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tradition - Page 156

  • Les Indo-Européens dans la Chine antique

    Dans le livre troisième de son fameux Essai sur l'inégalité des races humaines, publié dans les années 50 du 19ième siècle, Arthur de Gobineau décrivait les flux migratoires des peuples indo-européens en Orient et relevait que «vers l'année 177 av. J. C., on rencontrait de nombreuses nations blanches à cheveux clairs ou roux et aux yeux bleus, in­stal­lées sur les frontières occidentales de la Chine. Les scribes du Céleste Empire, auxquels nous devons de connaître ce fait, citent cinq de ces nations… Les deux plus connues sont le Yüeh-chi et les Wu-suen. Ces deux peuples habitaient au nord du Hwang-ho, aux confins du désert de Gobi… De mê­me, le Céleste Empire avaient pour sujets, au sein de ses provinces du Sud, des nations aryennes-hindoues, immi­grées au début de son histoire» (1).

    Arthur de Gobineau tirait ses informations des études de Ritter (Erdkunde, Asien) et de von Humboldt (Asie centra­le); tous deux se basaient sur les annales chinoises de la dynastie han, dont les premiers souverains ont commencé leur règne en 206 av. J. C. De fait, nous savons aujourd'hui que, dès le 4ième siècle avant J.C., les documents histo­riques du Céleste Empire évoquaient des peuples aux che­veux clairs, de mentalité guerrière, habitant sur les confins du territoire, dans ce que nous appelons aujourd'hui le Tur­kestan chinois ou le Xinjiang. Selon Gobineau, ces faits at­testaient de la puissance expansive et implicitement civi­lisatrice des populations "blanches". Mais, au-delà des in­ter­prétations unilatérales et, en tant que telles, inac­cepta­bles de l'écrivain français, presque personne n'a pris en con­sidération la signification que ces informations auraient pu revêtir pour retracer l'histoire de la culture et des in­fluences culturelles, sur un mode moins banal et linéaire que celui qui était en vogue au 19ième siècle.

    On a plutôt eu tendance à rester incrédule quant à la fia­bilité des annales, parce qu'on était animé par un in­décrottable préjugé euro-centrique, selon lequel les peu­ples de couleurs étaient en somme des enfants un peu fan­tas­ques, incapables de saisir l'histoire dans sa concrétude. En outre, à l'époque, il était impossible de vérifier la pré­sence de ces populations "blanches" : même en admettant qu'elles aient existé, personne ne pouvait dire depuis com­bien de temps elles avaient disparu, noyées dans la mer mon­tante des populations asiatiques voisines. Cette zone géographique, jadis traversée par la légendaire "route de la soie" et devenue depuis longtemps en grande partie dé­sertique, était devenue inaccessible aux Européens, qui ne pouvaient évidemment pas y mener à bien des études ar­chéologiques sérieuses et approfondies.

    Latin, irlandais ancien et tokharien

    Comme l'a souligné Colin Renfrew, célèbre pour ses recher­ches sur les migrations indo-européennes, ce n'est qu'au dé­but du 20ième siècle que les premiers érudits ont pu s'a­ven­turer dans la région, en particulier dans la dépression du Ta­rim et dans diverses zones avoisinantes (2). Ils ont trou­vé de nombreux matériaux, bien conservés grâce à l'ex­trême aridité du climat désertique qui règne là-bas. Il s'agit essen­tiellement de textes en deux langues, écrits dans une lan­gue jusqu'alors inconnue, qui utilisait cependant un al­pha­bet du Nord de l'Inde; à côté du texte en cette langue, fi­gurait le même texte en sanskrit. Ce qui a permis de la com­prendre et de l'étudier assez rapidement. Cette langue a été appelée par la suite le "tokharien", dénomination que l'on peut juger aujourd'hui impropre. Elle se présentait sous deux formes légèrement différentes l'une de l'autre, qui ré­vélaient "diverses caractéristiques grammaticales les liant au groupe indo-européen" (3). Notons le fait que les res­sem­blances les plus frappantes liaient cette langue au cel­tique et au germanique, plutôt qu'aux groupes plus proches de l'iranien et des autres langues aryennes d'Asie. A titre d'exemple, nous comparerons quelques mots fondamentaux que l'on retrouve respectivement en latin, en irlandais an­cien et en tokharien. "Père" se dit "pater", "athir" et "pa­cer"; "Mère" se dit "mater", "mathir" et "macer"; ""Frère" se dit "frater", "brathir" et "procer"; "Sœur" se dit "soror", "siur" et "ser"; "Chien" se dit "canis", "cu" et "ku" (4). A titre de cu­riosité, signalons une autre correspondance: le nombre "trois" se dit "tres" en latin, "tri" en irlandais ancien et "tre" en tokharien.

    Les affinités sont donc plus qu'évidentes. «Les documents remontent aux 7ième et 8ième siècles après J. C. et com­pren­nent des correspondances et des comptes rendus émanant de monastères… Des deux versions de la langue tokharien­ne, la première, nommée le "tokharien A" se retrouve éga­lement dans des textes découverts dans les cités de Ka­rashar et de Tourfan, ce qui a amené certains savants à l'ap­peler le "tourfanien". L'autre version, appelée "tokha­rien B", se retrouve dans de nombreux documents et textes trouvés à Koucha et donc baptisée "kouchéen" (5).

    Processus endogène ou influence exogène ? 

    Aujourd'hui, on tend à penser que ces langues ont été par­lées par les Yüeh-chi (ou "Yü-chi"), le peuple mentionné dans les annales antiques, peuple qui avait entretenu des contacts prolongés avec le monde chinois. C'est là un point fondamental, qui est resté longtemps sans solution. En fait, sur la naissance de la civilisation chinoise, deux opinions s'affrontent : l'une entend privilégier un processus entiè­rement endogène, sans aucune influence extérieure d'au­tres peuples; l'autre, au contraire, met en évidence des apports importants, fondamentaux même, venus d'aires cul­turelles très différentes. La première thèse est na­tu­rellement la thèse officielle des Chinois, mais aussi celle de tous ceux qui s'opposent à toute conception de l'histoire qui pourrait donner lieu à des hypothèses "proto-colonialistes" vo­yant en l'Occident la matrice de tout progrès. Les dé­fenseurs les plus convaincants de la thèse "exogène" —c'est-à-dire Gobineau, déjà cité, mais aussi Spengler, Kossina, Gün­ther, Jettmar, Romualdi, etc.—  sont ceux qui souli­gnent, de manières très différentes, le rôle civilisateur des peuples indo-européens au cours de leurs migrations, par­ties de leur patrie primordiale, pour aboutir dans les con­trées lointaines auxquelles ils ont donné une impulsion bien spécifique. Bien sûr, dans certains cas, ces auteurs ont con­staté que l'apport culturel n'a pas été suffisamment fort pour "donner forme" à une nouvelle nation, vu le nombre réduit des nouveaux venus face aux populations indigènes; néanmoins, la simple présence d'une influence indo-euro­péenne a suffit, pour ces auteurs, pour imprimer une im­pul­sion vivifiante et pour animer un développement chez ces peuples avec lesquels les migrants indo-européens en­traient en contact. Ce serait le cas de la Chine avec les Tokhariens.

    Par exemple, Spengler (6) souligne l'importance capitale de l'introduction du char de guerre indo-européen dans l'évolution de la société chinoise au temps de la dynastie Chou (1111-268 av. J. C.). D'autres auteurs, comme Hans Gün­ther, plusieurs dizaines d'années plus tard, avait avancé plusieurs hypothèses bien articulées et étayées de faits importants, attribuant à cette pénétration de peuples indo-européens l'introduction de l'agriculture parmi les tributs nomades d'Asie centrale, vers la moitié du deuxième millé­naire; il démontrait en outre comment l'agriculture s'était répandue en Asie centrale, parallèlement à l'expansion de populations de souche nordique.

    Bronze et chars de guerre

    De même, l'introduction du bronze en Chine semble, elle aussi, remonter aux invasions indo-européennes; ensuite, on peut supposer qu'aux débuts de l'histoire chinoise, il y a eu l'invasion d'un peuple équipé de chars de guerre, venu du lointain Occident. Par ailleurs, on peut dire que les sinologues actuels reconnaissent tous l'extrême importance du travail et du commerce du bronze dans le dévelop­pe­ment de la société en Chine antique (7). La même impor­tance est attribuée aujourd'hui, par de plus nombreux sino­logues, à l'introduction de certaines techniques agricoles et du char hippo-tracté.

    Les études de Günther sur le parallélisme entre la présence de peuples aux cheveux clairs et la diffusion de la culture indo-européenne en Asie ont d'abord été diabolisées et os­tracisées, mais, aujourd'hui, au regard des apports nou­veaux de l'archéologie, elles méritent une attention nou­velle, du moins pour les éléments de ces études qui de­meu­rent valables. Peu d'érudits se rappellent que, dans l'oasis de Tourfan, dans le Turkestan chinois, où vivaient les To­khariens, on peut encore voir des fresques sur lesquelles les ressortissants de ce peuple sont représentés avec des traits nettement nord-européens et des cheveux clairs (8). C'est une confirmation de la fiabilité des annales du Céleste Em­pire. On ne peut donc plus nier un certain enchaînement de faits, d'autant plus que l'on dispose depuis quelques années de preuves plus directes et convaincantes de cette in­stallation très ancienne d'éléments démographiques indo-européens dans la zone asiatique que nous venons d'évo­quer. Ces installations ont eu lieu à l'époque des grandes mi­grations aryennes vers l'Est (2ième millénaire avant J. C.), donc avant que ne se manifestent certains aspects de la ci­vilisation chinoise.

    Ces preuves, disions-nous, nous n'en disposons que depuis quelques années…

    Les traits europoïdes des momies d'Ürümtchi

    En 1987, Victor Mair, sinologue auprès de l'Université de Pennsylvanie, visite le musée de la ville d'Ürümtchi, capita­le de la région autonome du Xinjiang. Il y voit des choses qui provoquent chez lui un choc mémorable. Il s'agit des corps momifiés par cause naturelle de toute une famille : un homme, une femme et un garçonnet de deux ou trois ans. Ils se trouvaient dans une vitrine. On les avait dé­couverts en 1978 dans la dépression du Tarim, au sud du Tian Shan (les Montagnes Célestes) et, plus particu­lière­ment, dans le désert du Taklamakan (un pays peu hos­pi­ta­lier à en juger par la signification de son nom : "on y entre et on sort plus!").

