Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

international - Page 1215

  • Le Hamas reconsidère ses alliances après la chute de Morsi

     

    Le Hamas reconsidère ses alliances après la chute de MorsiIl est désormais clair que le Hamas est en train de reconsidérer ses alliances, après s'être éloigné aussi bien de l'Iran que du Hezbollah, suite au déclenchement de la crise syrienne.
    Responsable du Hamas, Ahmad Youssef a révélé à la presse que son mouvement a eu des entretiens avec le Hezbollah et l'Iran pour abonnir leur relation. Youssef a déclaré que deux dirigeants du Hamas de premier plan ont rencontré des responsables iraniens à Beyrouth en présence de représentants du Hezbollah, et évoqué les relations stratégiques entre le mouvement et l'Iran.
    Ces nouvelles ont suscité beaucoup de supputations.
    "Les deux parties ont reconnu que leur ennemi commun n'est autre qu'Israël, sachant que chaque partie comprend les différences de position de l'autre", "en particulier quand il s'agit de la situation en Syrie." Il a nié que l'amélioration des relations entre Hamas et de l'Iran était de quelque façon liée à l'évolution récente de l'Egypte.
    Un témoin attentif de ces discussions a expliqué que les premières tentatives de réconciliation - après la fois la montée en puissance des Frères musulmans en Egypte comme en Tunisie et l'émergence de fortes divergences sur la crise syrienne - avaient échoué, en raison des vues d'une faction importante au sein du Hamas qui faisait un autre choix en matière d'assistance, à la fois politique et financier.
    La même source a ajouté que, pendant un très court laps de temps, il était devenu clair que les nouvelles sources d'aide se situaient en deçà des attentes. Plus grave, l'Iran avait simplement à l'époque diversifié son aide pour désunir différentes factions de la résistance à Gaza, comme le Jihad islamique, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), et un groupe armé affilié au Fatah.
    Des sources ont aussi souligné que tandis que le Hamas a insisté sur leurs divergences sur la crise syrienne, de l'autre côté il a été fait part des préoccupations au sujet de l'implication croissante du mouvement palestinien dans la montée de la Fraternité, entraînant donc une relâchement du groupe quant à son activité de résistance, ce de façon à aider les mouvements islamistes à consolider leur pouvoir.
    Il y a quelques semaines - après que l'aile militaire du Hamas ait averti des pénuries d'approvisionnement - une délégation du mouvement dirigée par Moussa Abou Marzouq venue au Liban, a participé à des réunions privées à l'ambassade d'Iran avec les responsables du Hezbollah.
    Les réunions ont donné les résultats suivants qui sont largement positifs:
    1) Reprise de l'aide financière iranienne au Hamas, même si le montant est moindre moins que celui d'avant la crise.
    2) Ouverture de canaux directs de communication entre le Hamas et le Hezbollah, en particulier sur la question de préserver les camps de réfugiés palestiniens de l'opposition entre sunnites et chiites, facteur de tensions au Liban
    3) Préparation d'une réunion entre dirigeants du Hezbollah et du Hamas, suite à la plainte de ce dernier que le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah n'avait pas reçu une délégation du Hamas de haut niveau pendant un certain temps.
    Traduit de l'anglais par la rédaction.
  • Foutage de gueule au Mali

     Dans Minute :

    "L'’élection présidentielle a donc eu lieu au Mali à la date fixée par François Hollande. Et tout s’est très très très bien déroulé, dixit Jean-Marc Ayrault, qui, depuis la Malaisie, s’est « félicité que les élections au Mali se soient passées dans de bonnes conditions » et que « le processus démocratique ait été respecté ». « Pour la France, a enchaîné le premier ministre, c’est un grand succès. Pour l’image de la France dans le monde aussi, c’est un plus considérable, qui a été perçu dans le monde entier. »

    La preuve, est-on tenté d’ajouter, c’est le candidat choisi par le pouvoir en place et par la France, Ibrahim Boubakar Keita, qui a gagné… Le succès de ce scrutin a été tel qu’on note étrangement de fortes disparités dans les taux de participation : très forte mobilisation dans la région de Bamako, la capitale, qui est « sous contrôle », et participation quasi inexistante à Kidal, au nord-est du pays, de l’ordre de 12 %. Dans ce bastion touareg, entre les morts, les exilés et les habitants terrés chez eux par peur des représailles que mènent les partisans du régime, il ne restait pas grand monde pour aller aux urnes.

    A la terreur des jihadistes, qui se sont retirés pour mieux revenir quand la France sera partie, a succédé en effet une terreur « loyaliste » qui n’a rien à lui envier. Au jour de l’élection, le 28 juillet, il restait au moins 200 000 réfugiés maliens dans les pays limitrophes ! Et près de 400 000 Maliens « déplacés » à l’intérieur du pays, qui n’ont pas pu voter non plus.

    La palme du « foutage de gueule » revient à Tiéman Coulibaly, ministre malien des Affaires étrangères, qui, tranquillou, avait assuré : « Les élections seront crédibles et transparentes dans les conditions qui sont les nôtres » ! Quand un ministre africain s’essaye à la langue de bois, c’est juste magique ! En France, où résident 200 000 Maliens – une paille… –, ceux qui ont pu voter ont eu beaucoup de chance. Les cartes d’électeurs n’étaient pas arrivées – au Mali non plus… –, les listes d’inscrits confondaient nom et prénom – et n’étaient pas classées par ordre alphabétique ! –, les urnes avaient été oubliées, le bureau de vote avait changé de place, etc.

    Pour l’anecdote, l’AFP rapporte le cas caricatural d’un Malien rencontré en banlieue parisienne et qui venait de voir le nom de sa tante sur une liste électorale : « Comment ça se fait, elle vit au Mali ! Et moi qui suis ici, je ne peux pas voter ! » Comme disait Ibrahim Boubakar Keita à deux jours du scrutin : « J’ai rarement senti une telle fusion avec le peuple du Mali, une telle communion. » Comme il se prend pour De Gaulle, on souhaite bien du plaisir aux Maliens…"

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • La guerre des empires (F. Lenglet)

    Pour François Lenglet (FL), la « guerre des empires » est inéluctable. L’hypothèse d’une alliance structurelle USA-Chine est, à ses yeux, une « bulle géopolitique » qui finira par exploser, et sans doute assez vite. Nous sommes d’accord, même si (on le verra plus loin), nous marquons quelques fortes divergences avec l’analyse de l’auteur, à notre avis trop pro-US.

    La thèse, dans les  grandes lignes :

    FL établit un parallèle inquiétant entre le rapport actuel Washington-Pékin et le rapport Londres-Berlin en 1899. Deux économies interdépendantes, l’une ayant longtemps été en avance sur l’autre, plus puissante et plus avancée. Puis, progressivement, l’économie «  à la remorque » se renforce, et finit par battre son alliée à son propre jeu. Dès lors, l’alliance n’est plus possible, parce qu’on ne sait plus qui est le maître de qui. La rivalité commence.  

    Les arguments qu’on oppose à ce parallèle ne satisfont par FL.

    La Chine, se démocratiser ? Pur occidentalo-centrisme. Pour qui voit les choses du point de vue chinois, quel est le meilleur régime politique : une démocratie occidentale corrompue, dévorée par le cancer financier, virtualisée par le marketing tout puissant, ou un régime pékinois autoritaire, mais qui garantit à son peuple le doublement du PIB tous les sept ans ? A part le droit de vote, dont ils ne sauraient sans doute pas quoi faire, les Chinois n’ont rien à gagner à se « démocratiser », si la « démocratie » veut dire, concrètement, le règne de Goldman Sachs.

    La Chine, puissance pacifique qui ne s’intéresse qu’à elle-même ? Niaiserie. Il existe un très fort ressentiment chinois. Pour Pékin, les guerres de l’opium et le « siècle de l’humiliation », qui suivit, jouent un peu le rôle du traité de Versailles dans l’Allemagne de Weimar : une honte, et surtout, une injustice. Les occidentaux ont souvent tendance à croire que leur suprématie mondiale de ces deux derniers siècles traduit un ordre des choses quasi-essentialisable. Illusion : c’est oublier qu’à l’échelle du temps long, le pays le plus développé et le plus puissant du monde a été, le plus souvent, la Chine. Et de cela, les Chinois, eux, se souviennent parfaitement.

    Alors, USA, Chine : un fauteuil pour deux ?

    *

    Première question : comment en est-on arrivé là ?

    FL commence par rappeler l’histoire des relations américano-chinoises. La visite de Nixon, en 1972, a été le coup d’envoi d’un partenariat USA/Chine qui, pour ne pas avoir été sans nuages, s’est bon an mal an maintenu pendant quatre décennies.

    Au départ, pour les  USA, il s’agit surtout de contrer l’URSS. Exemple, l’opération Chestnut, lancée en 1979, permet aux Américains d’implanter une station d’écoute ultra-perfectionnée dans le désert occidental chinois. Pour écouter qui ? Les soviétiques, sur le point d’entrer en Afghanistan (où la CIA s’active, afin précisément d’attirer Moscou dans le piège). Face à l’enjeu représenté par le soutien chinois contre l’URSS, l’amitié avec Taiwan ne pèse pas lourd, aux yeux des conservateurs réalistes (Kissinger, puis Brzezinski).

    Pour la Chine, dès le départ, l’alliance aigre-douce avec les USA est surtout une affaire économique  Pékin n’a pas vraiment besoin des investissements occidentaux (la Chine n’a jamais manqué de capital, parce qu’avec un coût du travail quasi-nul, on n’a pas besoin de capitaux importants pour produire – le travail, au besoin, fabrique le capital productif). Mais la Chine a en revanche désespérément besoin des technologies occidentales.

