-Afghanistan-Yémen, tel que les stratèges américains le souhaitaient à l’époque, et dont l’objectif global reste d’actualité. En fait, ce document est un prototype susceptible de connaître des changements que certains appelleraient des variables d’ajustement. Ce document confirme ainsi que les instances militaires et politiques des Etats-Unis se sont résolument engagées dans ce domaine de charcutage du Monde Arabe, et qu’ils n’hésitent plus à l’officialiser. En même temps, il confirme que cette entreprise doit se faire en adéquation avec Israël. Nous en donnons les points essentiels.

    - L’Arabie Saoudite sera démantelée dans un proche avenir. Deux grandes entités territoriales échappent à l’autorité de Riyad. Sur la côte Ouest, au Hedjaz, il s’agit de créer un « Etat sacré islamique » regroupent La Mecque et Médine. Ce super Vatican musulman sera dirigé par un Conseil représentatif des principales écoles de l’Islam, et dont le Gourou islamiste tunisien, Rached Ghannouchi (« qu’Allah en soit satisfait », car l’Université tunisienne de la Zeïtouna, aux mains des Salafistes, vient de le consacrer comme l’équivalent des Compagnons du Prophète), viserait le califat.

    Une sorte d’Islam pro occidental, élaboré au cœur de cet Etat sacré islamique, permettrait de rayonner sur l’ensemble du monde musulman et de remodeler les esprits afin qu’ils épousent pleinement la philosophie impérialiste. Il est vrai que contrôler les esprits a toujours permis de contrôler les hommes. Sur la côte du Golfe persique, c’est la province de Hassa, dont la population est majoritairement chiite, qui est détachée de l’Arabie Saoudite et intégrée à un « Etat chiite arabe », vestige d’un Irak déjà démantelé. L’application de cette mesure entraînerait la mort économique du royaume car c’est à cet endroit que se concentre l’essentiel de l’extraction des hydrocarbures autour de la triade Dammam-Dharhan-Al-Khobar. Cet Etat chiite arabe inclurait aussi la région de Bassora (ex-Irak) et les provinces arabes d’Iran, riches en hydrocarbures jouxtant le Chatt-el-Arab (Arabes chiites du Khouzistan), et qui seraient détachées de Téhéran. De plus, Riyad perdrait ses provinces du Sud (Jizrane, Najran et l’Assir) au profit du Yémen, territoires acquis en 1934 lors du Traité de Taëf, et qui ont conservé leur identité yéménite. Enfin, la curée sera complète avec l’octroi d’une façade maritime à la Jordanie, état pro-occidental et ami d’Israël, en arrachant à l’Arabie Saoudite les provinces de Tabouk et une partie du Jouf.

    - L’Etat irakien disparaît au profit de l’état chiite ci-dessus, d’un état kurde et d’un résidu d’Etat, appelé « Irak sunnite ». Ce dernier serait unifié avec une parcelle sunnite arrachée à la Syrie. LaSyrie aura perdu, entre-temps, sa façade maritime au profit de la zone chrétienne d’un Grand Liban. L’Etat kurde (Free Kurdistan), déjà construit sur le Nord de l’Irak, récupèrera le Sud Est de la Turquie, le Nord de la Syrie et l’Ouest de l’Iran. Il aboutirait à l’émergence d’un bloc kurde de plus de 30 millions d’habitants. Fort des installations pétrolières de Kirkouk, cet Etat kurde pro-américain et pro-israélien serait, avec l’Etat chiite arabe, le deuxième plus gros producteur d’hydrocarbures et de gaz du Moyen-Orient. L’importance de cet Etat kurde serait d’autant plus grande que l’oléoduc BTC qui évacue le pétrole de la Mer Caspienne à partir de Bakou (Azerbaïdjan), passe par Tbilissi (Géorgie) pour, ensuite, traverser tout le Sud Est de la Turquie et aboutir à Ceyhan en Méditerranée. Les Kurdes seraient donc les grands maîtres de ce corridor énergétique voulu par l’Empire. En plus du pétrole, il faut ajouter l’autre grande richesse, l’eau. Le « Grand projet anatolien » (GAP) poursuit l’objectif, grâce à 22 barrages, de dompter le Tigre et l’Euphrate qui prennent leurs sources dans les montagnes kurdes. L’achèvement imminent de ce projet, permettant l’irrigation de 1,7 million d’hectares et la production d’électricité, sera une arme redoutable aux mains de l’Etat kurde et pèsera lourdement sur la vie des habitants de tout le Moyen-Orient. Un énorme aqueduc souterrain fournira toute l’eau nécessaire au Grand Israël.

    - L’Empire a ensuite fixé les yeux sur les immenses richesses de la Libye et du Soudan : pétrole, gaz, plomb, fer, etc. L’Empire a voulu la sécession du Sud du Soudan et la conquête de la Libye et il les a eues tous les eux ; avec un bonus : l’installation de bases militaires en Libye. De telles bases représentent une menace tangible pour l’Algérie, et accessoirement, pour la Tunisie. La Libye serait découpée en lamelles, selon des critères tribaux. L’annonce récente de l’autonomie du Fezzan, encouragée par le nabot qatari, en est une première preuve. Après avoir détaché le Sud, riche en terres, en eau et en pétrole, c’est maintenant l’Ouest du Soudan (Darfour) qui est dans le collimateur de l’Empire.

    Seuls les Etats croupions, sortes de taïfas des temps modernes, (Oman, E.A.U., Bahreïn, Koweït, Qatar) échappent à ces modifications, pour des raisons évidentes : elles sont déjà sous le boisseau de l’Empire. Le Qatar, qui se démène comme un beau diable pour s’attirer les faveurs de l’Empire, espère récupérer un beau morceau du voisin saoudien, au grand dam de ce dernier, qui en est tout à fait conscient. En épousant la cause du Qatar dans le projet de démantèlement de la Syrie, qu’espère récolter le gouvernement provisoire tunisien ?

    Quant aux pays non arabes, comme l’Iran, l’Afghanistan, la Turquie et le Pakistan nous n’allons pas détailler le charcutage qui les attend.

    6. Des Etats détruits. Des révolutions confisquées. Ces plans israélo-américains sont en cours. Ils sont en train de mettre à feu et à sang les pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Que constatons-nous ? L’Irak est détruit et démembré : trois régions autonomes se livrent une guerre par terrorisme interposé, faisant des dizaines de morts innocentes chaque jour. Le Soudan est démembré. Pour conserver leur pouvoir à Khartoum, les islamistes soudanais ont cédé la partie la plus riche de leur pays à l’ennemi. Sous d’autres cieux, ils auraient été condamnés pour haute trahison. Au Soudan, en Irak, en Libye, au Yémen, et en Somalie, l’Etat est en décomposition avancée. Le Liban ne se remet pas des coups de boutoir assénés par Israël. Sans le Hezbollah chiite, et sans les soutiens syrien et iranien, le Liban aurait été dépecé depuis longtemps. La Palestine est à l’agonie. La Syrie, comme l’Algérie il y a quelques années, lutte pour sa survie. L’Algérie a pu échapper à ce complot au prix de deux cent mille morts, grâce à la ténacité et au courage de son peuple.

    Cependant, des responsables algériens, estiment que » l’Algérie est incluse dans la liste du plan américain dit Grand Moyen-Orient (GMO) « . Ils estiment que « les appels à la révolte, émis sur des sites Internet et sur le réseau social Facebook, sont soutenus par la CIA, Al Qaïda, et le Mossad, qui tentent de déstabiliser notre pays, comme c’était le cas en Lybie, en Syrie, au Yémen… » d’après Le Quotidien d’Oran. La création récente d’un état islamique au Mali, au flanc sud algérien, en est une première étape.

    Après des révolutions prometteuses, la Tunisie et l’Egypte ont été vite remises dans le droit chemin par des islamistes dont les références mystico-idéologiques sont quelque part entre le Qatar et les Frères Musulmans. Les nouvelles autorités tunisiennes s’impliquent activement, aux côtés du frère qatari et de l’Empire, dans les plans de déstabilisation/démantèlement d’autres états arabes. En Egypte comme en Tunisie, l’Etat est affaibli, incapable d’assurer la sécurité et la tranquillité des citoyens. La société civile et le peuple sont désemparés, conscients d’avoir payé le prix du sang pour rien. Une nouvelle oligarchie islamiste succède à l’oligarchie précédente. Elle étend petit à petit ses tentacules un peu partout : les rouages de l’Etat, la rue, l’université, la mosquée. Elle attaque les syndicats et les journalistes, coupables de jouir encore de quelques espaces de liberté. Etc…

    7. Si la barbe donnait la sagesse, toute chèvre serait doctoresse. En Tunisie, des groupes salafistes, cornaqués par le parti islamiste Ennahdha au pouvoir, sèment la terreur et l’insécurité, en s’attaquant en priorité aux femmes, aux universitaires, aux journalistes ; à ceux qui ont la capacité de penser du de créer et à ceux qui paraissent modernes, intelligents ou cultivés. Après les salafistes, en ce début de juillet 2012, des rafles anti jeunes sont organisées par la police dès 22 heures, dans les avenues de Tunis et d’autres grandes villes. Elles se traduisent par des coups et des insultes. Si le jeune est une jeune fille sans nikab, d’autres insultes plus adaptées pleuvent…

    Les problèmes sociaux-économiques s’aggravent de jour en jour. Le gouvernement patauge. Il ne pense qu’à quémander un peu d’argent auprès de ses sponsors arabes (Qatar, Arabie) pour essayer de boucler ses fins de mois difficiles, mais ces derniers ne donnent rien pour rien. Alors on leur cède des pans entiers de la souveraineté et de l’économie nationales.

    Lors des dernières inondations hivernales de 2011 / 2012, une scène ahurissante, mais hautement significative, m’a été rapportée. Des citoyens démunis se seraient plaints à l’envoyé spécial du gouvernement du manque de prévoyance et du peu d’assistance devant pareilles catastrophes. L’envoyé spécial aurait rétorqué que « ce qui arrive ne dépend que de la volonté de Dieu », autrement dit « Vous n’avez qu’à vous adresser à Lui, peut-être vous viendrait-il en aide ». Le Gouvernement n’y peut rien, puisque c’est Dieu qui décide de tout.

    Cela me rappelle l’anecdote suivante, racontée dans : Bush à Babylone, la recolonisation de l’Irak, par Tariq Ali, Editions La Fabrique, Paris, 2004. Quand le chef mongol Hulagu Khan attaqua Bagdad en 1248, ni le peuple de Bagdad ni l’armée n’ont voulu défendre le roi abbasside Al-Mustaasim Billah. Ce dernier ordonna donc à ses serviteurs de ramasser tous les objets de valeur dans le palais et de les offrir à Hulagu en espérant avoir la vie sauve. Après avoir reçu ces cadeaux, Hulagu les distribua à ses soldats. Puis il demanda à Al-Mustaasim pourquoi il ne s’est pas déplacé au-delà des ponts de Bagdad pour lui barrer la route. Al-Mustaasim lui expliqua que c’était la volonté de Dieu et qu’il n’y pouvait rien. Et Hulagu de répondre : puisque c’est la volonté de Dieu qui a fait que tu n’as pas voulu me résister, alors je vais ordonner de te décapiter par la volonté de Dieu. Et il le décapita devant sa cour. C’est le drapeau de ce « calife » félon et veule qui est l’emblème des salafistes.

    http://numidia-liberum.blogspot.fr via http://www.voxnr.com

  • Les causes géopolitiques de la chute de l’empire romain

     

    Pourquoi l’empire romain au sens fort s’est-il effondré au cours du Vème siècle de notre ère, même s’il a survécu sous une forme abâtardie autour de Constantinople ? Son échec est-il contextuel, Rome rencontrant une résistance qui au fur et à mesure du temps s’est étoffée jusqu’à pouvoir déferler sur l’empire même ? Ou bien son effondrement était-il inscrit dans ses gênes ?

