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géopolitique - Page 944

  • Les efforts des Etats Unis pour affaiblir les rebelles islamistes en Syrie semblent avoir échoué

     

    Les efforts des Etats Unis pour affaiblir les rebelles islamistes en Syrie semblent avoir échoué
    Soutenu par les Etats Unis, un effort pour mettre en place des conseils militaires dans toute la Syrie pour unifier les centaines de groupes qui combattent pour renverser le président Bachar al-Assad et coordonner la fourniture d’aide aux groupes rebelles laïques semble avoir largement échoué.

    Les rebelles expliquent que les officiels US ont poussé à la création de ces conseils dans chacune des 14 provinces syriennes en réponse aux demandes des rebelles de fourniture d’armes et d’autres soutiens. En décembre, les représentants de plusieurs organisations rebelles se sont réunis en Turquie et ont élu un Conseil Militaire Suprême de 30 membres qui a ensuite désigné à sa tête le général Syrien déserteur Salim Idriss

    Mais des militants Syriens affirment que les conseils sont devenus un sujet de dérision et de moquerie en Syrie dans les semaines qui ont suivi et que d’autres organisations, dont le Front al-Nusra lié à al Qaïda ont assumé le rôle de coordination centrale que les officiels US espéraient voir revenir aux conseils militaires.

    “Je n’ai pas beaucoup entendu parler des conseils militaires,” déclare Jeff White, un analyste militaire du Washington Institute for Near East Policy. « Je n’ai pour l’instant vu aucun signe que le Conseil Militaire Suprême ou les commandements régionaux aient entrepris une action quelconque. »

    Des membres des conseils militaires ont accusé les Etats Unis et d’autres pays pour leur absence d’assistance, affirmant que sans aide, les conseils étaient incapables d’acquérir une influence sur les combats à l’intérieur de la Syrie.

    “Ils avaient ce plan, mais personne n’a reçu aucun soutien,” affirme Mahmoud, un Syro-américain qui a mis en place un petit camp d’entraînement rebelle en Syrie de nord et dit recevoir de l’aide de donateurs individuels. Il a demandé que sont identité complète ne soit pas divulguée pour des raisons de sécurité.

    Ce lundi, des responsables américains à Washington continuaient à exprimer leur appui à l’opposition anti-Assad.

    “Je pense que nous avons vu l’opposition en Syrie faire des progrès continus,” a déclaré à la presse Jay Carney, le porte parole de la Maison Blanche. « Je pense que nous avons vu l’emprise d’Assad sur le pouvoir en Syrie continuer à diminuer. Nous continuons à faire des démarches avec nos partenaires pour fournir à la fois de l’aide humanitaire et de l’assistance non létale [terme de la novlangue américaine supposé désigner des armes qui ne tuent pas, NdT] à l’opposition et à travailler avec nos partenaires pour contribuer à parvenir à une Syrie post-Assas qui reflète la volonté du peuple syrien, parce que le bon résultat ici sera que les Syriens décident de leur propre avenir. »

    L’échec des conseils militaires à s’organiser rapidement et à gagner en influence a court-circuité ce que les officiels US espéraient être un système qui aurait permis aux Etats Unis et à leurs alliés de diriger l’aide vers les organisations rebelles qui prônent une Syrie post-Assad démocratique, où les droits des minorités ethniques et religieuses seraient respectés, et non vers des groupes comme Nosra qui veulent un régime basé sur la loi islamique.

    Mais les organisations islamistes restent en pointe dans les récents combats, alors que les conseils militaires fonctionnent à peine. Ce constat se vérifie dans tout le pays, y compris le sud où plus de 20 000 personnes ont fui les combats vers la Jordanie rien que la semaine dernière.

    Le présumé gouvernement syrien en exil, la Coalition Nationale Syrienne des Forces Révolutionnaires et d’Opposition, a également échoué à s’imposer – un autre important revers pour la politique américaine. La Secrétaire d’Etat US Hillary Clinton était le principal promoteur de la coalition qui s’était constituée après que Mme Clinton avait annoncé publiquement que les Etats Unis ne pouvaient plus soutenir la structure qui l’avait précédée, le Conseil National Syrien.

    Mais après que des dizaines de pays eurent reconnu cette nouvelle structure comme étant le successeur du régime Assad, elle a également échoué à avoir de l’influence. Elle n’a pas respecté la date butoir qu’elle s’était elle-même fixée pour désigner un premier ministre par intérim et l’engagement des Etats Unis auprès de cette organisation, qui avait atteint son apogée avant l’élection présidentielle américaine de novembre, a décliné après que le leader de la coalition, Cheikh Mouaz Alkhatib, a critiqué la désignation par les Etats Unis du Front al Nosra comme organisation terroriste qui se confond avec al Qaïda en Irak.

    Les militants Syriens dissent que le plan américain pour réduire le rôle des groupes islamistes dans la lutte anti-Assad a au contraire abouti à un renforcement de la puissance des islamistes.

    “Les bataillons islamistes sont les seuls bataillons qui agissent sur le terrain,” déclare Omar Shakir, un militant antigouvernemental d’Homs, la troisième plus grande ville du pays.

    Il explique que les efforts des Etats Unis pour aider le conseil militaire à Homs ont cessé quand les commandants de cette ville ont refusé de couper les ponts avec les groupes islamistes, ainsi que les Etats Unis l’avaient exigé.

    “Les bataillons islamistes ont leurs propres sources pour les armes et l’argent, ils se battent vraiment bien contre le régime,” déclare Shakir. « Donc, après que les Etats Unis ont interrompu leur aide, le conseil militaire est devenu impuissant et la plupart des combattants rejoignent les bataillons islamistes. »

    Ces bataillons, qui comprennent Nosra et une autre brigade islamiste, Ahrar al Sham, ont été à la pointe du combat dans toute la Syrie. Des groupes islamistes plus modérés comme les Brigades Farouq et Liwa Tawhid, qu’on considère toutes eux comme affiliées aux Frères Musulmans syriens, opèrent également dans tout le pays.

    On considère que Nosra dispose d’environ 5 000 hommes en armes, et on pense que Sham est encore plus importante, ce qui fait des groupes d’obédiences islamiste les plus importantes organisations combattantes d’une opposition syrienne aux multiples facettes.

    Selon les Nations Unies, plus de 60 000 personnes ont péri dans les violences depuis que le soulèvement anti-Assad a commence en mars 2011.
    source :
    McClatchy Newspapers (USA) :: lien
  • Nouveaux gisements pétrogaziers en Méditerranée, sources de rivalité

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    La Turquie exige de Chypre qu’elle suspende l’exploitation de ces ressources gazières ou donne aux Chypriotes turcs la possibilité d’y participer. Elle met en garde la Grèce contre les tentatives de définir unilatéralement les frontières de la zone économique exclusive et parle de “territoires litigieux”. La Grèce pourrait entrer en conflit avec l’Albanie pour les gisements de la mer Ionienne. Les Etats-Unis et l’UE cherchent, pour leur part, à empêcher le renforcement de l’influence de la Russie dans la région.

    Le nœud chypriote
    Le gisement de gaz Aphrodite, sur le plateau de Chypre, est le plus grand découvert ces dix dernières années. A l’automne 2012, Chypre annonçait que les réserves découvertes s’élevaient à 1.700 milliards de mètres cubes de gaz et étaient estimées à 2.000 milliards d’euros mais en janvier 2013, l’ambassadeur de Chypre en Grèce a donné des estimations deux fois plus élevées – 3.400 milliards de mètres cubes de gaz et 235 millions de tonnes de pétrole. Seules les réserves du secteur №12 (entre 230 et 240 milliards de mètres cubes) suffiraient pour assurer les besoins de Chypre pour les 300 prochaines années.

    L’exploitation de ce champ pourrait régler les problèmes financiers de Chypre mais le pays risque également une “colonisation économique”. Près de 30 compagnies de 15 pays ont déjà répondu à l’appel d’offres pour le forage d’exploration – et la course promet d’être serrée.

    Après le début des travaux sur le plateau, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré qu’Ankara et la République turque de Chypre du Nord (RTCN), non reconnue par la communauté internationale, commenceraient d’exploiter le pétrole et le gaz dans la “zone économique exclusive de Chypre du Nord“. Quant aux Etats-Unis, la porte-parole du département d’Etat Victoria Nuland a déclaré que les USA soutenaient le droit de Chypre d’exploiter les ressources énergétiques sur son plateau, mais Washington espère que “toutes ses ressources seront équitablement réparties entre les deux communautés (grecque et turque, ndlr)”.

    En août 2012, l’Egypte a également revendiqué une partie de l’Aphrodite chypriote et du gisement voisin – le Léviathan israélien. Les accords israélo-chypriotes sur les frontières des eaux économiques exclusives des deux pays et sur la coopération pour l’exploration géologique dans ces eaux portent atteinte aux intérêts égyptiens, a déclaré la commission du parlement égyptien pour la sécurité nationale.

    Le Liban prétend également au gaz de Léviathan israélien – cette question est à l’étude à l’Onu. Pour l’instant, il n’y a aucun problème avec Chypre : les 9 et 10 janvier 2013, les présidents chypriote et libanais, Dimitris Christofias et Michel Sleiman, ont convenu de coopérer pour l’exploitation des richesses naturelles.

    Israël a également l’intention de collaborer avec Nicosie et Athènes, sans qui il développerait difficilement ses gisements de gaz. Cette découverte a permis d’améliorer les relations autrefois tendues entre la Grèce et Israël – en 2010, ils se sont entendus pour coopérer dans les domaines économique et militaire. Israël a étudié la possibilité de louer une île grecque pour déployer une base militaire et la Grèce a négocié son intégration au projet d’exploitation de Léviathan et d’acheminement du gaz en Europe.

    Chypre, la Grèce et Israël ont déjà annoncé leur volonté de regrouper les ressources énergétiques – pendant les trois prochains mois ils ont l’intention de lancer le projet EuroAsia Interconnector, qui réunira les réseaux électriques des trois pays grâce à un câble sous-marin.

    La Grèce saisit l’Onu

    La Grèce pourrait devenir le 15ème plus grand détenteur de ressources de gaz naturel au monde. Selon les autorités, les gisements de gaz découverts sur le plateau du sud de la Crète permettront d’apporter à l’économie 427 milliards d’euros et régleront tous les problèmes énergétiques et financiers du pays. La Grèce est aussi à la recherche de gisements de pétrole dans les mers Ionienne et Egée, dont les ressources pourraient être également importantes.

    Selon les journalistes du pays, la Grèce compte définir les frontières du plateau à l’Onu début 2013. Le quotidien Vima a déclaré le 7 janvier que le département hydrographique de la marine grecque avait déjà déterminé les coordonnées et que le gouvernement donnait son feu vert au transfert de la demande à la commission de l’Onu pour le droit de la mer, afin de valider les frontières du plateau continental.