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    Plusieurs années plus tard, Mair déclare au rédacteur du men­­suel américain Discover : «Aujourd'hui encore, je res­sens un frisson en pensant à cette première rencontre. Les Chinois me disaient que ces corps avaient 3000 ans, mais ils semblaient avoir été enterrés hier» (9). Mais le véritable choc est venu quand le savant américain s'est mis à ob­ser­ver de plus près leurs traits. Ils contrastaient vraiment avec ceux des populations asiatiques de souche sino-mon­gole; ces corps momifiés présentaient des caractéristiques soma­tiques qui, à l'évidence, étaient de type européen et, plus précisément, nord-européen. En fait, Mair a noté que leurs cheveux étaient ondulés, blonds ou roux; leurs nez étaient longs et droits; ils n'avaient pas d'yeux bridés; leurs os é­taient longs (leur structure longiligne contrastait avec cel­le, trapue, des populations jaunes). La couleur de leur épi­derme —maintenu quasi intact pendant des millénaires, ce qui est à peine croyable—  était typique de celle des po­pu­lations blanches. L'homme avait une barbe épaisse et drue. Toutes ces caractéristiques sont absentes au sein des po­pulations jaunes d'Asie.

    Les trois "momies" (il serait plus exact de dire les trois corps desséchés par le climat extrêmement sec de la région et conservés par le haut taux de salinité du terrain, qui a empêché la croissance des bactéries nécrophages) consti­tuaient les exemplaires les plus représentatifs d'une série de corps —à peu près une centaine— que les Chinois avaient déterrés dans les zones voisines. Sur base des datations au radiocarbone (10), effectuées au cours des années précé­den­tes par des chercheurs locaux, on peut dire que ces corps avaient un âge variant entre 4000 et 2300 ans. Ce qui nous amène à penser que la population, dont ils étaient des ressortissants, avait vécu et prospéré pendant assez long­temps dans cette région, dont la géologie et le climat de­vaient être plus hospitaliers dans ce passé fort lointain (on y a d'ailleurs retrouvé de nombreux troncs d'arbre dessé­chés).

    Spirales et tartans

    Le matériel funéraire et les vêtements de ces "momies", eux aussi, se sont révélés fort intéressants. Par exemple: la présence de symboles solaires, comme des spirales et des swastikas, représentés sur les harnais et la sellerie des che­vaux, relie une fois de plus ces personnes aux Aryens de l'antiquité, sur le plan culturel.

    L'étoffe utilisée pour fabriquer leurs vêtements était la lai­ne, qui fut introduite en Orient par des peuples venus de l'Ouest. Le "peuple des momies" connaissait bien l'art du tis­sage: on peut l'affirmer non seulement parce que l'on a re­trouvé de nombreuses roues de métier à tisser dans la ré­gion mais aussi parce que les tissus découverts sont d'une excellente facture. Pour attester des relations avec le Cé­leste Empire, on peut évoquer une donnée supplémentaire: la présence d'une petite composante de soie dans les effets les plus récents (postérieurs au 6ième siècle av. J. C.), qui ont de toute évidence été achetés aux Chinois. Les autres éléments vestimentaires, dans la majeure partie des cas, dé­montrent qu'il y avait des rapports étroits avec les cul­tu­res indo-européennes occidentales; le lot comprend notam­ment des vestes ornées et doublées de fourrure et des pan­talons longs.

    Plus révélateur encore: on a retrouvé dans une tombe un fragment de tissu quasi identique aux "tartans" celtes (11) dé­couverts au Danemark et dans l'aire culturelle de Hall­statt en Autriche, qui s'est développée après la moitié du 2ième millénaire avant J. C., donc à une époque contempo­rai­ne de celle de ces populations blanches du Xinjiang. Si l'on pose l'hypothèse que les Celtes d'Europe furent les an­cêtres directs de ces Tokhariens (ou étaient les Tokhariens tout simplement), cette preuve archéologique s'accorde bien avec ce que nous disions plus haut à propos des simi­litudes entre la langue celtique et celle des Indo-Européens du Turkestan chinois : les deux données, l'une linguistique, l'autre archéologique, se renforcent l'une l'autre.

    Chapeau à pointe et coquillages

    Autre élément intéressant : la découverte d'un couvre-chef à pointe, à larges bords, que l'on a défini, avec humour, comme un "chapeau de sorcière"; il était placé sur la tête de l'une des momies de sexe féminin, remontant à environ 4000 années. Ce chapeau ressemble très fort à certains cou­vre-chef utilisés par les Scythes, peuple guerrier de la step­pe, et qu'on retrouve également dans la culture ira­nien­ne (on pense aux chapeaux des Mages). Ces populations étaient des populations d'agriculteurs, comme le prouve la présence de semences dans les bourses. Elles avaient éga­lement des rapports avec des populations vivant en bord de mer, vu que l'on a retrouvé près des momies ou sur elles de nombreux coquillages de mollusques marins.

    L'intérêt extrême de ces vestiges a conduit à procéder à quel­­ques études anthropologiques (principalement d'an­thro­­­po­métrie classique), sous la direction de Han Kangxin de l'Académie Chinoise des Sciences Sociales (Beijing). Ces études ont confirmé ce que le premier coup d'œil déjà per­mettait d'entrevoir : dans de nombreux cas, les proportions des corps, des crânes et de la structure générale du sque­lette, ne correspondent pas à celles des populations asia­tiques jaunes, tandis qu'elles correspondent parfaitement à celles que l'on attribue habituellement aux Européens, sur­tout aux Européens du Nord.

    Par le truchement de l'archéologie génétique, on pourra obtenir des données encore plus précises, pour élucider ultérieurement les origines et la parenté de ce peuple my­stérieux. La technique, très récente, se base sur la com­pa­raison de l'ADN mitochondrial (12) des diverses populations, que l'on veut comparer, afin d'en évaluer la distance gé­nétique. L'un des avantages de cette technique réside dans le fait que l'on peut aussi analyser l'ADN des individus dé­cé­dés depuis longtemps, tout en restant bien sûr très at­ten­tif, pour éviter d'éventuelles contaminations venues de l'en­vironnement (par exemple, les contaminations dues aux bactéries) ou provoquées par la manipulation des échan­tillons. L'archéologie génétique s'avère utile, de ce fait, quand on veut établir un lien, en partant des molécules, entre l'anthropologie physique et la génétique des popu­la­tions.

    Les premiers tests ont été effectués par un chercheur ita­lien, le Professeur Paolo Francalacci de l'Université de Sassari. Ils ont confirmé ultérieurement l'appartenance des in­dividus analysés aux populations de souche indo-euro­péenne, dans la mesure où l'ADN mitochondrial, qui a été extrait et déterminé, appartient à un aplotype fréquent en Europe (apl. H) et pratiquement inexistant au sein des po­pulations mongoloïdes (13). Les autorités de Beijing n'ont autorisé l'analyse que d'un nombre réduit d'échantillons; beaucoup restent à étudier, en admettant que les autorisa­tions soient encore accordées dans l'avenir.

    Traits somatiques des Ouïghours

    Enfin, il faut également signaler que les habitants actuels du Turkestan chinois, les Ouïghours, présentent des traits so­matiques mixtes, où les caractéristiques physiques euro­poï­des se mêlent aux asiatiques. On peut donc dire que nous nous trouvons face à une situation anthropologique où des ethnies de souches diverses se sont mélangées pour former, en ultime instance, un nouveau peuple. Ce n'est donc pas un hasard si les autorités de Beijing craignent que la démonstration scientifique de l'existence de tribus blan­ches parmi les ancêtres fondateurs de l'ethnie ouïghour con­tribue à renforcer leur identité culturelle et qu'au fil du temps débouche sur des aspirations indépendantistes, vio­lem­ment anti-chinoises, qui sont déjà présentes. Cette si­tua­tion explique pourquoi les Chinois boycottent quasi ou­ver­tement les recherches menées par Mair et ses colla­bo­ra­teurs.

    En conclusion, l'ampleur, la solidité et la cohérence des don­nées obtenues contribuent à confirmer les intuitions de tous les auteurs, longtemps ignorés, qui ont avancé l'hy­po­thèse d'une contribution extérieure à la formation de la ci­vilisation chinoise. Cette contribution provient de tribus ar­yennes (ndlr: ou "proto-iraniennes", selon la terminologie de Colin McEvedy que nous préférons utiliser), comme sem­ble l'attester les découvertes effectuées sur les "momies", et permet d'émettre l'hypothèse que le bronze et d'autres acquisitions importantes ont été introduites directement, et non plus "médiatement", par ces tribus dans l'aire cul­turelle de la Chine antique.

    Par exemple, Edward Pulleyblank a souligné récemment qu'il «existait des signes indubitables d'importations venues de l'Ouest : le blé et l'orge, donc tout ce qui relève de la cul­ture des céréales, et surtout le char hippo-tracté, …, sont plus que probablement des stimuli venus de l'Ouest, ayant eu une fonction importante dans la naissance de l'âge du bronze en Chine» (14).

    Bien sûr, cette découverte ne conteste nullement la for­midable originalité de la grande culture du Céleste Empire, mais se borne à mettre en évidence quelques aspects fon­damentaux dans sa genèse et dans son évolution ultérieure, tout en reconnaissant à juste titre le rôle joué par les no­ma­des antiques venus d'Europe.

    Giovanni MONASTRA.

    (e mail: g_monastra@estovest.org ; texte paru dans Per­corsi, anno III, 1999, n°23; le texte original italien est sur:  http://www.estovest.org/identita/indocina.html ).

    Notes :

    [1] Arthur de Gobineau, Saggio sulla disuguaglianza delle razze umane, Rizzoli, Milano 1997, p. 443.

    [2] Colin Renfrew, Archeologia e linguaggio, Laterza, Bari 1989, p. 77.

    [3] ibidem, p. 79.

    [4] Les Chinois, pour désigner le chien, utilisent le terme "kuan", qui est quasiment le seul et unique mot de leur langue qui ressemble au latin "canis" ou à l'italien "cane", sans doute parce que le chien domestique à été introduit dans leur société par des populations indo-européennes, qui ont laissé une trace de cette transmission dans le nom de l'animal.

    [5] Colin Renfrew, Archeologia ecc.cit., pp. 78-9.

    [6] Oswald Spengler, Reden und Aufsätze, Monaco 1937, p. 151.

    [7] Jacques Gernet, La Cina Antica, Luni, Milano 1994, pp. 33-4.

    [8] Luigi Luca Cavalli-Sforza, Geni, Popoli e Lingue, Adelphi, Milano 1996, p. 156.

    [9] Discover, 15, 4, 1994, p. 68.

    [10] La méthode du radiocarbone (14C) se base sur le fait que dans tout organe vivant, outre l'atome de carbone normal (12C), on trouve aussi une certaine quantité de son isotope, le radiocarbone, qui se réduit de manière constante, pour devenir un isotope de l'azote. Tandis que le rapport entre 14C et 12C reste stable quand l'organisme est en vie, cet équilibre cesse d'exister à partir du moment où il meurt; à partir de cette mort, on observe un déclin constant qui implique la disparition du radiocarbone, qui diminue de moitié tous les 5730 ans. De ce fait, il suffit, dans un échan­tillon, de connaître le rapport entre deux isotopes pour pouvoir calculer les années écoulées depuis la mort de l'organisme. La mé­thode connaît cependant une limite : elle ne peut pas s'utiliser pour des objets d'investigation de plus de 70.000 ans. 

