Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

international - Page 740

  • Trump et Poutine vers une révolution mondiale ?

    Ce texte a été écrit il y a moins d’un an. Depuis la roue solaire a bien tourné.

    Là où croît le danger, là aussi croît ce qui sauve, dit Hölderlin dans un poème célèbre, que bien des commentateurs reprirent. Mais je me risquerai à l’emprunter, tout comme la phrase de Nietzsche sur ce qui nous tue pas – qui nous rendrait plus fort. J’ai dit que le fait de vieillir rendait notre civilisation plus molle. Mais justement la rare et jeune génération nous fera oublier les septuagénaires de mai 68 qui mettent à sac le monde arabe et notre Europe.

    2015 à bien des égards est une année affligeante. On a tout eu, le chômage, les attentats, les invasions, le chômage masqué, la trahison continentale. Nous sommes à deux doigts d’une énième guerre civile européenne entretenue par l’Otan et les néo-cons qui tiennent Washington..

    Et puis voilà que tout commence à se retourner en cette fin d’année qui devait célébrer de la façon la plus lugubre le bicentenaire de Waterloo, un Waterloo qui enchante les Chirac (il refusa de fêter Austerlitz) et autres néo-gaullistes complices de notre décadence. Avec un PS plus abject que jamais leur République tombée au fond du gouffre continue de creuser…

    Et voilà que nous avons un réveil français de haute tenue avec 35% de notre jeunesse qui vote pour l’espoir et pour le futur, moins tenue (via Internet) que ses vieux aînés retraités et soixante-huitards par les cachotteries de la télé PS.

    Dans moins de deux ans, Marine fera entre entre 35 et 45% au premier tour, entre 45 et 55% au second ; d’ici là la récession implantée, les grandes invasions relancées par le Grand Turc et par la chancelière en fer blanc ; le chômage passera les quatre millions…

     Je leur souhaite du plaisir avec le front républicain.

    Et nous avons un renforcement de la présence pacificatrice russe, qui rassure les bons chrétiens et les européens ; 70% de Italiens, 77% des Français soutiennent le combat russe en Syrie et les frappes contre les islamistes chéris du Pentagone. Il est même incroyable de penser que le plus caniche de nos gouvernements a dû s’incliner devant l’ours russe. Il ne resterait que ce diable de Juppé pour continuer de taquiner d’un pied fourchu la Russie. Poutine l’isolé n’a jamais été aussi entouré.

    Enfin il y a Trump qui avec son bagout et ses provocations en met plein la tête à des élites donneuses de leçons qui broient le peuple. Ce bon tribun, ce businessman inspiré tourne le dos au politiquement correct et réaffirme la grande solidarité blanche a travers le monde, qui pleure pour « nos gens » massacrés au Bataclan ; il s’affirme en partisan de Poutine, laissant à un Obama à la ramasse le soin de rassurer les journalistes et ses rares partisans sur l’islamisme et le terrorisme.

    Si nous pouvions enfin créer un axe du bien Washington-Paris-Moscou, en remettant Merkel et le Grand Turc à leur place, ce serait extraordinaire. Nous reviendrions au monde de 1914, alliance franco-russe à l’appui.

    http://www.voxnr.com/6505/trump-et-poutine-vers-une-revolution-mondiale

  • Sur la longue durée, Donald Trump n’est pas une surprise*

    Georges Feltin-Tracol

    Contrairement aux idées reçues, finance et politique forment un excellent duo. Aux temps de la Rome antique, les patriciens de la République se dédiaient aux affaires publiques tandis que leurs esclaves les plus dévoués en hommes de paille avisés faisaient du négoce. Au Moyen Âge et à la Renaissance, les cités italiennes ou de la Ligue Hanséatique dans le Saint-Empire romain germanique étaient le théâtre de vives confrontation entre de vieilles lignées terriennes de l’aristocratie et les jeunes bourgeoisies enrichies par le commerce et la banque (les Médicis à Florence).

    Si l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis est une grande surprise pour le XXIe siècle, sa réussite repose sur quelques précédents. Il y a 25 ans, le milliardaire texan indépendant Ross Perot que Trump soutint un moment, recueillait 18,9 % des suffrages, empêchait la réélection de George Bush père et favorisait indirectement l’élection de Bill Clinton. Quatre ans plus tard, toujours candidat sur des thèmes protectionnistes et hostiles au libre-échange, Perot n’obtenait que 8,4 %, dépassé par un Clinton, grand séducteur d’électeurs, véritables Monica Lewinski politiques.

    Sur cette terre par excellence du progressisme, de la modernité et de l’individualisme que sont les États-Unis, Donald Trump représente aux yeux de ses compatriotes le « rêve américain », le self made man, dur au travail, qui s’est bâti une vie prospère grâce à l’alchimie délicate d’une farouche volonté, d’un toupet extraordinaire et d’une chance inouïe. Longtemps, des généraux victorieux, George Washington (1789 – 1797), Andrew Jackson (1829 – 1837), vainqueur des Britanniques à La Nouvelle-Orléans en 1815, Zachary Taylor (1849 – 1850), Ulysses Grant (1869 – 1877) qui triompha de la Guerre de Sécession ou Dwight Eisenhower (1953 – 1961), occupèrent le Bureau oval. Aujourd’hui, la guerre ayant pris une tournure économique, c’est au tour des hommes d’affaires, surtout si leur notoriété s’alimente d’articles de presse people et d’une intégration – ancienne et remarquable – au « médiacosme ».

