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tradition - Page 155

  • Le féminisme, une idéologie dépassée

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    Ex: http://zentropa.info

    Les combats des femmes d’aujourd’hui ne peuvent être ceux des féministes d’hier : les Antigones entendent sortir de l’impasse idéologique du féminisme conventionnel, système mensonger qui détourne les femmes des enjeux réels de notre société. Notre féminité retrouvée et assumée sera notre arme pour construire le monde de demain !

    Dans le combat culturel de notre siècle, sortir de l’impasse féministe est une nécessité et une urgence. Le féminisme conventionnel, dont les mots d’ordre n’ont pas changé depuis les années 1950, est une idéologie dépassée incapable de faire face aux enjeux réels de notre temps. Le féminisme d’autrefois était une force de révolte et de contestation contre des normes aberrantes : nous saluons toutes celles qui ont lutté pour rendre leur dignité sociale aux femmes, en les sortant de l’impasse du XIXe siècle bourgeois. Nous sommes les héritières de leurs luttes. Mais notre époque est celle d’une rébellion bien conventionnelle : les institutions féministes sont devenues des tentacules étatiques prônant la liberté du producteur-consommateur. Le féminisme a vécu : il est temps de le dépasser. Pour commencer, abandonnons les combats illusoires.

    Refuser les combats illusoires
    Les féministes conventionnelles combattent encore et toujours un patriarcat imaginaire, bataillant contre quelques arbres qui cachent la forêt, orientant la société vers des débats contre-productifs, sinon dangereux.
    Le débat est-il vraiment celui de la parité dans les conseils d’administration ? Ne serait-ce pas plutôt celui d’une redéfinition de notre système économique basé sur l’exploitation illimitée de nos ressources naturelles et humaines ?
    Le débat est-il vraiment celui de la taxe tampon ? Ne serait-ce pas plutôt le moment de nous affranchir de la culture du jetable ? Les tampons sont toxiques et à usage unique, une coupe menstruelle se garde dix ans.
    Parlons pilule : le débat est-il vraiment celui de la libre disposition de son corps ? Ne serait-ce pas plutôt celui de se libérer de cette castration chimique supportée par les femmes, de ces hormones de synthèses que l’on achète tous les mois, qui bloquent l’ovulation sous couvert de confort ? Ne serait-ce pas plutôt de se reconnecter à son corps, d’apprendre à reconnaître son cycle et à maîtriser soi-même sa fécondité ?
    Le débat est-il vraiment celui du partage du temps dans le congé parental ? Ne serait-ce pas plutôt celui de la redéfinition de la place de la famille dans la société, du rôle primordial de la mère les premiers mois du nourrisson ?
    Le combat est-il vraiment celui du Madame ou du Mademoiselle quand des femmes sont agressées dans les rues de Cologne ? Le combat est-il vraiment celui de l’ « égalité réelle » quand 80% des travailleurs du dimanche dans les zones touristiques sont des femmes à temps partiel ? Le combat est-il vraiment de sortir madame Sauvage de prison quand les coupables de violences sont relâchés après deux mois d’incarcération?

    Nous pourrions écrire un livre sur ces faux sujets sur lesquels s’escriment les féministes actuelles, jouant ainsi parfaitement le jeu du capitalisme libéral-libertaire ! Ce féminisme déconnecté du réel n’a aucune réponse à apporter aux Françaises.

    Retrouver notre féminité
    Les mouvements idéologiques des dernières décennies n’ont eu de cesse de déconstruire les rapports hommes/femmes pour mieux atomiser la société, en faisant de la femme un homme comme les autres ou en défendant l’idée de la guerre des sexes. Nous dressons de leurs actions un bilan dévastateur. Ces raisonnements stériles ont gravement impacté les rapports entre les sexes, que les féministes considèrent soit comme une interminable lutte entre oppresseur et opprimé, soit comme une rivalité jalouse. Nous sommes les deux moitiés du même ensemble, aussi indispensables l’un à l’autre que le jour et la nuit ! L’homme et la femme ne s’additionnent pas, ils forment un tout cohérent qui tend vers l’harmonie, ils sont interdépendants et essentiels à la fécondité de l’humanité, dans tous les sens de ce terme. Le nier relève de postures politiques et idéologiques qui minent nos vies quotidiennes et hypothèquent l’avenir.

    Nous pensons que la culture s’ancre dans la nature, que les différences sexuelles existent biologiquement et, en s’exprimant, structurent symboliquement la société. Il n’y a pas rupture, mais continuité et interpénétration entre la nature et ses mises en scène culturelles. Vivre pleinement son sexe biologique constitue le meilleur moyen d’en renouveler la construction sociale et d’obtenir des changements en accord avec ce que nous sommes. Tandis qu’affirmer, sans nuance, que le genre n’est qu’une construction culturelle source d’injustices, qu’il convient de supprimer les normes et les repères constitue une erreur fondamentale et destructrice !

    Cette complémentarité des sexes ne doit pas être vécue de manière fixe, avec une liste de tâches « féminines » ou « masculines ». Pour autant, calquer nos comportements sur ceux des hommes est vain. La différence n’est pas synonyme de domination ou de hiérarchie ; un peu d’altérité ne ferait pas de mal dans ce monde de Narcisse !

    Construire la société de demain
    Nous ne sommes pas les victimes des hommes ou du patriarcat international. Notre combat est ailleurs : nous voulons nous libérer d’une société déshumanisée, qui n’est plus qu’une machine économique sans âme, sans passé ni avenir. Avec la complicité des féministes, les femmes sont les premières consommées et les premières consommatrices de notre « société kleenex ». Nous avons une place essentielle dans cette lutte.
    Les Antigones prônent l’autonomie des femmes et leur enracinement dans leurs familles, dans la vie locale, dans la société. Construire l’avenir est notre combat essentiel : nous ne reposons pas seulement sur nous-mêmes, et avons des comptes à rendre à nos héritiers. Alors que le féminisme beauvoirien ose affirmer que la maternité est un fardeau, une discrimination, nous considérons que donner la vie, permettre à demain d’exister, est un bel et bien un privilège. Et nous entendons en user comme tel. Afin de créer le lien entre le passé et l’avenir, de transmettre la mémoire et le sens des choses, la chair et le sang d’une civilisation. Or la maternité est aujourd’hui mise en danger par sa technicisation : GPA, congélation d’ovocyte, demain utérus artificiel, etc. Si la maternité est un moment par nature féminin, il n’est pas la propriété des individus, mais la condition d’existence de l’humanité. Permettre aux femmes de vivre une maternité libre et sereine devrait donc être une préoccupation féministe de premier ordre, au lieu de l’envisager comme une servitude ou un frein à la carrière !

    Cela dit, les femmes ne vivent évidemment pas leur fécondité uniquement à travers la maternité, d’autres voies, toutes aussi importantes, demandent encore et toujours à être explorées. Transmettre peut se faire de mille façons et notre féminité, notre nature féconde et créatrice, est une arme dans ce combat. Cela commence par les actes : changeons nos habitudes de vie qui servent le capitalisme de séduction. Obstinément, jour après jour, grain de sable après grain de sable.

    Le combat des femmes, c’est ici et maintenant. Dans la rue, les journaux et les livres pour faire entendre nos voix. Au foyer, centre d’où l’on rayonne. Dans les bois, les champs et nos jardins pour nous réapproprier la nature. Loin des systèmes idéologiques, ancrées dans la réalité de nos vies.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Quelques notes sur la notion d' “aristocratie”

    Un projet politique, projet culturel, reposant nécessairement sur un certain nombre de choix éthiques qui expriment, à l'aide de références choisies tenues pour cohérentes, les aspirations, les idéaux, la culture de leurs promoteurs.