    Ankara avait mis en garde la Grèce contre des mesures unilatérales. Le ministre turc de l’Energie Taner Yildiz a parlé de “territoires litigieux” et a appelé la Grèce à ne pas faire de travaux en mer Egée sans avoir consulté Ankara. La délimitation du plateau complique les relations de la Grèce avec certains autres pays comme la Libye. Des zones de 200 miles des deux pays se superposent et il est nécessaire de convenir les limites de la zone économique exclusive. Les discussions d’experts ont commencé avec la Libye en 2007 mais après le renversement de Mouammar Kadhafi, la situation a changé. Lors d’une récente visite du ministre grec des Affaires étrangères à Tripoli, les nouvelles autorités ont déclaré que le problème des zones maritimes n’était pas bilatéral et qu’il fallait organiser des négociations avec tous les pays frontaliers.

    Les partisans et les opposants

    La Grèce est à la recherche de partisans, avant tout du côté de l’Allemagne, de la France, et d’autres alliés de l’Otan. Athènes estime que la Russie soutiendra la Grèce dans son litige avec la Turquie et les Etats-Unis ne devraient pas non plus s’y opposer, pensent les observateurs grecs.

    Le ministre grec de la Défense a déclaré que l’heure était venue de se débarrasser de l’antiaméricanisme traditionnel. Dans un article publié par la presse occidentale, l’ex-premier ministre grec Georges Papandreou a suggéré aux Etats-Unis de former un nouveau “plan Marshall vert” pour la Méditerranée – une région “cruciale pour la sécurité internationale des USA“.

    Selon Papandreou, le projet européen est aujourd’hui menacé, la situation nécessite le retour du leadership américain et ce sont les USA qui doivent lancer une “large initiative énergétique, diplomatique et pacifique qui unirait le Proche-Orient, la Méditerranée et l’Europe grâce à la coopération énergétique“.

    Par ailleurs, les Etats-Unis et les pays européens cherchent à affaiblir l’influence de la Russie dans la région. Le 8 janvier, à la question de savoir ce qu’elle pensait de la vente de la compagnie gazière grecque DEPA et de sa filiale de transport de gaz DESFA à Gazprom, la porte-parole du département d’Etat Victoria Nuland a déclaré que la Grèce prenait des décisions autonomes dans le domaine énergétique, en conformité avec ses propres lois et les règlements de l’UE, mais que Washington suggérait à tous les pays de diversifier leurs sources d’énergie.

    Selon Athènes, la Russie a officieusement mais clairement montré qu’elle devait remporter l’appel d’offres lorsqu’en novembre 2012 Gazprom a soudainement annoncé qu’il ne construirait pas en Grèce de déviation du gazoduc South Stream.

    Quant aux Etats-Unis, ils ont intérêt [à ce] que les compagnies gazières grecques se retrouvent entre les mains des entreprises locales, avec lesquelles les USA ont des relations étroites depuis longtemps. D’autant que le coût des entreprises en cours de privatisation augmentera fortement s’il devenait possible de convenir d’itinéraires de livraison du gaz à partir des nouveaux gisements.

    RIA Novosti

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Intérêts nationaux et tensions nouvelles (arch 2007)

    Tel qu’il est aujourd’hui partagé, l’atome militarisé interdit l’expression violente des intérêts nationaux. Aussi ceux-ci sont-ils protégés, ou défendus, par la politique, la manœuvre diplomatique et économique, l’exploitation des passions confessionnelles, voire, à l’extrême par le terrorisme.

    A l’ombre imposante que l’atome répand sur la planète, toutes sortes d’autres moyens de coercition sont explorés ou expérimentés sans pour autant que les populations en aient connaissance.

    L’actualité internationale, telle qu’elle est vécue par l’opinion, vient de mettre en évidence au moins trois événements illustrant les tensions nouvelles générées par l’intérêt national :
    - Le sommet du groupe de Shanghai à Bichkek, capitale du Kirghizistan.

    Les dirigeants chinois Hu Jintao et russe Vladimir Poutine ont retrouvé leur hôte kirghiz, Kourmanbek Bakiev, ainsi que les Présidents du Kazakhstan, de l'Ouzbékistan et du Tadjikistan.

    - Les vols stratégiques russes en Atlantique et Pacifique, loin des frontières nationales.

    Tupolev 95 Bear H

    - L’annonce, par l’agence Novosti de Moscou, de la mise au point d’une arme nouvelle fondée sur les propriétés de l’impulsion électromagnétique.
    Réunion du Groupe de Shanghai, dit aussi Organisation de Coopération de Shanghai (ou OCS).

    A son origine, en 1966, le Groupe de Shanghai visait la coopération militaire et énergétique soviéto-chinoise et aussi, sans doute, le maintien dans l’URSS des républiques turcophones musulmanes à soustraire à l’influence atlantique exercée par la Turquie, membre actif de l’OTAN.

    Depuis, consacré en juillet 2001 et compte tenu des événements survenus en Irak et en Afghanistan, le Groupe de Shanghai porté à 6 Etats membres (Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan et Tadjikistan) affiche sa volonté de resserrer la coopération régionale sur les vastes étendues de son territoire mais dissimule, sous le prétexte de lutter contre le terrorisme, son hostilité aux Etats-Unis et à leurs empiétements en Asie.

    C’est que, si en 1966, les forces armées des Etats-Unis étaient présentes, grosso modo, sur le méridien de Berlin, elles l’ont été sur celui de Tachkent, puis de Bichkek, non loin de la frontière chinoise et sur des terres qui furent soviétiques, soit, vers l’Est, une progression de près de 5 000 kilomètres de l’unique superpuissance.

    Aussi, la quête, par les Etats-Unis d’énergies fossiles a-t-elle rapproché Chine et Russie. Ces deux puissances manifestent le même rejet de l’encerclement par Washington.

    La Chine constate que les forces américaines sont présentes à sa frontière occidentale, symboliquement en Mongolie, nombreuses en Corée du Sud et sur l’archipel japonais, indirectement à Taïwan et, directement, en mer de Chine avec leur puissante 7ème flotte.

    La Russie, pour sa part, excipe du déplacement des installations du bouclier spatial américain pour rejeter la présence, à ses frontières occidentales et méridionales, des intercepteurs et radars américains et invoquer l’encerclement.  « Toutes les tentatives pour résoudre seul les  problèmes mondiaux et régionaux sont vaines » a affirmé à Bichkek M. Vladimir Poutine.

    « Près de 2 000 soldats des pays membres de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) se sont livrés samedi 11 août à Chelyabinsk à des exercices conjoints dont la deuxième phase, "Mission Paix 2007", a commencé.
    Ces soldats, de Chine, du Kazakhstan, du Kirghizstan, de Russie, du Tadjikistan et d'Ouzbékistan, ont défilé dans une base militaire proche de la ville russe de Chelyabinsk, dans l'Oural. »

    Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, invité au Sommet saisit l’occasion pour déclarer que … « basé en Europe de l’est le système américain était une menace pour plus d’un Etat, pénalisant une large fraction de l’Asie et les membres du Groupe de Shanghai ».

    Mahmoud Ahmadinejad et Vladimir Vladimirovitch Poutine à Bichkek

    En ce qui concerne à la fois la quête d’énergie fossile et le réarmement de la Chine, celle-ci offre à Moscou un marché et, en retour, bénéficie des richesses énergétiques et de l’avance scientifique de la Russie.

    De leur côté, les ex- républiques musulmanes soviétiques disposent de précieuses matières premières, à commencer par le gaz naturel et le pétrole, et le Kremlin entend en détourner vers son territoire national l’acheminement afin d’en tirer parti. C’est ainsi que le gaz naturel du Turkménistan passera par la Russie au lieu de ravitailler l’Europe de l’ouest, à partir de la Caspienne et du sud de l’Europe centrale.

    Le comportement de Washington en Irak et en Afghanistan a dressé contre les Etats-Unis les populations musulmanes et, en 2005, le gouvernement du Kazakhstan avait réclamé le retrait des contingents américains déployés en Asie centrale.

    Enfin, le vaste marché chinois, de surcroît à relative proximité, incite les républiques musulmanes ex soviétiques à se tourner vers Pékin, objectif du Groupe de Shanghai.

    Assistaient à la réunion de Bichkek, à titre d’observateurs, les représentants de l’Inde, du Pakistan, de l’Iran, du Turkménistan, de l’Afghanistan et de la Mongolie, les trois premiers cités demandaient à être membres de plein droit de l’Organisation de Shanghai.

    Il est fort probable qu’en 2008, lors du prochain
    sommet du Groupe de Shanghai celui-ci rassemblera les gouvernements de la moitié de la population mondiale, répartie sur l’immense étendue de la « plus grande île du monde », selon la définition de Mackinder, le géopolitologue britannique.                                                

    Certes, ces populations  sont, comparativement, pauvres si l’on se réfère au PNB per capita (probablement en moyenne de l’ordre de 1 000 dollars, soit 40 fois moins que celui atteint aux Etats-Unis). Mais elles représentent un énorme potentiel de travail, donc de production et disposent de vastes ressources naturelles. Et voici, pour la première fois, créé un cadre politique de contestation face à la prédominance occidentale - sous l’autorité de Washington -, voici isolé l’archipel japonais, partagée la maîtrise des océans Arctique, Indien, Pacifique et aussi évincés d’Afrique, voire d’Amérique latine, les Etats moteurs de l’Occident.

    Vols stratégiques russes

    Tandis qu’en Russie avaient lieu des manœuvres militaires sino-russes, M. Vladimir Poutine annonçait fièrement : « Aujourd’hui, le 17 août, à minuit, 14 bombardiers stratégiques – et probablement six avions de transport lourds - ont décollé de 7 aérodromes répartis sur notre territoire…. Il y a trop longtemps que nos pilotes ont été immobilisés au sol ».

    Ces avions devaient survoler l’Arctique, le Pôle Nord – au plateau continental revendiqué par la Russie - et aussi le Pacifique, loin des rivages de la Sibérie.

    En juillet dernier, déjà, des TU 95 avaient survolé la Mer du Nord, au voisinage du littoral écossais. Mais, au début du mois d’août, des bombardiers russes TU 95 et TU 160 évoluèrent dans le ciel de l’île de Guam, base américaine du Pacifique. Ses avions de chasse avaient aussitôt pris l’air et approché des appareils russes, les équipages des deux pays se bornant à « échanger des signes d’amitié », selon le général Pavel Androsov, commandant l’aviation stratégique russe (elle aligne 80 appareils quadri-réacteurs et quadri-turbines, aux vols prolongés par des missiles air-sol). A partir de ce jour, souligna Vladimir Poutine « ces activités aériennes seront poursuivies de manière régulière ». L’aviation, l’espace, le nucléaire autant d’industries avancées sur lesquelles la Russie fonde son avenir.