    Homme d’argent, Donald Trump est aussi un homme d’images. Avant d’être une vedette de la télé-réalité, il figura dans des épisodes de feuilletons télévisés (Le Prince de Bel-Air, Spin City, Sex and the City, etc.) ou fut cité dans certains films tels Retour vers le futur 2 sous les traits du méchant Biff Tannen ou dans Gremlins 2. La nouvelle génération en tant que Daniel Clamp, voire en jouant son propre rôle truculent (Maman, j’ai encore raté l’avion, Zoolander ou L’Amour sans préavis). S’affranchissant de tous les codes, Donald Trump rejoint le pécore Mister Smith, cet idéaliste novice en politique, à la différence toutefois que le président élu connaît fort bien le marigot politicien. Le 7 novembre dernier, Arte diffusait d’ailleurs en soirée Monsieur Smith au Sénat, la satire féroce des mœurs politiques de Washington réalisée par Frank Capra en 1939. À l’insu de son plein gré, la chaîne franco-allemande annonçait le séisme planétaire du lendemain.

    Bonjour chez vous !

    * « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 9, diffusée sur Radio-Libertés, le 18 novembre 2016.

    http://synthesenationale.hautetfort.com/

  • Le crépuscule de l’empire américain

    À la veille (et même au lendemain) de l'élection présidentielle américaine - quel que soit le candidat élu -, l'ex-Hyperpuissance (pour reprendre l'expression d'Hubert Védrine) devra faire un choix décisif pour son avenir et celui du monde. Les États-Unis vont-ils, en cas d'élection d'Hillary Clinton, poursuivre leur destructrice (et autodestructrice) course folle pour le monde, poussée par l’hybris, jusqu'à nous mener à une guerre mondiale ? Ou bien, si Donald Trump est élu, vont-ils se recentrer sur eux-mêmes dans une logique isolationniste afin de se régénérer (à commencer par leur économie) et renoncer à l'idéologie messianiste de destinée manifeste, qui s'est traduite depuis 1945 par l'instauration d'une Amérique-monde ?

    La phase finale du déclin américain

    En 2002, l'historien Emmanuel Todd publiait un livre sur la décomposition du système américain(1) qui eut un fort retentissement. Il y développait une thèse à contre-courant à l'époque : bien loin d'être une hyperpuissance invincible comme semblerait l'exprimer leur politique extérieure, les Etats-Unis sont en déclin ; l'examen des forces démographiques et culturelles, industrielles et monétaires, idéologiques et militaires qui transforment la planète ne confirme pas la vision d'une Amérique invulnérable. Le monde est trop vaste, disait Emmanuel Todd, trop divers, trop dynamique pour accepter la prédominance d'une seule puissance.

    Il écrit dans l'ouverture de son ouvrage à propos des représentations de la puissance américaine : « Elles présupposent une Amérique exagérée, dans la dimension du mal parfois, dans celle de la puissance de toujours. Elles nous interdisent de percer le mystère de la politique étrangère américaine parce que la solution doit être recherchée du côté de la faiblesse et non de la puissance. Une trajectoire stratégique erratique et agressive, bref la démarche d'ivrogne de la "superpuissance solitaire", ne peut être expliquée de façon satisfaisante que par la mise à nu de contradictions non résolues ou insolubles, et des sentiments d'insuffisance et de peur qui en découlent.

    La lecture des analyses produites par l'establishment américain est plus éclairante. Au-delà de toutes leurs divergences, nous trouvons, chez Paul Kennedy, Samuel Huntington, Zbigniew Brzezinski, Henry Kissinger ou Robert Gilpin, la même vision mesurée dune Amérique qui, loin d'être invincible, doit gérer l'inexorable réduction de sa puissance relative dans un monde de plus en plus peuplé et développé. »(2)

    Si l'on se penche sur les écrits du plus éminent de ces stratèges de l'impérialisme américain, Zbigniew Brzezinski, il apparaît clairement - dans son livre Le grand échiquier (1997) - qu'il était effectivement conscient de cet état de fait ; mais il avait conçu une nouvelle stratégie pour contourner la relative faiblesse du système impérial états-unien.