    [11] Archaeology, Marzo 1995, pp. 28-35. Le "tartan" est une étoffe typique du plaid écossais. Pour se documenter plus précisément sur les divers éléments liés aux textiles et aux vêtements de ce peuple, nous recommandons la lecture d'un ouvrage excellent et exhaustif, comprenant de nombreuses comparaisons avec les équivalents en zone européenne : Elizabeth Wayland Barber, The Mummies of Ürümchi, W. W. Norton & Company, Inc., New York, 1999.

    [12] Les mitochondries sont des organites présents dans les cellules des eucaryotes (tous les organismes vivants, des champignons aux mammifères) à des dizainesde milliers d'exemplaires. Seules ces structures, mis à part le noyau cellulaire, contiennent de l'ADN, molécule base de la transmission héréditaire, mais leur ADN est de dimensions beaucoup plus réduites que celui du noyau (200.000 fois plus court) : il sert uniquement pour la synthèse des protéines né­cessaires à ces organites. Il faut se rappeler qu'au moment de la fécondation, il semble que seule la mère transmet les mitochon­dries à sa progéniture.

    [13] Journal of Indo-European Studies, 23, 3 & 4, 1995, pp. 385-398.

    [14] International Rewiew of Chinese Linguistics, I, 1, 1998, p. 12. Voir aussi: Elizabeth Wayland Barber, The Mummies of Ürümchi, op. cit.

    http://vouloir.hautetfort.com/archives/category/tradition/index-12.html

  • La volonté de sanctuaires par Julien ROCHEDY

    Il faut toujours demander à un écrivain de formuler les choses. Tandis que je me perdais dans mes clarifications à propos du thème des communautés qui, accolé à son générique, le communautarisme, faisait que ceux-là même à qui il devait le plus parler se trouvaient bien gênés de l’entendre et de le reprendre, Renaud Camus est venu tout dénouer d’un seul trait. « Les sanctuaires », m’a-t-il dit. « Les sanctuaires », plutôt que « les communautés ». Tout est désormais plus clair. 

    Des hypothèses 

    Le problème, dans lequel nous sommes empêtrés, est que nous conditionnons la survie de l’Europe et de la France, dans leur âme, leur essence et dans les peuples qui les composent, à la prise de pouvoir étatique. Parce que, finalement, nous restons très XXe siècle, voire XIXe, XVIIIe et XVIIe siècle, nous continuons à rester bloqués sur l’idée que la solution à tous nos problèmes ne peut venir que de Papa-Maman l’État. Au prétexte que celui-ci est au service de forces qui nous nient, pour parler comme Venner, on suppose qu’il suffirait de le reprendre, en envoyant des « patriotes » au pouvoir (que ce soit par la démocratie ou la violence, pour les plus chauds d’entre-nous), pour que l’avenir des nos peuples soit assuré. Belle idée, qui fut véritablement effective au siècle passé, quand les peuples européens étaient homogènes et prêts à basculer dans des totalitarismes qui, effectivement, démontraient que la puissance étatique pouvait, à elle seule, changer les mentalités et mettre en mouvement toutes les dynamiques nationales. 

    Je tiens que cette idée est passée de date, et comme un malheur ne vient jamais seul, le fait que la plupart des gens de bonnes volontés, c’est à dire non-remplacistes, pour parler encore comme Camus, ou simplement encore vivants (et non suicidaires, pour parler comme je l’entends), s’accrochent encore à cette dernière, induit que, finalement, nous perdons un temps fou à courir après des chimères quand il y aurait bien d’autres choses à faire pour sauver ce qui peut encore l’être. 

    Regardons les choses en face : la prise de pouvoir, un jour, est une hypothèse. Elle est même assez saugrenue. Qu’un parti cohérent, puissant, intelligent, puisse faire 50,01% des voix dans une France remplie de personnes âgées (qui, par nature, fuient en nombre le changement) et de personnes d’origine immigrés (qui, encore par nature, n’ont pas nécessairement les entrailles patriotes) est déjà difficile. Mais soit. Croyons-y. Et après ? Une fois au pouvoir, ce parti, cohérent, puissant, intelligent, que pourrait-il réellement faire ? Engagerait-il, avec le soutien miraculeux des populations, une grande politique de remigration de 15 millions de personnes ? Ou bien, encore par miracle, parviendrait-il à assimiler ces 15 millions de personnes, au point d’en faire de parfaits Français ? Reconnaissons ensemble que tout cela semble compliqué. Mais, encore, soit. Admettons. Il est certain qu’un parti, disons « ami », pourrait déjà faire du bien là où les autres ne peuvent faire que du mal, et, en effet, je ne crois pas qu’il soit absolument nécessaire d’arrêter tous combats politiciens en vue de prendre l’État. Mais reconnaissons ensemble que les chances pour que cela survienne sont, pour être gentil, faibles. Que cela puisse arriver, c’est une hypothèse. Et je ne veux pas conditionner la survie de l’Europe et de la France à, finalement, ce qui n’est qu’unehypothèse. Pour faire simple, il y a trop à perdre pour tout miser sur ce pari. 

    Besoin de sanctuaires 

    Quand le monde s’écroule autour de soi et qu’on a compris qu’on ne le sauvera pas, il reste à protéger ce qui est essentiel. Cet essentiel pourra, demain, après demain, bâtir à nouveau de grandes choses, un nouveau monde. Peu m’importe que ma génération et celle de mes enfants perdent l’État français, son administration et son drapeau, si mes petits-enfants sont encore des Européens, qu’ils vivent en sécurité, savent lire et écrire, qu’ils héritent encore, en quelque sorte, et qu’ils pourront à leur tour transmettre afin que, sans doute, leurs enfants puissent récupérer les terres que nous auront perdu. En attendant que l’hypothèse de la prise de pouvoir disparaisse ou se réalise, il est urgent d’avoir la volonté de sanctuaires. 

    Le monde dans lequel nous entrons sera – et est déjà – un monde en grappes. Le peuple, tel que nous l’avons connu, c’est-à-dire homogène et chevillé à un État qui lui est propre, est déjà une fiction. On peut le pleurer, mais personnellement je ne fais pas parti de ceux qui pleurent. Je sais que la condition principale de la survie est l’adaptation. Il va donc falloir entraîner les peuples européens à s’adapter aux conditions nouvelles du monde dans lequel ils sont projetés. 

    J’écris tout un essai sur ces conditions nouvelles, donc vous ne m’en voudrez pas si je reste lapidaire dans un texte qui ne peut être que succinct. Toutefois, l’idée-force est que nous sachions nous adapter à ce monde en grappes pour en constituer, nous aussi, un noyau, un pépin, un fruit qui en portera d’autres (car il faut avoir foi en nous). Savoir organiser ceux qui ne veulent pas mourir, les organiser économiquement, culturellement (nécessité d’écoles), esthétiquement, pour leur sécurité aussi, car la réalité nous montrera vite que l’État ne pourra pas nous protéger longtemps : voilà quels sont, ou plutôt quels devraient être, les objectifs des derniers Bons Européens. Nos sociétés peuvent changer, s’écrouler, pourrir, mais elles ne doivent surtout pas nous changer. 

    Dans ce besoin essentiel de recevoir et de transmettre, il va falloir avoir la volonté de sanctuaires, lieux, immatériels ou, peut-être bientôt, géographiques, dans lesquels nous pourrons protéger ce qui mérite de l’être au milieu d’un flot de barbaries. Entreprises, écoles, associations, villages, familles, ou que sais-je encore, tout ce qui n’appartient pas à l’État et qui surtout ne doit plus lui appartenir, du moins tant qu’encore un parti politique miraculeux n’arrive au pouvoir. 

    N’oublions jamais que lorsque l’Empire romain s’est effondré, ses plus beaux éléments (la culture, le droit, etc.) ont pu être sauvés et être transmis car certains Romains, qui avaient compris ce qui se tramait, s’étaient réfugiés dans des sanctuaires. Ils purent ainsi transmettre pour les générations futures. De même, je pense souvent à ces Russes qui avaient compris avant les autres que le soviétisme allait s’écrouler, et qui s’étaient réfugiés près d’un lac en Ingrie pour penser ensemble la Russie future. C’est en partie grâce à leur travail que la Russie pût se relever, bien des années plus tard.

    En clair et encore une fois : acceptons le monde tel qu’il est, mais sachons tirer notre épingle du jeu. Depuis quand un défi pareil devrait faire peur à des Européens, eux qui ont tout bravé et presque tout créé ? 

    Personnellement, ça ne me fait pas peur. J’ai même hâte.

    Julien Rochedy

    • D’abord mis en ligne sur son site personnel, le 25 novembre 2015.

    http://www.europemaxima.com/

  • 20 mars : salon du livre de l'Agrif

    A

    Le dimanche 20 mars 2016 de 13h30 à 19h Espace Charenton Paris 12e 327 Rue de Charenton, 75012 Paris

    Interventions de Bernard Antony, Guillaume de Thieulloy, Jeanne Smits et Jérôme Triomphe.

    Environ 100 auteurs seront présents.

    L'AGRIF cherche des bonnes volontés pour l'organisation sur place : vous pouvez appeler le 01 40 46 96 31.

    Michel Janva

  • Julius Evola : « La doctrine aryenne du combat et de la victoire » deuxième partie

    D’après l’enseignement des anciens, le principe est une force supra-individuelle, supérieure donc à la naissance et à la mort. Le second, le principe individualisé, conscience conditionné par le corps et le monde extérieur, est destiné selon la voie normale, à la dissolution ou à la survivance éphémère propre aux ombres. Dans la tradition nordique l’image des walkyries a plus ou moins la même signification que le démon. Elle se confond dans de nombreux textes avec celle de la fylgia (littéralement : l’accompagnatrice), entité spirituelle, agent de l’homme à laquelle est soumis son destin. Comme la kynfylgia, la Walkyrie est ─ semblable aux Lares romains ─ la force mystique du sang. Il en est de même pour les fravashi de la tradition aryano-iranienne. La fravashi, explique un éminent orientaliste, « est la force intérieure de tout être humain et ce qui le soutient et préside à sa naissance et à sa vie ». Comme les Lares romains, les fravashi sont en contact avec les forces primordiales d’une lignée et ─ comme les Walkyries ─ elles sont les déesses terrifiantes de la guerre qui concèdent fortune et victoire.

    Voici la première connexion que nous devons découvrir. qu’y a-t-il de commum entre cette force mystérieuse qui représente l’âme profonde de la race et le transcendantal dans l’individu, et les déesses de la guerre ? Pour bien comprendre ce point, il faut rappeler que les antiques indo-germains avaient une conception, en quelque sorte, aristocratique et différenciée de l’immortalité. Tous n’échappent pas à l’auto-dissolution, à la survivance lémurique dont l’Hadès et le Nifflheim étaient les images symboliques. L’immortalité est le privilège de quelques-uns et, selon la conception aryenne, un privilège avant tout héroïque. La survivance ─ non comme ombre, mais comme demi-dieu ─ n’est réservée qu’à ceux qu’une action spirituelle particulière a élevé d’une nature à l’autre. Ici, malheureusement, il ne nous est pas possible de fournir toutes les preuves à l’appui de l’affirmation qui va suivre : techniquement, cette action spirituelle consistait à transformer le moi individuel de la conscience normale ─ circonscrite et individualisée ─ en une force profonde, supra-individuelle, force individualisante supérieure à la naissance et à la mort, à laquelle, avons-nous dit, correspondait l’idée de « démon ».