    Comme Pékin, Moscou est fondateur du Groupe de Shanghai. Mais, à la différence de la Chine qui peut spéculer sur le passage des ans, la Russie est pressée et elle pratique la diplomatie de la hâte. C’est qu’il s’agit, pour elle, d’exploiter pleinement le potentiel de puissance politique que lui confèrent – temporairement - ses richesses énergétiques. Celles-ci, dans une certaine mesure, compensent l’effondrement de l’économie planifiée et le démembrement de l’Union soviétique, redonnant à la nouvelle Russie la capacité d’intervenir en faveur des Serbes du Kosovo, de soutenir indirectement l’Iran et la Corée du Nord, de sanctionner l’Ukraine et la Biélorussie et de punir les Baltes de leur adhésion à l’OTAN, par le tracé des oléoducs et gazoducs de Gazprom. Et aussi de s’opposer farouchement aux projets américains de « bouclier spatial ». Bref de se faire entendre sur la scène internationale.

    La politique « pétrolière » des Etats-Unis, acharnés à s’assurer un ravitaillement suffisant en énergies fossiles a, ainsi, mobilisé la moitié du monde contre l’Occident, les intérêts de la zone Asie-Pacifique se heurtant à ceux de la zone Euro-Atlantique et les mettant à mal.

    L’annonce par l’agence russe Novosti de l’avènement d’une arme nouvelle à impulsion électromagnétique.

    Le phénomène n’est pas nouveau. En revanche l’agence Novosti révèle la mise au point d’une série de générateurs d’une puissance de milliers de mégawatts émettant les impulsions électromagnétiques correspondantes. Ces générateurs seraient particulièrement compacts, ce qui sous-entend une certaine banalisation d’un « procédé qui serait dix fois plus « efficace » que ceux que les pays étrangers auraient mis au point ».

    Afin de disposer de compléments d’information il est demandé au lecteur de bien vouloir se reporter à la note intitulée « la foudre à portée de la main », jointe à ce texte.

    Il n’est pas surprenant que ce soit par des manifestations de la science et de la technicité russe, maintenant financées par la rente des énergies fossiles et servie par une ardente volonté politique, que la Russie tire parti de son riche potentiel scientifique. En la matière elle est en mesure d’être le pourvoyeur des grandes puissances émergentes avides de technologies avancées. Ce sera à l’innovation scientifique d’être peu à peu substituée à l’exploitation des gisements fossiles pour contribuer, demain, à la prospérité de la population russe.                          

    P.M.Gallois 22 août 2007 http://www.lesmanantsduroi.com

  • L’opération Serval en vidéos

    Gao libérée, 27 Janvier 2013

    - Arrivée des forces maliennes, aéroport de Gao, 26 janvier 2013
    - Interview de M. Sadou Diallo, maire de Gao, 26 Janvier 2013
    - Sécurisation du site par un contingent Tchadien, 27 Janvier 2013

    Entre Gao & Tombouctou

    - Départ pour Gao d’un élément du 1er RCP, 26 Janvier 2013.
    - Arrivée à Gao, sécurisation de l’aéroport
    - Arrivée du contingent Africain
    - 27 Janvier 2013 : Préparation du largage sur Tombouctou, “les ordres”, la 2e Cie du 2e REP prépare son saut sur Tombouctou. Une Cie, un État Major Tactique et des appuis seront largués.
    Deux Transall & Trois Hercules sont mobilisés pour l’Opération Aéroportée (OAP)
    - Le 28 Janvier 2013 à 00h30 (heure Française, largage sur Tombouctou, filmé par un drone Harfang.
    - le 27 & 28 Janvier 2013, préparation des Rafales puis départ en mission pour le Nord Mali.
    IMPOSSIBLE DE VOUS MONTRER LES IMAGES DE FRAPPES AERIENNES, CONTREVENANT A LA CHARTE YOUTUBE.
    - Le 28 Janvier 2013, arrivée du BPC Dixmude au port de Dakar, avec à son bord 500 soldats et 130 véhicules.

    Le 17e régiment du génie parachutiste saute sur Tombouctou, 29 Janvier 2013

    - Largage du 17e RGP pour réhabiliter la piste de l’aéroport de Tombouctou, 29 Janvier 2013
    - Patrouille de reconnaissance à Korioumé, Ouest de Tombouctou, 29 Janvier 2013
    - Départ en mission de 2 Rafales & d’un C135 ravitailleur, N’Djamena, 29 Janvier 2013
    - Arrivée des soldats Nigérians & Togolais, N’Djamena, 30 Janvier 2013
    Crédits image : EMA/ECPAD
    Post-production : Pascal Dupont
    Crédits musique : Mathieu Gauriat

    SourcesRealpolitik.tv et le compte YouTube de  Pascal Dupont.

    http://fr.novopress.info/

  • Le Grand Marché Transatlantique contre notre liberté

     

    Le Grand Marché Transatlantique contre notre liberté
    La « crise » précipite les choses, aux deux sens du verbe : accélère leur cours, et les révèle, comme dans un tube à essai où se mélangent divers liquides. Ce qui semblait presque une vue de l’esprit il y a quelques lustres, et augures improbables dignes de Cassandre, devient redoutablement concret. Il fallait le temps que certains nœuds se défassent, que des résistances faiblissent, qu’une génération disparaisse. Les esprits n’étaient pas encore mûrs, expliquent les progressistes. Les temps sont désormais consommés, et la parousie est imminente.

    La ruine et le terrorisme, les chantages à la guerre et à la misère, l’invocation de la nécessité du marché, comme jadis on expliquait les hécatombes humaines par les dieux ou le destin, pèsent comme un couvercle sur l’esprit des peuples. Les fieffés coquins nous mènent savent par le bout du nez, les partis 1 et 2, en maestros du mensonge, de la perfidie et du mépris, en tricheurs maniant avec dextérité leurs cartes, embobinent les masses, et les mènent à leur perte.

    Après le putsch budgétaire européen de l'an dernier, et le basculement vers le fédéralisme ultralibéral, c’est la fusion des parties occidentales et orientales de l’Atlantique Nord qui est projetée. L’absorption de l’Europe par les Etats-Unis est proche, elle est pour demain, pour 2014 ou 2015. Les échéances sont fixées : dans deux ans, nous auront achevé notre temps, notre destin, notre existence, et nous n’aurons plus aucun pouvoir sur notre avenir.

    Comme toujours, l’Union européenne et les Etats-Unis ont manigancé leur coup par-dessus les peuples. Sans qu’ils en aient été avisés, et qu’on leur ait donné la parole, on leur annoncera bientôt une libéralisation quasi totale des échanges commerciaux et financiers, et une harmonisation complète des politiques judiciaires et sécuritaires. On agitera comme il faut la presse propagandiste, on ne prendra pas le risque du référendum, les parlements voteront comme un seul traître, et l’affaire sera pliée.

    Le coup est pourtant préparé de longue date. Mais en catimini. En 2004, en effet, le PDG d’Unilever, Président européen du Transatlantic Business Dialogue (TABD) et son homologue américain, PDG d’UPS, rencontraient à Dublin les présidents Bush, Prodi et le premier ministre irlandais dont le pays assumait la présidence tournante de l’Union européenne. Il fut question de lever les « obstacles à l’intégration » dans le domaine du commerce, des investissements et de la réglementation.

    Dans un autre domaine, la bonne volonté collaboratrice des bureaucrates de Bruxelles avait été jusqu’à échanger avec les services américains de sécurité les données sur les passagers empruntant les lignes transatlantiques. Sans réciprocité, bien sûr.

    Le projet bloquait néanmoins, notamment au niveau des biotechnologies, des problèmes environnementaux et de ceux liés à la consommation, les normes américaines de protection et de qualité étant, comme l’on sait, très laxistes (commerce et lobbies obligent). La pression des associations et des protestataires alternatifs ont sans doute eu quelque effet sur l’opinion. Les résurgences d’une guerre commerciale plus ou moins ouverte avec les USA, notamment au sujet de l’acier, mettaient aussi un frein au projet.

    Mais les Commissaires mondialistes Erkki Liikanen et Pascal Lamy veillaient, aidés efficacement par Elmar Brok, député européen chrétien démocrate allemand qui présidait la Commission des Affaires étrangères du Parlement. Tout ce beau monde agit par le truchement plus ou moins occulte, mais bien pourvu financièrement, du Réseau politique transatlantique (TPN), un « groupe de réflexion » qui rassemblait en 2004 plus de 80 parlementaires européens et environ 45 membres du Congrès ainsi que 35 entreprises géantes dont ABB, DaimlerChrysler, BP, Nestlé, UPS, IBM, Boeing, Microsoft, Philips et Unilever.

    A son tour, le mai 2008, le Parlement européen a prévu pour 2015 la création d’un grand marché transatlantique, avec , de facto, dans la plupart des secteurs, l'application du droit états-unien.

    L’objectif est bien sûr économique, et obéit à la pensée unique ultralibérale qui domine actuellement, aux dépens des peuples. Mais il est évident que l’idéologie atlantiste des responsables politiques européens y trouve sa place, l’Union européenne s’étant systématiquement alignée sur la ligne de la diplomatie étrangère américaine, en l'appuyant et en participant, via l’Otan, à ses aventures guerrières.

    L’intégration de la France au commandement intégré de l’Organisation de l’Atlantique Nord a fait sauter tous les obstacles. Le prestige français, animé par l’esprit d’indépendance gaullien, n’est plus qu’un souvenir. Pour paraphraser Tacite, comme le Sénat romain, l’élite de notre pays, comme du reste l’oligarchie de l’Europe occidentale, suivie par la partie abusée du peuple, se rue vers la servitude.

    A terme, c’est une plus grande symbiose entre les politiques et les législations américaines et européennes qui va être à l’œuvre. Mais l’on ne voit pas pourquoi et comment l’hyper puissance yankee n’imposerait pas ses normes et ses usages, dans la « protection » de l’environnement et des consommateurs, dans le domaine de la santé, au sujet du problème très sensible des OGM, , de la législation sur les produits chimiques. Tout cela se traduira inévitablement par une régression, à la grande satisfaction de ceux qui tentent, avec une obstination remarquable, de déréguler tous ces secteurs, sans trop de succès jusqu’à maintenant. Il est assuré que le Traité transatlantique va leur donner le sésame pour ouvrir toutes les portes, d’autant plus que ces combinaisons sont ficelées sans contrôle démocratique.

    Ce traité achève donc la perte de la souveraineté de l’Europe, qui, pour autant, n’en a eu que dans l’étroite marge que lui laissait la puissance américaine. Celle des 27 nations européennes a pris fin l’an dernier, par le Traité d’équilibre budgétaire européen. Or, les lois qui régissent les relations internationales sont comme celles de la nature, nonobstant l’inévitable hypocrisie inhérente à l’espèce humaine. Le plus fort impose sa volonté, que l’on essaiera d’incarner, par exemple, par l’usage obligatoire de l’anglais comme langue maternelle.