    Brzezinski proposait, pour contrôler l'Eurasie et par suite le monde, à la fois de maintenir un certain nombre de pays dans un état de vassalité et d'empêcher l'émergence en Eurasie d'un rival potentiel de l'Amérique. Ainsi il explique que : « Pour les Etats-Unis, la définition dune orientation géostratégique pour l'Eurasie exige d'abord de la clarté dans la méthode : il est nécessaire de mettre sur pied des politiques résolues à regard des Etats dotés d'une position géostratégique dynamique et de traiter avec précaution les Etats catalyseurs. Sur le fond, cette approche n'a de sens qu'autant quelle sert les intérêts de l'Amérique, c’est-à-dire, à court terme, le maintien de son statut de superpuissance planétaire et, à long terme, l'évolution vers une coopération mondiale institutionnalisée. Dans la terminologie abrupte des empires du passé, les trois grands impératifs géostratégiques se résumeraient ainsi : éviter les collusions entre vassaux et les maintenir dans l'état de dépendance que justifie leur sécurité ; cultiver la docilité des sujets protégés ; empêcher les barbares déformer des alliances offensives. »(3)

    On l'a vu ces dernières années, cette stratégie consistant à prévenir l'émergence d'une puissance eurasiatique - en l'occurrence la Russie - et à neutraliser les vassaux en empêchant leur alliance, a échoué (si l'on exclut l'Europe et les pays en périphérie de la Russie et de la Chine).

    En effet, l'on a assisté, parallèlement à la réémergence de la Russie, à l'agrégation successive autour de celle-ci et de ses alliés d'un certain nombre de pays (à des degrés divers) dans le cadre de la coopération économique proposant une alternative à l'ordre économique américain et à ses relais institutionnels et internationaux (FMI, Banque Mondiale, OMC, Union européenne...), les BRICS réunissant la Russie, le Brésil, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud, l'Indonésie ; et sur le plan purement géostratégique, dans la seule année 2016, le Maroc (allié et vassal des États-Unis) s'est tourné vers la Russie (et la Chine), le pion turc a été habilement retourné et ramené (peut-être temporairement compte tenu de l'instabilité d'Erdogan) dans le giron russe et le président des Philippines, Rodrigo Duterte, a officialisé sa rupture avec les États-Unis tout en annonçant sont rapprochement d'avec la Chine (et la Russie), auxquels s'ajoutent les alliés traditionnels de la Russie.

    Par ailleurs, la stratégie proposée par Brzezinski en 1997 consistant à séparer la Russie de l'Ukraine a non seulement été un échec, mais la tentative s'est conclue par la récupération, par les Russes, de la Crimée.

    Nous avons là les conséquences de ce qu'Emmanuel Todd pointait du doigt en 2002, à savoir l'inquiétude touchant les alliés et clients traditionnels des États-Unis, inquiétude suscitée par la politique follement agressive de Washington, laquelle est diamétralement opposée à celle des vieux empires.

    Avec le recul, si l'on compare la planification géostratégique de Brzezinski faite en 1997 et l'étude prospectiviste d'Emmanuel Todd en 2002, il est évident que l'histoire récente a donné raison au second. Il y a 14 ans Todd écrivait : « Face à la question russe, la stratégie américaine avait deux objectifs dont le premier n est déjà plus accessible et dont le second apparaît de plus en plus difficile à atteindre.

    Premier objectif : une désintégration de la Russie, qui pouvait être accélérée par la stimulation des indépendantismes au Caucase et par une présence militaire américaine en Asie centrale. Ces démonstrations de force devaient encourager les tendances provinciales centrifuges à l'intérieur même de la partie ethniquement russe de la Fédération de Russie. C’était sous-estimer gravement la cohésion nationale russe.

    Deuxième objectif : le maintien d'un certain niveau de tension entre les États-Unis et la Russie devait empêcher le rapprochement entre Europe et Russie - la réunification de la partie ouest de l’Eurasie - en préservant le plus longtemps possible l'antagonisme hérité de la guerre froide. Mais le désordre et l’incertitude engendrés par la politique américaine au Moyen-Orient ont à l'inverse fini par créer les conditions optimales d'une réinsertion de la Russie dans le jeu international, situation dont Vladimir Poutine a immédiatement profité.

    Celui-ci a offert à l'Occident, dans un impressionnant discours prononcé pour l'essentiel en allemand au Bundestag, le 25 septembre 2001, la vraie fin de la guerre froide. Mais quel Occident ?

    Aider à court terme les États-Unis dans leurs opérations micromilitaires et médiatiques en Afghanistan, pays du fantasme stratégique, n'est pour les Russes que l'apparence des choses. L'essentiel, c’est de se rapprocher de l'Europe, première puissance industrielle de la planète. La mesure des flux d'importations et d'exportations permet de définir les enjeux réels du subtil jeu à trois qui se dessine entre la Russie, les États-Unis et l'Europe.

    En 2001, la Russie et les États-Unis ont échangé pour 10 milliards d'euros de biens, la Russie et l'Union européenne pour 75 milliards, soit 7,5 fois plus. La Russie propose implicitement à l'Europe un contrepoids à l'influence américaine sur le plan militaire et la sécurité de ses approvisionnements énergétiques. Le marché est tentant.