    A l’heure où on parle encore de la Méditerranée comme d’un espace de prospérité en devenir entre l’Europe et l’Afrique du nord, le président français Hollande rentrant à peine d’Algérie, nous y reviendrons, il est intéressant de s’interroger sur cet empire méditerranéen par excellence qu’a été Rome.

    A l’origine, Rome avait vocation à unir autour d’elle les différentes cités et tribus de l’Italie, ce pays d’élevage de bœufs (« Vitalia »), toutes apparentées. Romulus et Numa surent unir Latins et Sabins et petit à peu les peuples italiques rejoignirent l’ensemble, non sans combattre. Picéniens, Mamertins, Ombriens, Sabelliens et Samnites deviendront des Romains. Etrusques et Gaulois de Cisalpine, Grecs des colonies, tribus siciliennes, tous rejoindront cette Italie unifiée bien avant Garibaldi.

    Rome fut alors confrontée à deux ennemis qui menaçaient l’intégrité de la péninsule. Ce n’était pas tant les turbulents Gaulois, qui avaient pourtant pillé Rome une première fois, qui inquiétaient les Romains, que la Macédoine et Carthage. Au cours du IIème siècle avant J.C, la Macédoine fut conquise et la Grèce, libérée en apparence, unie à Rome. Les Scipions finiront de leur côté par vaincre la puissante cité phénicienne qu’était Carthage, au bout de trois conflits sanglants. Enfin, les royaumes hellénistiques s’effondreront comme un château de cartes sans combattre. Rome est ainsi à la tête de la Méditerranée orientale, alors même que son cœur est en Europe.

    Par la suite, la république puis l’empire élargiront ses frontières, tant en Occident qu’en Orient. César ajoute à Rome la Gaule et la frontière germanique mais aussi l’Egypte. Auguste finalise la conquête de l’Espagne et s’empare de la Thrace. Claude conquiert la Bretagne. Trajan s’empare de la Dacie. L’empire a atteint sa taille maximale, mais est devenu très composite. C’est l’Oronte déferlant sur le Tibre que dénonce Juvénal. Rome n’est plus dans Rome, mais le monde entier est à Rome.

    Or cet empire comprend des populations qui n’ont fondamentalement rien en commun et que le hasard historique a intégré à une même structure. La romanisation échoue en Orient là où l’hellénisation semble en revanche avoir percé. La démonstration en est le plus romain des Dieux, Mars lui-même, dont le culte va se répandre dans toute l’Europe mais sera totalement absent en Orient. En Afrique, certes, on l’honore mais parce que ce sont des colons italiens, vétérans des légions, et installés dans cette province, qui pensent à leur dieu tutélaire.

    Non seulement les populations africaines et asiatiques de l’empire n’ont aucune affection pour ce conquérant au caractère si européen, même si elles s’installent à Rome même, faisant de la cité d’Auguste une métropole de plus d’un million d’habitants, mais elles réagissent à cette tutelle en affichant leur religiosité orientale puis en s’emparant du christianisme comme d’une arme contre l’Occident romain et européen. Ce n’est pas un hasard si au IIIème siècle de notre ère, quasiment absent en Europe, le christianisme devient un phénomène incontournable à Carthage, à Alexandrie et à Antioche, chez les anciens ennemis du peuple romain. Dans ces cités cosmopolites où une langue grecque dégénérée, un « graecula », domine, les dieux de Rome sont absents.

    En outre, les Romains ont bien trop de frontières. Pour avoir échoué à conquérir la Germanie, alors que Germanicus y était presque parvenu mais avait été rappelé à Rome par décision de Tibère, celle-ci était demeurée une zone frontière périlleuse. Les Germains, qui pourtant n’aspiraient qu’à être romains lorsque l’occasion leur était donnée, restèrent en dehors. Leur société guerrière se renforça alors même que la barbarie venue des steppes de la profonde Asie menaçait de s’abattre sur la petite Europe. Les Calédoniens, eux-aussi restés indépendants, malgré l’action de Septime Sévère pour les mâter, représentaient une autre frontière non maîtrisée, et ce malgré la construction de murs de protection. L’exemple chinois et la ligne Maginot démontrent qu’on n’a jamais empêché une invasion en bâtissant une frontière de pierre.

    En Afrique, les tribus berbères indépendantes continuaient de menacer aux frontières, alors que le vigoureux empire perse, qui a pris la place des Parthes au début du IIIème siècle, espère reprendre les territoires perdus depuis l’époque de Darius. Pour conserver la Syrie et l’Egypte, pour maintenir la paix aux frontières face aux tribus germaniques et celtes, l’empire romain devait se démultiplier, or il n’en avait pas les moyens.

    Du temps de la grandeur, les légions romaines tenaient bons, mais formées de professionnels et non plus de conscrits, elles faisaient et défaisaient les empereurs. Mais si par malheur des attaques simultanées avaient lieu à ses frontières, Rome n’aurait pas les moyens de les enrayer. C’est ce qui finit par arriver au Vème siècle de notre ère. Usée par ses guerres à répétition contre les Perses, Rome fut incapable d’empêcher les Germains de déferler sur sa partie occidentale, poussés par la furie hunnique.

    Avec le recul, on comprend que Rome ne pouvait pas géopolitiquement tenir quatre frontières en même temps. Par ailleurs, malgré des richesses indiscutables, la première richesse est l’homme. Celtes et Germains, Daces et Illyriens, mais aussi les Slaves, auraient fait d’excellents romains, et ceux qui étaient déjà dans l’empire l’avaient prouvé. Leurs dieux étaient sous d’autres noms ceux de Rome. Indo-européens comme eux, proches de ce que les Romains avaient été à l’origine, ce que ne manqua pas de signaler un Tacite, ils auraient renforcé l’empire au lieu de contribuer bien malgré eux à sa destruction.

    En renonçant à conquérir la Germanie, au profit du puits financier sans fonds qu’était l’orient, Rome commit une erreur géopolitique fatale. Alors qu’Auguste avait défendu l’Europe contre l’Asie, c’était l’Asie qui au final dominait. Constantin abandonna Rome au profit de Byzance, qui restait malgré tout une ville européenne, mais surtout choisit d’adopter le christianisme, vengeance morale de l’Orient afrasien contre l’Occident aryaque qui l’avait dominé. Dernière née des religions orientales, favorisée par les élucubrations de quelques philosophes séduits par la pensée asiatique, préparée moralement par ceux qui sapèrent la religion traditionnelle (Socrate en tête), la religion chrétienne triompha par la trahison de l’empereur. Constantin trouva dans le christianisme les charmes qu’Antoine avait trouvés chez Cléopâtre. Et ainsi trahit-il Rome, comme l’a si bien dit l’historien André Piganiol.

    Après quelques siècles, toutefois, le christianisme parvint à s’adapter à un environnement demeuré fondamentalement païen et à se colorer ainsi de formes de religiosité spécifiquement européennes, par le biais notamment de la réintroduction du principe du héros sous sa forme médiévale, par le culte des saints, par la construction de lieux de culte sur les anciens sanctuaires. »

    Rome devait unifier l’Europe, tel était son destin, et voir dans la Mare Nostrum un espace frontière. C’est avec les conquêtes islamiques que la Méditerranée redevint ce qu’elle était au départ, une césure entre deux mondes. Le drame du colonialisme, français notamment, a été de faire la même erreur que les Romains deux millénaires auparavant. Enseigner « nos ancêtres les Gaulois » en Afrique ne pouvait pas davantage réussir que d’enseigner « nos ancêtres les Romains » aux Egyptiens d’Alexandrie.

    Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE) http://www.reseau-identites.org

  • Un nouveau bobard du Figaro : pas de plan russo-américain sur la Syrie

     

    . « Il n’y a pas eu et il n’y a pas de tel plan, et il ne fait pas l’objet de discussions » a déclaréLa Russie a donc démenti tout accord secret avec les États-Unis sur un plan de transition politique en Syrie, prévoyant le départ de Bachar al-Assad en 2014 jeudi 27 décembre le porte parole du ministère russe des Affaires étrangères, Alexandre Loukachevitch.

    S’il le dit, c’est sans doute vrai, le « plan » en question représentant plutôt un rapprochement des Américains de la position russe sur la Syrie. Et d’ailleurs l’émissaire de l’ONU Lakhdar Brahimi, censé avoir présenté le dit plan à Bachar al-Assad, a à son tour nié son existence. Alors, le Figaro, et singulièrement son « expert » Georges Malbrunot, nous aurait menti ? Il est vrai que ce ne serait pas la première fois, M. Malbrunot étant autant un relai du Quai d’Orsay qu’un reporter et un journaliste.

    Le Figaro jappe, la caravane russe avance à son rythme

    Mais pourquoi alors ce – gros – mensonge ? On ne peut l’expliquer que par le souci – toujours vif en milieu atlantiste – de faire accroire que la position de l’administration Poutine vis-à-vis de la Syrie et de son gouvernement peut toujours « évoluer », trouver un accord « raisonnable » avec le camp américain, avec toujours le même but ultime, le départ de Bachar al-Assad.

    Car ce départ, on va se répéter mais tant pis, serait évidemment la fin de la Syrie souveraine, et l’effondrement de son État. Et pour atteindre cet objectif fondamental, et faire « évoluer » Moscou, le camp atlantiste aurait mis un peu d’eau dans son vin, consentant donc à laisser le président – sans pouvoir – à la direction symbolique du pays jusqu’en 2014.

    Mais le Figaro et d’autres croyaient-ils infléchir ou amadouer Poutine avec cet effet d’annonce ? Évidemment, Russes et Américains restent en contact sur la Syrie, et ce sont ces discussion discrètes qui permettent à tous les Malbrunot toutes les extrapolations, diversions, manipulations. Mais pour quel résultat final ? Peut-être juste entretenir quelques jours de plus le doute, la « rumeur » de l’isolement syrien et de l’incertitude russe : ces messieurs de l’Occident atlantiste en sont là…

    Certes Moscou continue de faire pression sur Damas pour que la situation politique se débloque. Sergueï Lavrov a, ce vendredi, incité le gouvernement syrien à faire son « maximum » pour « concrétiser ses intentions de dialoguer avec l’opposition ». Et un peu avant, Lavrov avait exprimé ses doutes quant aux chances de l’ouverture d’un pareil dialogue, et sa crainte d’une spirale chaotique en Syrie.

    Mais dialoguer avec quelle opposition ? Des possibilités réelles existent avec le CCCND de Haytham Manaa, en contact permanent avec les Russes. Mais quid de l’opposition radicale à sponsor qatari, la « Coalition nationale » ? Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, vient de lancer une invitation à son président, le cheikh islamiste Moaz al-Khatib, à participer enfin à des négociations visant à « faire cesser le bain de sang« , précisant que ces négociations pourraient se tenir soit à Moscou, soit à Genève, soit au Caire.