    Parallèlement, la création d’un espace commun de contrôle des populations, d'une aire de coopération transatlantique en matière de « liberté de sécurité et de justice" est prévue d’ici 2014, surtout au profit de l’ultra sécuritaire Etat américain, obsédé par le terrorisme et encouragé par le Military Commissions Act of 2006, qui permet de poursuivre toute personne quelle qu’elle soit, y compris non américaine, considérée comme ennemi, « combattant illégal ».

    L’étape suivante sera la réalisation d'un pouvoir exécutif, qui sera institué dans les dix ans, et qui usera comme il l’entend de la force judiciaire, policière et militaire. Les peuples devront se plier. Et comme le processus de domestication ne s’effectuera pas sans réactions, il est probable que des révoltes auront lieu, sans doute violentes, avec des réponses répressives adéquates. Une ère de dictature s’annonce.

    Nous sommes, nous, Français, Européens, à un tournant de notre histoire. Sera-t-il dit que nous ne savions pas, et que, quand il sera trop tard, nous n’ayons d’autre choix qu’entre la servitude et la mort ?
    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com
  • Programme nucléaire iranien : nouvelle « guerre des mots » américaine ?

    PARIS (NOVOpress via Bulletin de réinformation)Selon un document de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) rendu public hier à Vienne, l’Iran déclare avoir l’intention de moderniser ses équipements sur le site de Natanz.

    Dans une lettre datée du 23 janvier, l’Iran a informé l’AIEA que des centrifugeuses de type IR2m seraient utilisées dans l’unité A‑22 du site d’enrichissement d’uranium de Natanz, au centre du pays. A priori, rien de scandaleux dans cette annonce, totalement compatible avec la détermination affichée de la République islamique d’enrichir de l’uranium à des fins pacifiques, jusqu’à 5% pour produire de l’électricité, ou jusqu’à 20% afin d’alimenter un réacteur fabricant des isotopes utilisés pour la recherche médicale.

    La Maison Blanche a néanmoins qualifié jeudi cette annonce « De nouvelle escalade »

    Lors d’un point presse, le porte-parole du président Obama a estimé « Que cette annonce de l’installation de nouvelles centrifugeuses avancées traduit la violation continuelle des obligations internationales de Téhéran vis-à-vis des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ». Le porte-parole a néanmoins admis que l’administration américaine ne dispose d’aucun indice permettant d’évaluer le nombre de centrifugeuses que l’Iran prévoit d’installer, ni de détails sur le programme de cette installation. D’ailleurs, dans sa réponse datée du 29 janvier, l’AIEA demande plus d’informations sur l’annonce iranienne. Avant même la réponse de Téhéran, Washington jugeait la république islamique coupable d’une « nouvelle violation ».

    Parallèlement au raid israélien mercredi sur la Syrie, l’administration américaine se livre-t-elle à une « guerre des mots » pour justifier une prochaine attaque préventive contre l’Iran ?

    C’est en effet la question qui se pose. Israël peut, sans crainte de représailles, lancer un raid aérien contre la Syrie, très affaiblie par des mois d’une guerre civile sans merci. En revanche, seuls les Etats-Unis ont la puissance de feu nécessaire pour mener à bien une attaque contre les sites nucléaires iraniens. Encore faut-il que l’hyperpuissance gagne préalablement la bataille des mots auprès de l’opinion publique mondiale. Autre explication de la réaction américaine : calmer les ardeurs belliqueuses de l’allié israélien en lui montrant, par de mâles déclarations, que Washington saura se montrer intraitable avec les intérêts de l’Etat hébreu.

    http://fr.novopress.info

  • Hugh Fitzgerald : Il faut donner une bonne baffe au Qatar

    « Une bonne baffe au Qatar et les autres pays arabes du Golfe comprendront… » L’article qui suit est signé par l’Américain Hugh Fitzgerald, rédacteur associé de la New English Review et membre du conseil d'administration du World Encounter Institute.


    Le riche, le petit Qatar mène allègrement son propre djihad contre l’Occident, à grands coups de pognon, de tous ces milliards qu’il ne mérite pas (ils ne sont que le résultat du hasard qui a placé de gigantesques gisements de gaz naturel à sa portée). Sa principale arme, c’est la propagande de la chaine Al Jazeera, dans sa version arabe comme dans sa version anglaise légèrement édulcorée.

    Mais le Qatar contribue également au djihad par son appui et son secours à Youssef Al-Qaradawi, ce religieux sunnite pernicieux qui soutient, qui défend par tous les moyens tous ceux qui prennent part directement au djihad violent. Le Qatar envoie de l’argent et des armes aux pires de tous, c'est-à-dire aux musulmans les plus fanatiques parmi les rebelles de Libye. Car c’est bien ceux-là qu’il soutient, et aucun des rebelles « modernes ». Et maintenant il soutient les fanatiques musulmans qui se sont emparés du Nord Mali –en utilisant sans doute exactement les mêmes armes que les Qataris ont fournies en Lybie. Et ce faisant, le Qatar en vient à s’opposer directement à la France.

    La France est ce pays où les Qataris riches se sont payés appart sur appart dans tous les Champs Élysées, et aussi tous ces nombreux hôtels particuliers des 17ème et 18ème siècles qu’ils réaménagent à leur sauce - avec force salles de gym, ascenseurs pour leurs voitures, et autres - , en s’embarrassant le moins possible des considérations françaises pour la conservation de ce patrimoine national inestimable. Ces rustres se pavanent sur l’avenue Foch, l’avenue Montaigne, avec d’autres nababs arabes, comme ils le font à Belgravia et Mayfair, à Londres. Leur simple présence est corruption, elle corrompt. Et elle dérange même aujourd’hui ceux – banquiers, agents immobiliers, fournisseurs de luxe - qui en profitent tant.

    Mais, depuis 1973 et la tournée royale du cheikh Yamani [ministre du pétrole du roi saoudien] en France et en Angleterre, les riches arabes ont bien été fondés à croire qu’ils pouvaient se comporter comme cela leur plaisait, à faire ce qu’ils souhaitaient ; et bien fondés à croire que les capitales occidentales auraient trop peur de froncer les sourcils. Et c’est alors qu’ils ont adopté ce comportement scandaleux envers l’Occident, fait d’intimidation, de menaces, alors même qu’ils ne disposaient pas encore de réels moyens de nuire. Les milliers de milliards de l’OPEP commençaient tout juste de couler, et ils n’avaient pas encore acheté les armes et l’influence qu’ils leur ont procuré par la suite ; les musulmans n’étaient alors qu’un petit nombre en Occident, et ne représentaient pas la menace d’aujourd’hui – une menace d’autant plus forte qu’ils se sont ré-islamisés, et, plus précisément, une menace d’autant plus forte que, devant leur constat et leur rejet de la supériorité occidentale, devant le refus de céder opposé par les infidèles, ils s’islamisent davantage, se séparent de plus en plus des non-musulmans, et se considèrent comme les héritiers de plein droit des territoires où ils sont - territoires dont ils pensent qu’ils finiront par leur revenir avec le temps et la loi du nombre.

    Alors merci aux gouvernants en Occident qui se sont dévoyés à protéger, à défendre les textes, la doctrine, l’esprit, les comportements de l’islam, à les soustraire à la réaction populaire. Et merci à certains occidentaux qui en veulent tant à l’argent des riches Arabes du Golfe qu’ils en sont prêts à s’humilier pour cela, et à en persuader d’autres de le faire avec eux.

    Mais avec ce qui se passe en Afrique, les choses sont claires dorénavant. Le Qatar soutient les musulmans fanatiques qui menacent la France et le reste de l’Occident. Et à côté de cela, les Français permettent toujours aux Qataris de faire de Paris leur terrain de jeux. Pourquoi diable continuer comme cela ? Pourquoi ne pas rompre les relations diplomatiques ? Et au-delà, pourquoi ne pas signifier clairement au Qatar qu’ils ne sont plus les bienvenus en France ? Et alors dans ce cas, qu’est-ce qu’ils pourraient bien faire ? La seule chose en leur pouvoir, ce serait de protester, mais si les Français restent fermes, et bien les Qataris pourraient certes rester de gros propriétaires dans les villes françaises, mais ils n’auraient alors plus la permission de s’y rendre, et donc, ils pourraient très bien décider de vendre, et de passer tout cela par pertes et profits. Et ils pourraient très bien décider aussi de vendre leurs participations dans les entreprises françaises. Et alors ? D’autres les rachèteraient, et si le Qatar doit subir des pertes à tout céder ainsi trop rapidement, et bien tant mieux.

    Il faut vraiment donner une bonne baffe à ce méchant petit pays d'à peine 200.000 citoyens où chacun a droit, tous les ans, à plus d’un demi-million de dollars, qu’il neige ou qu’il vente, comme chacun a droit de se servir comme il l’entend, comme esclave, d’une main d’œuvre étrangère sous-payée, huit fois plus nombreuse que la population qatarie elle-même.

    Il faut traiter le Qatar comme il le mérite. Les Français n’ont qu’à leur interdire de profiter de Paris. Et les Américains ? Eh bien, au lieu de se prosterner de gratitude devant le Qatar, qui, magnanime, permet à ces « esclaves blonds aux yeux bleus » (comme un prince saoudien avait ainsi décrit de façon notoire les Américains stationnés dans leurs bases aériennes d’Arabie saoudite) d’y disposer d’une base navale, les Américains n’ont qu’à retirer leur base et leurs navires. Les courbettes ne servent à rien. Et il ne sert à rien non plus de protéger le pétrole des Arabes du Golfe. Ils n’ont qu’à le protéger eux-mêmes, leur pétrole – le protéger de l’Iran, on imagine. Pardon ? Ils en sont incapables. Ok, et bien les Américains n’ont qu’à fixer un prix, disons 100 milliards de dollars par an, pour leur louer les forces navales nécessaires, et bien entendu, ils demanderont de la famille de l'émir Al-Thani qu’elle les supplie publiquement de garder une base au Qatar.

    Il faut renverser la perspective. Mettre le Qatar à sa juste place. Les dirigeants occidentaux n’arrivent pas à comprendre à quel point les Qataris sont totalement dépendants – dépendants pour leur sécurité, dépendants pour la production, le transport et la distribution de leur seule et unique source de richesse, qui n’est d’ailleurs que le résultat d’un hasard géologique, dépendants pour leurs soins médicaux (imaginez simplement que l’on refuse l’accès aux Arabes du Golfe à la médecine occidentale et aux hôpitaux occidentaux ...), et bien sûr, dépendants de ces charmants pays de l’Europe de l’Ouest, si différents de leurs Las Vegas du désert, de leurs boulevards en toc, où s'alignent sans fin les boutiques de bijoux du Gold Souk et les centres commerciaux.

    C’est faisable. Une bonne baffe pour le Qatar, et vous verrez que les autres Arabes du Golfe vont vite comprendre.