    Quelle que soit l'intelligence du livre de Brzezinski, il y avait dans la métaphore de l'échiquier de son titre un je-ne-sais-quoi d'acte manqué, au sens freudien, comme un pressentiment de ratage : on ne devrait pas jouer aux échecs avec les Russes dont c’est le sport national. Ils sont intellectuellement bien entraînés à ne pas faire l’erreur que l'adversaire attend d'eux, en l'occurrence réagir sottement à des provocations sans substance stratégique réelle, en Géorgie ou en Ouzbékistan. Refuser un échange, refuser une prise, refuser un affrontement local mineur proposé par l'adversaire, c'est le ba-ba des échecs. Surtout lorsque l'on est en état de faiblesse. Peut-être évoquera-t-on un jour dans les manuels de diplomatie une "défense Poutine" dont la formulation théorique serait quelque chose du style ; comment obtenir, dans le contexte dune chute de puissance, un basculement des alliances ? »(4)

    Nous sommes aujourd'hui arrivés à la fin d'une séquence d'affrontement, d'une partie d'échec que les Russes sont en train de remporter face aux États-Unis. Dans ce contexte, il reste aux dirigeants états-uniens deux solutions : renverser l'échiquier par une guerre mondiale ou renoncer à l'empire.

    La guerre mondiale ou le renoncement à l’empire

    C'est ce qui explique l'extrême fébrilité et les déclarations ultra-agressives de certains dirigeants américains. L'exemple le plus récent et frappant est celui du chef d'état-major de l'Armée américaine, le Général Mark Milley, qui lors d'un discours public durant la réunion annuelle de l’Association of the United States Army à Washington D.C., le 4 octobre 2016, a menacé directement la Russie, la Chine et leurs alliés:

    « La volonté stratégique de notre nation, les États-Unis, est remise en cause et nos alliances testées comme elles ne l'ont pas été depuis de très nombreuses décennies. Mais je veux être clair ; je veux être sans ambiguïté. Je veux être clair avec ceux qui tentent de s'opposer aux Etats-Unis... nous allons vous stopper et nous allons vous battre plus durement que vous ne l'avez jamais été auparavant... nous détruirons n'importe quel ennemi, n'importe où, n'importe quand... Je mets en garde les ennemis de l'Amérique...

    Nous sommes de plus en plus contestés par des adversaires potentiels très compétents qui agissent clairement en supposant à nos intérêts. Mais si la dissuasion échoue, nous, en tant qu'armée, nous, en tant que nation, devons être prêts à nous battre! D'autres pays, Russie, Iran, Chine et Corée du Nord ont appris de nous... Ils ont étudié notre doctrine, nos tactiques, nos équipements, notre organisation, notre entraînement et nos dirigeants. Et en retour ils ont révisé leurs propres doctrines et ils modernisent rapidement leurs armées aujourd'hui pour déjouer nos forces, dans l'espoir d'arriver à nous vaincre un jour...

    À ce stade nous pouvons développer quelques points que nous avons appris au cours de l'étude que nous avons menée intensément cette année sur la guerre future de haute intensité entre des Etats-nations de grande puissance. Et le premier est sans surprise qu'elle sera hautement mortelle, très hautement mortelle, contrairement à tout ce que notre armée a connu au moins depuis la Seconde Guerre mondiale »(5)

    Il envisage par ailleurs un rapprochement plus franc avec la Chine avec la volonté de la découpler de la Russie - à laquelle il propose implicitement de lui laisser la porte de l'Europe ouverte, afin de détourner son regard de l'Est - en misant sur l'apparition de futures tensions sino-russes ; ainsi il écrit : « Le futur de la Russie dépend de son habilité à devenir la Nation-État majeure et d'influence qui est une partie de l'Europe unificatrice. En ne le faisant pas, cela pourrait avoir des conséquences négatives et dramatiques dans la capacité de la Russie à résister à la pression territoriale et démographique de la Chine, qui est de plus en plus encline, à mesure que sa puissance augmente, à reconsidérer les traités "inégaux" que Moscou a imposés à Pékin dans le passé. La meilleure perspective pour la Chine dans un futur proche est de devenir le principal partenaire de l’Amérique en contenant le chaos global qui émane (y compris pour le nord-est) du Moyen-Orient... Le rapprochement entre la Chine et les nouvelles républiques d'Asie centrale, les États musulmans post-britanniques dans le sud-ouest asiatique (notamment le Pakistan) et spécialement l'Iran (donnant des atouts  stratégiques  et économiques significatifs), sont les objectifs naturels à atteindre dans la perspective géopolitique régionale de la Chine. Mais ils peuvent être aussi les objectifs d'une accommodation globale sino-américaine. »

    Zbigniew Brzezinski, bien plus mesuré, a, cette année même, été contraint, face à la réalité, de renoncer purement et simplement à ses espoirs de domination impériale sans partage, pour éviter une conflagration mondiale, pour maintenir l'influence américaine dans le monde et ses positions stratégiques.

    Il a publié le 17 avril 2016 dans la revue The American Interest un texte au titre explicite « Toward a Global Realignment »(6) (Vers un réalignement global). Avec réalisme et froideur il débute son analyse par le constat suivant : « Les États-Unis sont toujours l’entité politique, économique et militaire la plus puissante au monde mais, étant donné les complexes changements géopolitiques régionaux, elle n'est plus la puissance impériale globale. ».

