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  • Les Grands Entretiens de NOVOpress : Jean-Yves Le Gallou (1/3)

    Figure majeure de la dissidence enracinée, Jean-Yves Le Gallou a participé depuis plus de 40 ans à de nombreuses initiatives tant sur le terrain électoral que sur celui du combat culturel. Il se consacre désormais à ce dernier, dans une perspective gramsciste assumée. La fondation Polémia, dont il est le président en est une belle illustration.

    Jean-Yves Le Gallou, bonjour. Avant de recueillir votre point de vue sur quelques thèmes essentiels d’actualité, pouvez-vous revenir brièvement sur votre parcours de militant enraciné et d’intellectuel organique ?

    Je distinguerai trois grandes étapes dans mon parcours d’identitaire engagé :

    - De 1968 à 1985 d’abord dans le combat des idées au sein du GRECE (cercle Pareto à Sciences-Po) puis du Club de l’Horloge. Avec deux publications principales :  Les Racines du futur(1) qui analyse des seuils de rupture (délinquance, dénatalité, immigration), dénonce la société marchande (qui n’avait pas encore atteint son apothéose !) et prône le ré-enracinement dans les valeurs européennes. C’était un livre à contretemps qui aujourd’hui pourrait être dans l’actualité. Et La préférence nationale : réponse à l’immigration(2), un sujet – l’immigration/ catastrophe – sur lequel je reviendrai en 2014, chez Via Romana, dans un livre sans concessions ni compromis.

    - De 1985 à 2002/2004, j’ai accordé la priorité au combat politique au Front National d’abord puis après la scission de 1999 au MNR. Je m’y suis occupé de l’implantation militante en Île-de France, des études et des idées et du travail dans les municipalités. J’ai pas mal participé à la revue Identité. Au Parlement européen, je me suis battu (contre l’actuel président du Parlement, le socialiste Schulz) pour la défense des libertés publiques. A la région Île-de-France (ou j’ai présidé un groupe qui a toujours pesé grâce à la proportionnelle), j’ai empêché ou réduit les subventions à des associations nocives : la LGBT par exemple. Hélas, le chapitre subventions a quadruplé depuis 2004 !

    - Depuis 2002, je me suis réinvesti à fond dans le combat culturel et le combat d’idées en créant la fondation Polémia le 2 décembre 2012.

    Le “combat culturel” et ce que l’on peut également la “métapolitique” ont en effet été très tôt, au cœur de vos préoccupations, pouvez-vous revenir sur ces notions et leur importance dans votre démarche ?

    Je crois que les idées mènent le monde : pour les idées des hommes sacrifient leur carrière, leurs biens, leur liberté et parfois leur vie. C’était vrai hier. C’est encore vrai aujourd’hui comme Dominique Venner vient de le rappeler dans son geste sacrificiel. Bien sûr les intérêts comptent aussi (et pour beaucoup !), mais pour s’imposer ils doivent aussi prendre le détour des idées : c’est pour cela que la finance mondiale et les grandes multinationales ont envahi le champ culturel.

    Polémia a été le fer de lance de ce combat culturel, 10 ans après sa création, quel bilan tirez-vous ?

    Ce qui compte c’est durer. On ne bâtit rien sur l’éphémère.

    En dix ans Polémia a mis en ligne sur son site plusieurs milliers de contributions parfois reprises sur d’autres sites, le plus souvent originales. C’est une véritable encyclopédie politiquement incorrecte. Un outil à disposition de tous : réinformateurs, étudiants, élus ou militants.
    Nous avons aussi accompli un gros travail sur le vocabulaire en publiant deux dictionnaires : un Dictionnaire de Novlangue(3) (pour dénoncer les manipulations du vocabulaire par les dominants), un Dictionnaire de la Réinformation(4) (pour doter notre camp de ses propres outils d’analyse).

    On en vient naturellement à ce que vous avez si bien nommé “la tyrannie médiatique”. Vous semblez face à cette dernière user de deux stratégies : la riposte avec l’OJIM ou encore la cérémonie annuelle des Bobards d’Or (photo ci-dessus) ; et le contournement avec Radio Courtoisie, qui conquiert chaque jour de nouveaux auditeurs, grâce notamment à la diffusion sur internet. Est-on en passe de fissurer le blockhaus médiatique ?

    La tyrannie médiatique(5) définit le régime que nous subissons : la classe financière et la classe journalistique imposent leur vue du monde à travers le contrôle des médias : mondialisme, libre-échangisme financier et commercial, sans-frontiérisme et immigrationnisme, rupture des traditions et culpabilisation. La tyrannie médiatique s’impose aux esprits par un matraquage permanent et l’arme suprême de la diabolisation. Elle tétanise les hommes politiques : il n’y a plus ni hommes d’Etat, ni démagogues il ne reste plus que des médiagogues : des hommes et des femmes qui déclarent ce que les médias veulent entendre…simplement pour s’y faire inviter. Le Maire, NKM, Pécresse et quelques autres ont découvert le zéro absolu en politique.

    Alors depuis 10 ans Polémia s’est attaché à analyser la tyrannie médiatique, parce que décrire une tyrannie, c’est déjà l’affaiblir. Notre travail alterne samedis austères, les journées d’études de la réinformation (la prochaine aura lieu le 26 octobre et sera consacré à la publicité) et soirées de détente comme la cérémonie des Bobards d’Or. Au demeurant très sérieuse, au-delà de son côté ludique….

    D’autres prennent le relais et je m’en réjouis. Créé par Claude Chollet, l’Observatoire des journalistes et de l’information médiatique (OJIM) fait effectivement un travail remarquable.

    D’un mouvement marginal limité aux militants traditionnels “pro-vie”, la contestation contre la dénaturation du mariage et la loi dite Taubira, a embrasé l’opinion publique et fait converger à plusieurs reprises plus d’un million de manifestants sur Paris. La pétition devant le CESE, en rassemblant 700 000 signatures en quelques jours, est probablement la plus forte tentative de démocratie directe de cette décennie. Que retenir de cette vague ? Que peut-on espérer pour l’avenir ?

    Il y a deux lectures possibles des événements.

    Selon la lecture pessimiste, c’est un échec : la loi est voté et pour le gouvernement c’est « circuler, il n’y a plus rien à débattre, c’est une loi de la République ». Reste qu’en passant en force le régime a montré son vrai visage, celui d’une dictature de minorités : minorités sexuelles, sectaires et médiatiques. Une dictature pépère, pépère peut-être mais dictature quand même qui veut façonner l’opinion des enfants dès la maternelle !

    Je préfère la lecture optimiste ! Selon cette lecture, pour la première fois depuis 1968 les défenseurs de la tradition se sont réveillés pour refuser une dérive libérale-libertaire qui n’en finit plus et un constructivisme sociétal aberrant. Et pour réaffirmer l’évidence des identités primordiales : les différences sexuelles aujourd’hui, les différences raciales demain. Mai 2013 est le pendant de mai 1968. Une nouvelle génération politique y est née. Et la volonté de continuer à combattre sur le terrain (dans les villes, dans les écoles) est intacte.

    Le terme de “populisme chrétien” évoqué par Patrick Buisson vous semble-t-il signifiant ?

    Cela me paraît plus large que cela. C’est la France réelle qui s’est levée : blanche toujours, chrétienne de croyance ou d’origine, européenne de civilisation. C’est une France bien élevé qui élève des enfants et paie des impôts. Ses adversaires auraient tort de ricaner sur son côté « classes moyennes ». Ce sont toujours les classes moyennes qui font les révolutions. Même si nous n’y sommes pas encore.

    Au cœur d’une crise économique dont nous ne pouvons réaliser l’importance réelle, notre famille politique semble enfin prendre conscience que l’enracinement et la défense de notre identité n’est pas conciliable avec un capitalisme sans frontières, un libéralisme sans limites dont l’intérêt réside justement dans la disparition des identités. Dans quelle mesure souscrivez-vous à la formule d’un “socialisme identitaire”, telle qu’elle est défendue – entre autres – par Alain de Benoist ?

    Alain de Benoist est un grand anticipateur. Il a toujours eu plusieurs coups d’avance notamment pour dénoncer l’empire mondial et la société marchande, ce qu’il appelle la « forme capital ». Pour le socialisme identitaire je suis un peu dubitatif : le concept de socialisme me paraît daté et l’Etat –providence et l’assistanat ont beaucoup d’effets pervers.

    Le système UMPS semble à bout de souffle, chaque nouveau sondage confirme la montée des convictions populistes dans l’opinion. Malheureusement, nous connaissons la relative inconstance de cette dernière et la puissance des médias pour la retourner au moment opportun. Une réussite durable ne passe-t-elle pas par un patient et profond travail de terrain, qui puisse durablement marquer les esprits des Français en les libérant du maelström politiquement correct ? Marine Le Pen semble consciente de ce nécessaire ancrage local, est-on sur la bonne voie ?