    De toutes ces références, de ces “mots-clés” qui s'affrontent, s'appuient et se repoussent au gré des “combats d'idées”, il en est une, pas la plus employée ni la plus claire, qui mérite qu'on s'y arrête : celle d'“aristocratie” qui poursuit, çà et là, une carrière idéologique déjà ancienne. Le terme est suffisamment vague pour qu'on l'admette sans examen et, de plus, il est évocateur d'histoire(s). C'est cependant un terme suspect, au contenu ambigu et dont l'usage ne va pas de soi. Son insignifiance politique présente contraste plaisamment avec l'abus que l'on en peut faire dans certains milieux droitistes. C'est pourquoi tout débat sur la notion d'“aristocratie” doit commencer par une clarification sémantique. Ce faisant, on n'é­chap­pera pas, et l'on s'en excuse, aux déterminations intellectuelles de l'espace francophone. Mais si le mot est d'introduction récente en français (le terme aristocratie, latinisé dans les traduc­tions d'Aristote, n'est usuel qu'à partir de 1750 ; l'aristocrate date du XVIe s. et ne se vulgarise, si l'on peut dire, qu'à la veille de la révolution [1778, Linguet] [1]), la notion est ancienne.

    Il faut donc s'attacher à donner des points de repère historiques relatifs à l'origine de cette notion, tant il est vrai que le “style aristocratique”, quelles que soient les analogies que peuvent pré­senter sur ce point différentes civilisations, ne se laisse définir que dans un milieu culturel donné, en relation avec une situation historique précise. “L'aristocratie chinoise”, ou pharaonique, ou inca, mais on risquerait alors de méconnaître l'univers mental particulier qui les explique.

    Aussi ces quelques notes s'attachent-elles aux données de la tradition indo-européenne, reconnues comme fondement de la notion européenne d'“aristocratie”. On a ainsi accès moins aux réalités des aristocraties historiques qu'à l'image que nous permettent d'atteindre les textes les plus anciens des cultures indo-européennes.

    ◘ 1.1. Le vocabulaire

    Le sens du terme ayant varié au cours des temps, il convient de rechercher les valeurs premières. Si l'on se reporte au grec ancien, on se rend compte que les composés en aris- sont extrêmement nombreux, de même que les noms de personnes. C'est l'indice d'une notion traditionnelle conservée par le formulaire et comme telle révélatrice des idéaux du peuple qui l'utilise, donc une notion fondamentale.

    Le terme áristos sert de superlatif à ágathós (bon), et s'applique à “l'excellent”, au “meilleur”, au “plus brave”, au “plus noble”. L'aristocrate est donc celui qui se distingue dans un emploi précis, jugé essentiel par la tradition nationale. À l'origine, l'emploi devait être guerrier, l'áristeus étant “celui qui tient le premier rang”, le “chef le plus distingué, le plus brave”. Chez Homère, le terme s'applique à la suite ou à l'entourage des rois (Iliade 15, 363 ; 23, 236, etc…), d'où l'épique ándres áristèes. L'áristeía est la supériorité, notamment la vaillance et, au pluriel, les hauts faits, les exploits qui procurent la gloire ári-prepéoos“impérissable”. Aussi trouve-t-on l'adverbe ári-prepréoos (avec distinction, supé­rieurement). La notion de hiérarchie, ou mieux de hiérarchisation (active) des mérites n'est pas loin et se traduit dans le vocabulaire du gouvernement : áristarxéoo est “exercer la magistrature avec distinction”, on classe les hommes áristíndèn (par rang de noblesse ou de mérite). L'idéal social d'áristeúoo (exceller) entretient les espérances lignagères, d'où le composé áristogónos(qui enfante les plus nobles fils). L'áristokratía est donc le “gouvernement des plus puissants ou des meilleurs”. “L'aristocratie” est donc une notion issue de l'expérience sociale, vérifiée et somme toute relative. Elle n'est pas un concept métaphysique.

    ◘ 1.2. Dans la tradition indo-européenne

    ♦ 1.2.1. L'individu dans le groupe

    On remarque l'association de “l'aristocratie”, qui est un terme composé et donc secondaire par rapport à la notion d'aristeia, constatée, éprouvée dans les faits, avec les valeurs guerrières et la compétition sociale. Le rapport avec l'indien arya- est probable mais le sens de ce dernier terme est discuté (2) : l'arí- (avec sa personnification le dieu Aryaman) désigne la confédération des tribus qui constitue la “nation”, tous ceux qui se revendiquent du même “naître” ; mais en même temps qu'il désigne la communauté nationale par opposition aux non-aryens, arí- désigne l'étranger à la famille, au clan et à la tribu. Émile Benvéniste a pu écrire que le style indo-européen était “aristocratique” et Meillet n'a pas dit autre chose : l'analyse du vocabulaire hérité montre que l'indo-européen « est une langue de chefs et d'organisateurs imposée par le prestige d'une aristocratie » (3). L'étude du formulaire traditionnel confirme cette impression d'ensemble : « on y trouve l'image d'une fière aristocratie guerrière, qui aime la vie, les larges espaces, les biens de ce monde et par-dessus tout la gloire, et qui consacre à l'élevage, aux sports équestres et à la chasse les loisirs du temps de paix. Aristocratie pour qui le “caractère” (*ménos) est la qualité essentielle de l'homme, et la gloire (*kléwos, ce qu'on entend) le but suprême de l'existence » (4). Nul doute que l'organisation distendue de la “nation” entre clans rivaux et compétiteurs a favorisé la sélection de ces “aristocraties” guerrières. Tel est encore le mode d'organisation de plusieurs peuples indo-européens historiques, en particulier les Celtes de l'Antiquité et du Haut Moyen Âge irlandais.

    “L'aristocratie” se laisse ainsi définir comme la recherche et la maîtrise d'une perfectiontechnique dans les activités caractéristiques de son mode de vie et génératrices de hauts faits. Les exploits du guerrier lui valent la gloire, la “bonne réputation” qui fait que l'on parlera de lui. C'est le seul moyen de conquérir l'immortalité, car la gloire est “impérissable” (formule reconstruite à partir de védique áksitan ´srávah et grec homérique kléos áphthiton [5]). Le meilleur échappera ainsi à l'anonymat de la “seconde mort” qui est le lot commun de ceux que guette l'oubli.

    Comment cette idéologie d'apparence très “individuelle” s'inscrit-elle dans une doctrine sociale éminemment communautaire, entretenue par une tradition orale nécessairement supra-individuelle ? C'est d'abord que la recherche de gloire profite au groupe tout entier, puisqu'elle lui assure la maîtrise du “large espace”, de “l'espace pour vivre”. Ainsi les cosmogonies vantent les exploits du héros qui a fixé le soleil et repoussé les Ténèbres (Indra), servant en cela l'Ordre divin et rendant possible la vie du peuple et de l'univers (libération des eaux / vaches / aurores). La victoire militaire permet aussi l'instauration du sacrifice, l'organisation mystique de l'espace, la maîtrise distinctive des champs de pouvoir (les différents ager de Rome). C'est aussi parce que la réussite individuelle renforce le sens de la lignée dont la famille, le premier des cercles de l'appartenance sociale, est l'expression synchronique :

    « Les devoirs envers la lignée sont ceux du système que les sociologues nomment trustee, caractérisé par la croyance que la race, la lignée étaient la réalité métaphysique, et que l'individu n'était qu'un maillon transitoire d'une chaîne permanente de la famille idéalement éternelle, gardant le nom, la réputation, le statut et la propriété de la famille en dépôt (in trust) pendant son temps de vie. C'était la responsabilité de l'individu de transmettre ce dé­pôt non diminué et si possible accru par sa propre conduite. L'individu acquérait l'immortalité quant la postérité et en particulier ses propres descendants se rappelaient son nom avec orgueil et honneur » (6).