    Rapprochement avec la Chine ou isolationnisme

    Partant de ce constat, il propose une nouvelle stratégie en plusieurs points et commence par proposer que l'Amérique forge une coalition impliquant, à divers degrés, la Russie et la Chine, pour traiter la crise proche-orientale, en échange de concessions russes - plus diplomatiques que stratégiques à proprement parler - en Ukraine, en Géorgie et dans les Etats baltiques.

    Cette stratégie pourrait ressembler à celle que pourrait appliquer Donald Trump s'il était élu - et ainsi préserver sa propre personne et son mandat présidentiel d'éventuelles représailles d'une  partie de l'oligarchie américaine qui est derrière Brzezinski. En s'alignant sur la nouvelle stratégie de Brzezinski, Trump pourrait alors mener une nouvelle politique internationale, sans affrontement avec la Russie, en ménageant l'oligarchie américaine et en tenant une bonne partie de ses promesses de campagne faite au peuple américain, mais en abandonnant l'idée d'un isolationnisme pur et simple. Car Brzezinski, qui demeure un impérialiste ontologique s'oppose aux isolationnistes américains dont fait partie Trump. Les arguments de Brzezinski, si l'on se place du point de vue de l'establishment américain, ne manquent pas de pertinence (même s'il force évidemment les traits négatifs des conséquences d'une politique isolationniste) :

    « Un retrait compréhensif des États-Unis du monde musulman, favorisé par les isolationnistes américains, pourrait donner naissance à de nouvelles guerres (par exemple, Israël vs Iran, Arabie Séoudite vs Iran, une intervention majeure de l’Egypte en Libye) et pourrait générer une crise de confiance plus profonde quant au rôle de l'Amérique en tant que stabilisateur global. Dune manière différente mais radicalement imprévisible, la Russie et la Chine pourraient être les bénéficiaires géopolitiques de ce type de développement et l'ordre mondial lui-même en serait la victime géopolitique immédiate. Last but not least, dans de telles circonstances une Europe inquiète et divisée verrait ses États membres actuels rechercher des patrons et rivaliser les uns les autres dans des arrangements alternatifs mais séparés parmi le plus puissant trio (il fait allusion à la Grande-Bretagne, à la France et à l'Allemagne). »

    En somme, Brzezinski propose de partager le monde avec la Russie et la Chine ; une sorte de Conférence de Yalta II mais sans guerre mondiale, pour sauver les meubles et la face des États-Unis.

    Jean TERRIEN. Rivarol du 10 novembre 2016

    1 - Emmanuel Todd, Après l'empire, Essai sur la décomposition du système américain, 2002, Gallimard.

    2 - Emmanuel Todd, op. cit., pp. 19-20.

    3 - Zbigniew Brzezinski. Le grand échiquier, 1997, Bayard Editions, pp. 67-68.

    4 - Emmanuel Todd, op. cit., pp. 206-207.

    5 - Voir le discours dans son intégralité sur ; <htfps:// www.les-crises.fr/nous-vous-detruirons-les-terrifiantes-menaces-du-chef-detat-major-des-usa-a-la-russie-et-a-la-chine!>

    6 - Zbigniew Brzezinski, Toward a Global Realignment, The American Interest, 17/04/2016. Paru in : Volume 11, Numéro 6.

  • Trump à la Maison-Blanche ! Les lendemains commencent à déchanter…

    … pour quelques aigris, imbéciles & manipulateurs.

    Fatalitas ! Le peuple américain a osé : il n’a pas gobé le prurit médiatique des je suis partout de tous poils perfusés à l’or golfique ! Un ancien monde qui s’effondre ? Probablement ! une fichue gueule de bois, en tout cas, pour une clique prévaricatrice qui, certainement, devra rendre des comptes !

    | Q. Dites donc, avec Trump aux commandes ça ne va plus très fort entre Paris et Washington ?

    Jacques Borde. Oui, si vous parlez des tweets de Araud, notre calamiteux ambassadeur près l’ONU, et des sorties, tout aussi peu heureuses, de Hollande et de Jean-Marc Ayrault, il y a un peu d’eau dans le gaz, entre c’est vrai. Mais, ça ne devrait pas durer, la réalité va rapidement rattraper tout ce petit monde. Mais que le locataire de l’Élysée prenne, malgré tout, son mal en patience : rencontrer Hollande (selon des sources concordantes) ne serait pas une priorité pour Donald J. Trump.

    | Q. C’est à ce point ?

    Jacques Borde. Oui, lisez donc à ce sujet le texte d’Hilda Stefanian, Cf. La mauvaise éducation de Hollande : Une Bonne « Trump » à l’américaine !

