Ce pays est décidément en marche. Son gouvernement, ses manifestants – pas un mois sans que ne s’ébranle un cortège de mécontents sur le pavé – et, surtout, sa morale. Qui avance si vite que l’on peine à suivre.
Prenez la polygamie. Eh bien, on peut désormais dire haut et fort, dans Paris Match, que c’est une « expérience formidable ». C’est, en tout cas, ce qu’affirme Assa Traoré (numéro du 11 juin dernier), forte de l’exemple de son père, « leader charismatique » arrivé du Mali à 17 ans pour y travailler au service de la propreté de la ville de Paris, qui s’est marié quatre fois, donnant le jour à 17 enfants : après avoir divorcé de deux Françaises, épousées, celles-ci, successivement, il a fait ménage à trois avec les deux dernières, d’origine malienne, Hatouma et Oumou, respectivement mères d’Assa et Amada : « Les deux compagnes cohabitent, les dix enfants qui naissent ne font aucune différence entre elles, ce sont [leurs] deux mères ». Ces dernières elles-mêmes « n’ont jamais fait de distinction entre tous ces petits »… c’est donc un tableau idyllique que dépeint la jeune femme, rapporté par deux journalistes dans les colonnes du magazine sans l’ombre d’une distance critique.