    Mais même le démon est au-delà de toutes les formes finies où il se manifeste, non seulement parce qu’il représente la force primordiale de toute une lignée, mais aussi en raison de son intensité. Le brusque passage de la conscience ordinaire à la force, symbolisée par le démon, provoquait donc une crise destructrice, semblable à une décharge de tension trop haute de potentiel dans le circuit humain. Prenons le cas, où, à la suite de conditions tout à fait exceptionnelles, le démon pénètre dans l’individu et lui fait éprouver une transcendance destructrice : il provoquerait comme expérience active de la mort; d’où l’évidence de la seconde connexion, c’est-à-dire la confusion de l’image du double ou du démon, dans les mythes de l’antiquité, avec la divinité de la mort. Dans la tradition nordique, le guerrier voit sa Walkyrie, au moment de la mort ou d’un danger mortel.

    Allons plus loin. Dans l’ascèse religieuse, mortification, renoncement au propre Soi, tension dans l’abandon à Dieu, sont les moyens préférés pour essayer de provoquer la crise en question et la dépasser d’une manière positive. Nul n’ignore des expressions comme : « mort mystique » ou « l’obscure nuit de l’âme », etc. qui indiquent ces états. Par contre, dans le cadre de la tradition héroïque, la voie pour atteindre ce but est représentée par la tension active, la libération dionysiaque de l’action. Au plus bas degré de la correspondance phénoménologique, nous trouverons par exemple la danse comme technique sacrée pour évoquer et induire, à travers l’extase de l’âme, les forces latentes dans les profondeurs. Dans la vie de l’individu, libérée par le rythme dionysiaque, s’insère une autre vie, comme si en affleurait le principe. « Horde sauvage », Furies, Erinnyes et autres entités spirituelles analogues dramatisent cette force en termes symboliques. Elles correspondent donc à une manifestation du démon dans sa transcendance terrifiante et active. A un degré plus élevé, nous trouvons les jeux guerriers sacrés. Plus haut encore : la guerre. Nous nous trouvons ainsi ramenés à la conception aryenne primordiale du combat et de l’ascèse guerrière.

    Quand le danger du combat héroïque atteint son maximum il y a la possibilité d’une expérience supranormale. Déjà l’expression latine « ludere » ─ jouer, combattre, semble contenir l’idée de résoudre car c’est l’une des nombreuses propriétés inhérentes au combat que de libérer des limitations individuelles et de faire surgir des libres forces cachées dans les profondeurs. Il en découle le principe de la troisième assimilation : les démons, les lares, le soi individualisant, non seulement sont identiques aux Furies, Erinnyes et natures dionysiaques déchaînées qui, par ailleurs offrent de nombreux traits communs avec les déesses de la mort, mais ils assument aussi une signification identique à celle des vierges qui mènent à l’assaut dans les batailles, aux Walkyries et aux fravashi. Les fravashi sont présentées, dans les textes, comme « les terrifiantes, les toutes puissantes », « celles qui écoutent et qui concèdent la victoire à qui les invoque » ─ ou, plus exactement, à qui les évoque en soi-même.

    De là à la dernière similitude, il n’y a qu’un pas. Enfin, dans les traditions aryennes, ces entités guerrières prennent les traits des déesses de la victoire, métamorphose qui caractérise l’heureux accomplissement des expériences intérieures. De même que le démon ou le double signifient un pouvoir profond et supraindividuel à l’état latent par rapport à la conscience ordinaire, de même les Furies et les Erynnies sont le reflet d’une manifestation particulière de déchaînement et d’irruptions démoniaques ─ et les déesses de la mort, les Walkyries, les fravashi, etc., président à des situations analogues quand elles se vérifient à travers un combat héroïque ─ ainsi la déesse de la Victoire est-elle l’expression du triomphe du Soi sur cette puissance. C’est la marque d’une tension victorieuse vers une condition située au-delà du danger inhérent à l’extase et aux formes de destruction subpersonnelles. Danger qui existe toujours dans la frénésie de l’action dionysiaque et même héroïque. L’attraction d’un état spirituel, réellement suprapersonnel, qui rend libre, immortel, intérieurement indestructible, le « devenir un des deux » (les deux éléments de l’essence humaine) s’exprime par cette représentation de la conscience mythique.

    Passons maintenant à la signification dominante des traditions héroïques primordiales, à la conception mystique de la victoire. Fondamentalement, c’est la conception d’une correspondance efficace entre physique et métaphysique, visible et invisible là où les actions de l’esprit manifestent des traits supra-individuels et s’expriment à travers des opérations et des faits réels. C’est sur ces bases que fut pressentie une réalisation spirituelle comme l’âme secrète de certaines actions authentiquement guerrières dont le couronnement était la victoire effective. Les aspects matériels de la victoire militaire deviennent alors l’expression d’une action spirituelle qui a provoqué la victoire, au point où extérieur et intérieur se rejoignent. La victoire apparaît comme le signe tangible d’une consécration de renaissance mystique réalisée dans ce point précis. Les Furies et la Mort, matériellement affrontées par le guerrier sur le champ de bataille, l’affrontent également sur le plan intérieur et spirituel sous forme de la menaçante irruption des forces primordiales dans son être. Dans la mesure où il triomphe d’elles, il obtient la victoire.

    C’est ce qui explique, dans un monde soumis à la tradition, pourquoi toute victoire avait une signification sacrée. ainsi le dux (le général de l’armée) acclamé sur le champ de bataille témoignait de l’expérience et de la présence de cette force mystique qui le transformait. On comprend alors la signification profonde du caractère ultraterrestre attaché à la gloire et à la « divinité » du vainqueur, et que l’antique célébration romaine du triomphe ait pu assumer un caractère beaucoup plus sacré que militaire. Dans les anciennes traditions aryennes primordiales le symbolisme des Victoires, Walkyries et entités analogues guidant l’âme du guerrier vers le « ciel » ─ comme le mythe du héros victorieux, l’Héraklès dorien qui reçoit de Niké, la déesse de la victoire, la couronne qui lui confère l’indestructibilité olympienne ─ ce symbolisme se manifeste maintenant sous une lumière bien différente. De même qu’il devient qu’à ne vouloir considérer ces choses seulement comme « poésie », rhétorique et fable, est une manière de voir aussi déformée que superficielle.

    La théologie mystique enseigne que dans la gloire se réalise la transfiguration spirituelle sanctifiante ; et l’iconographie chrétienne nimbe la tête des saints et des martyrs de l’auréole de la gloire. C’est la trace de l’héritage, même affaibli, de nos traditions héroïques les plus hautes. La tradition aryano-iranienne connaissait déjà le feu céleste entendu comme gloire ─ hvarenô ─ qui descend sur les rois et sur les condottieri, les rend immortels et les témoigne par la victoire. C’est l’antique couronne royale rayonnante qui symbolisait la goire comme feu solaire et céleste. Lumière, splendeur solaire, gloire, victoire, divinité royale sont les images qui, dans le monde aryen, sont en étroite connexion, non comme abstractions ou inventions de l’homme mais comme forces et pouvoirs représente pour nous le sommet lumineux de notre conception commune de l’action, au sens traditionnel.

    Nous pouvons, encore aujourd’hui, comprendre cette conception traditionnelle à condition de faire abstraction de ses manifestations extérieures et conditionnées par les temps. Si nous voulons aujourd’hui dépasser la spiritualité usée, anémique, fondée sur des spéculations abstraites ou des sentiments pitoyables, si nous voulons dépasser la dégénérescence, au sens matérialiste du mot, de l’action, où pourrait-on trouver de meilleurs points de repère que dans les idéaux de l’homme aryen primordial ?

    Mais ce n’est pas tout. Les tensions matérielles et spirituelles se sont, ces derniers temps, comprimées à un tel point en Occident qu’elles ne peuvent plus se résoudre que par le combat. Avec la guerre actuelle, une époque va au-devant de sa propre fin, et voici que déferlent des forces qui ne peuvent plus être dominées et transformées dans la dynamique d’une nouvelle civilisation d’idées abstraites, de prémisses « universalisantes » ou de mythes irrationnellement conçus. Aujourd’hui, c’est une action bien plus profonde et essentielle qui s’impose, car, au-delà des ruines d’un monde bouleversé et condamné, commence pour l’Europe une ère nouvelle.

    Or, dans cette perspective tout dépendra de la forme que l’individu pourra donner à l’expérience du combat ; s’il sera en mesure d’assumer héroïsme et sacrifice comme une purification (catharsis), comme un moyen de libération et de réveil intérieur. C’est dans le combat lui-même qu’il convient de réveiller et de tremper cette force qui, au-delà des tempêtes du sang et des misères, favorisera, avec une nouvelle splendeur et une paix puissante, une nouvelle création.

    C’est pour cela qu’aujourd’hui il faudrait réapprendre, sur le champ de bataille, l’action pure, non seulement comme ascèse virile, mais aussi comme purification et voie vers des formes supérieures de vie, valables en elles-mêmes, ce qui, implique évidemment, un certain retour à la tradition primordiale aryano-occidentale. Et le mot d’ordre des temps révolus résonne encore : « La vie comme arc; l’âme comme une flèche; l’esprit absolu comme cible à atteindre ». Celui qui, encore aujourd’hui, vit le combat dans cette reconnaissance, restera debout, là où les autres tomberont ─ et il sera une force invincible. Cet homme nouveau vaincra en soi tout drame, toute obscurité, tout chaos, et dans l’avènement des nouveaux temps, il représentera le principe d’un nouveau développement. Selon la tradition aryenne primordiale l’héroïsme des meilleurs peut réellement assumer une fonction évocatrice, c’est à dire être susceptible de rétablir le contact, perdu depuis des siècles, entre ce monde et celui de l’au-delà. alors le combat ne sera plus une horrible boucherie, n’aura plus la signification d’un destin désolé, conditionné par la volonté de puissance, mais sera la preuve du droit et de la mission d’un peuple. alors la paix ne signifiera plus un nouvel enlisement dans la grisaille bourgeoise quotidienne, ni le relâchement de la tension opérante dans la bataille, mais sera, au contraire, son accomplissement.

    C’est pour cela que nous voulons aujourd’hui refaire nôtre la profession de foi des anciens qui s’exprime en ces mots : « Le sang des héros est plus sacré que l’encre des érudits et que la prière des dévots » et qui encore à la base de la conception traditionnelle, selon laquelle, dans la « guerre sainte », bien plus que les individus, agissent les forces mystiques primordiales de la race. Ces forces des origines créent des empires mondiaux et donnent à l’homme « la paix victorieuse ».