    Et il a aussi indiqué qu’une réunion entre Russes et Américains, avec la participation de Lakhdar Brahimi, se tiendrait le mois prochain. Jeudi, Lavrov recevait le n°2 de la diplomatie syrien Fayçal Moqdad. Aujourd’hui il rencontre son homologue égyptien Mohammed Amr. Et samedi Lavrov accueillera Lakhdar Brahimi, de retour d’une nouvelle mission infructueuse en Syrie, et qui ne peut qu’appeler, une nouvelle fois, à un règlement politique urgent.

    Brahimi admet la légitimité de Bachar et de la ligne diplomatique russe

    Que retenir ou comprendre de cet intense ballet diplomatique russo-centré ? D’abord que décidément, le centre de gravité diplomatique s’est déplacé de Washington à Moscou. Ce qui veut dire qu’après 22 mois de conflit, ce sont les thèses russes sur la Syrie qui s’imposent, et non celles du Golfe et d’Hillary Clinton, et que donc la pression diplomatique ne doit pas s’exercer que sur le seul gouvernement syrien, mais aussi sur son opposition politique et militaire.

    En témoigne encore la déclaration de Brahimi niant l’existence de tout plan américain : « Placer le départ d’un président élu en pierre angulaire de tout dialogue est une violation de tous les accords obtenus à Genève » a bien pris soin de dire l’émissaire international. Brahimi donc s’aligne totalement sur la position de Moscou, qui a obtenu à Genève, le 30 juin dernier, que le départ de Bachar ne soit plus la condition sine qua non à l’ouverture d’un dialogue politique en Syrie. « Accessoirement », l’envoyé des Nations-Unies en Syie reconnait la légitimité politique de Bachar al-Assad, On peut dire qu’à travers lui, l’ONU a fait du chemin !

    Il est non moins évident que l’administration russe aimerait arriver à un apaisement aussi rapide et significatif que possible en Syrie. S’il y a malgré tout rapprochement entre Moscou et Washington – où John Kerry a remplacé la détestable Hillary C. – c’est sur la nécessité de marginaliser au maximum les bandes djihadistes. Et sur ce point, la pression diplomatique doit, à l’évidence d’abord, s’exercer sur Cheikh al-Khatib et sa coalition d’exilés Frères musulmans et pro-occidentaux, qui jusqu’à présent refusent de désavouer le Front al-Nosra et autres héritiers de Ben Laden en Syrie.

    La contradiction – majeure – est donc dans le camp d’en face, et l’on peut penser que Moscou cherche à obtenir des Américains un geste fort anti-terroriste, ou au moins une déclaration ferme. Nous ne sommes pas dans le secret des demi-dieux diplomatiques, mais si jamais une solution politique, un dialogue ont la moindre chance de voir le jour en Syrie, cela passe par la mise au ban, en attendant leur destruction, des factions combattantes salafistes. Et on a de bonnes raisons de penser que tout le monde, « de l’Atlantique à l’Oural », est d’accord sur ce point là.

    Pour le reste, les Russes peuvent bien faire pression médiatiquement sur le gouvernement syrien pour qu’il lâche on ne sait quel lest, ils ne peuvent obtenir de lui qu’il baisse la garde face à ceux qui répètent tous les jours qu’ils veulent le détruire. Et les Russes ne peuvent se permettre que ce gouvernement soit renversé. Alors beaucoup de bruits et de mouvements pour rien à Moscou ? Pas tout à fait, dans la mesure où les Russes veulent conserver la direction des opérations diplomatiques sur ce dossier – c’est déjà une victoire pour Poutine/Lavrov d’en avoir dépossédé les Occidentaux – et où leur but est certainement la marginalisation des opposants extrémistes, militaires ou politiques.

    Moscou joue serré, mais joue plutôt bien depuis des mois. Pendant ce temps, la Syrie combat, et réduit chaque jour les capacités de nuisance des anarcho-islamistes. Sa résistance a décrédibilisé dans une large mesure l’opposition radicale, dans le même temps où elle démontrait que l’insurrection était incapable de gagner sur le terrain. Et nous pensons que Poutine et Lavrov ont bien intégré ces données fondamentales.

    E&R

  • L'Amérique éclatée

    L’Amérique éclatée : l’indépendance des cinquante Etats est-elle possible ? 

    Trop monstrueuse, tentaculaire, apoplectique: l’Amérique, boulimie permanente, orgueil pathologique des chiffres, fuite en avant du gigantisme. Plus de 330millions d’habitants, une dette de 13trillions de dollars, des aides médico-sociales évaluées à 100trillions et des élus au Congrès dont chacun représente 750000 citoyens. Le corps aux dimensions d’un continent reste le même — un damier irrégulier, cohérent, naturel de cinquante Etats — mais c’est la tête qui a gonflé. Démesurément. Washington joue à la capitale en ignorant qu’elle passe de plus en plus pour une hydrocéphale chronique. Elle pompe au pays énergie et créativité pour ne lui restituer que lois, décrets et règlements. Le fédéralisme, instrument subtil et fragile, tient encore par la peinture d’une Constitution, mais dans les coulisses, les tireurs de ficelle ont du mal à sortir d’une caricature de démocratie. L’Etat est devenu trop envahissant, ses rouages trop complexes, ses agents trop nombreux. Trois personnes travaillent pour lui sur cinq que l’on croise dans les rues de Washington. La ville ne s’assimile plus à un symbole planté sur un périmètre neutre : c’est un abcès. Aristote, quatre siècles avant Jésus-Christ, avait recommandé l’échelle humaine pour toutes les communautés au nom du bon sens, de la logique, de l’autonomie économique et de l’efficacité politique. Thomas Jefferson, le plus visionnaire des Pères fondateurs, auteur de la Déclaration d’indépendance et président à deux mandats (1801-1809), batailla toute sa vie contre les dangers du jacobinisme centralisateur et pour l’affermissement des droits des Etats. George Kennan, diplomate, politologue, historien, mort en 2005, avait prédit en pleine guerre froide l’éclatement de l’URSS et annonça en pleine croissance l’implosion des Etats-Unis. Pour deux raisons : taille ingérable, et donc, asphyxie bureaucratique. 

    VELLEITES SECESSIONNISTES 

    Forts du patronage intellectuel et de la complicité idéologique d’Aristote, Jefferson et Kennan, les plus tenaces, les mieux organisés parmi les indépendantistes fidèles au célèbre slogan “Small is beautiful” (ce qui est petit est préférable), lancèrent des pétitions dans les cinquante Etats au lendemain de la réélection de Barack Obama à la présidence. Leur stratégie : entretenir plus que jamais la flamme bicentenaire de l’esprit de sécession, souvent pâlotte, parfois négligée, rarement perdue, toujours renaissante. Leur tactique : profiter de deux brûlantes fractures jaillies des urnes — socialisme contre tradition et minorités contre Blancs — pour porter un fer rouge contre Washington. Face à une capitale grossie de toutes les perversions d’un système obsolète, cinquante Etats se dressent au nom de la liberté et de la diversité. Face à un establishment bruissant de tous les calculs d’un régime douteux, cinquante pays se rebiffent au nom de l’Histoire et de leur avenir. Il s’agit de droits bafoués qui entretiennent une interminable polémique. Il s’agit de sortir d’une ornière qui risque de se transformer bientôt en impasse. Ils sont légion, ceux qui veulent sauter en marche du train fédéral, tailler dans le vif, opérer à froid. Divorce à l’amiable ? Cassure en fanfare ? Dans un cas comme dans l’autre, il est encore trop tôt. Il faut que les choses mûrissent, ou plutôt s’enveniment. Il faut qu’un mécanisme d’un autre âge s’enraye dans l’inadmissible, l’absurde. Déjà, dans une vingtaine d’Etats dont la Floride, le Colorado, New York et la Caroline du Nord, les forceurs d’Histoire — comme il existe des forceurs de barrage — ont recueilli une moyenne de 25 000 signatures. En Louisiane, le chiffre atteint 40 000 et au Texas il approche 120 000. Normal. Parmi les rebelles, les Texans sont les plus décidés : fiers de leur quinzième rang dans le monde économique. Et fiers d’ancêtres ayant conquis une indépendance qui dura neuf ans de 1836 à 1845. 

    LES TEXANS EN POINTE

    Ainsi, dans la mouvance d’une cuisante défaite de l’homme blanc — c’est le sceau le plus éclatant du vote du 6 novembre — plus de 800 000 militants et sympathisants séparatistes se mobilisèrent autour de ressorts aussi variés que nombreux. L’événement : la réélection de Barack Obama à la magistrature suprême sidéra la majorité du peuple blanc, qui l’a considérée comme une machination élaborée par un establishment anti-national dans le but d’affermir une double idée, celle d’une suprématie inévitable des minorités et celle de la marginalisation souhaitable du sang européen. Les textes : l’occasion était trop belle de relancer une fois de plus, à travers une Constitution sur ce point fâcheusement imprécise, l’ancien débat interminable opposant, d’un côté, les fédéralistes partisans acharnés de toutes les forces centripètes et, de l’autre, les indépendantistes défenseurs fidèles de toutes les pressions centrifuges. L’économie : la lente mais inexorable glissade de Washington vers un étatisme à vocation socialisante montre aux cinquante morceaux de l’Union que c’est sur eux d’abord que retombent indirectement les conséquences de toutes les extravagances financières du pouvoir fédéral dont l’odieux sauvetage de banques véreuses restera le plus spectaculaire. La fiscalité : la présence de deux pouvoirs parallèles situés à deux niveaux différents (l’un proche, l’autre lointain) devait forcément générer deux sortes d’impôts sur le revenu fatalement analysés sous des angles opposés par les contribuables : l’argent qui reste sur place leur paraît légitime, celui qui court vers Washington leur semble gaspillé. L’histoire : lorsqu’on évoque le passé dans tout récit sur ce genre d’opération chirurgicale, on bute nécessairement sur la guerre entre les Etats, de 1861 à 1865, qui demeurera jusqu’à la fin des temps, pour les anti-fédéralistes, l’illustre précédent, l’exemple héroïque, la borne incontournable de l’espérance martyre et, pour les fédéralistes, l’inadmissible rébellion de sabreurs égarés. La race : les Blancs savent qu’ils deviendront une minorité comme les autres en 2040 — autrement dit, dans une génération—, et ils ont compris que leur seule planche de salut est l’application d‘une politique d’endiguement — les chariots en cercle des pionniers de l’Ouest contre les Indiens — bâtie dans des Etats racialement homogènes à l’intérieur de frontières sûres.

    A ces six raisons de prendre le large pour des fédérés en colère, s’en ajoutent deux autres : la première relève d’une constatation mondiale, la seconde d’une expérience constitutionnelle. Si l’on mettait en paramètres puis en équation les 223 pays du monde membres de l’ONU en faisant intervenir superficie, population, richesses, production, etc., on s’apercevrait que 79 d’entre eux sont plus petits que la moyenne des Etats américains — moyenne soumise, bien sûr, au même prisme de calcul. Donc, l’argument de la taille avancé souvent par les enragés de l’Union ne tient pas. Non seulement il ne tient pas, mais il est souligné, amplifié par un autre élément encore plus décisif : plus des trois-quarts des pays considérés comme prospères sont petits. Quelques exemples : […]

    Par Paul Sigaud http://rivarol.over-blog.com/

  • Comme l'Irak, la Syrie sera-t-elle « ramenée à l'âge de pierre » ? (arch 2010)

    Si le marasme frappant le pays et surtout le tsunami des "affaires" lui en laissent le loisir, c'est en septembre que Nicolas Sarkozy devrait rendre à Bachar AI-Assad la visite officielle que celui-ci nous fit en juillet 2008, à l'occasion du sommet sur l'Union Pour la Méditerranée. Comment notre président sera-t-il reçu ? Fort courtoisement sans doute, même si les Syriens, quelque peu estomaqués par son style, le surnomment volontiers « le danseur», mimique burlesque à l'appui, et s'ébaudissent des 1 52 000 photos et de vidéos disponibles sur Internet et montrant notre Première Dame nue comme un ver. Au demeurant, c'est pour éviter toute fausse note que Bernard Kouchner avait été le premier ministre français des Affaires étrangères à se rendre le 23 mai dernier à Damas où - pur hasard, je vous l'assure -, je séjournais moi-même.
    Si, à cette occasion, je n'ai pas croisé l'illustre French Doctor, et m'en console aisément, je regrette amèrement en revanche de n'avoir pas prolongé mon séjour jusqu'à début juin, en tout cas après l'arraisonnement meurtrier par les commandos marine israéliens du bateau amiral de la « flottille du salut » tentant de briser le blocus de Gaza. J'aurais bien aimé en effet suivre « en direct » les réactions des Jordaniens et surtout des Syriens.