    Source: Qatari Primitives With Money Enjoy Their Parisian Existence Which Could Be Denied Them, par Hugh Fitzgerald, NER, 26 janvier 2013. Traduction par Olaf pour Poste de veille

    http://www.francepresseinfos.com/

  • La doctrine de Monroe, un impérialisme masqué

    Le 2 décembre 1823, James Monroe déclarait : « Aux Européens, le vieux continent, aux Américains le Nouveau Monde ». Cela faisait juste quarante ans que l'indépendance des États-Unis avait été reconnue par les Britanniques et déjà « l'Amérique » faisait figure de grande puissance. Mais l'opinion américaine avait été marquée par la vanité de la guerre anglo-américaine de 1812-1814 qui n'était que la conséquence de l'obstination anglaise à parfaire le blocus maritime qu'elle imposait à l'Europe napoléonienne. Désormais les États-Unis tournaient leurs regards davantage vers leurs intérêts sur le continent américain que sur les péripéties de la politique européenne…
    La déclaration de Monroe
    Monroe précisait ainsi sa pensée : « Nous avons toujours été les spectateurs anxieux […] des événements qui se déroulent dans cette partie du globe avec laquelle nous avons tant de liens et dont nous tirons notre origine. »
« Les citoyens des États-Unis se réjouissent de la liberté et du bonheur de leurs semblables de l'autre côté de l'Atlantique. Dans les guerres […] européennes […] nous ne sommes jamais intervenus (1) et il n'est pas conforme à notre politique de le faire. […]
« C'est seulement lorsque nos droits sont atteints ou sérieusement menacés que nous ressentons l'offense ou faisons des préparatifs pour notre défense. Les événements de cet hémisphère nous touchent infiniment de plus près. […]
« À l'égard des colonies actuelles des puissances européennes, […] nous n'interviendrons pas. Mais à l'égard des gouvernements qui ont déclaré leur indépendance […] nous ne pourrions considérer aucune intervention d'une puissance européenne […] que comme la manifestation d'une position inamicale à l'égard des États-Unis. »
Cette déclaration n'est pas seulement une déclaration de principe, elle est une forme de réponse aux mouvements d'indépendance qui se propagent en Amérique latine entre 1818 et 1823 et à la Sainte Alliance qui, inspirée par défiance obsessionnelle de Metternich envers toute libéralisation, envisage avec l'appui de la France, de la Russie et de la Grande-Bretagne d'aider l'Espagne à reconquérir ses provinces révoltées.
    Un impérialisme d'essence puritaine
    C'est le début, dit-on, de l'impérialisme américain. Ce n'est pas totalement exact. En effet, comme le rappelait il y a plus de vingt ans le président R. Reagan, les puritains américains avaient proclamé dès leur arrivée sur le sol des États-Unis leur volonté de puissance, inspirée par la foi qui les portait. Les puritains, en effet, sont les fils des protestants intransigeants qui, derrière Cromwell, mirent au nom du Seigneur l'Angleterre à feu et à sang. Comme le remarque dans l'Encyclopédie protestante Nearl Blough (2), la Réforme, particulièrement avec Calvin, développe un humanisme pessimiste. En réalité, le calvinisme pur exclut « l'homme hors de Dieu », protège le vrai fidèle du monde mauvais, invitant avec Saint Jean à « vaincre le mal » et à ne point « aimer le monde et les choses de ce monde » (I Jean 2, 14-15). Simultanément Calvin invite à transformer le monde en Cité de Dieu, en cité de vérité, à l'image de la République de Genève. C'est exactement le message du premier gouvernement de Pennsylvanie à ses fidèles, la justification du procès des sorcières de Salem. Convaincu de la supériorité de son système socio-politique, le peuple américain veut en faire profiter le monde comme le rappelait il y a plus de cinquante ans Ralph B. Perry dans Puritanisme et Démocratie. Sa thèse pouvait être résumée ainsi : la démocratie d'inspiration puritaine doit être diffusée partout. C'est bien ainsi qu'il faut aussi comprendre la Déclaration de Monroe d'autant que les colonies espagnoles sont catholiques : la démocratie américaine permettra peu à peu une réelle évangélisation de ces régions « papistes ».
    Une colonisation qui ne cache que son nom
    Toujours est-il que très vite, au nom de la Déclaration de 1823, va apparaître une politique de surveillance et de contrôle du continent appelé « Dollar diplomacy », formule exprimée en 1843 par Richard Olney. Celui-ci va jusqu'à prôner la « souveraineté de fait » des États-Unis sur le continent sud américain. C'est ce qu'exprimera fort crûment un journaliste en 1843 proclamant que « la colonisation […] du continent américain appartient au destin évident des États-Unis » !
    La guerre du Mexique engagée par Napoléon III et surtout la guerre de Sécession freinèrent l'élan. Cette politique reparaît dès le temps de la Reconstruction. C'est comme le rappellent de nombreux historiens le passage du slogan « l'Amérique aux Américains » à la formule claire et nette « l'Amérique aux Nord-Américains ». Déjà les États-Unis ne s'étaient pas privés d'étendre leur territoire : dès avant la guerre de Sécession, une guerre contre le Mexique, entre 1845 et 1853, leur permit de s'emparer du Texas, du Nouveau-Mexique, du Nevada, du Colorado, de l'Utah et de la Californie. En 1854, les États-Unis envisagèrent d'acheter Cuba à l'Espagne, comme ils l'avaient fait en 1803 pour la Louisiane, mais ne réussirent pas à faire fléchir l'Espagne.
    L'extension du domaine d'intervention
    Aux confins des XIXe et XXe siècles, le slogan est mis en pratique. D'abord à l'encontre de l'Espagne qui n'avait plus guère la force d'administrer rationnellement ses colonies. Malgré une tension persistante à Cuba, les États-Unis attendirent le prétexte de l'explosion du cuirassé Maine en rade de La Havane – explosion accidentelle mais qui fut présentée comme résultant d'un attentat – pour déclencher la guerre hispano-américaine en 1898. Le résultat de cet affrontement inégal fut l'annexion de Cuba et de Porto-Rico et la vente forcée des Philippines… Porto Rico est toujours sous contrôle américain. Cuba fut reconnue indépendante en 1902 mais, dès 1903 un amendement ajouté par le Congrès américain donne à Washington un droit d'intervention à Cuba qui durera jusqu'à la victoire des révolutionnaires cubains de Castro en 1959. Les États-Unis ne conserveront alors que leurs bases militaires de Guantanamo.
    Les États-Unis, arbitres souverains du continent américain
    Depuis 1823 les États-Unis se considèrent comme les arbitres de l'évolution politique et économique de l'Amérique latine, n'hésitant pas à intervenir directement par la force militairement si Washington pense que c'est nécessaire, comme ils le firent plus récemment dans l'île de Grenade ou au Nicaragua. Mais ils n'hésitent pas non plus à agir par des moyens plus discrets comme ce fut le cas au Chili en apportant leur soutien au général Pinochet contre le président Allende ou comme ils le firent cent ans plus tôt lorsqu'ils contraignirent la Colombie à donner l'indépendance à la région Panama où se terminaient les travaux de construction du canal que le malthusianisme et la pingrerie des parlementaires français abandonnaient aux Américains.
    L'assujettissement économique
    Enfin la prégnance américaine en Amérique latine est d'abord économique. Les principaux produits de l'agriculture tropicale comme le sucre de canne, le café ou les bananes et les ressources minérales, essentiellement le pétrole, le cuivre et l'étain, produits en Amérique latine appartiennent pour une large part à des entreprises étasuniennes. De surcroît, la plupart des États latino-américains dépendent des États-Unis pour près du tiers de leurs échanges commerciaux, voire plus comme dans le cas du Mexique où ce flux dépasse les deux tiers.
    La doctrine de Monroe, on le voit, demeure d'une grande actualité. Dans quelle mesure d'ailleurs n'inspire-t-elle pas, sous une autre forme, la politique extérieure des États-Unis ?
     
    Notes :

    
1 Rompant ainsi le traité d'alliance franco-américain du 6 février 1778.

    
2 Cf. article « Réforme radicale ».
    François-Georges Dreyfus Août 2003

    Professeur émérite de l'université Paris IV-Sorbonne Ancien directeur du Centre d'études germaniques de l'université de Strasbourg

  • La pensée stratégique russe : guerre tiède sur l’échiquier eurasien. Les révolutions arabes, et après ?

    La pensée stratégique russe : guerre tiède sur l’échiquier eurasien. Les révolutions arabes, et après ? « Ce livre montre bien à quel point les dirigeants occidentaux, en commençant par ceux des États-Unis, ont eu tort de croire qu’avec l'effondrement de l'URSS, la Russie elle-même à son tour disparaîtrait de la scène mondiale en tant qu'acteur majeur. »

    Andreï Gratchev
    Dernier porte-parole et conseiller de Mikhaïl Gorbatchev

    Pourquoi cette seconde édition, sous-titrée : « Les Révolutions arabes, et après ? » ?

    Je voulais expliquer la spécificité de la position russe sur la scène internationale, au regard de l’évolution géopolitique récente accélérée par le « mirage arabe » et, dans ses grandes lignes, verrouillée par la gouvernance néo-libérale sous leadership américain.

    Cette évolution touche, d’une manière plus ou moins directe, les intérêts nationaux de la Russie – élargis à sa proche périphérie, la Communauté des Etats indépendants (CEI), qui couvre prés de 99% du territoire de l’ex-URSS. En la définissant comme son « Etranger proche », la Russie veut montrer à l’Occident que la CEI reste sa zone exclusive de responsabilité et, par ce biais, dissuader ses velléités expansives.
    Fondamentalement, mon livre vise à présenter la réaction russe face aux doubles menaces constituées par le futur bouclier anti-missiles américain et la propagation du « Printemps arabe », au delà de son cadre régional. A la base, il y a une totale incompréhension de l’Occident global sur le comportement russe, perçu à travers le prisme désuet de la Guerre froide. Cette seconde édition enrichie du livre, recentrée sur l’imminence d’un hiver islamiste – selon l’expression de Poutine –, s’efforce d’éclairer ce point particulièrement délicat.

    Depuis la disparition officielle de l’URSS, le 25 décembre 1991, la Russie a le sentiment d’avoir été volontairement marginalisée par l’axe occidental. Au moyen de son levier USA-OTAN, cet axe s’est montré avide de profiter de la faiblesse temporaire de la puissance russe, issue d’une transition post-communiste désastreuse sur le plan économique et rythmée par la terrible « thérapie de choc » imposée par le premier ministre de Boris Eltsine, Yegor Gaïdar. Comme si, selon Andreï Gratchev, ancien conseiller du président Gorbatchev, il y avait eu une volonté inavouée de l’Occident – surtout des Etats-Unis – de voir la Russie post-communiste disparaître de la scène mondiale, en tant qu’acteur majeur, et de la réduire au rang de simple puissance régionale.