    Parlons des municipales si vous voulez bien.

    Il n’y a pas beaucoup de suspense ! Sauf dans les grandes villes, le PS va prendre une raclée. Sans beaucoup d’efforts ni de mérite, l’UMP va gagner des communes. Et le FN remportera quelques victoires : à Carpentras ? À Hénin-Beaumont, A Forbach ? A Béziers avec Ménard ? Sans doute dans des endroits auxquels nous ne pensons pas !

    Mais au-delà de la géographie électorale, la question qui se pose à ceux qui vont se faire élire – en particulier sur des listes « modérés » ou « divers droite » ou « intérêt local » est la suivante : pour quoi faire ? Pour l’écharpe ou le grigri ou pour agir ?

    Entrer dans une municipalité n’a de sens que si on y va dans un esprit de résistance ou de reconquête. Quitte à choisir un secteur de combat et s’y consacrer et à celui-là seul ! Les écoles, la culture, le patrimoine, les cantines, les subventions, les locaux municipaux, les terrains d’exercice sont nombreux !

    Mais encore ?

    Sur les écoles, il ne faut pas s’intéresser seulement à l’intendance mais au fond. Comment ? En fédérant les parents d’élèves qui en ont marre des dérives politiquement correctes dès le primaire. Ou en boycottant l’achat d’ouvrages malsains : histoire-propagande ou théorie du genre. Et puis en aidant des écoles indépendantes à trouver des locaux.

    Sur les cantines, il faut refuser tout achat de viande halal et revenir à des menus plus traditionnels tout en privilégiant le localisme.

    Sur le patrimoine, il faut veiller sur l’entretien des bâtiments historiques et des églises, cesser de sacrifier les musées et remplacer les minables logos commerciaux par les blasons : le temps des armes de la ville doit revenir !

    Sur la culture ?
    Vaste chantier ! Y rétablir la pluralité et la diversité à la bibliothèque municipale, au cinéma, au théâtre. Sans sectarisme bien sûr mais aussi sans accepter le sectarisme des autres. Et cesser de céder aux sirènes du non-art contemporain. Retrouver l’art caché selon la jolie expression d’Aude de Kerros.

    Sur les subventions ?
    Il faut taper dans la butte et cesser de subventionner les nuisibles : les syndicats politiquement corrects, les lobbys gays, antiracistes, et immigrationnistes, les associations étrangères, les communautaristes musulmans et autres, tout ce petit monde doit être mis à la diète.

    Sur les locaux ?
    Là aussi un mot d’ordre : pluralisme pour permettre aux nôtres de s’exprimer

    Quant à “l’union des droites”, où en est-on ? Est-ce même un concept réaliste ?
    L’union des droites me paraît un concept un peu politicien. Je suis plus proche des gens de Riposte laïque venus de la gauche que des UMP mous, pardon du pléonasme, dont la devise des dirigeants est « grandes gueules, petits bras » !

    Ce dont il faut se méfier par-dessus tout ce sont les médiagogues : ces hommes et ces femmes qui calquent leur attitude sur celle que les médias de l’oligarchie attendent. Les « quadras » de l’UMP se croient « avancés », ils ne sont qu’avariés. Leur modèle est périmé.

    Bref à une illusoire union des droites je préfère pour ma part une autre démarche « politiquement incorrects de toutes origines, entendez-vous, unissez-vous ».

    Quels sont les conditions d’une telle entente ?
    D’abord le respect de la diversité des uns et des autres ; tout le monde n’est pas obligé de partager les combats d’autrui. Ainsi, il est permis d’attacher plus d’importance à la lutte contre la dénaturation du mariage qu’à la lutte contre l’immigration ou l’inverse bien entendu. Il est loisible d’accorder plus d’importance à la sortie de l’euro qu’à la dénonciation du non art contemporain ou l’inverse évidemment. C’est affaire de gout, de conviction, de capacités aussi.

    Mais attention à ne pas dénigrer l’action du voisin. L’arme du système, c’est la division de ses adversaires ; et l’instrument de la division c’est la diabolisation. Evitons de tomber dans ce piège !

    Pour moi, la faute politique absolue, c’est de croire qu’on peut se dé-diaboliser en participant à la diabolisation de ses voisins. Une erreur que beaucoup commettent (pensez aux tentations de certains dirigeants de la Manif pour tous). Cela s’appelle « hurler avec les loups » : c’est moralement minable et parfaitement inefficace pour deux raisons : cela renforce le processus global de diabolisation et par contagion cela contribue à diaboliser le gros malin qui croit se dé-diaboliser !

    Pour cela il faut refuser d’entrer dans le jeu des médias dominants : ce n’est pas à eux de délivrer les certificats de fréquentabilité ! Avec l’émergence des médias alternatifs, il n’est plus nécessaire de payer son droit de péage aux autoroutes du politiquement corrects.

    Le mot de la fin ?

    Le mur de Berlin est tombé, le mur médiatique tombera !

    Propos recueillis par Pierre Saint-Servant

    http://fr.novopress.info/141014/les-grands-entretiens-de-novopress-jean-yves-le-gallou-13/

    Notes :

    1) Les racines du futur, Masson, 1977.
    2) La Préférence nationale : réponse à l’immigration, Albin Michel, 1985, réédition 1988.
    3) http://archives.polemia.com/article.php?id=5443
    4) http://www.polemia.com/pdf/DicoTotal.K.pdf
    5) http://www.polemia.com/la-tyrannie-mediatique-de-jean-yves-le-gallou-2/

  • La première guerre civile mondiale

    Chaque jour qui passe apporte son lot de confirmation sur une vérité que beaucoup voudraient ignorer : nous sommes en guerre. Une guerre larvée, relativement calme mais une guerre tout de même.

    Contrairement à une guerre traditionnelle, une guerre civile n’a pas de front bien tracé, de belligérants clairement identifiables à la couleur de leur uniforme. Chaque camp est partout, au sein d’une même ville, d’un même quartier, d’une même famille.

    D’un côté, nous avons une classe de pouvoir. Riches, puissants, ils ont l’habitude de contrôler, ils ne connaissent pas le doute. Ils décident et sont intimement persuadés de le faire dans l’intérêt général. Beaucoup, ni riches ni puissants, les soutiennent. Par peur du changement. Par habitude. Par intérêt personnel. Par crainte de perdre certains acquis. Ou par incapacité intellectuelle de comprendre la révolution à l’œuvre.

    De l’autre, voici la génération numérique. Issus de tous les sexes, tous les âges, toutes les cultures, tous les emplacements géographiques. Ils discutent entre eux, s’échangent des expériences. Découvrant leurs différences, ils se cherchent des points communs en remettant tout en question, jusqu’à la foi et aux valeurs profondes de leurs parents.

     

    Cette population a développé des valeurs qui lui sont propres mais également une intelligence analytique hors du commun. Les outils dont ils disposent leur permettent de pointer très vite les contradictions, de poser les questions pertinentes, de soulever le voile des apparences. À travers des milliers de kilomètres de distance, ils ressentent de l’empathie pour les autres.

    Un fossé grandissant

    Longtemps, j’ai été persuadé qu’il ne s’agissait que d’une question de temps. Que la culture numérique imprégnerait de plus en plus chaque individu et que les plus réfractaires finiraient par disparaître, au fil des générations et du renouvellement naturel.

    Malgré la popularisation des outils tels que le smartphone ou Twitter, cette fracture ne s’est pas résorbée. Au contraire, elle n’a fait que s’empirer. L’ancienne génération n’a pas adopté la culture numérique. Elle s’est contenté de manipuler aveuglement les outils sans les comprendre, en une parodie désespérée du culte du cargo. Résultats : des musiciens qui insultent leurs propres fans, des journaux dont le site web, envahi de publicités, semble être une copie conforme de la version papier, des jeunes politiciens qui utilisent Facebook ou Twitter comme une machine à publier des communiqués de presse sans jamais tenter de communiquer avec leur électorat.

    Il y a 40 ans, deux journalistes révélaient au monde que le président de la nation la plus puissante utilisait les services secrets pour mettre sur écoute ses adversaires politiques. Ce travail d’investigation leur vaudra le prix Pulitzer et mènera à la démission du président.

    Aujourd’hui, des acteurs imprégnés de culture numérique révèle au monde que le président à mis le monde entier sur écoute ! Qu’il envoie des hommes massacrer cyniquement des civils. Ces révélations leur vaudront 35 ans de prison pour l’un et une traque à travers le monde entier pour l’autre. Le président en question est, quand à lui, titulaire d’un prix Nobel de la paix.