    MOSAÏQUE ETHNIQUE ET RELIGIEUSE
    Peu avant la Révolution française, le jeune Français Constantin-François Chassebœuf parcourut pendant trois ans routes et pistes du Nil à l'Euphrate, de l'Egée à la mer Rouge, et publia à son retour, sous le nom de Volney, un passionnant « Voyage en Egypte et en Syrie » si documenté que, dans son introduction à l'édition de 1959 chez Mouton & Co, Jean Gaulmier écrit à juste titre qu' « il est encore presque impossible d'étudier, sous quelque aspect que ce soit, les régions visitées sans recourir à son témoignage », sur le climat, les ressources, les sites et surtout les innombrables minorités ethniques et religieuses chrétiens, druses , "Kourdes", Bédouins, Arméniens, Tcherkesses et autres Ottomans. À la différence de Volney, je n'ai passé que dix-sept jours en Syrie et en Jordanie et ce qu'on lira ne prétend nullement à l'exhaustivité ni même peut-être à la réalité vraie. Ce n'est qu'un kaléidoscope. D'images frappantes (des familles campagnardes pique-niquant au son d'un transistor criard sous les arcades de la célébrissime mosquée des Omeyyades, où les Occidentales doivent, comme dans les autres lieux de culte sunnites, revêtir un long manteau à capuchon) ou sublimes, celles du Krak des Chevaliers admirablement préservé, en passant par les « villes mortes » byzantines - mortes, déjà, de la désertification... Des sensations, des impressions retirées de ce que j'ai pu voir, de la Méditerranée aux frontières turque, irakienne et israéliennes au sud, et des conversations que j'ai pu avoir, facilitées par un puissant sésame : négligemment épinglé sur mon sac à dos, un badge à l'effigie de Saddam Hussein naguère offert par Farid Smahi. Un sésame qui m'a valu d'être interpellée dans les rues ou les mosquées, par des hommes et des femmes de toutes conditions, sur le thème immuable : « Saddam, very good man, Americans very bad ». Une entrée en matière comme une autre à des entretiens plus approfondis, et généralement très politiques.

    LES PALESTINIENS, DES FRÈRES MAL AIMÉS
    On ne s'en étonnera guère : dans leur immense majorité, Jordaniens et Syriens abhorrent l'Amérique - de Bush comme d'Obama -, et ils abominent l'Etat hébreu même si, sur les ondes de la radio de l'armée syrienne, le Grand Mufti Ahmed Bader Hassoun a rappelé le 19 janvier dernier que « l'islam exige de ses fidèles qu'ils protègent le judaïsme » et préconisé un rapprochement entre les adeptes des deux religions du Livre. Cette exécration induit-elle un total dévouement à la cause palestinienne ? Même si, au lendemain de la tuerie du 31 mai, le président Al-Assad a qualifié Israël, qui n'est « pas un partenaire pour la paix », d' « État pyromane », on peut en douter.
    La chose est compréhensible dans le cas des Jordaniens de souche, désormais minoritaires sur leur propre territoire et qui n'ont pas , oublié les terribles combats de 1970 entre Bédouins autochtones et réfugiés palestiniens, batailles rangées qui aboutirent à la répression connue sous le nom de « Septembre noir ». Ayant naturalisé en masse les Cisjordaniens après 1948 et surtout 1967 à la suite de la guerre dite des Six-Jours, et accueilli leurs notables dans les gouvernements d'Amman, les sujets du roi Hussein s'estimèrent alors trahis et, depuis, une solide rancœur subsiste à l'égard de ces hôtes forcés. 
    D'autant que, accusent-ils, les plus beaux magasins, les plus luxueux hôtels du pays appartiennent à des Palestiniens, « en cheville avec les banques américaines », qui « tiennent tout ». D'ailleurs, Yacer Arafat, chef de l'OLP, n'avait-il pas profité de sa position pour accumuler frauduleusement « une immense fortune » dont il avait confié la gestion au Judéo-Marocain Gabriel Banon, par ailleurs beau-père du (très atlantiste) député français Pierre Lellouche, aujourd'hui secrétaire d'Etat aux Affaires européennes auprès de... Kouchner ?

    « GAZA C'EST L'AFRIQUE »
    Bien que n'ayant pas un tel contentieux avec les Palestiniens, les Syriens semblent partager ces préventions à leur égard. Du reste, rappellent-ils volontiers, « Gaza, c'est géographiquement en Afrique. » Autrement dit, c'est aussi exotique que ce Maghreb qu'ils méprisent, en particulier l'Algérie. « Nous, nous avons depuis des siècles une véritable littérature et nous sommes restés ethniquement des Arabes (ce qui reste à démontrer : les teints et les yeux clairs ne sont pas rares, héritages de la Galicie celte, de la présence alexandrine et de l'Empire ottoman où Albanais et Circassiens très leucodermes étaient nombreux) mais eux sont négrifiés par l'esclavage subsaharien et ils parlent un dialecte incompréhensible, un sabir pollué par le berbère et le français », m'a ainsi assené un universitaire aleppin, ajoutant : « Écoutez leur musique, le raï, c'est totalement métissé et çà ne ressemble à rien tandis que nous, si nous célébrons l'année Chopin, nous utilisons toujours les mélodies et les instruments traditionnels ».
    En Jordanie, pour tenter d'apaiser les tensions entre "occupés" et "occupants" volontiers assimilés à des Levantins affairistes, le roi Abdullah II a épousé une Palestinienne, la blonde Rania. Mais celle-ci, en raison de ses études à l'université américaine du Caire et de son assiduité au Forum économique de Davos, n'est jamais parvenue à se débarrasser du sobriquet « l'Américaine » que lui a donné le petit peuple - qui avait surnommé « l'Anglaise » la princesse Mouna née Antoinette Avril Gardiner, deuxième épouse de Hussein et mère d'Abdullah. Preuve que de solides préventions anti-occidentales subsistent dans la patrie d'adoption du colonel Lawrence et de Glubb Pacha, créateur de la Légion Arabe... dont, au coucher du soleil, des vétérans en grand uniforme jouent de la cornemuse dans l'antique théâtre de Jerash, la toujours merveilleuse Gerasa perle de la Decapolis romaine du temps où Amman s'appelait Philadelphia -, dans l'espoir d'arrondir leur retraite.
    Plus prudents, les dirigeants de Damas ont doté leurs Palestiniens de passeports "syro-palestiniens" afin, jurent-ils vertueusement, que ces réfugiés conservent leur « droit au retour » au cas, fort aléatoire, où Tel-Aviv se résignerait à la création d'un véritable État palestinien. Sans doute la télévision fait-elle grand cas des souffrances des Gazaouis et s'indigne-telle de cette abomination qu'est le « mur de la sécurité » ravageant et mutilant la Cisjordanie mais, dans le peuple, on sent que le cœur n'y est pas.

    ALAOUITES, DONC CHIITES
    En revanche, en Syrie comme en Jordanie,la fraternité semble totale, et spontanée, à l'égard de l'Irak, et c'est singulier dans le cas de la Syrie car les relations étaient si fraîches entre les deux factions Baath (parti fondé à Damas par le chrétien orthodoxe Michel Aflak) au pouvoir à Bagdad et à Damas que feu Hafed AIassad, ancien général d'aviation et ministre de la Défense parvenu au pouvoir en 1970, soutint Téhéran pendant l'interminable et meurtrier conflit Iran-Irak.
    Si la quasi-totalité des Jordaniens sont sunnites, la Syrie musulmane, officiellement République laïque, est partagée entre sunnites, la majorité : 78 %, et trois sectes chiites très minoritaires, les druses, les ismaïliens et les alaouites 10 %, auxquels appartiennent une grande partie des cadres de l'armée et le clan des Al-assad encore que Bachar ait épousé une sunnite, Asma ( comme lui, toutefois, longiligne et d'apparence très aryenne avec ses cheveux blonds et son teint clair). Il est permis de penser que c'est cette appartenance, autant que la séculaire rivalité civilisationnelle entre Damas et Bagdad, qui incita Hafez à soutenir le pays des mollahs.
    Mais comme rien n'est simple dans l'Orient compliqué, les chiites syriens se veulent "éclairés", au contraire de leurs coreligionnaires iraniens et irakiens. Contrairement à eux, ils n'ont ni clergé ni mosquées, boivent de l'alcool, sont généralement monogames et laissent leur épouse ou leurs filles s'habiller à l'européenne alors que les sunnites, influencés par l'islam wahhabite, se veulent ultra rigoristes, D'où la construction accélérée de mosquées dans les hameaux les plus perdus et la présence obsédante de femmes toutes de noir vêtues. Mais, comme rien n'est simple dans l'Orient compliqué (bis), prière de ne pas confondre cette vêture avec le niqab : si les Syriennes ont le visage et la tête voilés de noir, leur robe également noire est parfois si ajustée qu'elle ne cache rien de la silhouette, et souvent pailletée, de même que le voile. Certaines sont même ornées, dans le dos, de motifs en strass, fleurs ou papillons ! Quant aux dessous, mini slips et wonderbras pigeonnants made in China, ils occupent des étals entiers dans les souks où ces dames se disputent sans complexes ces affûtiaux affriolants.
    Et rien de plus stupéfiant que de voir ces créatures voilées soulever leur voile pour allumer une cigarette ou, surtout en Jordanie d'ailleurs, sortir « en filles » pour fumer le narghilé et applaudir un chanteur à la mode.

    HAMA TRENTE ANS APRÈS
    La plus grande surprise de ce voyage, je l'ai d'ailleurs éprouvée à Hama, l'Epiphania hellénistique, temple du sunnisme et pour cela théâtre voici trente ans de violents affrontements. En 1980, en effet, un Frère musulman originaire d'Hama avait tenté d'assassiner le président Alassad, ce qui avait entraîné l'arrestation de plusieurs imams ; une agitation chronique s'ensuivit, qui déboucha en février 1982 sur une insurrection, conduite par une grosse centaine d'officiers sunnites. Assad réagit brutalement, ordonnant à l'armée d'assiéger la ville et de la bombarder à l'artillerie lourde. Le siège dura près d'un mois, et 10 000 civils selon le gouvernement - 25000 selon les insurgés - y perdirent la vie. Une hécatombe en tout cas très lourde pour cette cité d'un demi-million d'habitants et dont le tiers, y compris de nombreux joyaux architecturaux, fut alors détruit. Sans que, soit dit en passant, ce nettoyage par le vide soit beaucoup reproché à Hafez Al-assad alors qu'imputé à l'Irak (sauf par la CIA, qui en rendait l'Iran responsable), le gazage des cinq mille Kurdes de la ville frontalière d'Halabja fut toujours retenu à charge contre Saddam Hussein.
    Je m'attendais donc à voir une ville sombre, austère, endeuillée. Or, en ces jours de festival - c'était vers le 11 mai -, Hama était joyeuse, bruyante et amicale envers les étrangers d'ailleurs très rares participant à ces réjouissances bon enfant se déroulant le long de l'Oronte, combien plus beau, avec ses admirables norias de bois datant de la présence byzantine et fonctionnant toujours malgré leurs quinze siècles d'âge, qu'à Antioche, où les Turcs semblent prendre pour un dépotoir le fleuve cher à Barrès.