    Dans les années 80, Deng lance donc la modernisation à marche forcée de l’économie chinoise, et pour récupérer de la technologie sans permettre l’implantation en profondeur des USA, il invente une solution aussi simple que redoutable : les « zones économiques spéciales », sorte de Far West chinois ultra-capitaliste, qui va servir de filtre (la technologie occidentale passe, mais, le pouvoir restant aux Chinois dans les joint-ventures, l’influence est bloquée). Les firmes américaines, qui pensent leur planification à beaucoup moins long terme que Pékin, vont se laisser attirer dans le piège, fascinées qu’elles sont par le gigantesque marché chinois. Un marché de dupe, où la dupe n’est pas celui qu’on croit : les capitalistes occidentaux sont persuadés qu’ils viennent de gagner la guerre contre leurs propres peuples (en mettant en concurrence le salarié occidental et l’esclave chinois) ; c’est vrai, mais ils ont aussi, sans le savoir, perdu la guerre à l’échelle géopolitique, contre une oligarchie rivale…

    Quoi qu’il en soit sur le long terme, au fil des années 80-90, une sorte de symbiose s’instaure progressivement entre les deux géants. Pékin offre aux firmes US sa main d’œuvre quasiment illimitée, très bon marché et remarquablement docile. Les Américains, en retour, offrent la technologie, le savoir-faire, et un appui massif à la Chine pour son intégration dans l’économie mondiale (clause de la nation la plus favorisée, puis OMC).

    Mais cette symbiose n’a jamais été sans ambiguïté et nuages. Dès 1982, les Chinois se sont rendu compte que, contrairement aux accords passés, la CIA construisait des réseaux sur leur sol (plus tard, cela débouchera sur la secte Falun Gong). Aussitôt, exploitant la diaspora, profitant de l’envoi aux USA de dizaines puis de centaines de milliers d’étudiants, ils bâtissent leurs propres réseaux (les services secrets chinois sont potentiellement plus puissants que la CIA elle-même – nous y reviendrons dans une note de lecture ultérieure).

    Surtout, le mode de développement choisi par Pékin présente un inconvénient pour la population : une génération entière est sacrifiée. Le PIB chinois présente en effet, à partir de la fin des années 80, une structure tout à fait atypique : exportations gigantesques (jusqu’à 35 % certaines années, soit un taux d’extraversion absurde pour une économie de cette taille), investissement fabuleux (jusqu’à 50 % certaines années, un taux qui ferait presque passer le décollage japonais pour une entreprise au rabais !)… et, donc, obligatoirement, une part du PIB réservée à la consommation très faible (certaines années, à peine 20 %).

    L’avantage de cette formule, évidemment, c’est que le développement des capacités productives se fait à une vitesse foudroyante. Si vous investissez 50 % de votre PIB, étant donné que dans les conditions chinoises, 5 points d’investissement rapportent à peu près 1 point de capacité productive, vous faîtes croître vos capacités de production de 10 % par an (ce que feront les Chinois pendant trente ans). Mais si en plus, vous exportez 30/35 % de votre PIB (pour accumuler des réserves de change et acheter, en réalité, de la technologie), il vous reste peu pour la consommation. Conséquence : les salaires versés aux ouvriers qui produisent pour l’investissement ou l’exportation n’ont pas de contrepartie dans le marché intérieur, et le risque de surchauffe inflationniste est permanent. La Chine pourrait en sortir en remplaçant les exportations par le marché intérieur, mais comme Pékin veut absolument acheter de la technologie (et de l’influence), le choix sera maintenu durablement en faveur de ce modèle qu’on pourrait qualifier de « stakhanovisme à l’échelle d’un pays-continent ».

    Comme le rappelle FL, le « printemps de Pékin » en 1989 fut donc beaucoup plus une demande de remise en cause de ce modèle (moins d’exportation, plus de consommation) qu’une revendication démocratique (même si, peut-être du fait de l’existence de réseaux CIA, les étudiants pékinois mirent en avant la revendication politique stricto sensu). Et donc, la boucherie de Tian Anmen ne signifiait pas que le « communisme » était maintenu, mais plus simplement que la Chine, pour ne pas avoir à tolérer l’influence occidentale (en échange des technologies) continuerait à acheter du savoir-faire en exportant à tout va – au prix de sa « génération sacrifiée ».

    Ce message, d’ailleurs, fut reçu en Occident : pour la galerie, Bush père prit quelques sanctions peu durables ; mais en arrière-plan, le très puissant lobby patronal US-China Business Council a parfaitement décodé Tian Anmen : pour lui, cela veut dire, tout simplement, que la Chine va poursuivre son développement en sacrifiant une génération, et qu’il y a donc beaucoup, beaucoup d’argent à gagner dans les « zones économiques spéciales ». De fait, ce qui s’est décidé à Tian Anmen, c’est donc une alliance objective entre l’oligarchie postcommuniste chinoise et l’oligarchie néolibérale US – alliance dont les consommateurs surendettés américains et les ouvriers surexploités chinois vont faire les frais (une analyse que, bien entendu, FL s’abstient de formuler aussi brutalement – ici, c’est nous qui décodons).

    Les années 1990-2008 voient le triomphe de la « Chinamérique ». Les flux commerciaux croissent vertigineusement, au rythme de la bulle financière occidentale et de l’économie productive asiatique. Il en découle une période de forte croissance apparemment globale, en réalité purement chinoise ; l’Amérique réelle est en train d’imploser – même si, au départ, personne n’accepte de le voir.

    Ici, FL propose une analyse qui, à notre humble avis, fait la part trop belle aux élites occidentales. Pour lui, les dirigeants du capitalisme occidental auraient toléré la dévaluation de 50 % du Yuan en 1994 parce qu’ils souhaitaient maintenir coûte que coûte les liens avec la Chine (et non, comme nous le pensons, parce qu’ils y voyaient un moyen d’intensifier la guerre de classes en Occident même). Idem, FL estime que lorsque les taux longs US n’ont pas immédiatement suivi la remontée des taux courts en 2005, les dirigeants US n’ont pas compris que cela venait des achats chinois de bons du trésor US (sans rire ?). Et il ajoute que la crise des subprimes trouve son origine dans le dérèglement du marché des taux par les achats chinois à partir de cette date, ce qui est tout simplement faux (l’explosion du marché des subprimes est antérieur de trois ans au décrochage des taux longs, il remonte à 2001/2002, et il trouve son origine dans les taux directeurs bas de la FED – lire à ce sujet « Crise ou coup d’Etat ? »).
    Bref, l’analyse de FL fait à notre avis la part un peu trop belle au discours officiel US ; nous croyons quant à nous que les USA ont accepté le Yuan comme monnaie de guerre chinoise parce que cette monnaie de guerre était, aussi, celle de leur propre guerre, contre leurs propres peuples, en vue d’un ajustement brutal de la structure de classe.

    Quoi qu’il en soit, le double marché de dupes s’est maintenu pendant deux décennies, de 1990 à 2008. Ni l’incident de 1994 (bâtiment chinois intercepté car soupçonné de livrer des armes chimiques à l’Iran), ni celui de 1999 (bombardement « par erreur » de l’ambassade de Chine à Belgrade lors de l’opération US/Otan pour le Kosovo) n’ont remis en cause les dynamiques commerciales formidables enclenchées par la « Chinamérique »…

    Jusqu’au moment où ces dynamiques ont produit ce qu’elles devaient produire : le basculement du centre de gravité du capitalisme global. Voilà comment nous en sommes arrivés où nous sommes aujourd’hui.

    *

    Deuxième question : et où va-t-on, après ?

    Fondamentalement, le heurt va opposer deux puissances qui sont, et l’une, et l’autre, des empires. Il ne faut pas ici tomber dans le simplisme : il n’y a pas d’un côté une puissance malsaine, de l’autre une puissance saine. Il y a deux systèmes de pouvoirs immenses, l’un sur le déclin (donc plus prédateur à court terme), l’autre en expansion (donc n’ayant pas besoin d’être prédateur à court terme), mais aussi brutaux l’un que l’autre.

    Oui, oui, on sait, l’Amérique est « démocratique », pas la Chine – mais allez donc poser la question à Bagdad, vous allez voir… Et oui, oui, on sait, la Chine n’a pas attaqué de pays récemment – mais allez poser la question de son « émergence pacifique » aux millions d’esclaves qui triment dans ses usines, et là aussi, vous verrez…

    FL nous apprend qu’en 1999, deux colonels de l’armée chinoise inventent le concept de « guerre hors limite », notion pratiquement identique au concept US du « Fourth Generation Warfare » : la guerre qui se déploie sur tous les fronts, en impliquant tous les aspects de la vie politique, économique et culturelle, parce que la confrontation directe, par l’armement, est devenue impensable (trop grande puissance de destruction). Et quand les USA inventent la « lutte contre le terrorisme » pour justifier leur impérialisme, la Chine conçoit la théorie de « l’émergence pacifique » pour désamorcer les critiques que son offensive économique tous azimuts pourraient susciter.

    Chine et USA jouent chacun avec leurs atouts propres, mais en réalité, ils jouent sur le même échiquier, et avec des logiques de puissance précontraintes par la nature même de leur affrontement. Les Chinois font semblant de ne pas avoir de prétention à la domination globale (sauf quand il s’agit de mettre la main sur le pétrole du Soudan et du Tchad – alors là, on y va franchement, soutien militaire inclus), et les Américains font semblant de coopérer sans arrière-pensée (sauf quand une firme chinoise veut s’emparer d’Unocal – alors là, pas touche, il y va du contrôle US sur le pétrole d’Asie centrale…).

    A ce petit jeu, la puissance montante part a priori gagnante. Plus grand marché du monde, Pékin va progressivement supplanter les USA comme le pays qui définit les normes (une des sources de la puissance US au XX° siècle). Ayant désormais refait l’essentiel de son retard technologique, la Chine n’a plus vraiment besoin des USA ; ce qu’elle achetait jusqu’ici à l’Ouest, c’était de la technologie ; mais désormais, la technologie, elle peut dans une large mesure la produire elle-même.

    Plus structurant peut-être, le modèle de « socialisme de marché » inventé par Pékin (l’Etat possède en réalité l’outil de production, mais tolère l’enrichissement du management) semble, à ce stade, mieux fonctionner qu’un modèle US néolibéral en chute libre. Comme le rappelle FL, depuis 30 ans, la Chine fait exactement le contraire de ce qui est préconisé par le FMI – et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle s’en sort mieux que ceux qui ont obéi au « consensus de Washington ».

    Privatiser l’économie, dit le FMI. Restructurer les entreprises d’Etat, répond Pékin. Libéraliser le compte de capital du pays, dit le FMI. Contrôle des changes, répond Pékin. Banque centrale indépendante, dit le FMI. Contrôle politique sur le crédit, répond Pékin.