    La mort du journalisme

    Contrairement au Watergate, il n’est plus possible de compter sur la presse. Une grand partie des journalistes ont tout simplement cessé tout travail de fond ou d’analyse. Les journaux sont devenus des organes de divertissement ou de propagande. Un esprit un peu critique est capable de démonter la majorité des articles en quelques minutes de recherches sur le web.

    Et lorsque certains journalistes commencent à creuser, ils voient leur famille se faire arrêter et détenir sans raison, ils reçoivent des menaces politiques et sont forcés de détruire leur matériel. Le site Groklaw, qui fut un site déterminant dans la publication d’actualités liées à des grands procès industriels, vient de fermer car sa créatrice a pris peur.

    La classe dirigeant a décidé que le journalisme devait se contenter de deux choses : faire craindre le terrorisme, afin de justifier le contrôle total, et agiter le spectre de la perte d’emplois, afin de donner une impression d’inéluctabilité face aux choix personnels.

    Bien sûr, tout cela n’a pas été mis en place consciemment. La plupart des acteurs sont intiment persuadés d’œuvrer pour le bien collectif, de savoir ce qui est bon pour l’humanité.

    On vous fera croire que l’espionnage des mails ou l’affaire Wikileaks sont des détails, que les questions importantes sont l’économie, l’emploi ou les résultats sportifs. Mais ces questions dépendent directement de l’issue du combat qui est en train de se jouer. Les grandes crises financières et les guerres actuelles ont été crées de toutes pièces par la classe actuellement au pouvoir. La génération numérique, porteuse de propositions nouvelles, est bâillonnée, étouffée, moquée ou persécutée.

    L’état de panique

    En 1974, pour la classe dirigeante il est plus facile de sacrifier Nixon et de faire tomber quelques têtes avec lui.

    Le parallèle avec la situation actuelle est troublant. La classe dirigeante a peur, elle est dans un état de panique et n’agit plus de manière rationnelle. Elle cherche à faire des exemples à tout prix, à colmater les fuites en espérant qu’il ne s’agit que de quelque cas isolés.

    Ils n’hésitent plus à utiliser les lois anti-terroristes de manière inique, contre les journalistes eux-mêmes. Ceux qui prédisaient de telles choses il y a un an étaient traités de paranoïaques. Mais les plus pessimistes n’avait probablement pas imaginer aussi rapidement, aussi directement.

    La destruction des disques durs du Guardian est certainement l’événement le plus emblématique. Son inutilité, son absurdité totale ne peuvent masquer la violence politique d’un gouvernement qui impose sa volonté par la menace à un organe de presse reconnu et réputé.

    Cet épisode illustre la totale incompréhension du monde moderne dont fait preuve la classe dirigeante. Un monde qu’elle pense diriger mais qui échappe à son contrôle. Se drapant dans la ridicule autorité de son ignorance, elle déclare ouvertement la guerre aux citoyens du monde entier.

    Une guerre qu’elle ne peut pas gagner, qui est déjà perdue. Mais qu’elle va tenter de faire durer en entraînant dans leur chute de nombreuses victimes qui seront injustement emprisonnées pendant des années, torturées, arrêtées, harcelées, détruites moralement, poussées au suicide, traquées à travers le monde.

    C’est déjà le cas aujourd’hui. Et parce que vous aurez eu le malheur d’être sur le mauvais avion ou d’avoir envoyé un email à la mauvaise personne, vous pourriez être le prochain sur la liste. Il n’y a pas de neutralité possible. Nous sommes en guerre.

    Création Monétaire   http://fortune.fdesouche.com/318621-la-premiere-guerre-civile-mondiale

  • Libertés en Russie, libertés en France : la paille et la poutre

    Une tribune de Jean-Yves Le Gallou.
    La France est « préoccupée » par une loi russe interdisant la propagande sur l’homosexualité, a déclaré la ministre des Sports, Valérie Fourneyron. Les appels au boycott des Jeux olympiques de Sotchi se multiplient et sont relayés par la presse bien-pensante, de Libération au Figaro, en passant par Le Monde.
    De quoi s’agit-il ? D’un texte de loi promulgué en juin 2013 par Vladimir Poutine et sanctionnant tout acte de « propagande homosexuelle » devant les mineurs. Les étrangers risquent une amende de 100.000 roubles (2.300 euros) maximum, jusqu’à 15 jours de détention et l’expulsion du pays. Du point de vue des autorités françaises, la généralité du texte est potentiellement attentatoire aux libertés. Du point de vue russe, il s’agit simplement d’éviter le déferlement de propagande homosexualiste en provenance d’Occident.
    Perben, Pleven : des lois françaises liberticides
    La grande athlète russe Yelena Isinbayeva, qui approuve la législation de son pays, a déclaré : « Les gens normaux, les hommes vivent avec les femmes, les femmes vivent avec les hommes ». Des propos licites en Russie mais qui, s’ils étaient tenus en France, pourraient lui valoir 45.000 euros d’amende et un an d’emprisonnement. Votée en 2004, la loi Perben réprime en effet « les propos discriminatoires à caractère sexiste et homophobe ». Et c’est ainsi qu’en France on ne manquerait pas d’interpréter les libres propos d’Yelena Isinbayeva.
    La loi Perben de 2004 n’est d’ailleurs qu’une extension à « l’homophobie » de la loi Pleven de 1972 qui, sous couvert de lutter contre le « racisme », a interdit dans les faits tout débat sur l’immigration.
    Délit d’homofolie ou d’homophobie, les peines françaises 20 fois plus sévères que les peines russes !
    On notera d’ailleurs que les peines prévues par le Code français de la presse sont particulièrement sévères : tenir un propos jugé « homophobe » en France peut coûter 20 fois plus cher que tenir un propos jugé « homosexualiste » en Russie et peut conduire à rester 24 fois plus longtemps en prison !
    Un an de prison pour délit d’opinion (en France !)
    Or, il ne s’agit pas de peines théoriques : lorsqu’ils condamnent des particuliers pour des propos jugés « racistes », « xénophobes » ou « homophobes », les tribunaux ont souvent la main particulièrement lourde. Il n’y a pas si longtemps d’ailleurs, en 2010, un homme a passé un an en prison en France simplement pour avoir publié un opuscule de 16 pages. Certes, Vincent Reynouard professe des opinions révisionnistes jugées particulièrement odieuses, il n’en reste pas moins que c’est pour un délit d’opinion qu’il est allé, cette fois en application de la loi Gayssot de 1990, en prison. Une loi Gayssot qui interdit toute critique du jugement du Tribunal militaire de Nuremberg qui « n’était pas lié par les règles techniques d’administration des preuves » (article 19 de son statut) et dont la séance inaugurale fut présidée par le général Nikitchenko, le fin juriste qui avait présidé aux Procès de Moscou en 1936. Liberté, liberté chérie…
    Avec les lois Pleven, Gayssot, Perben – sans oublier la loi Taubira de 2001 sur l’esclavage – la France dispose d’un arsenal très fourni en moyens de répression des opinions dissidentes. Sa classe politique et sa classe médiatique sont donc particulièrement mal placées pour donner des leçons de liberté au monde.
    La liberté d’expression, quelles limites ?
    En toute logique deux points de vue sont soutenables :
        -        Celui de la liberté d’expression absolue : dans ce cas il faut condamner la loi russe réprimant la propagande homosexuelle mais aussi les lois françaises Pleven, Gayssot, Taubira et Perben, d’autant plus qu’elles prévoient des peines infiniment plus lourdes que la loi russe et que le mis en examen est jugé non sur ce qu’il a dit mais sur les intentions qu’on lui prête. Ce qui relève davantage de la démonologie que de la justice.
        -        Celui de nécessaires limites à la liberté d’expression imposées par le souci de maintenir le consensus social en posant des interdits ; mais alors ceux-ci dépendent des circonstances historiques et géographiques ; ils sont donc relatifs.
    Ainsi est-il logique que la société marchande mondialisée et indifférenciée combatte toutes les affirmations identitaires, qu’elles concernent la nation, le sexe ou la race : c’est pour cela que, au rebours de toute leur histoire, les nations européennes se dotent de toutes de législations limitant la liberté d’expression et que tous les partis au pouvoir en France se sont entendus pour démanteler, au cours des quarante dernières années, la remarquable loi sur la liberté de la presse de 1881.
    A contrario, la volonté d’affirmation patriotique de la Russie conduit son gouvernement à tenter d’épargner à son pays les déferlantes de la propagande occidentale nihiliste et à protéger les principes de l’orthodoxie, religion identitaire de la Russie. À tout prendre, on pourrait même interpréter la loi russe contre la propagande homosexuelle comme un acte de résistance au politiquement correct occidental. En toute hypothèse il n’y a aucune raison de juger plus légitimes les interdits de Taubira et de Perben que ceux de Poutine.
    Les oligarques français sont donc mal placés pour donner des leçons de liberté. Seuls ceux qui militent pour l’abrogation des lois Pleven, Gayssot, Perben et Taubira sont crédibles pour critiquer les lois russes : à part Robert Ménard, cela ne fait pas beaucoup de monde ! Les autres ne sont que des Tartuffes qui devraient méditer la parabole de la paille et de la poutre qui reste plus que jamais d’actualité !
    Jean-Yves Le Gallou http://www.polemia.com/libertes-en-russie-libertes-en-france-la-paille-et-la-poutre/

  • Une colonisation à rebours

    L’un des principaux stratèges militaires britanniques, Le contre amiral Parry vient de lancer un avertissement solennel : la civilisation occidentale est confrontée à une menace du même degré que les invasions barbares qui ont détruit l’Empire Romain.