    LE GRAND TURC EN EMBUSCADE
    C'est pourquoi, j'en reviens à Gaza, je me demande comment, au-delà des félicitations officielles, les Syriens ont pris l'opération de secours organisée par les Turcs et en reconnaissance de laquelle quantité de bébés gazaouis ont été prénommés Erdogan. En effet, si le mandat français (1918-1945) fut largement bénéfique sur le plan culturel et marqué par un début d'industrialisation, les Syriens ne pardonnent pas à Paris d'avoir laissé la Turquie s'emparer en 1939 du sandjak d'Alexandrette (lskanderun) et du district d'Antioche, et ils ne pardonnent pas davantage à la Turquie actuelle de contribuer à la désertification du pays - déjà si asséché par la perte du Golan et l'occupation depuis 1967 par les Israéliens qui récupèrent toutes les eaux du plateau par ses gigantesques barrages sur l'Euphrate. Excipant de la présence de camps d'entraînement de guérilleros kurdes - alors que les Syriens partagent avec les Turcs une solide méfiance à l'égard des Kurdes « qui ne sont jamais contents et cherchent toujours des histoires » -, Ankara avait ainsi à plusieurs reprises interrompu le cours de l'Euphrate.
    Certes, les feuilletons télévisés turcs tel Le cri de pierres, violemment anti-israélien, ont été très suivis en Syrie où est en préparation une grande série historique sur la fin de l'empire ottoman, géant débonnaire « victime des puissances européennes », et les investissements turcs sont très appréciés, comme ceux de la chaîne hôtelière Dedeman, qui a construit un superbe établissement à Palmyre. Mais Damas commence à s'inquiéter de l'activisme diplomatique et économique déployé par Ankara dans les territoires arabes naguère possessions de la Sublime Porte. Au demeurant, la conversion relativement rapide de la République kémaliste du laïcisme à l'islam presque radical laisse sceptiques beaucoup de Syriens qui, fiers de leur histoire multimillénaire quand les futurs Seldjoukides n'étaient encore que des coureurs de steppe illettrés, y voient un simple opportunisme : bridé dans ses ambitions européennes, le Grand Turc chercherait des exutoires à sa volonté de puissance. En Asie centrale, à la faveur de l'éclatement de l'empire soviétique, et au Moyen-Orient en profitant de l'enlisement et des échecs du monde arabe.

    L'HUMILIATION IRAKIENNE
    De ces échecs, le plus cruellement ressenti car le plus humiliant est, à l'évidence, le si rapide effondrement de l'Irak et l'odieuse occupation qui s'en est suivie. Les Syriens - qui se targuent d'avoir inventé l'écriture, à Ougarit, dont les ruines n'évoquent aujourd'hui que de très loin la gloire et la prospérité passées - parlent du pillage des musées de Babylone et de Bagdad comme s'ils en avaient été eux-mêmes victimes et, surtout, ils ont ressenti physiquement le gigantesque et lamentable exode consécutif à la guerre. « Nous qui sommes pauvres et devons exercer plusieurs emplois pour obtenir un salaire décent, nous avons dû accueillir trois millions et demi de nos réfugiés, mais c'étaient nos frères », répètent-ils tandis que les Jordaniens, eux, assurent avoir reçu un million et demi de réfugiés. Des chiffres évidemment très exagérés, l'ONU ayant évalué à deux millions le nombre des Irakiens contraints à l'exil. Proportion déjà énorme : près du dixième de la population !
    Ce qui est sûr en tout cas est que les deux pays comptent de très importantes communautés irakiennes et que le flux ne s'est pas tari, de plus en plus de chrétiens, victimes de persécutions, quittant l'Irak si heureusement rendu à la démocratie.

    COUPOLES ET COUVENTS : JUSQUE À QUAND ?
    En Jordanie, la présence chrétienne est marginale mais elle reste significative (13 % de la population selon les sources les plus optimistes) en Syrie où elle pourrait jouer un rôle important si, des nestoriens aux protestants, des jacobites orthodoxes aux melkites ou aux maronites catholiques, les chrétiens n'étaient divisés en multiples confessions qui ont, au fil des siècles, affaibli leur influence et favorisé l'essor de l'islam dans ces contrées qui furent pourtant les premières à accueillir la Bonne Nouvelle.
    Il est peu de lieux aussi chargés d'émotion, esthétique comprise, que Saint-Siméon, hommage à ce moine stylite réputé avoir passé quarante-deux ans sur sa colonne. Jusqu'à l'achèvement de Sainte-Sophie, l'édifice fut la plus grande cathédrale chrétienne du monde. Par la beauté du site, l'harmonie des constructions aujourd'hui à moitié ruinées et la pureté de leurs lignes annonçant dès le Ve siècle le style roman, Saint-Siméon est une merveille qui parle autant au cœur qu'à l'esprit. Lorsque j'y allai, un prêtre italien célébrait la messe pour des pèlerins dont les touristes syriens respectaient la ferveur, intimant aux gosses braillards l'ordre de se taire.
    Les écoles chrétiennes restent très courues, y compris par les musulmans de la Nomenklatura locale. Non loin de Damas, sur les contreforts des monts de l'Anti-Liban, le village de Maalula - dont le couvent Sainte-Thérèse est également un lieu de pèlerinage - est presque entièrement peuplé de catholiques de rite orthodoxe grec pratiquant encore l'araméen, la langue du Christ dans laquelle sont célébrés les offices. Alors que les Arméniens de Jérusalem se disent brimés par les autorités israéliennes et, pour certains, préparent leur départ, à Alep les coupoles dorées de leurs églises rivalisent de hauteur avec les minarets et en mai, mois de Marie, nombre de jeunes filles revêtent une longue robe bleue ceinturée de corde et coiffent un voile blanc, en révérence à la Vierge, sans que les musulmans semblent s'en formaliser. Dans mon hôtel de Damas, où un couple de catholiques latins fêtait ses noces d'argent, les voiles noirs des invitées mahométanes côtoyaient les spectaculaires robes du soir des chrétiennes.
    Mais, outre que cette coexistence pacifique pourrait facilement basculer dans l'hystérie antichrétienne, comme cela s'est si souvent produit en terre d'islam, il n'est évidemment pas question de fraternisation poussée ni de mariages mixtes. Au demeurant, les mariages toujours arrangés par les familles, en Syrie comme en Jordanie, et généralement célébrés assez tard, le promis devant disposer d'une bonne situation et d'une maison avant de présenter sa demande - restent rares entre obédiences musulmanes même si l'alaouite Bachar a ouvert la voie en choisissant une sunnite. Ainsi les Druses pratiquent-ils la plus rigoureuse endogamie. « C'est mieux comme ça, m'expliquait l'un d'eux. On se connaît, on a la même histoire, les mêmes traditions, les mêmes coutumes. Chez nous, par exemple, il ne nous viendrait jamais à l'idée d'épouser une Noire ou une Chinoise même si elle nous plaisait. Il faut d'abord penser à la famille et aux enfants ! » Qui oserait dire le contraire ?
    Ainsi, près d'Amman, survit depuis deux siècles une communauté de Nubiens importés d'Égypte par les Turcs pour travailler la canne à sucre. Regroupés dans le même village, ces "Nègres" se marient entre eux. Chacun chez soi et le troupeau sera bien gardé !

    DE PETRA À PALMYRE, LA ROUTE DES MERVEILLES
    Tout comme beaucoup d'Occidentaux se rendent en Jordanie à seule fin de faire de la plongée dans le golfe d'Aqaba et de découvrir Petra la nabatéenne, site en effet exceptionnel et, autour du fameux Khazneh - le "Trésor", si souvent vu en photos ou dans les films, qui ne lui rendent pas justice -, plus accessible qu'on ne le dit, jusqu'au Château croisé, au monastère du IIIe siècle et à l'Autel des sacrifices -, Palmyre la cananéenne est une étape obligée et parfois unique. « Si vous ne deviez voir qu'une seule chose en Syrie, ce serait Palmyre. Même si vous avez déjà vu assez de ruines pour le restant de vos jours, faites un effort car celles-ci sont inoubliables », ordonne ainsi le guide Lonely Planet.
    Oasis dans l'immense désert caillouteux allant jusqu'à la ville-frontière de Deir ezZur, centre pétrolier où l'on empruntera bien sûr le « pont des Français » enjambant l'Euphrate et qui, à la fraîche, se transforme en paseo, Tadmor, rebaptisée , Palmyre par les Grecs et promue « ville libre » par les Romains en l'an 150 de notre ère, coupe bien sûr le souffle. Par l'incroyable étendue (50 hectares), la richesse et l'élégance de ses ruines, l'enchevêtrement des cultes et des traditions, les temples dédiés aux dieux Nebo et Bel (Baal) voisinant avec les autels des divinités romaines, les pharaoniques tombeaux de l'aristocratie marchande avec les thermes (édifiés sous Dioclétien), l'agora et le théâtre proprement palatiaI.
    Palmyre, où Septimia Bathzabbai Zineb, dite reine Zénobie, leva en 270 l'étendard de la révolte contre l'Empire  (qui vainquit ses armées et la ramena à Rome pour le triomphe d'Aurélien), est à l'architecture coloniale romaine ce que Hanoï fut à l'architecture coloniale française : un miracle, les architectes ayant avant tout veillé à respecter l'esprit des lieux où l'histoire souffle si fort. Mais elle n'est pas la seule : Apamée, Rassafa - non loin du lac Assad et ceinte de remparts à l'ombre desquels s'élevait la basilique Saint-Serge avant la conquête par le calife omeyyade Hicham -, Bosra avec son austère et grandiose théâtre de basalte (et son musée des mosaïques, où l'on peut admirer de superbes swastikas) sont aussi des endroits magiques, qu'il ne faut manquer sous aucun prétexte. Tant que la Syrie est un pays sûr, où les mendigots sont rares et les autorités inflexibles avec les voyous.