    Jusque dans la gestion de la crise financière, Pékin donne une leçon de pragmatisme et d’efficacité à l’Occident : sauver les banques, dit l’Occident ; relancer par l’économie productive, répond Pékin (l’UE sauve les créanciers de la Grèce, la Chine investit dans ses usines…).

    En somme, pour FL, ce qui vient de se passer, en 2008, c’est une rupture d’environnement géostratégique : ce n’est pas la chute du capitalisme, non. C’est la chute du capitalisme occidental néolibéral. Un mur vient de tomber : celui que l’Occident avait érigé autour de son pouvoir global. La chute de ce mur-là joue, pour les Chinois, le rôle joué par la chute du Mur de Berlin pour les Occidentaux : l’annonce qu’on vient de gagner une guerre « de quatrième génération ». Nous ne dirons pas le contraire. Lire à ce sujet « Crise économique ou crise du sens ? ».

    Conséquence  de cette rupture géostratégique : la « Chinamérique » va exploser.

    Ici, deux théories s’opposent : le « découplage » (la Chine poursuivra sa croissance sans la « Chinamérique ») et la crise globale (les USA entraîneront la Chine dans leur faillite, car Pékin ne pourra pas maintenir sa croissance folle une fois la « Chinamérique » disparue).

    Sur ce point précis, nous marquons un désaccord avec l’auteur de « La guerre des empires ».
    FL prend position pour la crise globale, donc contre le « découplage ». Il invoque pour cela les premières conséquences de la crise, qui aura entraîné un effondrement des exportations chinoises (voir « Crise ou coup d’Etat ? »). La croissance chinoise réelle passe sensiblement sous le seuil des 8 % annuels (nécessaire pour éviter la hausse du chômage, dans un pays qui voit un gigantesque exode rural interne).
    Pour notre part, nous doutons de la viabilité de cette analyse. Que dans un premier temps, la Chine subisse un ralentissement de croissance est évident, logique. Mais nous estimons que le marché intérieur chinois pourrait très rapidement prendre la relève des exportations ; encore une fois, ce qui explique la croissance chinoise, c’est un taux d’investissement énorme et des débouchés solvables (l’exportation) ; si les exportations calent, il reste le développement du marché intérieur, et rien n’empêche Pékin de le lancer, à présent, puisque l’acquisition des technologies est en passe d’être achevée (donc plus besoin des exportations pour financer l’acquisition de technologie), et les ressources financières existent (taux d’épargne élevé, réserves de change énorme : marché solvable).
    Peut-être la crise US arrive-t-elle quelques années trop tôt pour la Chine ; mais à moyen terme, à notre avis, sauf problème écologique ou énergétique, on ne voit pas ce qui empêcherait la Chine de se développer par l’investissement et la consommation (lire, à ce sujet, « Crise économique ou crise du sens ? »).
    Le fond du désaccord : FL pense que la relance chinoise par l’investissement va enclencher un cycle inflationniste ; à notre avis, il oublie que si la Chine développe son marché intérieur au lieu d’exporter, le risque social lié à la surchauffe va beaucoup baisser (puisque les salaires augmenteront avec l’inflation, laquelle sera contenue par un afflux de produits enfin destinés au marché intérieur). FL pense que la dette chinoise est trop importante pour développer le marché intérieur : à notre avis, il oublie qu’une dette totale (tous acteurs confondus) à 200 % du PIB (son estimation, à notre avis maximaliste) n’est pas insurmontable, si le taux d’épargne est élevé (il l’est en Chine) et, surtout, si la croissance permet de couvrir les intérêts (à ce stade, elle le permet). En outre, il ne faut pas négliger que les flux du commerce international peuvent très bien rebondir via les pays émergents entre eux (c’est d’ailleurs ce qui se passe depuis un an).
    Bref, comme FL, nous croyons effectivement que la crise marque la fin d’un système : la mondialisation néolibérale occidentalo-centrée ; mais à la différence de cet auteur, nous estimons que la théorie du « découplage » est tout sauf absurde. Il ne s’agit pas de nier que la Chine va éprouver des difficultés (on ne reconvertit pas sans casse une industrie bâtie pour l’export), mais simplement d’estimer, tout bien considéré, que Pékin a de fortes chances de surmonter ces difficultés. Encore une fois, avec 10 % de croissance et un fort taux d’épargne, on couvre les intérêts d’une dette totale, tous acteurs confondus, à 200 % du PIB (situation chinoise). Alors qu’avec une croissance faible (2, 3 %), voire nulle, et une épargne anéantie, on ne couvre pas une dette totale (tous acteurs confondus) qui doit maintenant dépasser largement 300 % du PIB (situation US).
    Donc, disons-nous, la Chine va souffrir – mais elle passera le cap (ce qui ne sera pas le cas des USA).
    L’avenir dira qui avait raison…

    FL est en revanche tout à fait intéressant quand il nous renseigne sur les premières étapes de l’explosion de la « Chinamérique ».

    Du côté américain, deux tendances s’affrontent. Les « gentils garçons » veulent la paix avec la Chine (on les appelle les « panda huggers », les « embrasseurs de panda ») ; Obama, a priori, appartient à cette école « mondialisation avant tout » (son demi-frère est d’ailleurs marié à une chinoise), tout comme une bonne partie de son administration. Mais une autre tendance, qui prime au Congrès, « America first » en quelque sorte, veut la confrontation. Arme envisagée : le protectionnisme (enfin, on y vient) – la campagne de presse en cours aux USA sur la sécurité des biens fabriqués en Chine, ou encore les tentatives du Congrès pour faire accuser la Chine de manipulation monétaire, traduisent d’ailleurs une volonté de faire sentir aux Chinois que les « panda huggers » ne sont pas forcément les seuls à décider, à Washington.

    On ne s’étonnera pas ici que l’administration Obama (financement : Soros donc Rothschild ; conseil stratégique : Brzezinski dont Rockefeller) soit « panda hugger » (finir de gagner la guerre de classes), tandis que le Congrès (soumis au vote de l’Amérique profonde et en partie financé par l’industrie US) soit nettement plus hard avec la Chine (préserver la puissance US)…

    Du côté chinois, on prend progressivement conscience de sa puissance, et on teste le rival, à petites touches. Remise en cause du dollar comme monnaie de réserve mondiale (discours de Zhou Xiaochuan, gouverneur de la banque centrale chinoise). Pesée au sein du FMI en faveur d’une monnaie de réserve mondiale constituée d’un panier de monnaie. Accords avec des pays asiatiques qui officialisent le rôle de monnaie internationale régionale du Yuan.

    Ce qu’il faut bien comprendre, en tout cas (et là-dessus, FL est très clair), c’est que le discours officiel sur la Chine « manipulatrice de monnaie » est surtout rhétorique. En réalité, les USA souhaitent d’un côté la réévaluation du Yuan (pour regagner des parts de marché), et la redoutent d’un autre côté (si le Yuan est réévalué, la puissance financière de Pékin, déjà considérable, deviendrait peut-être suffisante pour que la Chine remplace les USA comme première puissance monétaire du monde – ce qui lui permettrait de racheter les entreprises un peu partout, y compris en Occident).

    En fait, Chine et USA sont, l’un comme l’autre, enfermés dans une manipulation commune qu’ils ont tolérée pour des raisons symétriques, et dont ils ne savent plus comment sortir.

    Le problème, c’est qu’en sortant de cette manipulation commune, les USA et la Chine vont s’apercevoir qu’une fois le Yuan et le dollar convertibles, il n’y aura qu’un seul gagnant. Une des deux puissances va se trouver en situation de modeler l’économie mondiale – et il n’est pas du tout certain que ce soit les USA.

    Conclusion de FL : tous les ingrédients sont réunis pour une nouvelle guerre planétaire – la quatrième (après les deux guerres mondiales et la guerre froide).

    *

    Troisième et dernière question : puisque ce qui vient, c’est une guerre, à quoi ressemblera cette guerre ?

    Réponse : la « guerre sans limite », pour parler chinois, ou encore la « guerre de quatrième génération », pour parler US.

    La guerre des mers : la Chine est en train  de construire une flotte capable de rivaliser avec l’US Navy. C’est logique : puisque les Chinois mettent la main sur les matières premières partout où ils peuvent, avec leurs réserves  de devise, ils veulent aussi pouvoir sécuriser les routes maritimes vers ces matières premières.

    C’est aussi une mesure défensive : pour Pékin (que FL juge paranoïaque et que nous estimons simplement prudente), la Mer de Chine est un poste avancé. Surtout qu’il y a, au large, une bombe diplomatique prête à exploser : Taiwan, qui, en déclarant officiellement son indépendance, pourrait provoquer une intervention chinoise.

    La Chine peut-elle rivaliser à termes avec la puissance militaire US ? Réponse : oui. Officiellement, Pékin dépense 10 fois moins que Washington en dépenses militaires (60 milliards de dollars contre 600 milliards). Mais la réalité serait, d’après FL, toute autre. Le chiffre réel des dépenses chinoises serait probablement du double du chiffre avoué, et comme les salaires chinois sont beaucoup plus faibles que les salaires US, on peut considérer que les 60 milliards officiels équivalent à 120 milliards réels au taux de change courant, et à 250 milliards à parité de pouvoir d’achat. Pékin dépenserait donc à peu près 40 % de ce que dépense Washington – et, en outre, n’ayant pas à financer d’expéditions coûteuses en Irak et en Afghanistan, ses dépenses d’équipement ne sont pas rognées par les dépenses de fonctionnement.

    Au final, il semble peu probable que Pékin puisse jamais se donner les moyens de gagner une guerre conventionnelle contre les USA. Mais il est probable, en revanche, qu’elle puisse interdire à l’Amérique de considérer possible une victoire dans ce domaine.

    Ce qui reportera le conflit vers d’autres théâtres d’opération, extérieurs à la sphère militaire…

    La guerre du cyberespace : ils ont l’air malin, ceux qui annonçaient que l’Occident pouvait abandonner sans remord l’économie physique, puisqu’il allait gagner l’économie de la connaissance !

    La Chine possède désormais le supercalculateur le plus puissant du monde. Elle possède aussi des entreprises performantes dans le secteur des télécoms. Elle compte 400 millions d’internautes. Elle forme chaque année des centaines de milliers d’ingénieurs dans les technologies de l’information. Le quart des tentatives de piratage observées dans le monde proviendrait de Chine. Le moteur de recherche Baidu domine Google en Chine même, tandis que les encyclopédies en ligne Baidu Baike et Hudong, contrôlée par le gouvernement chinois, n’ont même pas de concurrent (wikipedia est bloquée).