    En tout cas, François Hollande – a contrario des Premiers israélien (Binyamin Nétanyahu), britannique (Theresa M. May), sud-coréen (Hwang Kyo-ahn) et japonais (Shinzo Abe) – n’a pas été invité à Washington. Paris paye tout simplement là l’incongruité, pour ne pas dire (appelons un chat un chat) la stupidité, de ses postures anti-Trump !

    | Q. Doit-on parler de désamour entre Américains et Français ?

    Jacques Borde. Non absolument pas. Cela n’a rien à voir avec la France mais tout avec l’administration Hollande et elle seule. Et, bien au contraire, la nouvelle équipe aime notre beau pays. Si, par exemple, vous prenez Mme. Sarah Palin – pressentie pour être titulaire du US Department of Homeland Security1, le 2ème ministère d’État derrière le US Department of State, rien que ça –, elle a comparé Marion Maréchal Le Pen à Jeanne d’Arc.

    Alors désamour ? Ça dépend avec qui. Et, quelque part aussi (et là c’est beaucoup plus grave) contre qui…

    | Q. Que voulez-vous dire ?

    Jacques Borde. Que Trump même pas encore investi, la donne commence à changer de manière très palpable :

    1- les forces américaines auraient, d’ores et déjà, reçu l’ordre de traiter Jabhat an-Nusrah li-Ahl ach-Chām2 et Al-Jayš al-Fateh (Armée de la conquête)3 comme des ennemis.
    2- Donald J. Trump, aurait demandé au Pentagone de lui donner dans les 30 jours un plan d’action contre Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)4. Ce que Obama n’a jamais fait en huit ans, et qui parait pourtant évident.

    Il va donc devenir urgent pour nous Français de revoir nos alliances et priorités au Levant, car fricoter avec An-Nusrah et consorts (ou à considérer, comme disait Fabius, que ce groupe-phare du nazislamisme takfirî « fait du bon travail ») va rapidement devenir une position impossible à tenir géostratégiquement.

    Sauf à en payer le prix tôt ou tard, tant nous risquons, à force d’erreurs et d’entêtements, de ne plus être dans le même camp que des puissances comme Washington et Moscou.

    | Q. Passons aux États-Unis : lendemains qui déchantent seulement ? Quid de la pétition qui circule pour pousser le collège électoral à voter pour Hillary Clinton ?

    Jacques Borde. Oui, ça agite pas mal la blogosphère. Et c’est, effectivement, la dernière menace (sic) qu’on trouvé des esprits factieux pour tenter de peser, non seulement sur l’arrivée de Donald J. Trump à la Maison-Blanche, mais sur la démocratie, telle que définie par la Constitution des États-Unis.

    Cela est-il crédible ? Franchement, je n’y crois pas. Relisez donc le papier d’Eber Addad  et vous comprendrez mieux. Et, puis que nous en sommes à citer Eber Addad, il nous dit encore ceci :

    « Il y a une pétition qui circule pour pousser le collège électoral à voter pour Hillary Clinton à la place de Donald Trump. Ça n’a aucune chance de se faire puisque les grands électeurs sont des Républicains qui ont été élus pour remplir ce rôle. Ça n’est jamais arrivé dans l’Histoire mais le cas est prévu et une fois un « grand électeur », peut-être au lendemain d’une beuverie, a décidé de voter pour le vice-président plutôt que le président, çà n’a pas eu d’incidence et le président est passé. Ça a même un nom « faithless delegate », un « délégué sans foi »… Mais supposons que ça arrive cette fois parce que certains Républicains sont opposés à Trump. Les conséquences serait au mieux une crise constitutionnelle grave mais plus probablement une guerre civile qui mettrait le pays à feu et à sang. Ce serait changer les règles du jeu au milieu de la partie. Alors pour ceux qui en caressent l’espoir, vos rêves pervers se transformeraient en un cauchemar tel que ça n’arrivera pas! ».

    Ce d’autant que les chambres sont restées aux Républicains. Et, mieux encore, « … les sénateurs qui se présentaient en étant proches de Trump ont tous gagné, ceux des Républicains qui s’en sont éloigné ont tous perdu ».

    Rêver oui, comme le boboland planétaire qui fantasme désormais autour d’un inaccessible Californexit, plus proche du Californication5 d’Hollywood, pourquoi pas ? Mais les délires psychotiques de certains virant à l’émeute sociale ou raciale, ça commence à bien faire ! Nos Je Suis Partout perfusés à l’or golfique devraient apprendre à la fermer de temps en temps.

    | Q. Et pour ce qui est de la réalité, alors ?

    Jacques Borde. On rentre, peu à peu mais aussi sûrement que 2+2 font 4, dans les usages institutionnels prévus par la Constitution. Déjà, l’opposition démocrate (l’officielle, la vraie, il s’entend) vient de faire savoir, par l’intermédiaire de Nancy Pelosi6 et Bernie Sanders, qu’elle avait la ferme intention de coopérer avec le président élu et son administration.

    Peu à peu, les choses vont rentrer dans l’ordre, n’en déplaise aux agitateurs professionnels (dont la hargne est bien proportionnelle aux largesses de tycoons comme Soros) qui se cramponnent désespérément à ce qui ressemble fort à un délire uchronique masturbatoire et post-soixante-huitard.