    Entre 1992 et 1998, après l’application du « modèle de Washington », cette transition néo-libérale en Russie se traduit par une inquiétante décroissance – croissance économique négative, sanctionnée par une compression de prés de 50% du PIB russe sur cette période ! Moscou regrette, aujourd’hui, la volonté occidentale d’étendre son influence en périphérie post-soviétique, considérée comme son pré-carré historique et, en définitive, de renforcer son unilatéralisme armé dans la gouvernance mondiale.
    Le vieux rêve gorbatchévien d’un monde post-guerre froide multipolaire, repris par la nouvelle direction russe à la suite d’Evgueni Primakov et poursuivi désormais par Vladimir Poutine, a été brisé.

    Le discours de Poutine à la Conférence de Munich sur la sécurité en 2007, marque t’il une inflexion radicale dans la politique étrangère russe ?

    Tendanciellement, depuis son arrivée au pouvoir présidentiel, le 30 mars 2000, V. Poutine s'efforce de s'opposer à l'orientation qu’il juge « anti-russe » de la diplomatie occidentale et cela, sur la base de la défense prioritaire de ses intérêts nationaux.

    Il le fait en s’appuyant de plus en plus sur un axe eurasien avec la Chine – avec aussi, l’Inde et l’Iran –, surtout depuis la désillusion de 2003 avec l’intervention américaine en Irak, en violation des règles internationales et ce, en dépit de l’opposition sino-russe. Cette orientation eurasienne, catalysée par l’axe sino-russe, est d’ailleurs reprise dans le cadre d’une structure politico-militaire commune, l’OCS. Depuis 2003, et sous l’impulsion du vieux « soviétique » Primakov, on assiste donc à une inflexion asiatique de la diplomatie russe, en réaction à l’attitude occidentale.

    De manière spectaculaire, Poutine a dénoncé l’attitude provocante de l’Occident lors de son célèbre discours de Munich, le 10 février 2007. Il n’accepte pas la sacralisation du « facteur force » – selon son expression – dans la régulation mondiale et dans la stratégie d’ingérence de l’axe USA-OTAN, très politiquement orientée. Il n’accepte pas non plus l’élargissement de l’OTAN à l’ancienne zone d’influence soviétique et l’extension douteuse du bouclier américain ABM, via sa composante otanienne en Europe, aux portes de la Russie. Pour le président Poutine, il s’agit d’une stratégie d’encerclement à finalité politique, consciemment focalisée contre la Russie restée, dans le prisme occidental, l’ennemi héréditaire de la Guerre froide.

    En poursuivant le reflux (roll back) de la puissance russe et la neutralisation de son potentiel nucléaire stratégique – via son bouclier anti-missiles –, la politique actuelle de l'administration Obama s’inscrit dans une logique atténuée de Guerre froide. Ce faisant, elle oblige la Russie, soucieuse de rééquilibrage stratégique, à renforcer les deux organisations politico-militaires de sa ligne sécuritaire sur l’espace eurasien, l’OCS et l’OTSC*.

    Au final, la politique américaine apparaît donc, dans la pensée stratégique russe, comme une menace latente majeure – en quelque sorte, « officialisée » par l’avertissement de Munich.

    Vous parlez de « pensée unique », pour caractériser les analyses dominantes sur les révolutions arabes, pourquoi ?

    Oui, le plus troublant est ce relatif consensus sur les « révolutions » arabes qui s’exprime, désormais, de manière unilatérale contre le régime Assad, devenu soudainement gênant – un peu à la manière de feu Kadhafi. Comme un ennemi (idéologique) à abattre.
    Pour caractériser cette configuration, associée à une structure d’intérêts relativement complexes et contradictoires, mais motivés par la volonté d’éliminer un « dictateur qui massacre son peuple », Moscou parle de scénario libyen. Par cette expression, la Russie sous-entend la mise en œuvre d’une stratégie manipulatoire soumise à un objectif politique précis visant, en réalité, autre chose que les intérêts légitimes du « bon peuple syrien » et la défense des droits de l’homme, en général.

    En référence à l’expérience libyenne, Moscou redoute une possible instrumentalisation d’une résolution de l’ONU avec la complicité tacite de l’OTAN, en vue d’une intervention militaire et réaliser, par ce biais, un vieil objectif de la Guerre froide visant à l’expulser de la région. Selon moi, il y a une volonté délibérée de créer un seuil critique conduisant le « système » (le régime syrien) à surréagir et à « perdre la tête » – pour, à terme, légitimer un devoir d’ingérence. La stratégie de harcèlement continu contre les forces pro-Assad s’inscrit, de manière indiscutable, dans la réalisation de cet objectif. La multiplication des incidents avec la Turquie, plus ou moins suscités par cette dernière, s’explique à partir de cette problématique qui a, il y a peu, justifié l’installation par l’OTAN de missiles Patriot à visée (théoriquement) défensive, à la frontière turco-syrienne. Depuis peu, les prétextes d’une intervention se multiplient – dont celui, redondant, de l’utilisation d’armes chimiques par « celui qui massacre son peuple ».

    Et, cela, à partir d’une simple rumeur, allègrement reprise par les médias occidentaux sans la moindre vérification – une fois de plus. Inquiétant.

    Pourquoi parler d’ « évolutions » arabes, et non de révolutions ?

    Au départ, ces « révolutions » semblent spontanées et répondent au juste désir d’émancipation de peuples longtemps privés de droits et de libertés. « Semblent », car Moscou n’écarte pas l’idée – depuis le début de la crise – d’une main extérieure pour précipiter l’éclosion précoce d’un « Printemps démocratique ». Et, a priori, mes informations personnelles accumulées depuis 2 ans le confirment. Les dés sont, donc, politiquement pipés.

    Même dans l’hypothèse de véritables « révolutions », ces dernières ont été progressivement soutenues et guidées de l’Etranger au profit, notamment, de puissances ambitieuses enclines à renforcer leur pouvoir régional. Sans parler du rôle trouble des grandes puissances occidentales adeptes, dans un premier temps, d'un encouragement aveugle de la rébellion et, dans un second temps, de son soutien armé. Au nom de droits de l’homme à géométrie variable.

    Cette orientation est évidente dans le cas syrien, avec l'implication insidieuse des puissances saoudienne, qatarienne et turque – en totale violation du principe westphalien de souveraineté des Etats-nations. A cela, s’est greffée l’ingérence croissante des services secrets occidentaux. Je préfère donc parler d’évolutions consciemment orientées. Le terme « révolutions » est idéologiquement connoté et traduit un déterminisme excluant toute critique ou vision alternative.

    C’est la porte ouverte à la pensée unique et, surtout, à la justification morale d’une ingérence politique programmée.

    Quelle est la position officielle de la Russie sur la Syrie. Et comment mieux la comprendre ?

    Officiellement, et conformément aux lois internationales sur la souveraineté des Etats, la Russie ne veut pas s’impliquer militairement dans un conflit interne pour éviter son exacerbation et aggraver le chaos. Et cela, d’autant plus qu’elle sort d’un lourd traumatisme.

    Elle n’a pas oublié le « piège afghan » de 1979, tendu par Zbigniew Brzezinski, alors conseiller à la sécurité du président Carter, pour l’enliser dans un conflit périphérique. La « leçon » afghane – comme plus tard, celle de 1999 en ex-Yougoslavie, avec le bombardement de l’OTAN – est profondément ancrée dans la mémoire stratégique russe. En outre, l’indépendance auto-proclamée du Kosovo, le 17 février 2008, a été ressentie par elle comme une véritable gifle diplomatique. Trop longtemps occultée, la Russie veut désormais s’affirmer sur la scène mondiale et, dans cette optique, elle veut faire de la question syrienne, une « preuve » de son retour comme grande puissance, respectée et écoutée. Pour Moscou, seule une solution négociée permettrait de sortir de l’impasse syrienne – conformément aux accords de Genève, du 30 juin 2012.

    Moscou s’efforce donc d’adopter une attitude neutre et équilibrée, privilégiant une reprise du dialogue entre les parties prenantes à la crise, comme pierre angulaire de la future transition démocratique – qu’elle n’exclut pas sans Assad, si le peuple le décide (c’est d’ailleurs, aussi, la position du président syrien). Ce faisant, la Russie s’oppose ouvertement à la coalition arabo-occidentale qui exige, comme préalable incontournable, le départ d’Assad. Un non sens, auto-destructeur pour la Syrie et donc, pour la région.

    Cette configuration explique le veto russe – associé à la Chine – aux résolutions successives du Conseil de sécurité de l’ONU, portées par les membres de cette coalition et structurellement favorables à l'opposition anti-Assad. Comme d’ailleurs, l’information médiatique quotidiennement diffusée par l’OSDH* sur la crise syrienne, asymétrique et non contrôlée, donc potentiellement manipulable. Avec, en définitive, une désinformation choquante – la fin justifiant les moyens.

    Or, l'extrême hétérogénéité et islamisation de cette coalition ne présage rien de bon sur la transition post-Assad.

    Vous parlez « d’enjeux cachés » dans le déroulement de la crise syrienne. Pouvez-vous expliquer ?

    Aux traditionnels enjeux politiques de contrôle d’une zone névralgique, il y a la volonté de gagner la bataille de l’énergie, via le contrôle des sources et circuits énergétiques majeurs. Par ailleurs, à l’instar d’autres acteurs de la région, le Qatar aurait un projet gazier stratégique passant par le territoire syrien pour « rentabiliser » ses exportations énergétiques et garantir ses débouchés. Le potentiel gazier syrien, a priori considérablement sous-évalué, serait donc un objectif implicite de cette guerre qui ne dit pas son nom et qui est aussi, par ricochets, une guerre contre l'Iran.

    Dans le même temps, il y a en effet le désir de toucher l’Iran en affaiblissant un de ses principaux alliés (syrien) de la région et, par ce biais, fragiliser le nouvel axe du mal émergent Chine-Iran-Russie. Car la puissance économique et politique montante de cet axe eurasien est de plus en plus redoutée par le leadership américain, contraint à une reformulation de sa stratégie dans la région. Nouveau réalisme oblige.
    Au final, « l’hyperpuissance américaine », pour reprendre l’expression de Hubert Védrine, doit aussi gérer son déclin économique, aujourd’hui rendu inéluctable par la pression concurrentielle accrue des « émergents ». Ce déclin est accéléré par un interventionnisme politico-militaire de moins en moins soutenable et économiquement épuisant – parfaitement anticipé par Paul Kennedy, en 1987, dans son fameux livre : « The Rise and fall of the great powers ».

    En conséquence, le redécoupage régional des cartes géopolitique et énergétique se présente comme l’enjeu clé de cette guerre sans nom.

    A vous suivre, il s'agit aussi d'une « guerre de l'information » ?