    La Chine n’a pas le contrôle d’Internet, mais celui de son Internet. La Chine se met en situation de gagner, en tout cas sur son sol, la « guerre de l’information ». L’opération « faux SMS » conduite semble-t-il par la CIA en Iran, après la réélection d’Ahmadinedjad, n’est tout simplement pas « jouable » en Chine.

    La guerre de l’or noir : la Chine n’a pas de pétrole. Pendant longtemps, ça ne l’a pas empêchée de dédaigner la grande stratégie globale : elle n’avait besoin du pétrole, n’ayant pas d’industrie. Cette période est révolue : la Chine va désormais se projeter à l’extérieur, contrairement à sa longue tradition, pour le pétrole (et d’autres matières premières).

    Au total, et sur ces opérations récentes, la Chine s’est assurée l’exploitation de 8 milliards de barils hors de ses frontières (environ quatre ans de sa consommation au rythme actuel). Il est à noter que 30 % de cette manne vient d’Afrique… et 30 % d’Iran (où un seul champ représente 2,5 milliards de barils). Où l’on comprend pourquoi « l’axe du Mal » associe le Soudan et l’Iran…

    En 2008, les investissements chinois à l’étranger ont dépassé 50 milliards de dollars, soit plus que les investissements étrangers en Chine. L’essentiel de cet effort porte sur les matières premières et les hydrocarbures.

    La guerre du capital : la Chine n’a pas de pétrole, mais elle a tellement de devises qu’elle peut se permettre d’acheter bien d’autres choses encore.

    On a récemment fait remarquer que l’évaluation de l’investissement nécessaire pour remettre en état l’ensemble du parc d’infrastructures des Etats-Unis (totalement délabré après 30 ans de néolibéralisme) correspond approximativement au montant des réserves de change chinoises. Ou pour le dire autrement (et cela donne une idée du raid financier qui se prépare potentiellement), les USA pourraient rembourser 20 ans de consommation de produits chinois à bas prix en vendant à la Chine… leurs ports, leurs routes, leurs aéroports, leurs ponts et leurs chemins de fer ! (où l’on comprend, encore une fois, que la réévaluation du Yuan est à la fois souhaitée et redoutée par Washington).

    On n’en est pas là. Mais ça commence. Savez-vous que Volvo est, depuis quelques mois, une entreprise chinoise ? Et que si EDF s’est désengagée de l’électricité britannique, c’est parce que son concurrent chinois alignait les zéros ?

    La guerre des modèles : le déluge d’argent chinois qui peut à tout moment fondre sur les entreprises occidentales va imposer au capital une révision drastique de son discours dominant (antiprotectionniste jusqu’ici). Ce n’est pas tant qu’il s’agisse de défendre le marché intérieur (les capitalistes occidentaux ne s’en préoccupent pas vraiment, ils pensent global avant tout) ; c’est qu’il va falloir défendre le contrôle exercé sur les entreprises par les institutions financières occidentales.

    Cette défense va réhabiliter l’idée de compétition entre deux modèles. Non plus « la démocratie de marché » contre « l’économie dirigée par le Parti Unique », mais le néolibéralisme US contre le néo-colbertisme chinois. Or, dans cette guerre, il n’est pas certain que le modèle occidental prédomine. Si l’Amérique s’est longtemps imposée, rappelle FL, c’est parce qu’elle faisait rêver. Mais aujourd’hui, c’est la croissance chinoise qui fait rêver (en tout cas les peuples pauvres).

    La Chine a d’ailleurs commencé cette guerre. Elle forme les élites des pays émergents. Il y a des milliers d’étudiants africains à Pékin. Partout, la Chine propose aux peuples longtemps dominés par l’Occident un modèle de rechange (lire la note de lecture sur « La Chinafrique »)… et cela ne se limite pas aux fonctions techniques ou d’encadrement intermédiaire : le directeur d’HEC s’est récemment étonné de la capacité des Chinois à rattraper leur retard dans la formation des gestionnaires !

    La guerre culturelle : verrons-nous un jour un cinéma français proposer non plus trois films US (très bien faits) et un film français  (minable), mais trois films chinois (très bien faits) et un film français (toujours aussi minable) ? Pas impossible, même si c’est peut-être le seul terrain où les USA dominent encore …

    Le mandarin va-t-il remplacer l’anglais comme langue la plus usitée  sur Internet ? Qui a répondu : jamais ? – perdu, c’est déjà le cas.

    Pékin est pragmatique : pour développer l’apprentissage du chinois, le pouvoir chinois a copié rigoureusement le système des « alliances françaises », avec les « instituts Confucius » (60 dans le monde). En 2010, 30 millions de courageux ont entrepris l’apprentissage du Chinois (simplifié, tout de même – sinon, c’est dix ans d’études à raison de 4.000 idéogrammes par an).

    Nous ne nous rendons pas compte de cet effort culturel, parce qu’il porte prioritairement sur la périphérie de l’Empire chinois. Pour l’instant, ce que veulent les dirigeants de Pékin, c’est réaffirmer leur prédominance culturelle sur les anciens Etats tributaires du système mandarinal.

    Mais demain ?...

    La guerre monétaire : Ce sera le terrain décisif. L’équation est simple : tant que le Yuan n’est pas réévalué, le dollar reste monnaie de réserve, mais l’Amérique implose. Le jour où le Yuan est réévalué, et où il devient convertible, il y aura deux monnaies de réserve possibles pour le monde (trois si l’euro existe encore, ce dont beaucoup doutent ici).

    On en est peut-être très proche : voici un véritable symbole, la firme Mc Donald vient d’annoncer qu’elle s’endetterait en Yuans pour financer son implantation en Chine…

    Le jour où le Yuan sera réévalué et convertible, on verra se produire un évènement décisif : les USA seront obligés soit d’emprunter en Yuan, ou, s’ils le font encore en dollars, de rembourser avec des dollars stabilisés, appuyés sur des actifs réels.

    Ce jour-là, estime FL, l’Empire thalassocratique anglo-saxon aura perdu la suprématie mondiale. Et la guerre pourra opposer deux camps, parce qu’il y aura deux camps.

    On pourra alors vérifier, pour la centième fois dans l’Histoire, que l’interdépendance économique ne garantit pas la paix. Au contraire : elle crée des opportunités de guerre, parce qu’elle oblige à définir le sens de la dépendance.

    http://www.scriptoblog.com

  • Le monde ne s'arrête pas de tourner en juillet...

    Je ne sais pas pour vous, mais je ne m’attendais pas à ce que ce mois de juillet 2013 soit aussi chaud…

    Je ne parle pas de la météo bien sûr, mais de l’actualité. Tout en ce mois de juillet nous donne raison. Pas que nous en doutions une seule seconde, mais parce qu’une telle concentration de faits et d’événements dans un laps de temps si court ne doit pas se produire vraiment souvent.

    Mariage pour tous et Femen

    Le mois avait plutôt bien commencé. Les militants « anti-mariage gay » ne lâchent toujours rien (Veilleurs debout, Tour de France, …) et surtout Nicolas Buss a été relâché, lui évitant ainsi de prolonger son « expérience » pour reprendre le terme de Ségolène Royale. Cerise sur le gâteau, les différentes manifestations LGBT font un bide, ce qui démontre encore et toujours que ce lobby a un poids totalement démesuré dans la société française, le poids que lui accorde les politiques et les médias, tous complices dans la destruction de notre civilisation française et européenne.

    Un débat houleux a d’ailleurs opposé Alain De Benoist et Gabrielle Cluzel à propos du mouvement, nous sommes plutôt d’accord avec ADB sur les limites du mouvement (que nous avions d’ailleurs pointés également ici) mais nous saluons la détermination de ses militants, qui donnent des leçons à beaucoup de prétendus « radicaux ». La grande réussite vient très certainement des Antigones, qui ont réussi à être reçu par l'ambassade de Russie à Paris, de quoi faire pâlir d'envie le fan club français d'Alexandre Douguine.

    Cependant, tout ça ne pouvait pas durer. Pour une raison que la Raison ignore, Inna Shevchenko, la porte parole des Femen a été choisie pour « inspirer » la Marianne des nouveaux timbres et a obtenu l’asile politique. Alors qu’aucune personne « normale » ne se reconnaît dans le lobbying pornographique et tapageur des Femen, nos « élites » continuent leurs provocations contre la décence commune du peuple. Notre Ukrainienne s’enthousiasmant même que les fachos et les cathos soient désormais obligées de lui « lécher le cul », signe de toute la classe du nouveau féminisme d’Etat.

    Affaire Vikernes et affaire Cahuzac

    L’Etat qui a encore montré son pouvoir de nuisance et sa capacité à manipuler l’opinion et à se couvrir par l’intermédiaire des médias. Alors que Valls, Taubira et Moscovici devaient être entendus dans l’affaire Cahuzac et que François Hollande venait de se faire siffler sur les Champs-Elysées lors du 14 juillet, notre sinistre de l’Intérieur nous a sorti un terroriste néo-nazi fan de Breivik du chapeau. Nous avons eu l’occasion, dès les premières heures de cette affaire, de se gausser d’une telle manipulation. Mais elle doit surtout nous faire réfléchir à plusieurs choses.

    Le système (politique et médiatique) est capable de faire diversion comme bon lui semble sans que cela n’émeuve qui que ce soit dans la population. Au mieux la population est indifférente, au pire elle gobe le purin médiatique sans sourciller. Cela est très inquiétant sur le niveau de conscience de notre peuple, qui serait bien capable de voir en Valls un « Sarko de gauche », c'est-à-dire un « homme à poigne », alors que comme avec notre ancien Président, il ne s’agit que de gesticulations brouillonnes pour des résultats nuls et d‘un contrôle toujours plus orwellien de la population.