    Donc, non, pour conclure sur ce point : ce sont bien une nouvelle administration et une nouvelle doctrine militaires qui vont (ou plutôt, sont déjà en train de l’être) être mise en place outre-Atlantique. Alors, autant que, de ce côté-ci du grand océan, ceux qui conduisent aussi mal nos destinées en prennent acte le plus vite possible.

    | Q. Sinon, comment analyser le fiasco médiatique révélé lors de ces présidentielles US ?

    Jacques Borde. Là, c’est beaucoup simple : nos caniches médiatique (quel que soit le côté de l’Atlantique d’où proviennent leurs cris d’orfraie) sont allés déposer leurs crottes journaleuses là où la laisse de leurs maîtres les conduisait ! Désinformer : il en restera toujours quelque-chose. Sauf que, cette fois-ci, ça a raté. Et pas qu’un peu !

    Et, comme l’a si bien dit, Eber Addad, « Un jour, il faudra bien, s’ils veulent continuer à exister, que les journalistes se rappellent que leur métier est de raconter le monde tel qu’il est, pas comme ils le rêvent, qu’ils doivent décrire les faits et les événements pas ne donner que leur opinion et leur sentiment et qu’avant tout ils se doivent d’être honnêtes et le plus précis possible, ainsi ils pourront mieux informer leurs lecteurs. Cet le plus grand flop médiatique international de toute l’histoire de la presse ».

    Normalement, ce dont nous parle Eber porte un nom qui devrait dire quelque chose à la profession : déontologie ! Mais a-t-il encore un sens pour tous ceux qui noircissent, depuis si longtemps, leurs pages sous influence ?

    Jacques Borde

    Notes

    1 Ou Département de la Sécurité intérieure, créé officiellement le 27 novembre 2002 par le Homeland Security Act (Loi sur la sécurité intérieure, Loi Publique n°107-296) en réponse aux attentats du 11 septembre 2001.
    2 Ou Front pour la victoire du peuple du Levant, ou de manière abrégée Front al-Nosra.
    3 Coalition articulée autour d’an-Nusrah li-Ahl ach-Chām (Front Al-Nosra), le bras armé d’Al-Qaïda en Syrie. Se compose, pour être complet, de : Ahrār ach-Chām (Mouvement islamique des hommes libres du Cham), Jund al-Aqsa (Les soldats de Jérusalem), Liwāʾ al-Haqq, Jayš al-Sunna, Ajnad ach-Chām et de la  Légion de Cham.
    4 Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.
    5 Assez mauvaise série télévisée, créée par Tom Kapinos.
    6 Chef de file des démocrates à la Chambre des Représentants depuis 2002. Speaker de la Chambre des Représentants du 4 janvier 2007 au 3 janvier 2011,

    http://www.voxnr.com/6161/trump-a-la-maison-blanche-les-lendemains-commencent-a-dechanter-pour-quelques-aigris-imbeciles-manipulateurs

  • Gwynneth Paltrow, Donald Trump et la Survie

  • Pourquoi les catholiques ont voté pour Trump

    Alors que le pape François avait déclaré que Trump n’était pas chrétien, au motif qu’au lieu de construire des ponts il entendait édifier un mur entre le Mexique et le territoire américain, 52 % des catholiques ont voté pour lui, contre 48 % pour Hillary Clinton, s’affranchissant du jugement pontifical. Aucun des finalistes n’était catholique, Clinton étant méthodiste et son adversaire presbytérien.

    Sans doute, le fait que Trump soit « pro life », c’est-à-dire contre l’avortement, a-t-il joué. Mais pas tant que ça, car l’homme a beaucoup varié sur la question, comme sur d’autres. En revanche, son colistier Mike Pence, évangélique, a toujours été un ardent et courageux défenseur du respect de la vie. C’est plutôt la question de la liberté religieuse qui a été déterminante. On aurait pu penser que dans un pays où les confessions diverses et les sectes improbables poussent aussi facilement que champignons sous la pluie, la liberté religieuse n’était plus un problème.

    C’est oublier que sévit également une religion séculière, prétendument humaniste, qui entend s’imposer à ceux qui refusent ses injonctions violant la loi naturelle. Parmi ceux qui refusent cette religion-là, il y a une majorité de catholiques. Or, Obama, à travers une prétendue politique sociale, dite Obamacare, a imposé aux employeurs de payer pour leurs salariées le coût de la contraception et de l’avortement. On a vu ainsi des Petites sœurs des pauvres contraintes de régler la pilule de leurs employées ! Trump, dans une lettre à la conférence épiscopale américaine, s’est engagé à travers l’abrogation de l’Obamacare à restaurer la liberté religieuse ainsi bafouée.

