Alors que les gilets jaunes continuent de taper dans les casseroles, au lendemain de la Marche pour la vie, et alors que le spectre de la PMA pour toutes se rapproche, Éric Zemmour soulève, dans Le Figaro Vox, LA question : y aura-t-il convergence des luttes ?
Pour Éric Zemmour, « les héritiers de la Manif pour tous doivent choisir leur camp. Rejoindre l’alliance des bourgeoisies, ou suivre la révolte des classes populaires ».
Sur quoi parier ?
La France des gilets jaunes ne verse guère dans le sociétal. Elle a fait, jadis, bon accueil à l’hédonisme de Mai 68, qui a rencontré un désir de supplément de vie facile auquel aspiraient ces Français « modestes ». Elle a aussi abandonné la religion, dans laquelle elle ne voyait plus qu’une suite d’interdits contraignants, ne gardant qu’une religiosité sentimentale, trop superficielle pour passer les générations. Elle a, d’ailleurs, en général, peu d’enfants auxquels elle a peu transmis, laissant ce soin à l’Éducation nationale et à la télé. La télé était même devenue l’hôte permanent, distillant toute la sainte journée la doxa : la détestation dont elle fait soudain l’objet n’est pas un hasard, comme un compagnon pervers narcissique qui vous a longtemps envoûtée et que, soudain, vous voulez chasser de votre vie.
Si cette France rechigne, par instinct et bon sens, à se dissoudre dans le mondialisme qu’on lui impose, elle n’a pas les outils pour en protéger sa progéniture, elle peine à conceptualiser son point de vue et, donc, à le défendre. Elle ne l’exprimait, de loin en loin, jusqu’à présent, que par son bulletin de vote : étant secret, elle n’avait pas à justifier.
Qu’en est-il de la France dite conservatrice ? Dans le journal allemand Der Spiegel, Michel Houellebecq évoquait, il n’y a pas si longtemps, « le remarquable retour du catholicisme ». Les manifestations contre le mariage pour tous ont été, pour lui, « l’un des moments les plus intéressants de l’Histoire récente » : « C’était un courant souterrain qui est remonté soudainement à la surface. »
On reproche souvent aux catholiques français d’être « bourgeois ». C’est, en effet, surtout dans ces familles qui avaient un habitus, comme dirait Bourdieu, de transmission qu’a été conservé cet héritage impalpable : la religion.
Michel Houellebecq n’a donc pas tort, c’est bien de « courant souterrain » qu’il faut parler. Depuis les années 70, la foi catholique, comme une petite flamme tremblante, a été transmise dans certaines familles (pas toutes, nombre de baby-boomers – les foulards rouges d’aujourd’hui ? – ont abandonné la part immatérielle du patrimoine), et hors de tout écran radar. Non par goût du secret, mais parce que les médias ne parlent jamais d’eux, ou parce que diabolisés (confer la tempête Bellamy). Ils ont pris l’habitude de faire profil bas.
LMPT a initié une porosité entre diverses « chapelles » qui se toisaient en chiens de faïence. Comme les gilets jaunes, sur les ronds-points, ils ont fraternisé sur le pavé, formant désormais une force de frappe, toujours policée, mais d’une redoutable efficacité. Ils ont, ainsi, récemment fait tourner à leur avantage les États généraux de la bioéthique et la consultation du CESE.
Cette France, en sus… est en forte croissance démographique : on aura noté que si les foulards rouges sont plutôt âgés (même le JDD l’a remarqué), les gilets jaunes des adultes faits, la Marche pour la vie est extrêmement jeune.
Pour Christophe Guilluy, en 2013, LMPT appartenait à l’élite mondialisée. Est-ce bien vrai ? S’ils possèdent les codes de la bourgeoisie huppée, on pourrait appeler cela souvent de la misère dorée. Si, du fait de leurs études et de leur métier, ils sont plus favorisés que les gilets jaunes, si une certaine forme d’éducation les rend réticents à descendre dans la rue pour réclamer de l’argent, ils ont pris les réformes fiscales et familiales de plein fouet. Leur ribambelle d’enfants, en les appauvrissant matériellement, les a purifiés et détournés d’un vice de caste : le goût du lucre, moins catholique que protestant – comme ce libéralisme qui leur est souvent reproché. Ils gardent un attachement à l’immobilier – synonyme d’enracinement – qui, lui aussi, n’est pas financièrement encouragé. Ils sont, comme dirait David Goodhart, les some : somewhere et something, de quelque part croyant en quelque chose, contre leurs cousins anywhere et anything.
Et pour tout cela, entre le vison et le nylon (ignifugé), ils pourraient bien choisir un jour la deuxième option : différents des gilets jaunes, mais complémentaires.
http://www.bvoltaire.fr/eric-zemmour-somme-les-heritiers-de-lmpt-de-choisir-leur-camp/