    Le survivalisme et le système des bases autonomes durables est étroitement surveillé par l’Etat, qui a bien compris qu’il s‘agissait ici d’un îlot d’autonomie difficilement contrôlable. Alors que les paysans du Larzac, José Bové en tête, passent des partenariats avec l’Etat pour avoir le droit de produire « différemment », les survivalistes ne demandent d’autorisation à personne. Nous savons tous pertinemment à quel point cette activité est réservée à une portion congrue de la population étant donné qu’il faut du temps et de l’argent pour monter une BAD, mais cela démontre aussi que ce petit nombre fait claquer des dents le Système. Tout ceux qui cherchent à s’arracher au contrôle de Big Brother deviennent suspects, en particulier lorsqu’ils refusent de faire intégrer à leurs enfants le système scolaire…

    Autre enseignement, qui n’en est en réalité pas un, la présomption d‘innocence n’existe pas et votre orientation politique ou philosophique suffit à vous déclarer coupable aux yeux des charognards médiatiques et des professionnels de la politique. Alors que la gauche avait pleurniché lors de l’affaire DSK-Diallo pour qu’on respecte la vie privé de l’ancien président du FMI et la présomption d‘innocence, ce n’est guère le cas concernant Varg Vikernes. En quelques heures, son pédigrée était étalé dans les médias, alors qu’on vous explique en général pour n’importe qui d’autre qu’une fois la peine de prison purgée, tout individu a un droit au changement et à l’oubli, mais pas Varg Vikernes qui lui sera éternellement un assassin et un brûleur d’églises. Ni pardon, ni oubli, c’est ça ?

    Pire encore, les photos de son domicile ont été diffusée et surtout celles de ses enfants. Le maire du village de la Croisille-sur-Briance s’est répandu en propos ignobles et scandaleux, estimant qu’il était « trop poli pour être honnête », ou la preuve qu’on est dans une société d’inversion complète des valeurs ou on devient une star en se tapant des putes mineures ou en étant cocaïnomane mais où élever ses enfants à la campagne, en refusant la société de consommation et en étant bien élevé devient totalement anormal. Je vais surement devoir faire attention et arrêter de dire bonjour à mes voisins, on ne sait jamais… Je devrais opter pour les putes, la drogue et le mépris de tous ceux qui m’entourent.

    Au fait, nos trois ministres n’ont rien lâchés eux-non plus, lorsqu’on les a interrogés sur Jérôme Cahuzac.

    ONLR : ni le pouvoir, ni le pognon.

    Les chances pour la France

    Un mensonge en cache un autre, enfin, plusieurs autres. Quelques jours avant l’affaire Vikernes, qui a déjà disparu de nos écrans, comme l’affaire Méric-Esteban d’ailleurs, de nombreuses questions se posaient suite au déraillement d’un train à Brétigny-sur-Orge. Des rumeurs faisaient état de vols sur des victimes et des cadavres ainsi que du caillassage des secours. Démenti officiel, ce qui signifie que si on vous dit que ça ne s’est pas produit, ça ne s’est jamais produit, même quand ça s’est produit. Pourtant, un syndicat de Police a bien fait état de ces actes barbares et quatre plaintes ont été déposées. Quant à l’accident lui-même ? Le fait d’une pièce métallique de 10 kilos qui sert à relier les rails entre eux se soit retrouvée au cœur d’un aiguillage alors qu’il faut enlever 4 énormes boulons n’est évidemment pas du sabotage ou un « acte de malveillance » non, c’est surtout la « faute à pas de chance ».

    A Trappes, ce n’est pas la « faute à pas de chance ». La police, après avoir passé plusieurs mois à contrôler et arrêter des manifestants pacifiques de la Manif pour tous a effectué un contrôle d’identité sur une femme voilée intégralement  ce qui a conduit à des frictions entre son conjoint et les forces de l’ordre. Sitôt placé en garde à vue, des hordes se sont ruées sur le commissariat et Trappes a pris feu. Gêne médiatique, silence relatif du ministre, si prompt à nous livrer en pâture des « homophobes », des « skinheads » et des « terroristes néo-nazis ». Ici, pas de comité de soutien et de manifs pacifiques mais de la violence destructrice contre les biens et les personnes. Surtout, ces faits pourraient illustrer la collusion entre un islam intégriste de type salafiste et les voyous de banlieues. Mais il paraît que les islamo-racailles sont des « chances pour la France », puisque le Qatar investit massivement auprès de cette jeunesse dynamique et enthousiaste. Le fait que le Qatar soutienne les salafistes au Proche-orient et en Afrique du nord n’est là aussi, qu’un hasard, il n’y aucune inquiétude particulière à avoir. Le fait que les racailles se soient déchaînées après la victoire en championnat du PSG avec un dispositif policier minimum demandé par l’Emir, n’est là aussi, sans aucun rapport.

    Il faut bien comprendre une chose ; la jeunesse des banlieues ne menace pas l’Etat, mais la population. Pour l’Etat il est donc important de mettre le paquet contre tout ce qui menacerait l’Etat, Nicolas Buss, Esteban Morillo ou Varg Vikernes en sont trois exemples différents, le premier par son appartenance à un mouvement contre le mariage homo où l’on compte de nombreux royalistes, de nombreux militaires et de nombreux catholiques, le second pour son appartenance à une structure solidariste et sa volonté d’abattre le capitalisme et de redonner le pouvoir au peuple et le troisième pour ses aspirations survivalistes et son désir d’autonomie dans une société sous contrôle.

    Et l’international…

    Détroit en faillite alors que c’était une ville dynamique économiquement il y a peu, Israël accusé de torturer des enfants palestiniens et le Hezbollah classé « organisation terroriste » par l’UE, ce sont les trois principales informations du mois. Elles traduisent que là encore nous avons raison et que nous ne devons pas avoir honte de l’écrire encore et encore et toujours. Parce que le système capitaliste global nous conduit à la ruine, parce que le salafisme soutenu par les pétro-monarchies et l’Occident est un cancer et parce qu’Israël ne respecte aucun des principes qu’il demande pourtant aux autres de respecter. La multipolarité, la résistance de Bachar al-Assad et les différents rapports internationaux qui tombent démontrant que les rebelles libyens ou syriens sont des pourris ne font que fragiliser encore plus la position de l’Occident.

    Le mensonge, la dissimulation et la manipulation sont les armes de ce pouvoir et de ce Système qui se coupe de plus en plus du peuple. Le contrôle et la répression ont pris une dimension encore plus importante ces derniers mois. Il est plus que temps de réfléchir à nos façons d'agir...

    Jean http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • Que fait le Bilderberg ?

    Encore inconnu il y a quelques années (mis à part un petit nombre d'initiés) le Groupe des Bilderbergs est de plus en plus cité dans les médias. Il est curieux de constater que la plupart (pour ne pas dire toutes) les personnes interrogées répondent que les réunions du Bilderberg auxquelles elles ont été "invitées" (probablement à l'insu de leur plein gré) parlent de "reunions informelles", de "rencontres improbables", bref d'un genre de garden party un peu mondaine qui ne saurait ni tirer à conséquences, ni engager d'une façon quelconque ceux qui y participent.

    Que pouvons-nous savoir de ce "Groupe" ?

    Il a été fondé en 1954 aux Pays-Bas et porte le nom de l'hotel ou ses "membres fondateurs étaient réunis lors de ce qu'on peut appeler une "assemblée constituante"

    Deux noms ont émergés ; celui de David Rockefeller et celui du Prince Bernard (époux de la Reine des Pays-Bas) Ce dernier était l'époux de la Reine Juliana. D'origine allemande, il fut l'objet de suspicions apparemment justifiées sur son appartenance entre 1932 et 1936 au NDSAP (Parti nazi) et fut l'objet d'un scandale financier qui entraîna l'abdication de la Reine Juliana.

    En général, lorsqu'on créée une association, quelle que soit sa forme, celle-ci posséde des statuts (sorte d'acte de naissance) qui définissent un "objet social". Souvent, le nom du groupe ainsi créé est révélateur de cet objet social. On peut se douter que l'Amicale Bouliste de Pont à Mousson, si elle existe, va réunir des joueurs de boules, ou pour le moins des gens qui s'intéressent à cette activité fort estimable par ailleurs. Dans le cas du Bilderberg, rien ! Mais alors, rien de chez Rien. Ils se réunissent aux quatre coins de la planète comme çà, histoire de faire parler les curieux. On remarque quand même que les heureux participants de la sauterie annuelle ne sont pas des quidams comme vous ou surtout, comme moi.

    Alors bien sûr, tout cela fait jaser, d'autant que pratiquement rien ne filtre '(du moins d'une manière officielle) de leurs soi-disant conversations à baton rompu. Pas une note, pas un compte-rendu, pas un rapport d'activité quelconque n'est communiqué ou publié à l'issue de ces "sauteries".

    Alors de deux choses l'une :

     

    Soit il ne se passe rien et on réserve plusieurs années à l'avance un hotel (rien à voir avec un Ibis ou un Formule 1 -qui sont tout à fait respectables, mais pas dans la même gamme-) ou on se retrouve entre soi pour prendre des nouvelles les uns des autres comme dans les grandes réunions de famille, histoire de voir qu'on ne se perd pas de vue. Mais, dans ce cas, pourquoi inviter des gens qui ne font pas partie de la famille ?

    Soit il se passe des choses que la populace ne doit pas savoir , probablement parce qu'elle les interprêterait mal et se méprendrait sur les objectifs ou les stratégies mises en oeuvre. On peut donc en déduire que, si tel est le cas, cette attitude, constante depuis 1954, est dictée par la nécessité de nous dissimuler les buts réels de cette organisation. On sait cependant, au détour des déclarations, qu'il s'agit de mettre en place une gouvernance mondiale. Pourquoi un tel halo de mystère pour cela, qui n'a rien de particulièrement choquant ? Après tout, la période de la fin de la guerre a vu naître un certain nombre d'organismes destinés à faciliter les échanges et les partenariat au niveau mondial. L'OACI, créée à l'issue de la Conférence de Chicago en 1944, ou bien l'ONU, participent de cette démarche et leur fonctionnement n'a rien d'occulte ni de secret.

