Polémologue sociologue des médias, spécialiste de la guerre de l’information, François-Bernard Huyghe (www huyghe.fr) analyse les stratégies d’influence. Derniers travaux le glissement d’une société d’autorité vers un système où il faut d’abord séduire mais aussi formater pour convaincre.
Comment sommes-nous passés des sociétés dominées par la figure de l'autorité à ce que vous appelez des « démocraties d'influence » ?
François-Bernard Huyghe : L'autorité permet d'obtenir l'obéissance sans recourir à la carotte ou au bâton. C'est un concept hérité des Romains. Le Sénat avait l'« auctoritas », qu'il tenait des origines de Rome. Cela suppose respect et soumission de l'inférieur. Il en va différemment de l'influence. Personne ne vous dira « Je suis sous l'influence de. », ou alors pour s'en plaindre et aller consulter son psy. L'influence vise à changer la façon dont autrui perçoit et juge. Elle fonctionne de façon informelle, souvent invisible et ne peut agir que lorsqu'elle est intériorisée. Elle déplace le centre de gravité du pouvoir. Influencer, c'est peser sur la décision publique ou sur l'opinion d'autrui. Bref, changer le monde en changeant les esprits. Des groupes et des institutions pratiquent l'influence publique, systématiquement et professionnellement. Hier, c'était des prédicateurs ou des commissaires du peuple. Aujourd'hui, des psychologues, des consultants, des spin doctors et des communicants.