    Cette conception est inséparable de la solidarité clanique (famille étant ici à entendre comme “grande famille”, élargie à l'ensemble de la parenté, pratiquement l'unité réelle de la vie nationale). C'est d'ailleurs la reconnaissance de la solidarité-dépendance qui seule permet l'existence sociale. On peut résumer ainsi É. Benvéniste (7) : « En latin et en grec, l'homme libre, *(e)leud­heros, se définit positivement par son appartenance à une “croissance”, à une “souche” ; à preuve, en latin, la désignation des “enfants” (bien nés) par liberi : naître de bonne souche et être libre, c'est tout un. En germanique, la parenté encore sensible par ex. entre all. frei (libre) et Freund (ami), permet de reconstituer une notion primitive de la liberté comme appartenance au groupe fermé de ceux qui se nomment mutuellement “amis”. À son appartenance au groupe — de croissance ou d'amis — l'individu doit non seulement d'être libre, mais aussi d'être soi : les dérivés du terme *swe, gr.idiotes (particulier), lat. suus (sien), mais aussi gr. étes, hetaîros (allié, compagnon), lat. sodalis (compagnon, collègue), font entrevoir dans le *swe primitif le nom d'une unité sociale dont chaque membre ne découvre son “soi” que dans “l'entre-soi”.

    On n'est libre que dans le mesure où on reconnaît sa dépendance de nature, on n'est une personne que dans la mesure où le groupe vous reconnaît. L'aristocratie, la première à suivre le modèle social des sodalités et des unions de lignages, avec le système complexe d'engagements réciproques qu'elles supposent, participe entièrement de cette idéologie de la cohésion sociale, de type pourrait-on dire génétique.

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  • Schopenhauer : critique de la morale kantienne

    « Agis seulement d’après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » Emmanuel Kant, in Fondation de la métaphysique des mœurs (1ère formulation)

    Schopenhauer est un grand admirateur de Kant. Il salue avec ferveur l’importance de La Critique de la Raison pure(1781 et 1787), et, de manière plus générale, l’apport de l’idéalisme transcendantal dans l’histoire de la philosophie. En effet, on peut considérer l’œuvre de Kant comme la charnière entre la philosophie moderne et contemporaine (certains voient même en Kant l’inventeur de la phénoménologie). Cependant, si l’admiration de Schopenhauer est grande, son indignation l’est tout autant à la lecture de la Critique de la Raison pratique (1788). Il écrit alors, dans le cadre d’un concours organisé par la Société royale des sciences du Danemark, un véritable pamphlet contre la déontologie kantienne, Le Fondement de la morale (1841). Bien qu’étant le seul à concourir, Schopenhauer ne remporta pas le prix. Il fut jugé indigne, la philosophie de Kant étant sacro-sainte à cette époque, une telle critique ne pouvait se légitimer. La pensée de Schopenhauer, même si elle est souvent violente et problématique, mérite toute notre attention. Nous étudierons donc les arguments qu’oppose Schopenhauer à la philosophie morale de Kant. La réfutation tourne autour de deux arguments principaux :

    – La morale kantienne, dans sa forme même, c’est-à-dire impérative, est éminemment problématique.

    – Le fondement de la déontologie kantienne, la liberté comme autonomie de la volonté, entre en profonde contradiction avec la philosophie de Schopenhauer.

    Cependant, Le Fondement de la morale se présente comme une série d’arguments juxtaposés, plus ou moins pertinents. Il sera donc assez difficile (même si l’œuvre est plutôt courte) de rendre compte, dans notre devoir, de la totalité des objections. Néanmoins, nous essaierons de tirer l’essentiel de la critique schopenhauerienne en s’intéressant aux arguments les plus fondamentaux, qui sont, eux-mêmes, plus ou moins légitimes. De plus, on peut penser qu’il existe un terrible décalage entre la philosophie de Kant et celle de Schopenhauer. Certains présupposés (notamment sa conception de la volonté), à la base de son œuvre principale Le monde comme volonté et comme représentation (1818), rendent impossible la conciliation entre les deux esprits. Nous nous pencherons donc, en premier lieu, sur un point fondamental de la déontologie kantienne que critique Schopenhauer : la liberté comme condition de possibilité de la morale. Ensuite nous verrons en quoi Schopenhauer reconduit la morale kantienne à la simple recherche du bonheur. Ensuite nous montrerons en quoi, pour Schopenhauer, la loi morale de Kant demeure influencée par la morale théologique, notamment par le démontage de la forme impérative. Finalement nous expliquerons la position de Schopenhauer et surtout son scepticisme vis à vis de la raison comme principe fondateur de la morale. Il s’agit tout d’abord de rappeler quelques éléments fondamentaux de la philosophie de Schopenhauer.

    L’enjeu premier de son œuvre est la chasse aux illusions, son entreprise passe par une critique radicale de la représentation (elle est faussée) et de la liberté humaine (elle n’est qu’une illusion). Aux yeux de Schopenhauer, l’univers est gouverné par un principe immanent à toute chose : la volonté. Il faut, bien sur, entendre ce terme dans un sens très précis, la volonté de Schopenhauer ne doit pas être envisagée comme l’attribut humain classique mais comme une entité substantielle, métaphysique, une force vive hypostasiée ; la volonté de Schopenhauer est la chose en soi. Ce qui caractérise la volonté de Schopenhauer, ce qui fait que sa philosophie n’est pas un léger déplacement mais une véritable rupture, est qu’elle est absolument irrationnelle. L’homme est donc gouverné par une volonté folle, qui décide pour lui. Aux yeux de Schopenhauer, nous sommes complètement déterminés, nous sommes les marionnettes de la volonté. La seule véritable liberté nous est extérieure (même si la volonté est dans les choses). Il y a chez Schopenhauer un refus radical de l’anthropocentrisme. En effet, nous n’occupons, en aucun cas, une place particulière par rapport aux autres êtres naturels. Nous sommes, au même titre que les animaux et les plantes, déterminés par notre environnement et nos désirs ; même si le schéma, quand il doit s’appliquer à l’homme, est plus complexe. Il découle naturellement de ce présupposé que la liberté humaine est une grande illusion. Nous ne décidons jamais à partir d’un vouloir libre, la volonté individuelle n’existe pas, ce n’est qu’une manifestation particulière et fourbe de la volonté métaphysique. En revanche, à la fin de la deuxième section de la Fondation de la métaphysique des mœurs, Kant définit la volonté comme absolument autonome. C’est une volonté libre, inconditionnée. Elle échappe à toute détermination, ou du moins, la seule chose qui la « détermine » est la liberté, comme principe premier de son autonomie. Pour Kant, nous sommes libres. Il tient, comme tous les grands penseurs de la causalité, « les deux bouts de la chaîne » (Bossuet). Nous sommes à la fois soumis à la causalité mécanique, c’est-à-dire au déterminisme naturel, et à la causalité par volonté, la liberté. Pour Kant, l’une n’exclut pas l’autre. Kant est compatibiliste, il cherche à dépasser la contradiction en pensant la liberté comme une Idée de la raison.

    Il y a donc une véritable incompatibilité entre la philosophie de Schopenhauer qui pense la volonté comme une sorte d’hypostase irrationnelle et la déontologie kantienne qui pose comme condition la liberté de notre vouloir. Aux yeux de Schopenhauer, le point le plus problématique de la philosophie morale de Kant est l’hypothèse du libre arbitre. En effet, pour Kant, la liberté humaine est possible, elle n’est pas incompatible avec le déterminisme naturel. Nous sommes nous-mêmes des causes au sein de l’ordre des causes.

    C’est à partir de ce présupposé que Schopenhauer peut déployer son argument principal qui est comme la toile de fond du Fondement de la morale. Kant, nous l’avons déjà évoqué, fonde sa philosophie morale sur un impératif catégorique, l’homme afin d’agir de manière morale peut (ou doit) choisir de répondre à ce même impératif. C’est en étant guidé par une « volonté bonne » qu’il peut y adhérer. Cette « volonté bonne » n’est d’ailleurs possible que si l’homme est libre. Car, comme le pense Kant, à quoi bon penser la volonté si celle-ci n’est pas libre. Ce postulat très traditionnel est intéressant ; c’est comme si Kant, de manière anticipée, apportait un discrédit à la philosophie de Schopenhauer. A quoi bon penser une volonté qui ne soit pas libre ? C’est exactement ce que fait Schopenhauer quand il thématise le principe d’individuation dans Le monde comme volonté et comme représentation. La volonté humaine n’est pas libre, ou plutôt, il n’y a pas de volonté humaine, elle est illusoire, il n’y a qu’une volonté métaphysique. Celle-ci se sert de nous, elle nous laisse croire que nous disposons de notre volonté afin de pouvoir affirmer son existence ; en fait la volonté individuelle n’est qu’un moyen pour que la volonté métaphysique s’accomplisse et persévère.