    Que peut-il bien se passer dans ce conclave ? Que peuvent bien faire ensemble les magnats de la finance, les dirigeants des grands médias et les hommes politiques qu'ils invitent ? Si on émet l'hypothèse que la haute finance possède une part importante (pour ne pas dire la quasi-totalité) des médias d'opinion, on peut imaginer que cette réunion annuelle est l'occasion de faire passer une sorte de grand oral aux femmes ou hommes politiques qui vont se présenter aux suffrages (directs ou indirects) de leurs concitoyens. Celà peut même se passer en plusieurs temps : tout d'abord, on se sert de programmes existants, du style "international visitors" ou autres pour faire un premier tri dans les "elites réputées bien pensantes" des pays concernées. Ensuite, on examine les "clients potentiels" d'un peu plus près et on les recrute via des organisations genre fondations. La Fondation Franco-Américaine est un exemple type. De là, on va en promouvoir certains, les plus prometteurs, au rang de "young leaders", ce qui constitue une sorte d'antichambre ou de réservoir pour les futurs leaders politiques.Un tel scénario de déroule dans la plupart des pays. En fonction du calendrier électoral propre à chaque pays, on adoubera tel ou tel candidat et ce n'est pas le fait du hasard si on retrouve un grand nombre de membres du Bilderberg ( ou de la Trilatérale) dans les instances "supranationales". Pour ces dernières, l'élection (ou la nomination) sera favorisée par un lobbyng efficace.

    Mais pour le cas général,ce dernier stade se déroulera durant la réunion qui précède l'élection, mais parfois bien avant. Il faut bien comprendre que ce n'est pas l'individu, en fonction de ses qualités ou de sa personnalité, et encore moins de son credo idéologique, qui est ainsi mis sur orbite. Les critères sont différents. Il s'agit de sélectionner quelqu'un qui fera la politique, essentiellement économique, qui lui sera indiquée. Quelquefois, ce seront deux, voire trois personnes d'opinion différente qui seront retenues. Vous avez compris que l'essentiel est ailleurs. Il faut qu'elles soient en situation éligible (Adieu DSK) et susceptibles d'être élues au terme d'une campagne ou elles seront médiatisées jour et nuit jusqu'au jour de l'élection. Les sondages font naturellement partie des médias utilisés. Le reste, c'est à dire les promesses de campagne, les prises de positions, tout celà importe peu. Il faut donner l'illusion que les deux adversaires s'affrontent, un peu comme dans un match de catch dont les résultats sont connus à l'avance...

    Vous me direz, tout ceci n'est que fantasme et imagination. Encore et toujours la vieille théorie du complot. Sauf que certains faits sont troublants. Tout d'abord les déclarations de David Rockefeller, durant la réunion de la Commission Trilatérale à Bonn en 1991 :

    "Nous sommes reconnaissants au Washington Post, au New York Times, Time Magazine et d'autres grandes publications dont les directeurs ont assisté à nos réunions et respecté leurs promesses de discrétion depuis presque 40 ans. Il nous aurait été impossible de développer nos plans pour le monde si nous avions été assujettis à l'exposition publique durant toutes ces années. Mais le monde est maintenant plus sophistiqué et préparé à entrer dans un gouvernement mondial. La souveraineté supranationale d'une élite intellectuelle et de banquiers mondiaux est assurément préférable à l'autodétermination nationale pratiquée dans les siècles passés."

    Voila qui est sans ambiguité. (Rappelons que la Commission Trilatérale est une "filiale à 100% du Bilderberg) Ainsi donc, la stratégie du Bilderberg consiste bien à mettre en place un gouvernement mondial (nous nous en doutions un peu). Mais, comme disent les juristes, " in cauda venenum" (le venin est dans la queue). Ainsi , les souverainetés nationales (lorsqu'elles sont exercées par les peuples, cela s'appelle ausi des "démocraties") constituent un obstacle majeur à l'établissement de ce pouvoir mondial.

    Il faut donc contourner cette difficulté en donnant aux peuples l'illusion de la démocratie (on continue à elire des hommes ou des femmes comme avant, mais on oriente les votes gràce aà la manipulation des foules. C'est le rôle des médias. Vous me répliquerez que c'est le rôle des médias dits "d'opinion". Certes, mais lorsque ces médias sont contrôlés par les grands groupes financiers et notamment les banques, quelles sont les opinions exprimées ? Le système apparaît comme très simple : les banques contrôlent financièrement les médias qui sont chargés d'assurer la popularité des futurs candidats, et on s'assure de la "docilité" de ceux-ci lors des réunions.

    Voila donc près de soixante ans que le Bilderberg organise dans les démocraties occidentales (ou ce qu'il en reste) un travail patient de prédésignation des candidats aux élections importantes (nationales ou communautaires). C'est beaucoup plus simple pour une écurie de gagner la course quand tous les chevaux lui appartiennent. Celà devient presqu'un jeu de chercher, parmi les presonnalités invitées aux réunions du Bilderberg, celles qui vont être littéralement "surmédiatisées" dans les mois ou années qui suivent, car il est nécessaire d'avoir une certaine anticipation pour fabriquer un candidat ou une candidate. Cliquet

    http://www.agoravox.fr

  • Le triomphe des JMJ

    L'article de Christian Vanneste :

    "L’un des plus grands rassemblements humains de la planète : 3 millions de personnes réunies pour la messe célébrée par le pape sur la plage de Copacabana. L’Église catholique a, une fois encore, prouvé son intelligence et sa force.

    Ses détracteurs la disaient vieillissante, dépassée, minée par les problèmes internes qu’elle n’avait pu résoudre. Ils avaient trouvé en Benoît XVI la cible, selon eux, idéale pour attaquer une religion conservatrice, éloignée de la sensibilité contemporaine, et parfois maladroite. Première erreur : ce pape à l’intelligence exceptionnelle aura surpris tout le monde. Sa science théologique, sa connaissance historique, sa maîtrise conceptuelle, la finesse de ses analyses comme son attachement raisonné aux symboles, vestimentaires, par exemple, étaient connus. Il était donc brillant et conservateur : une espèce rare et guère propre à garantir l’avenir de l’Institution. On allait donc l’écouter aux Bernardins, mais on se permettait aussi des réflexions parfois peu amènes, comme celle de Juppé par exemple.

    Or, c’est Benoît XVI qui aura innové en renonçant et en permettant ainsi au Pape François d’être élu. Loin d’être un aveu d’échec, cette décision a été la condition d’un succès. Le Saint-Père, âgé et malade, ne sentait plus en lui la force d’accomplir sa mission, et notamment d’affronter physiquement l’épreuve des JMJ de Rio. Plutôt que d’offrir aux jeunes l’image d’un athlète de Dieu qu’il savait ne pas être, il a préféré laisser la place à un autre.

    La Providence a voulu que ce soit un Pape sud-américain dont la complémentarité avec son prédécesseur éclate aux yeux de tous. Benoît était d’une grande simplicité mais sa modestie n’allait pas sans retenue. François est simple mais dans un élan de proximité extraordinaire comme s’il voulait être le curé de paroisse de la terre entière, cherchant le contact personnel avec chacun, et sans égard pour sa propre sécurité. On retrouve avec lui ce génie de la communication que possédait Jean-Paul II. Or, c’est ce qu’il fallait à l’Église, non seulement pour répondre à l’appel de la jeunesse, non seulement pour montrer un visage enthousiasmant dans cette Amérique latine en proie à une redoutable concurrence religieuse, mais encore dans le monde entier pour prouver la vigueur et la santé d’une institution deux fois millénaire" (suite).

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Albert Thielen, président d'Action Sahel « C'est là-bas qu'on a besoin d'eux, pas ici » (arch 2008)

    Il y a bientôt 30 ans, Albert Thielen a fondé l'organisation non gouvernementale (ONG) Action Sahel. Son but : aider les Africains à rester dans leur pays. Et ça marche.

    Le Choc du mois : Quel est le principal objectif d'Action Sahel?
    Albert Thielen : Notre fil conducteur, depuis 30 ans, est d'aider les Africains à se développer chez eux pour leur éviter de quitter leur pays. L'immigration est toujours un drame, quoi qu'en pensent les idéologues des beaux quartiers. En outre, il faut aider les Africains à se développer eux-mêmes plutôt que de saupoudrer d'aides le continent noir tout en lui aspirant ses forces vives - et je ne pense pas forcément aux diplômés : l'Afrique a besoin de bras jeunes et vigoureux pour se redresser ! Notre travail doit permettre à ces gens de mieux vivre dans leur environnement et de se resédentariser, surtout chez les jeunes. Là où nous intervenons, nous insistons pour que les 18 à 30 ans restent chez eux.

    Et cela fonctionne ?
    Mais oui ! Dès que vous amenez de l'eau, une aide sanitaire, l'éducation, tout  redevient possible ! D'après les statistiques demandées à des instituts spécialisés ou réalisées par nous-mêmes, je peux affirmer que, dans certaines zones du Sahel où nous travaillons - le nord du Mali et une partie du Burkina -, nous avons réduit les problèmes d'émigration. Chez les jeunes, elle se situait entre 8 et 10%. En dix ans, nous l'avons fait chuter à 2%. Evidemment, je ne parle que des micro-chantiers où nous nous nous trouvons. A l'échelle de L'Afrique, c'est une goutte d'eau. Mais cela ouvre les horizons d'une nouvelle politique migratoire.

    Et où partaient ces Africains ?
    Surtout vers l'Europe. Les migrations internes à l'Afrique sont rares dans les pays du Sahel. À 95%, ils partent d'abord vers les grandes villes, puis vers les pays francophones : un peu au Canada ... et évidemment en France.

    Action Sahel fêtera ses trente ans en 2009. Comment avez-vous fondé cette association ?
    J'ai été pilote professionnel. Comme commandant de bord, j'ai volé pas mal en Afrique et je fus co-organisateur de seize assistances aériennes du Paris-Dakar. C'est là, en 1977, qu'avec d'autres pilotes nous avons pu constater la réalité de la vie quotidienne dans les oasis du Sahara et dans les villages de brousse du Sahel. Nous avons décidé de fonder Action Sahel peu après pour trouver des solutions efficaces et durables aux problèmes de sous-développement.

    « Les Pères blancs nous aident à nous implanter en brousse »

    Comment aidez-vous les Africains?
    Nous allons à la rencontre des villageois du Sahel- dont le PIB annuel est inférieur à 650 euros - et du Sahara, un peu moins pauvre. Nous allons rencontrer les chefs de village et nous leur demandons quels sont leurs besoins - qui sont toujours les mêmes : l'eau, avant tout. L'eau existe, mais à soixante ou quatre-vingts mètres de profondeur, il faut faire des forages, très onéreux. Ensuite, nous faisons tout ce que nous pouvons, en brousse, pour améliorer la santé : nous créons des centres, formons du personnel - des matrones, qui aident aux accouchements, des infirmières, des médecins. Le dernier grand volet est celui de l'éducation. Nous créons des écoles et formons des professeurs en finançant leurs études.