    Dans une vision apocalyptique des menaces, Chris Parry déclare que les migrations à venir seraient comparables aux Goths et aux Vandales tandis que des pirates "barbaresques" nord-africains attaqueraient des yachts et des plages dans la Méditerranée d’ici 10 ans.

    L’Europe, y compris la Grande-Bretagne, pourrait être sapée par des groupes importants d’immigrés avec peu d’allégeance envers leur pays hôte - une "colonisation à l’envers", selon les termes de Parry. Ces groupes resteraient liés à leur pays d’origine par l’Internet et les vols à bas coût. Selon l’expert en stratégie, le concept d’ "assimilation" est en train de devenir périmé.

    "Un de mes principaux soucis actuels est la question des diasporas", a révélé Parry qui estime à plus de soixante dix le nombre des diasporas en Grande-Bretagne.

    Le contre-amiral pense qu’à l’avenir, des groupes importants qui s’établiront en Grande-Bretagne et en Europe après des migrations de masse causées par l’instabilité politique, les déséquilibres démographiques, voire le dérèglement climatique pourraient développer des communautés d’intérêt avec les régions instables ou anti-occidentales.

    Le département que dirige le contre-amiral Parry compte cinquante personnes.

    Jean Raspail, lui, avait abouti aux mêmes conclusions tout seul, et trente-cinq ans plus tôt dans son célèbre roman d’anticipation : "le Camp des saints".

    Le Libre Journal de la France Courtoise - n° 381 du 22 juin 2006
  • Aux sources de la climatologie (arch 2009)

    La conférence de Kyoto au Japon, autour de l'effet de serre, a mis en lumière l'opposition entre les intérêts des grands blocs régionaux et les divergences de leurs stratégies climatiques.
    La conférence de Kyoto au Japon, autour de l'effet de serre, a mis en lumière l'opposition entre les intérêts des grands blocs régionaux et les divergences de leurs stratégies climatiques.
    Cent soixante-cinq pays réunis pour définir une politique mondialiste face au défi bien réel du réchauffement - même provisoire et cyclique - de notre planète, l'année 1997 se révélant la plus chaude depuis 1860, voilà un symbole assez fort pour une réalité inquiétante. Cette indication pourrait n'être qu'anecdotique si l'on ne constatait que depuis 1990 ce record se trouve battu pour la cinquième fois.
    Nous sommes donc de toute évidence dans une période de réchauffement et face à un défi climatique.
    Une fois de plus au-delà des beaux discours, des votes de résolutions, de principes qui ne seront d'ailleurs jamais appliquées, l'utopie mondialiste a été révélée.
    Même sur un sujet d'intérêt commun, tout le monde étant parait-il menacé, il est impossible de parler d'une même voix, les intérêts étant trop divergents. L'accusé, lui, est bien identifié. C'est l'émission de gaz carbonique, renforçant l'effet de serre à l'origine d'une réchauffement jugé catastrophique.
    L'opposition est nette entre les USA et le monde anglo-saxon d'une part, le tiers monde et l'Europe des Quinze d'autre part.
    Le lobby mondial industriel, lui, est derrière les USA qui affirment qu'il est impossible de réduire de 15 % les émanations de gaz dans un bref délai sans entraîner une crise économique mondiale et une récession générale.
    Le renversement de la tendance à la hausse de la production des gaz éco-tueurs parait un pari impossible en Europe qui pourtant donne des leçons, l'augmentation cette année a été de 1,7 contre 3,7 pour les USA et 20 % pour la Chine et l'Inde.
    Les USA ne veulent pas diminuer leur avantage économique et les pays émergents ne veulent pas réduire leur effort pour rattraper les autres...
    Il s'agit bien de stratégies contradictoires et irréconciliables dans un contexte de pression mondiale des multinationales industrielles qui veulent imposer leur intérêt financier comme d'habitude à celui des nations et des peuples.
    Cette stratégie climatologique s'inscrit dans l'application de la géomorphologie climatique.
    Cette science est la plus récente sous-branche de la géographie mais c'est elle qui suscite aujourd'hui le plus grand nombre de recherches.
    Il y a quelque chose dont on parle peu, c'est que l'érosion des sols ou leur modification a des conséquences géopolitiques considérables, cela touche à la sécurité des États puisque l'histoire est inscrite dans la géographie.
    Tous les états-majors modifient leurs plans en fonction des changements géomorphologiques actuels et à venir.
    La désertification, par exemple, implique des modifications des prévisions de mouvements des unités militaires sur un terrain hostile.
    Les armées de Napoléon ont connu en Pologne et en Russie la fameuse rapoustita où l'hiver cède la place à un dégel de printemps qui transforme des immensités stables en bourbiers ou tout mouvement est quasiment impossible.
    Le réchauffement de la planète n'entraîne pas encore la disparition des petits États insulaires, mais déjà des régions d'hiver solide sont menacées par le phénomène du bourbier et des forêts et marais reculent devant les ergs ou l'on s'enlise ou les regs ou l'on peut rouler rapidement.
    Tout cela est capital dans les pays notamment du monde arabo-musulman et ceux de l'ex-URSS on s'aperçoit là l'enjeu militaire des changements climatiques qu'étudie à la loupe la géomorphologie que l'on a pas évoquée publiquement à Kyoto ou l'on a médiatisé les grandes causes écologistes à l'usage des opinions publiques.
    L'affrontement climatique n'est donc pas qu'une affaire de température, mais aussi et surtout un enjeu industriel et militaire qui donne la fièvre à la planète.
    C'est le contrôle économique du monde par le développement de la puissance économique qui est en cause ainsi que la futurologie des stratégies militaires.
    C'est pourquoi au-delà des résultats de la conférence ... le sale temps ne risque pas de céder la place dès demain à un nouveau printemps de la planète bleue.
    National Hebdo du 11 au 17 décembre 1997

  • L'écologie politique en question (arch 1995)