    Ce n’est pas tout ! Dans les courriels des proches d’Hillary Clinton, révélés par Wikileaks, on apprenait que des membres de son équipe de campagne évoquaient la nécessité d’organiser un « printemps catholique » à l’intérieur de l’Eglise, pour y faire avancer les idées progressistes afin que reculent les tendances « réactionnaires ». Ces suggestions émanant du directeur de la campagne d’Hillary Clinton lui-même. Cela explique pourquoi alors que Clinton, à la fin de l’été, faisait la course en tête dans l’électorat catholique, elle a été battue par Trump dans la dernière ligne droite.

    Guy Rouvrais

    Article paru dans Présent daté du 19 novembre 2016

    http://fr.novopress.info/

  • Nous vivons un séisme politique d’une grande puissance !

    Les plaques tectoniques qui structuraient les rapports de force ont bougé. Un nouveau paysage apparaît à la surface.

    Le monde occidental est sans doute en train de vivre un séisme politique. Les plaques tectoniques qui structuraient les rapports de force ont bougé. C’est seulement maintenant qu’un nouveau paysage apparaît à la surface.

    Lors de la publication de son livre Démocratie française, en 1976, Valéry Giscard d’Estaing avait pronostiqué une évolution de la société française vers un grand groupe central.

    Le recul de l’industrie au profit des activités tertiaires allait inaugurer le règne des classes moyennes. La lutte des classes perdait ses supports. Le PC devait s’effondrer et l’activité politique se regrouper au centre. L’exemple américain était dans les esprits depuis le succès du Défi américain de Jean-Jacques Servan-Schreiber. Aux États-Unis, le Parti démocrate et le Parti républicain étaient des partis centristes, le premier un peu plus à gauche que le second

    Lire la suite

  • Opération Sangaris : retour sur l’enfer Centrafricain

    Opération SangarisL’Est Républicain publie le témoignage d’un colonel lorrain qui revient sur cette mission de l’armée française en Centre-Afrique.

    Son récit prend aux tripes. Le colonel Didier Leurs raconte l’enfer centrafricain comme s’il y était encore. « Chacune de mes conférences se termine par une « standing ovation ». Comme si les gens découvraient la violence de cette mission », s’étonne l’ancien chef de corps du 16ebataillon de chasseurs de Bitche.

    L’opération Sangaris en Centrafrique s’est achevée le 31 octobre, dans l’indifférence générale qui l’a accompagnée pendant ses trois ans d’existence. Un déficit de notoriété qui tranche avec les dommages dévastateurs générés dans les rangs par cette Opex (opération extérieure). « Au retour, la moitié de ma section a quitté l’armée », confie un gradé lorrain sous couvert d’anonymat. « Les syndromes post-traumatiques sont plus profonds et importants qu’en Afghanistan », reconnaît le colonel Leurs, qui a vécu les deux théâtres. 

    De juin à octobre 2014, en plein pic génocidaire, il a dirigé à Bangui, la capitale, un groupement tactique interarmes. La mission la plus complète qu’il ait jamais connue sur le plan stratégique : « Il y avait tous les jours des défis logistiques à relever et des choix à opérer, compte tenu du peu de forces dont nous disposions vis-à-vis des besoins. Mais je n’ai eu que des héros. Jamais personne n’a reculé. » Les chiffres qu’il égrène sonnent pourtant comme autant de rafales de balles : « En quatre mois, on a eu 34 engagements armés, 20 opérations de fouilles durant 9 à 10 heures chacune, sous tension extrême, quatre blessés et 27 évacués, dont certains pour des syndromes post-traumatiques. C’était éprouvant. »

    Chaleur humide, matériel de 40 kilos à porter quotidiennement, conditions ultrarustiques en début de mandat, les organismes ont morflé : « Même si l’on est entraîné pour ça, on est allé au-delà de nos limites. Notre seule journée de repos a coïncidé avec notre engagement le plus dur ! »

    Mais c’est surtout le psychisme, dans cette mission de maintien de la paix sans ennemi identifié, qui a été mis à rude épreuve : « Passer quatre mois non-stop en zone urbaine, au cœur de la population, est inédit. » « Le soldat est en permanence sous l’emprise de cette pression. Ne jamais disproportionner la réponse requiert un effort de chaque seconde pour éviter toute catastrophe stratégique. »

    Et ce alors que les tensions entre seleka musulmans et anti-balaka chrétiens donnent lieu à des exactions d’une rare sauvagerie, pouvant aller jusqu’au cannibalisme : « On a eu affaire à l’horreur tous les jours et ça, on ne s’y habitue jamais. »

    Un cumul de difficultés difficile à absorber pour les troupes. S’y ajoute le manque de reconnaissance : « Les soldats ont mis quotidiennement leur vie en jeu là-bas. Quand ils rentrent, personne ne sait ce qu’ils y ont fait, même pas la nation. Et les médias n’évoquent ce théâtre que pour parler d’abus sexuels encore en cours d’instruction. » Le décalage interpelle le colonel Leurs, fier du bilan français : « Quand on est arrivé, c’était la loi du plus fort et le chaos. On laisse à l’Onu un pays en voie de normalisation. »

    http://www.contre-info.com/operation-sangaris-retour-sur-lenfer-centrafricain#more-42868