    Julius Evola

    Symboles et « mythes » de la Tradition Occidentale (recueil de 1977)

    Appendice : La doctrine aryenne du combat et de la victoire (publié pour la première fois vers 1940-41)

    Édition Archè Milano, 1980, p. 173-182.

    Source : Front de la Contre-Subversion

    https://la-dissidence.org/2016/01/04/julius-evola-la-doctrine-aryenne-du-combat-et-de-la-victoire/

  • Julius Evola : « La doctrine aryenne du combat et de la victoire » première partie

    « Le déclin de l’Occident », selon la conception de son auteur, est reconnaissable à deux caractéristiques importantes : en premier lieu, le développement pathologique de tout ce qui est activisme ; en second lieu le mépris des valeurs de la connaissance intérieure et de la contemplation.

    Par connaissance, ce critique n’entend pas rationalisme, intellectualisme ou jeux prétentieux de lettrés ; par contemplation, il n’entend pas séparation du monde, renoncement ou détachement monacal mal compris. Bien au contraire, connaissance intérieure et contemplation représentent les formes les plus normales et les mieux appropriés de la participation de l’homme à la réalité supranaturelle, suprahumaine et suprarationnelle. En dépit de cet éclaircissement, à la base de cette conception, il y a une prémisse inacceptable pour nous. Car il est tacitement sous-entendu que toute action dans le domaine matériel est limitante et que la plus haute spiritualité n’est accessible que par des voies autres que l’action.

    Ce point de vue est influencé par une conception de la vie, essentiellement étrangère à l’esprit aryen, pourtant si profondément enraciné dans le mode de penser de l’Occident christianisé qu’on le retrouve jusque dans la conception impériale dantesque. L’opposition entre action et contemplation était totalement inconnue des anciens Aryens. Action et contemplation n’étaient pas conçues comme les deux termes d’une opposition. Elles désignaient seulement deux voies distinctes pour la même réalisation spirituelle. En d’autres mots, on pensait que l’homme pouvait dépasser le conditionnement individuel et participer à la réalité supranaturelle non seulement à travers la contemplation, mais aussi à travers l’action.

    Si nous partons de ce point de vue, il faut évaluer d’une manière différente le caractère de progressive déchéance de la civilisation occidentale. La tradition de l’action, typique des races ariano-occidentales, a cependant progressivement déviée. Ainsi l’Occident moderne en est-il arrivé à ne plus connaître ni considérer qu’une action sécularisée et matérialisée, sans aucun point de contact transcendantal ─ une action désacralisée qui devait fatalement dégénérer en agitation et passion pour se résoudre dans l’action pour l’action ; ou bien une action uniquement liée à des effets conditionnés par le temps. Certes, une action conçue dans ces termes ne peut avoir pour pendant, dans le monde moderne, les valeurs ascétiques et authentiquement conteplatives, mais seulement une culture fumeuse et un credo terne et conventionnel. Tel est notre point de repère pour aborder la situation.

    Si seulement le mot d’ordre de tout mouvement de renouveau est : « revenir aux sources », alors il est indispensable de reprendre conscience de la conception aryenne primordiale de l’action. Cette conception doit « agir », transformer et évoquer dans l’homme nouveau de bonne race des forces vitales. Et c’est justement dans la pensée du monde aryen primordial que nous voulons, aujourd’hui, faire un bref excursus, afin de remettre en lumière certains éléments fondamentaux de notre tradition commune, et en particulier le sens du combat, de la guerre et de la victoire.

    Bien entendu pour l’antique guerrier aryen la guerre correspondait à une lutte éternelle entre les forces métaphysiques. D’un côté il y avait le principe olympien de la lumière, la réalité ouranienne et solaire ; de l’autre, la violence brute, l’élément titanico-tellurique, barbare au sens classique, féminin-démoniaque. Le thème de ce combat métaphysique revient sous mille formes dans toutes les traditions d’origine aryenne. Tout combat, au sens matériel, était toujours vécu avec la conscience plus ou moins grande qu’il n’était qu’un épisode de cette antithèse. Or, de même que l’aryanité se considérait comme la milice du principe olympien, de même les anciens Aryens éprouvaient le besoin de ramener à ce point de vue la légitimation ou la consécration suprême du droit au pouvoir et de la conception impériale, mettant ainsi en évidence leur caractère antiséculier.

    Dans l’image du monde traditionnel toute réalité devenait symbole. C’était valable pour la guerre, même du point de vue subjectif et intérieur. Ainsi guerre et voie du divin pouvaient se fondre en une seule et même entité.

    Nul n’ignore les témoignages significatifs que nous offrent les traditions nordico-germaniques. Toutefois il convient de signaler que ces traditions, telles qu’elles nous sont parvenues, sont fragmentaires et mélangés, ou ne représentent que la matérialisation des plus hautes traditions aryennes primordiales, rabaissées souvent au niveau de superstitions populaires Ce qui ne nous empêchera pas d’en fixer certains motifs.

    Avant tout, il ne faut pas oublier que le Walhalla est le siège de l’immortalité céleste, réservé principalement aux héros morts sur le champ de bataille. Le seigneur de ces lieux, Odin-Wotan, est présenté dans la Ynglingasaga comme celui qui, par son sacrifice symbolique à l’Arbre cosmique Ygdrasil, a indiqué la voie aux guerriers, voie qui conduit au lieu divin où fleurit la vie immortelle. Car, selon cette traduction, nul sacrifice ou culte n’est aussi agréable au dieu suprême, nul ne reçoit de plus riches récompenses dans l’autre monde, que celui qui s’offre en mourant sur le champ de bataille. Mais il y a plus : derrière l’obscure représentation populaire du Wildes Heer se cache cette signification : grâce aux guerriers, qui tombant offrent un sacrifice à Odin, s’augmente la troupe de ceux dont ce dieu a besoin pour l’ultime combat contre le ragna-rökkr, le fatal « obscurcissement du divin », qui depuis les temps les plus reculés pèse, menaçant, sur le monde. Jusqu’ici le motif aryen de la lutte métaphysique est clairement mis en lumière. Dans l’Edda d’ailleurs il est dit : « Pour aussi grand que puisse être le nombre des héros rassemblés dans le Walhalla, il n’y en aura jamais assez quand le Loup se précipitera ». Le Loup représente ici l’image des forces obscures et sauvages qu’Odin, dans le monde des Ases, avait réussi à enchaîner et à soumettre.

    La conception aryano-iranienne de Mithra, le « guerrier sans sommeil » qui, à la tête des Fravashi et de ses fidèles, livre bataille aux ennemis du Dieu aryen de la lumière, est tout à fait analogue. Nous parlerons un peu plus loin des Fravashi et comparerons leur ressemblance avec les Walkyries de la tradition nordique. D’autre part, nous voudrions encore éclairer le sens de « guerre sainte », à travers d’autres témoignages concordants.

    Il ne faudra pas s’étonner si nous nous référons surtout à la tradition islamique. La tradition islamique est ici à la place de la tradition aryano-iranienne. L’idée de « guerre sainte » ─ du moins en ce qui concerne les éléments que nous examinons ici ─ fut transmise aux tribus arabes par la civilisation perse : elle était donc la renaissance tardive d’un héritage aryen primordial, et, à ce point de vue, on peut l’utiliser.

    Ceci dit, on distingue dans cette tradition, deux « guerres saintes » : la  « grande » et la « petite guerre sainte ». Cette distinction se fonde sur un hadîth du Prophète qui au retour d’une expédition guerrière affirma : « Nous sommes revenus de la petite guerre sainte à la grande guerre sainte ». Dans un tel contexte la grande guerre sainte appartient à l’ordre spirituel. La petite guerre sainte n’est que le combat physique, matériel, la guerre faite dans le monde extérieur. La grande guerre sainte est la lutte de l’homme contre les ennemis qu’il porte en soi-même. Et pour être plus précis, c’est la lutte dans l’homme de l’élément supranaturel contre tout ce qui est instinct, lié à la passion, chaotique, sujet aux forces de la nature. C’est également l’idée qui apparaît dans l’antique traité de la sagesse guerrière, la Bhagavad Gîtâ : « L’ayant donc reconnu comme étant plus grand que la Raison et ayant harmonisé le Soi par le Soi Divin, ô puissamment armé, tue l’ennemi dans la forme du désir, difficile à surmonter ». Car pour accomplir l’œuvre intérieure de libération, la condition indispensable est d’anéantir l’ennemi, et définitivement.

    Dans le cadre d’une tradition héroïque, la petite guerre sainte ─ la guerre en tant que lutte extérieure ─ n’est que la voie qui permet, précisément, de réaliser la grande guerre sainte. C’est pour cette raison que « guerre sainte » et « voie de Dieu » sont souvent synonymes. « Que ceux qui sacrifient la vie du monde à la vie future se rangent sous les étendards du Seigneur, et soit qu’ils succombent en combattant ─ c’est-à-dire pour la guerre sainte ─ soit qu’ils sortent victorieux du combat, ils recevront une récompense glorieuse ». Plus loin dans la sourate du Combat : « … La récompense de ceux qui mourront en combattant pour la foi ne périra point. Dieu sera leur guide ; il rectifiera leur intention. Il les introduira dans le jardin de délices dont il leur a fait la peinture ». Il est question ici de la mort physique pendant la guerre ; la mors triumphalis (la « mort victorieuse ») qui trouve une correspondance parfaite dans les traditions classiques. Cette doctrine peut aussi recevoir une interprétation symbolique. Celui qui a su vivre dans la « petite guerre » une « grande guerre sainte » a créé en soi une force qui lui permet d’affronter la crise de la mort. Mais, même sans avoir connu la mort physique, il est possible, à travers l’ascèse de l’action et de la lutte, d’expérimenter la mort, d’être intérieurement victorieux et de réaliser un « plus-que-la-vie ». En effet, ésotériquement, « Paradis », « Royaume des Cieux » et autres expressions analogues ne sont que des symboles et des représentations, forgés pour le peuple, d’états transcendants d’illuminations sur un plan plus élevé de vie ou de mort.

    A partir de ces considérations nous chercherons les mêmes significations que nous allons trouver sous le manteau du christianisme dont la tradition héroïco-occidentale fut obligée de couvrir les croisades pour se manifester extérieurement. Car, beaucoup plus qu’on ne le croit en général, dans l’idéologie des croisades, la libération du Temple, la conquête de la « Terre sainte » avaient des points communs avec la tradition nordico-aryenne qui se réfère à la cité mystique d’Asgard, à la lointaine terre des Ases et des héros où la mort n’a aucun pouvoir sur les habitants qui y jouissent d’une vie immortelle et d’une paix supranaturelle. La guerre sainte se présentait comme une guerre totalement spirituelle, au point que les prédicateurs pouvaient, à la lettre, la comparer à une « purification comme le feu du purgatoire avant la mort elle-même ». « Quelle gloire plus grande pour vous que de sortir couronné des lauriers de la bataille. Mais combien est plus grande la gloire de conquérir sur le champ de bataille une couronne immortelle », affirmait Bernard de Clairvaux aux Templiers. La « gloire absolue » ─ identique à celle que les théologiens attribuent à Dieu dans les cieux (in excelsis deo) ─ était également ordonné au croisé. Sur ce fond, s’élevait la « Jérusalem sainte » : ville de la terre et cité céleste, et la croisade devenait une élévation qui conduisait réellement à l’immortalité.