    Pollution de l'air, affaire de la plate-forme Schell, boycot de la France dans le Pacifique à la suite de ses essais nucléaires : l'actualité de l'environnement est active, et, mois de juillet oblige, les médias y mettent la pédale forte. Quels intérêts cela sert-il ? Quels effets peut-on en attendre ?
    La très puissante compagnie pétrolière Shell, l'une des sept sœurs qui régentaient hier le monde et qui pèsent toujours plus qu'un pays, vient de céder au boycot des écologistes allemands : elle ne coulera pas l'une de ses plates-formes en mer du Nord comme elle le prévoyait d'abord. De même l'Australie, la Nouvelle-Zélande, aidées par Greenpeace et certains relais en Europe, tentent-ils de faire revenir la France sur sa décision de reprendre des essais nucléaires. L'Australie et la Nouvelle-Zélande s'attaquent depuis longtemps à la présence française en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. La campagne de Greenpeace permet de réveiller l'Indépendantisme de quelques polynésiens. Le boycot serait-il devenu l'arme première d'affrontements géopolitiques sans effusion de sang ? Plus généralement, l'écologie serait-elle devenue le meilleur moyen de mouvoir les peuples et de museler les États ? Au profit de qui ? Grâce à quelles manipulations ? Grâce à quels réseaux ? Depuis plusieurs années déjà, l'écologie est suspecte, ou, si l'on préfère, orientée. Ses organisations s'occupaient plus volontiers d'entraver le développement de l'indépendance française que de dénoncer la masse, pourtant gigantesque, des désastres écologiques à l'Est. De même on a vu, lors de la Conférence de Rio en 1992, le tiers-monde, poussé par l'URSS, tenter d'influer sur la politique énergétique des pays du Nord, en particulier sur celle des États-Unis. L'invention des pluies acides, l'exploitation médiatique d'un concept insuffisamment étudié, celui d'effet de serre, eurent pour but évident de donner mauvaise conscience aux pays développés et de freiner leur avance.
    En dehors de ces oppositions Sud-Nord et Est-Ouest, l'ensemble des organisations écologistes, des conférences internationales qu'elles suscitent et des dispositions qu'elles prennent tendent vers un contrôle mondial du monde qui souhaite limiter, puis annihiler, l'indépendance des États. C'est vrai, pour le meilleur et pour le pire, pour la pêche à la baleine, pour le retraitement des déchets nucléaires ou pour l'exploitation du continent austral.
    Mais la boîte à tam-tam qui ameute l'opinion publique passe, dans l'ensemble, dans les mains des pays du Nord, avec les services de l'Est, les gauchos-écolos des pays riches, et les médias dominants, manipulés par tous les puissants. Ainsi, la «catastrophe» de l'Exxon Valley, très limitée, eut-elle un retentissement mondial hors de proportion avec son Intensité, et les dégâts furent-Ils promptement Indemnisés: à comparer avec l'Interminable misère de l'Amoco Cadiz sur les côtes bretonnes.
    On notera enfin que l'écologie sert parfois aux grandes entreprises pollueuses : on ne sait toujours pas (cf Haroun Tazieff) si les gaz CFC utilisés comme propulseurs d'aérosols font vraiment des trous dans la couche d'ozone stratosphérique. Mais, en les interdisant sous la pression des écolos, la Conférence de Montréal a fait les affaires de quelques grosses firmes qui avaient mis au point des substituts à ces CFC. Les entreprises technologiquement moins avancées, elles, ont vendu des aérosols propulsés tout bonnement par du butane : et voilà comment un Denis Bénoliel s'est fait griller en passant son appartement à l'insecticide.
    L'écologie mène à tout, même au crime.
    Après six mois d'un débat fort médiatisé, ponctué de campagnes de désinformation et d'actes terroristes, l'affaire Greenpeace/Shell touche à sa fin. Le contentieux portait sur le sort d'une plate-forme pétrolière, le Brent-Spar, située dans la mer du Nord à 240 km au nord-est de l'Ecosse. La Shell désirait saborder la plate-forme dans une fosse marine de 2 000 mètres de profondeur, avec l'appui du gouvernement britannique et en toute conformité à la convention internationale sur la mer du Nord. Mais les activistes écologistes de Greenpeace, partisans d'un démantèlement à terre, ont, en appelant les « citoyens responsables » au boycot, remporté une victoire : celle d'un lobby contre l'intérêt collectif.
    Cette démonstration de force pose un certain nombre de questions sur la puissance de l' « internationale verte ».
    ✑ Comment une multinationale peut-elle mettre en échec une autre multinationale soutenue par des dirigeants politiques ?
    Le succès de Greenpeace face à la Shell et au gouvernement anglais s'explique par la redoutable campagne de médiatisation lancée par Greenpeace et alimentée par la presse allemande. Dès le lancement de l'opération, les réactions ne se font pas attendre : l'idée du boycot est reprise par tous, des municipalités qui refusent de faire le plein de leur parc automobile chez Shell jusqu'à l'Église catholique néerlandaise qui affirme que le projet de coulage du Brent-Spar est contre son éthique.
    C'est l'escalade : sous la pression, Helmut Kohl demande à John Major d'annuler son autorisation. Refus indigné du Premier ministre britannique.
    Les écologistes fanatiques répliquent par des méthodes criminelles: tirs à balles réelles le 14 juin, incendies criminels le 16 et lettres piégées le 19. Les polices néerlandaise et allemande doivent organiser des rondes de surveillance autour des stations-service, mais ne parviennent pas pour autant à atténuer le sentiment d'insécurité des employés de Shell. Dans la crainte de mouvements sociaux de son personnel, qui réclame déjà des primes, la filiale allemande se désolidarise de sa consœur britannique.
    Au même moment Greenpeace lance une nouvelle opération médiatique en déposant quatre activistes sur la plate-forme. Vite parvenus au cœur du bâtiment, il est impossible de les déloger. Shell répond donc à cette action illégale en arrosant, sous l'œil des caméras, les Zodiac de Greenpeace avec des canons à eau. Ce sont les images, largement diffusées, d'une poignée de militants buvant la tasse qui convaincront l'opinion publique du tort de la compagnie pétrolière, les écologistes se servant, comme dix ans auparavant lors du scandale, du Rainbow Warrior, de leur statut de martyrs pour démontrer le bien-fondé de leurs revendications. John Major enregistre, fin juin, la marche arrière.
    ✑ Des deux opérations proposées. le sabordage et le démantèlement, laquelle était véritablement la plus dangereuse ?
    Le démantèlement à terre demandé par Greenpeace entraînera, lors du retournement et du remorquage de la plate-forme, la fuite de matériaux (sable, zinc, cadmium, pétrole... ) dans des zones peu profondes ou la faune marine est importante. Le sabordage, lui, n'aurait laissé filtrer quelque chose qu'au bout de plusieurs siècles, à cause de la solidité de l'ensemble et de la pression de l'eau, et ce dans un milieu recelant très peu de vie. La plateforme, vidée dès 1991, ne contient par ailleurs que de faibles doses de déchets huileux et de matériaux toxiques. Rien de particulièrement inquiétant au regard des étonnantes capacités de recyclage du milieu subaquatique. Quand à la prétendue radio-activité, son taux est, sous l'eau, à peine plus dangereux que celui, sur terre, des montres à aiguilles phosphorescentes.
    John Major, appuyé par de nombreux scientifiques indépendants, n'a eu aucun mal à contrecarrer les arguments de Greenpeace. Il ne fait donc aucun doute que, tant sur le plan écologique que sur le plan humain, le coulage en eau profonde dénoncé par Greenpeace était la meilleure solution.
    ✑ Quels sont les fonds de Greenpeace ? D'où viennent-ils ?
    Il est difficile d'évaluer les fonds de Greenpeace à l'échelle mondiale mais, officiellement, son budget annuel avoisinerait les 250 millions de francs, financés en grande partie par la branche allemande, la plus riche ; dont les revenus annuels dépassent les 200 millions de francs.
    D'après Greenpeace, les fonds proviendraient surtout de dons. Mais les associations satellites bénéficient de nombreuses subventions, Et le « chantage aux pollueurs » est une pratique courante chez de nombreuses organisations écologistes
    Jusqu'à la chute de l'empire de l'est, on peut aussi penser que Greenpeace, profitait d'une aide des Soviétiques, ce qui expliquerait son étonnant silence lors de l'inspection des centrales nucléaires d'URSS, peu avant la catastrophe de Tchernobil.
    ✑ Quels ont été les enjeux financiers de l'affaire Brent-Spar ?
    Sous l'influence du boycot, appuyé par des opérations de sensibilisation devant les stations-service, le chiffre d'affaires des 1700 stations Shell implantées en Allemagne chute de 15 à 20 %, ce qui représente une perte quotidienne proche de 35 millions de francs.
    De plus, le prix du démantèlement à terre est de 460 millions de francs, alors que le sabordage aurait coûté seulement 120 millions. Ce sont les contribuables anglais qui auront le plus à souffrir du chantage des fanatiques allemands, 60 % du prix du démantèlement des plates-formes étant financés par une taxe spéciale.
    ✑ Quel a été l'enjeu politique des écologistes dans cette affaire ?
    Forte de ce succès, Grenpeace a pu, une fois de plus, prouver sa popularité et démontrer aux multinationales que son appui était indispensable à toute intervention en rapport avec l'environnement, quel que soit l'argumentaire scientifique. L'organisation, qui perdit de nombreux militants et adhérents lors de la guerre du Golfe, et fut récemment contrainte à licencier 10 % de son personnel, retrouve du poil de la bête, et une force de lobbying extraordinaire,
    Pour Greenpeace, cette opération à aussi été l'occasion de se donner un nouveau chef, l'Allemand Thilo Bode, qui succédera à l'Américain Steve d'Esposito, fort contesté, dès le mois de janvier prochain.
    Comment est organisée la « pieuvre verte » ?
    Historiquement, Greenpeace est née en 1971, à la fin des années hippies. Huit ans plus tard, les différentes antennes s'unissent pour former Greenpeace International. Le conseil, principal organe décisionnaire de l'organisation, est constitué d'un noyau dur de militants convaincus (souvent soupçonnés de sympathies trotskistes, voir de collaboration avec la Stasi), Cette cellule choisit les cibles, organise les opérations commandos et assure la résonance médiatique. C'est aussi elle qui vote le budget annuel de l'organisation. Elle dispose d'un gigantesque réseau de bureaux nationaux et régionaux, avec plus de 1 300 permanents et de nombreux chargés de missions. Greenpeace est présente dans une trentaine de pays, surtout au nord. Son influence sur les partis écologistes conventionnels n'est plus à démontrer (voir la levée de boucliers verte en Allemagne). Enfin, sa puissance est due en grande partie à son implantation locale sous forme associative qui lui permet de réagir très rapidement sur le terrain, comme elle l'a fait tout au long de l'affaire du Brent-Spar.
    En une trentaine d'années, elle aura su acquérir, grâce à sa stratégie médiatique, un véritable droit de veto sur les décisions touchant à l'environnement.
    ✑ Le boycot est-il le nouveau moyen de pression des écologistes ?
    Oui. L'exemple de Shell a refait du boycot ; pourtant malhonnête, une des armes de dissuasion des lobbies en place. Ainsi, la reprise des essais nucléaires français dans le Pacifique a déjà donné jour à plusieurs boycots, pour l'instant isolés. En Allemagne, une grande chaîne de restauration affirme qu'elle se passera désormais des produits français, alors que les facteurs australiens refusaient de passer le courrier de nos diplomates, oubliant ainsi leur devoir de fonctionnaires. En Australie encore, un groupe de rock, renommé, les «Midnight Oïl», refusait tout nouveau concert dans l'Hexagone. Cela ne vous rappelle rien ?
    Philippe BLANC.  National Hebdo du 13 au 19 juillet 1995