    Comment payez-vous tout cela ?
    Dès que nous connaissons les besoins, nous mettons au point un devis avec les chefs du village, le préfet ou le haut-commissaire, selon les États, et, pour terminer, nous négocions avec les ministres concernés. En fonction Ce ce devis, nous budgétisons et nous allons chercher l'argent. Quand nous l'avons obtenu, nos partenaires sur place lancent les travaux et contrôlent le bon fonctionnement des chantiers. Ce sont eux qui nous envoient la facture et c'est Action Sahel qui paie, directement, les entrepreneurs ..

    Pour éviter la corruption et les détournements?
    Exactement. Cela évite de perdre l'argent des donateurs dans les sables du Sahel...

    Qui vous aide ?
    Nous travaillons avec l'un des plus grands « clubs-service » internationaux, le Lion's Club, très bien implanté dans les villes africaines, et avec les Pères blancs, qui nous aident à nous implanter en brousse. Ce sont eux qui nous indiquent les cas les plus urgents ou les plus nécessiteux.
    Nous pouvons également compter sur les ambassades des pays du Sahel en France et les administrations africaines sur place, qui abondent dans notre sens : ils ne veulent pas que la jeunesse abandonne leur pays, car sans les nouvelles générations, il n'y a pas d'espoir de développement !
    J'étais invité l'an dernier à l'investiture du président sénégalais Abdoulaye Wade, qui venait d'être réélu, et ce fut tout un chapitre de son discours : les Africains veulent garder leur jeunesse et la former sur place, ils en ont besoin ! Tant pis pour les personnalités de gauche qui, en France, se donnent bonne conscience ou basent leur fonds de commerce sur la misère de ces gens.

    Quel est le bilan d'Action Sahel ?
    Huit centres de santé, deux centres antidiabétique, dont un à Ouagadougou, tout neuf, avec les dialyses et tour le nécessaire ... Nous avons réhabilité un ancien hôpital à Bamako avec plus de cent lits. Nous faisons également des campagnes de vaccinations.
    Nous achetons les vaccins en France et, avec un médecin, une infirmière et moi qui - suis aussi ancien médecin -, nous nous installons et nous faisons jusqu'à 2 000 vaccins en deux jours. Et depuis trente ans, nous formons des ingénieurs agronomes, des enseignants, des médecins. des professionnels en tout genre.

    Que vous formez sur place ?
    Soit sur place, soit ils viennent en France et s'engagent par écrit à retourner chez eux à la fin de leurs études, sinon, nous ne payons pas ! Je sais que mes propos peuvent heurter certaines personnes mais c'est là-bas qu'on a besoin d'eux, pas ici.

    Vous menez également des projets d'irrigation ?
    Nous avons financé 43 forages, plus trois systèmes d'irrigation d'eau. Dans la ville de Kita, au Mali, nous refaisons tout le système d'irrigation de cette ville qui manque d'eau. Pour tout dire, l'eau il y en a, mais il fallait aller la chercher en profondeur. Mais maintenant, nous en sommes à installer des bornes fontaines dans les rues après avoir mené les travaux d'irrigation pour arroser les jardins et amener l'eau courante. Nous avons aussi construit une usine électrique, avec l'aide d'EDF International. Et huit écoles. Nous renouvelons également les cheptels de chèvres. Une chèvre coûte cinq euros. Nous en achetons deux cents ou trois cents et nous renouvelons leur cheptel.
    Si je me réfère à notre dernier bilan, nous avons financé en Afrique pour six millions et demi d'euros de travaux. En valeur d'usage, c'est comme si nous avions investi en France 25 millions d'euros. Au niveau africain, ce sont des budgets énormes. Même si, par rapport aux besoins, ce n'est rien.

    Qui fait les travaux ?
    Uniquement des Africains. Ainsi, non seulement nous leur apportons les technologies, mais en outre, nous leur donnons du travail.

    Les Etat africains vous financent-ils ?
    Non. Ils nous aident au plan administratif, ne nous posent pas de problème de douanes, nous pouvons voyager avec notre avion, on met des véhicules à notre disposition, ils sont très amicaux, mais, ils n'ont pas d'argent à investir.

    Quels sont vos projets?
    Une nouvelle école au Burkina, avec une dizaine de classes, à raison de 30 à 40 élèves par classe. Deux nouvelles écoles au Mali et d'autres encore au Sénégal. Nous voulons également lancer huit centres de santé au Burkina et électrifier plusieurs villages du Sahel. C'est indispensable pour donner aux Africains les moyens de voler de leurs propres ailes.
    Propos recueillis par Gabriel Giauque Le Choc du Mois  Septembre 2008
    Contacts : Action Sahel, 36, avenue de l'Europe, 78160 Marly-le-Roi. Tél. ,01 39 58 09 70.
    Site : www.actionsahel.org
    Adresse électronique : abt@adionsahel.org

  • Etats-Unis : la Scientologie achète le quatrième pouvoir

    [article de Laurent Glauzy en exclusivité pour Contre-info]

    « L’église de Scientologie a été fondée en 1953 par Ron Hubbard (auteur de science-fiction). Après la Suède, le Portugal, la Slovénie, la Croatie et la Hongrie, la justice espagnole a inscrit en décembre 2007 l’église de Scientologie au registre légal des religions. Son nouveau siège est situé en face du Parlement de Madrid. (…) R. Hubbard prétendait être le successeur du mage sataniste Aleister Crowley. Extrêmement fortunée, l’église de Scientologie reçoit l’adhésion d’acteurs hollywoodiens comme Tom Cruise, John Travolta, Lisa Marie Presley, Juliette Lewis ou Jennifer Lopez ».  (Extrait du livre de Laurent Glauzy, Extraterrestres, les messagers du New-Age)

    Une voix basse, un sourire amical, Ben Shaw arpente les couloirs du Fort Harrison Hotel. Du marbre d’Espagne, des tapis d’Afrique du Sud et un lustre de douze mille cristaux dans la grande salle de danse embellissent ce luxueux décor. Dans la petite ville de Clearwater en Floride, la rénovation du siège de la secte de Scientologie a coûté 40 millions de dollars. Et tout le vaste domaine entourant l’immeuble appartient à la secte. Shaw tend le bras pour montrer l’étendue de son empire : « Il y a Oak-Cove, un autre hôtel servant à nos membres… ». La moitié de la ville semble avoir été conquise par la secte qui possède dans cette ville cinquante-quatre bâtiments. Dix mille scientologues vivent dans la région.

     

    Le Saint Petersburg Times, un des meilleurs journaux locaux des Etats-Unis, qui possède une école de journalistes, l’Institute Poynter, a nommé la ville « Scientology’s Town ». Les dossiers du journal ont souvent mis la secte dans l’embarras. En 1976, il révèle ainsi que la Scientologie a acquis l’hôtel sous un faux nom. Depuis lors, le Times est considéré comme l’ennemi le plus redouté de la secte. Afin de combattre le quotidien, elle achète des journalistes de talents pour l’espionner et effectuer un travail de sape. Shaw, responsable du journal des membres de la secte Freedom en Floride, confie que « s’ils le rejoignaient, les journalistes du Times pourraient gagner beaucoup d’argent. Ils vivraient comme dans un paradis… ». La Scientologie attaque donc le Times. Et l’accuse de pratiquer vol, corruption, fanatisme et de se rendre coupable de lourds manquements à l’éthique du journalisme. Shaw sait que la crise économique a affecté les journalistes. Depuis 2008, plus de dix mille d’entre eux, dont les plus chevronnés, ont perdu leur emploi. Le magazine bimestriel American Journalism Review parle même « d’un art en perdition ».

    Grosses pressions et petites compromissions…

    En octobre 2009, Ben Shaw tente de recruter sur Internet. En quelques jours, cinquante journalistes, dont les reporters les plus expérimentés, répondent à l’annonce. Tel Russel Carollo, titulaire, en 1998, du prix Pulitzer pour un reportage consacré aux soldats américains, laissés pour compte du système de santé, et de Christopher Szechenyi, animateur de 60 minutes, l’un des magazines télévisés les plus en vue. Carollo et Szechenyi qui n’appartiennent pas à la Scientologie, mettent néanmoins leur expérience professionnelle au service de la secte. Ils sont ainsi censés reprendre les recherches de leurs collègues du Saint Peterburg Times pour essayer de discréditer leur travail et mettre en lumière les éventuelles failles du quotidien. « Je ne connais aucun cas comparable », affirme Richard Wald, professeur d’éthique à l’Université de Columbia à New York. Le Times a aussi publié en juin 2009 un reportage intitulé Inside Scientology, The Truth Rundown (A l’intérieur de la Scientologie, la vérité révélée) ayant demandé des mois d’enquête. D’anciens responsables de la secte y divulguaient des renseignements et faisaient état de scènes de violence se déroulant sous l’autorité de David Miscavige, le grand gourou. Son ancien porte-parole, Mike Rinder, dévoile notamment que Miscavige l’a fait passer à tabac. Après ces divulgations, la secte connaît la plus grande crise de son histoire. De nombreux scientologues de renommée quittent l’organisation. Le départ le plus marquant est celui du scénariste et régisseur Paul Haggis. Quand il découvre le documentaire du Times, il reste « sans voix et absolument effrayé… ».

    Qui finance qui ?

    Carollo et Szechenyi ouvrent donc leur contre-enquête. Sachant que dans cette guerre de journalistes, la crédibilité et la réputation sont des arguments de poids, ils proposent à Steve Weinberg de diriger leurs travaux. Lequel Weinberg a été pendant longtemps professeur de journalisme et responsable de l’association des journalistes et des éditeurs d’investigation, Investigative Reporters and Editors (IRE). Il a enseigné pendant trente ans à la très prestigieuse école de journalisme de la Missouri University. Par la suite, bien que les liens professionnels de Carollo et Szechenyi avec la Scientologie fussent étroits, Weinberg démentit toute implication avec la secte, mais avec « deux célèbres journalistes qu’il apprécie ». Il reçoit cependant 5 000 dollars de la Scientologie. Les deux journalistes se seraient entendus sur une rémunération préalable et sur la condition que la Scientologue pouvait publier leur enquête sans qu’elle ne soit modifiée. Etonnement, la secte ne fit pas étalage de leurs travaux.