    Oui, sans aucune ambiguïté. Pour mémoire, rappelons que lorsque G.W. Bush a lancé sa fameuse croisade en Irak en 2003, il a reconnu – et ce n'est pas par hasard – que la première guerre à gagner était celle de l'information. Les révolutions libérales (« colorées ») en zone post-soviétique à partir de 2003, et plus tard, les révolutions arabes depuis 2010, sont une stricte application de ce principe bushien.

    Noam Chomsky démontre, dans ses œuvres, le rôle crucial des stratégies de désinformation dans les démocraties. Pour V. Poutine, l'information a un rôle politique, via l'activité décisive d'ONG à financement étranger dans la structuration et la manipulation de l'opinion publique. Il l'a personnellement vérifié lors des dernières campagnes législatives et présidentielles russes, avec Golos – ONG russe chargée du monitoring des élections, mais très liée aux dollars et donc, aux intérêts américains via NED et USAID*. Pourrait-on imaginer un scénario inverse aux Etats-Unis ? Cela a conduit, fort justement, Vladimir Poutine à renforcer la législation russe contre ces nouveaux « agents d’influence », soutenus de l’étranger – et, dés lors, définis comme des agents politiques.

    Dans les années 2000, dans le cadre des « révolutions de couleur », les ONG à financement américain ont eu un rôle clé dans l'arrivée au pouvoir des « libéraux » dans certaines républiques post-soviétiques, comme la Géorgie (2003), l’Ukraine (2004) et le Kirghizstan (2005). En 1989, lors de la révolution polonaise, elles ont aussi joué un rôle non négligeable – avec, encore, le soutien de NED. Troublante inertie.
    En conséquence, Poutine définit l'information comme levier des nouvelles stratégies du soft power, moins coûteuses sur les plans politique et économique, mais terriblement efficaces dans le monde inter-connecté d'internet, fondé sur l’immédiateté communicationnelle. « L’hyper-information » mal contrôlée peut, en effet, alimenter des stratégies politiques de déstabilisation des pouvoirs en place. Une telle tentative a été observée au Kazakhstan en décembre 2011, contre le président pro-russe et ami de V. Poutine, Nazarbaïev. A la même époque, ce scénario s’est répété contre le candidat Poutine qualifié, lors des manifestations de rue successives, de nouveau « dictateur soviétique ». Les clichés ont, décidément, la vie (trop) longue.

    Le discours de Poutine souligne le danger de futures révolutions portées par le « soft power » et la manipulation de l'information pour renverser des régimes hostiles, comme cela se passe au Moyen-Orient et bientôt, comme il le redoute, en périphérie post-soviétique. Poutine redoute, en particulier, une extension du « Printemps arabe » dans les régions musulmanes de l’espace russe économiquement sous-développées, donc fragilisées et courtisées par les idéologies de l’Islam radical – ce qu’il dénonce comme la menace imminente d’un hiver islamiste.

    Dans ce cadre, ne pas comprendre la réaction russe relève d’une ineptie intellectuelle.

    A la fin de votre livre, dans le post-scriptum, vous développez le concept de « Guerre tiède »…

    En opposant à nouveau russes et américains, via des axes géopolitiques relativement hétérogènes mais structurés autour de la défense d’intérêts communs, cette guerre s’inscrit dans le prolongement d'une forme actualisée et désidéologisée de la guerre « froide ». Structurellement, il s’agit toujours d’une guerre d’influence, par alliés interposés – mais recentrée sur l’économique. C’est ce que j’appelle la guerre « tiède ».
    Ainsi, la transition post-communiste du nouvel ordre international est caractérisée par une nouvelle forme de conflictualité bipolaire opposant, dans un terrible face-à-face, l’axe arabo-occidental (soutenu par la Turquie) et l’axe eurasien sino-russe (soutenu par l’Iran). En creux, c’est aussi la question d’un monde post-occidental plus démocratique qui se joue – selon le terme utilisé par Hélène Carrère d’Encausse dans son livre de 2011, « La Russie entre deux mondes ». Cette question est portée par le pouvoir économique et politique croissant des puissances émergentes du 21° siècle, contestant la traditionnelle domination du Nord. Ces puissances, principalement les BRICS, revendiquent leur place dans la nouvelle gouvernance mondiale et ses instances décideuses – ce qui, selon la phraséologie gorbatchévienne, passe par une « Perestroïka internationale ».

    Fondamentalement, cette Guerre tiède est axée sur le contrôle des Etats stratégiques, en particulier les « pivots géopolitiques », pour reprendre la terminologie de Brzezinski. Ces Etats « pivots » fondent leur force moins sur leur puissance intrinsèque que sur leur capacité de nuisance et sur leur localisation au cœur d’espaces et de carrefours stratégiques. Zbigniew Brzezinski* l’explique fort bien dans son ouvrage majeur, véritable bible de la politique étrangère américaine depuis 1997, « Le grand Echiquier ». De ce point de vue, l'Arabie saoudite peut être considérée, selon moi, comme le nouveau pivot géopolitique de la stratégie américaine sur l'Echiquier arabe.
    Aujourd’hui, ce pivot régional est activé contre les intérêts russes au Moyen-Orient, pour poursuivre le reflux de l’ancienne puissance communiste. Par ce biais, Washington transforme la Syrie en pièce maîtresse de cette impitoyable partie d’échecs. Or, en s’appuyant sur le facteur religieux, elle provoque une inquiétante politisation de ce dernier – exprimée par la montée de l’Islam radical, comme vecteur identitaire et accélérateur des « révolutions ». Au final, la crise syrienne cache donc un enjeu géopolitique majeur, médiatisé par de puissants rapports de force.

    Au coeur de la Guerre tiède, les coûts collatéraux humains et politiques sont déjà énormes et, sans doute, irréversibles – avec, en particulier, le renforcement de la fracture chiites/sunnites comme levier d’une terrible conflictualité inter-confessionnelle. Et l’hiver naissant, aux couleurs politiques incertaines, risque d’être très long…

    (*) Précisions

    Pivots géopolitiques et géostratégiques

    Selon Brzezinski (2000, pp. 68-69) : « La notion de pivots géopolitiques désigne les Etats dont l’importance tient moins à leur puissance réelle et à leur motivation qu’à leur situation géographique sensible et à leur vulnérabilité potentielle, laquelle influe sur le comportement des acteurs géostratégiques ».

    Les acteurs géostratégiques sont définis comme « des Etats dotés d’une capacité et d’une volonté nationale suffisantes pour exercer leur puissance et leur influence au-delà de leurs frontières. De ce fait, ils sont en mesure de modifier les relations internationales, au risque d’affecter les intérêts de l’Amérique (…) ». Certains de ces Etats ont la capacité d’atteindre « une position régionale dominante ou une influence mondiale » (Brzezinski, 2000, p. 68).

    Brzezinski Z. (2000) : « Le grand Echiquier – L'Amérique et le reste du monde », éd. Hachette (1° éd. : Bayard, 1997).

    Organisation syrienne des droits de l’homme (OSDH)

    Organisation basée à Londres et représentée par un seul homme (Rami Abdelrahman), proche des frères musulmans et opposant anti-Assad. Il opère dans un studio londonien sous haute protection des services de sécurité britanniques. Ses informations, nourries par de mystérieux coups de fils, sont reprises sans aucun contrôle par AFP, CNN, CBS, BBC… De manière systématique, il incrimine le régime syrien et glorifie l’Armée Libre Syrienne (ALS). Il a dévoilé ses idées dans un article, consultable en anglais.

    Communauté des Etats indépendants (CEI)

    La CEI contient l’ex-URSS moins les Etats baltes et la Géorgie. Elle couvre 99% du territoire de l’URSS et peut être considérée comme la zone d’influence traditionnelle de la Russie. Cette forme atténuée et désidéologisée de l’Union soviétique a une fonction essentiellement politique, quasi-symbolique, et elle s’inscrit dans la nécessité de préserver l’unité de l’espace post-soviétique. A la disparition de l’URSS, la CEI a permis un « divorce à l’amiable » entre la Russie et ses anciennes Républiques, tout en préservant un fort lien identitaire entre ces dernières – dans le prolongement du soviétisme. Aujourd’hui, V. Poutine s’efforce de réactiver la CEI sous leadership russe, en y développant les liens économiques via l’extension d’une zone de libre échange. L’objectif latent est de dissuader l’expansionnisme américain dans l’ex-URSS, perçu comme une nouvelle forme d’impérialisme économique.

    Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC)

    L’OTSC, qualifiée d’ « OTAN russe », est une structure politico-militaire sous domination russe, selon la « tradition » soviétique. Elle vise à assurer une défense commune des Républiques les plus proches de Moscou – le « noyau dur » de la CEI – face aux menaces extérieures. Elle regroupe actuellement sept Etats : Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Russie et Ouzbékistan – qui couvrent près de 70% du territoire de l’ex-URSS. L’Ouzbékistan vient de quitter pour la seconde fois l’OTSC (une première fois en 1999, réintégration en 2006). Son objectif est de se rapprocher de l’axe OTAN-USA en vue de développer un partenariat économico-stratégique, plus sécurisant et financièrement plus intéressant que le paternalisme protecteur de la Russie. A terme, on peut prévoir le retour d’une base américaine en Ouzbékistan – et, peut être, au Tadjikistan, également très courtisé par le « protecteur » américain ». Dans cette hypothèse, la fiabilité, voire l’existence même de l’OTSC serait menacée et, par ce biais, le statut – donc le pouvoir – régional de la Russie.

    Organisation de coopération de Shanghai (OCS)

    L’OCS est une structure politico-militaire eurasiatique, dominée par l’axe sino-russe. Fondamentalement, elle exprime l’inflexion asiatique de la politique russe, depuis 2003. Elle vise à renforcer la stabilité et la sécurité de l’Asie centrale, en prise aux « nouvelles menaces » alimentées par le chaos afghan, le « Printemps arabe » et la triple montée concomitante de l’extrémisme, du séparatisme et du nationalisme. Elle regroupe actuellement six Etats : Chine, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Russie et Ouzbékistan. L'Inde, le Pakistan et l'Iran (bientôt l’Ukraine) ont le statut de « pays observateurs » – véritable antichambre à l’adhésion à l’OCS. De manière implicite, cette organisation permet à la Russie d’avoir un droit de regard sur la politique chinoise, autrement dit, d’exercer une forme de contrôle soft sur un concurrent redoutable et qui, à long terme, deviendra une réelle menace pour son leadership en Asie centrale. Mais, dans le même temps, l’OCS donne une légitimité à la présence chinoise en périphérie centre-asiatique. Désormais, la Chine y exerce en effet une influence croissante, heurtant de plus en plus les prérogatives historiques de la Russie dans la région – et amorçant, de ce fait, un véritable « jeu à trois » entre les puissances américaine, chinoise et russe.