    Schopenhauer voit dans la position kantienne sur la liberté un aveu de faiblesse. En effet, à la fin de la deuxième section de la Fondation de la métaphysique des mœurs, Kant nous dit que la liberté ne peut avoir qu’une valeur théorique, c’est une Idée de la raison, on ne peut que la supposer et en aucun cas la démontrer. Pour Schopenhauer, il est absolument inadmissible de fonder une philosophie morale, « pratique », sur un présupposé absolument « théorique ». Kant avait pourtant montré beaucoup de réserves en ce qui concerne la réalité pratique de la liberté de vouloir, il affirme qu’elle n’a de valeur réelle que dans la philosophie théorique. Schopenhauer est donc bien étonné de voir ce principe friable au fondement de la morale de Kant. De plus, il y aurait comme une incompatibilité entre la liberté, comme Idée de la raison, et la philosophie morale qui, pense Schopenhauer, doit s’intéresser au monde, à la réalité. Schopenhauer pense, nous l’avons dit plus haut, que la liberté chez Kant n’est pas prouvée, elle est simplement théorisée ; cette manière d’aborder le problème trahit une insuffisance dans la pensée de Kant.

    De manière plus générale, Schopenhauer pense que la tradition philosophique, quand elle se penche sur le problème de la morale, se trompe dans la manière de procéder, ou du moins se satisfait d’un primat discutable. En effet, Schopenhauer distingue dans le chapitre VI du Fondement de la morale, le ο, τι (littéralement, « le fait que ») du διοτι (« pourquoi ») de la vertu. Le ο, τι désigne quelque chose comme une approche spéculative de la morale, son but est de fonder un premier principe, c’est une approche déontologique, c’est celle de Kant. Le διοτι, en revanche, peut s’identifier à une perspective beaucoup plus pratique, il ne s’agit plus de donner à la morale une base formelle qui tendrait à l’universel mais bien plutôt de répondre concrètement à la question « Que dois je faire ? » (Socrate illustre bien cette approche). Pour Schopenhauer, la tradition se trompe en accordant le primat au o, τι de la vertu, en effet, la véritable difficulté réside dans le διοτι. Pour Schopenhauer, la tradition philosophique a choisi la facilité en voulant seulement établir un principe théorique, il est beaucoup plus problématique de dicter un comportement juste aux hommes par rapport à leurs actions particulières.

    Selon Schopenhauer, la morale de Kant est donc complètement détachée de la réalité. En effet, Schopenhauer pense que la morale doit tirer sa teneur de l’expérience. Or, Kant soutient que « dans une philosophie pratique, il ne s’agit pas de donner les raisons de ce qui arrive, mais les lois de ce qui devrait arriver, cela n’arrivât-il jamais. » Voici un présupposé extrêmement problématique pour Schopenhauer. En effet, à quoi peut bien servir la morale si elle n’est pas appliquée dans la réalité ? Pourquoi fonder une loi qui ne sera respectée par personne ? Comment peut on prétendre avoir cerné l’essence de la morale sans prendre en compte les actions humaines ?

    Schopenhauer, dans le chapitre II du Fondement de la morale, commence par accorder un point positif à la philosophie morale de Kant, elle aurait réussi à se détacher de la tradition antique mais aussi de la pensée moderne qui rapportent toujours la morale au bonheur ; respectivement sous un rapport d’identité et de causalité. « Kant a bien mérité de la morale en un point : il l’a purifiée de tout souci du bonheur, de tout eudémonisme. » Mais la lucidité pessimiste de Schopenhauer ne concède ce point que pour le critiquer par la suite. En effet, Schopenhauer explique que la notion de « souverain bien » réintègre de manière dissimulée ce souci du bonheur que Kant souhaitait au départ évacuer. «Au fond, toute cette morale n’aboutit qu’à la recherche du bonheur : elle se fonde sur l’intérêt; elle est cet eudémonisme même, que d’abord Kant, le trouvant hétéronome, a éconduit solennellement, par la grande porte hors de son système; maintenant, caché sous le nom du souverain bien, par la petite porte, il s’y glisse de nouveau.» Cependant, on peut penser que l’interprétation de Schopenhauer ne prend pas en compte un certain nombre de nuances. Il ne faut pas faire l’amalgame entre le « souverain bien », alliance de la vertu et du bonheur et l’eudémonisme au sens large. En effet, l’accès au bonheur chez Kant est pensé comme avant tout une soumission à la raison, le primat étant accordé à la vertu. Si la morale de Kant propose un accès au bonheur, il ne s’agit en aucun cas d’une quelconque satisfaction individuelle. Le bonheur réside dans le respect envers la loi. C’est dans un accord total entre la loi morale et l’individu, ou plutôt le sujet, que le bonheur est envisageable. Pour Kant, il n’y a pas de bonheur sans raison, sans vertu, sans morale. La critique de Schopenhauer a donc une validité formelle, mais ne saisit pas toutes les subtilités de la déontologie kantienne, ou plutôt il refuse de les considérer et taxe Kant de pédanterie.

    Le « solitaire de Francfort » formule une objection terrible au chapitre IV du Fondement de la morale, la morale kantienne serait fondée sur une pétition de principe. En effet, Kant, sans aucun souci de démonstration, pose dès le départ que la morale doit être basée sur une loi. Schopenhauer pense que ce présupposé est illégitime car il n’est absolument pas démontré. Pour Schopenhauer, cette loi morale devrait plutôt être déduite que prise comme point de départ de sa réflexion. On ne peut fonder la morale sur les notions de nécessité morale et de devoir car elles sont relatives par essence. Autre objection intéressante de Schopenhauer : si la loi morale est fondée a priori, elle doit être universelle et nécessaire. Or, Kant le soutient lui-même, « il est absolument impossible de cerner par expérience avec une complète certitude un seul cas ou la maxime d’une action par ailleurs conforme au devoir ait reposé purement et simplement sur des principes moraux et sur la représentation du devoir. » Comment se fait il alors qu’une loi fondée sur l’a priori et donc nécessaire n’ait eu aucune répercussion dans la réalité ? Comment se fait il qu’une pure nécessité n’arrive pas, alors que, lorsqu’on regarde dans le premier dictionnaire de philosophie venu, on trouve : est nécessaire tout ce qui ne peut pas ne pas être, en opposition à contingent. Si la loi morale de Kant était si nécessaire et universelle, elle ne manquerait pas d’advenir. Voici un point sur lequel les deux philosophes ne peuvent s’arranger. En effet, pour Kant, si la loi morale n’est pas suivie par les hommes, c’est parce qu’ils font un mauvais usage de leur liberté. Or, pour Schopenhauer, l’homme n’est pas libre, il n’a aucun rempart contre le déterminisme, il ne peut que se soumettre à la nécessité.