  • Iran-USA : une pause dans l’escalade

    Depuis la Révolution islamique de 1979, l’Iran considère les Anglo-Saxons comme ses pires ennemis. En réponse, Tel-Aviv et Washington n’ont cessé de bruisser de rumeurs de guerre contre Téhéran, jamais suivies d’effet. Vernon Sullivan analyse ici les intérêts et l’idéologie des deux camps dans les contextes régionaux et internationaux. L’élection de cheikh Hasan Rohani pourrait n’être qu’une pause dans l’affrontement.

    Si l’on en croit les agences de presse réputées bien informées, les analyses internes des États-uniens sont actuellement très divergentes quant à l’opportunité d’aider Israël dans son projet de refouler l’Iran et le contenir dans ses frontières. Pour les uns, il faut s’y atteler aussitôt que possible et donc poursuivre la guerre syrienne qui n’est que le stade inférieur d’un conflit qu’il est nécessaire d’élargir. Pour d’autres, la guerre comporte des risques trop importants : la destruction du potentiel militaire iranien va entraîner un déséquilibre des forces dans le Golfe au profits des Émirats sunnites, dont la politique ultérieure n’est pas prévisible et qu’il faut envisager de combattre sur le pourtour méditerranéen, dans un délai moins éloigné qu’on ne l’a espéré, à quinze ou vingt ans d’ici. Le lobby pacifiste et temporisateur de Washington s’inquiète principalement des objectifs de certains groupes de pression d’inspiration religieuse, qui se sont montrés souvent bien plus bellicistes que le régime de Téhéran et prêts à soutenir sur certains théâtres des fanatiques qui nuisent franchement aux intérêts de l’Occident.

    Cette inquiétude diffuse explique les atermoiements de l’administration démocrate, qui veut inscrire la diplomatie et l’action militaire des États-Unis dans la continuité des politiques poursuivies sur quatre décennies en même temps qu’elle en sent les défauts et s’effraie d’une possible émancipation militaire des puissances financières sunnites. Le débat fait rage dans le microcosme des experts anglo-saxons du monde arabe et l’absence de ligne unique apparaît nettement dans les publications relatives à la poursuite de la guerre globale engagée en 2001. Pour certains, il urge d’accorder à Israël une licence illimitée pour punir tout agresseur et même prévenir toute possibilité d’attaquer. Pour d’autres, il faut aider l’émergence de nouveaux protagonistes et par exemple donner le maximum d’espace aux menées du Qatar, dont les générosités ont pour principal but de gommer les impacts des aides que l’Iran distribue à certains mouvements rebelles au nom d’un islam réunifié – le vœu irréaliste de l’imam Khomeiny.

    Des observateurs plus fins démontrent que les visées des émirs du Golfe sont changeantes et pas toujours identiques à celles du royaume saoudien. Que le monde sunnite paraît ainsi plus divisé que l’arc chiite qui, malgré les vieilles rivalités politiques et de profonds désaccords d’obédiences, se conduit ces temps-ci comme une forteresse assiégée. La politique intérieure du régime irakien témoigne ainsi de la volonté de s’opposer à toute reprise en mains par les clans sunnites que les Ottomans avaient choisis et l’Angleterre confortés, et que soutiennent aujourd’hui les princes du Golfe. La récente décision d’interdire la diffusion d’une dizaine de chaînes de télévision appartenant aux grandes familles régnantes sunnites est un symptôme : Al-Jazeera, Al-Sharqiyah, Al-Sharqiyah News, Babylonian, Salah Al-Din, Anwar 2, Al-Tagheer, etc. sont désormais incriminées d’incitation à la haine interconfessionnelle et donc de répandre le ferment de la guerre civile. L’Irak se donne les moyens d’en limiter la réception, les chancelleries occidentales ne sont pas en mesure de s’opposer à cette entorse flagrante à liberté d’information.

    États-uniens et Européens sont toujours plus confrontés à ce genre de déconvenues, qui motivent une sorte de repli psychologique sur Israël, seule alliée régionale aux idéaux d’inspiration occidentale. C’est ce qui explique le retour en grâce du régime belliqueux de Netanyahou. Désormais, bien que ce choix ne plaise pas aux Démocrates et à la majeure partie de leur électorat, le Pentagone va s’accommoder de débours importants, et tant pis pour les économies budgétaires ! Le ministère US de la Défense est invité à réfléchir aux modalités d’un rabais de dix milliards de dollars sur la vente de matériel de précision à Israël, l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis. Selon le New York Times, il s’agit de renforcer la ligne de défense contre le potentiel d’agression iranien. Mais le même journal constate que le rabais permet d’abord d’offrir à Israël un Boeing KC-135 Stratotanker pour le ravitaillement en vol de chasseurs bombardiers, des radars Osprey V-22 dont aucun pays de l’OTAN ne dispose à part les USA, et 26 chasseurs F-16. Ces matériels cumulés font d’Israël, de l’aveu même des officiels états-uniens, un agresseur potentiel de l’Iran.

    Dans le même temps, le nouveau ministre US de la Défense s’affirme pour la première fois, le 2 mai, en accord avec son homologue britannique sur la nécessité de fournir enfin des lots d’armes létales aux rebelles de l’Armée syrienne libre. On a donc compris que commençait une phase nouvelle du conflit proche-oriental, dont l’objectif ultime est la chute du régime iranien. Il s’agirait d’accélérer la conclusion du conflit syrien pour entrer dans la dernière phase de l’entreprise conduite depuis 2002. Pourquoi faut-il presser le pas ? pour une raison immédiate : l’Iran n’est pas encore en mesure de porter des coups majeurs. Pour une raison plus lointaine : il ne reste que dix ans pour
    - priver la Chine de cet allié potentiel encombrant et
    - précipiter le repli de la Russie vers le nord.
    Selon l’institut CSIS, la ligne rouge peut être franchie par l’Iran si des fusées de type S-300, dont la Russie lui avait refusé la vente, sont fabriquées et lancées par l’Iran lui-même. Car ce sont les seuls projectiles en mesure d’atteindre Israël. Le même institut états-unien suppose qu’Israël a de son coté réussi à augmenter la portée de ses propres fusées et se trouve pour la première fois en mesure de frapper l’Iran avec des charges à hydrogène qui causeraient des centaines de milliers de victimes.

    La guerre devenait pour certains une question de semaines. Le couronnement de tous les efforts entrepris depuis 2001 interviendrait vers la fin de l’été 2013. Certains des cercles religieux conservateurs de Téhéran l’ont compris, de même que les Iraniens fortunés et modernes que les gesticulations du populiste Ahmadinejad tenaient un peu en lisière. Un danger bien réel, concrétisé désormais par le plan de modernisation de l’armée israélienne et la livraison d’armes US modernes pour un montant de 10 milliards de dollars, a motivé la subite volte-face du Guide de la révolution islamique Ali Khamenei en faveur d’un conservatisme moins offensif. Khamenei a compris qu’il fallait tout faire pour éviter l’affrontement et que le meilleur moyen serait de proposer un nouveau partage régional. En ce sens, Rouhani est l’homme providentiel car son programme permet deux choses :
    - tenter l’ajournement du programme états-unien de reconquête et
    - mobiliser la société en redonnant aux classes dominantes et moyennes l’espoir d’une sortie du marasme économique.
    Le message de Khamenei a été clair durant la campagne : « Je souhaite que tous les Iraniens aillent voter, ceux qui veulent sauver notre système autant que ceux qui n’en veulent plus, car les uns et les autres doivent garder confiance en l’institution de la République islamique elle-même ». Entendue comme le rejet des manipulations de 2009 et donc le désaveu public des choix d’Ahmadinejad, cette phrase a fait voter des millions d’abstentionnistes potentiels en faveur d’un homme qui aura pour objectif la consolidation des acquis par la négociation.