    Les hauts et les bas militaires des croisades provoquèrent d’abord émerveillement, confusion et firent même vaciller la foi, mais par la suite elles n’eurent d’autres effets que de purifier de tout résidu matérialiste l’idée de la guerre sainte. Le résultat désastreux d’une croisade fut comparé à la vertu persécutée par l’infortune dont la valeur ne peut être jugée et récompensée qu’en fonction d’une vie non-terrestre.

    Un enseignement identique se trouve dans le célèbre texte indo-aryen ─ la Bhagavad-Gîtâ ─ mais élevé à des hauteurs métaphysiques. La compassion et les sentiments humanitaires qui paralysent le guerrier Arjuna et l’empêchent d’attaquer l’ennemi, sont jugés par le Dieu « honteux découragement indigne d’un Aryen et fermant les portes du ciel ». Le Dieu ajoute : « Tué, tu obtiendras le ciel ; victorieux, tu jouiras de la terre. Relève-toi donc, ô fils de Kunti, résolu à combattre ». La disposition intérieure qui peut transmuter la petite guerre en grande guerre est clairement décrite par le dieu : « Me consacrant toutes les actions, et concentrant toutes les pensées sur le Soi suprême, libre de tout espoir et d’égoïsme, guéri de la fièvre de la fièvre mentale, jette-toi dans le combat. » Quant à la pureté de cette action, elle aussi est mise en valeur : elle doit être désirée pour elle-même, au-delà de toute fin matérielle, de toute passion, de toute impulsion humaine : « Ayant reconnu comme égaux le plaisir et la souffrance, le gain et la perte, la victoire et la défaite, prépare-toi pour le combat ; ainsi tu ne commetras pas de péché ».

    Base métaphysique que le dieu éclaire par la différence qui existe entre spiritualité absolue ─ et comme telle indestructible ─ et élément corporel et humain n’ayant qu’une existence illusoire. D’une part il y a la révélation du caractère d’irréalité métaphysique de ce que l’on peut perdre comme vie et corps mortel, ou dont la perte peut-être conditionnante pour les autres, de l’autre Arjuna est conduit à l’expérience de la manifestation du divin, puissance bouleversante dans un absolu irrésistible. Devant la grandeur de cette force, toute forme conditionnée d’existence apparaît comme une négation. Là où cette négation est activement niée, c’est-à-dire, où toute forme conditionnée d’existence est prise d’assaut ou détruite, cette force atteint des manifestations terrifiantes. On peut ainsi saisir l’énergie capable de réaliser la transformation héroïque de l’individu. Dans la mesure où le guerrier peut agir dans la pureté et l’absolu, il brise les chaînes de l’humain, évoque le divin en tant que force métaphysique, attire cette force active sur lui, trouve en elle illumination et libération. Dans un autre texte, de la même tradition, il est dit : « La vie comme un arc ; l’âme comme une flèche ; l’esprit absolu comme cible à atteindre. S’unir à cet esprit, comme la flèche décochée se plante dans la cible ».

    Si nous savons découvrir ici la forme la plus haute de la réalisation spirituelle du combat et de l’héroïsme, alors il est significatif qu’un tel enseignement soit offert par la Bahgavad-Gîtâ, en tant qu’héritage aryano-solaire primordial. En effet, il fut donné par le « Soleil » au premier législateur des Aryens, Manou, et conservé par une dynastie de rois sacrés. Perdu au cours des siècles, cet enseignement fut à nouveau révélé par la divinité, non à un sacerdote, mais à un représentant de la noblesse guerrière, Arjuna.

    Ceci nous permet de comprendre la signification la plus profonde d’un autre groupe de traditions classiques et nordiques. Il ne faut pas oublier que, dans ces traditions, certaines images symboliques précises reviennent fréquemment. Ce sont les images de l’âme comme démon, double, génie et analogues ; l’image des présences dionysiaques et de la déesse de la mort, enfin celle d’une déesse de la victoire qui se confond souvent avec une déesse de la guerre.

    Pour bien saisir ces rapports, il faut avant tout préciser la conception de l’âme comme démon, génie ou double. C’est une force latente dans les profondeurs qui est, pour ainsi dire, la vie de la vie, dans la mesure où elle guide généralement les évènements corporels et spirituels où la conscience normale n’entre pas et qui conditionnent cependant au maximum l’existence contingente et le destin de l’individu. Entre cette entité et les forces mystiques de la race et du sang, il existe un lien très étroit. Ainsi, par exemple, le démon apparaît sous de nombreux aspects semblables aux Lares, les entités mystiques d’une race ou d’une lignée, dont Macrobe disait : « …que les Pénates sont les dieux par lesquels nous respirons, par lesquels nous avons un corps, par lesquels nous possédons la raison ». On peut dire qu’il existe entre le démon et la conscience normale un rapport comparable à celui qui existe entre principe individualisant et individualisé.

    À suivre

     

  • « Une vie ne vaut rien ; rien ne vaut une vie »

    André Malraux était un curieux auteur, souvent prolixe et confus, parfois illisible, mais dans ses grands jours (hélas rares), il était exceptionnel. Ce fut le cas lorsqu’il forgea ce chiasme grammatical qui résume à la perfection les XXe et XXIe siècles de l’ère dite « chrétienne » (probablement par antinomie, car jamais l’on n’y respecta le commandement de charité).
    La première moitié du chiasme illustre admirablement les années terribles 1914-1980, où deux guerres atroces, qui ont détruit l’essence et l’indépendance de l’Europe, l’immonde barbarie marxiste, les génocides de la décolonisation se succédèrent ou s’associèrent pour faire du XXe siècle le plus sanglant et le plus barbare de l’histoire humaine telle qu’on la connaît (ou que l’on croit la connaître). La seconde moitié du chiasme – soit le triomphe de l’individualisme & de l’hédonisme – caractérise le monde occidental depuis les années 1960 et, depuis les années 1980, la quasi-totalité des autres pays, débarrassés de l’ignominie marxiste et non touchés par la recrudescence de barbarie musulmane.
    De nos jours, toutefois, en zones (encore) riches et (presque encore) prospères d’Europe occidentale et scandinave, les deux parties de la phrase de Malraux (tirée de l’un de ses rares romans qui ne déclenchent ni la migraine ni l’hilarité du lecteur : Les Conquérants) s’appliquent simultanément.
    Une vie d’enfant poignardé ou assassiné par un voleur de voiture en cavale, une vie de clients de bar ou de magasin mitraillés, de femmes violées, puis parfois assassinées, de passants soufflés par une explosion, ne vaut manifestement rien, hormis les larmes de crocodiles des pantins de la politique et des pitres des media, qui, tous, connaissent l’origine de la plupart de ces crimes : le racisme anti-européen et le fanatisme musulman inutilement importés, pour complaire aux bienfaiteurs, sponsors, investisseurs islamo-pétroliers. Une fois pour toutes, il faut arrêter de distinguer les termes musulman et islamiste fanatique, puisque le Djihâd est ordonné à tout musulman en bonne santé par neuf sourates coraniques et, vis-à-vis des assassins non-musulmans, il faut cesser les arguties pseudo-humanistes concernant leur réinsertion.
    Puisque l’humanité souffre (ou semble souffrir) de surpopulation – ce sont des experts qui nous l’affirment -, les familles des victimes pourraient au moins espérer que les assassins capturés vivants soient exécutés, ainsi que leurs complices. Hélas, à ces meurtriers, à ces pervers, à ces fous furieux fanatiques sortis d’un cauchemar moyenâgeux, nos merveilleux politiciens appliquent la seconde partie du chiasme de Malraux.
    Rien n’est plus précieux que la préservation, dans une jolie prison dotée d’un tas d’avantages matériels, de la vie d’assassins, de fanatiques meurtriers, de psychopathes, d’alcooliques et de drogués dangereux, sans oublier les tueurs pervers, qu’on laisse ensuite sortir pour qu’ils puissent de nouveau donner libre cours à leur criminalité, à leurs perversions, à leur capacité illimitée de nuisance, inscrites dans leur génome et non réprimées par une conscience éthique, par définition inexistante chez ces rebuts de l’humanité.
    Une seule conclusion s’impose : l’espèce humaine n’a pas progressé moralement depuis l’aube des temps historiques. Au moins, nos ancêtres savaient-ils qu’il n’est pire bête féroce que certains êtres humains et qu’une bête nuisible doit être éliminée. Cette antique sagesse, fruit du plus élémentaire bon sens, a disparu, anéantie par une naïveté confinant au crétinisme. Et même les Suisses, que l’on a connus mieux inspirés, se laissent convaincre par une propagande absurde de ne pas expulser les immigrés criminels, à défaut d’en débarrasser définitivement le genre humain.
    Ces tristes constatations, bien en phase avec notre époque où les dingues triomphent à la ville et aux écrans, petits et grands, poussent tout naturellement à évoquer un autre aphorisme de l’auteur cité en introduction. Pour qualifier les contorsions mentales des pitres pseudo-humanitaires actuels, on ne peut en effet mieux faire que de soupirer avec Malraux : « C’est là où l’extrême subtilité affleure mystérieusement le niveau de la connerie ».

    Docteur Bernard Plouvier

    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2016/02/29/une-vie-ne-vaut-rien-rien-ne-vaut-une-vie-5767144.html

  • La Révolution de l’imaginaire

    Par Georges Gondinet pour Totalité n°12, été 1981.

     L’œuvre de John Ronald Reuel Tolkien a suscité, dans les pays industrialisés, un nombre remarquable d’enthousiasmes. L’importance de ces derniers n’a plus besoin, depuis longtemps, de démonstration : elle se constate. Tolkien a certainement dépassé le chiffre incroyable de cinquante millions de lecteurs dans le monde entier. Traduite en plus d’une dizaine de langues, de l’Extrême-Orient à l’Amérique latine, souvent publiée sous forme de livres de poche, son œuvre gagne un public de plus en plus étendu(1). Son cas littéraire, nous explique Marco Tarchi, « dépasse-les dimensions horizontales de la génération, impliquant enfants et adultes, et les dimensions verticales de la classe ou de la profession, touchant les étudiants, les ménagères, les professions libérales, les employés». Cet engouement prodigieux a bien sûr été accompagné d’une commercialisation particulièrement efficace et, devons-nous ajouter, rentable. Dans un pays extrêmement apte à récupérer et soumettre aux lois dumarketing et du profit les événements culturels (nous voulons évidemment parler des États-Unis), le « mythe » Tolkien a donné naissance à des calendriers, des badges, des cartes postales et même des tee-shirts(2). Comme le souligne pertinemment le critique italien Servadio, il ne manque que « les foulards de soie et les cravates Tolkien ».