    DES MENACES SE PRÉCISENT
    Car qui peut présager de son avenir ? Appuyé sur une croissance longtemps impressionnante (+ 147 % en vingt ans, de 1983 à 2003, si bien que chacun ou presque mange à sa faim et que l'état sanitaire est convenable), le régime semble solide. Mais après les convulsions du Liban, l'ordalie infligée à l'Irak a montré la fragilité des régimes proche et moyen-orientaux et des menaces se dessinent. James Cartwright, adjoint du chef des armées des États-Unis, déclarait ainsi le 13 mai dernier : « Durant les dix prochaines années, nos forces auront à mener des combats semblables à ceux qui furent menés en Irak et en Afghanistan ». Hasard ? Le mois précédent, Damas avait été accusée par Washington d'avoir livré des missiles SCUD au Hezbollah, accusation reprise par Tel-Aviv, qui avertissait la Syrie de son intention de « la ramener à l'âge de pierre », bien que l'allégation ait été formellement démentie par Saad Hariri, Premier ministre du Liban (où Al-Assad s'est rendu à la mi-juillet). Ainsi d'ailleurs que par le Hezbollah qui précisait n'avoir nul besoin d'antiques SCUD, disposant depuis 2006 d'armes autrement sophistiquées.
    N'importe, l'administration Obama profita aussitôt de l'occasion pour proroger d'un an les sanctions prises contre Damas en 2004, et la menace subsiste, au point que certains se demandent si, malgré l'enlisement des États-Unis en Irak et en Afghanistan, certains faucons néo-conservateurs ne gardent pas cette histoire de SCUD en réserve pour l'utiliser le moment venu, comme fut exploité contre Bagdad le mythe des « armes de destruction massive ».
    Quitte à transformer en République islamique, soumise à la Charia, l'actuelle République laïque syrienne où les chrétiens bénéficient d'une relative sécurité ? Mais on sait que, sans hésitations ni états d'âme, ce risque fut pris ailleurs par ceux-là même qui proclament jusque sur leur monnaie « ln God we trust».
    Camille Galic RIVROL du 30 juillet au 2 septembre 2010
    < camille.ggalic@orange.ft >.

  • États-Unis : La falaise fiscale vue de Chine

    Tout récemment, bien que les discussions budgétaires américain n’aient donné aucun résultat, et que la « falaise fiscale » constitué une menace qui se profile pour les États-Unis et l’économie mondiale, le Congrès américain a voté de lourdes dépenses dans le cadre de la loi de programmation militaire pour 2013.

    Cette loi témoigne encore d’ingérences diverses et abondantes dans les affaires des autres pays, comme la demande faite par le président américain pour vendre des chasseurs F16-C/D à Taïwan, la préconisation d’appliquer le traité de sécurité américano-japonais à la question des îles Diaoyu, qui constituent une grave ingérence dans les affaires intérieures et la souveraineté de la Chine.

    Une telle scène témoigne d’un grave conflit entre un Gouvernement faible et les ambitions impérialistes et la puissance limitée de ce pays.

    Car la puissance américaine est bien limitée. Le déficit et la dette nationale astronomiques des États-Unis sont des choses que plus personne n’ignore depuis bien longtemps. Pour cette raison, les responsables politiques américains devraient plutôt essayer de s’attaquer dès que possible au problème du plafond de la dette afin d’éviter que la « falaise fiscale » n’interrompe la reprise économique américaine durement gagnée, et cependant loin d’être assurée, et de limiter les dépenses fiscales à un niveau raisonnable.

    Cependant, et cela dès les années 1990, avoir vu Newt Gingrich, directeur de l’administration fédérale américaine fermer la porte face à la tempête et, l’année dernière, au règlement des différends au sujet du plafond de la dette, a montré au monde entier que l’irresponsabilité des politiciens américains et du système politique américain perdure, et qu’il est bien difficile de leur faire confiance.

    Aux États-Unis, les intérêts nationaux prennent le pas sur les intérêts de la communauté internationale et les obligations internationales, les luttes partisanes et les petits intérêts politiques passent avant l’intérêt national. N’est-ce pas la vérité ?

    Relever le plafond de la dette afin de s’assurer de l’échéance des bons du Trésor des États-Unis, s’assurer que les organismes gouvernementaux aient l’argent nécessaire pour « commencer à travailler », s’assurer que les salaires de millions d’hommes et d’officiers soit versée en totalité, s’assurer du financement de la Sécurité Sociale… tout cela est lié à une série d’intérêts fondamentaux des États-Unis : la sécurité nationale, le statut du Dollar américain, les marchés financiers et la dette nationale, le crédit, les moyens de subsistance de millions de bénéficiaires de la Sécurité Sociale, les perspectives de reprise économique…

    Mais, pour des raisons de lutte politique partisane et d’intérêts personnels, les politiciens de Washington qui n’ont à la bouche que les mots « peuple américain » et « intérêts des États-Unis », n’hésitent pas à prendre en otage tous les intérêts fondamentaux des États-Unis. Cette façon de prendre en otage les intérêts d’un pays tout entier est toujours la même sinistre comédie, que l’on nous sert encore et encore.

    Le plus grave pour les intérêts à long terme des États-Unis, est que le risque financier est en grande partie dû à leurs énormes dépenses militaires destinées à soutenir leurs ambitions impérialistes, mais Oncle Sam ne semble pas montrer la moindre volonté ni faire le moindre geste pour modérer cette ambition. N’est-ce pas aussi la vérité ? Les coupes budgétaires pèchent essentiellement dans le domaine des dépenses militaires, dépenses qui sont fortement défendues par le Parti républicain dans le cadre d’un « budget équilibré ».

    Les dégâts moraux causés par l’unique superpuissance du monde, couplés à la pratique d’abus de pouvoir militaire au fil des années a conduit à la constitution de puissants groupes d’intérêts aux États-Unis comme à l’étranger, qui essaient de pousser les États-Unis à continuer à suivre d’une manière abusive cette voie de la puissance militaire.

    Quand on voit comment les tenants d’une ligne dure soutiennent l’intervention aveugle des États-Unis dans les affaires extérieures, quand on voit, dans de nombreux pays du monde, de soi-disant « démocrates » dans l’opposition qui espèrent s’emparer du pouvoir grâce à une intervention américaine, quand on voit combien de forces séparatistes ou de petits gouvernements despotiques trouvent une main secourable, ouvertement ou secrètement, dans une intervention militaire américaine, et quand on voit à quel point, aux États-Unis, le lobby des armes est puissant, il n’est pas difficile de comprendre combien la pression de ces groupes d’intérêt est forte.

    De la guerre en Libye ou en Syrie jusqu’à la loi de programmation militaire pour 2013 et à l’ingérence dans les affaires de la Chine, on voit que même les plus sages des dirigeants américain, qui souhaitent réduire cette expansion excessive, maintenir la puissance nationale, sont impuissants à agir face aux groupes d’intérêt.

    S’appuyer sur l’hégémonie du Dollar sur le système monétaire international, qui s’appuie elle-même sur une hégémonie politique et militaire, permet aux États-Unis de faire payer leurs difficultés au monde entier, mais une si « belle époque » peut-elle durer encore combien de temps ?

    La « falaise fiscale », bien sûr, est la plus grande menace qui pèse sur l’économie mondiale. Il peut en résulter de graves problèmes pour certaines économies, mais elle ne peut absolument pas ébranler la situation économique globale en Chine. Pendant combien de temps Oncle Sam souhaite-t-il vivre ainsi à découvert ?

    Les États-Unis seraient donc bien avisés de moins se mêler des affaires des autres et de s’inquiéter un peu plus de la « falaise » qui les menace.

    Le Quotidien du Peuple

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  • Xavier Moreau : “Nouvelles de Russie”

    Tour de l’actualité russe au 15 décembre 2012. Xavier Moreau revient sur les élections américaines et ukrainienne (avec les conséquences de la victoire du “Parti des Régions”), les relations germano-russes et franco-russes (nomination de Jean-Pierre Chevènement), Rosneft, le discours à la Nation de Vladimir Poutine le 14 décembre, la démographie russe, la position russe sur la Syrie…


    Nouvelles de Russie au 15 décembre 2012 par realpolitiktv

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Combattre l'OTAN, c'est combattre pour l'Europe !