    Soudain, les conditions imposent aux Occidentaux de mesurer plus précisément de quelle manière et à quel prix on parviendra à faire plier l’Iran : d’un coté, l’embargo est un succès, la catastrophe monétaire interne et la baisse de l’approvisionnement en denrées de base ont été des facteurs déterminants de la défaite électorale des intransigeants. Mais en même temps, cet embargo n’arrange aucun des voisins de l’Iran. L’Irak le contourne sans cesse, la Turquie par à-coups et en cachette, l’Inde ne renonce pas à un certain volume d’échanges non monétaires, le Pakistan rejoint ce club en mettant en service un pipeline. Par ailleurs, l’endiguement n’est pas une vraie réussite car Téhéran consolide une influence réelle sur l’Irak, l’Arménie et des populations chiites autrefois très peu perméables à son discours — au Yémen, en Afghanistan et Syrie —. L’Axe du mal a donc tendance à s’étendre. La généralisation des guerres lui offre de préciser un discours de plus en plus clairement dirigé contre l’Arabie Saoudite, pays et régime que la propagande iranienne assimile désormais aux assassins des Imams martyrs.

    L’Iran joue à présent la carte d’une réorientation confessionnelle du messianisme révolutionnaire qui peut justifier le projet inavoué d’abandonner les Palestiniens sunnites à des « Frères » plus proches d’une conception de l’islam que les Iraniens ne veulent plus se forcer à partager. Cet abandon revient à relâcher la pression contre Israël. Le débat est ancien au sein du pouvoir iranien. Mir Hossein Moussavi disait en 2009 : « Dépensons notre argent pour nous et pas pour les Arabes ». Même des partisans de la guerre sainte endurcis comme Mohammad Ghalibaf, le maire conservateur de Téhéran, candidat malheureux à la dernière présidentielle, ont dressé durant la campagne un tableau affligeant de la politique palestinienne d’Ahmadinejad. Qalibaf a même estimé que la négation du génocide des Juifs d’Europe avait été une erreur magistrale du régime, nuisible à la cause palestinienne, et qu’aucun politique sérieux ne pouvait continuer à faire du conflit avec Israël une bannière de ralliement. Il serait en effet temps de rappeler que la République islamique n’a jamais introduit de mesures discriminant les juifs dans la vie sociale. Du coté des Pasdarans, garde prétorienne devenue le nœud du pouvoir économique aussi bien que policier, on entretient sans doute les illusions nécessaires à la mobilisation des énergies, sur les moyens de l’armée iranienne, sa capacité à résister à toute intervention étrangère. On veut justifier un train exorbitant de dépenses d’armement par une forte volonté de venir en aide aux chiites libanais comme au régime syrien. Mais de là à croiser le fer pour l’avenir de sunnites en fin de compte toujours prêts à répondre à d’autres appels...

    Cette redoutable habileté à négocier des virages politiques très aigus n’est pas nouvelle dans l’histoire iranienne. Prenant la mesure de l’expérience millénaire d’un empire régional décidément roué, l’administration démocrate demande conseil et reçoit des messages opposés de la part de think tanks rivaux : tantôt l’Iran reste le grand déstabilisateur de l’édifice consolidé après 1956 (alliance avec Israël en même temps qu’avec les Saoudiens) et donc il doit être vaincu et démembré, tantôt l’Iran serait en partie un facteur d’équilibre, notamment sur sa frontière orientale parce que son rôle en Afghanistan a été moins négatif qu’on ne l’a craint : il contribue à l’émiettement, nourrit le désordre, mais coopère également avec toutes les parties et ne semble pas vouloir agresser l’OTAN. Enfin, une nouvelle génération de stratèges US se souvient du poids relatif de l’islam non arabe dans le monde, notant l’indifférence des masses musulmanes asiatiques à la question très arabe du statut de la Palestine. Ils se demandent si l’on peut résoudre la question israélo-palestinienne sans faire occuper les territoires arabes par des troupes occidentales garantes d’une évacuation par Tsahal, pour aussitôt démontrer l’absurdité de cette solution : encore une aventure dont le bénéfice est improbable. En clair, se battre pour un monde arabe pacifié et modernisé, vivant en symbiose avec un Israël pacifique ? buts chimériques, coût faramineux ! on ne dispose pas d’alliés suffisamment forts pour faire le travail que les États-Unis ne veulent plus prendre en charge. Les moyens militaires de la Turquie s’avèrent limités, les arabes n’ont pas d’objectifs communs.

    Reste l’Iran, un régime solide qui s’attache à placer l’Irak dans son orbite et peut le faire basculer avec lui dans une alliance russo-chinoise. Avant de se désengager de l’ornière proche-orientale, il faut peut-être reprendre le dialogue et faire une offre à l’Iran, afin d’être plus à l’aise pour opérer le redéploiement annoncé vers le Pacifique. Car l’Amérique se demande quel sera son intérêt dans la guerre. Ne peut-elle pas en faire l’économie sans pour autant dévier de son objectif premier qui a toujours été de reprendre pied en Iran ? Que gagnera Israël en favorisant une grande coalition contre l’Iran ? Et si elles obtiennent une victoire décisive, les puissances sunnites consolidées resteront-elles des alliées ? Faut-il s’associer aux alliances que Français et Britanniques mettent en place ? [1] Et si ces alliances semblent solides, le projet ultérieur des petits Émirats n’est-il pas de s’émanciper de la tutelle saoudienne, avec ou sans le soutien des Occidentaux ?

    En face, bien qu’il sache parfaitement tenir son rôle de loup garou, l’Iran peut aisément faire figure de partenaire plus fiable sur la durée. Pas plus qu’avec les Turcs, le commerce avec les Iraniens ne réserve de mauvaises surprises. Jusqu’à la toute dernière décennie, l’Iran s’est toujours efforcé de rester dans la sphère commerciale européenne. Coûte que coûte, en dépit des embargos, le volume de son commerce avec l’Union européenne est resté bien supérieur à celui des échanges avec l’Asie. Durant les quinze années qui suivent l’armistice avec l’Irak, les quatre principaux partenaires commerciaux de l’Iran ont été, par ordre d’importance, l’Allemagne, le Japon, l’Italie et la France. L’essentiel des véhicules construits sur place relèvent d’un approvisionnement en pièces détachées importées de l’UE. La maintenance des puits de gaz et pétrole en dépend aussi. Ce n’est qu’en 2009 que la balance penche pour la première fois du coté de l’Asie. Une tendance qui s’accélère très vite pour aboutir en 2012 à une baisse de moitié du volume d’échanges avec l’Europe tandis que les puissances asiatiques prennent toute la place au travers de leurs achats de pétrole brut : Chine, Inde, mais aussi Japon et Corée du Sud. D’une certaine manière, cet embargo imposé par les États-Unis nuit plus aux alliés européens qu’à quiconque. Le blocus est bancaire et donc monétaire, sans effet sur les échanges marchandises particulièrement denses avec les EAU, l’Inde et la Turquie. Quelques transactions ont été faites sur la base de l’étalon or, ce qui met en cause le monopole de fait du pétrodollar et constitue donc presque un acte de guerre contre les États-Unis. Qui plus est, l’Iran exporte désormais des produits autres que les hydrocarbures, des minerais et des pierres de construction – par ex. du marbre maquillé sur les marchés, du bitume... renforçant ses relations commerciales avec de nouveaux émergents islamiques d’Asie comme la Malaisie et même avec le Brésil.

    Pour mettre l’Iran à genoux, il faut faire des efforts démesurés, non seulement bloquer les échanges avec la France, l’Italie et l’Allemagne, mais déstabiliser des circuits traditionnels de contrebande : depuis 18 mois, on a invité le Qatar et Dubaï à expulser les hommes d’affaires iraniens qui entretenaient un commerce côtier séculaire, à présent illégal. On les renvoie, mais c’est peine perdue car les Iraniens trouveront pour ce commerce des mandataires indiens ou pakistanais. Les prix monteront, mais les biens continueront de transiter. La société iranienne est mal en point, mais le nerf du nationalisme n’est pas atteint. La croissance démographique des sunnites ne met pas en cause le leadership chiite et les clivages claniques continuent d’empêcher la structuration de partis politiques exprimant les revendications nationales des minorités ethniques. On peut bien jouer les cartes de l’indépendantisme baloutche et de la guerre civile au Kurdistan, on peut inciter l’Azerbaïdjan à une rhétorique guerrière de libération des turcophones, mais les effets de ces jeux se sont avérés très limités. Il serait plus payant de se trouver des alliés au sein des élites persanes.