    Pourtant, cette utilisation mercantile d’une œuvre riche en potentialités ne doit pas laisser place au soupçon. En effet, d’une part, le contenu des livres de ce délicieux conteur a reçu, en France tout du moins (et le présent dossier de Totalité voudrait commencer à combler cette lacune), peu de commentaires véritablement attentifs et enrichissants(3). Or, seule une lecture clairvoyante et débarrassée de certains préjugés peut permettre d’appréhender le monde créé par Tolkien comme porteur d’une vision traditionnelle du monde : toute interprétation « profane » ou conformiste d’un livre aussi puissant que Le Seigneur des Anneaux relève du détournement de texte et de l’obscurantisme rationaliste(4). D’autre part, s’il n’est pas nécessaire d’être un marginal pour lire Tolkien, il faut reconnaître que l’audience du Seigneur des Anneaux ne saurait s’expliquer sans les événements de mai 1968, les désillusions profondes de certains révoltés. Incontestablement, la perte de crédibilité du marxisme-léninisme a donné de fervents lecteurs à celui que l’on a appelé « le Seigneur des Légendes ». Du reste, si le lecteur ordinaire s’amuse en prenant connaissance des aventures de Bilbon et de Frodon, seuls les rebelles et les désespérés savent y trouver la capacité d’affirmation d’un monde différent, d’un univers excluant les pseudovaleurs de la société de consommation. Plus qu’un divertissement, ils en tirent une émotion réelle :

     « Déçus par les contradictions du progrès, jeunes de droite et de gauche, anarchistes de toute couleur, contestataires, y trouvent une profonde aspiration idéale au changement, à la construction d’un monde différent. » Marco Tarchi.

    Ainsi, la condition préalable pour recevoir le message tient dans le refus radical de la réalité dans laquelle nous vivons, la volonté de s’évader de la réalité officielle. Cette remarque explique le succès spectaculaire que Tolkien rencontre au sein de la droite radicale italienne, laquelle a déjà produit des interprétations originales et provoqué un mouvement culturel fructueux(5).

    « On peut même admettre que certains auteurs aient seulement voulu “faire de l’art”, et y soient parvenus, si bien que leurs productions semblent donner raison à ceux qui ne connaissent et n’admettent que le point de vue esthétique. Cela n’empêche cependant pas qu’en cherchant ainsi “à ne faire que de l’art”, et dans la mesure même où ils ont obéi à un élan spontané, c’est-à-dire à un processus imaginatif incontrôlé, ils aient aussi fait autre chose, qu’ils aient conservé ou transmis, ou fait agir, un contenu supérieur que l’œil expérimenté saura toujours reconnaître et dont certains auteurs seraient les premiers à s’étonner, s’il leur était clairement indiqué. » Julius Evola.

    Forgé jadis par Sauron de Mordor, Seigneur des Ténèbres, l’Anneau de Puissance doit lui permettre de dominer les possesseurs des autres anneaux magiques, d’imposer au monde sa loi :

    « Trois Anneaux pour les Rois Elfes sous le ciel,
    Sept pour les Seigneurs Nains dans leurs demeures de pierre,
    Neuf pour les Hommes Mortels destinés au trépas,
    Un pour le Seigneur des Ténèbres sur son sombre trône
    Dans le Pays de Mordor où s’étendent les Ombres
    Un Anneau pour les gouverner tous, un Anneau pour les trouver,
    Un Anneau pour les ramener tous et dans les ténèbres les lier
    Au Pays de Mordor où s’étendent les Ombres. »

    Mais l’Anneau Unique a disparu. Un Hobbit, Bilbon Sacquet, l’a retrouvé, emporté chez lui et confié à son cousin et fils adoptif Frodon. Ainsi commence l’une des œuvres les plus puissantes du siècle, Le Seigneur des Anneaux. La suite de la première partie, « La Communauté de l’Anneau », nous narre la décision que prend Frodon de quitter la Comté, sa patrie, pour faire échec à Sauron. Car si ce dernier s’empare à nouveau de l’Anneau, le règne de l’Ombre s’étendra partout à jamais. À travers des périls sans nom, menacés par les Cavaliers Noirs de Sauron, Frodon et ses compagnons parviennent, avec l’aide d’Aragorn le Rôdeur d’Eriador, à la Maison d’Elrond, à Fondcombe. Lors du grand Conseil d’Elrond, il est décidé de tenter la destruction de l’Anneau. Frodon se voit nommé Porteur de l’Anneau. Sa mission consiste à parvenir, coûte que coûte, à la Montagne de feu, en Mordor (pays de l’Ennemi), seul lieu où l’Anneau maléfique peut être anéanti. Il ne voyagera pas seul. Font partie de la Communauté de l’Anneau: Aragorn et Boromir, fils du Seigneur de Gondor, représentants les hommes ; Legolas fils du Roi des Elfes, pour les Elfes ; Gimli fils de Gloin du Mont Solitaire, pour les Nains ; Frodon avec son serviteur Samsagace et ses deux jeunes cousins Meriadoc et Peregrin, pour les Hobbits ; enfin, Gandalf le Gris(6). Mais après bien des aventures et un séjour dans le merveilleux pays elfique de la Lorien(7), la communauté est obligée de se diviser.

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  • Le sens païen de nos fêtes

    Introduction
    Le présent exposé n'a pas pour but d'expliquer dans tous les détails les diverses fêtes européennes. Les coutumes et traditions varient et ont varié non seulement dans le temps mais également de région à région. Chaque fête pourrait d'ailleurs faire l'objetd'une conféren­ce. Mon but est de montrer le sens général européen et païen des fêtes qui jalonnent notre calendrier. Pour beaucoup de gens, ces fêtes sont chrétiennes ou parfois laïques. En réalité, il n'en est rien. Les chrétiens, et après les laïcs, ont substitué ou essayé de substituer un sens chrétien à des fêtes éminemment liées à notre religiosité européenne qui n'a rien à voir avec les croyances des peuples du désert…
    L'exposé suivra un ordre chronologique.
    Chandeleur (2février)
    Pour l'Eglise chrétienne, il s'agit de la fête de la Purification de la Vierge et de la Présentation de Jésus au Temple. Dans la tradition populaire, Chandeleur vient du latin festa candelarum (fête des chan­delles).
    Explication chrétienne : on bénissait à cette date les chandelles dans les églises.
    Explication païenne : il s'agit d'une fête de la lumière. Au début février, on est à un mois du cycle de Noël/Jul, on commence à voir l'allongement des jours. Les lumières de la Chandeleur marquent ce retour du jour. Les Celtes célébraient à cette époque la germination et la levée des graines.
    Saint-Valentin (14 février)
    Le 14 février correspond à l'ancienne fête romaine des Lupercales en l'honneur du dieu Faunus (particulièrement actif sexuellement). Faunus avait à Rome une grotte consacrée "lupercales". Suivant la légende c'est là que la louve avait allaité Romulus et Remus. A cette époque, les Luperques (pontifes) vêtus de peaux de chèvre, faisaient le tour du Palatin et flagellaient, avec des lanières tail­lées en peau de bouc, les femmes pour les rendre fécondes.
    Dans la France d'antan, les godelureaux et les jouvencelles déposaient dans une urne un bulletin avec leurs noms. Les noms étaient tirés au sort par un couple et les jeunes gens se trouvaient liés symbolique­ment pour un an. Le jeune homme était le chevalier servant de la jouvencelle ...
    D'où vient le nom de Valentin ? Saint Valentin était un évêque de Terni qui aurait été décapité le 14 février. L'Eglise scandalisée par l'aspect grivois de la coutume susmentionnée l'a remplacée par quelque chose de plus austère : on tirait de l'urne un nom de saint doublé de maximes chrétiennes sur lesquelles on pouvait méditer (sic)...
    Carnaval
    Le mot vient de carne levare : ôter la viande.
    C'est la période où on enlève, on cesse de manger de la viande (Carême). En allemand le mot est "Fashing" qui vient de Faseln :Croître.
    En réalité le carnaval contient deux aspects fondamentaux :
    1. C'est la fête annonciatrice du printemps : l'hiver est brûlé symboliquement;
    2. C'est une fête exutoire : on se libère du collectif refoulé. En allemand on utilise l'expression sich ausleben (se vivre dehors).
    Les premiers rites du carnaval représentent un simulacre de combat, L’hiver, le passé contre le printemps, le futur.
    L'hiver était souvent représenté par un mannequin qui était brûlé. Ensuite avait lieu la « réception du printemps » qui était symbolisée soit par un autre mannequin, soit par une joliefille. La messagère du printemps.
    Cette messagère correspond au thème de la fiancée du soleil qui attend tout l'hiver son héros (tradition indo-européenne).
    Ce héros solaire arrive auprès de sa fiancée, après avoir franchi des obstacles, et la réveille d'un long sommeil (comme la nature est réveillée après le long sommeil de l'hiver). C'est le thème de la Belle au Bois dormant.
    Le sens a ensuite glissé : on ne brûlait plus l'hiver, mais le carna­val lui-même. Cette exécution n'annonce plus le printemps mais le carême. On est passé de l'idée de bannissement de la mort à celle de bannissement de la vie : fais provision de bombance, car bientôt c'est fini de rire !
    Les masques et les déguisements représentent le souvenir de cette grande mascarade qui représentait le bannissement de l'hiver. Il s'agit en même temps d'une dérision systématique de l'ordre social. Ce n'est cependant pas le désordre social, mais un exutoire qui permet de rendre l'ordre social plus supportable, de se libérer des tensions.
    Pâques
    La fête de Pâques coïncide plus ou moins avec l'équinoxe de printemps. C'est la fête de l'éternel retour du printemps : la vie renaît, une nouvelle ardeur saisit la nature. Pour le christianisme qui a horreur de la nature, on remplace la résurrection de la nature par la résurrection du Christ !
    Pâques dérive de l'hébreu « pesach » qui signifie passage. En allemand c'est Ostern, en anglais Easter. Suivant Bede le vénérable, ce mot dériverait du nom d'une déesse germanique : Ostara.
    Certains auteurs doutent cependant car on ne trouve pas d'autres traces de cette déesse. Il s'agit peut-être d'unqualificatifpluriel désignant plusieurs dieux comme les Parques, les Muses, les Grâces, les Walkyries etc. ...
    Pâques est fixée le premier dimanche après la pleine lune qui a lieu, soit le jour de l'équinoxe de printemps (le 21 mars), soit aussitôt après cette date.
    La coutume des rameaux rattachée à l'entrée de Jésus à Jérusalem se superpose à l'ancienne coutume païenne des coups donnés avec des branches de verdure au bétail pour favoriser sa fécondité.
    Les oeufs de Pâques symbolisent la renaissance de la nature.
    Dans l'Antiquité préchrétienne, l'oeuf a un sens mystique relatif à l'ori­gine du monde. Après la christianisation, on a fait de l'oeuf le symbole de la résurrection annuelle (sic) du Christ.
    Au Moyen-âge, il y avait de nombreuses fêtes de l'Oeuf. En Angleterre, l'évêque apportait un oeuf dur à l'église. Lors des chants, il le lançait aux choristes qui le rattrapaient et se le renvoyaient pendant la durée du chant. A la cour de Louis XIV, les oeufs de Pâques étaient accom­pagnés de poèmes libertins.
    La coutume des cloches de Pâques vient d'Alsace et du Palatinat. Les cloches des églises partent à Rome chercher des oeufs de Pâques. Cela venait du fait qu'on ne sonnait plusles cloches les jours précédents Pâques.
    Dans les traditions européennes, ce ne sont pas toujours les cloches qui apportent les oeufs. C'est parfois le renard, la cigogne, le coq, la poule, mais surtout le lièvre ou le lapin.
    Ce lièvre on le retrouve en chocolat dans les boulangeries. Le lièvre est en relation étroite avec la lune. La lune est liée à la fécondité. Le cycle de lune est d'ailleurs le même que le cycle menstruel de la femme. Dans la tradition germanique, le lièvre est également celui qui montre le chemin, c'est un animal de transition (cf. Alice au Pays des Merveilles). Il assure la transition entre le monde des hommes et le monde des dieux.
    Dans de nombreuses traditions, le lièvre pond des oeufs. Il y a un rapport lune-lièvre-fécondité. Le rapport du lièvre et du lapin avec la fertilité et la sexualité se retrouve dans de nombreuses expressions populaires à caractère libertin : en français : le « chaud lapin », en allemand « rammeln » qui signifie s'accoupler, être en rut et qui s'applique aux lièvres et aux humains dans l'argot populaire. Animal lié à la sexualité, l'Eglise a déclaré la guerre aux lapins. Il devient emblème du péché. En 751, Saint Boniface décrète l'inter­diction de manger du lièvre à Pâques. Cette interdiction sera renou­velée par -le pape Zacharie, mais elle ne sera pas suivie par la popu­lation.
    Nuit des Walpurgis (30 avril au 1er mai)