    À propos du livre de Henri de Grossouvre : Paris-Berlin-Moscou
    Fils de François de Grossouvre — qui, pendant les présidences de François Mitterrand, avait été, en fait, sous la couverture de Grand Veneur de la République, le responsable présidentiel pour la conduite opérationnelle de l'ensemble des services de renseignements politiques et militaires français, et qui (ainsi que l'on s'en souvient) trouva une mort mystérieuse et tragique à l'intérieur même du palais de la Présidence de la République — le jeune Henri de Grossouvre vient de publier à Paris, aux éditions L'Âge d'Homme, avec une importante préface du général Pierre-Marie Gallois, un essai d'analyse et prospective géopolitiques de la plus brûlante actualité, intitulé Paris-Berlin-Moscou.
    « Le centre du monde est en marche vers l'est », écrit le général PM Gallois dans sa préface. H. de Grossouvre, qui vit et travaille à Vienne, est un spécialiste des problèmes économico-politiques de l'Allemagne, de l'Autriche et de l'ensemble de l'espace géopolitique de l'Europe de l'Est, de l'ancienne Mitteleuropa. H. de Grossouvre est aussi un partisan activiste et un doctrinaire de pointe de l'intégration de la "nouvelle Russie" de Vladimir Poutine au sein de la plus Grande Europe continentale, ouverte à présent vers les projets eurasiatiques avancés par les groupes géopolitiques proches de l'entourage immédiat du président russe.
    À ce titre, le livre de H. de Grossouvre, Paris-Berlin-Moscou, constitue un document politique extrêmement révélateur, livrant les positions d'avant-garde d'une certaine tendance actuelle de la pensée géopolitique française en action et cela d'autant plus que H. de Grossouvre sera sans doute prochainement appelé à des responsabilités politiques de niveau européen, dans le cadre d'une "Communauté géopolitique France-Allemagne-Eurasie", actuellement en voie de constitution. La thèse fondamentale du livre de H. de Grossouvre fait la promotion de la plus que nécessaire, désormais, intégration fédérale de l'ensemble continental grand-européen autour de l'axe Paris-Berlin-Moscou, derrière lequel se profile, implicitement et dans un plus lointain avenir, l'axe transcontinental de la "Forteresse Eurasiatique" Paris-Berlin-Moscou-New Delhi-Tokyo. Ce qui en appelle, en premier lieu, l'intégration "à part entière", à la fois totale et immédiate, de la "Nouvelle Russie" de V. Poutine au sein de la communauté d'être et de destin de la plus Grande Europe.
    Les précédences de la doctrine géopolitique de l'axe Paris-Berlin-Moscou
    Mais H. de Grossouvre ne se contente pas seulement de poser le problème de l'intégration continentale grande-européenne tel qu'il se présente à l'heure actuelle, il cherche dans la récente histoire européenne de cette vision géopolitique fondamentale, qui refait aujourd'hui surface dans les combats les plus avancés de notre propre actualité politico-historique en cours, les précédences qui l'annonçaient et qui en avaient déjà tenté de la projeter dans l'histoire en marche, de l'amènera se trouver effectivement réalisé. Ainsi que le Général de Gaulle l'avait fait plus qu'a moitié. Qui en avait même déjà accompli l'essentiel en instituant le Pole Carolingien franco-allemand, base de toute tentative d'intégration continentale européenne à venir.
    Ainsi H. de Grossouvre commence-t-il par rappeler la tentative malheureusement ratée de Gabriel Hanotaux, ministre des Affaires Etrangères de la France de 1896 à 1898, qui avait essayé de mettre sur pieds une entente continentale France-Allemagne-Russie dans le double but de défaire en force les tenailles de la politique d'emprise de la Grande-Bretagne sur l'Europe, et de promouvoir une vaste entreprise continentale européenne commune de développement politique, économique et industriel. G. Hanotaux disposait, comme interlocuteurs pour son projet continental commun, en Allemagne du prince Bülow et en Russie, du comte Sergueï de Witte, promoteur du Transsibérien. Parmi les grands projets d'infrastructure continentale de Gabriel Hanotaux figuraient, avec l'appui de von Bülow et de Witte la mise en œuvre accélérée des chemins de fer trans-continentaux Paris-Vladivostok et Berlin-Bagdad. Plus un certain nombre d'autres projets restés secrets à ce jour.
    Déjà la « Wilhelmstrasse tenait alors pour acquis qu'il s'agissait de démontrer pratiquement que l'Angleterre ne doit plus compter sur l'antagonisme franco-allemand pour s'emparer de tout ce qui est à sa convenance ». Mais les "services politiques extérieurs" de Londres, ainsi que les "puissances des ténèbres", alors à l'œuvre, en profondeur, à Paris, avaient fini par faire capoter au bout de 2 ans la politique visionnaire de G. Hanotaux et de ses interlocuteurs allemand et russe pour la libération de l'Europe ; échec qui, à terme, devait mener à 2 guerres mondiales, 1914-1919 et 1939-1945. Et qui persiste à obscurcir encore l'horizon intérieur de l'actuelle histoire européenne.
    Soixante ans plus tard, relève H. de Grossouvre, le général de Gaulle reprendra à son compte le même projet d'une "communauté d'être et de destin" France-Allemagne-Russie, dont il réussira, lui, à enclencher la mise en route politique immédiate, en obtenant l'installation du "Pôle Carolingien" franco-allemand au cœur de la politique européenne. Une nouvelle grande politique continentale européenne était ainsi née, processus d'intégration désormais inéluctable, qui va devoir aboutir, après l'intégration de la Russie en son sein, à une fédération européenne grand-continentale et, à la fin, à cette communauté impériale européenne d'au-delà de l'histoire de ce monde révolu, que nous autres, ceux des "groupes politiques", appelons "l'Empire Eurasiatique de la Fin". Déjà en 1949, lors d'une conférence de presse, le Général de Gaulle déclarait prophétiquement :
    « Moi je dis qu'il faut faire l'Europe avec pour base un accord entre Français et Allemands. Une fois l'Europe faite sur ces bases, alors on pourra se tourner vers la Russie. Alors on pourra essayer, une bonne fois pour toutes, de faire l'Europe tout entière avec la Russie aussi, dut-elle changer de régime. Voilà le programme des vrais Européens. Voilà le mien ».
    De même que dans les années 60, dans les Charentes, le Général de Gaulle confessait que l'actuel rapprochement en profondeur de la France et de l'Allemagne dont il venait d'établir lui-même les bases, constituait, en fait, vraiment une nouvelle "Révolution Mondiale". Paroles extraordinairement chargées, décisives, révélatrices. Paroles fondationnelles, et qui resteront. Dont bien plus tard on comprendra le sens ultime. Elle est née la "Nouvelle Révolution Mondiale", et elle se développe. Car, en créant le "Pole Carolingien" franco-allemand, le Général de Gaulle avait définitivement posé les fondations impériales de la plus Grande Europe continentale, devant laquelle il ouvrait ainsi, à nouveau, les chemins de ce que Nietzsche appelait la "grande histoire", tout en assurant à celle-ci une place entière dans la confrontation politique planétaire finale actuellement en cours.
    Georges Soulès et le "Mouvement Social Révolutionnaire"
    H. de Grossouvre, cependant, omet de citer, parmi les antécédents des actuels projets d'intégration continentale européenne, l'initiative prise, en 1943, à Paris, par le secrétaire général du "Mouvement Social Révolutionnaire" (MSR), Georges Soulès — devenu, plus tard, le grand romancier Raymond Abellio — en vue de la création révolutionnaire clandestine d'un axe Paris-Berlin-Moscou. Quelle extraordinaire entreprise subversive que celle ayant amené G. Soulès, le secrétaire général du MSR, à prendre l'initiative, en pleine guerre, d'une action contre-stratégique transversale aux camps s'affrontant alors dans un combat continental paroxystique, aux allures apocalyptiques finales.
    Action contre-stratégique de dimensions européennes continentales, où la France était représentée par le MSR, dont le patron dans l'ombre et le bailleur de fonde occulte, selon ce qui m'avait été confié par R. Abellio lui-même, n'était autre que Pierre Laval, qui nourrissait depuis longtemps l'ambition soigneusement cachée d'un grand destin européen ; et cela depuis les années où il projetait de s'emparer de la Présidence de la République, en relation avec les grands desseins révolutionnaires européens qu'il partageait avec le roi Edouard VIII.
    Alors que le répondant allemand de l'initiative parisienne du MSR au sujet de l'axe Paris-Berlin-Moscou était un groupe clandestin de la "SS Européenne" ayant trouvé asile auprès de l'État Major central de Heinrich Himmler, le SS Hauptamt, et dont le principal responsable était Richard Hildebrandt, avec, à ses côtés, le chef du bureau des plans du SS Hauptamt, Dolezhalek (qui a survécu à la guerre). Un représentant personnel de Richard Hildebrandt en poste a Paris, un jeune colonel SS, assurait, sous couverture, une liaison permanente avec la fraction révolutionnaire clandestine "européenne" du SS Hauptamt de Berlin, avec "l'œil du cyclone".
    Alexandra Kolontaï, responsable de la diplomatie secrète de Staline
    Quant à la Russie, le répondant à l'initiative du MSR concernant l'axe Paris-Berlin-Moscou se trouvait être l'ambassadeur permanent de Ï. V. Staline à Stockholm, la mystérieuse Alexandra Kollontaï, responsable de l'ensemble de la diplomatie secrète de celui-ci, qui doublait tous les services de renseignements politico-militaires et autres de l'URSS. Le délégué personnel d'Alexandra Kollntaï à Paris, auprès du MSR, était un suisse disposant d'un statut diplomatique actif, le Dr Albrecht G., qui avait déjà travaillé pour le Komintern. Décédé à la fin des années 50, celui-ci avait laissé des mémoires politiques passionnantes, que Dominique de Roux avait essayé de publier à Paris, aux Presses de la Cité.
    L'axe Paris-Berlin-Moscou de R. Abellio impliquait aussi, en dernière analyse, un "renversement des alliances" devant finalement opposer les puissances continentales — la France, l'Allemagne, la Russie — à l'emprise des puissances océaniques anglo-américaines et à leurs desseins hégémoniques planétaires. Un "renversement des alliances" ayant trouvé aussi une attention fort attentive auprès du Général de Gaulle lui-même au moment de l'offensive allemande dans les Ardennes, quand le général Eisenhower envisageait réellement de considérer la France comme "territoire d'"occupation" des forces alliées anglo-américaines. Moment crucial s'il en fut. De ces projets d'un axe continental grand-européen Paris-Berlin-Moscou mis en piste à Paris, pendant la dernière guerre, par le MSR, il nous faut retenir, me semble-t-il, qu'en matière de haute subversion politique active, opérationnelle, tout absolument tout est réellement possible à ceux qui, en assumant des risques inconcevables, osent envisager  — et tenter — l'inconcevable. Leçon que nous autres devrions retenir d'une manière inconditionnelle, tout jouer là-dessus.
    Enfin, parmi les antécédents des actuels efforts en cours pour la mise en œuvre politique de l'axe grand-européen Paris-Berlin-Moscou que H. de Grossouvre a omis de citer dans son livre, il faut également rappeler le concept géopolitique fondamental de Kontinentalblock, qui constitue l'aboutissement final de l'ensemble de la grande doctrine géopolitique de Karl Haushofer. Qui reste encore aujourd'hui le concept originel, fondationnel, de toute vision continentale grand-européenne d'ouverture impériale, "eurasiatique". Car les destinées actuelles et à venir de l'Europe, de la plus Grande Europe, en tiennent tous au concept de Kontinentalblock qui les définit exhaustivement, les résume et les mobilise en les suractivant dans la direction la plus décisive de leur accomplissement prévu. De leur marche à venir, et déjà qui véhicule l'assurance qu'ils l'emporteront sur tout, et totalement.
    L'ennemi prioritaire, la subversion mondialiste des États-Unis
    Le livre de H. de Grossouvre, Paris-Berlin-Moscou, se montre également utile à nos propres combats de libération continentale européenne d'aujourd'hui par l'attention offensive avec laquelle il nous avertit des périls extrêmes qui sont ceux de l'actuelle politique hégémonique planétaire des États-Unis. Et cela tout en signalant, avec pertinence, l'ensemble des prédispositions absolument décisives qui ont du rapprochement  — et de l'intégration impériale finale à venir —  de l'Europe et de la Russie notre seule voie de salut et de délivrance dans les prochaines années de notre destin à nouveau remis en jeu. Années décisives, donc, qui vont être précisément celles de la confrontation sans doute ultime de la conspiration mondialiste finale des États-Unis et des puissances continentales constitutives de la "Forteresse Eurasiatique" suivant les lignes de force de l'axe Paris-Berlin- Moscou-New Delhi-Tokyo.
    « Depuis la fin de la guerre froide la suprématie américaine est presque totale. Cette suprématie ne durera que 5 à 10 ans. Le temps que la Russie se relève et que la Chine s'affirme sur la scène internationale. En 1946, les États-unis représentaient 46% du PIB mondiale, aujourd’hui ils en représentent 25%, leur part relative continuera à baisser. Les États-Unis comme l'empire victorien déclinant à la veille de la première guerre mondiale, vont donc tout faire dans les années à venir pour essayer de verrouiller leur suprématie actuelle. Depuis la chute du mur de Berlin, les guerres menées à l'initiative des États-Unis se sont multipliées (Irak, Bosnie, Kosovo, Somalie, Afghanistan). Au cours de ces guerres, les États-Unis ont progressivement transformé l'OTAN en instrument politique, alors même que la raison d'être de cette organisation était liée à l'existence du bloc communiste aujourd'hui disparu. Ces guerres ont été menées et conclues le plus souvent contre les intérêts français et européens ».