    D’autant que la bourgeoisie commerçante iranienne ne peut se faire à l’idée que la situation doive s’éterniser. Dans son ensemble, elle a peu d’appétit pour des produits asiatiques réputés moins durables que les produits européens. Elle tient à garantir un volume d’achats de biens de luxe qui s’écoulent très bien. Les Iraniens payent et ne mettent pas en cause le principe du marché, ils ne se réclament pas d’une économie de rapines. Se croyant moins immoraux que des systèmes politiques plus fermés que le leur, les Iraniens ne parviennent pas à se persuader qu’ils font figures d’ennemis idéologiques des États-Unis. La préférence pour les Saoudiens et le soutien au Pakistan font ricaner ou grincer à Téhéran. On la comprend comme une déclaration de guerre à l’indépendance du pays, un désir de détruire l’État-nation dont la politique ne suit pas l’injonction de libre-échange intégral et de « gouvernance mondiale ». Khamenei fait valoir que cette agressivité US est dans la continuité d’une politique de la canonnière pratiquée en continu par les Russes et les Anglais, de 1828 à 1953, annihilant toute tentative d’instaurer une démocratie parlementaire. Il fait aussi valoir que les ressources gazières seront à très brève échéance plus importantes que les ressources pétrolières et que l’objective de mainmise sur l’Iran s’explique par le fait que ce pays est le troisième détenteur de réserves prouvées... Enfin, et comme d’ailleurs beaucoup d’observateurs du monde arabe, les idéologues iraniens soulignent que le morcellement est un principe d’action que les États-Unis ont toujours privilégié parce que la division est une garantie de leur hégémonie. L’éclatement de l’URSS, de la Yougoslavie, la destruction de l’État irakien sont autant d’exemples ; les conciliabules engagés sur une possible partition de la Syrie en sont la confirmation.

    On peut aisément objecter que cette partition n’est pas l’objectif premier des Occidentaux et que l’OTAN n’est jamais, sous toutes les latitudes, favorable qu’en dernière instance à la révision des frontières existantes. Mais cette objection n’est pas reçue dans un pays qui se considère comme le « morceau le plus juteux » de toutes les parts du gâteau moyen-oriental. À intervalles réguliers, la presse iranienne montre des cartes imaginaires d’un Iran dépecé par les Arabes et les Turcs pour le plus grand profit des Anglo-Saxons. Dans cette optique de résistance, l’Iran se présente souvent comme l’un des seuls bastions de résistance à la pénétration destructrice par les lois dissolvantes du marché. Inspiré par Chavez, Ahmadinejad faisait de leur négation un axe majeur de sa politique, justifiant un vaste réseau de prébendes et de redistributions au profit des défavorisés. Mais la réalité de la société de classes contredit totalement ce discours collectiviste, car l’Iran n’est jamais sorti de l’Économie-Monde, il n’a jamais eu de programme autarcique, et la teneur du discours dominant dans les cercles décideurs est exactement inverse : pour les élites locales il est temps de renverser la vapeur, d’embrasser avec ferveur une « Amérique » toujours admirée, temps de voir revenir les exilés qui ont si bien réussi en Californie, de faire avec eux de bonnes affaires, de restaurer la capacité industrielle, d’adopter le modèle turc.

    Pour les marchands comme pour beaucoup de dignitaires religieux iraniens, il y a une opportunité à saisir : montrer aux États-uniens qu’ils sont bienvenus, que le peuple iranien est en adoration devant leur modèle de civilisation, et obtenir en retour de cet indéniable amour une marge de manœuvre diplomatique et commerciale dans tout le Proche-Orient, au Pakistan et en Afghanistan. Mais il est peu probable que les Yankees sachent répondre à cette crise d’affects débordants d’Orientaux excessifs, un peu perturbés, visionnaires. Parce qu’ils n’oseront pas franchir le pas, qu’ils ne voudront pas tourner le dos aux Saoudiens, respecter le désir d’hégémonie régionale, ne comprendront pas l’intérêt qu’il y aurait à faire des Iraniens leurs factotums aux marches de la Chine. Cette incapacité vient d’être démontrée vis-à-vis de la Turquie : sa puissance retrouvée a été ébranlée et la personne d’Erdogan vouée aux gémonies. Gageons que Khamenei en tirera argument et que les voix hostiles aux US vont dominer, disant : « Ne cédons sur rien, on ne peut pas leur faire confiance ! » ce qui conduira les faucons de Washington à marteler de plus belle : « Persia delenda est ! »... À moins que le goût de la nouveauté ne l’emporte au Département d’État et que de jeunes ambitieux n’accompagnent quelques enturbannés finauds dans une méditation à laquelle le fondement religieux de leur pensée les invite ensemble. Une excentricité vraiment novatrice qui se baserait sur une réflexion digne de celles des théologiens de l’âge baroque. L’élection d’un pape jésuite suggère que le temps en est venu. Kerry pourrait se souvenir de Bossuet : « Car, Messieurs, vous n’ignorez pas que l’artifice le plus ordinaire de la Sagesse céleste est de cacher ses ouvrages et que le dessein de couvrir ce qu’elle a de plus précieux est ce qui lui fait déployer une si grande variété de conseils profonds. »

    [1] « Armement : Paris ouvre une nouvelle ère de coopération avec Abou Dhabi », par Alain Ruello, Les Échos, 23 juillet 2013.

  • Entre relocalisation et délocalisation en Afrique, l’âge d’or de l’Asie est-il terminé ?

        L’entreprise suédoise H&M vient d’annoncer la délocalisation de plusieurs unités de production de la Chine vers l’Éthiopie. Dans le même temps, un mouvement de relocalisation en Occident d’entreprises déçues par leur transfert en Asie semble s’amorcer, annonçant peut-être la fin de l’attractivité industrielle asiatique.
    Le troisième renouvellement de l’accord AGOA – African Growty and Opportunity Act – entre les États-Unis et l’Afrique subsaharienne, qui autorise l’entrée hors taxe d’exportations africaines sous certaines conditions, suscitera de nouvelles délocalisations vers l’Afrique, et en particulier l’Éthiopie où un fabriquant chinois de chaussures avait déjà décidé d’investir l’année dernière.
        Publiée en 2011 une étude de la Banque mondiale comparant plusieurs pays africains à la Chine et au Vietnam, a montré que l’Éthiopie était d’ailleurs le seul pays capable de concurrencer les pays asiatiques pour des productions à haute intensité de main d’œuvre (comme l’habillement ou la fabrique de meubles).
    Ces projets montrent que des pays africains peuvent s’engager à leur tour dans le “vol des oies sauvages” qui a débuté avec le Japon, qu’ont suivi ensuite les Nouveaux Pays industriels d’Asie et ensuite les pays du Sud-Est asiatique et la Chine. Mais cette conjoncture ne doit pas faire oublier le contexte. La Chine est devenue depuis 2010 la première puissance manufacturière mondiale (avec 17% de la production par la valeur ajoutée manufacturière mondiale), devant les États-Unis qui avaient ravi cette place au Royaume-Uni à la fin du XIXème siècle.
    L’Asie émergente – hors Japon – produit autant que l’Europe (un quart de la valeur ajoutée manufacturière mondiale) et l’Afrique subsaharienne 1%. Si les Chinois délocalisent, ils continuent d’investir massivement dans l’industrie en Chine : mesuré en dollars courants, la Chine investit trois plus que les États-Unis dans l’industrie manufacturière, huit fois plus que l’Allemagne et dix fois plus que la Corée qui est la cinquième puissance manufacturière dans le monde et investit deux fois plus que la France.
    Cet effort d’investissement permet à la Chine de disposer du parc de machines le plus moderne du monde émergent, et probablement du monde industriel. Cet avantage de “tard-venu” se combine avec un potentiel d’économies d’échelle considérable, qui est dynamisé par la croissance des revenus et l’élargissement du marché chinois. Si la hausse des salaires en Chine peut éroder la compétitivité des exportations chinoises, elle renforce l’attractivité de la Chine auprès des investisseurs industriels qui cherchent à s’y implanter pour se rapprocher du marché chinois.
        L’Afrique n’est pas la seule région du monde susceptible d’attirer des délocalisations d’entreprises chinoises ou de filiales étrangères implantées en Chine. Ces investisseurs regardent d’abord en Asie du Sud-Est (Vietnam, Cambodge mais aussi le Myanmar) et en Asie du Sud (Bangladesh).
    De même que la croissance industrielle de l’Asie du Sud-Est n’a pas été freinée par celle de la Chine, la montée de l’Afrique dans l’industrie mondiale ne signifiera pas nécessairement le déclin industriel de l’Asie. Les deux mouvements peuvent s’accompagner, voire se renforcer mutuellement. Mais il faudra attendre plusieurs années pour que l’Afrique et l’Asie jouent dans la même catégorie.
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