    Une autre critique est lancée contre les successeurs de Kant, et en particulier contre Fichte qu’il méprise particulièrement et l’accuse d’être un philosophailleur, un « Hanswurst » (Jean- saucisse), dans le théâtre de marionnettes allemand ce nom désigne le personnage qui répète les gestes du héros (en l’occurrence Kant). Schopenhauer pense que la reprise fichtéenne de l’idéalisme transcendantale n’est qu’un miroir grossissant des défauts du système kantien. Fichte, donc, pense que la loi morale de Kant s’appuie sur des faits de conscience, comme si elle était tirée d’une exigence interne. Or, aux yeux de Schopenhauer, et c’est un point que l’on peut difficilement réfuter, s’appuyer sur la conscience, c’est fonder la morale sur l’anthropologie et donc sur l’expérience. Cette interprétation de Fichte entre en contradiction radicale avec la volonté kantienne de fonder la morale sur le pur a priori, et donc complètement indépendamment de l’expérience. « Il ne faudrait pas se laisser aller à cette pensée, qu’on doit pour établir la réalité du principe moral, la déduire de la constitution particulière de la nature humaine. » ; « Il ne s’agit pas de rien tirer par déduction de notre connaissance de l’homme, de l’anthropologie. » Voilà la preuve, les arguments que Kant donne à Schopenhauer pour discréditer la réflexion de ses héritiers qui affirmeront que la loi morale repose sur des faits de conscience. Cependant, Kant précise, et Schopenhauer a apparemment délaissé cet aspect, que sa morale pour ne pas être un concept vide, « une coquille sans noyau » (expression de Schopenhauer), doit se conformer aux lois de la nature. Il faut nécessairement que sa morale, pour ne pas être détachée de la réalité, trouve sa place dans l’ordre des causes. Cela n’est possible qu’en présupposant la liberté comme autonomie de la volonté. Et c’est, sans aucun doute, sur ce point que l’ensemble de la critique schopenhauerienne tourne, les autres arguments qu’il présente dans son Fondement de la morale, sont en fait assez secondaires.

    Cependant, une objection presque aussi fondamentale est formulée par Schopenhauer, elle concerne la forme « impérative » de la morale kantienne. Une des notions centrales de la déontologie kantienne, « le respect face à la loi », masque en fait une influence dont Kant, malgré tous ses efforts, n’arrive pas à se détacher : la morale des théologiens. En effet, Schopenhauer, toujours dans le Fondement de la morale (Chapitre VI), s’étonne de cette dénomination singulière. Pourquoi Kant parle-t-il de « respect »? Schopenhauer considère que cette notion de respect n’est là que pour masquer la véritable nature de son impératif, ce n’est pas un « respect face à la loi » qu’exige Kant, mais bien plutôt une « soumission ». Soumission à quoi ? À une loi ? Certainement pas, pense Schopenhauer, ou du moins cette loi n’est pas celle que nous croyons. La morale de Kant qui se veut désintéressée de l’intérêt particulier est en fait mensongère. Aux yeux de Schopenhauer, derrière cette morale abstraite ce cache une entité que nous connaissons bien : dieu. L’impératif catégorique est perçu comme un emprunt au Décalogue de Moïse. La morale kantienne repose donc sur l’hypothèse suivante : une volonté étrangère (Dieu) commande, châtie et promet des récompenses (mais bien sur ne récompense pas). Or, selon Schopenhauer, plus une hypothèse est naturellement théologique, moins elle est philosophique. Seul l’athéisme peut espérer fonder une morale objective. Kant n’est que la victime du théisme occidental. La critique de la Métaphysique kantienne va donc de pair avec celle du théisme occidental.

    L’impératif catégorique, dans sa forme même, trahit donc une influence à laquelle Kant ne peut renoncer. Pour Schopenhauer, derrière cette forme impérative se trouve en fait un « Tu dois ! », preuve incontestable de l’inclination, peut être inconsciente, de Kant. Si, comme le dit Schopenhauer, l’impératif catégorique dissimule la morale des théologiens, alors la morale kantienne perd ce qui faisait qu’elle était désintéressée (sur le plan individuel). En effet, si l’homme n’est pas soumis à une loi transcendantale comme le pense Kant, mais bien à un commandement divin, alors l’homme qui se soumet à cette morale se voit influencé par « le désir de récompense» et par « la crainte du châtiment ». La loi morale de Kant, qui avait une exigence universelle, s’écroule sous les coups d’un tel présupposé. Elle est reconduite à l’intérêt individuel, l’homme n’est plus moral que par crainte de l’enfer. Schopenhauer, dans sa lancée, vocifère contre une autre formulation de l’impératif catégorique tout aussi problématique que la première : « Agis uniquement d’après une maxime telle, que tu puisses vouloir, au même moment, la voir érigée en loi universelle, valable pour tout être raisonnable. » En fait, Kant s’exprime en ces termes : « « Je ne dois jamais me conduire autrement que de telle sorte je puisse aussi vouloir que maxime soit vouée à devenir une loi universelle. » (Fondation de la métaphysique des mœurs, 1ère section, p.71). Pour Kant, l’agir moral n’est possible que s’il est le produit d’une volonté, dépouillée de motifs extérieurs, qui n’aurait pour autre but que l’universalisation de son action. L’agir, chez Kant, n’est moral que s’il est universalisable.

    Pour Schopenhauer, la loi de Kant repose sur une réciprocité supposée et donc sur l’égoïsme (chapitre VII duFondement de la morale). En effet, je ne souhaite agir d’une certaine manière que car je sais que j’aimerai qu’on se comporte de même avec moi. La loi de Kant serait en fait forgée par l’égoïsme. C’est, aux yeux de Schopenhauer, la seule qualité (au sens d’attribut) humaine, typiquement humaine, capable de décider de cette loi. L’exigence d’universalité dissimule en fait un juge bien peu moral. La loi kantienne, même si elle est formulée de manière positive, se résumerait à cette parole biblique bien connue : « Ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse. » C’est bien parce que je ne veux pas souffrir que je décide de forger une loi basée sur l’universalité. Pour Schopenhauer, la loi kantienne n’est pas désintéressée, bien au contraire, elle serait comme un égoïsme cristallisé.

    Ce point nous amène à nous pencher sur une autre prise de position problématique de Kant. Il dit, dans la troisième section du Canon de la raison pure intitulé de l’opinion, du savoir et de la croyance (in Critique de la raison pure), que pour que la loi morale ait un sens, pour qu’elle ne soit pas vaine, l’homme doit penser que, dans l’Au delà, dieu considérera à juste titre et récompensera l’agir moral en rendant notre âme immortelle. Où se trouve alors le désintéressement ? Voilà ici, formulée par Kant lui-même, une contradiction. En effet, si l’homme, afin de supporter cette contrainte morale assez inhumaine qu’est la déontologie kantienne, espère quelque chose de dieu, alors il n’est plus dans le désintéressement. Le « Que dois-je faire ? » ne doit pas, pour rester cohérent avec la doctrine kantienne, se rapporter au « Que m’est-il permis d’espérer ? » Et cela, Schopenhauer, nous l’avons vu plus haut, l’avait bien remarqué. La loi morale de Kant, qui n’est ce qu’elle est que parce qu’elle remplie les critères d’universalité et de désintéressement, se voit ici dépouillée de ce qui la constituait. On peut dire que Schopenhauer désarme la loi morale en découvrant derrière l’exigence d’universalité un égoïsme indestructible et derrière un prétendu désintéressement, un espoir de récompense dans l’Au delà. Autre argument important de Schopenhauer : la Raison ne peut fonder la morale. Kant forge une identité inédite mais surtout discutable entre l’acte moral et l’acte raisonnable. Pour Schopenhauer, ce sont deux domaines complètements différents, ils ont toujours été distingués, il n’y a que Kant qui a pensé que la vertu ne puisse être issue d’autre chose que de la raison. Aux yeux de Schopenhauer, la raison doit servir à fonder la science mais en aucun cas la morale, celle-ci doit être déterminée selon l’ordre des sentiments. Cette objection, à première vue séduisante, est en fait au moins aussi problématique que l’hypothèse de Kant. En effet, il faut présupposer la raison pour expliquer les interrogations humaines, l’homme ne se serait pas mis à s’interroger sur une quelconque morale s’il ne possédait la raison. Elle est la condition nécessaire de tout questionnement humain. Ceci dit, l’objection de Schopenhauer demeure intéressante. L’équivalence agir raisonnable / agir moral doit être nuancée. En effet, un acte commandé par la raison n’est pas nécessairement moral. Il suffit de regarder dans l’histoire des hommes pour se rendre compte que la raison s’est souvent faite l’alliée du mal. Parallèlement, on peut donner l’exemple d’un acte moral et déraisonnable, celui de Schopenhauer est le suivant : « (…) si je donne à un pauvre aujourd’hui ce dont j’aurai demain plus besoin que lui encore ; si je me laisse aller à prêter à un homme dans l’embarras une somme qu’attend un créancier ; semblables cas ne sont point rares. » (Chapitre VI)