    USAID, NED, Golos : le nouveau « soft power » américain

    Une institution clé dans le contrôle et la contestation des résultats des législatives russes du 4 décembre 2011 a été une ONG nationale, Golos (« Voix »), sous influence américaine. Ainsi, cette ONG est, d’une part, alimentée par des fonds américains (via l’agence gouvernementale USAID : United States Agency for International Development) et, d’autre part, liée à la National Endowment for Democracy (NED), fondation créée en 1983 par le président R. Reagan pour combattre le communisme et qui, depuis 1991, cherche à étendre l’influence américaine (et son idéologie libérale) dans l’espace post-soviétique. Personnellement, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec les modèles des révolutions colorées ayant placé en Géorgie (2003), en Ukraine (2004) et au Kirghizstan (2005) des dirigeants libéraux pro-américains, après des procédures électorales douteuses supervisées, voire soutenues et financées par des ONG sous contrôle américain. Le scénario des révolutions colorées en zone post-communiste est le suivant : développement – sous la pression d’institutions (de type ONG) de défense des libertés et des droits de l’homme – de manifestations massives dans les rues, succédant à des élections contestées (à l’origine, par les ONG) et finissant, à terme, par provoquer le départ d'un leader considéré comme autoritaire et non démocratique. La politique (américaine) a, parfois, ses raisons, que la démocratie (post-guerre froide) ignore…

    Jean Géronimo http://www.voxnr.com

    notes :

    Livre disponible sur Amazon, Fnac et Decitre.
    Cet entretien a été réalisé pour l'IRIS et publié le 28 janvier 2013 sur son site (http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article7647) dans une version plus courte que celle figurant ci-dessus.

  • La démographie africaine dans sa longue durée (suite et fin), par Bernard Lugan

    Suite et fin du texte de Bernard Lugan intitulé La démographie africaine dans sa longue durée. La première partie est ici. La seconde partie de ce texte est titrée par l’africaniste : Les réponses historiques à l’accroissement démographique
    Première difficulté, nous ignorons quelle était la population de l’Afrique sud-saharienne à l’époque précoloniale. Il semblerait que jusqu’aux XVI-XVII° siècles, elle fut un monde de basse pression démographique. De nombreux indices permettent de penser qu’un essor considérable se produisit ensuite à partir de l’introduction de plantes américaines par les Portugais : maïs et haricots devenus la nourriture de base dans toute l’Afrique australe et dans l’Afrique interlacustre, patates douces, manioc, etc., partout ailleurs.
    Dans les années 1970, le phénomène avait fait dire à Yves Person, alors titulaire de la chaire d’histoire de l’Afrique à la Sorbonne que la traite européenne avait en quelque sorte « épongé » l’excédent d’une population en explosion et qu’en définitive elle avait eu peu d’impact sur la démographie africaine. Yves Person avait-il raison ? Sans entrer dans ce débat extérieur à notre sujet, et dont les développements ont été faits par Pétré-Grenouilleau en France, nous pouvons mettre en évidence plusieurs éléments :
    1. Aussi bien en Afrique de l’Ouest qu’en Afrique de l’Est et australe, les traditions indiquent que partout, des milieux nouveaux ont été défrichés à partir de la fin du XVI° siècle, avec une accélération jusqu’à la veille de la colonisation.
    Dans un monde que j’ai particulièrement étudié, qui est celui de la région interlacustre, les traditions des lignages défricheurs indiquent la venue de ces derniers dans la zone de la crête Congo Nil qui était alors une forêt primaire qui fut achetée aux pygmées Twa à partir du XVI° siècle. En Afrique du Sud, les traditions des Nguni du Nord (Zulu et apparentés), aussi bien que celles des Nguni du Sud (Xhosa et apparentés) indiquent le même ordre de grandeur chronologique. Dans les deux cas nous sommes en présence d’un excédent de population qui part conquérir des territoires nouveaux, l’expansion territoriale jouant alors le rôle de soupape.
    2. Pour nous en tenir à ces deux ensembles régionaux sur lesquels nous sommes particulièrement bien documentés, nous constatons que la réponse des hommes à l’essor démographique y eut des applications différentes.
    Dans la région interlacustre, milieu de dualisme entre la civilisation de la vache et celle de la houe, la réaction des uns et des autres face à l’essor démographique fut très différente. C’est ainsi que les pasteurs tutsi limitèrent leur croît démographique, en l’alignant sur celui des bovins. Chez eux, les pratiques abortives ou les comportements sexuels adaptés permirent de limiter l’essor de la population. Alors que les Tutsi étaient généralement polygames, cette polygamie ne déboucha pas sur une explosion démographique car les femmes les plus belles n’avaient que peu d’enfants afin qu’elles puissent conserver l’élégance de leurs formes. Il en était d’ailleurs de même avec les vaches royales.
    Ayant choisi d’être minoritaires par rapport aux agriculteurs hutu qui les entouraient, il fallut aux Tutsi prendre le contrôle politique des premiers afin que le fait d’être minoritaires ne soit pas un handicap pour eux. C’est alors que, selon l’adage de l’ancien Rwanda, il fallut « sauvegarder les biens de la vache (les pâturages) contre la rapacité de la houe », et pour ce faire, un système de contrôle des hommes fut instauré au profit des Tutsi. La réponse de ceux des Hutu qui se sentirent emprisonnés fut de migrer vers la crête-Congo-Nil pour la défricher. Le mouvement fut général, ce qui explique d’ailleurs pourquoi les clans hutu de la région sont éclatés.
    A la différence des Tutsi, les Hutu, pourtant monogames, affirmèrent leur différence par une démographie galopante et le phénomène s’accentua à partir du moment où ils s’implantèrent dans les zones de montagnes. Il y eut deux raisons, à cela. D’abord parce qu’il fallait des bras pour défricher la forêt et ensuite parce que ces régions étaient exemptes de malaria ou de maladie du sommeil. La seule limite au développement démographique y était la mortalité infantile due au froid et qui provoquait ces affections bronchiques dont les effets néfastes furent éliminés par la médecine coloniale.
     3. En Afrique australe, le mouvement fut différent car les populations qui appartiennent à deux grands groupes, les Sotho Tswana et les Nguni, pratiquaient à la fois l’agriculture et l’élevage. Les Sotho Tswana qui vivaient sur le plateau central de l’actuelle Afrique du Sud occupaient l’espace depuis le fleuve Limpopo au nord jusqu’au nord du fleuve Orange au Sud. La limite méridionale de leur zone d’occupation était pluviométrique car au sud d’une certaine limite, l’agriculture n’était plus possible. Nous sommes mal renseignés sur eux.
    En revanche, nous sommes bien documentés sur les Nguni, ou du moins sur les Nguni du Sud, à savoir les Xhosa et apparentés car dès le XVI° siècle nous disposons de témoignages de naufragés européens. Puis à partir des années 1760, le contact s’étant établi avec les Hollandais, les archives de la colonie du Cap contiennent une importante documentation les concernant. Je ne ferai pas l’histoire du contact entre les front pionniers blanc et Xhosa en Afrique du Sud, pour m’en tenir au seul point qui nous intéresse ici, à savoir la question démographique.
    Les Nguni du Sud qui vivaient dans le piedmont oriental de la chaîne du Drakensberg et dans les plaines littorales à partir du sud de la région de Durban furent confrontés à un double problème : ceux qui en avaient les moyens étaient polygames et ici, la polygamie engendrait une nombreuse progéniture, or, l’espace était limité dans trois directions. Au nord, par les autres tribus nguni qui maillaient étroitement l’espace, à l’est par l’océan et à l’ouest par la chaîne du Drakensberg qui était un obstacle naturel. La seule expansion possible était donc vers le Sud. C’est pourquoi, et nous sommes très bien documentés sur la question, à partir là encore du XVI° siècle, à chaque génération, le surplus de la population partait conquérir des espaces nouveaux sur lesquels de nouvelles chefferies étaient créées.
    Le phénomène est essentiel et il mérite que l’on s’y attarde. L’exemple des Xhosa, les plus connus parmi les Nguni du Sud, illustre bien cette réalité. Ici, l’organisation était comme souvent lignagère, tribale et clanique. Politiquement, l’organisation était la chefferie. Chaque chef avait plusieurs femmes dont les huttes étaient situées par ordre d’ancienneté à droite de la hutte du chef, d’où les épouses dites « de la main droite » et les « enfants de la main droite ». Mais, ne pouvait être l’héritier de la chefferie, que l’aîné des garçons né de la Grande épouse. Or, cette dernière ne pouvait être désignée qu’après l’accession au pouvoir du chef. En d’autres termes, tant qu’il était dauphin, l’héritier ne pouvait avoir de Grande épouse. A la mort de son père, il choisissait donc une nouvelle femme qui devenait sa Grande épouse et qui vivait dans son enclos chef.
    Bien évidemment, il y avait une considérable différence d’âge entre les aînés des « épouses de la main droite » et celui de la Grande épouse. A chaque génération, il y avait donc contestation du pouvoir et les oncles ou demi-frères de l’héritier légitime partaient avec les membres de leur lignage et leurs dépendants pour s’installer plus loin vers le sud où ils fondaient de nouvelles chefferies. La soupape de la surpopulation était donc la conquête de terres vierges. Or, le mouvement fut bloqué à la fin du XVIII° siècle lorsque le front pionnier hollandais rencontra le front pionnier nguni. Le traumatisme fut tel chez ces derniers qu’il provoqua une crise existentielle et une anarchie dévastatrice.
    Chez les Nguni du nord, la situation était différente car, même si l’organisation sociale était quasi semblable, la différence était qu’à partir du début du XVII° siècle, il n’y eut plus d’espaces vierges à conquérir, dans ces conditions, la réponse des Nguni du Nord à l’accroissement démographique fut la guerre afin que les plus forts se taillent un espace vital aux dépens des plus faibles. Or, la culture guerrière nécessitait une solide organisation laquelle déboucha sur l’étatisation dont l’accomplissement fut l’Etat zulu.
    Dans les exemples choisis, nous venons donc de voir que ce fut quand il n’y eut plus d’espace vierge permettant au croît humain de s’établir que l’Etat apparut. Ce phénomène est bien connu. Pour ne prendre qu’un exemple, la naissance de l’Egypte dynastique, le « miracle égyptien », fut d’abord une réponse adaptée à un milieu particulier, l’étroite vallée du Nil, qui devait faire face à un insurmontable problème de survie de ses populations. Ce fut pour répondre aux défis de la démographie que naquit l’Etat égyptien. Rares sont les exemples de ce type car partout ailleurs en Afrique, l’espace existait et la logique n’était donc pas à la limitation de la population, mais au contraire à son essor car seuls survivaient les groupes nombreux capables d’aligner des guerriers pour se défendre et des bras pour défricher ou cultiver, d’où la philosophie de la virilité et de la fécondité.
    Bernard Lugan
    Texte publié avec l’aimable autorisation du site realpolitik.tv, animé par Aymeric Chauprade.

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