    Derrière l'apparent rapprochement tactique entre les États-Unis et la Russie depuis le 11 septembre — écrit, aussi, H. de Grossouvre — les États-Unis et l'OTAN poursuivent depuis la fin de la guerre froide la traditionnelle politique d'endiguement anglo-saxonne de la Russie. Pour assurer leur sécurité, les Européens doivent associer les Russes à la sécurité européenne. Et cela d'autant plus impérativement que le "grand dessein" hégémonique planétaire des États-Unis est actuellement entré dans sa "troisième phase", qui est celle de l'emprise sans partage de Washington sur l'ensemble de l'espace politique assujetti — ou en train d'être assujetti — à la subversion mondialiste. Les commandements politico-stratégiques de l'entreprise  planétaire de prise d'influence occulte, de contrôle souterrain et d'emprise poursuivis actuellement par les États-Unis constituent désormais la seule loi présidant aux actions offensives d'appropriation exigés par la "troisième phase", impérialiste et totalitaire, de leur guerre mondialiste aux objectifs ultimes inavouables et non encore avoués des objectifs ultimes ontologiquement dissimulés par Washington, "interdits", hors de portée , qui n'apparaîtront que très ultérieurement à la lumière du jour.
    Ce que H. de Grossouvre appelle la « domination mondiale américaine sans partage » atteint à présent des limites tout à fait intolérables. Ainsi H. de Grossouvre cite-t-il le cas du ministre de l'Intérieur socialiste allemand Otto Schilly, qui vient de demander la création d'urgence d'un "fichier central européen" destiné à rassembler tous ceux qui ont pris des positions "antimondialistes", en vue sans doute des futures opérations de répression, que l'on planifie déjà, secrètement; des opérations de répression antimondialiste menées à l'échelle continentale européenne.
    Ainsi, les choses en étant venues là, H. de Grossouvre envisage-t-il l'intégration impériale de la Grande Europe et de la Russie comme la seule contre-stratégie politique totale pouvant faire face à l'actuelle offensive générale des forces de l'hégémonie planétaire des États-Unis et de la subversion mondialiste, de laquelle Washington dissimule — ainsi qu'on vient de le dire — les objectifs ultimes, inavouables. qui sont ceux d'une véritable "religion mondialiste", et que l'on tente d'imposer au monde entier. "Religion mondialiste" qui. en tout dernière analyse n'est autre que celle de la domination finale des puissances occultes, matérialistes et anti-spirituelles, régressives, antérieures, archaïques, abyssales, dont les États-Unis sont eux-mêmes, inconsciemment, la proie. Tant est-il qu'il n'y jamais eu de guerre qui ne fût, secrètement, une "guerre de religion". La "religion mondialiste", dans ses instances ultimes, dissimulées, c'est la religion nocturne du retour à ce qu'il y avait avant l'être, chaotiquement; le retour à la "religion du non-être" dont avait parlé Lovecraft.
    Les noces de Vladimir Poutine avec la "Nouvelle Russie"
    Ce qu'il faut aussi relever, c'est que H. de Grossouvre sait parfaitement reconnaître le rôle personnel, prédestiné, de Vladimir Poutine dans la confrontation de plus en plus suractivée des puissances antagonistes actuellement à l'œuvre au niveau politique de la grande histoire, mais, qui, en réalité, agissent déjà à un niveau se situant au-delà de la politique, et au-delà du niveau même de l'histoire visible. C'est ailleurs que, désormais, se passent les choses vraiment décisives.
    Le survol inspiré des tendances profondes, implicites, chiffrées, de la ligne politico-historique actuelle et à venir de la "Nouvelle Russie" de V. Poutine. Que H. de Grossouvre poursuit inlassablement dans son livre Paris-Berlin-Moscou, révèle l'horizon suprahistorique, "eschatologique", à l'intérieur duquel il s'agit de situer le devenir de la "nouvelle histoire" de la Russie si l'on entend pouvoir en saisir le sens ultime, le mystère de ce qui la pousse en avant, d'une manière inéluctable, vers l'accomplissement de son destin non encore complètement décelé. Mais qui montrera ses configurations intérieures sur sa marche même, à mesure qu'il s'accomplira.
    Or la relation profonde qui apparaît, désormais, entre la Russie et le destin profond — la prédestination active — de V. Poutine se laisse surprendre, déjà, comme singulièrement révélatrice du rôle — de la mission secrète — qui est celle de V. Poutine dans les développements en cours de la situation de la Russie dans le monde et dans l'histoire en marche. Développements qui seront ce que V. Poutine saura en faire, et rien d'autre ; et quand on a compris cela, on a, en fait, tout compris. Et tôt ou tard, il faudra s'y faire.
    À ce titre, H. de Grossouvre produit une grille pratiquement exhaustive de faits dont l'ensemble est déjà en état de prouver le rôle tout à fait particulier de V. Poutine dans la marche en avant  — et désormais, en quelque sorte, prévue d'avance — de la Russie vers l'accomplissement ultime qui se trouve secrètement inscrit dans son être abyssal. Les noces mystiques de Vladimir Poutine avec la Russie, c'est précisément ce qui constitue la source vivante et agissante, à l'heure actuelle, de la "grande histoire" en cours. Or, cela, H. de Grossouvre n'a pas manqué de le laisser transparaître, courageusement, dans son travail.
    Et c'est peut-être la raison majeure de l'importance particulière que l'on se doit finalement d'accorder à ce livre, dont la part de sous-entendu égale parfois celle des affirmations, des données, des investigations objectivement et raisonnablement appelées à étayer sa démarche propre, qui dans tous les cas n'est pas sans périls. Cette attitude de l'esprit n'est-elle pas, d'ailleurs, spécifique des grandes incursions historiques vers le domaine des limites ultimes ?
    Dans son Paris-Berlin-Moscou, H. de Grossouvre ne livre-t-il donc pas, d'une certaine façon, une direction de recherche plutôt que la recherche elle-même, dont la substance se trouve ainsi sans cesse dépassée par ce qui la tend dialectiquement en avant ? On n'en voudrait pour preuve que la manière dont H. de Grossouvre est amené à traiter le problème des relations établies par V. Poutine avec l'Inde, toute la place que l'Inde a prise dans l'ensemble des plans métastratégiques de la Russie en relation directe avec sa politique de présence à la fois dissimulée et suractivée dans l'espace grand-continental eurasiatique, où vont avoir à se passer les confrontations planétaires décisives. Si la Russie parvient à tenir l'Inde et le Japon, ainsi que cela semblerait bien être le cas, elle contrôlera la Grande Asie, et la Chine s'en trouvera bloquée, neutralisée. À moins que la Chine ne se résigne à se tourner vers l'Indonésie, répondre aux espaces d'appel du Pacifique. Or, tout alors, en sera changé. De quoi vont être faits les premiers siècles du IIIe millénaire, c'est l'Inde qui le décidera.
    L'axe Paris-Berlin-Moscou et les peuples d'Europe
    Cependant, un assez lamentable et dangereux piège surgit celui qu'on se laissât happer par le malentendu qui ferait que l'on prenne l'approche de l'axe Paris-Berlin-Moscou pour une formule limitative, alors qu'il ne s'agit que d'une structure géopolitique opérationnelle. La plus Grande Europe, "communauté d'être, de sang et de destin" ne saurait en aucun cas être exclusivement celle de la France, de l'Allemane et de la Russie, tout peuple européen étant partie prenante à part entière de l'ensemble à l'égal de tous les autres. Certes, la France, l'Allemagne et la Russie peuvent être considérées à la rigueur comme des points forts et de rayonnement, comme des "pivots", qui se nourrissent dialectiquement tout en nourrissant ce dont leurs identités se trouvent appelées à représenter géopolitiquenent, dans les termes d'un même destin :
    « Les trois grands peuples continentaux que sont les Français, les Allemands et les Russes occupent une place particulière en Europe. Chacun de ces trois pays exerce un rôle géographique sur une partie de l'Europe la France sur l'Ouest et le Sud de l'Europe, l'Allemagne sur l'Europe centrale et orientale, la Russie sur l'extrême Est de l'Europe, le Caucase, l'Asie centrale et le reste de l'Asie. Le rayonnement de la France s'est toujours déployé vers l'Europe du Sud, la Méditerranée ainsi que sur sa frontière orientale. L'Allemagne joue un rôle particulier en Europe centrale et orientale, et la Russie a étendu son empire en Asie et vers les mers du Sud. Ce rôle de pivot peut se traduire sur le plan spirituel par la notion de destin ».
    Et ensuite :
    « Charles de Gaulle avait conscience de n'être que l'instrument d'un plus grand dessein qui le dépassait ».
    Pour sauver l'être et la liberté du "grand Continent", il faut reconstituer révolutionnairement la "grande nation continentale" de nos origines les plus lointaines, faire que la fin du cycle rejoigne ses débuts ontologiques. "Encore une fois nous briserons l'histoire". Changer de conscience, changer de destin. changer de  métastratégie ultime, changer de stratégie opérationnelle immédiate
    De toutes ces considérations dramatiques, une seule évidence salutaire se dégage : s'ils veulent survivre à l'offensive d'assujettissement politique, d'aliénation totale de leur être propre, entreprise contre eux par la conspiration mondialiste des États-Unis — et par ce qui se dissimule derrière ceux-ci — les peuples européens du Grand Continent doivent changer de conscience, changer de destin, changer de métastratégie ultime, changer  de stratégie opérationnelle immédiate Se mettre en état de faire face. De faire face dans les termes d'une guerre politique totale, d'une guerre qui devra décider, pour le millénaire à venir, du sens de l'histoire du monde.
    Il leur faudra donc recouvrer la conscience entière de leur unité ontologique des origines premières, de leur prédestination impériale ultime, "eschatologique", de leur identité transcendantale, "suprahumaine". En même temps qu'une nouvelle conscience planétaire, parce que les nouveaux enjeux du nouveau pouvoir total l'exigent. Car on ne peut en aucun cas faire face séparément à une offensive de dimensions planétaires. À une offensive de dimensions planétaires, seule peut répondre la contre-offensive planétaire d'une nouvelle contre-stratégie planétaire. Il n'y a plus, désormais, qu'une seule urgence absolue pour nous autres, celle-là.
    H. de Grossouvre, en conclusion : « Dans les prochaines années, l'histoire risque de s'accélérer, les dangers augmenter, les guerres se multiplier ». Même si la situation est critique, c'est dans ces périodes que peuvent se présenter des opportunités inattendues. « Mais là ou il y a danger, là aussi / Croît ce qui sauve » (Hölderlin). À présent, le salut, la liberté et la délivrance de la "Forteresse Eurasiatique" mobilisée autour de l'axe transcontinental Paris-Berlin-Moscou-New Delhi-Tokyo réside dans la mise en route politico-historique, dans les termes d'une nouvelle "Révolution Mondiale", de ce que nous autres, ceux des "groupes géopolitiques", appelons "l'Empire Eurasiatique de la Fin", figure visionnaire ultime d'un avenir qu'il nous appartient de créer nous-mêmes révolutionnairement.
    Or qui sommes-nous, "nous autres", ceux des "groupes géopolitiques" ? Alors qu'on nous a condamnés à l'aliénation forcée, à l'aliénation totale de notre civilisation, à la déchéance sans retour et à la mort, nous sommes ceux qui refusent d'accepter cette condamnation, qui veulent renverser à nouveau le rapport des forces décisives, briser, encore une fois, l'histoire que l'on veut nous faire. L'histoire qui n'est absolument pas notre histoire. Nous sommes les combattants de la fin, les combattants qui se lèvent en armes, tragiquement, contre l'Anti-Histoire.
    Nous allons donc commencer par constituer, d'urgence, en marge des gouvernements nationaux de tendance libérale démocratique au pouvoir partout en Europe, une "Communauté géopolitique France-Allemagne-Russie". Agissant a la manière d'un gouvernement idéologico-politique, d'un "gouvernement contre-stratégique" engageant de par lui-même l'ouverture du chantier de l'intégration impériale Révolutionnaire grand-européenne continentale autour de l'axe Paris-Berlin-Moscou-New Delhi-Tokyo. En commençant par l'intégration de l'Union Européenne et de la Russie, doctrinalement pour commencer, et passant ensuite au niveau immédiatement politique. « Tout rentre à nouveau dans la zone de l'attention suprême », dit un puissant mantra.
    On me reprochera, je suppose, d'avoir largement dépassé, dans le présent article sur le livre de H. de Grossouvre, Paris-Berlin-Moscou, le niveau du compte rendu habituel, pour rejoindre le domaine supérieur de l'actuelle guerre métastratégique planétaire. Mais qu'ai-je fait d'autre, ainsi, que de situer le livre de H. de Grossouvre dans l'espace du combat qui est fondamentalement le sien ? À l'heure de la mobilisation générale de tous les efforts des nôtres menant à la naissance d'une nouvelle conscience impériale révolutionnaire européenne grand-continentale, seule fait loi l'exigence que l'on veille en permanence sur la convergence opérationnelle de tous les éléments pouvant contribuer à l'établissement d'urgence d'un front idéologique commun contre l'offensive de la conspiration mondialiste en cours de développement. Ce livre de Henri de Grossouvre, je l'ai porté en première ligne, à découvert.
     ► Jean Parvulesco. VOULOIR