    Schopenhauer se montre également très sceptique devant une distinction mystérieuse de Kant, entre homme et être raisonnable fini. Pourquoi cette distinction ? Quelle est son utilité ? Pour Schopenhauer, il est illégitime d’opérer une telle distinction. En effet, si l’on ne peut pas penser l’étendue sans les corps, au même titre, on ne peut concevoir la raison indépendamment de l’homme. Même s’il est évident que Kant ne pense pas aux « bons anges » qu’évoque Schopenhauer, on peut penser très sérieusement qu’il considère qu’une autre forme de raison est possible. Cette hypothèse, même si elle est toute théorique, peut être confirmée à la lecture de la troisième section du Canon de la raison pure (que nous avons déjà cité) dans la première Critique : « S’il était possible de décider de la chose par quelque expérience, je parierais volontiers tous mes biens qu’il y a des habitants dans au moins quelques unes des planètes que nous voyons. Ce pour quoi je dis que ce n’est pas simplement une opinion, mais une forte croyance, qui me fait penser qu’il y a aussi des habitants dans d’autres mondes. »

    Schopenhauer et Kant sont donc, en morale, irréconciliables, ils ne peuvent s’entendre car abordent le problème de façons trop différentes. Kant cherche à déterminer une forme pure de l’agir moral à travers son impératif catégorique, c’est-à-dire formuler une loi qui, si elle est suivie, assurerait la moralité d’un acte, ou du moins cet acte serait « conforme au devoir ». Le problème réside en ce point, il ne serait que « conforme au devoir », l’homme qui agit « par devoir » est une chimère. Pour Schopenhauer, l’homme est inévitablement déterminé par des motifs sensibles, il est toujours intéressé, il ne peut considérer l’autre comme une fin, il le considérera toujours comme un moyen. Cependant, Kant savait très bien que sa loi morale ne pouvait être suivie, c’est une exigence que l’homme est incapable de remplir, est c’est certainement cela que l’on peut lui reprocher. Pourquoi fonder une morale à ce pont déconnectée de la réalité, même si Kant affirme qu’il prend pour point de départ la finitude de l’homme pour penser la morale, on peut se demander si, en chemin, il ne l’a pas oubliée. Schopenhauer nous présente donc dans le Fondement de la morale une critique sévère qui met en relief les failles de la déontologie kantienne, notamment son attachement problématique au protestantisme qui la rend, pour Schopenhauer, inévitablement faussée. Ce dernier souligne également quelques postulats discutables, en l’occurrence le choix arbitraire de la loi comme fondement ou encore l’identification raison / morale. Mais ce qui reste le plus fondamental dans la critique schopenhauerienne est la mise en lumière de certaines contradictions, en premier lieu, l’hypothèse du libre arbitre basée sur l’autonomie de la volonté, parti pris absolument irrecevable pour Schopenhauer, mais également la prétention à rompre avec l’eudémonisme, chose que Kant, après examen, n’a pas vraiment réussi à faire, notamment en liant sa morale, qui se veut désintéressée, à l’espoir d’une âme immortelle auprès de dieu. Schopenhauer, de manière plus général, pense que la morale kantienne n’a qu’une valeur théorique, et cela revient en fait à dire qu’elle n’en possède aucune. Schopenhauer, dans la deuxième partie du Fondement de la morale, propose à son tour une morale qui se veut beaucoup plus pratique et qui se base, non plus sur la raison ou la liberté, mais sur la pitié.

    M. http://philitt.fr/2012/10/28/schopenhauer-critique-de-la-morale-kantienne/

  • La Démocratie au Moyen Âge !

    En dépit de la vague romantique qui, au XIXe siècle, va entreprendre une réhabilitation partielle et souvent mythique du récit « historique » de cette longue époque (un millénaire) que les érudits de la renaissance ont reléguée au rang de « moyen-âge », l’imagerie commune en garde encore des idées complètement fausses : le moyen-âge, pour beaucoup, c’est l’époque où le petit peuple, ignorant et analphabète, est soumis au diktat implacable d’un ordre politique militaire monarchique, et d’un ordre spirituel clérical séculaire et dogmatique ; c’est l’époque des seigneurs, de l’inquisition, des sorcières et des bûchers ; c’est l’époque des guerres incessantes, des croisades sanglantes et de la peste ; en résumé, le moyen-âge serait une époque obscure, sombre, « gothique ». Voici ce que nous en dit Michel FRAGONARD :

    « (…) l’histoire représente, au XIXe siècle, un enjeu « politique » essentiel (en témoigne d’ailleurs l’attention des gouvernements, dont l’action d’un Guizot, lui-même historien, est le meilleur exemple) : sa promotion est inséparable de l’affirmation du sentiment national, fruit à la fois de la Révolution française et des courants romantiques allemands ; et l’un des enjeux essentiels est la question des origines nationales. On comprend alors l’intérêt des historiens, initiateurs et propagateurs de cette conscience nationale, pour le Moyen Age, aux fondements de la nation. Intérêt non dépourvu de considérations idéologiques : au moment où, en France, conscience nationale et aspiration démocratique sont intimement liées dans unemystique du « peuple » (notion combien ambiguë), l’œuvre d’Augustin Thierry (Récits des temps mérovingiens, Essais sur la formation et les progrès de l’histoire du Tiers État) est sous-tendue par une thèse historico-ethnique (les origines proprement « gauloises » du peuple français, à contre-pied d’une historiographie « aristocratique » insistant sur les origines franques). Dans cette quête historique d’un Moyen Age où se trouvent les sources de la nation, l’exemple le plus illustre, en France, est celui de Michelet, qui consacre six volumes de sa monumentale Histoire de France (inachevée) au Moyen Age et qui, dans ses autres ouvrages, revient régulièrement sur la période (voir la Sorcière). »

    Il nous suffit de voir à quoi ressemble ce mouvement culturel « gothique » né dans les années 1990, qui mêle à la fois l’imagerie mythique de ce moyen-âge du XIXe siècle et les idées les plus noires que le quidam se fait de cette ère. Vêtus et maquillé de noir ou de sombre, visages tristes ou désespérés, véhicules « morts-vivants » d’un romantisme lui-même sombre, noir et désenchanté.

    Que dire alors de l’idée que l’on se fait au sujet de la politique au moyen-âge ? A l’évocation d’une démocratie au moyen-âge, la plupart vont faire les yeux ronds et se dire « mais de quoi parle-t-il ? ». Moyen-âge et démocratie sont deux termes que la plupart considèrent antinomiques. Or, la réalité est bien différente. La démocratie était plus vivace durant la majeure partie du moyen-âge et de la renaissance, qu’elle ne le fut depuis la Révolution. En fait, c’est la Révolution qui va éteindre un ensemble de pratiques démocratiques populaires qui perdurera jusqu’au XVIIIe siècle.

    Ce que je découvre, en parcourant l’excellent livre de Francis Dupuis-Déri « Démocratie. Histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France », est entre autre une déconstruction radicale de ce moyen-âge obscurantiste que l’élite contre révolutionnaire et le « siècle des Lumières » a durablement imprimé dans nos esprits. Permettez-moi de partager avec vous les quelques passages de ce livre qui nous éclairent sur cette activité démocratique vivace au moyen-âge.