    Anders Seymour Hersh, légende américaine du journalisme d’investigation expose qu’il y a dix ans, personne n’aurait pensé que d’éminents journalistes auraient collaboré avec la Scientologie. A cause de la crise, Hersch témoigne qu’aux Etats-Unis de grands journalistes écrivent dans des périodiques universitaires ou rédigent des mémoires. « Ce n’est pas cela le journalisme d’investigation, mais tout est devenu une question de prix », confie-t-il. D’ailleurs, en 2003, l’IRE recensait 5 391 membres, actuellement ils sont 4 400. Beaucoup de journalistes d’investigation américains ont changé de camp. Il y a quinze ans, le New York Times employa le grand journaliste Douglas Frantz pour enquêter sur la Scientologie. Il découvrit comment en 1993 l’Internal Revenue Service (IRS), l’agence du gouvernement américain chargé de collecter les impôts et les taxes, avait exonéré la secte de tout prélèvement. Après une campagne agressive menée par la Scientologie qui possédait des renseignements sur l’IRS et la rencontre de Miscavige avec l’ancien Directeur de l’administration, un marché fut conclu : la secte laissait tomber ses plaintes à condition qu’elle soit exemptée d’impôt. Frantz travaille maintenant comme directeur d’enquête pour le célèbre sénateur John Kerry. Il aurait bien continué à exercer son métier de journaliste, mais son journal, le Los Angeles Times, ne pouvait plus le rémunérer.

    La Scientologie, victime de la crise financière ?

    « Pour contrôler le pouvoir politique, une démocratie a besoin de chiens de garde. S’ils disparaissent, la démocratie s’affaiblit », argue Richart Tofel, un des rédacteurs de ProPublica. Cette agence de recherches située au cœur de Wall Street et fondée en 2008 par deux milliardaires, finance notamment les recherches de trente-deux journalistes. En 2010, ProPublica publie cinq enquêtes qui ont demandé plusieurs mois d’investigation. L’année dernière, elle remporta le prix Pulitzer. Le coût d’une enquête conduite sur plusieurs années peut atteindre 400 000 dollars. Mais la crise a restreint sa marge de manœuvre. Ainsi, la maison d’édition du Saint Peterburg Times qui a dû vendre plusieurs de ses périodiques, s’est séparée de six cents de ses mille cinq cent collaborateurs.

    Le rédacteur en chef Neil Brown est prudent. Il n’exclut pas que dans sa propre entreprise travaillent des Scientologues. Il n’est pas non plus sans savoir que Shaw et sa secte planifient d’autres attaques contre le journal et Poynter Institute. Récemment, sept de ses journalistes ont été recrutés par la Scientologie. Malgré la crise et l’étendue de « Scientology’s Town », Neil Brown ne baisse pas les bras : le « Saint Petersburg Times amplifiera son travail critique envers la secte malgré les menaces… ».

    Laurent Glauzy http://www.contre-info.com

    Extrait de l’Atlas de Géopolitique révisée (Tome II)

  • Azerbaïdjan : pas de sanctions ! (arch 2012)

    L’Azerbaïdjan est candidat à l’adhésion à l’OTAN

    L’emprisonnement de Ioulia Timochenko, chef de l’opposition ukrainienne, fait que Kiev, juste avant la Coupe européenne de football, essuie un feu roulant de critiques. Ce n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan où a eu lieu, le 26 mai, la finale du concours de l’Eurovision. Le président autoritaire Ilham Aliyev n’a rien à craindre: le ministère allemand des affaires étrangères a fait savoir qu’il n’y aurait pas de “campagne systématique” contre cette ancienne république soviétique.

    Pourtant l’Azerbaïdjan devrait faire rugir de colère cet Occident si zélé à défendre les droits de l’Homme: les manipulations électorales y sont à l’ordre du jour tout comme les entorses lourdes à ces mêmes droits de l’Homme. Amnesty International estime que le nombre de prisonniers politiques est de 75 à 80; quant à l’organisation indépendante “Reporters sans frontières”, qui établit une liste des pays selon qu’ils accordent ou non une liberté de la presse pleine et entière, elle classe l’Azerbaïdjan à la 162ème place sur les 179 Etats qui ont été passés au crible de la grille d’analyse. L’Ukraine, elle, est au 116ème rang. Ensuite, il me paraît opportun d’ajouter que le clan Aliyev a fondé une sorte de dynastie post-communiste (Ilham Aliyev a succédé à son père Heydar en octobre 2003).

    Mais contrairement à l’Ukraine, l’Azerbaïdjan n’a commis aucune grosse faute: il ne s’est jamais heurté de front aux intérêts géostratégiques des Etats-Unis. Enfin, ce pays caucasien, riche en ressouces et d’une grande importance stratégique, se trouve, depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, tout en haut sur la liste des Etats prioritaires bénéficiant de l’aide américaine. Dans un rapport de planification stratégique édité par l’organisation d’aide au développement USAID, inféodée au ministère américain des affaires étrangères, on a pu lire le constat suivant dès juin 2000: “L’Azerbaïdjan possède d’énormes réserves prouvées de pétrole et de gaz naturel. De plus, il se situe dans une zone géostratégique cruciale entre la Russie et l’Iran”. Par voie de conséquence, Washington ne néglige rien pour mettre Bakou de son côté, tandis que les Azéris louvoient, depuis leur indépendance en 1991, entre les Etats-Unis et la Russie. Si les plans américains réussissent, Washingon pourra tuer deux mouches d’un seul coup de savatte: d’une part, la Russie sera encore un peu plus houspillée hors du Caucase mériodional; ce sera le deuxième revers après la Géorgie. D’autre part, les Américains pourraient créer une pierre d’achoppement entre Moscou et Téhéran.

    Le but principal des stratèges de Washington est donc de favoriser une adhésion à l’OTAN de l’Azerbaïdjan. Le 3 juin 2009, dans le magazine “Eurasianet”, qui s’affiche sur la grande toile, on pouvait lire un article de Shahin Abbasov, conseiller du spéculateur en bourse Georges Soros, financé par l’”Open Society Institute Azerbaidjan”, où l’auteur évoquait une rencontre avec un responsable très haut placé de l’OTAN, dont il ne citait pas le nom, selon qui l’Azerbaïdjan aurait plus de chance d’adhérer rapidement à l’OTAN que la Géorgie. “Il y a quelque temps, au quartier général de l’OTAN à Bruxelles comme à Bakou, on pensait que la Géorgie serait la première à adhérer au Pacte nord-atlantique et que l’Azerbaïdjan ne suivrait qu’ultérieurement”. Mais la donne a changé depuis la guerre entre la Géorgie et la Russie en août 2008; voilà pourquoi “l’Azerbaïdjan pourrait plus vite devenir membre de l’OTAN que la Géorgie ou l’Ukraine”. Ensuite, dit-on dans l’article, l’Azerbaïdjan dispose de “quelques atouts particuliers”, notamment ses “liens culturels étroits” avec la Turquie, partenaire à part entière de l’OTAN et son importance stratégique cardinale sur le tracé prévu de l’oléoduc Nabucco.

    Mais avant que les démarches ne soient entreprises en vue de l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Pacte nord-atlantique, il faut d’abord briser les bonnes relations qui existent entre Bakou et Moscou. La Russie a conservé, depuis la fin de l’Union Soviétique, la station de radar de Gabala en Azerbaïdjan, une station de haute importance stratégique. Le bail se termine à la date du 24 décembre 2012. A l’heure actuelle, les deux Etats négocient un prolongement de ce bail jusqu’en 2025, mais Bakou exige comme prix de la location non plus la somme de sept millions de dollars par an mais celle de 300 millions! Jusqu’en novembre 2011, on parlait de quinze millions de dollars.

    Apparemment le prix a été réévalué à la hausse afin que Gabala soit trop cher pour la Russie et qu’ainsi la voie soit ouverte à l’OTAN. En janvier 2010, le politologue Vafa Guluzade, conseiller de l’ancien président Heydar Aliyev, soulignait dans un article: “Le territoire et le peuple de l’Etat d’Azerbaïdjan s’avèrent idéaux pour une coopération avec l’OTAN. Le pays dispose d’une situation géostratégique favorable, sa population est éduquée et capable de se servir de nouvelles technologies. L’Azerbaïdjan dispose aussi de terrains d’aviation militaires, qui pourraient servir de bases à l’OTAN”.

    Bien sûr, il faut également tenir compte de solides intérêts économiques. A ce propos, on a pu lire les lignes suivantes dans le texte qui exposait en juin 2000 la planification stratégique de l’USAID: “La participation de firmes américaines dans le développement et l’exportation du pétrole et du gaz naturel azerbaïdjanais s’avère importante pour la diversification des importations américaines d’énergie et pour la promotion des exportations américaines. Les Etats-Unis soutiennent l’utilisation de divers tracés d’oléoducs pour faciliter l’exportation du pétrole d’Azerbaïdjan”. Il s’agit surtout de contourner la Russie et l’Iran dans l’acheminement du pétrole et du gaz naturel. Le tracé Bakou/Tiflis (Tbilissi)/Ceyhan achemine déjà le gros du pétrole de la zone caspienne via la Géorgie en direction de la côte méditerranéenne de la Turquie. Cet oléoduc est contrôlé par un consortium anglo-américain sous la direction du géant pétrolier britannique BP.

    D’autres tracés d’oléoducs devront être construits à court ou moyen terme. On est actuellement en train de boucler les négociations quant à la construction de l’oléoduc TANAP (“Trans-Anatolian Pipeline”) qui devrait acheminer le gaz naturel azerbaïdjanais en Europe via la Turquie. Le projet TANAP, qui aura coûté sept milliards d’euro, devrait avoir une capacité de 16 milliards de m3 par an, ce qui constitue une concurrence majeure pour la Russie, et aussi, bien sûr, pour l’Iran.

    Bernhard TOMASCHITZ.
    (article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°21-22/2012; http://www.zurzeit.at/ ).