    Dans l'ancienne Germanie, on croyait que les dieux et les déesses de la fécondité se répandaient dans la nature à cette époque. Lorsque les fêtes païennes du printemps furent interdites par l'Eglise chré­tienne, des hommes et des femmes fidèles à leur ancienne foi conti­nuaient à célébrer leur culte en cachette, la nuit dans les forêts ou au sommet des montagnes.
    C'était particulièrement le cas lors de cette nuit du 30 avril au 1er mai. L'Eglise va alors discréditer ces gens : dans la tradition chrétienne, la nuit des Walpurgis devient la nuit pendant laquelle les sorcières tiennent leur sabbat ! Ces sorcières étaient en réalité des païens assimilés à de demi-démons. En allemand, Hexe (sorcière) vient de Hagalfrau (femme sage). Les sorcières, femmes au courant des anciennes traditions, vont être atrocement persécutées par les chrétiens.
    Walpurgis était une missionnaire anglaise fêtée au début le 25 février puis la fête fut déplacée pour supplanter les fêtes païennes.
    Comment la population assimila-t-elle cette fête d'une évangélisatrice à l'ancien festival païen ?
    - soit les attributs de Walpurgis étaient les mêmes que ceux des anciennes divinités.
    - soit il s'agissait d'une sorte «d 'antidote » pour protéger de la sorcellerie.
    Fête du Mai
    Mai vient du latin majus, mois de la déesse Maia qui correspondrait à Feya. Dans l'Europe païenne, ce mois marquait la victoire du prin­temps sur l'hiver. Le 1er mai, avaient lieu de nombreux rites repris aujourd'hui par les sociaux-démocrates (fête du Travail depuis 1889).
    Chez les Celtes, c'était la fête de Beltaine. On célébrait le dieu Lug lors de grandes assemblées druidiques. L'arbre de mai est l'équi­valent du sapin de Noël. C'est une coutume très ancienne qui plonge ses racines dans la nuit des temps du paganisme européen. En 1225, un prêtre fanatique abattit un arbre de mai autour duquel le peuple dansait. Le peuple résista et planta un autre arbre encore plus haut ... L'arbre est coupé dans la nuit du 30 avril. Il est dépouillé de son feuillage à l'exception du faîte. Ensuite il est planté au centre du village. Tout autour avaient lieu des chants et des danses. Significativement, les Arbres de mai furent interdits en Angleterre et au pays de Galle par les puritains en 1644 ...
    Dans la tradition on déconseillait les mariages pendant le mois de mai. Vraisemblablement parce que c'était le mois de la séparation entre l'hiver et l'été et par analogie le mois de la dissociation des contraires ...
    Solstice d'été (21 juin)

    Situé entre les semailles et les récoltes, le solstice d'été est la contrepartie estivale du Jul. C'est la fête de la journée la plus longue, pour les chrétiens : la Saint-Jean.
    Les feux de joie se répondent de colline en colline, feux qui sont en corrélation avec la chaleur du soleil. C'est aussi une fête de la fécondité : les fiancés sautent au-dessus du feu; des roues enflammées dévalent les pentes des collines, et parcourent les champs : elles symbolisent le soleil fécon­dant les sillons. La fête du solstice d'été est typiquement indo­européenne.
    Coutumes des moissons
    A la fin août, de grandes fêtes célèbrent (encore actuellement dans les campagnes) la fin de la moisson. Au cours de ces fêtes on dansait beaucoup. Ces danses avaient deux buts :
    - remercier le dieu de la fécondité (ensuite un saint chrétien) de la bonne récolte.
    - fêter la fin du dur labeur.
    Une coutume consistait à laisser dans le champ une gerbe pour le dieu ou le saint. Jusqu'au XVIIième siècle, cette gerbe était encore dédiée à Wotan/Odin
    Samhain (1er novembre)
    Chez les Celtes, la fête du Samhain était une des plus importantes de l'année celtique. Des bûchers étaient allumés sur les collines en l'honneur de l'uniond'un dieu avec la déesse des enfers Morrigu.
    On disait qu'à cette époque le monde des vivants entrait en communication avec le monde des morts. Les morts revenaient dans leurs anciennes demeures pour s'y réchauffer et s'y alimenter. C'était un temps de grand danger et de vulnérabilité spirituelle. Des rites importants à caractère divinatoire et magique avaient pour but de conjurer le mauvais sort.
    La toussaint (fête de tous les saints) chrétienne était célébrée à l'origine le 13 mai. En 835, elle fut transférée le 1er novembre afin de supplanter le Samhain.
    Saint-Nicolas (6 décembre)
    Cette fête prend place dans le cycle de Noël/Jul. C'est à l'époque où on abattait le porc. Ce porc se retrouve encore en massepain dans les boulangeries.
    C'est également la fête des enfants où Saint-Nicolas joue un rôle de gratification/sanction. Saint-Nicolas est l'héritier d'un ensemble de croyances païennes liées à la fertilité. En suisse, Saint-Nicolas passe pour être lié à Sainte-Lucie déesse de la végéta­tion. Les verges du père Fouettard trouvent leur origine dans les rameaux de fécondité. Saint-Nicolas (cousin du Père NOËL) fait aussi penser au dieu Wotan/Odin. L'âne serait une dégénérescence de Sleipnir, le cheval à huit pattes d'Odin.
    Noël-Jul
    C'est la fête indo-européenne du solstice d'hiver. Chez les Germains, Jul c'est plus que le 25 décembre : c'est l'époque qui va de fin no­vembre à début janvier. Jul signifie roue. C'est en effet à ce mo­ment que l'année tourne, bascule. En allemand, Noël c'est Weinachten. Le mot est au pluriel car il désigne les 12 nuits sacrées (du 25 décembre au 6 janvier). Suivant la tradition germanique, Wotan(Odin) parcourt les bois et les champs avec son armée de morts pendant ces 12 nuits. Les Slaves ont une tradition comparable.
    Wotan rassemble ses guerriers et les entraîne à la rencontre des démons. Le dieu veille au déchaînement des forces et à l'ordre du monde. Il attire sur lui les puissances chtoniennes et démoniaques qui rôdent dans la nuit et lorsque les sonnailles de l'armée infernale s'élèvent dans les nuits d'hiver, les hommes savent qu'il est là qui chasse sans fin dans les tempêtes du vieux monde. Alors, rassurés, ils songent aux saisons à venir, à l'année qui commence, aux glaces qui vont fondre, à la fertilité des femmes et des champs.
    Ce thème se retrouve dans le mythe de la chasse sauvage. Elle est le plus souvent à la poursuite d'un cerf. Le cerf est dans la tradition européenne un animal sacerdotal, le cheval un animal guerrier et le porc un animal producteur. La personnification de ces animaux se re­trouve dans le langage. Ainsi on parle de pied de porc, de biche etc
    La période du Solstice d’hivers c’est la grande pause créatrice : on ne travaille pas. Tout ce qui tourne s’arrête. C’est la paix de Jul, la Julfriede. Les chrétiens l’ont reprise en instaurent la trêve de Noël. On trouve une première mention de l'arbre de Noël à la fin du XV° siècle en Alsace. Il va se répandre progressivement en Allemagne, en Autriche, en France, en Belgique etc ... L'origine remonte vraisem­blablement à la nuit des temps païens.
    L'arbre est important dans la religiosité indo-européenne.
    Ainsi, selon la mythologie nordique un arbre puissant serait à l'ori­gine de la vie. Ses racines embrassent la terre et ses rameaux sup­portent la voûte céleste : c'est Yggdrasill le frêne du monde. L'Eglise va réagir contre le sapin de Noël. En 1933, 1'Osservatore romano (journal du Vatican) le considère, avec raison d'ailleurs, comme une coutume païenne.
    Le Père Noël a une origine incontestablement païenne. Pour certains, il s'agirait du dieu celte solaire BELEN, pour d'autres de Wotan. Les rennes font penser à Sleipnir, le cheval à huit pattes d'Odin/Wotan.
    La distribution de cadeaux renverrait à un ancien rite de fertilité et de fécondité.
    Les prêtres n’aiment pas le Père noël, en 1952, ils ont organisé sa pendaison symbolique à Nancy. Mais il continue plus que jamais à vivre.
    La naissance du crucifié n'était pas fêtée à l'origine par les chrétiens. En 375, elle fut fixée au 25 décembre pour supplanter la fête romaine du dieu solaire MITARA.
    Débarrassons-nous des fadaises chrétiennes et revivons le sens réel et païen de nos fêtes.
    Le 27 février 1987

    Roland VAN HERTENDAELE
    Adresse de contact :
    CERCLE COPERNIC
    B.P. 613 - Centre Monnaie 1000 Bruxelles
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