    « Au Moyen Age et pendant la Renaissance européenne, des milliers de villages disposaient d’une assemblée d’habitants où se prenaient en commun les décisions au sujet de la collectivité. Les « communautés d’habitants », qui disposaient même d’un statut juridique, ont fonctionné sur le mode de l’autogestion pendant des siècles. Les rois et les nobles se contentaient de gérer les affaires liées à la guerre ou à leurs domaines privés, d’administrer la justice et de mobiliser leurs sujets par des corvées. Les autorités monarchiques ou aristocratiques ne s’ingéraient pas dans les affaires de la communauté, qui se réunissait en assemblée pour délibérer au sujet d’enjeux politiques, communaux, financiers, judiciaires et paroissiaux[1]. »

    Voilà déjà qui tranche avec les images d’une monarchie omnipotente et omniprésente, gérant, en collaboration avec l’Église, tous les faits et gestes de leurs sujets. En réalité, l’aristocratie nobiliaire avait bien d’autres chats à fouetter que de s’occuper des affaires du peuple, et elle laissait donc volontiers à ses gens le soin de s’occuper de leurs propres affaires. Le peuple disposait donc de fait d’une large autonomie, autrement plus grande que nous n’en disposons actuellement sous le régime prétendument représentatif. Et cette autonomie s’étendait sur des domaines importants et essentiels, comme nous allons le voir.

    « On discutait ainsi des moissons, du partage de la récolte commune ou de sa mise en vente, de la coupe de bois en terre communale, de la réfection des ponts, puits et moulins, de l’embauche de l’instituteur, des bergers, de l’horloger, des gardes-forestiers, parfois même du curé, des gardiens lorsque sévissaient les brigands, les loups ou les épidémies. On y désignait ceux qui serviraient dans la milice, on débattait de l’obligation d’héberger la troupe royale ou de l’utilité de dépêcher un notable pour aller soumettre à la cour des doléances au nom de la communauté. »

    Imaginez que, dans votre ville ou votre commune, de nos jours, vous puissiez, par le biais d’une assemblée communale publique, décider en commun de la répartition de la récolte commune ou de sa mise en vente (alors qu’aujourd’hui, les paysans – souvent les « serfs » modernes de l’industrie agro-alimentaire – se voient imposer leur cotât de production, les prix de vente, le cahier des charges et jusqu’aux semences qu’ils peuvent utiliser), la réfections ou l’édification des ouvrages d’art (routes, voiries communales, ponts, éoliennes, barrages, écluses, etc.), de qui, parmi les habitants, servira dans la police municipale (qui est maintenant un corps centralisé au service de l’Etat, et non du peuple). Impensable, n’est-ce pas ? Pourtant, les assemblées d’habitants étaient dynamiques.

    « Il y avait environ dix assemblées par an, parfois une quinzaine. Elles se déroulaient sous les arbres (le chêne), au cimetière, devant ou dans l’église, ou encore dans un champ. Bref, dans un lieu public, car il était interdit de tenir l’assemblée dans un lieu privé, pour éviter les magouilles. Une étude statistique de quelque 1500 procès-verbaux indique que ces assemblées comptaient en moyenne 27 participants, soit une représentation d’environ 60% des foyers des communautés, et pouvaient même accueillir jusqu’à quelques centaines d’individus, dont 10 à 20% de femmes. Mais à l’époque, dix personnes suffisaient pour former « un peuple » et tenir une assemblée. La participation à l’assemblée était obligatoire et une amende était imposée aux absents quand l’enjeu était important. Un quorum des deux tiers devait alors être respecté pour que la décision collective soit valide, par exemple celle d’aliéner une partie des biens communs de la communauté (bois ou pâturage). Il était si important que la communauté s’exprime que même lorsque la peste a frappé dans la région de Nîmes, en 1649, l’assemblée a été convoquée dans la campagne sur les deux rives d’une rivière, pour permettre de réunir à la fois les personnes ayant fui la ville et celles qui y étaient restées. En général, le vote était rapide, à main levée, par acclamation ou selon le système des « ballote » distinguant les « pour » des « contre » par des boules noires et blanches. Lorsque la décision était importante, les noms des personnes votantes étaient portés au procès-verbal. »

    Ainsi, le peuple, au moyen-âge, parvenait à s’autogérer sur tout un ensemble de domaines considérés non comme « privés », mais comme publiques, car à l’inverse de nous, les « modernes » atomisés par une culture du chacun pour soi (la culture individualiste que nous devons à l’origine aux physiocrates du XVIIIe siècle et à leurs successeurs libéraux et capitalistes du XIXe et du XXe siècle), nos ancêtres « médiévaux » avaient conscience de l’interdépendance mutuelle dans laquelle ils étaient, et la majeure partie des ressources produites par la terre étaient considérées comme un ensemble de richesses communes, non comme des richesses privées. Cela n’empêchait pas le commerce, l’artisanat, ni même une certaine forme d’industrie. Ils parvenaient, en dépit de leurs intérêts individuels, à s’entendre et à gérer eux-mêmes ces ressources en commun, chose qui nous semblent aujourd’hui hors de portée – il suffit, pour s’en convaincre, de voir les commentaires récurrents qui décrient l’apathie populaire et considère, aujourd’hui, la masse comme incapable de débattre et de décider communément de ses propres intérêts. Ainsi, il serait impossible aux hommes « modernes » de ce XXIe siècle de faire ce que les paysans « incultes » du moyen-âge faisaient couramment ? Si cela est vrai, pouvons-nous encore parler de « progrès de la modernité » ? Ne devrions-nous pas plutôt faire le terrible constat de la régression imposée par cette « modernité » ?

    « La démocratie médiévale, bien vivante alors, mais aujourd’hui si méconnue, permettait au peuple de traverser de longs mois sans contact direct avec des représentants de la monarchie, une institution qui offrait finalement très peu de services à sa population composée de sujets, non de citoyens. En d’autres termes : un territoire et une population pouvaient être soumis à plusieurs types de régimes politiques simultanément, soit un régime autoritaire (monarchie pour le royaume, aristocratie pour la région) et un régime égalitaire (démocratie locale ou professionnelle). »

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  • La théorie des deux glaives

    S’il y a bien un principe qui va clairement à l’encontre de la loi républicaine de 1905 en France et au laïcisme maçonnique en général c’est bien celle-ci ! Rendons donc à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César.
     
    La doctrine des deux glaives est une ancienne thèse de l’Église catholique romaine, à l’époque médiévale, selon laquelle le pouvoir spirituel est déclaré supérieur au pouvoir temporel. Cette doctrine a été mise en place par le pape Boniface VIII, au début du XIVe siècle (1302), dans sa bulle Unam sanctam, publiée à l’occasion du très important désaccord qu’il eut avec le roi de France Philippe IV le Bel. Elle a cependant été pensée dans un premier temps par saint Bernard de Clairvaux, au XIIe siècle, à l’époque des Croisades. « Remets ton épée [ton glaive] au fourreau : qui prend l’épée périra par l’épée » et : « Remets ton épée au fourreau : Ne boirai-je pas le calice que mon Père m’a donné ? », peut-on lire dans les Évangiles de saint Matthieu (XXVI, 52) puis de saint Jean (XVIII, 11), dans un sens à l’origine tout différent : dans la doctrine des deux glaives, il y a l’idée de délégation du pouvoir temporel au pouvoir spirituel, avec la double finalité de donner, avant tout, la prééminence à l’Église (qui souhaite contrôler ou tempérer le pouvoir royal) et aussi de la protéger). (1)
     
    Plus de mille ans de royauté en France ont permis de mettre au point un système de gouvernement d’un pays « à deux têtes » : une tête spirituelle, représentée par l’Église, et une tête temporelle, représentée par le roi. Les autres monarchies européennes ont adopté le même principe, qu’on appelle « la théorie des deux glaives » en France et « la symphonie byzantine » en Russie. C’est d’ailleurs pourquoi le drapeau russe, notamment, comporte un aigle à deux têtes, justement pour symboliser cette forme particulière de pouvoir.

    On a coutume de dire que ces deux pouvoirs sont distincts mais non séparés. Cela signifie que les deux pouvoirs ont pour référence le même Évangile, mais chacun dans sa sphère. A contrario, la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État a officialisé cette séparation, qui existait depuis la révolution française. Est-ce un progrès ?

    Voyons ce qu’en disait le cardinal Ottaviani lors du Concile Vatican II :

    « La doctrine traditionnelle de l’Église est que l’État ne peut être neutre en matière religieuse, puisque l’indifférence de l’État en matière de religion est contraire à sa nature même. L’État est en effet une société naturelle dont la fin est le bien commun des citoyens. En conséquence, il appartient à la nature de l’État le soin du bien commun tout entier (en tant que temporel sur cette terre). Or le bien commun couvre un champ beaucoup plus vaste que l’ordre public. Il est constitué par d’autres biens très importants, comme sont la vérité et la vertu, ainsi que la juste place des citoyens et de la société devant Dieu, auteur de la société. Et donc il appartient à la fin naturelle de l’État de procurer la vraie religion, de la conserver, de la défendre. D’où il suit que les limites à la liberté religieuse ne sont pas seulement les nécessités d’ordre public, mais aussi et surtout les nécessités de la vraie religion ». Et il ajoute : « je dis donc qu’il faut inscrire (dans les textes du Concile)l’affirmation solennelle que l’Église catholique a un droit vrai, natif et objectif à sa liberté, parce qu’elle est divine dans son origine et sa mission. (…) Le Christ et l’Église peuvent imposer une obligation morale, et dans les questions religieuses, qui obligent en conscience ».

    Autrement dit, l’État a pour vocation d’élever spirituellement les hommes, et ceci ne peut se faire sans la religion. C’est là que se trouve la justification de ce pouvoir à deux têtes. Le régime républicain est donc une régression, ce que confirment aujourd’hui la perte du sens moral et la dégradation des mœurs.

    Et la religion dont il est question ne peut être que le christianisme, car c’est la seule religion qui a développé cette théorie des deux glaives, alors que le judaïsme et l’islam confondent les pouvoirs spirituel et temporel, ce qui conduit à la dictature de la théocratie. (2)

    Idée chrétienne bien symbolisée par la signification symbolique de la Croix celtique : priorité du politique et primauté du religieux, les deux sans se contredire, assument le rôle de la Couronne et de la Croix.

  • Jean-Yves Le Gallou : Défendre l’identité doit redevenir l’alpha et l’oméga de la politique

    Source : Boulevard Voltaire
    Jean-Yves Le Gallou, Ancien député européen, essayiste, Président de Polémia, vient de publier Immigration : la catastrophe. Que faire ? aux Éditions Via Romana. Non, l’immigration n’est pas une chance pour la France. Explications et solutions. Pour Jean-Yves Le Gallou, au delà de l’arrêt total de l’immigration et d’une nécessaire remigration, il faut replacer la défense de l’identité française et européenne au centre de la politique

    http://fr.novopress.info/

     

  • Communauté nationale, la communauté de l’anneau.

    Voilà une nouvelle qui devrait réjouir tous les patriotes sincères. L’anneau de la sainte, la pucelle martyre d’Orléans qui symbolise parmi nos héros, ce qui s’est fait de plus absolu en matière de patriotisme, est revenu en notre terre de France.

    Volé à Jeanne par l’évêque Cauchon, l’anneau était en Angleterre depuis 1431. Il vient d’être racheté lors d’une vente aux enchères par Nicolas de Villiers, président du parc du Puy du Fou pour la somme de 376 833 euros. Ornée de trois croix et de l’inscription « Jhesus Maria », l’anneau de la pucelle, dont peu soupçonnaient l’existence revient chez nous. Curieusement, nous n’avons pas vu, ni entendu exulter le personnel politique à cette nouvelle, tellement cette « classe particulière » n’a de vision de l’Histoire de France qu’idéologique, c’est-à-dire partiale et partielle. Pourtant la fête de Jeanne d’Arc est une fête nationale officielle que la République a su reconnaître, certes en se faisant un peu tirer l’oreille, par les « nationaux » la canne à la main. Quand donc ils affichent leur patriotisme en ces temps de crise et abusent du drapeau et de la Marseillaise, nous serions bien naïfs de croire en leur sincérité, qui se situe au même niveau que celle qu’ils affichent au salon de l’agriculture par exemple, passages obligé. Une voix est une voix et dans un quinquennat qui est jonché d’épisodes électoraux, on ne saurait rien gaspiller.

    Ceux qui aiment vraiment la France, espace historique de solidarité humaine, et qui sont démoralisés par l’affaissement de notre beau pays dans tous les domaines, que ce soit économique et social bien sûr, mais aussi culturel, moral, spirituel – jusqu’ aux travailleurs de la terre qui se désespèrent parce qu’abandonnés au profit de l’industrie agro-alimentaire qui écrase les marchés (qu’est ce qu’un pays sans paysans ?) – c’est le moment de relever la tête. Nous avons certes l’impression parfois d’arriver à la fin de l’Histoire avec l’écroulement d’une civilisation, aggravé par une invasion allogène anarchique et consentie, voire (mal) organisée par nos « élites » apatrides. [....]

    Olivier Dejouy

    La suite sur Le Réveil Français

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Communaute-nationale-la-communaute

  • L'homme d'autrefois...

    “L'homme d'autrefois ne ressemblait pas à celui d'aujourd'hui. Il n'eût jamais fait partie de ce bétail que les démocraties ploutocratiques, marxistes ou racistes, nourrissent pour l'usine ou le charnier. Il n'eût jamais appartenu aux troupeaux que nous voyons s'avancer tristement les uns contre les autres, en masses immenses derrière leurs machines, chacun avec ses consignes, son idéologie, ses slogans, décidés à tuer, résignés à mourir, et répétant jusqu'à la fin, avec la même résignation imbécile, la même conviction mécanique : « C'est pour mon bien… c'est pour mon bien… » Loin de penser comme nous, à faire de l'État son nourricier, son tuteur, son assureur, l'homme d'autrefois n'était pas loin de le considérer comme un adversaire contre lequel n'importe quel moyen de défense est bon, parce qu'il triche toujours. C'est pourquoi les privilèges ne froissaient nullement son sens de la justice ; il les considérait comme autant d'obstacles à la tyrannie, et, si humble que fût le sien, il le tenait - non sans raison d'ailleurs - pour solidaire des plus grands, des plus illustres. Je sais parfaitement que ce point de vue nous est devenu étranger, parce qu'on nous a perfidement dressés à confondre la justice et l'égalité. Ce préjugé est même poussé si loin que nous supporterions volontiers d'être esclaves, pourvu que personne ne puisse se vanter de l'être moins que nous. Les privilèges nous font peur, parce qu'il en est de plus ou moins précieux. Mais l'homme d'autrefois les eût volontiers comparés aux vêtements qui nous préservent du froid. Chaque privilège était une protection contre l'État. Un vêtement peut être plus ou moins élégant, plus ou moins chaud, mais il est encore préférable d'être vêtu de haillons que d'aller tout nu. Le citoyen moderne, lorsque ses privilèges auront été confisqués jusqu'au dernier, y compris le plus bas, le plus vulgaire, le moins utile de tous, celui de l'argent, ira tout nu devant ses maîtres.”

    Georges Bernanos, La France contre les robots.

    http://zentropa.info

  • Poètes guerriers: génération perdue

    3177157726.jpgIls étaient les enfants de D'Annunzio, de Barrès, de Marinetti et de T. E. Lawrence. Ils avaient le goût de l'utopie, le culte de la jeunesse et celui de la belle mort. Ils se nommaient René Crevel, Klaus Mann, W. H. Auden, ou Lauro de Bosis. Trop jeunes pour avoir connu l'épreuve des tranchées et hantés par le sentiment d'avoir manqué la grande occasion de leur vie, ils ont espéré rendre leur existence “ inimitable ”.
    A ces poètes guerriers dans l'âme en mal d'héroïsme, l'ère des totalitarismes montants a offert une chance inespérée de se faire entendre. La guerre d'Espagne a été leur moment. Ils ont succombé à la tentation marxiste ou fasciste, ils sont tombés les armes à la main, aux commandes d'un avion ou d'une balle dans la tempe, ils ont glissé parfois vers l'autodestruction : nulle cohérence idéologique n'unifie leur groupe, mais la rupture avec le monde des pères, la révolte des sens, la tentation de l'absolu.        
    C'est tout l'esprit de cette jeunesse que fait revivre ici Maurizio Serra, et la richesse ses paradoxes.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/